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I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio]

Ignacio Walker
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I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] - Page 3 Icon_minitimeDim 31 Mar 2024 - 7:56
Joséphine explose. Elle explose et, en explosant, elle lui dit en dix secondes plus de choses qu’elle ne lui a dit en quatre mois.

Mais en quatre mois, Ignacio a eu le temps de s’accoutumer au silence. Il a eu des soirées entières pour se raconter des histoires et pour se bercer d’illusions.

Joséphine les brise toutes. Et lui, il ne peut que la regarder faire. Il s’est figé face à elle, il ne dit rien, il ne peut rien dire. Les mots lui échappent ; il est incapable d’en trouver un pour exprimer cette détresse qui le saisit à la gorge. Et pourtant, il sait tout ce que Joséphine lui jette au visage. Il sait, bien sûr qu’il sait. Mais c’est autre chose de savoir, quelque part dans son cœur, et de voir cette vérité écrite partout autour d’eux. Sur les murs, sur le sol, sur les lèvres de Joséphine. Elle ne peut pas. Ce n’est pas une vie. C’est trop tard. Elle aurait préféré mourir, le jour où Louise est née.

Non, elle aurait préféré que Louise ne voit jamais le jour.

Ignacio titube. Un peu mais pas suffisamment pour lâcher sa femme. Bon sang, il savait pourtant.

Mais là, c’est terriblement douloureux.

Ça lui fait l’effet d’un vide dans le corps. Il n’arrive pas à ressentir de la colère et pourtant c’est ce que les mots de Joséphine lui inspirent. De la colère. Il lui en veut de ne pas être heureuse, c’est con, mais c’est comme ça. Il lui en veut de rêver de sa mort alors qu’il en cauchemarde toutes les nuits, il lui en veut de souhaiter la disparition de Louise alors qu’il porte encore cette peur quelque part dans le creux de ses entrailles. Il lui en veut mais il ne peut rien dire parce qu’en réalité, il s’en veut tellement que s’il ouvre la bouche, il ne va rien pouvoir faire d’autre que se détester. C’est sa faute, tout ça. Sa faute à lui et à son désir d’être père au détriment du bonheur de Joséphine. Non même pas son bonheur ; au détriment de la vie de Joséphine. Voilà, il est père et elle veut mourir.

Quel bel échange.

Et il aurait pu s’en douter ; il aurait dû s’en douter, même. Mais il a préféré ne rien voir et, il ne peut pas se voiler la face, s’il a fait ça, c’est surtout par égoïsme. Il s’est dit qu’elle finirait par aimer leur fille.

Comme si toutes les mamans finissaient par aimer leur enfant.

Quel con.

Paralysé par sa colère, terrassé par sa détresse, Ignacio réagit une seconde trop tard lorsque Joséphine s’effondre contre lui. Elle atteint le sol et il recule d’un pas, les yeux écarquillés dans une expression effarée. Elle a une main crispée sur sa poitrine, comme si son cœur allait s’arrêter d’une seconde à l’autre.

“Jo ?” Sa voix est aussi paniquée que le regard qu’elle lève vers lui. “Jo ?”

Quelques secondes plus tard, le cri d’une ambulance retentit dans la rue. C’est fort, assourdissant, ça couvre les pleurs de Louise. Des ambulanciers montent avec un brancard et des trousses et là, Ignacio n’arrive plus à suivre. On lui pose des questions, il y répond mais il est absent. On injecte quelque chose à Joséphine, il se voit protester mais on le rassure “c’est juste un tranquillisant, ne vous en faîtes pas.” Mais en fait, il s’en fait.

Il s’en fait parce qu’il voit bien le dernier regard que lui lance Joséphine quand elle part.

Elle ne lui pardonnera jamais.

***

Louise était capable de passer plusieurs heures sur le même problème, obnubilée par son envie de découvrir une réponse qu’elle jugerait satisfaisante. Elle tenait ça de son père, Joséphine le disait parfois avec un petit sourire indulgent et Ignacio en était assez fier. Il aimait la voir aussi déterminée à aller jusqu’au bout de ses réflexions et la poussait souvent dans cette direction. Lui-même avait grandi avec un père chercheur, qui l’avait laissé libre de mener ses propres expérimentations et c’était une composante de son éducation qu’il avait beaucoup appréciée. Il était devenu très curieux, animé par un besoin de savoir et d’apprendre.

“Si c’est pour une expérience...” commença-t-il en sentant le regard de sa femme sur lui. “Eh bien, il faudra que tu attendes d’avoir vraiment bien maîtrisé le sort de base, avant. C’est la règle.”

Louise le regarda en silence pendant quelques secondes, avant de lâcher :

“Ouiiii mais comme vous vous connaissez vraiment très bien les sorts de base...”

Ignacio eut un rire et lui pinça la joue.

“On ne peut jamais te dire non à toi, hein.” Sa fille lui renvoya un regard innocent. “Tu verras, ce encore mieux de pouvoir faire tes expériences toi-même, quand tu auras l’âge. En plus, ajouta-t-il pour la convaincre, tu seras certaine du résultat, comme ça. Imagine que maman et moi on ne fasse pas exactement ce que tu as en tête...”

L’argument parut convaincre Louise qui finit par hocher la tête. Ignacio profita de ce moment pour se lever.

“Bon alors. Dents brossées et tresses “bien droites pas comme celles de papa” faîtes.” Il lui tendit la main pour l’aider à se remettre sur ses pieds. “On dirait que tu es prête pour partir faire un tour sur le chemin de traverse, non ?
-Ouiiiii !” s’enthousiasma Louise. “Pour aller voir les baguettes et les animaux !” Elle ne perdait jamais le nord, cette petite. “Peut-être qu’on va trouver un petit copain pour Cali, même.”

Cali était le chat d’Ignacio, âgée de plus de douze ans maintenant, qui passait le plus clair de son temps à roupiller sur la terrasse.

Ignacio échangea un regard résigné avec sa femme et, plutôt que d’entrer dans une énième débat avec Louise, il tendit une main vers elle.

“On verra ça. Allez viens Loulou, on y va.”


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Joséphine Walker
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I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] - Page 3 Icon_minitimeVen 5 Avr 2024 - 9:22
Le cri d’une ambulance retentit dans la rue, assourdissant. Loin d’apaiser sa panique, ce son vient encore nourrir l’angoisse qui la dévore toute entière. Elle a terriblement peur, et l’impression qu’elle est sur le point de mourir. Sa gorge semble s’être refermée sur elle-même, sa respiration est sifflante et saccadée, son coeur cogne entre ses côtes à un rythme effréné. Elle se demande à chaque inspiration si elle sera la dernière. Elle songe à ce que l’on doit ressentir quand on manque finalement d’oxygène, quand les poumons ne peuvent plus se remplir, quand le coeur n’a plus d’autre choix que de lâcher. Elle a peur d’avoir mal. Elle a peur aussi que ce soit long. Que ce soit trop long et que les secours arrivent avant la fin. L’asphyxie lui fait peur, mais la vie la terrifie. Elle a déjà fait son choix entre ces deux terribles issues, mais ce choix ne lui appartient plus.

Elle lève un regard suppliant vers Ignacio, comme un appel à l’aide, sans savoir ce qu’elle attend exactement. Elle est terrifiée, par la mort qui se rapproche à mesure que l’oxygène lui échappe, et qui s’éloigne à chaque étage franchi par les ambulanciers qu’elle entend courir dans la cage d’escalier. Elle est terrifiée par ces mots qu’elle a finalement prononcés, et par le regard que son compagnon lui a adressé en réponse. Elle est terrifiée par son silence, et son immobilité. Elle a besoin d’une autre conclusion que celle-ci. Elle refuse que les choses se terminent de cette façon. Elle a besoin de sentir ses doigts presser les siens, elle a besoin qu’il la prenne dans ses bras, qu’il l’embrasse une dernière fois, qu’il lui mente et lui promette que tout ira bien. Mais ce ne sont pas les mains d’Ignacio qui se referment sur ses épaules, pas sa voix qui l’invite à se calmer, pas ses bras qui la soulèvent pour l’allonger sur un brancard en lévitation.

Elle résiste à peine quand on approche une aiguille de son bras, ne réagit pas quand on lui injecte une potion tranquillisante, ne répond pas aux questions qu’on lui pose. A travers les silhouettes qui se pressent autours d’elle, Joséphine cherche le regard d’Ignacio avec la certitude que c’est sa dernière chance de le croiser.  Ses yeux se posent finalement sur lui, débordants de larmes et chargés de reproches. Elle lui en veut de l’abandonner entre les mains de ces étrangers en qui elle n’a aucune confiance, de la condamner à ce sort qu’elle n’a pas choisi. Et elle lui en veut de la retenir de force dans cette vie qui les rend si malheureux tous les deux.

***

21 janvier 2012 - Sainte-Mangouste

Les médicomages ont posé des mots sur ce qu’elle a vécu. On lui a parlé de dépression post-partum, de crise suicidaire. On lui a assuré que cela arrivait à plus de femmes qu’on ne le pense. Que c’était norlmal, et que ça pouvait se traiter. Que c’était fréquent après un déni de grossesse. Qu’après deux grossesse si rapprochées, la chute d’hormones avait été particulièrement rude. Elle entend tout ça, elle comprend ce qu’on lui répète mais elle a encore du mal à le relier avec ce qu’elle a ressenti et ce qu’elle a vécu. Il y a ces termes médicaux, prononcés d’un ton calme et d’une voix rassurante, assortis d’un plan de traitement et de promesses d’amélioration, et il y a la tempête qu’elle a traversée, et qui l’a complètement ravagée.

Depuis quelques jours, elle y pense comme à un épisode passé, comme si c’était résolu. Parfois elle se dit que c’est peut-être le cas. Que c’est peut-être fini. Elle n’a pas oublié, et elle est toujours tourmentée par ses angoisses, mais elle ne ressent plus cette urgence de fuir, d’en finir. L’épais brouillard qui occupait tout l’espace de son cerveau s’est dissipé un peu. Il la laisse avec des souvenirs douloureux, mais avec la capacité d’y repenser avec un peu de recul. Elle n’est plus prisonnière de ce cercle de pensée destructrices qui tournait en boucle dans son esprit. Elle est enfin libre de réfléchir, calmement, de s’interroger sur ce qu’elle veut et ce qu’elle ne veut pas. Elle se sent capable de prendre des décisions, maintenant qu’elle n’a plus ce sentiment d’avoir en permanence un couteau sous la gorge.

Physiquement, elle va mieux. Elle dort beaucoup, avec l’aide précieuse des potions anti-dépresseurs. Elle mange, elle reprend des forces et retrouve une apparence plus humaine. Elle a même commencé ce matin les exercices de rééducation et de musculation qu'elle a négligé pendant deux mois, pour commencer à récupérer une sangle abdominale malmenée pendant sa césarienne.  

Malgré les longues heures passées avec une thérapeute, elle a encore du mal à parler de ce qu’elle a fait, ou plutôt de ce qu’elle a failli faire. Le simple fait d'évoquer ce qu'elle a dit, ce jour-là, la replonge à chaque fois dans une profonde détresse. Et elle a terriblement honte. Honte de ce qu'elle a dit, de ce qu'elle a pensé, de ces choses qu'elle a ressenti. Elle a l'impression d’avoir échoué sur toute la ligne, d'être la pire mère que l'on puisse imaginer, même si on l’encourage à penser autrement. Elle doit se concentrer sur l'avenir, et sur ce qu'elle veut faire maintenant qu'elle se sent mieux, plutôt que de ressasser ce passé où elle n'était pas dans son état normal.

Ignacio doit venir la voir aujourd'hui. Elle a très envie de le revoir. Très peur aussi. Le souvenir des derniers mots et du dernier regard qu’ils ont échangé l’accable. Elle se sent affreusement coupable de lui avoir fait vivre un tel cauchemar, de les avoir placés dans cette situation. Parfois elle se demande même s'ils vont être capable de s'en remettre. Elle sait qu'elle a certainement perdu sa confiance, peut-être son respect et même son amour, elle espère simplement qu’elle n’a rien brisé qui ne soit pas réparable.

Des coups frappés à la porte de sa chambre la font se redresser brusquement sur son lit. Son coeur s'affole immédiatement et sa nervosité monte d'un seul coup.

"Oui ?" Sa voix est rendue un peu rauque par des heures sans parler.

Ses yeux se remplissent de larmes à la seconde où ils se posent sur Ignacio, debout dans l'ouverture de la porte, alors que la culpabilité et les regrets l'écrasent de tout leur poids. Elle se lève du lit où elle était assise, fait un premier pas vers lui, hésite un instant, puis en fait un deuxième, et encore un autre, et se jette autour de son cou en éclatant en sanglots.

"Je suis désolée, articule-t-elle difficilement entre ses larmes. Je suis tellement désolée..."


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Ignacio Walker
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I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] - Page 3 Icon_minitimeMar 9 Avr 2024 - 2:55
Joséphine est hospitalisée depuis six jours. Six jours, c’est long. Ignacio les a passés avec une boule dans le ventre. Il a appelé Ste-Mangouste tous les jours pour avoir des nouvelles et chaque appel lui a laissé un goût amer dans la bouche. Les médicomages ont le chic pour utiliser des mots qui ne veulent rien dire ou alors des phrases derrière lesquelles, au contraire, on peut mettre toutes les interprétations du monde. “Elle se remet doucement.”

Il n’a pas le droit d’aller la voir. On lui a expliqué que c’était important qu’elle puisse se reposer et avoir une véritable coupure avec son quotidien avant de le réintroduire peu à peu dans sa vie. Le quotidien de Joséphine c’est lui. C’est Louise. C’est tout ce qu’il lui a donné envie de mourir quelques jours plus tôt.

Cette pensée lui glace toujours le sang et l’empêche de dormir la nuit.

Son père est arrivé le lendemain de l’hospitalisation de Joséphine. Il s’est occupé de tout, avec cette discrétion qui le caractérise. Un matin, ils se sont installés l’un en face de l’autre, devant deux tasses de café. Ignacio a gardé les yeux rivés sur le liquide sombre pendant plusieurs minutes avant de demander : “elle a eu ça aussi, hein ?” Elijah est resté silencieux. “Maman” a précisé Ignacio. Et Elijah a hoché la tête.

Cette information lui a retourné le ventre.

Il en garde encore les traces quelques jours plus tard, alors qu’il s’avance dans le hall principal de Ste-Mangouste. Les médicomages lui ont proposé de venir aujourd’hui ; Joséphine est d’accord. Il peut venir, mais seul alors il a confié Louise à son père.

Ignacio ne sait pas quoi attendre de cette rencontre. Il ne sait même pas s’il a des attentes ou s’il s’interdit d’en avoir. Il a autant envie de la retrouver que peur de ce qu’il peut trouver derrière cette porte close. Il pense sincèrement que Joséphine pourrait le quitter. Il a presque fait sa paix avec ça.

Et peut-être même qu’une part de lui pense que ce serait la meilleure solution.

Il n’a pas oublié ce qu’elle lui a dit, juste avant l’arrivée des médicomages. Quand il y repense, il sent une colère s’agiter en lui, trop étouffée pour qu’il l’entende mais trop forte pour qu’il l’oublie. Ces six jours d’absence lui ont fait prendre conscience du poids qu’il porte, lui aussi, depuis des mois.

Et il n’est pas certain de pouvoir en supporter beaucoup plus.

Son cœur rate un battement dans sa poitrine lorsqu’il pose la main sur sa poignée de la porte.

Une seconde plus tard, son regard trouve celui de Joséphine.

Elle semble moins maigre, constate-t-il. Plus reposée, aussi ; les cernes sous ses yeux sont moins creusés, moins violets. Son visage est peut-être un peu moins pâle, aussi.

Il s’immobilise dans la chambre. Les yeux de Joséphine se remplissent de larmes et, quelques secondes plus tard, elle est dans ses bras, les joues humides des larmes. Par réflexe, Ignacio referme ses bras dans son dos. Elle s’excuse entre deux sanglots, encore et encore, et quelque chose se délie dans sa poitrine. Si elle s’excuse, c’est qu’elle regrette.

Si elle regrette, c’est que les choses peuvent être différentes.

Alors Ignacio étouffe les sentiments désagréables qui lui serrent le ventre, juste le temps de serrer sa femme contre lui. Il a l’impression qu’elle n’a pas été aussi proche de lui depuis une éternité, tellement qu’il en a oublié les sensations de son corps contre les siens. L’odeur au creux de son cou, le creux de sa taille où passent ses bras. Il pose son menton contre ses cheveux roux, ferme les yeux malgré les battements agités de son cœur et les larmes qui coulent sur ses joues à lui aussi.

Le profond soulagement qu’il ressent ne parvient pas à emporter la peur ancrée en lui. Joséphine est là, vivante dans ses bras, mais il n’arrive pas à oublier la vision d’elle, penchée au-dessus du verre qui devait lui donner la mort.

Il se recule légèrement, pose ses mains sur ses joues pour mieux la regarder. Il y a plein de mots autour de lui mais aucun pour demander ce qu’il veut réellement savoir. Finalement, ce n’est pas une question qui franchit ses lèvres mais un constat, comme un cri du cœur :

“Tu m’as manqué...”

Il l’attire à nouveau contre lui. Toutes ses interrogations quittent brièvement son esprit. Les “ça va ?”, les “comment tu te sens ?” et les “qu’est-ce que tu veux faire maintenant ?” disparaissent pour laisser place à ce sentiment tellement fort qu’il en vacille un peu

“Tu m’as fait trop peur” murmure-t-il à son oreille, d’une voix étouffée.


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I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] - Page 3 Icon_minitimeVen 12 Avr 2024 - 8:36
Un profond soupir de soulagement s’échappe des lèvres de Joséphine quand les bras d’Ignacio se referment autour d’elle. Elle enfouit son visage dans le creux de son épaule alors que des larmes continuent de s’échapper d’entre ses paupières closes. Il est là. Il est venu. Il ne la déteste pas au point de ne plus jamais vouloir la voir.

Depuis plusieurs jours, on la questionne sur ce qu’elle désire, sur ce qu’elle veut faire après, sur ce dont elle a envie pour la suite, comme si elle était la seule dont dépende cette décision. Elle se trouve souvent incapable de répondre. Contrairement à l’équipe bienveillante qui l’entoure, elle est terriblement consciente que cette décision ne dépend pas que d’elle. Parmi les sentiments contradictoires qui l’agitent, elle n’est certaine que d’une chose : elle ne veut pas se séparer d’Ignacio. Mais lui, voudra-il encore partager sa vie avec elle après ce qu’elle a fait ? Après ce qu’elle a dit ? Elle ne pourrait pas lui reprocher de vouloir prendre ses distances.

Ignacio s’écarte légèrement d’elle, et prend son visage entre ses mains mais elle n’arrive pas à soutenir son regard. Peut-être parce que la tristesse de son regard humide la fait se sentir terriblement coupable, et peut-être parce qu’elle a peur d’y trouver autre chose, d’y voir ces reproches qu’il n’ose pas formuler.

Tu m’as manqué aussi…” souffle-t-elle en retour.

Cela n’avait pas été le cas tout de suite. Les premiers jours, elle n’avait pas souffert de son absence, trop absorbée par son propre mal-être, et encore trop en colère contre lui après ce qu’elle avait vécu comme une trahison. Elle s’était apaisée, depuis, elle avait eu le temps de repenser à ce qui s’était passé avec davantage de lucidité. La colère avait laissé la place à la honte, aux regrets, et au manque. Elle avait ressenti un besoin de plus en plus fort de le voir, pour effacer ces derniers souvenirs d’eux, pour les remplacer par d’autres, et pour s’excuser.

Je suis désolée, répète-t-elle, encore et encore. Je suis désolée de t’avoir fait vivre ça…

Elle se demande s’ils s’en relèveront. S'il est possible de pardonner ce genre de choses. S'il pourra un jour effacer de sa mémoire ce qu'il avait vu chez elle ces derniers mois. Elle-même sait qu'elle n'oubliera pas, et qu'elle ne se le pardonnera peut-être jamais. Elle se demande s'ils oublieront, s'ils guériront. Elle ne sait pas comment leur couple pourrait survivre à cette tempête, et revenir à la normale. Elle lui a fait peur, dit-il, et elle espère que ces terribles moments dont le souvenir flotte entre eux n'ont pas changé définitivement l'image qu'il a d'elle, ou les sentiments qu'il lui porte.

Cette fois c'est elle qui s'écarte légèrement de lui. Elle se force à relever la tête et à trouver son regard. Elle sent son ventre se nouer, lutte contre l'envie de baisser les yeux et de se blottir de nouveau dans ses bras. Ils doivent l'avoir, cette conversation, c'est important. Il y a beaucoup de choses qu'elle veut lui dire, et qu'elle prépare depuis des jours, mais rien ne lui vient. Elle ne sait plus vraiment par où elle voulait commencer, mais elle se souvient parfaitement de sa conclusion, alors elle décide de commencer par la fin.

Merci.”

Elle serait morte s’il n'avait pas été là. Ce constat lui a d'abord inspiré beaucoup de colère et un profond sentiment d’injustice, puis de violentes angoisses. Elle arrive désormais à l’accepter, sans que cela ne réveille en elle l'envie ou la crainte de recommencer. Les choses sont ainsi, si Ignacio n’avait pas été là, elle ne serait plus là aujourd’hui. Elle lui doit le reste de sa vie.


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Ignacio Walker
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I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] - Page 3 Icon_minitimeSam 13 Avr 2024 - 21:33
Les médicomages ne l’ont pas laissé dans le brouillard le plus total. On lui a expliqué la dépression, les idées suicidaires, les conséquences du déni de grossesse, des hormones qui montent brusquement et chutent brutalement. Ignacio a reçu toutes ces informations, il a hoché la tête à plusieurs reprises, a posé des questions. Il sait et, en même temps, il ne sait rien. Il a besoin que Joséphine incarne tous ces mots vides de sens pour l’instant. Il a besoin de la sentir vivante contre lui, vivante dans ses bras. Alors, quand il l’enlace, il s’accroche littéralement à elle, à cette chaleur qu’elle dégage et qu’il a cru ne jamais pouvoir retrouver.

Leur avenir est flou, pour Ignacio. Flou, incertain, angoissant. Il se souvient des mots de sa femme lorsqu’il a appelé les secours, de cette colère dans ses yeux lorsqu’il s’est exécuté malgré ses supplications. Ce jour-là, il a fait un choix : la vie de Joséphine au profit de leur union. Il n’est pas certain que leur relation puisse survivre à tout ça. La grossesse indésirée, l’accouchement, les mois de silence, le souhait silencieux de Joséphine que leur fille n’ait jamais existé. Si une part de lui a envie d’y croire un autre, plus pragmatique – plus défensive, en réalité – préfère y renoncer d’emblée.

C’est plus simple ainsi ; il peut se convaincre d’avoir fait le bon choix. Un sacrifice énorme, mais le bon choix. Après tout, il aurait pu tout perdre.

Dans le scénario qui s’esquisse devant ses yeux, il perd seulement la femme de sa vie.

Les excuses de Joséphine, en boucle, ne parviennent pas à chasser ses pensées. Il les écoute sans parvenir à y croire, sans s’autoriser à être soulagé de cette charge qu’il porte. Il lui caresse doucement les cheveux, comme pour l’apaiser, le temps que ses sanglots se calment. Quand elle relève enfin les yeux vers lui, le mot qu’elle lui souffle le sort de sa présence passive. Il la dévisage avec une stupeur dans le regard. Il s’attendait à beaucoup de choses ; des excuses, oui. De la colère, peut-être. Du rejet, de la distance. Du soulagement, éventuellement. Mais pas des remerciements.

Pendant six jours, Joséphine a été accompagnée par des professionnels qui l’ont aidée à mettre des mots sur sa souffrance. Ignacio, lui, a eu six jours dans l’appartement où elle a failli se donner la mort. Un ravin les sépare.

Lui, ce n’est pas du soulagement qu’il parvient à exprimer mais la culpabilité qui serre son ventre.

“Pardon” lui dit-il en retour. Il a le cœur serré dans sa poitrine ; quelque part, ça lui fait mal de penser à ce qu’il va dire mais, après avoir tourné pendant des jours dans sa tête, les mots coulent entre ses lèvres : “J’aurais pas dû insister pour qu’on garde le bébé. Je sais depuis le début que t’en voulais pas, je...” C’est dur, pour lui, parce qu’il est certain d’aimer Louise. Il est même certain qu’il serait moins heureux sans elle. Mais depuis sa naissance, Joséphine est misérable. “Je sais pas, je me disais que ça changerait peut-être.” Il inspire et quelque chose tremble dans son regard. “C’était une erreur, je... Je suis désolé.”  


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Quand Ignacio affirme que c’était une erreur de garder le bébé, Joséphine ne le contredit pas tout de suite. Elle sait qu’il a raison, qu’elle aurait été plus heureuse de ne pas garder leur bébé. C’est terriblement difficile de se l’avouer, et elle n’arrive pas encore à se défaire du sentiment de honte qui accompagne cette pensée, mais elle ne cherche plus à la nier. Elle ne voulait pas de cet enfant, n’en a jamais voulu, et elle aurait préféré ne jamais être enceinte. Mais il est trop tard pour nourrir des regrets qui ne leur feraient que du mal. Ils ne peuvent pas changer le présent, ils doivent se concentrer sur l’avenir.

Un avenir complètement flou, à propos duquel elle n’est certaine que d’une chose. Elle veut qu’Ignacio élève Louise, et continue d’être pour elle le père aimant qu’il est déjà. La naissance de leur fille l’a rendue malheureuse, mais elle a comblé son mari de bonheur, même si les derniers mois ont été horriblement difficiles. Elle le voit dans la façon dont il regarde leur fille, à la façon dont il a persévéré pour s’occuper d’elle et lui apporter de l’amour pour deux. C’est un lien qu’elle ne peut pas briser. Elle aime Ignacio plus que tout, elle veut qu’il soit heureux et Louise le rend heureux. Tout le reste est complètement flou. Tout est possible et pourtant elle a encore du mal à se projeter. Elle n’est pas certaine de pouvoir trouver sa place dans cette vie qu’elle leur souhaite à tous les deux.

Elle voudrait réussir à devenir la mère qu’elle devrait être, à reprendre sa place au sein de leur famille, mais elle sait que ce n’est pas si simple que ça. Elle a affronté l’idée que, peut-être, elle n’était pas faite pour ça. Peut-être qu’elle n’y arriverait jamais. Et peut-être que ce n’était pas si grave que ça, qu’elle n’était pas obligée de s’accomplir dans cette vie, et que cela ne signifiait pas forcément qu’aucune autre vie n’était possible. Mais elle se doit de réessayer. Elle sait qu’elle ne peut pas prendre de décision en se fondant uniquement sur son expérience des derniers mois, où elle n’était pas vraiment elle-même. Elle est accompagnée maintenant, et traitée. Elle est en mesure de se confronter de nouveau à son rôle de mère, en étant en pleine possession de ses moyens. Cela lui fait terriblement peur. Elle sait que Louise mérite une deuxième chance, et une part d’elle est curieuse d’essayer, mais elle a très peur d’échouer de nouveau.

Elle a peur des décisions qu’elle devra prendre, si ça ne fonctionne pas.

Tu pouvais pas savoir, répond-t-elle finalement. Il aurait très bien pu avoir raison. Elle aurait pu se découvrir un instinct maternel au moment de la naissance de Louise, elle n’aurait pas été la première. Ce n’était pas de sa faute si elle avait eu tant de difficultés à gérer l’arrivée de leur fille. C’était pas une erreur, corrige-t-elle alors que les mots se bousculent dans sa tête. Elle a beaucoup de choses à dire et elle ne sait plus vraiment par où elle veut commencer. C’est ton enfant aussi, et elle te rend heureux et je… Je sais pas si je vais y arriver, avoue-t-elle en baissant les yeux. Mais je voudrais réessayer, si tu veux bien…

Elle a à la fois terriblement hâte et terriblement peur d’être de nouveau confrontée à ce bébé de deux mois qu’elle connait à peine. Elle espère ressentir quelque chose de différent, sentir quelque chose de nouveau, mais elle craint que ce ne soit pas le cas. Elle a peur qu’il soit trop tard, peur d’avoir loupé sa chance et d’avoir tout gâché. Elle ne sait pas s’il est encore possible de se rattraper, mais elle aimerait essayer.


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C’est vrai, Louise le rend heureux. Ignacio est même persuadé qu’il aurait été moins heureux sans elle ; sa naissance est venue éclore quelque chose en lui. Il ne l’explique pas vraiment ; il sait simplement qu’il a toujours nourri le désir de devenir père, sans trop oser le réaliser. Ce n’était pas le bon moment. Pas la bonne configuration.

Pas la bonne personne.

Joséphine n’a jamais voulu d’enfant, il le sait depuis le début. Pourtant, lorsqu’elle est tombée enceinte, il s’est surpris à espérer qu’elle change d’avis. A mettre des choses en œuvre pour qu’elle change d’avis, même. L’avortement n’était plus une option, le bébé allait naître quoiqu’il arrive, alors... Il a essayé d’éveiller une envie chez elle pour la voir concorder avec son envie à lui.

Quel échec.

Louise est née et Joséphine n’a jamais réussi à investir une relation avec elle. Elle n’a même pas choisi son prénom ; c’est Ignacio qui a nommé leur fille. Il a pris un prénom français en se disant que cela ferait peut-être un lien entre Joséphine et elle.

Échec.

Il a l’impression d’avoir tout essayé, d’avoir porté à bout de bras leur famille pendant de longs mois. Il s’est occupé de Louise jour et nuit tout en veillant sur Joséphine. Il a saisi toutes les occasions de provoquer une rencontre – une vraie rencontre – entre elles.

Échec.

Ce dont il a pris conscience, ces derniers jours, c’est de la fatigue monumentale qu’il porte. Son père – qui s’est installé chez eux pour le seconder – a gardé Louise pendant toute une nuit.

Il a dormi douze heures, d’une traite, d’un sommeil de plomb.

Ce n’est pas tant la charge du travail domestique qui l’épuise – enfin, si, évidemment que ça y contribue – mais la peur qui éveille ses sens et le laisse en état d’alerte permanent. Depuis qu’il sait que Joséphine est prise en charge à l’hôpital, quelque chose s’est délié en lui.
Et maintenant qu’il s’est débarrassé de cette tension insoutenable, il n’est pas certain de pouvoir la retrouver.

Le scénario s’est déjà esquissé dans sa tête : il va s’excuser auprès de Joséphine pour avoir insisté auprès d’elle pour qu’ils gardent le bébé. Elle va lui confier qu’elle ne peut pas endosser ce rôle et leurs chemins vont se séparer ici. Il s’est déjà résigné à cette fin, non sans une douleur lancinante au creux de l’estomac parce qu’il mesure cruellement ce qu’il perd ici. Mais Louise est là et il ne peut pas l’abandonner ; ça, ce serait intolérable.

Alors Ignacio attend, le regard chargé par l’appréhension, que son mariage se termine dans cette chambre impersonnelle.

La réponse de Joséphine le surprend tellement qu’il en perd son vocabulaire. Il la dévisage longuement et fait un pas vers l’arrière, tout en conservant ses mains dans les siennes. Elle veut réessayer, dit-elle avec une voix qui tremble un peu. Elle n’est pas certaine du résultat, mais elle veut réessayer.

“T’es sûre ?” demande Ignacio, comme s’il se gardait de trop y croire.

Il a l’impression de marcher sur des œufs, ici. Un mot de trop et cette fragile envie de se brise. Alors il demande précautionneusement :

“Et... T’as réfléchi à comment tu voudrais faire ça ?”


I bet my life on you
I've told a million lies but now I tell a single truth, there's you in everything I do
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I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] - Page 3 Icon_minitime