[2 mai] Le devoir de mémoire

Un coup d'oeil autour d'elle permis à Margot de voir que les hostilités commençaient à se calmer. Les quelques élèves qui étaient en vue se dirigeaient plus ou moins facilement vers le château. Au loin, elle reconnut Harry Potter et son groupe qui semblaient sur le point de prendre le dessus de leurs opposants. Aussi, ce fut avec soulagement qu'elle entendit Samuel diriger leur petit groupe vers le château. Astucieusement, il transforma une chaussure en portoloin et quelques secondes plus tard, ils se trouvaient tous entre les murs rassurants de Poudlard. Aussitôt, le sens des responsabilités de Margot reprit le dessus.

La Grande Salle était occupée de manière chaotique par les élèves et les membres de leurs familles venus pour la cérémonie. Il y avait plusieurs blessés mineurs mais au premier coup d'oeil elle ne vit personne gravement en danger. Les quelques rares adultes étaient occupés à rassurer ou à soigner, mais il n'y avait pas de figure d'autorité. Margot ressentit une pointe d'angoisse à la pensée de Minerva qui devait se trouver au milieu du parc. La directrice avait beau être une héroïne de guerre et une remarquable sorcière, elle n'en était pas moins une vieille dame... Enfin, elle s'inquiéterait plus tard. Sans se préoccuper plus de Georgiana et de Bryan, elle remercia Samuel d'un regard pour son aide salutaire et entreprit de traverser la Grande Salle.

Sur son chemin, elle croisa Jeremy Baker qui traînait entre la table des Serdaigle et des Poufsouffle, cherchant visiblement quelqu'un.

"Baker", l'interpella-t-elle, "vous avez mis cette petite fille en sécurité ?"

Le Gryffondor hocha la tête d'un air un peu perdu. Bon, il était loin d'être l'élève préféré de Margot, qui aurait bien aimé avoir Sophie Kirte sous la main... Mais il ferait l'affaire. Après tout, c'était bien le genre d'élèves qui se faufilait dans les couloirs après le couvre-feu.

"Vous savez où sont les cuisines ?"

"Euh..."

"Oh, je vous en prie, ne faites pas semblant de ne pas savoir. J'ai besoin que vous alliez parler aux elfes. Ramenez une dizaine d'elfes avec vous dans la Grande Salle, ils sauront s'occuper des blessés. Dites aux autres de préparer à manger et à boire pour tout le monde. Des chocolats chauds, ce genre de chose."

Le jeune homme acquiesça de mauvaise grâce, peu ravi d'être à nouveau chargé d'une mission par l'enseignante, puis se dirigea vers la sortie. Margot continua sa route jusqu'au bout de la salle et, une fois parvenue à la table des professeurs, pointa sa baguette contre sa gorge.

"Sonorus."

Elle fit face à la salle et prit la parole. Sa voix, magiquement amplifiée, en fit sursauter plus d'un.

"Votre attention, s'il-vous-plait. Je n'ai malheureusement pas d'informations à vous donner sur la nature des combats et sur l'identité des agresseurs, mais il semblerait que l'attaque soit sur le point d'être réfrénée. Des elfes de maison vont venir s'occuper des blessés, mais s'il y a des blessés graves, je vous demanderai de bien vouloir me les signaler."

Margot marqua une légère pause, parcourut la salle des yeux puis, en l'absence de réponse, reprit la parole :

"L'urgence maintenant va être de vérifier que tous les élèves sont bien rentrés en sécurité dans le château. Je vais vous demander de vous asseoir à la table de votre maison, avec votre famille. Les préfets et préfets-en-chef, veuillez venir me trouver s'il vous plait."

Elle annula le sort qui amplifiait sa voix et attendit que les préfets la rejoignent, puis donna ses instructions. Elle envoya les deux préfets en chef dans le bureau de la directrice pour y trouver la liste complète des élèves, et ordonna aux préfets de faire la liste des élèves présents dans la salle. Ensuite, ils compareraient pour voir qui manquait.

Une fois toutes ces instructions données, elle s'appuya contre la table des professeurs et regarda le chaos pendant une minute. La salle était pleine de jeunes plus ou moins amochés et apeurés qui se dirigeaient vers leur table. Bon, et maintenant, que pouvait-elle faire ? Elle commença à traverser la salle en sens inverse dans l'idée de trouver Samuel. Peut-être avait-il des informations à lui partager ou des idées pour gérer ce chaos... Mais elle ne parvint pas jusqu'à son collègue puisque des parents d'élèves furieux commencèrent à l'enguirlander, au motif que "c'était inadmissible", que "Poudlard avait été laxiste sur la sécurité" et que "mais où est donc la directrice, pourquoi parlons-nous à une sous-fifre ?". Ah, les parents d'élèves, ou la grande joie du métier d'enseignant...

Après avoir terminé de disputer copieusement le Gryffondor qui avait manqué de la faire griller, Chloé chercha O'Connor des yeux, se demandant ou il avait bien pu passer. Son sang se glaça en constatant qu'il se dirigeait vers Maéva, mais à sa grande surprise, il l'aida. Sonnée, la professeure voulu se précipiter avant qu'une idée moins miséricordieuse traverse l'esprit du Serpentard mais elle trébucha sur un élève et perdit la scène de vue. Elle remarqua que l'élève en question était censé être parti cinq minutes plus tôt par un Portoloin qu'elle avait fabriqué elle-même. Furieuse contre lui, car le temps qu'elle se relève, Darren et sa fille avaient disparu, elle attrapa une nouvelle pierre, la fourra dans les mains du Serdaigle et du septième année de Gryffondor qui l'accompagnait encore.

"Vous vous prenez vraiment pour n'importe qui" éructa-t-elle à l'attention du blessé. "Quand un professeur vous dit de partir, vous obéissez, surtout dans cette situation. Non mais je me demande bien où vous avez la tête, vous êtes un vrai danger public! C'est un champ de bataille, pas une foire aux elfes! Grayson, veillez à ce qu'il atterrisse à l'infirmerie et qu'il n'en sorte pas!"

Elle attendit que les deux élèves aient disparu, pour être sûr que le Serdaigle soit soigné correctement, avant de reprendre sa course. Chloé songea vaguement qu'elle y avait été un peu fort avec le premier élève et nota dans un coin de sa tête d'aller vérifier qu'il était bien soigné de manière plus civilisée plus tard. Mais ce n'était pas le moment. Elle ne voyait plus sa fille et cela l'inquiétait. Le combat avait beau se calmer, elle pouvait être n'importe où. Songeant que plus vite le danger serait éliminé, plus vite elle serait fixée sur le sort de Maéva, elle reprit son but premier et se dirigea vers la stèle où le Ministre et Minerva combattaient encore. La directrice était pâle et bougeait pas, entourée de deux Aurors confirmés, mais ses sorts faisaient mouche.

Bientôt, elle pu apercevoir l'équipe dirigée par Ron Weasley qui se dépliait pour encercler les derniers attaquants. Certains fuirent, étant par chance proche du bord. D'autres attrapèrent des élèves ou invités toujours perdus au milieu de la foule, les prenant en otage. Ces derniers hurlèrent, pris de panique, mais la plupart des Aurors assommèrent les attaquants sans même sourciller. Chloé se chargera de récupérer les élèves restants et partit en direction du château avec quelques autres adultes.

Lorsqu'elle franchit les portes de la Grande Salle, tout son courage l'abandonna d'un coup. La jeune femme lâcha les derniers élèves qui coururent retrouver leurs proches et s'appuya un instant contre le chambranle pour reprendre son souffle. Elle n'avait aucune idée du temps qu'avait duré cette chose qu'elle ne savait pas comment qualifier, mais c'était suffisamment long. Le début de la journée lui paru être des siècles plus tôt. Lorsqu'elle eut repris le contrôle de son cerveau, elle se redressa et se dirigea droit vers la table des Gryffondor.

Margot terminait son annonce quand elle retrouva enfin Maéva, blottie dans les bras de son père. Oubliant son antipathie pour celui-ci, elle se précipita sur sa fille.

"Maéva! Maéva! Tu m'as fait la peur de ma vie! Tu étais en sécurité, désillusionnée derrière cet arbre, pourquoi as-tu bougé, par Merlin! Et je ne te voyais plus, je ne savais plus quoi faire! Heureusement que tu es saine et sauvre... !" Tout en caressant la tête de sa fille, elle fusilla son ex-mari du regard, articulant des reproches silencieux . Puis un élève réclama son attention et elle se souvint qu'elle était la directrice des Gryffondor. Sur un dernier baiser à sa fille, elle les quitta sur un menaçant "Et ne t'avises plus de la perdre!".

Chloé remonta la table de sa maison, notant que celle-ci était bien remplie et qu'aucun de ses élèves ne semblait être sérieusement blessé. Rassurant les plus jeunes de son mieux, elle affirma aux parents que la bataille se terminait et qu'ils ne risquaient rien. Ceux-ci ne la crurent évidemment pas et elle se félicita de ne pas être à la place de Minerva qui allait devoir calmer les esprits angoissés.

Après un moment, elle atteignit Margot qui avait organisé le comptage et se retrouvait entourée d'une marée de parents furieux. Jouant de coudes pour arriver jusqu'à sa collègue, elle lui murmura:

"C'est bientôt terminé dehors, je crois avoir ramené la dernière vague. Minerva arrive. Je crois qu'il n'y a qu'un Serdaigle sérieusement blessé et je l'ai envoyé à l'infirmerie. En espérant qu'il y reste. Autre chose à régler?"

L'ordre régnait enfin dans la Grande Salle lorsque deux personnes y pénétrèrent, suscitant exclamations de joie et applaudissements nourris. La directrice, Minerva McGonagall, et le ministre de la magie, Kingsley Shacklebolt, venaient de faire une entrée remarquée. L'un comme l'autre semblaient ébranlés mais en bon état et affichaient un air rassurant. Le silence se fit très vite parmi les élèves, chacun anxieux à l'idée du bilan de cette attaque et impatient d'en savoir plus sur leurs mystérieux agresseurs.

Ce fut la directrice qui prit la parole :

"L'attaque a cessé, les attaquants ont été arrêtés par les forces de l'ordre."

Une vague de soulagement envahit la foule, puis l'attention se focalisa à nouveau sur Kingsley et Minerva. Le ministre prit le relais :

"Nous ne sommes malheureusement pas encore en mesure d'identifier les opposants. Harry Potter et son équipe se chargent en ce moment même de les interroger pour savoir de quoi il en retourne. Nous vous tiendrons bien évidemment informés. Je tiens à féliciter personnellement les élèves qui ont fait preuve de courage, ainsi que les professeurs qui ont permis une évacuation rapide et dans la discipline. Le ministère fera tout ce qui est en son pouvoir pour savoir ce qu'il s'est passé aujourd'hui. Une enquête sera ouverte."

Aussitôt le discours du ministre terminé, celui-ci fut assaillit par des parents d'élèves en colère, libérant au passage les enseignants. Ces derniers se réunirent autour de la directrice et s'assurèrent avec l'aide des préfets que tous les élèves étaient bien sains et saufs. Certains parents, inquiets pour la sécurité de leurs enfants, voulurent les ramener chez eux. Exceptionnellement, cette requête fut acceptée et c'est ainsi que certains élèves rentrèrent à la maison pour la soirée.

Les elfes de maison arrivèrent pour soigner les blessés, et un solide déjeuner apparut sur les tables. Bientôt, on pouvait croire que la normalité était revenue à Poudlard...à condition de ne pas y regarder de trop près.

Le lendemain, les exemplaires de la Gazette du Sorcier passèrent entre toutes les mains.