Claudiquant sous le poids de son sac, rempli de son matériel de potion, de parchemins, de son manuel et d'autres affaires nécessaires pour la suite de la journée, Ciáran entra péniblement dans la salle de classe. La dernière fois, le professeur Adamson leur avait annoncé que la préparation d'aujourd'hui était notée. Alors qu'il n'avait pas prévu de réviser quoique ce soit, c'était de la pratique après tout, comment pouvait-il préparer cela ? Ciáran avait finalement mit le nez dans ses notes - malheureusement incomplètes - et son bouquin, en voyant que la plupart de ses camarades le faisait. Aussi, il avait relu la préparation et les quelques conseils que le professeur avait donné des premières potions qu'ils avaient étudié, tel que la potion d'enflure ou le remède contre les furoncles... Puisqu'il s'agissait des deux qu'il avait le plus relues, Ciáran espérait que la préparation d'aujourd'hui porterait sur celle-ci, même s'il se doutait bien, qu'au final, ces relectures ne l'aideraient pas en grand chose. Le petit garçon, s'il comprenait tout à fait les effets des ingrédients ou les étapes de préparations, se laissait malheureusement détourner de son attention en plein mélange, ce qui lui portait préjudice. Seulement, déterminé à s'améliorer, le Poufsouffle participait à chaque fois du mieux possible et, ces derniers temps, il arrivait même à finir ses potions sans anicroches ! Il espérait que ce serait également le cas aujourd'hui...
Déposant son sac aux pieds de sa table habituelle, au fond de la classe, éloigné des camarades qui ne l'appréciaient peu et proche de la porte pour pouvoir sortir dès que la cloche sonnait - il espérait ainsi échapper aux croches-pieds maladroits suivis des éclats de rire et des " Merlin c'que t'es faible, O'Malley ! ". Puis, disposant tranquillement ses affaires sur sa table, Ciáran releva la tête vers le tableau et sourit en voyant le sujet de la préparation : la potion d'enflure ! En plus, il avait 2 heures, donc il aurait peut-être le temps d'en refaire une si, par malheur, il se laissait distraire... Mais s'il pensait comme ça, c'était certain qu'il allait se tromper ! Concentration !
Une fois qu'ils se furent tous installés et que le professeur Adamson lança le début du cours, leur souhaitant bon courage, Ciáran demeura un instant immobile, observant, le regard vide, le tableau. Il songeait qu'il avait vraiment perdu son temps pour rien, la veille, puisque la recette et les ingrédients de la potion étaient inscrits au tableau. Au lieu de passer la soirée à relire des notes, le garçon aurait pu jouer avec Scat Cats, son gros matou à lui et lire le roman,
Ulysse Moore, que sa grande soeur lui avait envoyé il y a quelques jours. Il parlait de trois enfants, friands d'aventures, qui allaient devoir résoudre des énigmes et vivre des choses incroyables pour découvrir le secret ! Ciáran adorait ce genre de livres, tout plein d'aventure et de mystère, où il s'imaginait être assez fort et agile pour être un des personnages. Il avait un peu commencé le livre, et c'était définitivement Jason son préféré, parce qu'il était vraiment drôle et semblait être le plus déterminé à vivre des aventures ! Mais Ciáran lisait un peu lentement, donc il n'avait pas beaucoup découvert de l'histoire, encore, et peut-être qu'il se trompait. En tout cas, Jason avait un nom trop cool, donc c'était son préféré, même s'il devenait nul par la suite...
" Dis, pourquoi tu commences pas ? "Surpris, Carián cligna précipitamment des yeux, revenant sur Terre. Mince, il s'était encore laissé aller ! Et il n'avait même pas commencé quoique ce soit ! Heureusement, il ne s'était passé que quelques petites minutes durant sa rêverie ; chaque seconde était importante, en potions. Il leva son regard vers la personne qui lui avait parlé, la jolie Maëva Hellsoft de Gryffondor, et rougit brusquement. Bafouillant, il répondit vaguement :
" Je réfléchissais... Enfin je vais m'y mettre... Je... Merci ! "Puis, se détournant brusquement, il se dépêcha d'aller prendre les ingrédients nécessaires, jetant un rapide coup d'oeil au tableau pour vérifier la liste. 2 mesures d'orties séchées, 3 yeux de poisson, 1 foie de chauve-souris ! Parfait, il en restait suffisamment parmi les ingrédients prêtés. Les saisissant avec un petit sourire ravi - ça faisait un peu aventurier de manipuler des trucs aussi bizarres ! -, Ciáran reprit rapidement sa place. Puis, pensif, il releva la tête vers le tableau afin de relire les instructions - c'était inutile, d'ailleurs, il les connaissait quasiment par coeur à force de les avoir relues hier ! - mais mieux valait être précautionneux. Donc.
C'était tout simple. Il fallait simplement qu'il prenne les orties, déjà mesurées... Voilà, deux mesures, et hop ! dans le mortier. C'était bizarre comme nom, un mortier. Pour Ciáran, c'était un bol, en vrai. Un bol pas beau, pas comme celui que sa grande-soeur lui avait ramené de Bretagne, quand elle était allée en France pour un voyage scolaire. Lui au moins, il avait des couleurs, et des dessins, et il était
super joli, pas comme celui-là, vraiment moche. D'ailleurs, son bol était vraiment pratique pour boire son lait froid, ou chaud si c'était pendant les vacances d'Hiver et de Noël, surtout au petit-déjeuner avec un morceau d'orange et un peu de brioche, même si le médecin disait que ce n'était pas bien... Un peu, ça ne tuait jamais, pas vrai ? En tout cas, la brioche, c'était vraiment bon. Il adorait tellement les sucreries, les pâtisseries et le pain ! Il aimerait en manger tout le temps, tout le temps, tout le temps ! Mais, avec sa maladie, c'était déconseillé... Alors Ciáran s'était juré que, quand il serait guéri, il prendrait une cochonnerie tous les jours pour rattraper tout le temps perdu !
Avec un petit sourire rêveur en s'imaginant manger du chocolat et même des bonbons en forme de crocodiles, Ciáran revint brusquement sur Terre en entendant le professeur Adamson annoncer qu'il restait une heure et demie de préparation. Sursautant, Ciáran adressa un regard affligé à son chaudron désespérément vide et se maudit de s'être encore laisser-aller. Puis, posant un regard noir sur le bol tout moche qui était à l'origine de cette déviation, Ciáran saisit le gros truc, qu'ils appelaient pilon, pour écraser les ingrédients. Les sourcils froncés, concentrés, il s'appliqua à bien écrabouiller les orties séchées et les yeux comme ils le demandaient, jusqu'à ce que le mélange forme une poudre moyenne. Se rappelant que, dans ses cours antérieurs, le professeur Adamson avait conseillé une poudre s'approchant de la poudre fine plus que de la moyenne, Ciáran décida de continuer de pilonner un peu, jusqu'à ce que le mélange ait l'effet souhaité.
Lorsqu'il eut achevé d'écraser tout ça, Ciáran s'autorisa un sourire fier. C'était juste comme il fallait ! Aussi, consciencieusement, afin de ne rien renverser et de prendre exactement ce qu'il fallait, le Poufsouffle pesa deux mesures du mélange qu'il venait de réaliser et les ajouta dans son chaudron. Comme toujours lorsqu'il réalisait une potion, il profitait pleinement de cette sensation de réaliser quelque chose d'extraordinaire, comme dans les films de sorciers qu'il regardait avec Moïra et Aisling. C'était excitant, enivrant, et Ciáran adorait ça. Finalement, même s'il avait pas vraiment d'amis ici et que sa famille était loin, c'était un peu comme s'il vivait une aventure de film dont il était lui-même le personnage principal... Trop la classe !
Ciáran réalisa brusquement qu'il ne fallait faire chauffer le chaudron pour atteindre le feu moyen souhaité qu'en 20 secondes or... Cela faisait 25 secondes ! Avec précipitation, il fit un petit geste de baguette, répété et longuement appris après tous les cours passés, pour stabiliser la chaleur du feu, et soupira. C'était moins une ! Après tout, 20, 25 secondes, c'était du pareil au même, non ? Surement que le professeur Adamson ne le remarquerait même pas ! Puis, jetant un coup d'oeil au tableau, il vit qu'il avait à présent 45 à 60 minutes à laisser chauffer le chaudron.
45 minutes ! C'était long, quand même. Qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir faire ? Saisissant un parchemin dans son sac, un peu jauni mais pas déchiré, Ciáran décida d'écrire un poème ; il adorait les poèmes ! C'était toujours des poèmes plein d'actions et d'aventures, de mystère et de beauté ; mais parfois aussi sur sa famille qui lui manquait, sur les amis qu'il n'avait jamais connu... C'était un moyen d'extérioriser ses maux, car il refusait qu'ils lui empiètent l'esprit. Et puis, un poème, c'était plus court qu'une histoire toute entière, et c'était mieux, parce qu'il n'aurait jamais eu le courage d'écrire autant que pour le livre d'Ulysse Moore, par exemple ! Il n'osait même pas imaginer combien de temps son auteur avait du mettre pour l'écrire... Et puis, il avait du avoir sacrément mal à la main, quand même !
Puis, haussant les épaules - après tout, ce n'était pas sa main qui avait souffert, il s'en fichait un peu en vrai -, Ciáran se pencha sur sa feuille, mordillant sa plume. Il ne savait pas trop s'il avait le droit de faire autre chose sans rapport avec le cours en attendant, mais comme il était au fond de la classe, peut-être qu'elle ne le remarquerait pas... Et puis, il fallait bien s'occuper ! Aussi, concentré, il se mit à rédiger quelques proses, ce qui lui passait par la tête, mais aussi d'autres choses un peu plus poétiques...
Et, rapidement, les quarante cinq minutes passèrent... Et furent même dépassées ! Lorsque Ciáran reposa sa plume, toute inspiration envolée, il vit avec horreur que cela faisait soixante-cinq minutes que son chaudron était sur le feu. Mince, mince, mince ! Et il avait dit qu'il ferait attention, en plus ! C'était pas possible, ça ! Est-ce qu'il était vraiment voué à se laisser aller dans son monde et oublier tout ce dont il devait se rappeler ? Sans plus se réprimander - il avait déjà assez gaffé et perdu de temps ! - Ciáran éteint rapidement le feu. Il observa avec méfiance l'intérieur du chaudron, comme s'il craignait qu'il lui explose à la figure, et fut soulagé en voyant que la couleur était quand même semblable à ce qui devait être obtenu... Peut-être un peu plus foncée, mais bon, ce n'est pas comme si ça allait se remarquer, pas vrai ?
Haussant les épaules - c'était fait, de toute manière - Ciáran saisit le foie de chauve-souris et, avec précaution, l'ajouta dans sa potion qui fit de grosses bulles. Suspicieux, il retint son corps de faire un mouvement en arrière, juste au cas où. S'il reculait, ça voudrait dire qu'il était certain d'avoir tout planté et... non ! Il ne voulait pas ! Il avait fait des efforts, quand même, il avait révisé hier et il était presque à temps pour tout, quoi ! Puis, une fois que les bulles se furent calmées, redonnant à la potion sa surface calme et plane, Ciáran saisit une grande cuillère en bois et, scrupuleusement, mélangeant... combien de fois déjà ? 4 ? 5 ? Relevant la tête pour vérifier au tableau, le garçon continua bêtement de mélanger dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, atteignant le cinquième tour. En réalisant ce qu'il faisait, et qu'il ne fallait mélanger que quatre fois, Ciáran suspendit son mouvement en se traitant intérieurement d'idiot.
" Zut quoi ! " s'exclama-t-il en ressortant la cuillère du chaudron, laissant le tour inachevé.
Bon, quatre et demi au lieu de cinq, ça n'était pas catastrophique, pas vrai ? Oui, surement. Pff, c'était trop nul, quand même, il y était quasiment ! Soupirant, Ciáran s'essuya le front et jeta un coup d'oeil au sablier magique, qui indiquait dix minutes environ. Soit. Il lui restait 10 minutes... Et il ne fallait plus que faire chauffer pendant quelques secondes ! C'était parfait ! Comme ça, il aurait le temps de bien chauffer, de prendre un flacon à rapporter au professeur et même de tout nettoyer pour pouvoir sortir dès que la cloche sonnerait. Il était trop fort, finalement !
Aussi, d'un coup de baguette magique, il fit chauffer son chaudron à feu doux, comptant mentalement les 20 secondes ... 15 ... 10 ... 5 ... 0 ! Fini ! Éteignant brusquement son feu, Ciáran s'approcha du chaudron et observa avec curiosité son résultat final. Bon, c'était pas exactement la même couleur que dans son bouquin, mais juste de quelques nuances, quoi, donc il était certain que Adamson ne chipoterait pas ! Après tout, c'était déjà inespéré qu'il ait fini sa potion, non ? Enfin, il n'était pas certain que le professeur pense comme lui, finalement. Haussant les sourcils, Ciáran décida que ce n'était pas grave, de toute façon, lui il était fier de lui, il avait fini sa potion ! Et à temps ! Enfin, maintenant, il ne restait plus que cinq minutes, alors il fallait qu'il se dépêche pour que le professeur Adamson ne lui refuse pas son flacon !
Remplissant en vitesse un échantillon, il se rapprocha du bureau, jetant un petit coup d'oeil par la même occasion aux flacons de ses camarades, haussant un sourcil devant certains résultats et se mordillant la lèvre devant d'autres. Il ne savait pas trop où il se situait, finalement... Il espérait que ça irait, en tout cas. Tendant son flacon au professeur Adamson, la main légèrement tremblante, il faillit la faire tomber, le lâchant avant que le professeur n'ait eu le temps de bien le saisir. Rougissant violemment, Ciáran baissa la tête devant le regard que lui lança le professeur - elle avait du craindre un instant de se retrouver toute enflée par la maladresse de son élève - et s'excusa en bafouillant. Puis, rapidement, il retourna à sa place et, dans un soupir, se laissa tomber sur sa chaise. Ca avait beau faire comme s'il était un super magicien de la mort qui tue comme dans les films, c'était quand même carrément épuisant de faire des potions !
Se dépêchant de ranger le matériel utilisé, nettoyant son chaudron d'un sortilège et vérifiant que le feu était bien éteint, Ciáran glissa hâtivement ses affaires dans son sac, mais oublia malencontreusement son parchemin gribouillé de poésie plus ou moins réussi sur son bureau, puisqu'il se précipita dehors dès que la cloche eut sonné. Il avait une heure de pause avant son prochain cours et comptait bien en profiter pour ne rien faire du tout avec son gros Scat Cats dans les bras. D'ailleurs, il était un peu trop gros ces derniers temps, il devrait peut-être lui faire faire un régime... Mais après, il ne ressemblerait plus au vrai Scat Cats pas vrai ? Et puis, de toute façon, c'était plus agréable pour les gros câlins... Il adorait lui faire des câlins, à son chat d'amour ! Et puis, Aisling et Moïra le tueraient, s'il faisait perdre du poids à son chat, pas vrai ?