[Potions] Tests de janvier

Pour la première fois de sa courte vie, le petit garçon était déterminé à travailler sérieusement. Il n'en revenait pas d'avoir pris cette bonne résolution, lui, Donald McWilde, premier du nom. Bien sûr, sa décision était le fruit de quelques facteurs : à savoir le plus important, la pression de ses parents. Ils lui avaient passé un savon pendant les vacances de Noël, souvenir cuisant que Donald n'était pas près d'oublier. Depuis plus de quatre ans, Sebastian et Laura McWilde avaient abandonné de lutter contre la capacité de concentration quasi inexistante de leur rejeton. Las de palabrer aux réunions avec son institutrice, ils s'étaient faits à l'idée qu'un aîné bon en maths leur suffisait amplement, et avaient donc revu leurs exigences vis à vis de leur cadet, qui de toute manière était un cas désespéré. Avant, Donald n'avait rien à faire des avertissements de ses géniteurs. Mais ça, c'était avant. En effet, sa note en dessous de zéro en Sortilèges – dont le Gryffondor était très fier, au passage – avait été un tournant décisif dans l'éducation de Donald, qui pourtant s'était escrimé à leur dissimuler l'information. Dorénavant, il devrait ramener la moyenne à la maison sous peine de restrictions. Et ça, c'était inconcevable.

Voilà pourquoi l'objectif du jour était de réussir l'épreuve pratique de Potions. Si Donald haïssait la théorie, il aimait bien la pratique, parce que faire une potion, c'était bien plus rigolo que la note qui suivait. Le plus drôle, c'était l'explosion – les trois quarts du temps. C'est pourquoi il s'était extrêmement bien préparé. Il avait pris à la bibliothèque un ouvrage d'étude avancée des potions – assez inutile puisqu'il n'avait même pas compris la première phrase du premier chapitre. Dans son sac informe, trois fioles de secours étaient coincées entre son rouleau de parchemin et sa chaussure trouée (objet qui s'était retrouvé dans son sac on ne savait trop comment). Bref, aussi bien équipé, il ne pouvait pas échouer. Ce serait simple comme bonjour. Comme une recette de cuisine. Il était très fort en cuisine : un jour, il avait voulu faire un soufflé au fromage – et malgré l'allure, la cuisson, la texture, l'apparence et le goût, toute la famille avait fini son assiette, et pour lui faire plaisir, sa mère s'était même resservie (prouvant ce soir-là qu'elle était la femme la plus courageuse de la planète).

Bouillonnant d'excitation – ce n'était pas tous les jours qu'il se sentait prêt à passer un test –, le Gryffondor alla s'asseoir à sa place habituelle, c'est-à-dire au dernier rang, prêt de la fenêtre. Sans écouter les recommandations d'Adamson ni faire attention aux « chut » courroucés de ses voisins de table, il étala son matériel sur la paillasse dans un grand concert de casseroles entrechoquées. Une fois cette opération menée à bien, il s'assit sur le banc, plus excité que jamais, puis s'appliqua à lire les différentes étapes d'élaboration de la potion par le Professeur Adamson. Cependant, le tableau était loin, l'écriture torsadée du Professeur de Potions fine et lui au dernier rang du grand cachot sombre où avait lieu le cours. Autant dire qu'il lui était très difficile de la déchiffrer, aussi demanda-t-il à la voisine de Maeva Hellsoft, un rang devant lui, de lui dicter le protocole qui lui était illisible. Prenant des notes sur la première page de son manuel avancé – autant qu'il serve à quelque chose –, Donald écrivait du plus vite qu'il pouvait sous les chuchotements de sa voisine de devant.

« ... et verser deux mesures du mélange obtenu dans le chaudron... »

Avait-elle dit deux ou trois ?

« Moins vite, moins vite ! »



Quand la page blanche de son livre fut noircie de ses gribouillages, Donald décida qu'il était temps de se mettre au travail. Il lut mentalement les ingrédients qu'il avait inscrits en abrégé sur son livre.

*2 (mesures ?) orties séchées.*

Il prit deux pousses d'ortie et les plaça dans un récipient après les avoir reniflées bruyamment.

*3 yeux de poisson.*

C'était pour ça que Donald adorait la pratique : on pouvait manipuler plein des parties d'animaux. Il prit un œil de poisson à pleine main et l'examina sous toutes ses coutures. Il se demandait quel goût cela pouvait bien avoir. Intrigué, il posa l'œil de poisson sur la table, prit une spatule et entreprit de maintenir une pression sur la petite sphère. Alors qu'elle s'écrasait doucement, il crut voir un liquide s'en échapper... à moins que ce ne soit que son imagination. Il reprit l'œil entre ses doigts potelés et, à l'aide d'un cure-dents sorti de sa poche, il creva lentement la pupille, se délectant du spectacle. Après avoir avidement crevé les trois yeux de poisson, il les ajouta aux orties et suivant les instructions écrites sur son manuel, il les écrasa au pilon joyeusement, frappant de toutes ses forces, jusqu'à obtenir une bouillie infâme bien loin de la poudre qui était attendue. Mais Donald n'avait pas jugé nécessaire de prendre en compte la texture de sa préparation, et le mélange mou et poisseux qui en résultait lui semblait tout à fait acceptable. Il l'apparentait à de la glace au chocolat... ou autre chose.

*Deux mesures dans le chaudron. Ou alors trois ? J'arrive pas à me relire...*

Le Gryffondor décida finalement que trois mesures, c'était parfait. Il les versa dans le chaudron en s'amusant du « flop » peu élégant qui en sortait, puis il lut la suite de ses instructions.

*Chauffer 20 puis 45 à 60 ? Je crois me souvenir qu'il s'agissait de minutes et de secondes... Donc chauffer à feu moyen pendant 20 minutes puis fort 45 à 60 secondes. Oui, ça doit être ça, je m'en souviens maintenant.*

Le troisième année alimenta le feu tant bien que mal. Il n'arrivait pas à bien se servir de sa baguette. Il avait donc vingt minutes devant lui, qu'il employa relire le bon de commande pour Weasley et Weasley qui était en sa possession. À Poudlard sévissait une sorte de chaîne. Des élèves tout ce qu'il y avait de plus normaux, et qui pourtant sortaient du lot puisqu'ils étaient susceptibles de s'adonner au commerce officieux. Les produits du magasin de farces et attrapes étaient strictement interdits au sein de l'école, et il fallait bien se réapprovisionner de temps en temps. Donald connaissait ces élèves-là : il savait donc qui serait le suivant à faire passer la liste ; jeu de mains au détour d'un couloir, boulette de papier lancée entre deux tables, tout allait très vite.



Le Gryffondor était si absorbé par sa feuille de papier qu'il ne remarqua pas les bruits étranges qui provenaient de son chaudron. Enfin, il se pencha au dessus pour découvrir le charmant spectacle que lui offrait sa mixture pleine de grumeaux et de bulles. Il décida de se fier à son instinct de grand chef et baissa impulsivement le feu en remuant doucement la préparation pendant 50 secondes, préparation qui ne perdait pourtant rien de son épaisseur. Décidant de passer à l'étape suivante, Donald lut :

*Mélanger 4 fois sens contraire. Des aiguilles d'une montre, cela va de soi.*

C'est ce qu'il fit, sans se soucier de la couleur caca d'oie qu'avait pris sa potion d'Enflure. Puis il se rendit compte qu'il avait oublié le foie... pourquoi ne l'avait-il pas écrit ? C'était peut-être la voisine de Maeva Hellsoft qui avait oublié de lui dicter cette consigne, ou alors elle n'était même pas écrite au tableau. À la récréation, il irait lui demander des explications. Pour la première fois, il regrettait d'être au dernier rang. S'il avait été au premier, il aurait pu lire aisément quand fallait-il rajouter le foie. Mais pas le temps de se lamenter : après avoir malaxé le foie de chauve-souris – mou et visqueux – Donald le rajouta dans le chaudron. Il lut la dernière instruction :

*Chauffer bas 30. Sûrement 30 minutes. Ou peut-être des secondes ?*

Ravi de ce nouveau moment de répit, Donald alimenta le feu et se prépara à patienter trente bonnes minutes. Il lui restait trois quarts d'heure avant la fin des deux heures de l'épreuve : il finirait sûrement en avance. Il prit une position confortable sur sa chaise, s'étendit de tout son long et, déjà épuisé par l'effort intellectuel qu'il avait dû fournir pour préparer sa potion d'Enflure, il ferma les yeux une seconde. Ce fut un bruit sourd et violent que les lui fit rouvrir. Il faillit tomber de sa chaise, puis se redressa et jeta un coup d'œil à l'horloge : les deux heures réglementaires étaient presque écoulées. Paniqué, Donald se demanda comme il avait pu s'endormir pendant quasiment une heure. Le pire dans tout ça, c'est que pendant son roupillon, son chaudron avait explosé... non, implosé. Littéralement. Le chaudron était intact, mais à l'intérieur, un petit fond de liquide jaune pipi croupissait au fond des restes calcinés de la préparation, d'où émanait une odeur âcre de brûlé. Donald était à la fois amusé et surpris que personne ne fasse attention à lui... les élèves étaient déjà en train de rendre leur fiole au Professeur. Et au milieu de l'agitation, il y avait Donald et ses trois gouttes de liquide jaunâtre...

Se jurant de ne plus jamais s'endormir pendant une épreuve, il versa ce qu'il restait à l'intérieur du chaudron dans un récipient propre. Sa potion d'Enflure n'était pas bien glorieuse, et surtout, insuffisante en quantité. Il devait y avoir là... allez, disons trois grosses cuillères à soupe. Mais le Gryffondor n'avait pas le temps de tergiverser : le dernier élève, un petit Poufsouffle aux yeux bleus, posait son échantillon sur le bureau. Le petit garçon versa en hâte sa mixture dans un flacon, et fut assez désappointé quand il vit que le tiers de la fiole n'était même pas rempli. Pourtant, il devait aller le rendre à son Professeur ; si il avait encore un T, il se ferait étriper par ses parents. Se cachant derrière les élèves qui nettoyaient leur matériel, le Gryffondor cracha dans sa fiole, une fois, deux fois, trois fois, jusqu'à ce qu'elle soit entièrement remplie. C'était bien pratique d'être le meilleur cracheur de son ancienne école et d'avoir gagné le concours du plus gros crachat. Donald savait déjà, à l'époque, que cette capacité lui servirait un jour. Il ne restait plus qu'à espérer qu'Adamson ne verrait pas que les deux tiers de sa potion d'Enflure étaient en fait constitués de salive.



Les premiers élèves commençaient déjà à partir. Donald arracha une étiquette sur laquelle il écrivit son nom, puis la colla sur son flacon et courut le poser à côté des autres fioles, arborant un immense sourire pour s'attirer les bonnes grâces du Professeur Adamson.

Pour une fois qu'il avait fait des efforts, il était obligé d'avoir une bonne note !