Un blessé peut en cacher un autre [Dorian]

Lundi 15 Mai 2006

L'infirmerie était vide pour la première fois depuis de nombreux jours. En effet après l'attaque du 2 mai, Rachelle avait eu pas mal de pensionnaires, dont certrains pour une assez longue durée. Le dernier blessé avait quitté les lieux aujourd'hui, en pleine forme pour les examens qui approchaient. Fidèle à elle-même, l'infirmière s'était lancé dans le nettoyage complet de l'infirmerie. Sa baguette à la main, elle avait nettoyé le sol, lavé les carreaux, récuré tous les instruments, changé les draps et fait tous les lits, le tout en quelques minutes. Rachelle maitrisait les sortilèges ménagers comme personnes, une question d'habitude. Après la mort de Simon elle avait eu une période où faire le ménage était la seule chose qui pouvait la calmer, et il lui était arrivé de se lever en pleine nuit pour dépoussiérer un simple bibelot. On aurait pu la prendre pour une folle, heureusement elle s'était calmé depuis.

Un sourire satisfait sur les lèvres, Rachelle se rendit dans son bureau et se laissa tomber sur sa chaise, posant un regard découragé sur la pile de courrier qui l'attendait. Après les évènements du 2 Mai une poignée d'élèves avaient du être transférés à Ste-Mangouste que ce soit pour des examens ou de cours séjours, l'établissement lui avait envoyé une copie de tous les résultats qu'elle devait ranger dans les dossiers scolaires. Tâche qui promettait d'être aussi longue qu'ennuyeuse. Dans le tas s'était également glissé des lettres de sa mère, auxquelles elle n'avait pas la moindre envie de répondre. Elle était à peu près persudée que dans la majorité de ces missives il était question du "brillant fils des voisins diplomé en arithancie" ou du "charmant neveu d'un collègue qui adorerait la rencontrer". Rachelle ne put retenir un sourire amusé en songeant à toutes les tentatives de sa mère pour la faire rencontrer un homme, comme si elle avait besoin d'elle pour ça ! Elle était célibataire depuis longtemps mais ça ne voulait pas dire qu'elle était incapable de se trouver quelqu'un toute seule.

Les pensées de la jeune infirmière dérivèrent malgré elle vers le parc, elle se demanda si Charlie avait actuellement cours où s'il était dans sa tente. Elle pourrait peut-être lui rendre visite plus tard dans l'après-midi, ça faisait un moment qu'ils ne s'étaient pas croisé, Rachelle n'était pas beaucoup sortie de l'infirmerie ces derniers temps.

Elle venait d'ouvrir une première enveloppe quand on frappa à la porte. Rachelle sauta sur ses pieds et se précipita pour ouvrir. Elle grimaça en découvrant un élève de septième année qui avait tout l'air de s'être blessé à l'épaule, ou alors était-il né avec une épaule plus haute que l'autre ? Peu probable. Il devait souffrir terriblement s'il s'était déboité l'humérus, ce qui était le cas à première vue. Mais Rachelle ne voulait pas faire de diagnostic attif.

"Entre, commença-t-elle doucement en s'écartant pour laisser passer le jeune homme. Assied-toi là, continua-t-elle en lui indiquant un lit. Comment c'est arrivé ? Sans doute une chute sur un bras tendu, c'était le cas le plus courrant. Attends, laisse moi voir, demanda-t-elle au blessé qui se tenait le bras."

Ce matin-là, Dorian avait à son plus grand désarroi utilisé la dernière fiole de potion anti-douleurs qu'il possédait. Inutile de dire que la découverte l'avait grandement surpris puisqu'il croyait pouvoir tenir jusqu'au prochaines vacances et le voilà qui se retrouvait sans rien pour apaiser son mal.
Il avait d'abord cru pouvoir simplement envoyé un hibou à sa mère pour lui en demander quelques unes faute de mieux mais le souvenir de son inquiétude face à sa pâleur le 2 mai précédent l'en dissuada rapidement.
Aussi s'était-il résolu à supporter la douleur aussi calmement que possible. La chose avait été pénible et lors de la pause déjeuner le jeune homme s'était isolé et laissé tomber au sol plié en deux sous le coup de ce qu'il ne pouvait décidément pas contrôlé.

Ce fut deux garçons de troisième année qui passaient non loin de là qui lui donnèrent l'idée de s'approvisionner auprès de l'infirmière. L'un des deux s'était en effet, briser la jambe malencontreusement lors de la bataille du 2 mai qui avait eu lieu la semaine précédente. Il avait été amené à l'infirmerie où la maîtresse des lieux l'avait rafistolé avant de le renvoyer dans son dortoir avec quelques potions.

Tout le problème résidait donc dans le fait que Dorian ne fut pas - encore - blessé. Il était malade certes mais il ne souhaitait pas en parler à Miss Bloomwood. Aussi n'eut-il d'autre choix que de s'infliger lui-même un coup à l'épaule. A n'en pas douter, elle était luxée mais cela en valait la peine même si pour le coup, il avait cru céder tellement l'élancement qui s'était répandue dans tout son membre combiné à ce qu'il ressentait déjà avait menacé de le terrasser.
Il resta d'ailleurs de longs instants assis au sol même dans un couloir peu fréquenté du sixième étage à attendre que sa souffrance s'amenuise, de maigres larmes coulant seules de ses yeux. Néanmoins, il dut se rendre à l'évidence que rien ne s'estompait que du contraire. Il était urgent qu'il se dirige vers l'infirmerie avec l'espoir d'en ressortir avec de précieuses fioles.

Le jeune homme se dirigea donc vers la salle occupée par Miss Bloomwood et une fois arrivé, tapa trois coups contre le battant. Comme il s'y attendait, l'infirmière vint l'accueillir.

- "Entre, commença-t-elle doucement en s'écartant pour laisser passer le jeune homme. Assied-toi là, continua-t-elle en lui indiquant un lit. Comment c'est arrivé ? Sans doute une chute sur un bras tendu, c'était le cas le plus courrant. Attends, laisse moi voir, demanda-t-elle au blessé qui se tenait le bras."

Docilement Dorian s'assit sur le lit qu'elle lui indiquait, réfléchissant à ce qu'il pouvait bien trouver pour expliquer l'état de son épaule.

- " J'ai perdu l'équilibre en descendant vers la grande salle pour le déjeuner et je me suis heurté à ... une des colonnades ... du cinquième étage. "

Le jeune homme détestait mentir. C'était même contre ses propres principes mais il tentait de se rassurer en se disant qu'il n'avait très clairement pas le choix. Il ne tolèrerait pas d’inquiéter qui que ce soit, d'être examiner comme un animal rare ou bien encore de bénéficier d'un traitement de faveur pour une petite maladie qui ne tarderait pas à se guérir d'elle-même. Il espérait juste que dans ce cas-ci l'infirmière le croirait sans trop poser de questions.
Sa poitrine l'élançait et il ne put retenir une grimace de douleur.

- " Pourriez-vous faire quelque chose pour mon épaule, mademoiselle ?", lui fit-il le souffle court.

Le jeune homme, un Serdaigle d'après son uniforme, s'assit sur le lit que Rachelle lui avait désigné. L'infirmière se pencha sur la blessue pour l'examiner. A en juger par le creux caractéristique qui se dessinait au niveau de l'épaule et à la bosse qui se trouvait juste au dessous, l'humérus était bel et bien sorti de l'omoplate. Les luxations de ce genre était courrante, surtout à un âge où les adolescents étaient en pleine croissance, mais il audrait vérifier que le déboitement de l'épaule n'avait pas entrainé d'arrachements osseux ou d'autres blessures en tout genre. Le blessé répondit, un peu hésitant, qu'il s'était fait ça en se "heurtant" à une colonade. Rachelle fronça les sourcils. Heurter à une colonade ? Avec le bras tendu et légèrement tourné en extérieur ? Ca lui semblait très peu probable, il faudrait vraiment le faire exprès pour foncer le bras tendu, sur une colonade. D'un autre coté, le jeune garçon n'avait aucun intérêt à lui mentir, alors pourquoi cacherait-il la vérité ?

"Pourriez-vous faire quelque chose pour mon épaule, mademoiselle ?" lui demanda ce dernier, le souffle court.

Oui, soigner d'abbord. Elle s'interrogerait sur les causes nébuleuses de cette blessure une fois qu'elle s'en serait occupé. Miss Bloomwood tira sa baguette de sa poche et la pointa en direction de l'épaule du Serdaigle. Une douce lumière dorée s'alluma à l'extrémité de la baguette de l'infirmière qui la fit scintiller un long moment avant de mettre fin à l'enchantement. Théoriquement, le jeune homme ne devait plus du tout sentir son bras, désormais anésthésié.

"Je peux remettre ton épaule en place, mais il est possible que ce soit assez désagréable, même si grace à l'anésthésie tu ne devrais pas avoir mal. Mais avant je dois être sure qu'il n'y a pas eu d'arrachements osseux ou de petites fractures."

D'un nouveau coup de baguette, Rachelle fit venir à elle un petit pot de métal qui révela lorsqu'elle l'ouvrit une crème verte, un peu fluorescente. Elle fit signer au blessé d'enlever sa chemise et l'aida un peu puisqu'il n'avait plus qu'un bras valide. Puis elle passa un peu de l'onguent fluorescent sur l'épaule du jeune homme. Petit à petit, c'était comme si la peau et les muscles devenaient transparents pour ne laisser apparaitre que le squelette. L'infirmière se souvenait que dans ses premières années d'étude de médicomagie, elle avait toujours eut du mal à rester stoïque face à cet étrange phénomène.

"Tu n'es pas obligé de regarder, ça fait un peu peur, plaisanta-t-elle tout en scrutant le moindre des os de l'épaule pour vérifier que tout allait bien, hormis la luxation. C'est bon, pas de complication."

L'infirmière attrappa l'élève par le poignet et tira doucement sur son bras d'une main, l'autre restant posée sur son épaule. Un crac significatif lui indiqua que l'humérus était complètement détaché de l'omoplate, et elle put le replacer au bon endroit. Opération terminée.

"Et voilà ! Tu vas devoir garder ton bras en écharpe quelques jours par contre. Et il faut que tu me dises exactement comment s'est arrivé, pour que je sache si les ligaments ont cédé. Il faut que je complète ton dossier aussi, quel est ton nom ?"

Suite à sa demande, le jeune homme vit l'infirmière sortit sa baguette pour lui anesthésié le bras. Ce n'était pas la première fois qu'il se déboitait quelque chose et Dorian connaissait approximativement la démarche des différentes manipulations. En effet, deux ans plus tôt, Henry, son jumeau, l'avait malencontreusement bousculé alors qu'il allait atteindre le bas des escaliers. C'était l'une des rares fois où les professeurs avaient du intervenir puisqu'il s'était énervé à l'encontre de son double, agacé et fatigué des coups bas de celui-ci. Aussi lorsque Miss Bloomwood le prévint que la remise en place de son épaule risquait d'être désagréable même s'il n'en souffrirait pas, il acquiesça faiblement de la tête, blasé, avant de murmurer : " Vous m'avez déjà remis l'autre épaule en place Mademoiselle il y a deux ans."

Une fois la chose faite, l'infirmière lui demanda d'ôter sa chemise ce qu'il fit péniblement avec son aide. L'onguent qu'elle lui appliqua permettait de voir à travers la chair et pendant quelques instants, le coeur du jeune homme s’accéléra : si elle voyait son "autre et réel soucis" qui l'avait poussé à se blesser ? Ce fut peut-être l'air légèrement apeuré qui avait marqué son visage qui poussa la jeune femme à lui signifier qu'il n'était pas tenu de regarder. Cependant Dorian fixa avec appréhension la mixture agir. La déclaration comme quoi rien n'avait été touché le soulagea ouvertement.

- "Et voilà ! Tu vas devoir garder ton bras en
écharpe quelques jours par contre. Et il faut que tu me dises exactement
comment s'est arrivé, pour que je sache si les ligaments ont cédé. Il
faut que je complète ton dossier aussi, quel est ton nom ?"

Le jeune homme se mordit la lèvre. Lui qui pensait obtenir de précieuses potions s'était lourdement trompé cette fois. Peut-être que la chute que lui avait causé Henry avait été plus brutale que celle qu'il s'était infligé. A l'évidence aussi, elle ne croyait absolument pas son précédent mensonge. Mais entêté le Serdaigle opta pour lui reservir le précédent mensonge.

- " Mon nom est Dorian Butler, mademoiselle. Comme je vous l'ai dit, je me suis heurté malencontreusement à une colonnade. C'est un malencontreux accident, rien de plus."

Le regard absolument pas convaincu que lui lança l'infirmière l'informa définitivement qu'il ne s'en sortirait pas aussi bien qu'il le pensait au départ. Il lui fallait avouer et il ne souhaitait pas que son mal soit connu de toute l'école. Se relevant, l'épaule en écharpe, il sentit une douleur parcourir son sternum et pinça les lèvres en priant que cela se calme.
Lorsque ce fut le cas il releva le regard vers l'infirmière. Après tout, il était majeur, il pouvait très bien lui demander de tenir ça secret.

- " Ecoutez mademoiselle Bloomwood, je suis majeur maintenant et je vous demanderais donc en conséquence de garder cela secret.", commença-t-il de ce ton froid et sérieux qu'il employait lorsqu'il remplaçait sa mère au sein de l'entreprise familiale, " Je me suis blessé volontairement en espérant obtenir quelques potions anti-douleurs. J'ai des douleurs depuis quelques temps et c'est pour les atténuer que j'en ai besoin. Personne ne doit être au courant de cela encore moins Angélique ou ma mère. Je ne tiens pas à les inquiéter inutilement. "

Repensant à son frère jumeau, il ajouta : "Henry pourrait également en profiter énormément s'il le savait. Vous connaissez l'inimitié qui nous lie malgré notre statut de jumeau. Je ne tolèrerais pas que quiconque à part vous et moi désormais, ne le sache.".

Quand Rachelle demanda plus d'explications à Dorian sur les raisons qui avaient provoqué sa blessure, le jeune homme lui répéta qu'il s'était heurté à une colonnade. L'infirmière fronça les sourcils, une mine pas convaincue sur le visage. On ne se luxait pas l'épaule en se "heurtant" malencontreusement à une colonnade, c'était...hautement improbable, à moins qu'il ne l'ai fait exprès, mais Rachelle ne voyait pas vraiment quel pouvait être l'intérêt de se déboiter volontairement l'épaule. La jeune femme aida le Serdaigle à placer son bras dans une écharpe qu'elle avait fait venir à elle à l'aide d'un accio et l'observa d'un regard inquisiteur pour l'inviter à lui en dire d'avantage. Dès que ce fut fait, Dorian se leva et l'infirmière le vit pincer les lèvres, comme pour lutter contre la douleur. Elle avait pourtant anesthésier son bras, théoriquement il ne devait plus souffrir du tout. Les soupçons de Rachelle se confirmaient : ce jeune homme lui cachait quelque chose.

Cependant, elle ne pouvait pas le forcer à parler. Son rôle était de soigner les élèves qui venaient la voir, pas de s'occuper de leurs secrets. Mais quelque chose lui disait que Dorian gardait pour lui quelque chose d'important, et que ça avait à voir avec son étrange luxation de l'épaule. Et si ça concernait la santé du jeune homme, ça la concernait, non ? Quoiqu'il en soit, s'il refusait de lui en parler, elle ne pouvait que respecter son silence. C'est alors que le Serdaigle commença une étrange déclaration en l'informant d'un ton froid qu'il était majeur et qu'il demandait de ce fait à Miss Bloomwood de garder secret ce qu'il allait lui dire. La jeune femme hocha la tête d'un air grave, tout ça ne laissait rien présager de bon.

Fichu secret professionnel ! Et si c'était vraiment grave ? Si la vie de l'adolescent était en danger ? Elle serait dans l'impossibilité de prévenir sa famille. L'infirmière pensa une seconde à la mère de Dorian qui aurait sans aucun doute aimé être au courant de tout ce qui concernait la santé de son fils, et Rachelle venait de la priver de ce droit en acceptant le marché de Dorian. Elle aurait du refusé. Mais alors, lui aurait-il parlé de ses problèmes ? Sans doute pas. Finalement, elle avait peut-être agi pour le mieux, mais ça ne l’empêchait pas de s'en vouloir terriblement. L'adolescent continua en avouant qu'il s'était blessé volontairement. Rachelle haussa les sourcils, perplexe, mais ne fit aucun commentaire. Qu'est-ce qui pouvait bien pousser quelqu'un à se luxer volontairement l'épaule ?

Des potions anti-douleur. C'était donc ça, il s'était blessé dans l'espoir qu'elle lui en donnerait -ce qu'elle aurait d’ailleurs fait- car il souffrait d'un autre mal. Il précisa que ni sa mère ni une certaine Angélique ne devaient être au courant et l'infirmière hocha de nouveau la tête.

"Henry pourrait également en profiter énormément s'il le savait. Vous connaissez l'inimitié qui nous lie malgré notre statut de jumeau. Je ne tolèrerais pas que quiconque à part vous et moi désormais, ne le sache.".

Rachelle était en effet au courant de la relation qui liait les deux frères puisque deux ans auparavant, elle avait soigné l'autre épaule de Dorian après qu'Henry l'ai poussé dans les escaliers. Elle hocha donc une troisième fois la tête. Bon, maintenant il était peut-être temps de dire quelque chose. Lui faire comprendre que ce n'était pas bien de mentir, mais ne pas jouer les moralisatrice, sinon il se refermerait comme une huitre. C'était toujours dur de réagir face aux élèves les plus âgés. Ils étaient majeurs et pourtant on avait encore envie de les traiter comme des enfants.

"Assied toi Dorian", ordonna-t-elle d'une voix douce en lui désignant le lit qu'il venait de quitter.

Rachelle fit quelques pas avant de s'asseoir à son tour sur le lit voisin, pour faire face à l'adolescent.

"Puisque tu le demandes, toute cette conversation restera privée, personne ne sera informé de ce que tu pourrais me dire. C'est ton choix et, même si je ne l'approuve pas forcément, je le respecterai. D'un autre coté ce n'était pas comme si elle avait le choix. Maintenant il va falloir que tu m'en dises plus sur ses douleurs, il pourrait s'agir de quelque chose de grave, tu aurais d’ailleurs du venir m'en parler bien avant. *Ne pas lui faire la morale, ne pas lui faire la morale.* Depuis combien de temps ça dure ? Elles sont régulières ? Intenses ? "

Rachelle regarda l'adolescent dans les yeux en espérant qu'il ne lui viendrait pas à l'idée d'inventer un nouveau mensonge. Elle avait besoin de réponses honnêtes si elle voulait pouvoir l'aider.

- "Assied toi Dorian", ordonna-t-elle d'une voix douce en lui désignant le lit qu'il venait de quitter.

Bien que peu enclin à l'idée de commencer une discussion sur le pourquoi du comment de son mal, Dorian obtempéra et regagna la place qu'il venait de quitter. Après tout, peut-être devait-il passer par là s'il voulait s'assurer du silence de l'infirmière. Celle-ci vint d'ailleurs se placer face à lui. A l'évidence, elle allait tâcher d'en savoir plus et il ne pourrait faire autrement que de passer aux aveux. Bon dieu ce que cela l'énervait. Si seulement il avait été capable de se blesser correctement, il n'en serait pas là à faire des confidences !

- "Puisque tu le demandes, toute cette conversation
restera privée, personne ne sera informé de ce que tu pourrais me dire.
C'est ton choix et, même si je ne l'approuve pas forcément, je le
respecterai. Maintenant
il va falloir que tu m'en dises plus sur ses douleurs, il pourrait
s'agir de quelque chose de grave, tu aurais d’ailleurs du venir m'en
parler bien avant. Depuis combien de temps ça dure ? Elles sont régulières ? Intenses ? "

Comme il s'en était douté, miss Bloomwood chercha à en connaitre d'avantage sur son état. Maintenant qu'elle était au courant, elle n'aurait sans doute de cesse de tenter de venir s'inquièter de son état ou d'essayer de trouver un traitement pour l'aider. Cela ne ferait qu'éveiller les soupçons d'Angélique !

- " Ecoutez mademoiselle, j'apprécie que vous teniez votre langue concernant mon état mais vous inquiétez de la sorte ne fera qu'alerter mes condisciples et ceux qui me sont chers. Je ne concèderai qu'à vous dire que je suis malade depuis le mois d'avril maintenant et que je vis chaque jour avec ces douleurs au niveau de la poitrine. Bien qu'elles eurent été relativement supportables au début, elles ont une tendance à augmenter chaque jour."

Se relevant pour quitter le lieu et profondément agacé d'avoir céder, il alla jusqu'à la porte de l'infirmerie lorsqu'il se souvint qu'il n'était pas en possession de son précieux objectif, les potions. Revenant sur ses pas, il fit face à la sorcière avec une mine froide.

- " Dois-je me blesser plus gravement et demander à consulter Ste-Mangouste où me donnerez-vous ces potions ? "

Contrairement à d'habitude, son ton était impérieux. Les élancements au sternum refaisaient surface et gagnaient en intensité. Il n'avait donc pas une minute à perdre en futilité parce que l'infirmière avait décidé de jouer les psychologues.

Rachelle était complètement perdue, elle ne savait pas du tout comment gérer cette situation, c'était quelque chose qu'on ne vous apprenait pas pendant vos études à Ste-Mangouste ça ! Elle avait promis de garder le silence, et elle était tenue de respecter cette promesse par sa profession. Si elle parlait elle perdait le droit d'exercer. Mais elle ne pouvait pas arrêter d'imaginer l'éventualité où le jeune Dorian serait atteint de quelque chose de grave. Et si c'était incurable ? Devrait-elle le laisser s'éteindre sans prévenir personne ? L'infirmière savait qu'elle imaginait le pire, et qu'il y avait peu de chances que ce soit le cas, heureusement, mais une fois que vous aviez perdu un patient la crainte que cela ne vous arrive de nouveau ne vous quittait jamais.

Le jeune homme commença par la remercier pour avoir accepter de garder le secret. *Comme si j'avais eu le choix* songea-t-elle avec une certaine amertume. Il continua en lui reprochant de trop s'inquiéter, ce qui aurait pour effet d'alerter ses proches. L'infirmière fronça les sourcils. Il voulait donc qu'en plus de tenir sa langue, elle ne s'inquiète de rien ? Qu'est-ce qu'il voulait aussi, qu'elle falsifie son dossier médicale et le fournisse en racine de mandragore ? Elle se calma en entendant le jeune homme lui décrire un peu l'évolution de ses douleurs, sans lui donner trop de détails. Rien de ce qu'elle n'entendait ne la rassurait, au contraire. Les douleurs s’aggravaient chaque jours ? Il fallait qu'elle trouve quelque chose pour les arrêter, et rapidement. Les potions anti-douleur ne feraient que les étouffer, il fallait les tuer définitivement.

Il fallait à tout prix qu'elle en sache plus. Quel type de douleur ? A quelle fréquence ? Elle s’apprêtait à poser toutes ces questions quand le jeune homme se leva. Elle ne se souvenait pas lui avoir dit que leur entretient soit terminé.

"Dorian, où vas-tu comme ça ?"

Elle crut qu'il l'avait écouté quand elle le vit faire volte-face mais l'expression de son visage était froide, et il lança sur un ton impérieux :

" Dois-je me blesser plus gravement et demander à consulter Ste-Mangouste où me donnerez-vous ces potions ? "

Bon, déjà il était hors de question qu'il continue de lui parler sur ce ton, mais il aurait été plus facile de lui faire comprendre s'il n'avait pas été bien plus grand qu'elle. D'un autre coté, elle ne pouvait pas lui refuser les potions qu'il demandait, elle n'allait quand même pas le laisser souffrir le pauvre. Elle inspira et essaya d'être ferme sans pour autant devenir sévère.

"Tout d'abord, tu ne peux pas me demander de ne pas m'inquiéter Dorian, ce que tu as pourrait être grave, bien que je ne puisse pas le savoir car tu refuse de te confier, ce qui est complètement idiot si tu souhaites guérir un jour. Je pourrai peut-être t'aider, si ça se trouve il existe un remède pour te soigner, mais je ne peux le savoir que si tu m'explique clairement ce que tu as. Je ne veux que ton bien Dorian."

C'était vrai, tout ce qu'elle voulait c'était qu'il aille mieux, cependant il avait l'air d'avoir d'autres projets, elle allait devoir le convaincre de la laisser l'aider. Il fallait qu'ils passent un accord.

"Je te propose un marché, je vais te donner assez de potions anti-douleur pour une semaine. Dans une semaine tu reviendras ici et on verra comment la situation évolue, et nous continuerons ainsi jusqu'à ce que tu ailles bien. Si tu as peur que ses visites fréquentes n'alerte tes proches, tu n'as qu'à dire que tu veux faire des études en médicomagie et que je t'aide, ou à inventer autre chose, d'accord ?"

Contrairement à d'habitude, Dorian s'était laissé emporté. Dans d'autres circonstances, si la douleur s'était faite bien moins présente, il y aurait eu bien peu de chances qu'il adopte un tel comportement au sein de l'établissement. Cependant, le mal qui l'habitait commençait à se manifester à nouveau et s'il venait à s'écrouler comme par le passé, devant l'infirmière, il ne doutait pas qu'elle viendrait à immiscer d'avantage dans ses histoires.
S'attendant à ce qu'elle refuse catégoriquement avant de lui intimer de s'adresser à elle d'une manière plus appropriée, il fut pour le moins surpris qu'elle reste aussi prévenante qu'au début de la conversation. Le jeune homme avait déjà entendu parler de la clémence et de la gentillesse proche de la naïveté de Rachelle Bloomwood mais il n'avait pas accordé beaucoup de crédits aux ragots qu'il avait entendu prétextant qu'au vu du physique attrayant de l'infirmière, il était facile d'anticiper le caractère rêvé.

- "Tout d'abord, tu ne peux pas me demander de ne pas m'inquiéter Dorian, ce que tu as pourrait être grave, bien que je ne puisse pas le savoir car tu refuse de te confier, ce qui est complètement idiot si tu souhaites guérir un jour. Je pourrai peut-être t'aider, si ça se trouve il existe un remède pour te soigner, mais je ne peux le savoir que si tu m'explique clairement ce que tu as. Je ne veux que ton bien Dorian.", lui fit-elle après avoir lentement inspirer.

Que son bien... Oui, il s'en doutait qu'elle ne souhaitait que ça. Après tout, elle était infirmière pas croque-mort ! Son attitude rappela à sa mémoire une histoire qu'un de ses camarades de dortoir avait conté au milieu de la salle commune concernant la raison qui avait poussé Miss Bloomwood a quitté Ste Mangouste. S'il se souvenait bien, c'était la malheureuse et tragique perte d'une personne - un patient - sans doute qui l'avait fait renoncé à l'exercice de la fonction de médicomage. A n'en pas douter si ces dires étaient vrais, c'était sans doute cela qui poussait la jeune femme à vouloir absolument tout connaitre. Expirant lentement et les traits tirés, Dorian acquiesça de la tête. Oui, ça devait être cela.
Elle sembla prendre son hochement pour son approbation à son monologue puisqu'elle reprit de plus belle.

- "Je te propose un marché, je vais te donner assez de potions anti-douleur pour une semaine. Dans une semaine tu reviendras ici et on verra comment la situation évolue, et nous continuerons ainsi jusqu'à ce que tu ailles bien. Si tu as peur que ses visites fréquentes n'alerte tes proches, tu n'as qu'à dire que tu veux faire des études en médicomagie et que je t'aide, ou à inventer autre chose, d'accord ?"

Nous y étions donc enfin... Elle souhaitait conclure un marché avec lui pour pouvoir surveiller l'évolution de sa maladie. Etait-elle seulement au courant qu'elle marchandait avec le fils d'une directrice d'entreprise qui avait lui-même appris à diriger celle-ci en l'absence de sa mère ? Autant Dorian pouvait passer pour un jeune homme mélancolique et rêveur lorsqu'il était à Poudlard, autant il était une toute autre personne lorsque Ayleen lui confiait la direction de l'entreprise familiale.
Voyant cependant que l'infirmière ne lâcherait pas prise et soucieux de la progression des douleurs qui le reprenaient, il choisit d'accepter approximativement le marché.

-" Bien ", lui fit-il du même ton froid et distant qu'il avait utilisé précédemment, " je suppose que je n'ai guère le choix. Pour l'instant du moins. Cependant je ne reviendrais ici que toutes les deux semaines et jamais les mêmes jours. Angélique est très intelligente et elle finirait par découvrir la supercherie. Publiquement et aux yeux de tous, vous m'aiderez à l'élaboration d'une nouvelle potion que je souhaite moi-même réaliser pour l'entreprise de ma mère."

Lui tendant la main pour conclure le marché, il ne put néanmoins pas réprimer une grimace de douleur qu'il tenta tant bien que mal de cacher derrière un sourire même s'il ne fut pas dupe un instant que cela ait échappé à Rachelle.

-" Je tiens cependant à vous prévenir de suite que lorsque j'aurais pu regagner ma demeure et ainsi récupérer un nombre conséquent de potions, il y a fort à parier que nos entretiens cesseront. Je ne veux pas vous duper ou me moquer de votre gentillesse et je tenais donc à vous en avertir. Après tout, je ne suis pas un Serpentard. "

Hésitant sur le fait de préciser qu'il avait ouï dire pour son passé, il se contenta finalement de murmurer en espérant ne pas blesser la jeune femme : " Qu'importe ce qu'il s'est produit dans le passé, je ne serais pas celui qui épongera vos regrets.".

Rachelle attendait la réponse du jeune homme en espérant qu'il accepterait son marché, mais elle était plutôt confiante. De toute façon, il n'avait pas tellement le choix, si elle ne lui donnait de potions que pour tenir une semaine, il serait bien obligé de repasser la voir. L'infirmière se sentait un peu coupable d'agir de la sorte, ça ressemblait beaucoup trop à du chantage, et elle n'aimait pas ça. Ce n'était pas du tout dans ses habitudes de se conduire comme ça avec ses patients, mais elle se rassurait en se disant que Dorian ne lui laissait pas le choix.

La majorité sorcière devrait-être plus tard, quand on voyait comme les jeunes l'utilisaient. Le Serdaigle avait légalement le droit de prendre lui-même toutes les décisions qui concernait sa santé, en exigeant que personne n'en soit informé en plus, et la façon dont il agissait montrait bien qu'il n'était pas assez responsable pour ça ! Il était même carrément inconscient, mais elle n'avait plus son mot à dire malheureusement. Rachelle pensa à son jeune frère, Chris, qui avait la maturité d'un gamin de seize ans et pourtant était considéré comme un adulte.

Dorian, qui avait conservé son ton froid et distant, accepta plus ou moins le contrat. Il exigeait de ne venir la voir que toutes les deux semaines, et jamais les mêmes jours. Il expliqua qu'Angélique, qui devait être sa petite amie visiblement, était intelligente et finirait par se douter de quelque chose. Il ajouta qu'il raconterait que Rachelle l'aidait à préparer une potion pour l'entreprise familiale, une histoire qui semblait crédible. La jeune femme hésita à serrer la main de l'adolescent en voyant une grimace de douleur passer sur son visage, qu'il essayait bêtement de camoufler en sourire. Elle ne pouvait pas accepter de ne le voir que tous les quinze jours, son état l'alarmait et elle craignait qu'il se dégrade trop vite. Mais visiblement Dorian n'accepterait pas de venir toutes les semaines.

"Tous les dix jours, proposa-t-elle finalement, pour trouver un compromis. Et ce n'est pas négociable."

Elle consentit enfin à serre la main du jeune homme, tout en douceur, étant donné qu'il semblait souffrir. Dorian la prévint alors que dès qu'il aurait pu se procurer lui-même suffisamment de potions, il cesserait ses visites. Elle aurait du s'en douter ! L'infirmière se retint de laisser échapper un profond soupir. C'était illégale de lancer un Imperium sur un élève ? Oui, sans doute. Mais elle fallait bien qu'elle l'oblige à venir, elle ne pouvait pas le laisser se rendre malade de la sorte ! Les potions arrêteraient la douleur, pas la progression du mal dont il souffrait, quel qu'il soit.

"Dorian, tu es un garçon intelligent, commença-t-elle, même si elle avait des raisons de douter de ce qu'elle avançait. Tu devrais comprendre que ta conduite est dangereuse, elle ne te mènera nul part, et tu ne fais que retarder le moment ou tu seras obligé de t'en remettre à un médicomage. Plus vite tu te laisseras soigner et plus vite tu seras guéri. Je ne peux t'obliger à rien, mais réfléchis bien à ce que je t'ai dit, d'accord ?"

Rachelle s'approcha d'un placard et en sortit un flacon de potion anti-douleur, qui devrait suffire pour une prise régulière pendant dix jours. Elle attrapa également une petite fiole en verre sur laquelle, d'un coup de baguette, elle traça une ligne aux deux-tiers, c'était le genre de potions qu'on ne dosait pas n'importe comment. Occupée à refermer le placard, elle se retourna soudainement en entendant Dorian murmurer :

" Qu'importe ce qu'il s'est produit dans le passé, je ne serais pas celui qui épongera vos regrets.".

Ce qui s'était produit dans le passé ? Des regrets ? Faisait-il référence à la mort de Simon ? Impossible, il n'était pas censé être au courant ! Pourtant il ne pouvait s'agir que de ça...Comment l'avait-il su ? Non, elle ne voulait rien savoir. Jamais elle n'avait pensé que les élèves de l'école puisse savoir ce genre de choses à son sujet. Un peu déboussolée, elle posa sur l'adolescent un regard interrogateur mais ne lui posa aucune question.

"Je ne vois pas de quoi tu parles, assura-t-elle en revenant vers lui. Tiens, ajouta-t-elle en lui tendant le flacon et la fiole. A remplir jusqu'au trait, pas plus de trois doses par jours."

Rachelle salua le jeune Serdaigle, et se laissa tomber à son bureau pour penser un peu à tout ce qui venait de se passer. Elle avait passé un marché avec un élève, qui avait fait appel au secret professionnel, et ce même élève avait fait référence à un aspect de sa vie privée qu'elle pensait secret. Quelle après-midi ! C'était bien plus dur à encaisser que les quelques genoux égratignés auxquels elle avait droit d'habitude...