[Elections] Le temps du vote est arrivé

31 juillet 2006- 7h52

Chevauchant son Furtif, Irving déboucha dans la rue principale de la cité Nimbus de Sheffield. L’allée était bordée de baraques en brique, toutes identiques, délimitées entre elles par des petits murets en pierres. Chaque maison disposait d’un petit jardin que les habitants agrémentaient à leur convenance. Irving terminait toujours sa tournée par cette ruelle car elle l’amenait directement devant le lourd portail de l’Usine Nimbus d’où s’échappait d’épaisses volutes de fumée qui recouvraient la cité d’une fine brume, même en plein mois de juillet.

Tout en descendant l’artère, Irving fit léviter ces derniers exemplaires du « Nimbus-News » sur le perron des dernières baraques et arriva sur le parvis de l’usine, cinq minutes avant le changement d’équipe. Cette semaine, sa mère travaillait de jour, de 8h à 16h, tandis que son père était de l’équipe de nuit. Il vit d’ailleurs Vivianne qui s’apprêtait à rentrée en compagnie de ses collègues. Le jeune homme vola jusqu’à elles pour aller les saluer.

« Salut M’man ! lança-t-il avant de faire la bise à Dorothy, Ellen et Whitney, les autres confectionneuses de brosses de balai.

« Oh ! Mais c’est le p’tit Irving ! Comme tu as grandi ! Tu as coupé tes cheveux, non ?» lança Dorothé.

Irving acquiesça d’un signe de tête. Le responsable de Nimbus-News avait expressément demandé à Irving de raccourcir sa tignasse bouclée afin qu’il ait l’air plus sérieux. « Vous êtes l’image de l’entreprise, M. Whitaker ! » Irving s’était vivement opposé : Tout d’abord, à cinq heures du matin, lorsqu’il livrait le journal, il croisait rarement ses clients ! Ensuite, cela faisait plus d’un an qu’il se laissait pousser les cheveux afin de ressembler à Donahgan Tremlett, son idole des Bizarr Sisters, et voila que tous ses efforts étaient anéantis à cause d’un vulgaire job d’été ! Vivianne et Bradley, l’avaient vivement disputé en lui disant qu’il se conduisait comme un gamin et sa mère avait usé d’un vil Sortilège de Coupetif pour rafraichir sa coupe de cheveux… Irving avait boudé pendant trois jours suite à ce coup de poignard dans le dos.

« Un vrai jeune homme maintenant ! Dire que je t’ai connu quand tu étais haut comme trois souaffles ! » surenchérit la vieille Ellen.

« Tu entres en sixième année non ? Comment se sont passées tes BUSEs ? » s’enquit Whitney.

Tout en détachant les sacoches « Nimbus-News » de son balai, Irving haussa les épaules avant de répondre.

« Bah, j’sais pas trop. Les résultats devraient bientôt tomber…donc on verra bien. »

Il jeta un regard en biais à sa mère qui l’observait avec un petit sourire. Il avait passé un marché avec elle et il devait obtenir au moins 4 BUSEs pour pouvoir inviter ses amis à la maison cet été. Si ce n’était pas le cas, il se retrouverait à faire de la garde d’enfants tout le mois d’aout, alors qu’il venait de passer un mois à travailler.

« Vingounet,…. » commença Vivianne.

« Mamaaaan ! » souffla Irving entre ces dents, exaspéré par ce surnom ridicule.

« Pardon mon chéri ! répondit sa mère en roulant des yeux avant de s’adresser à ses collègues avec un sourire amusé, j’avais oublié que mon fils va avoir seize ans et qu’il ne supporte plus ce sobriquet qu’il aimait tant étant enfant ! »

« C’est pas vrai, j’ai jamais aimé. » bougonna-t-il même s’il devait admette que petit, il adorait être «le petit Vingounet à sa maman » pour faire enrager ses sœurs !

« Irving, reprit Vivianne en insistant bien sur le prénom de son fils, Tu devrais te dépêcher d’aller voter ! L’équipe de nuit va bientôt sortir et le bureau de vote risque d’être bondé. On devrait y aller nous aussi sinon le patron va encore nous tomber dessus ! » ajouta-t-elle à l’intention de ses collègues.

Le Gryffondor observa la grosse horloge qui était accrochée à la plus haute cheminée de l’usine. Elle indiquait 7h56 et le changement d’équipe avait lieu à 8H. Dans cinq minutes, le parvis serait noir de monde. Le jeune homme salua donc d’un geste de la main les quatre femmes puis il enfourcha son balai jusqu’à la petite imprimerie du « Nimbus News » qui jouxtait l’usine où le responsable du journal l’attendait.

« La tournée c’est bien passée ? Pas de souci particulier ? » demanda-t-il en récupérant les sacoches que lui tendait Irving.

« Le niffleur de la baraque 512 m’est encore parti après ! Faudra vraiment leur dire de l’attacher, y en a marre ! » Râla Irving en se massant le mollet là où la bestiole avait planté ses griffes.

Le Gryffondor ôta finalement le gilet qu’il portait en tant que livreur et le posa sur le porte manteau. Il salua brièvement le responsable et traversa de nouveau le parvis pour rejoindre le bureau de vote qui était de l’autre coté de la place. Les cornes qui indiquaient le changement d’équipe résonnèrent alors dans toute la Cité. Ce son grave rythmait la vie des Nimbussois, ci bien qu’ils n’y faisaient même plus attention. Irving pénétra dans le Local de l’Amical Nimbus, qui avait été spécialement aménagé en lieu de vote. Le jeune homme observa les portraits des trois candidats qui se mêlaient aux images de balais et aux photos des équipes de Quidditch de la cité Nimbus.

Il attrapa les trois parchemins aux noms des différents candidats, comme son père lui avait dit de faire, et il se mit à la queue derrière une vieille dame et un grand monsieur qui discutaient :

« Notre goule est malade depuis hier…On l’a fait dormir dans le jardin pour l’aérer un peu mais je crois que ça ne lui a pas réussi… »

Irving rentra la tête dans les épaules et regarda en l’air. Il savait très bien ce qui était arrivée à la Goule de Baraque 387. Lorsqu’il avait livré le journal au petit matin, Irving avait vu la bestiole qui attendait frénétiquement derrière le muret en pierre. Il avait voulu faire comme dans les films moldus et il avait donc fait léviter le « Nimbus News » jusqu’à la Goule pour qu’elle le donne à ses maitres. Malheureusement la créature avait engloutit le journal en une bouchée sans le mâcher ! Irving avait observé ce spectacle sans rien pouvoir faire, hésitant entre prévenir les propriétaires ou s’enfuir sur son balai… Il avait logiquement opté pour la deuxième proposition en se disant qu’il n’avait pas encore besoin de faire parler de lui.

« Vous êtes le livreur du « Nimbus News », n’est-ce pas ? s’exclama l’homme à la goule qui s’était retourné, je n’ai pas eu mon journal hier… »

« Ah bon ? » répondit innocemment Irving, Pourtant j’ai livré toutes les baraques… »

Ce n’était pas un mensonge en soit…

La vieille dame interpella alors l’homme à la goule en lui disant :

« Enfin, docteur Palabost, vous ne le reconnaissez pas ? C’est le p’tit Irving ! Le dernier Whitaker ! »

Le docteur Palabost était le médicomage du travail des ouvriers Nimbus. Irving ne l’avait jamais rencontré mais il le connaissait de nom.

« Ah oui, Whitaker ! Comment va votre père ? J’espère qu’il suit bien son traitement ? »

Irving resta quelques secondes interdit. De quel traitement parlait-il ? Son père n’était pas malade ! Il devait y avoir méprise sur la personne. Le nom Whitaker était assez rependu dans la cité, aussi Irving précisa :

« J’suis le fils de Bradley Whitaker. »

« Oui, Bradley. » répéta le médecin en hochant la tête avant de jeter un regard en biais à la vieille dame qui haussa les épaules, visiblement gênée.

Irving avait l’impression que quelque-chose lui échappait. Il fronça les sourcils avant de demander :

« Quel traitement ? »

Au même moment deux isoloirs se libérèrent, la vielle dame se précipita dans le premier tandis que Monsieur Palabost répondait avant de s’isoler à son tour:

« J’ai dû me tromper de patient. Bonne journée. »

Une troisième place se libéra et Irving s’y installa sans réfléchir. Il glissa le papier du MIM machinalement mais il était incapable de se concentrer sur ce qu’il faisait. Ses pensées revenaient toujours sur les paroles du médicomage et sur le regard que ce dernier avait échangé avec la vieille dame. Il ressentait une drôle de sensation au creux du ventre et se massa momentanément les tempes pour reprendre ses esprits. Lui cachait-on quelque chose ? Son père était-il vraiment malade ? Etait-ce grave ?

Lorsqu’il sortit de l’isoloir, le médicomage et la vielle dame avait disparu. Il s’approcha de l’urne, tendit sa baguette au responsable du vote qui l’examina avant de dire à son collègue :

« Bois de houx/Ventricule de cœur de dragon, Vingt-neuf virgule dix centimètres. »

L’autre homme tourna les pages d’un gros registre et s’exclama :

« Whitaker, Irving »

Le jeune homme déposa son enveloppe dans la boite.

« A voté ! »

Sans même un au revoir ou un petit mot à destination des deux bénévoles, Irving quitta le local de l’amical et fendit la foule qui quittait l'Usine à la recherche de son père.