Le Deal du moment : -39%
Pack Home Cinéma Magnat Monitor : Ampli DENON ...
Voir le deal
1190 €

I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio]

Ignacio Walker
Ignacio WalkerPropriétaire d'un haras
Messages : 193
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeMer 3 Jan 2024 - 0:40
31 juillet 2012 - Ste-Mangouste.

Ignacio poussa la porte de la chambre de Joséphine, l’estomac alourdi et le cœur agité. Elle était allongée dans un lit d’hôpital, le bras relié à une perfusion qui lui permettait de recevoir une potion d’hydratation et une potion de force. Elle n’avait pas l’air particulièrement mal en point ; des deux, c’était Ignacio qui avait le regard hagard et un poids sur les épaules.

Il s’installa en face d’elle et lui demanda, comme pour gagner du temps :

« Tu te sens un peu mieux ? »

Elle avait fait un malaise à la salle de sport qu’elle fréquentait assidument depuis plusieurs mois, bien déterminée à se débarrasser des kilos laissés par sa grossesse. Parce qu’il ne voulait pas engager sa responsabilité, le responsable des lieux avait fait venir une ambulance pour l’emmener à Ste-Mangouste. Ignacio avait été prévenu un peu après, alors que Joséphine était déjà en route pour l’hôpital. Il avait transplané dès qu’il avait reçu l’information mais n’avait pas été autorisé à la voir immédiatement ; les médicomages devaient d’abord l’examiner et lui faire passer une batterie de tests. Ce n’était sûrement rien, avait dit une infirmière pour le rassurer, il ne fallait pas trop qu’il s’inquiète.

Il avait échangé quelques messages avec Joséphine qui l’avaient rassuré ; elle avait l’air plus agacée d’avoir été envoyée à l’hôpital pour si peu que réellement mal en point. Et puis, dans le couloir, un médecin avait fait signe à Ignacio de venir. Il s’était levé, persuadé de recevoir une bonne nouvelle et la promesse de quitter bientôt cette salle d’attente défraîchie.

La désillusion avait été douloureuse.

C’étaient les traces de cette désillusion qu’Ignacio portait encore sur son visage.

Ça, et les marques d’une nervosité qu’on voyait rarement chez lui.

« Jo… » lança-t-il finalement en attrapant sa main. Il observa brièvement leurs doigts entrelacés, le temps de chercher ses mots. « J’ai discuté avec un médecin, dans le couloir. Il m’a… Il m’a que tu étais enceinte. »

***

16 août 2023, Oxford.

« Il reste du café, Jo ? » demanda Ignacio, qui venait de terminer sa tasse.

Le grand ciel bleu les avait poussés à prendre le petit-déjeuner dehors, sur la terrasse, pour profiter de la brise légère.

« Attends, papa, je vais te le chercher ! » intervint Louise qui bondit sur ses pieds, attrapa la tasse des mains de son père et s’envola vers la cuisine.

Ignacio haussa légèrement les sourcils et échangea un regard entendu avec Joséphine. Ils connaissaient tous les deux suffisamment leur fille pour savoir que, lorsqu’elle se précipitait pour leur venir en aide, c’était qu’elle avait une idée derrière la tête. En temps normal, elle ne s’opposait jamais pour les aider, même s’ils devaient un peu insister parfois. Mais, dès qu’elle voulait quelque chose, elle se montrait très proactive pour leur faire plaisir, à grand renfort de surnoms tendres.

« Tiens papou, fit-elle d’ailleurs en revenant avec une tasse pleine de café.
-Merci ma chérie.
-Et mamounette je t’ai pris ton fruit aussi. »

Elle tendit à sa mère une assiette dans lequel reposait un pamplemousse ouvert en deux. Ignacio eut un sourire amusé et lança, pas dupe pour un sou :

« Toi, t’as quelque chose à demander… »



I bet my life on you
I've told a million lies but now I tell a single truth, there's you in everything I do
Joséphine Walker
Joséphine WalkerProfesseur de danse
Messages : 310
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeMer 3 Jan 2024 - 7:44
Joséphine avait le sentiment désagréable que les médicomages lui cachaient quelque chose. Quand elle était arrivée à l’hôpital, après avoir repris connaissance sur le sol de la salle de sport, on lui avait assuré qu’elle pourrait très vite repartir. C’était un petit malaise, rien de plus, on devait juste vérifier sa tension et s’assurer qu’elle ange quelque chose. Et pus les examens s’étaient enchainés, et elle avait clairement vu l’expression des médicomages changer. Elle se doutait que ce n’était rien de grave -elle le saurait si elle était gravement malade, non ?- mais commençait à s’inquiéter un peu.

Maintenant qu’elle y pensait, elle avait remarqué qu’elle s’essoufflait très vite, à la salle de sport. Au début elle avait pensé que c’était les conséquences de sa grossesse, qu’elle avait perdu son souffle et qu’elle n’avait plus l’habitude de faire du cardio. Mais les semaines d’entrainement s’enchainaient et elle s’épuisait toujours aussi vite.

Elle demanda une nouvelle fois ce qui se passait, et une infirmière lui répondit qu’ils reviendraient rapidement vers elle, qu’ils attendaient que son mari soit là. Joséphine avait froncé les sourcils, en se demandant pourquoi la présence d’Ignacio était requise, et son inquiétude avait augmenté d’un cran.

Il finit par apparaitre à la porte de sa chambre et elle l’accueillit avec un sourire soulagé. Elle hocha la tête quand il lui demanda si elle se sentait mieux.

"Emmène-moi loin d’ici, supplia-t-elle. Je crois qu’on essaie de me séquestrer..."

Sa tentative d’humour tomba à plat et son sourire disparut face à la mine grave d’Ignacio, qui venait de s’asseoir au bord de son lit pour lui prendre la main. Cette fois-ci elle était réellement inquiète, et sentit son coeur se mettre à battre un peu plus vite.

"Qu’est-ce qui se passe ? s’enquit-elle, le visage blême. La réponse d’Ignacio la laissa interdite, et elle faillit éclater de rire. Oh, ça. Elle balaya l’information d’un revers de main. Tu leur as dit que j’avais accouché depuis presque six mois ? »

Il était peut-être temps de mettre son dossier médical à jour. Joséphine n’aimait pas particulièrement qu’on lui rappelle sa grossesse, raison pour laquelle elle s’acharnait à la salle de sport pour en gommer les dernières traces. Un jour, deux ou trois semaines après son accouchement, une dame lui avait demandé dans la rue « Pour quand était prévu le terme ? ». Ignacio avait du la retenir pour l'empêcher de lui arracher les yeux. Elle avait juste envie de tourner la page, de passer à autre chose, mais même le corps médical semblait déterminé à lui rappeler cette étape de sa vie.

***

"Il doit en rester un fond, dans la cuisine."

Joséphine croisa le regard de son mari quand leur adorable fille se précipita pour aller chercher le café de son père, et ils échangèrent un sourire entendu. Louise était toujours gentille avec eux, mais quand elle se montrait excessivement prévenante c’était généralement parce qu’elle avait quelque chose à leur demander.

"Merci ma puce, répondit-elle en lui collant un bisou sur la joue quand sa fille déposa devant elle une assiette avec un pamplemousse coupé en deux. Tu en veux un peu ?"

Louise secoua négativement la tête et se rassit entre ses deux parents, à la table ronde sur la terrasse, tout sourire. Il allait faire chaud aujourd’hui, mais à cette heure matinale la température était encore agréable.

"Non ! protesta vivement la fillette quand son père affirma qu’elle avait visiblement quelque chose à leur demander. Mais, enfin…Je me demandais si…"

Joséphine retint un sourire. « Je me demandais si… » était la manière de Louise de réclamer quelque chose. « Je me demandais si je pourrais avoir mon propre poney, un jour » ou « Je me demandais si on pourrait avoir une piscine sur la terrasse, comme il fait chaud ». Louise se demandait beaucoup de choses.

"Si on pouvait aller sur le Chemin de Traverse aujourd’hui ?"

Joséphine consulta rapidement Ignacio du regard. Ils étaient jeudi, en plein mois d’août, ils n’avaient rien de prévu aujourd’hui. Une ballade sur le chemin de traverse semblait tout à fait indiquée. Elle donnait un cours de danse ce soir, mais cela leur laissait suffisamment de temps pour passer l’après-midi à Londres.

"Oui bien sûr, tu voudras une glace ?
- Je voudrais une baguette !"

Ah.


I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Signature-Jo
Ignacio Walker
Ignacio WalkerPropriétaire d'un haras
Messages : 193
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeMer 3 Jan 2024 - 9:09
Quand le médicomage avait prononcé le mot « enceinte », Ignacio avait failli rire. Il avait eu un discret sourire, quand même, presque indulgent. « Oui, elle a accouché au mois de février » avait-il répondu, presque surpris que le personnel médical n’ait pas retrouvé les antécédents de Joséphine dans son dossier médical, alors qu’elle avait été suivie à l’hôpital pendant toute sa grossesse. Le médicomage n’avait rien dit. Un silence s’était installé, pendant lequel le sourire d’Ignacio s’était fissuré.

Il avait complètement disparu ensuite.

Ignacio n’était pas certain d’avoir compris ou retenu toutes les informations qu’on lui avait données. Il ne s’était jamais assez intéressé à ces sujets pour en maîtriser les termes qui, désormais, s’emmêlaient dans sa tête. Il avait voulu poser des questions au médicomage mais ce dernier avait insisté pour en parler d’abord à la principale concernée, qui attendait ses résultats depuis bien trop longtemps maintenant. « Je peux le faire » s’était entendu dire Ignacio d’une voix lointaine. « Je peux lui dire. »

Il se souvenait s’être dit que l’annonce serait peut-être moins difficile si elle venait de lui plutôt que d’un médecin inconnu, pressé de terminer sa consultation pour passer à un autre dossier. Il s’imaginait être capable d’affronter la réaction de Joséphine.

Il n’avait pas mesuré à quel point sa propre nervosité l’empêcherait de parler.

Face à la réaction de Joséphine, il garda le silence et rejoua sans le vouloir cette scène qu’il avait vécue quelques minutes plus tôt. Ce fut toutefois lui qui reprit la parole, sans la lâcher des yeux.

« Oui, répondit-il. Ils savent pour ton accouchement. » Les mots pesaient lourds dans sa bouche, comme s’ils étaient visqueux et gluants. Il se racla la gorge, sans parvenir à dissiper son malaise. « Ce qu’ils m’ont dit, c’est que tu étais enceinte à nouveau, Jo. De quatre ou cinq mois, selon eux. »

Cela n’avait pas beaucoup plus de sens de le dire. Ignacio s’efforçait de ne pas laisser son regard descendre vers le ventre de Joséphine qui, comme ce matin, serait résolument plat.

Il était impossible de deviner qu’elle était enceinte.

Pourtant, les examens ne mentaient pas ; Joséphine était enceinte pour la deuxième fois. De lui, cette fois-ci.

***

Ignacio dut masquer son sourire dans sa tasse de café pour ne pas vexer sa fille. Louise commençait toujours ses phrases de la même manière lorsqu’elle désirait obtenir quelque chose. C’était sa manière à elle de ne pas faire une demande trop directe et de sous-entendre (sans grande subtilité) ses envies à ses parents.

Cette fois-ci, sa demande fut plutôt bien adaptée aux circonstances (la semaine dernière, elle s’était demandé si elle pourrait un jour avoir un dragon) et Joséphine positivement après avoir consulté Ignacio du regard. La saison des courses ne reprenait que mi-septembre et les affaires étaient plutôt calmes en ce moment ; Ignacio en profitait donc pour passer du temps avec sa famille. Une petite promenade sur le Chemin de Traverse pour y déguster une glace lui semblait parfaitement entrer dans son programme.

Louise, en revanche, avait d’autres idées.

Ignacio haussa légèrement les sourcils et reposa sa tasse de café.

« Tu n’as pas encore l’âge pour ça, Loulou, fit-il remarquer.
-Mais j’ai presque onze ans ! C’est juste un tout petit peu à l’avance. On pourra dire que j’ai déjà onze ans ! insista-t-elle.
-C’est illégal, ma puce. » Et Louise était beaucoup plus sensible à cet argument que ses parents ne l’avaient jamais été dans leurs vies. « Il faut que tu attendes ta rentrée à Poudlard.
-Mais c’est dans trop loooongtemps, soupira-t-elle. Je pourrais pas y aller plus tôt ? Comme ça j’irai avec Alma ! »

La mention d’Alma Calder, une très bonne amie de Louise depuis plusieurs années maintenant, permit à Ignacio de comprendre l’élément qui lui manquait :

« Elle a été achetée sa baguette, Alma ?
-Oui et elle me l’a montrée, elle est hyper belle, avec des dessins gravés sur le manche et tout… »


I bet my life on you
I've told a million lies but now I tell a single truth, there's you in everything I do
Joséphine Walker
Joséphine WalkerProfesseur de danse
Messages : 310
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeMer 3 Jan 2024 - 13:28
Joséphine sentait qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Elle le voyait dans le regard inquiet d’Ignacio, elle le devinait à ses doigts qui serraient les siens un peu trop fort. Et quelque part, dans un recoin lointain de son cerveau, elle comprenait malgré elle. Les mots prononcés par son compagnon un instant plus tôt résonnaient dans sa tête en prenant une nouvelle signification, qu’elle rejeta complètement. Ce n’était pas possible.

"Ce qu’ils m’ont dit, c’est que tu étais enceinte à nouveau, Jo. De quatre ou cinq mois, selon eux."

Joséphine resta silencieuse, les yeux baissés sur leurs mains jointes. Elle avait distinctement entendu les mots d’Igacio, mais elle refusait de les comprendre. Elle ne voulait pas admettre que cela puisse être possible. Elle ne voulait pas être enceinte. Elle ne voulait pas avoir un enfant. Elle ne voulait pas abandonner un autre bébé. Elle ne survivrait pas à une autre séparation.

"Non, je… Ce n’est pas… Je peux pas… " bafouilla-t-elle finalement alors que la vérité s’insinuait doucement dans son esprit et y semait un terrible doute.

Il devait forcément y avoir une autre explication. Les médicomages pouvaient se tromper. Elle avait eu ses règles deux fois depuis l’accouchement, c’était bien une preuve qu’elle n’était pas enceinte. Certes, son cycle était très irrégulier, et elle ne perdait pas beaucoup de sang. Elle aurait dû aller consulter d’ailleurs, mais elle avait été négligente et… Et elle était enceinte. A mesure que les secondes passaient, la réalité la rattrapait. Enceinte. De quatre à cinq mois. C’était trop tard pour y mettre un terme, trop tard pour y échapper. Le caractère définitif de sa situation la frappa brusquement de plein fouet et elle crut qu’elle allait vomir. Son corps se mit à trembler et elle secoua négativement la tête.

"Non, je peux pas, souffla-t-elle en relevant les yeux pour s’accrocher désespérément au regard d’Ignacio. Il ne pouvait pas laisser ça arriver. Il devait faire quelque chose. Je peux pas refaire ça."

Un sanglot s’échappa d’entre ses lèvres et elle eut du mal à reprendre sa respiration. C’était comme si sa gorge s’était nouée et refusait de laisser passer l’oxygène dont elle avait besoin. Une violente angoisse lui écrasait la poitrine et elle continuait de trembler comme une feuille.

Elle n’avait jamais vraiment partagé avec Ignacio à quel point la séparation avec le bébé avait été difficile, six mois plus tôt. Elle n’avait jamais regretté son choix, mais elle avait terriblement souffert de se retrouver si brusquement coupée de ce petit être qui avait grandi en elle pendant neuf mois. C’était la chose la plus difficile qu’elle ait eu à faire de toute sa vie et elle s’était juré qu’elle ne le ferait plus jamais.

"Je peux pas abandonner un autre bébé…" articula-t-elle finalement entre deux sanglots.



***

Une expression de surprise passa sur le visage de Joséphine quand Louise affirma qu’elle voulait acheter une baguette. Elle laissa à Ignacio le soin de lui expliquer qu’elle était trop jeune, et qu’il était illégal de posséder une baguette magique avant onze ans. Leur fille était généralement bien plus sensible à cet argument que ne l’avaient été ses parents. Avant même qu’ils n’aient pu l’interroger sur les raisons de cette soudaine envie de baguette, Louise évoqua la possibilité de partir à Poudlard avec Alma et Joséphine échangea un regard entendu avec son mari.

"Alma a déjà onze ans, mon cœur, c’est pour ça qu’elle peut aller à Poudlard, expliqua-t-elle. Tu iras l’année prochaine.

- Mais c’est dans longteeeemps ! protesta Louise avec un soupir désespéré. Et Alma elle va se faire plein de copines à Poudlard…" ajouta-t-elle d’une petite voix.

Le cœur de Joséphine se serra, attendri, et elle caressa doucement les cheveux roux de sa fille. Alma et Louise étaient amies depuis qu’elles étaient bébé, et elle devinait comme sa fille devait être triste de voir sa copine de toujours partir pour Poudlard. Elle se promit de faire attention à la garder occupée et de lui proposer de chouettes activités au mois de septembre, pour qu’elle ne s’ennuie pas trop. La dernière fois qu’elle avait été privée trop longtemps d’Alma elle avait demandé un petit frère ou une petite sœur, et Joséphine ne tenait pas à avoir de nouveau cette conversation.

"Tu pourras lui envoyer des lettres, assura-t-elle. Et ne t’en fais pas, elle ne va pas t’oublier. Elle pourra même te présenter toutes ses copines l’année prochaine ! La perspective d’être intégrée au sein d’une bande de filles plus âgées sembla ragaillardir un peu Louise, qui n’était pas complètement convaincue pour autant.

- Est-ce que je pourrai aller la voir à Poudlard alors ? Juste une journée ! ajouta-t-elle précipitamment avant que ses parents aient pu répondre, comme pour contrer le refus qu’elle sentait arriver. Juste une heure ! "


I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Signature-Jo
Ignacio Walker
Ignacio WalkerPropriétaire d'un haras
Messages : 193
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeJeu 4 Jan 2024 - 9:19
Ignacio vit le visage de Joséphine se décomposer et ses traits s’affaisser brusquement. Elle fuyait son regard et gardait ses yeux résolument fixés sur ses mains, comme pour échapper à cette confrontation avec une vérité trop lourde et trop douloureuse pour être entendue. Elle était enceinte.

Ignacio peinait à y croire, lui aussi. Ces mots tournaient pourtant en boucle dans sa tête et occupaient l’intégralité de ses pensées. Enceinte. Joséphine était enceinte.

Cette idée faisait naître un mélange confus d’émotions chez lui qu’il n’arrivait pas réellement à démêler. Il était abasourdi, bien entendu, sonné comme si un marteau lui avait frappé le crâne. Il était inquiet, bien sûr, et encore plus maintenant que Joséphine s’effondrait devant son regard impuissant. Il était incertain de l’avenir, comme si ce futur qui s’esquissait devant lui s’était brusquement effacé au profit d’une route dont il ne distinguait pas encore les contours. Et, au milieu de cette agitation anxieuse, il y avait une petite lueur plus chaude, plus douce ; la perspective de voir cette envie si forte de devenir père se réaliser enfin.

Ignacio avait toujours ce désir quelque part en lui. Parfois, il s’était fait plus discret et parfois plus bruyant. La première grossesse de Joséphine avait été difficile pour lui sur ce point-là ; il assistait, en tant que spectateur, à quelque chose qui éveillait en lui une envie similaire. Puis les mois étaient passés et ses pensées s’étaient de moins en moins attardées sur ce sujet. Il y avait eu leur désastreux voyage à New-York, leur mariage précipité à Las Vegas et le retour en Angleterre. La question était forcément présente, dans un coin de sa place, mais elle ne prenait plus tant de place.

Jusqu’à aujourd’hui. Là, elle occupait tout l’espace de ses pensées.

Toutefois, il ne se sentit pas capable d’exprimer tout ça face à Joséphine, qui s’accrochait désespérément à lui comme si elle s’apprêtait à défaillir. Le cœur d’Ignacio se serra dans sa poitrine en voyant les sanglots la gagner et faire tressauter ses épaules. Elle répétait encore et encore qu’elle ne pouvait pas refaire ça, qu’elle ne pouvait pas abandonner un autre bébé. Elle avait la voix écrasée par le chagrin et une détresse profonde dans ses yeux bruns. Ignacio ne tarda pas à quitter la chaise où il était installé pour s’asseoir sur le bord de son matelas et l’attirer dans ses bras.

« Ça va aller, Jo. » murmura-t-il en lui caressant doucement le dos, la gorge nouée par l’émotion. « Ça va aller. »

Il ne savait pas exactement qui il espérait rassurer avec ces paroles qui ressemblaient davantage à des prières, mais il les répéter en boucle lui fit du bien. Il poursuivit alors, les bras passés autour du corps de Joséphine.

« Pour l’instant, les médicomages doivent faire des examens pour savoir si… Si le bébé est en bonne santé. » Dans sa bouche, le mot « bébé » avait un goût particulier qu’il remarquait pour la toute première fois. « On peut commencer par ça. Voir si tout va bien. » Ignacio se raccrochait à des choses pragmatiques, rassuré par le fait de pouvoir poser des étapes pour cadrer cette immense incertitude qui le saisissait à la gorge. « Et après… Après, on verra. Il y a… Il y a des solutions. » lâcha-t-il pudiquement, en embrassant les cheveux de Joséphine. « Je suis là, Jo, je… Je suis là, t’es pas toute seule, ok ? »

***

Sans surprise, la raison derrière cette brusque envie d’acquérir une baguette magique était un peu plus complexe qu’une simple lubie d’enfant. Cela faisait déjà quelques semaines que Louise leur parlait du départ prochain d’Alma pour Poudlard. Les deux filles étaient habituées à passer beaucoup de temps toutes les deux et cette première séparation inquiétait beaucoup Louise qui craignait qu’Alma ne l’oublie au profit d’autres amies rencontrées à Poudlard.

Même les paroles réconfortantes de sa mère ne semblèrent pas lui faire oublier entièrement cette peur, qui se manifesta à nouveau dans une question suppliante.

« Ce n’est pas possible, ma puce. » fut obligé de répéter Ignacio. « Poudlard est internat, ça veut dire que les élèves restent à l’école pendant toute la semaine et que ce n’est pas possible d’y passer seulement une heure.
-Mais c’est super nul, soupira Louise en prenant sa tête entre ses mains. Pourquoi ça peut pas être une école normale ?
-Tu préfères qu’on t’inscrive à Ilvermorny ou à Beauxbâtons ? fit Ignacio avec l’ombre d’un sourire sur les lèvres. Là-bas, les élèves rentrent chez eux tous les soirs.
-Euuuh, non, non c’est bon, je préfère aller à Poudlard. » répondit précipitamment Louise, qui n’appréciait jamais trop quand ses parents évoquaient l’idée de quitter l’Angleterre pour la France ou les Etats-Unis.

Ignacio reposa sa tasse de café et son regard se fit plus sérieux lorsqu’il croisa celui de sa fille :

« Ça va passer vite, deux semaines, chérie. Et vous allez avoir plein de choses à vous raconter ! Elle va pouvoir te parler de Poudlard et toi tu vas lui raconter tous tes progrès avec Cannelle, fit-il avec un sourire encourageant.
-Mais tu comprends pas, papa, c’est ma meilleure meilleure amie, ça va être super long. » expliqua Louise sur le ton de l’évidence. Elle finit par souffler, les joues appuyées contre ses mains. « Quand même… Une baguette magique… Bah ça me ferait me sentir un peu mieux quand même… »



I bet my life on you
I've told a million lies but now I tell a single truth, there's you in everything I do
Joséphine Walker
Joséphine WalkerProfesseur de danse
Messages : 310
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeVen 5 Jan 2024 - 14:25
Joséphine se réfugia dans les bras d’Ignacio et laissa ses larmes de détresse et de désespoir couler sur ses joues et mouiller la chemise de son compagnon.

Ce dernier lui expliqua que les médicomages devaient d’abord faire des tests, pour vérifier que le bébé allait bien. Le mot « bébé » résonnait étrangement à ses oreilles, il sonnait faux, comme s’il était inadapté à la situation. Elle n’arrivait pas à concevoir qu’elle soit actuellement en train de porter un enfant. Quelle que soit cette chose, qui grandissait secrètement en elle, elle n’en avait pas voulu, et elle n’en voulait toujours pas. Elle ne voulait pas que ce soit un bébé. Elle se sentait trahie par son propre corps, qui lui avait caché ce secret pendant des mois, comme s’il savait qu’elle l’aurait détruit si elle en avait eu l’occasion.  

Une pensée terrible s’insinua soudainement dans son esprit. Elle se surprit à espérer que les examens se passent mal, qu’ils trouvent un problème. Elle avait terriblement honte de cet espoir, auquel elle s’accrochait pourtant. Peut-être que quelque chose n’allait pas, peut-être qu’elle serait autorisée à interrompre cette grossesse.

Elle garda cette pensée monstrueuse pour elle, incapable de la partager avec Ignacio, et se contenta de hocher la tête quand il affirma qu’ils trouveraient des solutions. Elle n’en voyait aucune.  

Les mots d’Ignacio lui firent alors prendre conscience qu’elle n’était pas la seule personne concernée par cette grossesse. Si elle était vraiment enceinte, cela ne pouvait être que de lui.  Il ne serait pas impacté de la même manière, bien sûr. Ce n’était pas lui qui serait obligé de mener cette grossesse à terme et de donner la vie pour la deuxième fois en moins d’un an. Mais si elle portait un enfant, alors il en était le père, et les décisions qu’elle serait amené à prendre le concernait lui aussi.  

Cette pensée, au lieu de la rassurer, fit tomber un poids au creux de son estomac. A l’angoisse et à la peur s’ajoutait un lourd sentiment de culpabilité. Joséphine savait qu’Ignacio voulait un enfant. Elle le savait parce qu’il le lui avait dit lui-même. Il rêvait d’être père, un jour. Et aujourd’hui, elle était en mesure d’exaucer ce rêve. Avait-elle le droit de l’en priver, simplement parce qu’elle ne le partageait pas ? Était-ce égoïste, de ne pas vouloir de cette grossesse alors que cela pouvait le rendre heureux ? Si elle l’aimait vraiment, n’aurait-elle pas dû vouloir lui offrir cet enfant qu’il désirait ?

Elle s’écarta de lui, le visage livide et les yeux rougis, pour le fixer avec un air grave.

"Toi, qu’est-ce que tu voudrais faire ?"

***

Joséphine eut du mal à dissimuler son sourire quand Louise rejeta vivement la proposition de son père de l’inscrire à Beauxbatons ou à Ilvermorny. Elle vivait avec la crainte irrationnelle que ses parents ne décident un jour de déménager en France ou en Angleterre. C’était quelque chose qu’ils avaient évoqué, à une époque où ils parlaient encore de quitter l’Angleterre, mais ce projet ne s’était jamais concrétisé. Et puis, ils n’étaient pas si mal que ça en Grande-Bretagne. Ils se plaignaient souvent de leur pays d’adoption, mais n’avaient finalement pas trouvé de meilleurs endroits pour installer leur famille.

"Tu sais, c’est la baguette qui choisit son sorcier, et une baguette ne peut pas choisir un sorcier qui n’a pas encore onze ans, expliqua-t-elle. Elle n’avait aucune idée de l’exactitude de cette information, mais un des avantages à être parent était que l’on pouvait inventer les règles, parfois. Tu n’as plus longtemps à patienter, ton anniversaire est dans trois mois.
- Trois mois et deux jours, rectifia Louise. C’est super loooong !"

Le temps passait vraiment à une vitesse différente, quand on avait dix ans. Joséphine avait le sentiment que les mois défilaient à un rythme fou, et que sa fille grandissait bien trop vite. C’était évidemment un avis qui n’était pas partagé par cette dernière.

"Bon, mais est-ce qu’on peut quand même aller sur le Chemin de Traverse ?
- Oui bien sûr ! Joséphine était ravie de constater que Louise semblait avoir renoncé à l’idée d’obtenir une baguette magique.
- Parce que je me disais… Le soulagement serait de courte durée. Que ce serait bien si j’avais un hibou, non ? Pour écrire à Alma en attendant de pouvoir aller à Poudlard !"


I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Signature-Jo
Ignacio Walker
Ignacio WalkerPropriétaire d'un haras
Messages : 193
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeSam 13 Jan 2024 - 4:35
Ignacio n’est pas surpris pas la question de Joséphine. Il sait que la situation tend vers cette interrogation mais qu’elle arrive si vite, si tôt, alors que le visage de sa femme est écrasé par le chagrin, le met profondément mal-à-l’aise. Il aurait voulu avoir quelques jours supplémentaires pour examiner les sentiments qui se livrent une bataille furieuse dans son cœur. Bien sûr qu’il est terrifié par ce qu’il se passe, qu’il n’avait pas du tout imaginé se coucher ce soir avec la possibilité de devenir père dans quelques mois. Mais il sent aussi un désir s’éveiller en lui, un espoir un peu fou sur lequel il avait plus ou moins tiré trait.

Peut-être qu’il pourrait devenir père.

Cette pensée agite quelque chose en lui et un nœud se forme dans son estomac. Être père, ce n’est pas anodin pour lui. Il en a l’envie mais il se demande s’il mérite vraiment d’accéder à ce statut. Il n’est pas l’homme le plus stable, ni celui qu’on imagine élever des enfants. Il se souvient parfaitement de la surprise sur le visage de Joséphine, le jour où il lui dit qu’il aimerait avoir des enfants ; son expression semblait refléter cette crainte présente au creux de son ventre, cette illégitimité qu’il porte dès qu’il effleure ce désir. Elle le saisit encore une fois, alors qu’il se recule légèrement pour croiser le regard de Joséphine. Elle a le teint livide, la voix grave.

Elle sait déjà ce qu’il va répondre.

Elle le sait parce qu’elle le connait et qu’il ne lui a jamais caché ses contradictions et ses paradoxes.

Face à cette question dont l’intonation sonne déjà comme une réponse, Ignacio reste silencieux. Il n’a pas envie de brusquer Joséphine.

Il n’a pas envie de lui mentir non plus.

Il pose sa main contre la joue de son épouse, le temps d’accrocher son regard.

« Je sais pas, Jo. » Et c’est la vérité ; il est trop sonné pour être certain de quoique ce soit. « C’est… C’est compliqué. » C’est compliqué parce que la question n’est même pas de savoir s’ils désirent ou non poursuivre la grossesse ; là, ils n’ont pas le choix que de la mener à terme. Alors ce n’est pas d’une idée dont ils seraient obligés de se séparer mais d’un nouveau-né.

De leur enfant.

Et cette pensée remue quelque chose en Ignacio, un sentiment désagréable qui l’emplit de honte.

Alors il avoue, dans un souffle :

« Mais je sais pas si je pourrais l’abandonner. »

***

Louise voulait grandir. Depuis qu’elle était toute petite, elle était portée par l’envie de devenir grande. Elle attendait ses anniversaires avec impatience et adorait souffler ses bougies, comme si ce geste lui permettait effectivement de gagner une année supplémentaire. Ignacio, lui, aurait préféré qu’elle reste sa petite fille encore un peu plus longtemps – c’était sans compter ladite petite fille qui levait les yeux au ciel dès qu’il osait la qualifier de la sorte.

Il avait l’impression que le temps avait filé à toute vitesse depuis sa naissance. Il se rappelait encore l’accouchement difficile de Joséphine et les premiers mois de la vie de Louise. Son premier mot, ses premiers pas, sa première représentation de théâtre à l’occasion d’un spectacle de fin d’année organisée par la garderie où ses parents l’avaient inscrite (qui avait été ennuyeux à mourir mais où sa fille avait interprété avec brio le rôle d’une fleur.) Le temps passait trop vite ; Louise était désormais bien plus proche de l’adolescence que de la petite enfance.

Et quelque chose, dans sa manière de ne jamais céder face à un refus de ses parents, faisait dire à Ignacio que cette période ne serait pas de tout repos.

Pour l’instant, ses demandes étaient suffisamment raisonnables pour que lui et Joséphine puissent y répondre. Après avoir échangé un regard avec elle, Ignacio hocha la tête.

« On peut passer à l’animalerie, si tu veux. »

Il préférait que Louise écrive des lettres à Alma plutôt qu’elle réclame un Pear pour pouvoir communiquer avec elle sur des applications.

Le regard de la petite s’éclaira d’une vive lueur d’intérêt, que son père vint ternir avec une remarque :

« Mais si tu as un hibou, ce sera à toi de t’en occuper.
-Mais oui, je sais papa.
-De lui donner à manger, de t’assurer qu’il fasse assez d’exercice et de nettoyer sa cage. » énuméra Ignacio en haussant légèrement les sourcils.

Louise fronça le nez. Elle n’était pas particulièrement précieuse mais l’idée de nettoyer les fientes d’un hibou ne semblait pas trop l’enchanter.

« Mais euh, ça doit exister des sorts pour nettoyer ça, non ?
-Oui, très certainement.
-Donc quand j’aurais une baguette magique… » rebondit Louise avec un petit sourire, très heureuse de pouvoir ramener ses parents sur son sujet de prédilection du moment.



I bet my life on you
I've told a million lies but now I tell a single truth, there's you in everything I do
Joséphine Walker
Joséphine WalkerProfesseur de danse
Messages : 310
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeSam 13 Jan 2024 - 9:27
Ignacio lui répondit qu'il ne savait pas, que c'était compliqué, mais Joséphine savait que ce n'était pas toute la vérité. Il n'avait très certainement pas prévu que les choses se passent ainsi mais il voulait de cet enfant. Peut-être pas comme ça, peut-être pas maintenant, mais il désirait avoir un enfant. Il avait envie d'être père. S'il ne lui avouait pas, c'était uniquement pour ne pas l'accabler davantage. Elle aurait pu lui être reconnaissante de cette précaution, pourtant elle sentit une pointe de colère lui étreindre le coeur. Elle savait qu'il était aussi confus qu'elle par cette situation imprévu, mais elle lui en voulait d'y trouver une issue positive, un moyen de réaliser son rêve de paternité. Et elle lui en voulait de ne pas avoir le courage de lui confirmer ce qu'elle savait déjà.

Il lui avoua finalement dans un souffle qu'il ne se pensait pas capable d'abandonner cet enfant, et la colère de Joséphine ne se dissipa pas. Elle non plus elle ne savait pas si elle en serait capable, pourtant elle l'avait fait. Cela avait été l'une des épreuves les plus difficiles de sa vie, et elle s'était juré de ne plus jamais vivre ça, mais elle l'avait fait. Elle avait été capable d'abandonner son enfant. Est-ce que cela faisait d'elle une personne sans coeur ? D'avoir réussi ce que Ignacio n'imaginait même pas pouvoir faire ? Et était-elle un monstre, d'envisager de pouvoir le faire à nouveau ?

Elle non plus, elle ne savait pas si elle serait capable d'abandonner un deuxième enfant. Son coeur ne le supporterait peut-être pas. Pour autant, les raisons pour lesquelles elle n'était pas revenue sur son choix d'abandonner le fils d'Angus étaient toujours présentes. Son ressenti sur la maternité n'avait pas changé. Elle ne pouvait pas être mère. Cette idée était ancrée profondément en elle et elle lui paraissait impossible à déraciner. Elle n'avait pas ce qu'il fallait pour élever un enfant. Les filles comme elles ne devenaient pas des mamans.

"Moi je ne sais pas si je pourrai le garder... répondit-elle sur le même ton, ses yeux rivés dans ceux d'Ignacio. Je peux pas faire ça..." ajouta-t-elle avec un regard suppliant qui semblait vouloir dire "ne m'oblige pas à faire ça".

En pratique, ce ne serait pourtant pas compliqué. Elle était condamnée à mener cette grossesse jusqu'à son terme. Tout ce qu'elle aurait à faire pour devenir mère serait de ne pas abandonner cet enfant. Ce serait même surement le choix le plus facile, sur le moment. Mais après ? Quand elle réaliserait qu'elle n'était pas faite pour ça, qu'elle n'était pas assez maternelle, qu'elle ne savait pas comment prendre soin de ce bébé ? Quand elle commencerait à lui en vouloir, de prendre toute la place, de la priver de tout le reste ? Elle ne voulait pas prendre le risque de gâcher la vie de cet enfant en faisant peser sur lui la responsabilité d'avoir gâché la sienne.

***

Joséphine sourit derrière son bol de café en voyant le visage rayonnant de sa fille, ravie par la perspective d'une visite à l'animalerie. Enthousiasme qui fut un peu tempéré par les mise en garde de son père concernant les soins à apporter au hibou, et l'entretien de sa cage. Evidement, Louise trouva rapidement une solution à ce problème en arguant qu'elle pourrait se servir de sa baguette, quand elle en aurait une.

"Tu n'auras pas le droit de t'en servir en dehors de Poudlard tant que tu seras mineure, rappela-t-elle. Il faudra que tu t'en occupe sans magie tant que tu seras à la maison.
- Mais vous, vous avez le droit de faire de la magie... commença la fillette.
- Oui.
- Donc techniquement, vous pourrieeeez... ?"

Joséphine échangea un regard rapide avec Ignacio. Leur fille était beaucoup trop prévisible.

"On ne va pas t'acheter un hibou si c'est pour que Papa et moi on s'en occupe à ta place, Loulou."

La fillette ne chercha pas à contrer cet argument, qu'elle savait irréfutable. Elle semblait partagée entre l'envie d'affirmer qu'elle serait parfaitement capable de s'occuper toute seule de son hibou, et sa répugnance à devoir nettoyer sa cage sans magie. Il ne lui fallu évidement que quelques secondes de profondes réflexion pour trouver une solution.

"Sinon, vous pouvez acheter un hibou pour vous ! On n'en a pas à la maison, et comme ça vous pourrez m'envoyer des lettres à Poudlard. Et en attendant je m'en servirai pour écrire à Alma..."

Comme c'était pratique. Joséphine avait du mal à garder son sérieux face aux techniques de négociation de sa fille, et dissimula à nouveau son sourire derrière son bol.


I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Signature-Jo
Ignacio Walker
Ignacio WalkerPropriétaire d'un haras
Messages : 193
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeDim 14 Jan 2024 - 7:57
Lorsque les pieds d'Ignacio retrouvent le sol d'Oxford, le malaise au creux de son estomac s'intensifie, comme majoré par les effets du transplanage. Il réprime une nausée en serrant les dents et monte les escaliers qui mènent à leur appartement. Derrière lui, il entend les talons de Joséphine claquer le sol. Leur retour de Ste-Mangouste s'est fait dans un silence assourdissant qu'Ignacio ne sait pas comment briser. On ne peut pas dire que les mots soient son domaine de prédilection ; sur ce sujet, Joséphine est bien plus à l'aise que lui. Mais elle ne dit rien. A vrai dire, elle ne dit plus rien depuis trois jours, depuis la découverte inattendue de sa grossesse. L'ambiance est silencieuse mais électrique. Ils ne parlent pas beaucoup mais la conversation se fait malgré eux, dans les regards qu'ils échangent, dans les gestes qu'ils suspendent, dans les mots qu'ils ne disent pas.

Aujourd'hui, ces mots sont plus lourds que jamais. Une longue visite à Ste-Mangouste a pu leur confirmer que l'état de santé du bébé est parfaitement satisfaisant, malgré une croissance légèrement en-dessous de la moyenne. Les médicomages se sont montrés rassurants et ont prescrit à Joséphine des compléments alimentaires et des vitamines, à prendre jusqu'à la fin de la grossesse.

Ignacio a reconnu la boîte ; elle trônait dans la cuisine lorsque Joséphine était enceinte de ce premier enfant qu'elle a confié à Angus.

Il a eu un vertige en la saisissant entre ses doigts. A sa gauche, Joséphine ne semblait même pas pouvoir esquisser un geste.

Evidemment, tous les soignants se sont inquiétés de l’état de Joséphine. Elle a été brièvement reçue par une psychomage, qui a également proposé à Ignacio un entretien dans les prochains jours. Il ne se rappelle même plus sa réponse ; il a seulement le souvenir d’avoir hoché la tête, le regard perdu sur un monde qui allait beaucoup trop vite pour lui. Chaque seconde qui passe lui donne le vertige, comme s’il était précipité dans le futur trop brusquement, trop rapidement. Les chiffres des médicomages tournent en boucle dans sa tête. La date du huit décembre est revenue plusieurs fois ; c’est le terme supposé de la grossesse de Joséphine. Décembre. On est en août. Quatre mois.

C’est comme si elle accouchait demain.

C’est le cœur compressé par l’inconfort et l’angoisse qu’Ignacio se débarrasse de ses chaussures dans l’entrée. Il pose les clés sur le meuble, s’avance vers le salon.

Joséphine n’a toujours pas dit un mot.

Alors il saisit la première phrase qui lui vient et lui demande, sans la lâcher des yeux :

« Comment tu te sens ? »

***

Parfois, Ignacio s’étonnait du caractère et des intérêts de Louise, très différents de ceux de ses parents. Elle avait hérité de l’aisance sociale de sa mère, sans aucun doute, et adorait être sous les feux des projecteurs. Mais elle cultivait des intérêts pour des domaines très variés ; elle sautait d’une passion à une autre – hier les puzzles, aujourd’hui la construction d’un navire en lego, demain le dessin. Elle avait des facilités pour apprendre vite quelque chose qui l’intéressait – malheureusement, les tables de multiplications ne faisaient pas partie de cette liste – et pouvait s’absorber dans une tâche pendant plusieurs heures, malgré son apparente agitation.

Parfois, Ignacio trouvait sa fille très différente de lui.

Mais lorsqu’elle les observait avec son petit air buté, bien décidée à trouver toutes les failles dans leur argumentation pour tourner les choses à son avantage, il avait l’étrange sensation de se retrouver face à un miroir.

Un rire le secoua et il reposa sa tasse de café devant lui. Louise, vexée, se redressa un peu.

« Mais quoi ? Pourquoi tu rigoles ? C’est une bonne idée !
-On peut rien te refuser, à toi, hein ? »

Un sourire s’étira sur les lèvres de la fillette.

« C’est juste que si vous avez pas de hibou pour m’écrire, vous serez obligés de m’acheter un Pear pour m’appeler… » rappela-t-elle en les observant d’un air angélique.

Ignacio glissa un regard vers Joséphine, l’air rieur.

« Il va falloir qu’on se méfie, elle a de sacrés talents en négociation, cette petite. »




I bet my life on you
I've told a million lies but now I tell a single truth, there's you in everything I do
Joséphine Walker
Joséphine WalkerProfesseur de danse
Messages : 310
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeLun 15 Jan 2024 - 10:37
"Je sais pas" répondit-elle avec un soupir quand Ignacio lui demanda comment elle se sentait.

Elle ne pouvait pas lui répondre honnêtement. Pas plus qu’elle n’avait pu le faire avec le psychomage qu’on l’avait forcée à consulter à l’hôpital. Elle ne pouvait pas lui dire qu’elle avait espéré secrètement qu’on leur dirait que quelque chose n’allait pas. Elle ne pouvait pas lui avouer cette angoisse teintée de déception qu’elle avait ressentie quand l’équipe médicale leur avait annoncé que tout allait bien, que le bébé devrait arriver entre le 8 et le 15 décembre. Elle ne pouvait pas lui expliquer qu’elle restait persuadée que le bébé avait un problème.

Elle n’avait eu aucune vision de cet enfant. Pendant sa première grossesse, elle avait régulièrement eu de brèves visions de l’avenir du bébé qu’elle portait. Elle avait même connu le sexe du bébé en avance. Cette fois-ci elle ne voyait rien. Elle n’avait même pas su qu’elle était enceinte. Et cette absence de visions l’avait poussé à croire, jusqu’à très récemment, que les médecins lui mentaient, ou se trompaient, et qu’elle n’était pas vraiment enceinte. Mais quelques heures plus tôt c’était produit quelque chose qui avait rendu cette grossesse bien plus réelle que n’importe quelle annonce de médecin.

"Il a bougé… annonça-t-elle dans un souffle. Ce matin."

Elle a bougé, aurait-elle dû dire. On leur avait annoncé le sexe du bébé ce matin. Une fille. Une fille qu’elle avait senti bouger dans son ventre, bien vivante. Joséphine était tellement submergée de nouvelles informations qu’elle avait à peine pris le temps de digérer l’information.

Ignacio préférait une fille. Il lui avait dit quand elle lui avait posé la question, juste avant le rendez-vous avec le médicomage, parce que le silence devenait insupportable et qu’il fallait bien dire quelque chose. Il avait plus l’habitude des filles, avait-il répondu. Elle aurait préféré un garçon. Elle se souvenait du soulagement qu’elle avait ressenti, lors de sa première grossesse, quand elle avait découvert qu’Angus aurait un fils. C’était peut-être idiot, mais avoir un garçon lui faisait moins peur. Elle avait fait de mauvais choix, en tant que fille et en tant que femme. Elle ne voulait pas que son enfant puisse reproduire les mêmes erreurs.

Ils auraient dû se réjouir. Ils venaient d’apprendre qu’ils allaient avoir une petite fille, et qu’elle était en bonne santé. Ils auraient dû célébrer, pourtant il pesait sur l’appartement un silence de plomb. Pendant sa première grossesse, alors même qu’elle savait qu’elle ne garderait pas le bébé, elle avait été soulagée chaque fois qu’on lui avait dit que les choses se passaient bien. Mais la dernière fois, elle savait ce qui l’attendait. L’accouchement était la fin de l’histoire, pour elle. Cette fois-ci, les choses étaient différentes, et elle ne savait pas ce qui se passerait dans quatre mois. Ce terme qui approchait si vite, à quoi les mènerait-ils ?

Ils avaient laissé cette conversation en suspens, à l’hôpital, conscients qu’ils se trouvaient dans une impasse, mais ils ne pouvaient pas la repousser éternellement. Le temps jouait contre eux.

"Qu’est-ce qu’on fait ?"

Elle n’arrivait pas à s’imaginer franchir la porte de l’appartement, dans quatre mois, en portant dans ses bras un nouveau-né qu’ils appelleraient leur fille. Cette pensée lui donnait le vertige. Elle s’assit sur un des fauteuils du salon et replia ses bras autour d’elle. On était en plein mois d’août mais elle était transie de froid et une angoisse glacée lui comprimait la poitrine. Les médecins lui avaient recommandé d’éviter le stress. Elle les trouvait assez culottés de dire ça tout en l’obligeant à mener cette grossesse à terme.

***

"Je me demande d’où elle tient ça… " répondit Joséphine avec douceur quand Ignacio vanta les talents de négociation de leur fille.

Souvent, elle se demandait comment ils avaient pu faire un enfant aussi merveilleux que Louise. Elle se souvenait très bien des craintes qu’elle avait ressenties pendant sa grossesse et pendant les premiers mois après la naissance de Louise. Elle était alors persuadée qu’ils ne pouvaient pas être de bons parents, qu’ils allaient forcément gâcher la vie de leur fille, qu’il y avait trop de noirceur dans leur vie pour y accueillir un enfant. Cette peur revenait, parfois, et il lui arrivait de repenser avec une certaine appréhension à ce passé dont ils avaient miraculeusement protégé Louise jusqu’à aujourd’hui, mais elle était forcée d’admettre qu’elle s’était trompée, et qu’ils s’en étaient plutôt bien sortis.

Louise était une petite fille curieuse, bavarde, bien dans sa peau et proche de ses parents. Joséphine aimait penser que leur fille savait qu’elle pouvait leur faire confiance, et compter sur eux en toutes circonstances et elle espérait que, si un jour elle rencontrait le moindre problème, elle saurait leur en parler. Jusqu’à présent en tout cas, elle ne s’était jamais gênée de leur faire part de ses moindres contrariétés.

Ne pas pouvoir échanger avec Alma pendant les deux longues semaines où elles seraient séparées arrivait pour le moment en tête de la liste, et il ne fallut pas longtemps à Louise pour décréter que, s’ils n’avaient pas de hibou, ses parents seraient bien obligés de lui offrir un Pear pour garder le contact l’année prochaine. Joséphine était un peu dépassée par la fascination de sa fille et des enfants de son âge pour les Pear, mais elle devait admettre que l’idée de pouvoir contacter facilement sa fille quand elle serait à Poudlard était plutôt rassurante.

Ils en avaient parlé avec Ignacio et ils étaient plus ou moins tombés d’accord sur le fait d’offrir un Pear à Louise avant son entrée à Poudlard, mais ils ne l’avaient pas encore annoncé à leur fille, qui trouverait certainement cette année d’attente insoutenable.

"Ou peut-être qu’on sera contents d’être tranquille, quand tu seras à Poudlard, et qu’on n’aura pas envie que tu nous appelles tous les jours… Son sourire amusé contredisait son ton faussement sérieux.
- C’est pas vrai, contra Louise qui n’était pas dupe. Je sais que je vous manquerai trop !
- Et nous, on ne te manquera pas ?
- Hum… Si un peu, finit par avouer la fillette. Heureusement que j’aurai un Pear pour vous dire que je vous aime très fort ! »

Elle était peut-être bonne négociatrice mais heureusement elle manquait encore un peu de subtilité.


I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Signature-Jo
Ignacio Walker
Ignacio WalkerPropriétaire d'un haras
Messages : 193
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeVen 19 Jan 2024 - 1:36
« Je sais pas ».

Ce sont les trois mots que Joséphine répète le plus souvent lorsqu’Ignacio lui pose une question. Il les reçoit avec une certaine frustration et, pourtant, il ne peut pas la blâmer ; lui aussi est incapable de mettre des mots sur cette masse émotionnelle qui gronde en lui. La journée n’a fait que la mettre en exergue ; face à l’échographie réalisée par les médicomages, Ignacio a ressenti un mélange de sidération, de fascination, de peur, de nervosité et d’émerveillement. Il a conservé les images, qui sont coincées entre deux épais documents qui récapitulent les prochains examens de Joséphine. Elles dépassent un peu, juste assez pour que son regard soit attiré par elles.

Il n’arrive pas à croire qu’il s’agit de leur enfant.

De leur fille.

C’est une fille, se répète Ignacio. C’est une fille et elle bouge.

Cette information lui tire un léger sursaut et il lève les yeux vers Joséphine. Depuis la découverte de sa grossesse, son ventre s’est arrondi. Cela se voit surtout lorsqu’elle se tient de profil mais Ignacio la connaît suffisamment bien pour déceler le moindre changement chez elle. Son ventre s’arrondit et leur bébé bouge.

Cette pensée lui donne le vertige.

Le silence s’étire encore pendant quelques secondes, jusqu’à ce que Joséphine le brise d’une question qu’ils ont fait mine d’ignorer ces derniers jours. Que faire, maintenant qu’ils savent que le bébé que Joséphine porte est en bonne santé et doit naître dans quelques mois ? Que faire, maintenant qu’ils connaissent l’échéance ? Le regard qu’Ignacio pose sur Joséphine répond pour lui avant même qu’il ne prononce les premiers mots.

S’ils doivent aller au bout de cette grossesse, Ignacio ne peut pas imaginer confier leur bébé – leur fille – à d’autres personnes.

Et Joséphine lui a dit la même chose, quelques jours plus tôt. A travers ses larmes, elle a articulé qu’elle ne pouvait pas abandonner un autre bébé.

Alors Ignacio connaît la réponse à la question de Joséphine.

Mais dans sa bouche, les mots fuient.

Il finit par les rassembler, au même moment qu’il rassemble son courage pour affronter le regard plein de détresse de sa femme.

« Tu sais que j’ai toujours voulu devenir père, Jo, lance-t-il finalement et cette phrase semble peser une tonne. Et… Enfin, c’était plus exactement dans mes plans parce que… » Parce qu’ils ensemble, qu’ils s’étaient mariés et que Joséphine lui avait clairement fait comprendre qu’elle ne voulait pas devenir mère. « Mais c’est différent, là. »

Là, ce n’était pas une hypothétique idée de faire un bébé dans l’avenir qui se dessinait. A quelques mètres d’eux, il y avait l’échographie du bébé qui se développait déjà dans le ventre de Joséphine. Leur bébé existait déjà, d’une certaine façon, et Ignacio n’était pas certain de pouvoir y renoncer.

« Qu’est-ce que tu veux, toi ? »

***

Louise était très têtue mais manquait encore de subtilité dans l’art de la négociation. Ignacio pouvait toutefois reconnaître à sa fille qu’elle savait exactement quelles faiblesses cibler chez ses parents pour les faire céder : en tête de liste, il y avait bien évidemment son départ pour Poudlard l’année prochaine. Ignacio et Joséphine n’étaient pas particulièrement pressés de la voir s’envoler pour l’école de sorcellerie et étaient même plus soulagés de pouvoir attendre encore une année entière avant de l’accompagner sur le quai 9 ¾. Ils en parlaient parfois, plaisantaient en pensant à tout ce qu’ils allaient enfin pouvoir refaire une fois leur fille partie de la maison mais, en réalité, ils appréhendaient tous les deux le manque que son absence laisserait forcément. Louise était leur seule fille et ils avaient beaucoup investi leur parentalité auprès d’elle, comme pour bâtir de solides bases d’une famille qui avait été très longtemps dans une situation d’instabilité.

Et ils avaient étonnement bien réussi ce pari, entrepris onze ans plus tôt. Ils avaient radicalement changé de vie pour ça, sans savoir s’ils seraient réellement capables de mener cette existence sans être rattrapés par les fantômes du passé.

De cette époque, Louise ne connaissait absolument rien. Dans ses yeux, ils étaient les parents aimants et attentionnés qu’elle imaginait qu’ils avaient toujours été, même avant elle.

« Heureusement que tu vas pouvoir nous le dire tous les jours en vrai pendant encore un an, alors. » répondit Ignacio avec un sourire en coin.

Cette remarque ne manqua pas de faire râler sa fille.

« Mais c’est long ! » fit-elle en venant s’asseoir près d’eux.

Ignacio déposa un baiser dans ses cheveux roux, comme pour la réconforter.

« Moi j’ai envie de savoir la maison où je vais aller ! reprit Louise. Une pensée la frappa brusquement et elle ouvrit les yeux. « Mais vous, vous avez jamais été dans les maisons de Poudlard, en fait !
-Non, il n’y a pas de maisons à Beauxbâtons et à Ilvermorny, confirma-t-il.
-Mais, fit Louise, brusquement très intéressée par cette conversation, vous auriez été où, vous croyez ? »


I bet my life on you
I've told a million lies but now I tell a single truth, there's you in everything I do
Joséphine Walker
Joséphine WalkerProfesseur de danse
Messages : 310
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeVen 19 Jan 2024 - 11:46
Joséphine reçu la réponse d’Ignacio comme un coup de poing dans l’estomac. Elle le savait déjà, oui, mais elle n’avait pas besoin qu’il le lui rappelle, particulièrement pas maintenant. Elle ne comprenait pas pourquoi il lui répétait ça. Cherchait-il à la convaincre, à la faire changer d’avis, ou à la culpabiliser de ne pas partager cette envie ?

"Toutes mes félicitations alors" marmonna-t-elle, amère, le regard vague.

Elle était injuste et elle regretta ses mots à la seconde où ils franchirent ses lèvres, mais elle ne les reprit pas.  Elle savait qu’elle n’avait pas le droit de lui en vouloir simplement parce qu’il désirait être père, pourtant elle lui en voulait. Elle lui en voulait de ne pas être aussi malheureux qu’elle face à cette situation. Elle lui en voulait d’y voir un moyen de réaliser son rêve alors qu’elle n’y voyait qu’un piège inextricable. Elle se sentait seule dans sa détresse, seule avec ses horribles pensées et sa honte. Elle aurait préféré, égoïstement, qu’il se sente aussi mal qu’elle.

Il lui avait dit qu’il serait là, qu’ils affronteraient ça ensemble, mais ils ne livraient pas le même combat, et elle commençait même à douter qu’ils appartiennent à la même équipe. Ils avaient des envies et des ressentis tellement différents qu’elle ne voyait pas comment ils pourraient aboutir à une solution qui leur conviendrait à tous les deux.

Elle secoua la tête quand il lui demanda ce qu’elle voulait. Elle ne savait pas. Elle aurait voulu ne pas être enceinte. Elle ne voulait pas d’enfant. Elle n’en avait jamais voulu et elle ne voyait pas en quoi sa réponse aurait dû être différente aujourd’hui.

"En quoi c’est différent ? s’écria-t-elle finalement d’une voix étranglée en relevant le regard vers Ignacio. Je n’ai jamais voulu être mère, je…Je ne veux pas être mère, affirma-t-elle, la gorge serrée. Je peux pas, je saurai pas…"

Incapable de soutenir son regard plus longtemps, elle plongea son visage entre ses mains, ses coudes sur les genoux, et ferma les yeux.

Il voulait un enfant. Elle n’en voulait pas. Et elle était enceinte. La situation avait quelque chose d’étrangement familier, finalement. Elle s’était déjà trouvée dans cette position, quelques mois plus tôt, avec un autre homme. Il existait une solution à ce problème. Une solution simple, qu’elle connaissait pour l’avoir déjà mise en œuvre. Une solution qu’ils n’avaient pas évoquée et à laquelle elle n’avait même pas pensé jusqu’alors parce qu’elle lui brisait le cœur.

Si Ignacio voulait vraiment de cet enfant, il pouvait l’avoir. Et si elle n’en voulait pas, elle n’était pas obligée de l’élever. Elle pouvait l’abandonner, encore. Les abandonner tous les deux. Cette perspective lui retournait l’estomac. Elle n’était pas certaine d’avoir la force mentale de s’y résoudre, pourtant maintenant qu’elle y pensait, cela lui semblait presque évident.

Elle aurait voulu lui demander ce qu’il préférait, entre leur couple ou cet enfant, mais les mots restèrent coincés dans sa gorge nouée. Elle avait trop peur de la réponse.

***

Contrairement à la plupart des enfants de son âge, Louise n’avait pas été bercée per le récit de la jeunesse de ses parents à Poudlard puisqu’aucun des deux n’y avaient étudié, même si Joséphine y avait passé une année à l’occasion du Tournois des Trois Sorciers. Louise aimait beaucoup les histoires que sa mère lui racontait parfois sur cette année d’échange, même si elle s’était soldée par un drame terrible.

Les nombreuses questions de la fillette au sujet Poudlard restaient donc souvent sans réponse, ce qui ne l’empêchait pas de continuer à en poser de nouvelles. Ce matin elle semblait soudainement très intéressée par la répartition, et plus particulièrement par les maisons dans lesquelles ses parents auraient été répartis, selon eux.

Joséphine avait toujours trouvé un peu curieux de classer les élèves de cette façon. Les courageux, les sages, les loyaux et les malins. C’était un peu réducteur, si on lui demandait on avis. A Beauxbatons, les élèves étaient répartis par années d’étude, puis diviser en groupes, soit de façon aléatoire, soit par ordre alphabétique, soit par niveau, selon les matières. Cela permettait à tous les élèves de se rencontrer et évitait qu’ils passent toute leur scolarité avec les mêmes camarades.

Pendant l’année qu’elle avait passé à Poudlard, Joséphine s’était plutôt rapprochée des élèves de Serdaigle mais, à la réflexion, elle n’était pas certaine que cela aurait la maison la plus adaptée pour elle. Elle se sentait plus proche de Poufsouffle ou de Serpentard, mais elle n’était pas l’experte sur la question.

"Toi, tu penses qu’on aurait été où ?"

Louise plissa les yeux, très concentrée, et fit passer plusieurs fois son regard de Joséphine à Ignacio. Elle prenait sa tâche très au sérieux et sa mère eut l’impression de l’entendre réciter à voix basse les qualités de chaque maison – ils lui avaient offert l’Histoire de Poudlard pour son anniversaire.

"Papa à Gryffondor ! s’exclama-t-elle avec conviction. Parce qu’il est courageux, et qu’il a pas peur des araignées !"

Un argument irréfutable.


I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Signature-Jo
Ignacio Walker
Ignacio WalkerPropriétaire d'un haras
Messages : 193
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeSam 27 Jan 2024 - 7:14
Les mots acides de Joséphine heurtent Ignacio de plein fouet. Il tressaille légèrement et relève la tête, les sourcils froncés au-dessus de ses yeux.

« Arrête, Jo, tu sais bien que j’ai jamais voulu que ça arrive comme ça. » rétorque-t-il d’une voix lasse où perce toutefois une pointe d’agacement.

Lui aussi se sent piégé et elle est injuste de prétendre le contraire. Il n’est pas heureux et sûrement pas heureux comme il aurait voulu l’être dans un moment pareil. Cette nouvelle lui tombe dessus et chamboule toute son existence ; il n’en dort plus la nuit et a l’estomac tellement noué que chaque repas est un calvaire. Cela fait longtemps qu’il espère devenir père mais, à présent, il ne se passe pas une minute sans qu’il ne se demande s’il est vraiment capable de l’être. Il a peur de ne pas être à la hauteur mais, surtout, il a peur de ce que son enfant pourrait penser de lui un jour. Il a très envie d’être père mais il n’est pas certain de le mériter.

Depuis quelques jours, sa conscience – pourtant d’ordinaire plutôt tranquille – le travaille sans relâche. Impossible de ne pas penser à toutes les souffrances dont il est à l’origine – cela fait tellement d’années maintenant qu’elles sont ancrées dans sa chair. C’est plus fort que lui ; Ignacio se sent hideux, comme s’il se voyait pour la première fois avec les yeux d’un innocent. Ce constat lui retourne l’estomac mais les mots restent bloqués dans sa gorge.

Il ne peut rien dire à Joséphine. Il craint de toute façon que ses pensées aient déjà pris le même chemin. Il se dit que, peut-être, s’il avait été un autre homme, elle aurait pu avoir une réaction différente.

Mais comment pourrait-elle envisager d’élever un enfant avec un homme comme lui ?

Pourtant, il n’arrive pas à renoncer à cette idée. Il essaie de se projeter dans un futur où ils confient ce bébé – leur bébé – à de parfaits inconnus et quelque chose se bloque en lui. C’est impossible ; il ne sait pas s’il pourrait vivre en sachant que son enfant existe quelque part dans ce monde.

Cette pensée le ramène forcément à sa mère, partie avant son premier anniversaire. Ignacio a grandi avec la blessure d’un enfant abandonné ; il sait très bien qu’il ne pourra pas la reproduire.

Et il aimerait expliquer tout ça à Joséphine mais il ne sait pas comment. Dans son esprit embrumé, les mots s’emmêlent. Son cœur se serre lorsqu’il la voit enfouir son visage dans ses mains, comme pour échapper à la réalité. Il la contemple pendant quelques secondes, comme incapable de faire un geste.

La situation lui paraît impossible. Ils sont bloqués dans une impasse et, plus les jours passent, plus les murs semblent se rapprocher.

Finalement, Ignacio s’approche de Joséphine. Il a le cœur qui bat un peu vite lorsqu’il s’agenouille auprès d’elle pour essayer de trouver son regard. Il a terriblement conscience que cette conversation peut bouleverser leur vie et il est effrayé de l’amorcer.

« C’est différent parce que… Parce que ce n’est plus juste une idée. » commence-t-il en cherchant ses mots. « C’est là, qu’on le veuille ou non. La question, ce n’est même pas de savoir si on veut des enfants, c’est de savoir si on veut cet enfant. » Il pose sa main sur l’avant-bras de Joséphine et essaie de trouver son regard. « Et moi aussi ça me fait flipper, je te jure, mais… Je crois qu'on pourrait le faire, tous les deux. »

***

Louise parlait de Poudlard avec animation depuis plusieurs années déjà. Elle adorait apprendre et n’avait qu’une hâte : pouvoir rejoindre les bancs de la célèbre école anglaise. Pour son anniversaire, elle avait reçu un exemplaire de l’Histoire de Poudlard et l’avait dévoré en quelques jours. Elle était évidemment devenue intarissable sur le sujet et Ignacio ne comptait plus le nombre de fois où elle avait commencé une phrase par : « vous savez que, à Poudlard… »

Aussi, sa question sur la répartition imaginaire de ses parents ne l’étonna guère. Joséphine eut la judicieuse idée de la laisser proposer des hypothèses, ce qui offrit à Ignacio le temps de finir son café et même de croquer dans une tartine. Louise ne tarda toutefois pas à leur livrer une première réponse, qui lui tira un discret sourire.

Si Ignacio n’avait pas été à Poudlard, il était difficile de vivre sur le sol anglais depuis si longtemps sans connaître les grandes caractéristiques des maisons qui étaient si précieuses pour les sorciers anglais. Il savait pertinemment qu’il n’avait pas les qualités requises pour être un Gryffondor ; il n’était pas particulièrement téméraire et même plutôt du genre à évaluer les risques avant de se lancer dans une quelconque entreprise.

Il n’eut toutefois aucune envie de contredire sa fille ; il adorait être ce papa courageux pour elle.

« Gryffondor, alors ? » Louise hocha vivement la tête. « D’accord. » A côté de lui, il vit sans mal un sourire étirer les lèvres de Joséphine. « Et maman ? »

A nouveau, Louise fronça les sourcils. Elle sembla hésiter brièvement puis lança :

« Maman, c’est une Serdaigle !
-Ah oui ?
-Oui, parce qu’elle fait de la danse et que les Serdaigle sont créatifs. » Elle ajouta, avec un sourire : « Comme moi ! »

Ignacio – qui savait pourtant son épouse encore plus rusée que créative – s’attarda plutôt sur la deuxième partie de la réponse :

« Tu iras chez les Serdaigle, toi ?
-Oui, en plus, ils ont la plus belle salle commune, confia Louise. On voit les étoiles grâce à un toit en verre !
-Mhhhh, fit mine de réfléchir Ignacio. Et pourquoi pas à Serpentard, plutôt ? Ce sont bien les gens rusés et ambitieux, non ?
-Oui…
-Ceux qui trouvent tous les moyens possibles pour avoir ce qu’ils veulent ? A tout hasard, une baguette magique alors qu'ils n'ont pas encore onze ans ? » Louise se renfrogna un peu, ce qui tira un rire à son père. « Je crois que tu vas finir dans les cachots, Loulou.
-Mais papaaaaa, protesta cette dernière. N’importe quoi. T’y connais rien. »


I bet my life on you
I've told a million lies but now I tell a single truth, there's you in everything I do
Joséphine Walker
Joséphine WalkerProfesseur de danse
Messages : 310
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeMar 30 Jan 2024 - 22:14
Joséphine avait voulu des enfants, quand elle était plus jeune. A l'époque où elle était folle amoureuse de Camille, elle s'imaginait parfaitement à la tête d'une famille nombreuse. Elle n'avait renoncé à cette possibilité que des années plus tard, quand elle avait commencé à se prostituer de façon régulière. Elle avait connu des filles qui alliaient les deux, pourtant, mais cela lui avait toujours parut absurde, presque déplacé. Et elle n'était pas la seule à le penser, c'était ce que tout le monde semblait croire, ce que la société lui criait chaque jour. Ce n'était certainement pas un hasard si la pire des insultes, celle qui faisait sortir un homme de ses gonds à tous les coups, c'était fils de pute. Comme s'il n'y avait rien de plus grave, rien de plus humiliant, que d'être l'enfant d'une prostituée. Alors elle avait fini par intégrer que la maternité, ce n'était pas pour les femmes comme elle.

Avec le temps et pour s'éviter des regrets, elle s'était persuadée que, de toute façon, elle n'en avait pas envie. Elle n'avait pas été difficile à convaincre. Elle tenait à son temps libre, à son indépendance, et au peu de liberté qui lui restait. Elle aimait dormir tard le matin et sortir le soir. Sa vie ne la rendait pas vraiment heureuse, mais elle se disait qu'elle serait encore plus malheureuse avec un enfant. Elle s'était tellement répété qu'elle ne voulait être mère que c'était désormais inscrit au plus profond d'elle-même. Elle ne se posait même plus la question.

Pourtant, en plongeant ses yeux humides dans ceux d'Ignacio alors qu'il affirmait qu'ils pouvaient le faire, tous les deux, elle sentit toutes ses convictions vaciller. Elle l'aimait, et elle savait à quel point il avait envie de cet enfant. Une part d'elle avait envie de faire ça pour lui, pour eux. Elle se surprit à y croire, le temps d'un instant, à penser qu'ils étaient capable de construire une famille et d'accueillir ce bébé. Elle savoura cet espoir avec un plaisir coupable, déjà prête à le démolir. Elle ferma les yeux pour rompre leur échange silencieux, et elle se fit violence pour revenir à la réalité. Elle se força à repenser à leur vie, ces derniers mois. Elle essaya d'y intégrer un enfant et fut partagée entre l'envie de rire et celle de pleurer.

Quand elle rouvrit les yeux, ils étaient toujours brillants de larmes, mais son regard s'était durci. Elle était en colère. En colère contre la vie qui semblait s'acharner à dresser des épreuves sur son chemin, contre son propre corps qui l'avait trahi, et contre Ignacio qui avait choisi ce moment pour cesser d'être raisonnable. Elle n'avait pas envie d'être celle qui le forçait à voir la vérité en face, qui verbalisait les doutes et les craintes légitimes qu'ils partageaient, mais il fallait bien que quelqu'un le fasse ! A cet instant, elle avait envie de le prendre par les épaules et de le secouer.

"Mais qu'est-ce qui te fait croire ça ? répondit-elle d'une voix vibrante de colère contenue. Tes exploits en tant qu'assassin ou ma brillante carrière comme pute ? Elle riva ses yeux droit dans les siens. On s'est mariés il y a moins de six mois pour échapper à une condamnation pour triple homicide, rappela-t-elle, acerbe. On n'a pas exactement le profil des parents de l'année."

Quand elle repensait à ce bref instant, un peu plus tôt, où elle avait envisagé d'accueillir cet enfant dans leur vie, sa colère s'effaçait au profit de la peur. Bien sûr que non, ils n'y arriveraient pas. Ils gâcheraient la vie de cet enfant comme ils avaient gâché les leurs. Il fallait se rendre à l'évidence, ils n'étaient pas faits pour ça. Ils étaient dedans jusqu'au cou, dans la mafia, dans les trafics, dans le sang, la drogue, la violence. On ne sortait jamais vraiment de ce milieu là. Ils étaient foutus. Et s'ils voulaient vraiment son bien, ils confieraient ce bébé à quelqu'un d'autre, quelqu'un qui lui offrirait une vie meilleure.

Elle ne pouvait pas mentir et cacher la profonde tristesse que cette pensée provoquait en elle. La perspective de devoir se séparer d'un autre bébé après lui avoir donné la vie lui déchirait le coeur, mais elle savait que c'était le seul choix raisonnable.

"Elle mérite mieux que nous..." confia-t-elle finalement, la gorge nouée.

C'était la première fois qu'elle faisait référence à sa fille comme telle.

***

Joséphine sourit quand Louise la répartit à Serdaigle pour sa créativité. Elle se savait plus retorse que sage, mais était plutôt flattée de la vision que sa fille avait d'elle et ne chercha pas à la faire changer d'avis. Plus elle y réfléchissait, et plus elle se disait que, s'ils avaient étudié à Poudlard, Ignacio et elle auraient certainement été envoyés chez les Serpentard. Et, comme ce dernier le faisait justement remarquer, leur fille leur ressemblait beaucoup sur ce point.

Elle eut toute la peine du monde à ne pas rire face à la mine boudeuse de Louise, qui semblait se rendre compte que son père n'avait pas complètement tort.

"Tu n'es pas maligne et rusée peut-être ? l'interrogea-t-elle avec un sourire en coin.
- ...si, mais... Mais j'aime bien la peinture, et le théâtre !
- Je suis certaine que les Serpentards aiment être sous le feu des projecteurs, non ?"

Louise marmonna quelque chose d'inintelligible et resta un moment silencieuse. Joséphine échangea un regard surpris avec Ignacio, un peu étonnée de voir sa fille prendre cette histoire de maison si sérieusement.

"Vous pensez vraiment que je vais aller chez Serpentard ? demanda-t-elle finalement d'une petite voix.
- Et pourquoi pas ? Ce n'est pas une moins bonne maison que les autres..."

Joséphine savait qu'elle avait eu mauvaise réputation, il y a longtemps. C'était une maison qui avait vu passer de nombreux mangemorts, et Lord Voldemort lui-même. Mais cette époque était révolue et elle espérait que ces vieux stéréotypes ne ternissaient plus la réputation des vert et argent.

Elle commençait à se dire qu'elle aurait du jeter un oeil au contenu de l'Histoire de Poudlard avant de l'offrir à Louise, et cherchait déjà une manière de lui expliquer que tous les Serpentard n'étaient pas de mauvais sorciers, quand la fillette reprit la parole, la mine contrariée.

"...mais j'aime pas le vert..." expliqua-t-elle avec sérieux.



I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Signature-Jo
Ignacio Walker
Ignacio WalkerPropriétaire d'un haras
Messages : 193
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeMer 31 Jan 2024 - 9:58
Ignacio voit les certitudes vaciller dans le regard de Joséphine. Elle semble brièvement s’accrocher à ses mots, les laisser prendre de l’ampleur dans son esprit et il se surprend à sentir son cœur se gonfler d’un espoir déraisonnable. Puis les yeux de sa femme se voilent à nouveau, de colère et de tristesse. Ses traits s’affaissent, ses mains tremblent et sa voix s’élève entre eux, implacable. Il n’y a pas la moindre trace d’hésitation dans ses phrases ; seulement une fureur résignée qui a des accents intolérables aux oreilles d’Ignacio. Ses mots le heurtent de plein fouet ; son ironie mordante est douloureuse, sa conclusion l’est encore plus.

Jamais leur fille ne lui a semblé aussi vivante que lorsque Joséphine l’évoque pour qu’ils s’en séparent.

Ignacio recule, se lève, titube presque sous le poids de cette violente constatation. Il a la mâchoire serrée mais le regard perdu, hagard. Joséphine a raison. Ils n’ont rien de ce qu’on attendrait de deux parents. Surtout lui, songe-t-il avec amertume. Joséphine n’a pas de sang sur les mains, pas de noirceur dans le cœur. Lui est un homme hideux, qui a vendu son âme au diable par paresse. Il a triché, menti, volé, tué. On lui a donné des millions pour faire ça ; Ignacio est installé sur une montagne d’argent sali par la mort.

Il n’a rien d’un père. Joséphine le sait et elle a raison de le lui dire. Mais cette vérité est insoutenable et brise quelque chose en lui. Il a un nœud dans la gorge lorsqu’il reprend la parole, debout face à sa femme :

« Alors quoi ? On est condamnés à vivre cette putain de vie, jusqu’à ce qu’on crève, tout ça parce qu’on a pris une décision de merde quand on avait vingt ans ? C’est ça, nos cinquante prochaines années ? »

Les mains d’Ignacio tremblent un peu. Il a le cœur au bord des lèvres et l’impression qu’on lui écrase la poitrine. Il se sent pris au piège, enfermé dans un chemin sur lequel il n’a plus envie d’avancer. Ce sentiment ne date pas d’hier ; six mois plus tôt, lors du drame qu’ils ont frôlé aux Etats-Unis, Ignacio a ressenti le même dégoût, la même lassitude. L’appât du gain ne suffit plus et le frisson d’adrénaline l’a quitté depuis longtemps – il doute même l’avoir déjà trouvé en Angleterre. Il s’est caché, ici, mais il n’a jamais vraiment vécu.

Et voilà qu’il songe que sa vie entière pourrait se résumer à cette non-existence résignée, où ses nuits sont réservées pour espionner, trahir et éliminer.

« Tu crois quoi ? Que je me dis pas que je serais le pire père qu’un enfant pourrait avoir ? » Ses yeux bleus s’humidifient et se chargent d’une tristesse lancinante. « Que je vais gâcher sa vie, avec mes histoires à la con ? Que je suis pas fait pour ça ? Je sais. Je sais. » répète-t-il et, cette fois, des larmes brillent dans son regard. « Mais je peux pas, Joséphine. Je peux pas, merde, je pourrais pas l’abandonner. Je… » Les larmes qu’il retient par pudeur dévalent ses joues. Il les essuie immédiatement avec le revers de sa main, comme pour les chasser, et articule : « Je peux pas faire ce que ma mère m’a fait, d’accord ? »

***

Louise semblait très embêtée de cette répartition imaginaire. Elle avait la mine boudeuse et Ignacio tourna un regard surpris vers Joséphine. Il n’était pas expert dans le domaine et ne connaissait que les principales qualités des maisons, sans même pouvoir se montrer réellement spécifique. Louise, en revanche, avait lu l’intégralité de l’Histoire de Poudlard quelques mois plus tôt et possédait un plus grand savoir sur la question. Un savoir qui, visiblement, l’ennuyait profondément…

Pour une raison qui tira un éclat de rire à son père.

Vexée, la petite croisa les bras sur sa poitrine :

« Mais quoi ? C’est vrai ! Moi je veux un uniforme bleu ! »

Ignacio secoua la tête et jeta un regard en coin à son épouse.

« Et là, on se demande de qui elle tient… » fit-il en souriant. Il prit sa mine la plus catastrophée pour répondre à sa fille qui, décidemment, n’avait rien à envier aux plus grandes actrices dramatiques de ce monde. « Comment ça tu n’aimes pas le vert ?
-J’aime pas, c’est la couleur des algues, c’est moche, assura Louise sur un ton boudeur.
-Bah c’est dommage ça, avec tes beaux cheveux roux ça irait très bien, le vert. » Louise eut une moue peu convaincue. « En plus, renchérit Ignacio, le vert, c’est une couleur spéciale dans notre famille.
-Ah bon… ? Et pourquoi ?
-Eh bien… Par exemple, tu vois la bague de maman, que je lui ai offert pour notre deuxième mariage ? » Louise hocha la tête. « Eh bien, elle est verte !
-Oui mais vert comme ça, ça va. »

Ignacio eut un rire.

« Ah oui, donc il te faut des diamants pour porter du vert, toi ?
-Mais nooooon mais c’est juste que c’est pas pareil parce que c’est dans une bague ! » Ignacio émit un son dubitatif mais n’argumenta pas davantage. Finalement, Louise enchaîna rapidement, la joue appuyée contre la paume de sa main. « Si t’as demandé maman deux fois en mariage, c’est parce que tu l’aimais beaucoup, alors.
-Beaucoup, beaucoup. » confirma Ignacio en glissant sa main vers celle de Joséphine, qu’il attrapa.

Ils échangèrent un sourire qui n’échappa pas à Louise.

« Est-ce que vous pouvez me raconter l’histoire du deuxième mariage, alors ? »



I bet my life on you
I've told a million lies but now I tell a single truth, there's you in everything I do
Joséphine Walker
Joséphine WalkerProfesseur de danse
Messages : 310
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeDim 4 Fév 2024 - 10:28
Joséphine n'avait pas réalisé à quel point son compagnon était malheureux. Elle ne se savait pas qu'il en était venu à détester cette vie, ne pensait pas qu'il avait tant envie d’autre chose. Elle non plus n'est pas vraiment heureuse dans cette vie, et doute de l'avoir jamais été, quoiqu'elle ait pu en dire. Elle se souvient que Constantine lui avait posé la question, ce soir où il était venu la trouver aux Folies après 15 ans d'absence. Il lui avait demandé si elle était heureuse. Elle avait répondu qu'elle n'était pas malheureuse. Elle s'était résignée. Elle avait accepté cette vie comme la sienne, avait essayé d'en oublier les défauts et s'était empêché d'espérer autre chose.

Face au mal-être d'Ignacio, qui explose si soudainement, elle a envie de lui promettre qu'ils vont changer, qu'ils peuvent avoir une vie différente. Les mots restent coincés dans sa gorge. Elle n'ose pas les prononcer parce qu'elle n'ose pas y croire. Elle a peur de s'accrocher à un espoir qu'elle sait trop fragile pour supporter le poids de leurs secrets. Elle a peur de ne pas pouvoir tenir cette promesse. Ils peuvent essayer de changer leur avenir, mais ils ne peuvent pas effacer leurs passés. Quoiqu'ils fassent, quoiqu'ils deviennent, ils ne pourraient pas oublier ce qu'ils avaient été. Et que penserait leur fille, si elle l'apprenait un jour ? Joséphine ne veut pas vivre avec ces secrets, avec cette crainte.

Son coeur se serre sous les accents désespérés de la voix d'Ignacio et elle secoue négativement la tête, la gorge nouée et les yeux brillants de larmes. Elle ne pense pas qu’il soit le pire père qu’un enfant puisse avoir. Elle pense même qu’il a beaucoup de qualités qui ferait de lui un bon parent, mais elle sait aussi que ça ne suffit pas.

"Non, c’est pas ça mais…"

Elle est bouleversée par la larme qu'elle voit couler sur la joue de son compagnon, et regrette aussitôt ses reproches. Elle ne se souvient pas l'avoir déjà vu pleurer. Elle prend soudainement conscience de l'importance de son désir de paternité et cette réalisation la touche autant qu'elle la terrifie. Il affirme qu'il ne peut pas abandonner cet enfant et elle voit comme cette idée lui parait insurmontable.

"Je peux pas faire ce que ma mère m’a fait, d’accord ?
- Ou ce que j’ai fait."

Les larmes qu'elle retenaient difficilement roulent sur ses joues pâles. Elle se sent accusée, et acculée. Elle ne sait pas s'il en veut à sa propre mère de ne pas l'avoir élevé, ou s'il lui en veut à elle de ne pas vouloir élever leur enfant. Il semble considérer ça comme un acte horrible, inimaginable. Elle ne peut s'empêcher de se demander ce qu'il doit penser d'elle, déjà mère d'un enfant qu'elle ne verra pas grandir, et prête à en abandonner un deuxième.

"Parce qu’il faut être un monstre, pour être capable de ça ?"

Joséphine aussi a grandi sans sa mère, partie seulement quelques mois après sa naissance et laissant à son père deux petites filles de moins de deux ans. Elle n’avait jamais compris ce qui avait pu pousser sa mère à faire une chose pareille. Elle s’était interrogée, enfant, sur ce que sa sœur et elle avaient pu faire de si grave pour que leur mère les abandonne. Puis elle en avait voulu à cette femme égoïste d’avoir fait deux enfants et d'avoir aussitôt disparu. Et puis, récemment, elle avait commencé à comprendre. A réaliser que, parfois, ce qui apparaissait comme un choix égoïste était en fait un sacrifice.

Elle sait ce que c'est, de grandir en ayant été abandonnée par un parent. Elle sait aussi ce que c'est, de se retrouver du jour au lendemain avec un parent en prison. A bien y réfléchir, elle baigne dans le crime depuis plus longtemps qu'elle ne le pense. Son père n'a jamais assassiné personne, il n'a pas trempé dans la drogue ni dans le proxénétisme, à sa connaissance. Mais il a blanchi de l'argent sale, détourné des fonds, financé de mauvaises personnes, mis des familles entières sur la paille. Et sa soeur et elle se sont retrouvées du jour au lendemain sans rien, quand il a été arrêté. Certainement pour les protéger de ses magouilles, il n'avait rien mis au nom de ses filles. Elles n'avaient pas d'argent à elles, ne figurait pas sur les actes de propriété, tout lui appartenait à lui, et un jour tout avait disparu.

Elle ne comprend pas pourquoi elle devrait se sentir si coupable, pourquoi le fait de vouloir abandonner cet enfant ferait d'elle une femme monstrueuse, alors que ce serait justement le choix inverse le plus égoïste ? En quoi serait-ce plus cruel d'abandonner cet enfant maintenant, et de lui laisser les meilleures chances d'avoir une belle vie, plutôt que de le garder et d'essayer de lui offrir cette vie en prenant le risque de tout voir partir en fumée ?

"Et si dans un an, ou dans cinq, ils découvrent ce qui s'est passé à New-York et qu'ils nous envoient en prison ?"

Et elle sait que New York n'est pas le seul crime à l'actif de son compagnon. S'ils décident d'élever cet enfant, elle passera le reste de sa vie à craindre qu'il soit arrêté. Elle laisse s'exprimer pour la première fois une crainte qui ne la quitte plus depuis leur retour des Etats-Unis, avant même qu'elle apprenne qu'elle était enceinte. La peur de le perdre lui.

"Et si un jour tu es arrêté ?"

***

Joséphine était plutôt soulagée de voir que les craintes de Louise d'être répartie à Serpentard n'étaient pas liées à de quelconque préjugés fondés sur le passé de cette maison, mais plutôt à la couleur de l'uniforme. Elle joignit son rire à celui de son compagnon, sous le regard boudeur de la fillette qui semblait penser que ses parents ne prenaient pas son problème très au sérieux.

Ignacio tenta de la convaincre que le vert lui irait très bien, ce qui était vrai, avant d'ajouter que c'était une couleur spéciale puisqu'il s'agissait de celle de la deuxième bague de fiançailles de Joséphine. Elle répondit au regard complice de son mari et entremêla ses doigts aux siens.

"Est-ce que vous pouvez me raconter l’histoire du deuxième mariage, alors ?"

Cette fois-ci, le regard que Joséphine échangea avec Ignacio était teinté d'une vague inquiétude. Il y avait beaucoup de choses de leur vie d'avant qu'ils n'avaient jamais raconté à Louise. Peut-être le feraient-ils un jour, quand elle serait plus grande. Le plus tard serait le mieux, de l'avis de sa maman. Les raisons qui les avaient conduit à se marier une seconde fois faisaient partie de ces secrets bien gardés, jusqu'à aujourd'hui.

"C'était un petit peu avant ta naissance, commença-t-elle à expliquer.
- J'étais déjà dans ton ventre ?"

Joséphine hocha la tête avec un sourire teinté de mélancolie. Maintenant que Louise était devenu cette petite fille merveilleuse qui égayait leur quotidien, il lui était plus facile de repenser à cette deuxième grossesse, mais cela avait été une des périodes les plus compliquées de sa vie, et certainement la plus grande épreuve que leur couple ait traversé.

"On s'était disputé, avec Papa, commença-t-elle en cherchant un peu ses mots.
- Disputé fort ?
- Plutôt fort oui.
- Pourquoi ?
- Pour des choses d'adultes."

Elle ne pouvait évidement pas expliquer à sa fille que toutes leurs disputes, à l'époque, concernaient son arrivée au monde et ce qu'ils convenaient pour eux de décider à propos de son avenir.

"Alors t'a acheté une bague à maman pour qu'elle soit plus fâchée !" conclut Louise, qui avait une assez bonne vision de la résolution des conflits entre ses parents. Cette fois-ci pourtant, les choses avaient été un peu compliquées que ça.




I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Signature-Jo
Ignacio Walker
Ignacio WalkerPropriétaire d'un haras
Messages : 193
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeLun 5 Fév 2024 - 7:01
La mère d'Ignacio est partie avant son premier anniversaire. Sans un mot pour lui, sans une lettre, sans une explication qui lui aurait permis de comprendre, plus tard, les raisons de cet abandon. Ignacio n'a jamais compris pourquoi. Il se souvient encore de son incompréhension et de sa colère qui a été si dévastatrice pour masquer cette profonde blessure en lui. Inconsciemment, il s'est toujours accusé du départ de sa mère. Ses parents étaient fous amoureux l'un de l'autre ; il le sait, il le voit sur les quelques photographies qui trônent encore chez son père. C'est sa naissance qui a bouleversé les choses, à l'image d'un grain de sable dans des rouages qui, jusqu'alors, fonctionnaient bien ensemble.

Le départ de sa mère l'a renvoyé à un statut d'indésirable.

Et ce n'est pas une blessure qui s'efface, même si Ignacio l'a depuis longtemps enfouie sous des couches de silence. Il s'est auto-persuadé que les choses étaient mieux ainsi, qu'elles lui ont permis de construire cette relation privilégiée avec son père qu'il n'échangerait pour rien au monde. Mais son pays d'exil, celui qu'il a choisi pour recommencer sa vie, c'est celui de sa mère. C'est bien la seule chose qu'elle lui a laissé en partant ; la nationalité anglaise et une moitié de son patrimoine génétique. Les premiers mois qu'il a passés ici ont été teintés par un malaise perceptible au creux de son estomac ; il voyait le visage de sa mère dans toutes les femmes noires qu'il croisait. Ignacio sait parfaitement que, s'il abandonne son enfant, il passera le reste de sa vie à le voir partout.

C'est ça qu'il essaie d'expliquer à Joséphine, maladroitement sûrement car l'émotion lui bloque la gorge. Sa réplique acerbe le heurte.

« C'est pas ce que j'ai voulu dire... »

Et c'est pourtant ce qu'il a dit.

Mais ce n'est pas la même chose. Ce premier enfant que Joséphine a porté, elle n'avait jamais prévu de le garder. Il a été conçu pour être confié à quelqu'un d'autre. Il n'est pas né d'une relation, même brève ; dès sa conception, son histoire a été écrite autrement.

Ce n’est pas la même chose, se répète Ignacio, qui sent toutefois un malaise poindre en lui. Ce deuxième enfant aussi, Joséphine voudrait le confier à quelqu’un d’autre. Ce deuxième enfant qui, lui, est né de l’amour qu’ils se portent tous les deux. Alors quoi, il pense qu’elle est un monstre ? Non, songe-t-il immédiatement. Elle n’est pas un monstre. C’est plutôt lui, le monstre, à vouloir être père avec tout le sang qu’il a sur les mains. C’est lui qui est trop égoïste pour penser à ce que cet enfant mérite. Joséphine l’a dit, quelques secondes plus tôt. « Elle mérite mieux que nous. » Et elle a raison. Elle mérite mieux qu’un père qui assassine des hommes pour les intérêts d’autres hommes.

C’est lui, le monstre d’égoïsme.

Tout ça parce qu’il n’arrive pas à renoncer à ce foutu désir d’avoir un enfant.

« C’est pas toi le monstre c’est… C’est moi, bafouilla-t-il. Je peux pas… Je peux pas l’imaginer grandir sans jamais la voir. C’est… ça me boufferait. » avoue-t-il à mi-voix.

Alors il ne sait pas quoi faire. Il ne sait plus quoi faire. Joséphine et lui ont des désirs radicalement différents et il ne sait pas comment les concilier. Evidemment que lui aussi a pensé à cette solution qu’ils n’évoquent pas. Garder l’enfant pendant qu’elle s’en éloigne. Mais il ne veut pas de ça. Il ne veut pas la perdre, pas après tout ce qu’ils ont vécu, maintenant que l’incompréhension des débuts a laissé place à un solide amour ancré dans son cœur. Il ne veut pas la perdre ; il l’aime tellement.

Alors il se sent investit de cette urgence à tout faire pour la garder et pour, peut-être, lui faire reconsidérer sa décision. Il ne lui faut qu’une seconde pour dire, face à ses grands yeux humides :

« Je peux tout arrêter. »

C’est comme un cri du cœur. Il peut tout arrêter. Il veut tout arrêter, de toute façon. La mafia, cela avait du sens lorsqu’il était aux Etats-Unis, avec Nick, en haut de ce petit empire qu’ils avaient bâti ensemble, de manière un peu hasardeuse au début. Une mauvaise décision, voilà ce qu’il a fallu à Ignacio pour se retrouver lancé à toute vitesse dans ce train infernal. Une mauvaise décision, prise à vingt ans, une mauvaise fréquentation et c’était fini ; maintenant, il a les deux pieds dedans et le cœur aussi.

Mais il n’en peut plus. Il continue à faire ce qu’il est censé faire de mieux, mais il sent bien qu’il a un poids dans le ventre et une peur dans la gorge. Sa vie, maintenant, n’est plus aussi vide qu’avant.

Le matin, il part avec l’envie de retrouver Joséphine.

Alors la mafia, les Veilleurs, tout cela perd son sens. Ou peut-être qu’il n’y a jamais eu de sens.

« Je peux tout arrêter. Je veux tout arrêter. » corrige-t-il. Il retrouve Joséphine, s’agenouille auprès d’elle, prend ses mains dans les siennes. « Les Veilleurs m’en doivent une. Je peux demander à ce qu’on me laisse partir. Définitivement. Je peux mettre tout ça derrière moi. Derrière nous… » Les larmes roulent sur ses joues lorsqu’il lâche, à voix basse : « Je te jure que je peux changer, Jo. »

Il ne sait plus trop à qui il parle.

***

Contrairement à d’autres enfants, Louise ne connaissait pas toute l’histoire d’amour de ses parents. Ignacio et Joséphine lui avaient raconté les grandes lignes et certaines anecdotes amusantes qu’ils avaient pris soin d’édulcorer. Elle s’était aussi construit sa propre histoire, qu’ils avaient fait le choix de ne pas démentir. Ainsi, elle pensait par exemple que ses parents étaient déjà ensemble et amoureux lorsque sa mère avait eu une vision de leur mariage. Vision qui s’était réalisée quelques mois plus tard, à l’occasion d’un voyage aux Etats-Unis, où ils s’étaient unis dans l’une des fameuses petites chapelles de Las Vegas.

Ils n’avaient rien dit du désarroi des débuts. De ce couple un peu forcé qu’ils avaient été. Du mariage après le drame de New-York. Et, surtout, ils ne lui avaient jamais parlé du contexte de sa naissance, du déni de grossesse, des mois à hésiter et à ne pas se comprendre, de l’accouchement traumatisant de Joséphine et des semaines où elle ne sortait du lit qu’au prix d’un immense effort.

Alors ils ne lui avaient jamais raconté le contexte de cette deuxième demande en mariage, survenue au milieu de toutes ces péripéties.

Joséphine s’y employa du mieux qu’elle put et Ignacio l’encouragea discrètement en pressant ses doigts contre les siens. Parfois, ils se disaient que Louise finirait par apprendre d’elle-même tout ce qu’ils essayaient de lui cacher. Dans ces moments-là, ils songeaient alors à le faire en amont mais repoussaient toujours un peu plus l’échéance.

Elle était toujours trop petite pour eux.

« Mhh, pas exactement. » fit Ignacio avec un léger sourire. Il prit le temps de rassembler ses pensées avant de les livrer à sa fille, comme pour s’assurer de ne pas commettre d’impair : « Tu te souviens, maman et moi on t’a raconté comment elle avait eu une vision de notre premier mariage ?
-Oui ! s’exclama la fillette, qui adorait cette histoire digne, selon elle, des plus grands contes de fée.
-Quand maman et moi on s’est mariés, je ne l’avais jamais vraiment demandé en mariage. Je lui avais acheté une bague, c’est vrai, mais… C’est comme si on avait fait les choses dans le désordre.
-Bah oui, confirma Louise en levant les yeux au ciel, qui avait une idée très précise de comment devait se dérouler une demande en mariage.
-Alors on s’est mariés une première fois aux Etats-Unis, mais c’est un tout petit mariage, juste nous deux. Et, un jour, comme maman t’a dit, on s’était disputés très fort, tous les deux. Et moi… »

Il chercha ses mots, touchant avec pudeur ce sentiment qui l’avait saisi onze ans plus tôt.

« Moi, je voulais que ta maman sache que je voulais vraiment faire ma vie avec elle. Que c’était pas juste à cause de la vision. »

Ni pour toutes les autres raisons qui avaient précipité leur mariage.

« Alors je l’ai redemandé en mariage. Avec une bague spéciale. Elle appartenait à ma grand-mère, tu sais ?
-La maman de papy ?
-Oui, c’est ça. J’ai demandé à un bijoutier de la changer un peu, pour être sûr qu’elle plaise à ta maman et… Voilà.
-Et alors, maman ? Après, tu l’as pardonné ? »


I bet my life on you
I've told a million lies but now I tell a single truth, there's you in everything I do
Joséphine Walker
Joséphine WalkerProfesseur de danse
Messages : 310
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeVen 9 Fév 2024 - 15:23
"Bien sûr, répondit Joséphine avec un sourire amusé quand Louise lui demanda si elle avait pardonné Ignacio après leur second mariage. On s’est pardonnés tous les deux."

Les deux parents échangèrent un regard. Ils savaient tous les deux que l’histoire était un peu plus compliquée que ça, mais ils ne pouvaient pas expliquer à Louise comme les choses avaient été difficiles, au début. Les enfants ne devraient jamais savoir qu’ils n’avaient pas été désirés par leurs parents.

Ces temps sombre lui paraissait loin désormais, mais Joséphine n’aimait pas y repenser. Elle aurait aimé pouvoir se souvenir avec nostalgie des premières semaines passées avec sa fille, mais elle en était incapable. Les premiers mois de Louise, dans sa mémoire, étaient mélangés en un épais brouillard noir dont elle avait cru ne jamais sortir.

"J’étais là à votre deuxième mariage alors ! réalisa soudainement la fillette.
- Si on veut, oui.
- Vous saviez déjà que j’étais une fille ? Joséphine hocha la tête. Et vous aviez déjà choisi mon prénom ?
- Non, pas encore.
- Qui est-ce qui l’a trouvé ? Le regard de Louise alterna entre ses deux parents.
- C’est Papa qui a eu l’idée. C’était Ignacio qui avait dû décider de beaucoup de choses, à l’époque.
- Comment t’as choisi Louise ?"s’enquit la petite fille avec curiosité en se tournant vers son père.


14 octobre 2012

Ignacio et Joséphine sortaient de Ste-Mangouste. Tout allait bien. C’était en tout cas ce que disait le médicomage. Leur fille était un petit bébé, mais elle se développait bien. Le terme était prévu dans deux mois, pour le 10 décembre. Tout allait bien, pourtant le couple était silencieux depuis qu’ils avaient quitté le cabinet de consultation. Pendant le rendez-vous, Joséphine avait très peu parlé. Elle avait laissé Ignacio répondre à la plupart des questions, sauf celles qui la concernaient directement. Elle avait menti, dit qu’elle dormait bien la nuit. Elle avait hoché la tête, s’était forcée à sourire poliment face aux paroles rassurantes du médicomage.

Pendant toute la consultation, elle avait eu le sentiment d’assister à la scène depuis l’extérieur, comme si ce n’était pas elle qui était enceinte de sept mois, et qui accoucherait dans quelques semaines. Comme si on ne parlait pas de sa fille, mais d’un bébé anonyme. Cela lui arrivait beaucoup ces temps-ci, cette impression d’assister à sa vie comme une spectatrice. Elle avait encore du mal à réaliser. Elle ne s’était pas vraiment faite à l’idée.

Ils allaient avoir un enfant. D’un jour à l’autre, ils allaient devenir parents. Elle n’était même pas certaine d’avoir vraiment pris cette décision, à un moment. Les semaines s’étaient succédé et sa grossesse s’était poursuivie sans qu’ils ne reparlent de la possibilité de confier le bébé à quelqu’un d’autre. Alors, l’autre option s’était un peu imposée d’elle-même. Elle était enceinte. Ignacio voulait garder l’enfant. En ne prenant pas de décision, elle avait laissé les choses arriver. Elle n’avait rien fait pour contrer ce futur, elle ne faisait rien non plus pour le construire.

Joséphine baissa les yeux vers une feuille de papier que lui avait remis le médicomage. La liste des choses à prévoir pour la maternité, pour la maman et pour le bébé. Ils n’avaient rien de ce qui y était inscrit. Pas un seul pyjama, pas de body, pas de bonnet, pas de couches, rien. Elle aurait certainement dû s’inquiéter, se précipiter dans le magasin de puériculture le plus proche, mais elle n’arrivait pas à s’y résoudre. Une part d’elle-même refusait toujours d’admettre ce qui était en train d’arriver.

Elle avait une terrible intuition, depuis le début. Depuis le jour où elle avait appris qu’elle était enceinte. Tout n’allait pas bien, elle en était persuadée. Elle sentait pourtant le bébé bouger de plus en plus activement, et elle avait vu sur les échographies que leur fille était en bonne santé, mais elle n’arrivait pas à y croire. Elle sentait que quelque chose n’allait pas, sinon comment expliquer qu’elle n’ait pas eu une seule vision de ce bébé ? Pendant sa première grossesse, elle avait régulièrement des visions de l’enfant qu’elle portait. C’était plutôt des flashs, sans contexte précis, mais cela avait suffi à lui montrer que cet enfant allait naître, qu’il allait grandir, vieillir. Cette fois-ci elle ne voyait rien.

"Tiens," souffla-t-elle en tendant la feuille à Ignacio.

Elle passa sa main libre sur son ventre arrondi, espérant sans y croire que ce contact provoquerait une vision, comme cela avait souvent été le cas pendant sa première grossesse. Mais rien ne se produisit. Elle sentit malgré elle ses yeux se remplir de larmes alors qu’elle était submergée par une vague écrasante d’angoisse et de culpabilité.


I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Signature-Jo
Ignacio Walker
Ignacio WalkerPropriétaire d'un haras
Messages : 193
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeSam 10 Fév 2024 - 23:23
Louise, comme la plupart des enfants, était très curieuse du passé de ses parents. Elle posait beaucoup de questions, réclamait des photos, fascinée par cette vie qui avait existé avant elle. Parce qu’elle avait une imagination débordante, elle se racontait des histoires fabuleuses sur la grande histoire d’amour de ses parents, sans se douter une seule seconde que la vérité était bien différente. Ignacio et Joséphine n’avaient pas cœur à la démentir ; ils n’aimaient pas revenir sur cette période de leur histoire qui avait été si douloureuse à vivre et de laquelle ils avaient eu peur de ne jamais se remettre.

Mais ils ne pouvaient pas ignorer les questions de leur fille et Ignacio eut même un sourire face à sa mine curieuse.

« Mhh… Eh bien, comme je te donnais déjà mon nom de famille, je me disais que ce serait bien que tu aies un prénom français, comme maman.
-Comme ça, ça faisait un peu de toi et un peu de maman !
-Exactement. Mais je voulais un prénom qui se prononce facilement en anglais aussi. Pas comme Auwowe…
-Aurore, pouffa Louise. Avec le R !
-AuWoWe ? répéta Ignacio en accentuant son accent américain pour embêter sa fille.
-T’es vraiment trop nul en français, papa » rit Louise.

Malheureusement, les nombreux cours de Joséphine n’avaient pas réussi à le débarrasser de son accent qui rendait sa prononciation catastrophique sur certains mots.

« Et donc, reprit Ignacio, un jour, j’ai pensé au prénom Louise. En plus, c’est le deuxième prénom de ta marraine et…
-C’est vrai ? réagit la fillette.
-Oui, acquiesça Ignacio. C’est Isobel Louise Anne.
-C’est mieux Louise que Anne, grimaça sa fille.
-Alors j’ai proposé Louise à maman. »

Cette fois-ci, la petite se tourna vers sa mère.

« Et toi maman ? Tu voulais un autre prénom ? »

***

Ignacio vit en se disant que les choses iraient mieux demain. Peut-être que, demain, Joséphine acceptera de lui parler de ce bébé qu’ils s’apprêtent à accueillir dans quelques semaines. Peut-être que, demain, elle aura un geste qu’il pourra interpréter comme de l’envie ou de l’impatience. Mais chaque nouveau jour est frappé par le silence et un poids ne quitte plus son estomac.

Joséphine n’a pas reparlé de la possibilité de confier leur fille à d’autres parents. Elle n’a pas non plus affirmé son envie de la garder. Elle ne dit rien, les semaines passent et le terme de sa grossesse se rapproche dangereusement. Coincé dans cet entre-deux, entre un espoir irraisonné et une crainte solidement ancrée en lui, Ignacio peine à avancer seul. Il n’ose pas se projeter trop loin, sans pouvoir s’empêcher de nourrir des attentes fragiles et souvent déçues.

Dans leur situation, les rendez-vous auxquels ils doivent se rendre régulièrement pour le suivi de la grossesse de Joséphine ne sont pas teintés de cette joie émerveillée qu’ils lisent sans mal sur le visage des autres couples dans la salle d’attente. Cette fois encore, les entretiens ont été laborieux et Ignacio s’est confronté aux mensonges de son épouse, qu’il n’a pas osé démentir. Bien sûr que non, elle ne dort pas bien. Bien sûr que non, elle ne mange pas bien.

Bien sûr que non, elle ne va pas bien.

Le pire a été le moment de l’échographie. Malgré lui, Ignacio a guetté la réaction de Joséphine lorsque l’écran s’est allumé sur la silhouette blanche de leur fille. Lui a ressenti un coup au cœur, comme une bouffée de soulagement et une montée d’espoir de pouvoir la sentir si proche, si tangible sous ses yeux.

Dans le regard de Joséphine, il n’a rien vu de similaire.

En quittant l’hôpital, son estomac est toujours serré de ce nœud familier qui ne le quitte plus depuis plusieurs semaines. Joséphine et lui avancent silencieusement dans les rues de Londres. Le mois d’octobre apporte son lot de temps gris et triste ; la plupart des passants regardent le ciel avec les sourcils froncés. Il va sûrement pleuvoir, dit la gérante d’un petit café en rentrant précipitamment les chaises installées à l’extérieur. Ignacio glissa un regard vers Joséphine. Ses doigts sont serrés sur une liste donnée par une infirmière juste avant la fin de leur rendez-vous, qu’elle lui tend d’un geste autoritaire. Il la récupère, les yeux hagards, alors que ceux de Joséphine se remplissent de larmes.

Ignacio ne s’est jamais senti aussi démuni et inutile de son existence.

Il passe une main dans son dos, la fait glisser le long de son bras pour saisir sa main.

« Est-ce que tu veux qu’on passe dans un magasin pour acheter quelques trucs ? » propose-t-il. « On pourrait commencer à regarder des vêtements, si veux… »


I bet my life on you
I've told a million lies but now I tell a single truth, there's you in everything I do
Joséphine Walker
Joséphine WalkerProfesseur de danse
Messages : 310
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeDim 11 Fév 2024 - 11:47
Joséphine sourit face à l'accent américain d'Ignacio, qu'il accentuait volontairement pour faire rire leur fille. Quand Louise était bébé, on leur avait conseillé de lui parler chacun dans leur langue maternelle. Ignacio en anglais et Joséphine en français. Les premières années, la fillette s'exprimait dans un charabia qui mélangeait les deux langues et qui n'était compréhensible que de ses parents (et encore, pas toujours) puis d'un seul coup, elle avait réussi à distinguer les deux langues et s'exprimait aujourd'hui aussi bien dans l'une que dans l'autre. Elle avait un léger accent américain quand elle parlait en anglais, mais cela s'effacerait certainement quand elle irait à Poudlard.

Ils parlaient presque exclusivement en anglais, tous les trois, pour des raisons de facilité, mais il arrivait souvent à Joséphine de parler à sa fille en français quand elles n'étaient que toutes les deux, ou quand elles ne voulaient pas être comprises d'Ignacio. Récemment, Louise s'était mise à faire de grosses fautes de grammaire, juste pour s'assurer que ses parents ne l'enverraient pas à Beauxbatons plutôt qu'à Poudlard.

"Non, j'aimais beaucoup Louise moi aussi, répondit-elle à sa fille, en se gardant bien de lui avouer qu'à l'époque, elle ne s'était pas beaucoup investie dans le choix de son prénom. Et puis Louise Walker, ça sonne bien nom ?
- Oui ! J'aime bien ! C'était quoi ton nom à toi Maman avant ?
- Chevalier
- Ah oui c'est vrai ! Louise Chevalier ça sonne bien aussi, mais je préfère Walker ! Et ils s'appelaient comment vos parents ? Enfin, Papy je sais, ajouta-t-elle à l'attention de son père. C'était quoi le prénom de ta maman ?"  

Louise semblait décidée à retracer tout son arbre généalogique qui, malheureusement pour elle, n'avait pas beaucoup de branches

***

Joséphine hocha vaguement la tête quand Ignacio proposa de passer dans un magasin pour commencer à acheter quelques vêtements de bébé. Elle n'en avait aucune envie, mais elle savait qu'ils étaient déjà en retard. Ils ne pouvaient pas attendre le dernier moment alors que le bébé pouvait naitre à tout moment dans les prochaines semaines. Cette idée lui donnait le vertige.

Ils ne pouvaient plus rester dans cet entre-deux, sans prendre de décision et sans en discuter, pourtant elle n'arrivait pas à engager la conversation sur le sujet. Elle ne se sentait toujours pas prête. Elle s'était dit que ça viendrait peut-être, avec le temps. Elle s'était imaginée qu'en sentant son enfant grandir et en voyant le soulagement et le bonheur d'Ignacio lorsqu'on leur annonçait de bonnes nouvelles, elle se laisserait emportée. Ce n'était pas le cas, et rien n'avait changé depuis leur dernière conversation sur le sujet. Elle ne se sentait toujours pas la mère de ce bébé. Elle ne l'avait pas désiré, son corps le lui avait caché pendant des mois, et elle n'arrivait toujours pas à l'accepter.

Une seule certitude s'était imposée à Joséphine, au cours des derniers mois. Celle qu'Ignacio serait le père de cet enfant. Il avait quitté les Veilleurs, avait complètement refermé ce chapitre de sa vie, et elle savait qu'il aurait été prêt à faire n'importe quoi d'autre pour leur fille. Il voulait élever ce bébé, cela se voyait à la façon attendrie et impressionnée dont il regardait les échographies. L'idée de confier leur fille à des étrangers n'était plus envisageable, pas alors qu'elle avait un père prêt à l'accueillir et qui, Joséphine en était certaine, l'aimait déjà.

Cette certitude de savoir que leur fille serait élevée avec amour par son père, quoiqu'il arrive, aurait pu la rassurer, mais cela la plongeait dans des questionnements qui la tenaient éveillée la nuit, et lui tordait le ventre d'angoisse le jour. La décision d'Ignacio était prise depuis longtemps, c'était à elle de faire un choix maintenant. Et il n'était plus seulement question de garder ou d'abandonner cet enfant. Si elle ne voulait pas élever leur fille, alors elle perdait Ignacio. Quitte ou double.

Parfois, elle essayait de s'imaginer formant une famille heureuse, avec Ignacio et leur fille, mais elle n'arrivait jamais vraiment à se projeter. Son imagination se heurtait toujours à cette certitude que quelque chose n'allait pas. Que les choses ne se passeraient pas bien. Elle n'arrivait pas à visualiser ce futur, et elle ne l'avait jamais vu. Elle avait déjà eu quelques brèves visions de son propre avenir. Elle n'y avait jamais vu sa fille. Etait-ce parce que ce futur était encore trop incertain, ou parce qu'il n'existerait jamais ?

Joséphine n'avait pas fait part de ses craintes à Ignacio. Parce qu'elle ne voulait pas l'inquiéter davantage, mais aussi parce qu'elle avait peur de sa réponse. Et s'il lui disait que ce pressentiment n'en était pas un ? Que ce n'était que la manifestation de ce qu'elle désirait vraiment ? Qu'elle voulait que quelque chose se passe mal. Elle avait terriblement peur qu'il arrive à cette conclusion, qu'il découvre l'affreuse vérité et qu'il réalise à quel point elle était monstrueuse de pouvoir penser de telles choses. Alors elle avait gardé le silence jusqu'à présent, mais ce n'était plus possible, pas alors qu'elle commençait à pleurer à la simple idée d'aller regarder des pyjamas.

Elle essuya du plat de la main quelques larmes qui avaient coulé sur ses joues et prit une inspiration pour se donner du courage.

"Je crois qu'il y a quelque chose qui ne va pas, souffla-t-elle d'une voix enrouée. Avec le bébé."


I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Signature-Jo
Ignacio Walker
Ignacio WalkerPropriétaire d'un haras
Messages : 193
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeMar 13 Fév 2024 - 6:10
Face à ses parents, Louise questionnait joyeusement, demandait pourquoi et comment, sans se douter réellement qu’elle effleurait les pans les plus sensibles de leur histoire. Dans les mois qui avaient précédé et suivi sa naissance, Ignacio avait craint à plusieurs reprises que leur couple ne résiste pas à cette épreuve. Parfois, il avait soupçonné Joséphine de caresser l’idée de les quitter tous les deux et cette peur ne s’était pas évaporée du jour au lendemain. Le temps avait été nécessaire pour que leur mariage s’équilibre et qu’ils se débarrassent de toutes les tensions invisibles qui pesaient sur eux. Aujourd’hui, Ignacio aimait penser qu’ils évoluaient sur de solides bases et que l’amour et la confiance qu’ils se portaient mutuellement leur permettraient de traverser bien des années ensemble.

Après un discret regard pour sa femme – comme lui, elle n’aimait jamais s’étendre trop longtemps sur ces mois douloureux qu’ils avaient vécus au moment de la naissance de leur fille – Ignacio reporta son attention sur Louise. Cette dernière, très bavarde et curieuse, semblait bien décidée à les questionner sur tous les sujets qu’ils n’évoquaient que très rarement.

Louise ne connaissait que son grand-père paternel, Elijah Walker, qui l’adorait et faisait souvent le déplacement depuis Salem pour la voir. Ignacio et Joséphine ne lui avaient pas caché les départs de leurs mères respectives lorsqu’ils étaient enfants, ni les liens compliqués que Joséphine entretenait avec son père et sa sœur, mais ils étaient toujours évasifs dans leurs explications. Bien trop évasifs pour Louise, qui se montrait de plus en plus curieuse et insistante.

« Alice, répondit-il finalement en observant sa fille.
-Alice… répéta Louise, songeuse. Alice comment ?
-C’est un interrogatoire de police ? releva Ignacio avec un sourire en coin.
-Mais non mais c’est pour savoir ! geignit la petite.
-Williams. Alice Williams. » fit Ignacio en repoussant sa tasse de café sur la table.

Il y eut un bref silence, avant que la fillette ne reprenne :

« Et t’as déjà essayé de retrouver ta maman ?
-Hum… Non, avoua Ignacio, bien que l’idée lui ait déjà effleuré l’esprit à plusieurs reprises.
-Mais t’étais pas triste ? insista Louise. Moi, je serais hyper triste si maman était pas là !
-Oui mais moi, tu sais, j’ai toujours grandi sans ma maman, alors c’est pas la même chose. J’étais habitué à vivre juste avec mon papa.
-Mhhh, moui, mais moi je trouve ça triste quand même. Toi, maman, t’étais pas triste de vivre sans ta maman ? »

***

Joséphine hoche mollement la tête pour accepter sa proposition mais demeure immobile dans la rue. Elle n’esquisse pas le moindre pas, ni le moindre mot. Elle reste là, le visage figé dans une expression de douleur qui ne quitte pas son visage, les yeux remplis de larmes, la bouche tordue par l’angoisse. Ignacio a mal au cœur. Parfois, il se demande si tout cela vaut la peine. Il se demande s’il veut vraiment devenir père, au point de sacrifier le bonheur de la femme qu’il aime. Il voit bien que Joséphine est malheureuse ; il n’y a plus aucune lumière dans son regard. Elle est malheureuse, désespérée et Ignacio se sent immensément coupable. C’est lui qui désire cet enfant. Lui qui s’oppose à ce qu’ils confient leur fille à d’autres parents. C’est son désir à lui qui la fait tant souffrir et, vraiment, il ne se passe une seule journée sans qu’il ne soit assailli par les remords.

Il se dit qu’il va perdre Joséphine et cette idée est insupportable. Il n’a pas souvenir d’avoir déjà aimé quelqu’un aussi fort.

En même temps, il n’arrive pas à se projeter dans une vie où cette petite fille qu’il voit grandir sur les échographies ne fait pas partie de la sienne. Quand il regarde l’écran et qu’il la voit bouger, il ressent une immense impatience au creux de l’estomac, un grand élan de vie qu’il n’arrive pas à étouffer. Il ne veut pas renoncer à ça.

Mais il ne veut pas renoncer à Joséphine non plus.

Alors il est coincé au milieu de tout ça, incapable de se réjouir véritablement ou de prendre une décision qui le fasse perdre quoique ce soit.

Mais face aux larmes de Joséphine, il sent son cœur se tordre dans sa poitrine. Son aveu, quant à lui, éveille un sentiment de panique en lui et il baisse instinctivement les yeux vers son ventre rebondi.

« Quoi ? Comment ça ? Tu as mal quelque chose ? » interroge-t-il d’une voix pressante. Ils sortent pourtant d’un rendez-vous où les médicomages s’étaient montrés rassurants quant à l’état de santé du bébé. « Tu veux qu’on retourne à l’hôpital ? »



I bet my life on you
I've told a million lies but now I tell a single truth, there's you in everything I do
Joséphine Walker
Joséphine WalkerProfesseur de danse
Messages : 310
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeMar 13 Fév 2024 - 16:10
Joséphine sentit son ventre se nouer alors que les questions de Louise s'orientaient vers ses grands-mères, qu'elle ne connaitrait jamais. Leur fille se questionnait beaucoup sur sa famille et ses origines, ce qui était peut-être normal à son âge, et n'avait absolument pas conscience de ce que ses interrogations pouvaient retourner chez ses parents.

"Non, pas tellement, répondit-elle avec franchise quand la fillette lui demanda si elle n'avait pas été triste de grandir sans sa maman. Je n'ai jamais vécu avec ma maman, alors elle ne me manquait pas. Louise ne paraissait pas très convaincue par cette explication. Tu sais, il y a des enfants qui n'ont pas de maman et qui sont très heureux.
- Ah oui ? Comment c'est possible des enfants sans maman ? Ils avaient eu la conversation "combien on fait les bébés" des années plus tôt, et Louise semblait avoir bien retenu la leçon.
- Et bien déjà, il y a des enfants qui ont deux papa,
- Oui mais c'est pas pareil, ils ont quand même deux parents, c'est ça qui compte !
- Et il y en a qui ont juste un papa, ou qui vivent avec d'autres membres de leur famille, et qui sont heureux quand même.
- Hum... Mais c'est quand même horrible.
- Quoi donc ?
- Bah d'être abandonné par sa maman !"

Joséphine avait beau savoir que Louise ne parlait pas en connaissance de cause, et qu'elle aurait peut-être une opinion différente si elle savait dans quelles circonstances sa mère avait elle-même abandonné un enfant, la détermination de sa fille à condamner cet acte lui faisait mal. Elle avait envie de lui expliquer, de lui dire que parfois c'était ce qui était le mieux, que parfois des hommes seuls voulaient avoir des enfants et qu'ils pouvaient demander l'aide d'une femme pour mettre le bébé au monde, et que ce n'était pas vraiment un abandon. Elle n'en fit rien. Elle n'avait pas envie de dévoiler cette partie de son passé à sa fille pour l'instant, et surtout pas envie de se confronter à son jugement.

"Ne t'inquiète pas, on ne va pas t'abandonner, répondit-elle en essayant de rendre à la conversation un ton plus léger.
- Bah j'espère bien ! De toute façon je connais notre adresse et vos numéros de Pear par cœur alors je vous retrouverai !
- On est fichus alors... ?
- Complètement !"

***

Joséphine secoua négativement la tête quand Ignacio s’inquiéta de savoir si elle avait mal quelque part, proposant même de la ramener à l’hôpital.

"Non, c’est pas ça, je…"

La sollicitude de son mari lui fendait le cœur. Elle constatait chaque jour à quel point il avait envie que cette grossesse se passe bien. Elle voyait à quel point il s’inquiétait dès qu’elle se plaignait du moins inconfort -ce qui arrivait souvent- elle voyait comme il était soulagé quand les médecins leur affirmaient que tout allait bien. Elle avait vu ses yeux briller d’espoir face à l'échographie tout à l’heure. Elle s’en voulait de ne pas être comme lui, de ne pas réussir à se réjouir de cette grossesse qui se déroulait -sur le plan médical- parfaitement bien.

Elle s’en voulait de ne pas être heureuse de son bonheur. Elle l’aimait pourtant, elle en était certaine. Elle l’aimait et c’était pour ça qu’elle essayait de garder ses pensées pour elle, de ne pas lui faire part de ses craintes et de ses doutes. Elle ne voulait pas l’empêcher de réaliser son rêve de devenir père, elle ne voulait pas venir noircir son bonheur, et pourtant elle voyait bien qu’elle l’empêchait de vivre cette grossesse sereinement. Il était inquiet pour elle, et conscient de son mal-être, et elle s’en voulait de gâcher ce qui serait peut-être sa seule expérience de la paternité. En plus d'être une mauvaise mère, elle avait la sensation d'être la pire des épouses.

Aujourd'hui elle ne tenait plus. Elle ne pouvait plus taire ces doutes qui la dévoraient de l’intérieur, ses angoisses qui la réveillaient la nuit. Ils approchaient dangereusement du terme et elle ne pouvait plus garder ses angoisses pour elle, par alors qu'elle sentait cette menace planer au-dessus d'eux.

"Je crois qu’il y a quelque chose qui ne va pas, je… Je ne la sens pas. Enfin, si, je sens quand elle bouge mais… Je sens juste quelque chose qui bouge, je ne sens pas sa présence à elle."

Elle réalisait à mesure qu’elle parlait à quel point elle devait paraître folle, mais elle n’arrivait pas à mettre des mots sur cette absence de lien qu'elle ressentait si cruellement. Elle ne se sentait pas connectée avec ce bébé. Lors de sa première grossesse, et alors même qu’elle savait qu’elle n’élèverait pas l’enfant, elle se sentait liée à lui. Elle l’imaginait comme un petit être vivant, arrivait à se le projeter plus tard comme un petit garçon, et il lui était même arrivé de lui parler, comme à une personne. Cette fois-ci elle ne ressentait rien de tout ça. Elle sentait un fœtus, qui bougeait parfois dans son ventre, mais elle n’arrivait pas à l’envisager comme une future personne. Comme leur fille.

"Et je n’ai pas eu de vision du bébé. Aucune."

C’était ce qui la préoccupait le plus. Pourquoi n’avait-elle eu aucune vision depuis le début de sa grossesse et pourquoi n’avait-elle jamais vu leur fille dans son avenir ? Elle était rarement restée si longtemps sans avoir de visions, et cela l'inquiétait peut-être plus que tout le reste. C'était comme si, d'un seul coup, il n'y avait plus d'avenir à voir.

Joséphine releva ses grands yeux pleins de larmes vers Ignacio, avec l’espoir fou qu’il aurait les réponses à toutes ses questions, qu’il saurait mettre des mots sur ce qui se passait si mal. Ce qu'elle voulait, surtout, c'était qu'il démente ses craintes, et qu'il fasse taire cette petite voix dans sa tête. Cette petite voix qui avait déjà compris que le problème ne venait pas du bébé, mais d’elle-même.


I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Signature-Jo
Ignacio Walker
Ignacio WalkerPropriétaire d'un haras
Messages : 193
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeMer 14 Fév 2024 - 6:13
« Bah d’être abandonné par sa maman ! »

A côté de lui, Joséphine se tendit légèrement. Ce fut imperceptible ; un petit pli au niveau de la bouche, une tension entre les sourcils mais Ignacio connaissait assez bien son épouse pour savoir à quoi cette réplique de leur fille la renvoyait.

Elle aussi avait abandonné un enfant, quelques années auparavant.

Le contexte n’était pas le même, évidemment. Contrairement à sa propre mère ou à celle d’Ignacio, Joséphine n’avait pas quitté son compagnon et son nourrisson quelques mois après la naissance de ce dernier. Les choses avaient toujours été prévues ainsi ; l’enfant qu’elle avait mis au monde n’avait jamais été le sien. La nuance était fine mais importante ; toutefois, Ignacio doutait que Louise puisse la saisir. Elle voudrait savoir comment et pourquoi. Pourquoi sa maman avait-elle fait un bébé si elle ne voulait pas rester avec lui ? Et pourquoi avait-elle décidé qu’elle serait sa maman à elle, Louise, et pas à l’autre bébé ? Et pourquoi ne lui avait-elle rien dit ? Et pourquoi ? Et pourquoi ?

Joséphine parvint habilement à faire changer Louise de sujet et Ignacio décida qu’il était grand temps de mettre fin à la conversation. Il tapa dans ses mains et s’exclama :

« Bon ! Est-ce qu’il ne serait pas temps de se préparer pour partir ?
-Siii ! s’exclama Louise en levant joyeusement.
-Tu vas t’habiller et te brosser les dents, Loulou ?
-Oui et, demanda-t-elle en désignant ses longs cheveux roux, est-ce que avant de partir on pourra faire des tresses ? Sinon j’ai trop chaud, se plaignit-elle.
-On pourra, oui. » La petite fit mine de s’éloigner mais fut rapidement rappelée par son père : « Ton bol, chérie. »

Louise revint sur ses pas, s’empara de son bol vide et de son verre pour les déposer dans l’évier de la cuisine. Joséphine et Ignacio l’entendirent monter les escaliers et gagner sa chambre en chantonnant. Un pli soucieux s’était formé entre les sourcils d’Ignacio et il se tourna vers sa femme en passant une main dans son dos.

« Ça va ? »

***

La peur d’Ignacio laisse place à de l’incompréhension puis à du désarroi face à la réponse de Joséphine. Il l’observe, silencieux, désemparé, alors qu’elle articule quelques mots qu’il ne comprend pas davantage. Elle ne la sent pas, dit-elle. Le cœur d’Ignacio s’affole à nouveau ; est-ce que Joséphine ne sent plus le bébé bouger ? Est-ce qu’il y a quelque de différent, quelque chose qui l’inquiète ? Mais, à nouveau, elle dément ses craintes : elle sent le bébé bouger mais ne perçoit pas sa présence.

Cette remarque laisse Ignacio muet pendant plusieurs secondes. Il ne sait pas exactement ce qu’elle essaie de lui dire. Qu’elle ne perçoit pas réellement ce bébé qui grandit en elle ? Qu’elle ne se sent pas connectée à lui ? Ce n’est pas une nouvelle qu’Ignacio accueille avec surprise ; il n’a même pas besoin qu’elle le lui dise pour le savoir. C’est évident ; Joséphine refuse d’évoquer la grossesse avec lui. Elle évite toutes ses propositions, dit « oui » ou « comme tu veux » pour éviter de faire le moindre choix, repousse toujours à demain ou à plus tard.

Ignacio, lui, n’ose rien dire. Il se sent trop coupable de la voir aussi malheureuse pour lui en vouloir de ne pas s’investir dans cette grossesse qu’elle ne désire pas. Et puis, il a peur, surtout. Il a peur que Joséphine s’évanouisse dans la nature, du jour au lendemain. Il n’a vraiment pas envie de la perdre et, parfois, l’idée que cela pourrait arriver lui fait perdre le sommeil. Alors il ouvre la bouche pour prendre la parole ; il ne sait pas quoi dire mais il voit à son regard qu’elle a besoin qu’il dise quelque chose. Ignacio n’a jamais été très fort avec les mots ; ils s’emmêlent dans sa bouche, un peu trop longtemps, et Joséphine a le temps de rajouter une phrase qui s’abat entre eux, lourde de tout ce qu’elle ne dit pas.

Les sourcils d’Ignacio se froncent légèrement. Il regarde Joséphine, incertain de là où elle veut en venir. Ou plutôt ; il sait où elle veut en venir mais il ce n’est pas une conclusion qu’il peut tirer seul.

« Et qu’est-ce que… Qu’est-ce que tu veux dire ? » demande-t-il avec une légère appréhension dans la voix.




I bet my life on you
I've told a million lies but now I tell a single truth, there's you in everything I do
Joséphine Walker
Joséphine WalkerProfesseur de danse
Messages : 310
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeMer 14 Fév 2024 - 8:45
Joséphine fut reconnaissante à Ignacio de mettre un terme à la discussion en envoyant Louise se préparer à l'étage. Plongée dans ses pensées, elle sursauta en sentant la main de son mari dans son dos et redressa la tête pour lui adresser un sourire rassurant.

"Ça va, assura-t-elle. Elle ne sait pas ce qu'elle dit", ajouta-t-elle, plus pour se rassurer elle-même.

Elle avait l'espoir que, lorsque Louise apprendrait la vérité, un jour, elle n'aurait pas un avis aussi tranché. Mais elle savait que sa fille aurait beaucoup -beaucoup !- de questions à leur poser, ce qui était normal, et elle redoutait un peu d'y répondre. Ils avaient pourtant convenu de lui en parler, quand elle serait grande. Et Louise grandissait de jour en jour, mais leur paraissait toujours trop jeune, ce que Joséphine ne tarda pas à verbaliser, comme pour conforter leur choix de ne pas avoir saisi cette occasion de lui parler.

"Elle est encore petite."

Une réflexion qui aurait surement fait soupirer l'intéressée si elle l'avait entendu, parce qu'elle n'était plus "petite" et qu'elle avait dix-ans-et-demi. Cette dernière ne tarda pas à réapparaitre sur la terrasse -un peu trop rapidement pour avoir eu le temps de se brosser les dents pendant trois minutes- vêtue d'une robe d'été à fleurs bleues, sa brosse à cheveux à la main.

"Je peux avoir deux tresses ?
- Tu t'es brossé les dents Loulou ? La fillette hocha vivement la tête. Trois minutes ? Nouveau hochement de tête. Tu as utilisé le sablier ?
- Euh.... Non mais j'ai compté dans ma tête !
- Jusqu'à combien ?
- Bah....trois minutes. Joséphine ne put se retenir de rire face à la répartie de sa fille.
- Tu mettras le sablier ce soir, d'accord ?
- Oui maman.
- Je te fais les tresses ou Papa les fait ?
- Toi ! Papa il les fait de travers... Joséphine rit de nouveau. Mais c'est normal, t'as pas de cheveux pour t'entrainer, expliqua Louise à son père, pour le rassurer. T'avais des cheveux, quand t'étais jeune ?"

***

Joséphine s'inquiète en voyant les sourcils d'Ignacio se froncer légèrement. Elle a l'impression qu'il a comprit ce que son absence de vision signifiait, pourtant il lui pose la question, comme s'il espérait qu'elle ait une explication différente. Elle sent sa gorge se nouer alors qu'elle réprime un sanglot.

"Je ne l'ai jamais vue dans notre avenir, commence-t-elle d'une voix tremblante. Et je n'ai jamais vu son avenir à elle non plus. Elle n'avait même jamais vu son visage. C'est comme si...Comme si elle n'en avait pas."

Elle observe Ignacio avec crainte. Elle a peur de ce qu'il pourrait penser de ce funeste présage. A-t-elle raison de s'inquiéter ? Ou cherche-t-elle inconsciemment un échappatoire à cette grossesse qu'elle n'a pas désirée ? Cette seconde possibilité lui fait honte, et pourtant elle se souvient de cet horrible espoir qu'elle avait eu quelque mois plus tôt, quand elle avait souhaité qu'il y ait un problème et qu'on la laisse interrompre sa grossesse. Si elle était capable de le désirer, à ce moment-là, était-ce toujours quelque chose qu'elle souhaitait aujourd'hui ?

Non. Elle ne souhaitait pas de malheur à ce bébé. Elle n'était pas certaine de vouloir partager sa vie, mais Ignacio, lui, était prêt à l'accueillir et à l'aimer. Quoiqu'elle décide, elle se reposait sur l'idée que leur fille serait élevée par son père. Mais alors pourquoi n'en avait-elle aucune vision ? Joséphine n'était jamais restée si longtemps sans avoir la moindre vision. N'y avait-il plus rien à voir ?


I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Signature-Jo
Ignacio Walker
Ignacio WalkerPropriétaire d'un haras
Messages : 193
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitimeJeu 15 Fév 2024 - 6:17
Ignacio hocha la tête comme pour approuver la remarque de sa femme. Oui, Louise était encore petite et percevait donc la vie d’une manière très manichéenne. D’un côté, les gentils parents qui aimaient leurs enfants. De l’autre, les méchants parents qui les abandonnaient. Il n’y avait pas encore de place pour beaucoup de nuance dans ses discours, ce qu’elle venait de prouver à l’instant face à sa mère. Comme ce sujet avait été très sensible entre eux pendant la grossesse et les premiers mois qui avaient suivi la naissance de Louise, Ignacio fut rassuré de voir une expression relativement sereine sur le visage de Joséphine. Il se pencha vers elle et lui vola un baiser, avant de se lever pour débarrasser la table des tasses vides et des assiettes sales. D’un sortilège, il envoya toute la vaisselle jusqu’à l’évier puis enchanta une éponge qui s’attaqua immédiatement aux tâches. Il ne fallut que ce court laps de temps à Louise pour redescendre, habillée et les dents (vaguement) lavées. Armée de sa brosse à cheveux, elle réclamait des tresses à sa mère, ce dont Ignacio avait l’habitude. Joséphine maîtrisait à la perfection les nattes, tresses, couronnes et autres coiffures compliquées dont Louise raffolait. Ignacio, lui, était moins expert dans le domaine, même si les années lui avaient permis d’acquérir quelques compétences.

« Mais, réagit-il au commentaire de sa fille. J’ai des cheveux ! » C’est vrai, il portait les cheveux très courts, parfois même rasés, mais c’était un choix. Une volonté de sa part, même ! « Et je ne suis pas vieux. » ajouta-t-il, l’air offusqué.

Bien loin de s’excuser de cette offense, Louise pouffa de rire.

« Bah quoi ! C’est vrai ! se défendit-elle. T’as que des petits points de cheveux sur la tête !
-C’est parce que je les rase, Loulou. » expliqua Ignacio en secouant la tête. « Sinon, j’ai beaucoup, beaucoup, de cheveux.
-Ah bon ? Beaucoup comment ?
-Mhh, ça me fait comme plein de cheveux très bouclés autour de la tête.
-Mais naaaan ? s’exclama-t-elle, hilare. Mais pourquoi tu laisses pas pousser ?? Ce serait hyper rigolo ! » Elle se tourna vers sa mère : « T’as déjà vu papa avec des cheveux, toi ? »

***

Ignacio sait déjà ce que Joséphine va dire. Il sait, mais il a besoin qu’elle le dise parce que ses mots suspendus signifient tout et rien à la fois. Alors il y a un temps de silence, comme une brève hésitation de la part de Joséphine, puis elle se lance enfin. Elle ne voit pas leur fille dans leur avenir. Elle ne voit même pas son avenir à elle. Elle ne voit rien.

Comme s’il n’y avait rien à voir.

Ignacio comprend immédiatement quel funeste présage Joséphine tire de cette absence de vision. Son cœur s’accélère à lui aussi, son ventre se tort et, vraiment, les pensées qui se précipitent dans son esprit lui donnent la nausée. Ignacio n’est pas un homme nerveux mais, là, ses nerfs sont à bout. Il en prend conscience là, face à Joséphine qui pense que leur fille peut mourir d’un instant à l’autre.

Car comment expliquer autrement ce qu’elle ne voit pas ?

Pris d’un vertige, Ignacio pâlit légèrement. Ces dernières semaines, il s’est raccroché aux discours des médicomages de toutes ses forces, comme pour conjurer l’angoisse qui lui dévore les entrailles. « Elle va bien. » « C’est un bébé en pleine forme. » « Elle se développe bien. » Il n’y a bien que ça qui va bien, dans son monde. Le reste n’est qu’une masse confuse et informe qu’il ne parvient pas vraiment à digérer. Mais le bébé va bien.

Et si le bébé va bien, il peut prendre le temps d’avaler la masse confuse et informe de ses sentiments.

La supposition de Joséphine le heurte donc de plein fouet. Il voudrait s’en indigner, la repousser férocement mais, lorsque son regard croise le sien, sa brusque énergie s’envole. Elle a toujours son malheur dans les yeux, une tristesse insoutenable et une lueur de peur qu’il ne sait pas trop comment interpréter. A-t-il peur de ce qu’il va penser d’elle ? Est-elle inquiète pour la santé du bébé ? Cette pensée, bien qu’épouvantable dans ce qu’elle implique, est curieusement rassurante.

Alors Ignacio souffle, expire toute la tension de ses épaules, toute la peur de son ventre.

« Ça veut rien dire, Jo. » affirme-t-il en tendant une main vers elle pour la glisser dans ses cheveux roux. Du pouce, il caresse sa joue. « On peut pas se baser sur ton absence de vision pour faire l’hypothèse qu’il va lui arriver un truc. Et puis, regarde, t’avais jamais vu que tu tomberais enceinte d’elle et, pourtant… » Il hausse légèrement les épaules. « Les médicomages viennent de nous dire que tout va bien, qu’elle se développe bien… Y a aucune raison pour que quelque chose se passe mal, ok ? »

Et il a autant besoin d’y croire qu’elle.


I bet my life on you
I've told a million lies but now I tell a single truth, there's you in everything I do
Contenu sponsorisé
Profil Académie Waverly
I will follow you way down wherever you may go [Joséphine & Ignacio] Icon_minitime