Tout le monde avait un jour rêvé d’ouvrir un bar avec son meilleur ami. Il s’agissait d’une de ces idées un peu saugrenues qu’on évoque entre deux rires, avec le sourire de ceux qui savent que ce projet n’aboutira jamais. James et Grady en avait parlé pour la première fois en cinquième année, parce que leurs BUSES approchaient à grands pas et qu’il était bien plus plaisant d’esquisser ce qui ressemblait à un business plan très approximatif, plutôt que de suivre leurs cours avec le sérieux d’une Marlene Barclay très concentrée. A la sortie de Poudlard, les meilleurs amis avaient pris des chemins très différents : Grady voulait devenir soigneur de licornes – une profession en accord avec son amour pour les créatures magiques – tandis que James s’était engagé dans une formation d’ambulancier au sein de l’hôpital magique. Les mois s’étaient écoulés, les drames s’étaient succédés. Après la mort de Samantha et le procès de Lauren, James avait ressenti un profond malaise à l’idée de rester travailler à Ste-Mangouste. Grady aussi manifestait un désir d’explorer d’autres horizons. L’idée d’ouvrir un bar chaleureux, à leur image, était revenue, comme une blague d’abord puis de plus en plus sérieusement.

C’était pendant une soirée de septembre, après l’apéro traditionnel du mardi soir – car oui, James et Grady avaient des traditions comme un vrai couple – que ce projet s’était réellement dessiné sous leurs mots. James s’était redressé, après un moment de silence pensif : « Et si on le faisait vraiment ? » avait-il demandé. « Vraiment vraiment ? » avait répondu Grady en haussant les sourcils. « Ouais ? » Ils s’étaient observés quelques secondes. « Ouais. » avait finalement conclu Grady en tendant sa main à son meilleur ami. Ainsi, James et Grady étaient devenus de fiers associés.

La montagne de travail à abattre jusqu’à arriver à cette soirée d’inauguration avait été immense. Il avait d’abord fallu prévenir leurs familles respectives de ce revirement dans leurs carrières, ce qui avait créé des tensions entre James et ses parents. Ces derniers ne comprenaient pas comment leur fils pouvait abandonner un métier stable, un métier honnête, pour une profession qui ne trouvait pas grâce à leurs yeux et dont ils ne voyaient que les inconvénients. Des disputes avaient éclaté entre James et son père et s’étaient soldées par le silence obstiné de ce dernier. En parallèle de cela, ils avaient dû chercher des locaux, bâtir un business plan solide, aller voir des banques pour obtenir un prêt et faire face à une montagne de travail administratif qu’ils avaient abattu comme les Poufsouffle persévérants qu’ils étaient – et aidés de Marlene qui excellait dans ce domaine.

Et ce soir, ils y étaient. Après des mois de travail, d’angoisses qui n’avaient jamais été verbalisés par ces deux garçons flegmatiques, de réunions interminables pendant lesquelles les mots « benchmark », « chart » et « milestones » avaient été prononcés un nombre incalculable de fois, des nuits blanches à étudier leur projet. Ils y étaient. Le Hufflepub ouvrait enfin ses portes.

Ils étaient idéalement situés sur le Chemin de Traverse – une opportunité inespérée qu’ils avaient saisi en répondant à un appel à projet dans le cadre de la redynamisation de la célèbre rue sorcière. Ils avaient eu plusieurs entretiens avec les propriétaires avant que ceux-ci ne se décident à leur louer leurs locaux, séduits par la jovialité et l’enthousiasme des jeunes hommes. Dans le passé, les murs avaient été loués à un apothicaire et si l’agencement des pièces était idéal à la création d’un bar, il avait fallu mener plusieurs travaux pour bâtir une petite cuisine et meubler les lieux. Pour cela, ils avaient arpenté de nombreuses brocantes – ils étaient devenus les professionnels de la bonne affaire et de la négociation – et s’étaient largement inspirés de leur ancienne salle commune pour recréer une ambiance chaleureuse et lumineuse. Il y avait de grandes tablées, idéales pour les groupes, des tables de bar plus petites, autour desquelles on s’asseyait sur des petits tonneaux. Un jeu de fléchettes dans le font à l’effigie des quatre maisons – Poufsouffle étant évidemment celle qui permettait de faire gagner le plus de points – et, pièce incontournable du bar, un flipper qu’ils avaient fait rénover entièrement.

James tendit à un jeune homme blond une pinte de Poufchouffe – il n’était pas peu fier que cette bière soit à l’honneur sur leur carte– , qui le remercia avant de s’éloigner jusqu’à sa table, déjà occupé par différents mets. La salle était pleine, et rien n’aurait pu le satisfaire davantage. Les premiers clients, qui étaient arrivés vers dix-neuf heures, étaient majoritairement leurs proches – Marlene, les triplettes Mason, Emma – mais, au fur et à mesure, la salle s’était remplie de visages inconnus et les deux garçons avaient dû se mettre sérieusement au travail.

« Je crois qu’on s’en sort pas trop mal. » glissa-t-il à l’attention de Grady qui venait de se glisser derrière le bar, un plateau dans les mains.

Son regard balaya la salle. Il repéra la silhouette de Marlene, assise à une table en compagnie de sa marraine en médicomagie – James n’avait pas retenu son nom gallois mais elle ressemblait beaucoup à sa petite-amie, quoique cette dernière puisse en dire – qui était venue avec son compagnon. Emma était également avec eux, mais le reste de la tablée était masquée par une autre table occupée par Roy, Toni, quelques Veilleurs et… La nouvelle cheffe de la milice. Joie. Bonheur.

« On lance ? » proposa James à son meilleur ami. Il attendit l’approbation de ce dernier, avant d’agiter une cloche au-dessus de sa tête. Le bruit retentit dans la salle, et le calme tomba.

« Bonsoir à tous ! Merci d’être venus à l’inauguration du Hufflepub… » commença-t-il d’une voix forte avant d’être interrompu par une voix masculine :

« Un discours, un discours… ! »

« Alors, je pourrais vous faire un discours d’une dizaine de minutes pour vous détailler l’intégralité de notre carte… Mais à la place, on a décidé de vous proposer un petit concours. Nous avons ici une dizaine de questions » il agita des feuilles entre ses mains « qui portent sur Poudlard. Vous êtes installés par table et quand vous entendrez ce bruit » il agita une nouvelle fois la cloche « nous vous poserons l’une de ces questions. La première table à donner la bonne réponse gagne un point… A la fin, celle qui totalisera le plus de point se verra offrir toutes ses consommations de la soirée. »

Cela faisait un moment qu’Eiluned n’avait pas mis les pieds sur le Chemin de Traverse. Comme elle habitait à Leopoldgrad, elle avait tendance à réaliser la plupart de ses achats dans les grandes galeries commerciales, mais – et elle le reconnaissait bien volontiers – le charme n’était pas tout à fait le même. En parcourant l’artère principale un peu plus tôt, Eiluned avait revu toutes ces journées passées à courir les magasins en quête des dernières fournitures pour la rentrée, à traîner derrière Llewella qui devait absolument essayer la nouvelle robe de chez T&T, à déguster une bièraubeurre au Chaudron Baveur, et tant d’autres moments qui avaient ponctué sa vie d’enfant, d’adolescente, et puis de jeune adulte.

Eiluned avait retrouvé Marlene dans un bar qui ressemblait à l’image qu’elle se faisait de la salle commune des Poufsouffle. Le nom, ainsi que les tentures jaunes et noires qui recouvraient les murs, ne laissaient pas de doute quant à la maison d’appartenance des nouveaux propriétaires. Elle avait eu un sourire entendu avec Leonard en pénétrant dans les lieux – se moquer des Poufsouffle était une tradition – mais s’était laissée charmée par l’ambiance chaleureuse du bar. Ils s’étaient installés à une table, dans un angle, et Eiluned avait profité de ce moment pour faire plus ample connaissance avec Emma Blackbonnes, la colocataire de Marlene, et pour présenter Leonard aux deux jeunes femmes. Marlene avait dû le croiser, au cours de l’année précédente, mais Eiluned n’avait jamais pris le temps de les introduire réellement.

Et, à vrai dire, elle était plutôt satisfaite de cette occasion. C’était Marlene qui lui avait proposé de venir à l’inauguration du nouveau bar de son petit-ami, ce qu’Eiluned avait accepté avec plaisir. Sans trop de surprise, Leonard s’était fait une joie de l’accompagner – pour être honnête, elle ne l’avait jamais vu refuser une soirée – et ils avaient transplané à Londres tous les deux, après que Leonard soit sorti du Ministère. Sa filleule – et future demoiselle d’honneur à son mariage – était déjà sur place ; Leonard et Eiluned étaient passés se chercher deux boissons au bar avant de la rejoindre, et ils discutaient tous depuis avec animation.

Ils étaient d'ailleurs en train d'évoquer la prochaine édition de Koh-Mantra qui serait bientôt diffusée par Vargas lorsqu'un jeune homme - un adolescent ? - les coupa pour s'adresser à Marlene. Eiluned resta silencieuse pendant cette échange, et n'échangea qu'un regard un peu confus avec Leonard. Ce garçon avait l'air être un véritable bonheur à vivre, songea-t-elle alors qu'il s'éloignait.

"C'est ton demi-frère c'est ça ? Le fameux Virgil ?" s'enquit Eiluned en lui suivant du regard alors qu'il s'installait à une table après cette petite intervention auprès d'eux - relativement inutile s'ils étaient profondément honnêtes.

Leur conversation reprit mais fut à nouveau interrompue par une voix sonore et étonnée qui lui fit relever les yeux. Le visage de cet homme lui disait quelque chose, songea Eiluned alors qu’il prenait place à côté d’Emma. De toute évidence, il avait l’air d’être proche d’elle – chose qui se confirma lorsqu’il noua ses doigts aux siens – et il paraissait également connaître Leonard. Les sourcils d'Eiluned étaient légèrement froncés par l’incompréhension. Ses yeux, eux, devinrent rieux à la remarque d’Angus.

« Quoi ? Non je ne suis pas la sœur de Marlene. » regard résigné envers cette dernière pour constater une énième fois qu’elles ne se ressemblaient pas du tout. « Mais enchantée aussi, je suis Eiluned… »

« Ma chère petite-sœur ! » la coupa une autre voix tonitruante qu’elle connaissait, cette fois-ci, très bien.

Gawain posa une main sur son épaule et se pencha vers elle pour l’embrasser chaudement, avant d’étreindre Leonard à son tour. Gawain leur avait envoyé un message dans la journée pour savoir s’ils pouvaient se voir ce soir et Eiluned lui avait naturellement proposé de les rejoindre au Hufflepub.

« Mais que fait donc l’irlandais dans un pub aussi anglais ? » s’étonna le maître-fléreur en s’installant à la gauche d’Eiluned.

« Ah ! » un éclair de lucidité traversa le regard de la médicomage. « Bien sûr, Angus, tu bosses avec mon frère et Lenny. »

Evidemment que sa tête lui disait quelque chose ; Leonard lui avait déjà montré quelques photos du fameux trombinoscope de la justice magique. Pendant ce temps, Gawain était occupé à se présenter à Emma et à Marlene.

« C’est vrai que vous vous ressemblez toutes les deux, c’est impressionnant ! » commenta Gawain en observant tour à tour Marlene et sa sœur. « Vraiment, on pourrait vous échanger que je ne suis pas certain que la famille s’en apercevrait. »

Cette remarque lui attira l’air parfaitement outré d’Eiluned, qui posa sa main sur le bras de Leonard et reporta son attention sur Angus :

« Tu as bien du courage pour bosser avec lui. » commenta-t-elle simplement, s'attirant une exclamation indigné de son frère aîné.

Marlene s’était apprêtée pour cette occasion spéciale : l’ouverture du Hufflepub pour laquelle James et Grady s’étaient tant investis. Et le résultat était à la hauteur des espérances : tout était beau, confortable, aux couleurs de la maison qu’ils chérissaient beaucoup. Évidemment, quand son petit-ami lui avait annoncé qu’il quittait un travail fixe pour ouvrir un bar, elle avait été un peu inquiète au début. Cela ne ressemblait pas du tout à l’idée de sécurité qu’elle chérissait tant. Mais James était comme cela, il avait envie de vivre des aventures, surtout quand il était accompagné de son meilleur ami. Elle avait donc essayé de le soutenir du mieux qu’elle pouvait, en se disant qu’il valait mieux qu’ils fassent cela maintenant, quand ils étaient jeunes et avec peu de charges, que plus tard, avec peut-être une famille à assumer... Elle les avait aidé avec les dossiers administratifs et avait également donné son avis sur la décoration. C’était certes un peu trop jaune Poufsouffle à son goût, mais au moins, c’était dans le thème !

Afin que la soirée d’ouverture soit une réussite, elle avait parlé du Hufflepub à tous les gens qu’elle connaissait et mit plusieurs affichettes dans les salles de pauses de Sainte-Mangouste. Elle avait également invité Emma - évidemment - Angus - s’il venait habillé - mais également sa tutrice et nouvellement amie, Eiluned, avec son petit-ami Léonard, qu’elle n’avait jamais véritablement rencontré. Elle était contente de pouvoir discuter un peu avec lui ce soir, surtout après avoir appris la grande nouvelle de leurs fiançailles. Eiluned était revenue au travail il y a quelques temps avec la bonne nouvelle et une bague ravissante sur laquelle Marlene s’était extasiée en bonne et due forme. Lili lui avait même demandé d’être l’une des demoiselles d’honneur à la cérémonie, ce qui l’avait ravie. Elle adorait les mariages, c’était si romantique ! Elle avait d’ailleurs hâte d’en discuter avec Eiluned, cela faisait plaisir à son âme fleur bleue.

Mais en attendant, confortablement installée sur une banquette, elle surveillait du coin de l’oeil les entrées, comme pour vérifier que le bar se remplissait bien. James et Grady semblaient surchargés, ce qui était bon signe. Une joyeuse clameur emplissait le bar et elle entendait avec plaisir quelques remarques positives des tables d’à côté, notamment sur les cocktails. Elle-même sirotait un Rowena très bleu depuis le début de la soirée. Elle fut distraite quelques secondes par une remarque d’Emma, ce qui lui fit manquer le groupe qui venait d’entrer. Néanmoins, lorsqu’elle sentit deux mains se poser sur ses épaules, elle se crispa immédiatement. Une voix malheureusement familière résonna au dessus de sa tête. Virgil était là et n’avait pas résisté à l’envie de venir lui susurrer quelques remarques doucereuses à l’oreille. Il n’était clairement pas venu là pour complimenter James et Grady, elle savait très bien qu’il allait se moquer d’eux avec sa bande de trolls comme il le faisait systématiquement avec les gens qui n’étaient pas de son troupeau. Cette idée la contrariait déjà. Évidemment, il en profita pour lui envoyer une pique également : elle avait été touchée que James utilise son prénom dans la carte, oui, c’était mignon et romantique même si le coeur velu de Virgil était incapable de le comprendre. Piquée à vif, elle se dégagea de l’emprise de son demi-frère.

- Ferme-là, Virgil, grommela-t-elle. Va voir ailleurs si j’y suis.

Réplique fortement percutante face à l’horrible reptile qu’était le cadet des Forbes. Il était croisé avec un lutin de Cornouailles, ce n’était pas possible. Elle appréciait sincèrement Agathe mais c’était à se demander ce qui s’était passé avec Virgil. Heureusement, il ne s’attarda pas trop à leur table, saluant laconiquement le reste des présents. Elle frissonna après son départ.

- Brrrr, j’le déteste, j’le déteste, j’le déteste, répéta-t-elle comme un sort qu’on conjure. Est-ce que tu as du gel hydroalcoolique, Lili ? J’ai besoin de me désinfecter.

Sait-on jamais où son demi-frère avait laissé traîner ses mains... Elle hocha la tête à la question e sa tutrice.

- Nous n’avons pas de lien de sang ! prévint-elle en levant un doigt. C’est le fils de la compagne de mon père. Il est juste horrible. Si on devait illustrer le dictionnaire, il serait à « malsain. »

Leur conversation fut interrompue par l’arrivée d’Angus, l’amoureux d’Emma. Marlene le salua d’un sourire joyeux alors qu’il s’installait à leur table. Sa remarque à Eiluned la fit sourire et elle secoua machinalement la tête. Elle ne comprenait vraiment pas pourquoi tout le monde disait cela. Eiluned et elle ne se ressemblaient pas du tout et pourtant, elles étaient tout le temps confondues à l’hôpital. Marlene espérait que le retour de ses cheveux bruns - sa couleur blonde avait fini par s’estomper - allait permettre de faire cesser cela.

- Aucun lien de parenté, non ! Eiluned est une de mes collègues à Sainte-Mangouste, elle était aussi ma tutrice...

Mais ces explications furent coupées court par l’arrivée tonitruante d’une autre personne, visiblement le frère de Lili. Il s’installa à leur table et Marlene échangea un regard avec Emma : elles n’avaient pas l’habitude de rencontrer autant de personnes extraverties à la fois. Il renchérit sur les propos d’Angus et Marlene eut un rire.

- Mais vraiment, je ne vois pas pourquoi tout le monde dit ça, on ne se ressemble pas du tout !

Bah, c’était évident quand même ? Eiluned et elle étaient parfaitement d’accord sur le sujet. La discussion fut de nouveau interrompue lorsque Angus se retourna pour saluer un groupe d’inconnus. En tout cas, le pub se remplissait vraiment, ce qui faisait plaisir à voir. Cela s’annonçait bien pour le quizz, qui devait être l’animation de la soirée. James prit justement la parole pour remercier tout le monde de leur présence et lancer le jeu. L’annonce des consommations gratuites avait un certain retentissement à quelques tables. Marlene prévint ses camarades de boisson :

- Malheureusement, je ne connais pas les questions mais on peut essayer de gagner, après tout, nous avons l’avantage d’avoir plusieurs générations ici... Et au moins un Poufsouffle, dit-elle à Angus.

Les autres étaient allés dans d’autres maisons de qualité.

Il était plutôt rare que Priya soit à l'initiative des afterworks qui rassemblaient régulièrement les ingénieurs de chez Vargas. Elle se contentait en général de suivre ses collègues, qui connaissaient tous les lieux branchés avant même qu'ils ne le deviennent. Il lui arrivait même de prétendre avoir des choses à faire pour pouvoir passer la soirée seule chez elle devant un jeu-vidéo ou un vieux film. Pourtant, quelques jours plus tôt, elle avait glissé à Elsa qu'une de ses "connaissances de Poudlard" ouvrait un bar sur le chemin de Traverse, et qu'une soirée quizz était prévue pour l'inauguration. Cela avait suffi à la manager -grande amatrice de jeux de société en tous genres- pour aussitôt envoyer une invitation Wizchat à toute l'équipe : "Inauguration Hufflepub - jeudi, 19h".

Le petit groupe d'employés poussa donc les portes du pub en début de soirée et Priya balaya rapidement la salle du regard à la recherche de Grady, qu'elle n'aperçut pas tout de suite. Le jeune homme lui avait parlé de l'ouverture du bar à l'occasion d'une de leurs conversation sur Instamag et elle était ravie de pouvoir honorer son invitation. Ils avaient beaucoup discuté ces derniers temps, et elle devait admettre qu'elle guettait parfois ses messages avec impatience. Elle ne manquait jamais une occasion de lui partager les memes rigolo qu'elle voyait sur les réseaux sociaux, et souriait souvent bêtement face aux réponses pleines d'humour de Grady. Par Pears interposés, le courant passait plutôt très bien, mais elle se demandait s'il en serait de même IRL. Elle venait justement de l'apercevoir et s'apprêtait à faire un signe dans sa direction quand une exclamation la fit se retourner.

"Miss Rahman !"

Elle reconnut rapidement Angus Rice, le milicien le moins apte aux technomagies qui lui ait été donné de rencontrer, et le salua d'un timide signe de la main. Elle se serait volontiers contenter de cette vague marque de politesse mais ce dernier esquissait déjà un geste pour se tourner vers elle et lui tendre la main, aussi fit-elle un pas dans sa direction pour lui serrer la main. Elle répondit par un rire amusé à sa remarque et chercha quelque chose de percutant à répondre, sans succès. La bonne réplique lui viendrait probablement dans vingt minutes, quand elle ne serait plus d'aucune utilité.

"Et vous avec les vôtres ?" suggéra-t-elle en observant tour à tour les personnes attablées avec le milicien. Elle avait reconnu le lieutenant Wellington, avec qui elle avait déjà eu l'occasion de travailler, mais ne connaissait pas les autres, qu'elle salua d'un sourire un peu gêné. Elle remarqua avec étonnement que les amis ou collègues d'Angus étaient particulièrement jeunes. Elle l'aurait plutôt imaginé membre d'un gang de bikers barbus... C'était bien la preuve qu'il ne fallait pas se fier aux apparences !

Elle hésita à ajouter une plaisanterie au sujet du quizz, que l'agent Rice trouverait certainement plus facile que celui qui permettait de valider le niveau 1 de formation Vargas, mais n'osa pas et se contenta de prendre congés du milicien et de rejoindre ses collègues qui venaient de s'installer autour d'un tonneau faisant office de table.

"Il n'y a pas beaucoup d'options vegan... fit remarquer Damian qui observait la carte des plats en fronçant les sourcils.
- Tu peux prendre une assiette de frites ! suggéra Elsa en se penchant vers lui pour consulter le menu elle aussi.
- Il s'inquiète pour son summer body ! répliqua Jude avec un sourire moqueur.
- Tu peux parler toi, avec tes jus de céleri ! D'ailleurs, je ne vois pas de jus détox, tu vas devoir consommer du sucre et de l'alcool comme le commun des mortels.
- Je peux faire l'effort de prendre un verre de vin, si c'est pour le bien de l'équipe...
- Quelle bonté d'âme ! s'exclama la manager avec ironie. Mais je crois qu'il n'y a pas de vins non plus...
- Sacrilège ! Jude avait lancé ça sur le ton de l'humour, mais paraissait réellement contrarié par cette nouvelle. Dans quel genre d'endroit tu nous emmènes ? lança-t-il à Priya qui se contenta de lui répondit par un haussement d'épaules et une grimace d'excuses. Ce sera une bière donc... Va pour une Poufchouffe !
- Excellent choix, Poufchouffe pour moi aussi ! renchérit Elsa avec enthousiasme.  
- Un Vif d'or pour moi !
- Et un Godric pour moi ! ajouta Eden.
- Je vais prendre la commande si vous voulez." suggéra Priya en se laissant glisser au bas de son tabouret.

Quatre regards surpris se braquèrent aussitôt sur elle. De mémoire d'homme, on avait jamais vu Priya se porter volontaire pour passer une commande où que ce soit, ou pour s'adresser à un inconnu de manière générale. Mais ce soir, le barman n'était pas tout à fait un inconnu, détail qu'Elsa n'avait évidement pas oublié.

"Ah mais oui c'est vrai, Madame a des relations haut placées !
- Essaie de nous avoir des consos gratuites ! lui lança Eden alors qu'elle s'éloignait déjà en direction du bar.
- Et de faire ajouter du vin sur la carte..." entendit-elle Jude marmonner dans son dos.

Priya parvint sans trop de difficulté à se frayer un chemin jusqu'au comptoir. Heureusement pour elle, il n'y avait pas encore énormément de monde, ce qui lui éviterait au moins de faire une nouvelle crise d'agoraphobie. Elle replaça machinalement une mèche de cheveux derrière son oreille et sentit les battements de son coeur s'accélérer légèrement alors qu'elle tentait de capter le regard de Grady, affairé derrière le bar. Un sourire éclaira son visage quand le jeune homme se tourna finalement vers elle, et elle le salua d'un petit signe de la main.

"Salut, lança-t-elle en se hissant sur la pointe des pieds pour s'accouder sur le bar. Elle continua de sourire en se demandant quelle était la meilleure façon de poursuivre naturellement la conversation. Le mieux aurait probablement été de ne pas passer plusieurs dizaines de secondes à réfléchir à sa prochaine phrase, mais elle avait abandonné depuis longtemps l'espoir de réussir à être spontanée. Félicitations pour le bar ! reprit-elle après un silence beaucoup trop long. C'est super sympa comme endroit, on s'y sent bien !"

Le Hufflepub commençait à être bien rempli quand Katrine pénétra à l'intérieur de l'établissement mais elle n'eut aucun mal à repérer la haute silhouette d'Urban. Elle dut s'avancer un peu dans la direction de son frère pour apercevoir Blair, assise à côté de lui, ainsi qu'Adrian, un ami d'Urban qu'elle connaissait plutôt bien puisqu'ils étaient dans la même année à Poudlard. Elle ne se souvenait pas avoir déjà recroisé son ancien camarade depuis leur sortie de l'école mais Urban lui donnait parfois de ses nouvelles et, plus récemment, elle en avait entendu parler par Blair, qui avait effectué son stage de "découverte du monde professionnel" auprès de lui.

Selon les dires de sa soeur, Adrian Calder s'était révélé être un tuteur particulièrement "lourd", "patriarcale", "tyrannique", et plein d'autres jolis compliments que l'adolescente avait enchainé en faisant de grands gestes. Il n'était pas rare que Blair se laisse emporter mais Katrine l'avait rarement vu si énervée et ne pouvait pas s'empêcher de se demander ce qui avait pu se passer entre eux. Elle espérait sincèrement qu'Adrian n'avait rien fait qui puisse réellement blesser sa petite soeur, sinon elle le lui ferait regretter amèrement. On ne faisait pas de mal à un Williams sans prendre le risque de se retrouver avec toute la fratrie sur le dos.

En écoutant Blair se plaindre -longuement- de son tuteur de stage, Katrine s'était toutefois demandé si cet acharnement de la jeune fille contre Adrian ne cachait pas autre chose. Elle aussi, elle avait eu seize ans, et elle avait trouvé "lourds" et "infantilisants" les amis d'Ole qui venaient jouer au Quidditch sur l'île de Soren pendant l'été et qui la traitaient comme la petite-soeur de leur pote quand elle aurait voulu être considérée autrement. Elle avait retrouvé certaines de ses vieilles réflexions dans le discours de Blair mais avait besoin de davantage d'éléments pour affiner son analyse. Cette soirée serait une excellente occasion d'observer le comportement de sa soeur en compagnie d'Adrian, et vice-versa.

"Salut ! lança-t-elle avec un sourire éclatant en arrivant à la hauteur de leur table. Elle déposa un baiser sur la joue de sa soeur. Vous avez passé un bonne journée ? Vous avez trouvé un cadeau pour Ole ? Elle se hissa sur la pointe des pieds pour serrer brièvement Urban dans ses bras avant de se tourner vers Adrian pour lui tendre la main. Adrian, ça fait longtemps ! Comment vas-tu ? Elle s'installa sur le tabouret de libre entre lui et Blair et avisa la tasse de café posé devant l'ancien Serpentard. Alors, ça fatigue, de tyranniser des jeunes stagiaires rebelles ?" Elle ponctua sa phrase d'un éclat de rire. Elle plaisantait, bien évidement.

Elle attrapa la carte qu'Urban lui tendait et parcourut rapidement la liste des cocktails avant de se décider pour un Rowena -histoire de faire honneur à son ancienne maison. Elle pivota légèrement sur son tabouret pour balayer la salle du regard et reconnut plusieurs sympathisants du Lexit : James, derrière le bar, et Priya installée avec ses collègues de chez Vargas, mais également plusieurs figures du gouvernement, dont la nouvelle cheffe de la milice. Il était plutôt étrange de rassembler toutes ces personnes au même endroit pour une soirée festive alors qu'elles consacraient leurs journées à lutter les unes contre les autres. Katrine espérait toutefois que tout se déroulerait sans encombre, et comptait sur le quizz prévu par les organisateurs pour animer la soirée. James venait d'ailleurs d'annoncer le début du concours, qui permettrait à l'une des tables de se faire offrir ses consommations. Elle avisa la tasse de café d'Adrian et le cocktail sans alcool que Blair semblait avoir délaissé et considéra qu'ils n'étaient pas la table qui avait le plus besoin de remporter ce concours. Ils pouvaient se permettre de le jouer à leur manière.

"On fait deux équipes ? suggéra-t-elle en se remettant face aux autres. Les filles contre les garçons ? Ou plutôt les Serpentard contre les Poufsouffle-Serdaigle, pour rester dans le thème ?"

Elle n'y pouvait rien si cela revenait à caser Blair et Adrian dans la même équipe... Ils n'avaient qu'à pas être répartis dans la même maison !

Grady virevoltait dans son bar avec la grâce d’un Strangulot dans l’océan. Il allait de table en table, déposant boissons et victuailles. Le Hufflepub était un univers plutôt éloigné des prairies fleuries de l’UNICORN mais il avait l’impression qu’il s’y épanouissait tout autant. James et lui s’étaient lancés, avaient fait le grand saut et étaient devenus des entrepreneurs (c’est ce qu’il aimait à dire maintenant parce que ça faisait très sérieux, un petit côté homme viril qui mange des pommes le matin et a un attaché-case. D’ailleurs, il avait acheté un attaché-case mais il en avait oublié la combinaison dès le troisième jour. Depuis, il servait de couchette à Gradouble). Ils en avaient longuement plaisanté pendant qu’ils étaient à Poudlard, alors ils l’avaient fait. Et même si Grady avait été un peu triste de quitter ses licornes, notamment sa Betty-bébé qu’il aimait tant, il était content d’être là. Déjà, les horaires de travail correspondaient un peu plus à son rythme naturel : dormir tard et se coucher tard. En plus - surtout - il était devenu son propre patron et ça ! Plus d’ordres à recevoir de personne, à part de la banque, qui demandait son argent du prêt tous les mois, du propriétaire du local, qui voulait aussi son loyer tous les mois, puis de sa mère, son père, sa grand-mère, la Police, la Milice, les Aurors, les Oubliators, globalement l’État également. Mais en dehors de ça. Libre comme un gardon (et c’était tout à fait ça l’expression.)  

Ils avaient ouvert en grande pompe ce soir et il était plutôt heureux de voir que les gens avaient répondu à l’appel. Il avait eu l’occasion de croiser de nombreux visages familiers - et en même temps, il en avait tellement parlé que c’était sûrement rentré dans leur inconscient - mais également des inconnus, ce qui voulait dire que le monde sorcier (ou du moins, quelques sorciers) avait envie de venir chez eux. Le but était qu’ils repartent contents et aient envie de revenir - oui, il était comme ça Grady, avec un sens du business inné, une compréhension naturelle des règles du marché et de l’entreprenariat, un esprit innovateur, même, une sorte de Bill Gates de la bière - alors il s’affairait. Personne ne devait trop attendre, ne pas se tromper dans les commandes et puis, toujours être sympa. Heureusement, il se trouvait très drôle. Des fois, il avait en retour des sourires qu’on aurait pu qualifier de « gênés » mais Grady aimait à les considérer comme des sourires en développement. Voilà tout.

Il avait hâte que l’ambiance soit un peu plus survoltée : pour cela, James et lui avaient tout prévu. Ils avaient imaginé un jeu, assez pour amuser les gens, sans trop les embêter s’ils voulaient juste être entre copains et son meilleur ami venait justement de sonner la cloche pour avertir leurs clients. Dans le même temps, ils espéraient un peu que cela pousse les gens à consommer - dans l’espoir de se voir offrir leur ardoise, évidemment. Et oui, ils avaient l’esprit retors comme des Serpentard, mwahaha. Et pour garantir la réussite du jeu, ils avaient tout prévu : chaque table allait avoir un petit buzzer ensorcelé. Ils ressemblaient à des klaxons moldus standards mais faisaient des bruits plus... atypiques (et de la lumière aussi, parce qu’on avait jamais trop de lumières stroboscopiques dans la vie.)

- Hop là, ça c’est pour vous, glissa-t-il à une table de filles, qui arboraient des écharpes Poufsouffle de toute beauté. Elles héritèrent d’un beau klaxon vert. Ça servira si vous voulez répondre au quizz ! Allez-y, essayez-le !

L’une des jeunes femmes pressa précautionneusement l’objet, qui laissa échapper un son familier : celui de la cloche de Poudlard, qui signalait la fin des cours. Elles eurent un rire et Grady s’échappa vers une autre table, cette fois-ci avec une tête familière.

- Hey, Urban ! Ça va ? Salut Adrian ! Il salua d’un grand sourire la tablée et d’un grand geste de main (manquant alors de faire tomber le chapeau pointu d’un client qui passait à côté.) Vous me redites si vous avez besoin de quelque chose d’autre, et en attendant, hop, spécial dédicace !

La table d’Urban avait hérité d’un klaxon rouge qui mugissait à plein volume un bruit très familier pour son ancien camarade de dortoir : c’était celui du compteur de points au Quidditch, au sein du stade de l’école. Les bras chargés, il continua sa distribution de buzzer, ce qui allait à tous les coups garantir une sacrée cacophonie lorsque tout le monde allait se précipiter pour répondre. Avec son tact habituel, il s’arrêta à une table où il reconnaissait des gens, pour leur donner un buzzer. Il y avait dans le lot Roy Calder, qui était à la fois l’ex-petit-ami de sa tante-en-fuite mais également leur investisseur secret (mais pas trop) - et avec qui Grady ne savait jamais trop comment agir - mais également des têtes qu’il avait vues dans les journaux. Ah bah super. La Milice. Dans son bar. Cool. Cool, cool, cool, cool. Il était cool. Ils l’avaient déjà interrogé de toute manière et il n’était pas en prison donc ça voulait dire qu’ils n’étaient pas très doués... Ou bien que lui-même l’était trop. Il était un véritable Ninja. Insoupçonnable. Furtif. Discret. Subtil. Un criminel de haute volée (enfin, pas vraiment. Il avait juste quelques informations quoi. Son seul acte de résistance véritable avait été de faire des moustaches sur des affiches de Leopold Marchebank.) Comme pour conjurer le sort, il eut un grand sourire face à Avalon Davies.

- Hé, mais vous êtes flic !

Subtil. Délicat.

- Ah bah celui-là il est pour vous alors !

Il lui tendit un buzzer bleu ciel qui, lorsqu’il était pressé, s’empressait de mugir avec la voix de l’ancien concierge de l’école « ÉLÈVES EN DEHORS DES DORTOIRS ! ÉLÈVES EN DEHORS DES DORTOIRS ! » Peu désireux quand même d’avoir de grandes discussions avec des membres de la Milice, il s’effaça sur un sourire pour aller prendre la commande d’une table, tout en leur glissant un klaxon également. Lorsqu’il passa à celle d’anciens camarades de Poudlard, Virgil Forbes, Damon Drop, Maeva Hellsoft, Kasya il-ne-savait-plus-quoi, ce type qui s’appelait Phil et cette autre fille mignonne, il leur tendit un buzzer violet.

- Bienvenue au Hufflepub ! Hésitez pas si vous besoin d’un truc !

Ils avaient hérité du buzzer « Caquètement de Peeves », qui avait semblé étrangement approprié pour Grady. Peut-être qu’il écoutait trop Marlene râler. Il n’eut pas vraiment le temps de trop traîner en salle, puisqu’un coup d’oeil au comptoir l’informa que James avait besoin d’un peu d’aide. Il avait presque fini sa distribution de toute manière, il ne lui restait que quelques tables. Derrière le bar, il servit plusieurs bières, réalisa plusieurs cocktails et commença même à envoyer quelques planches apéro. Il venait juste de servir deux Salazars quand une petite voix l’interpella.

Un grand sourire réjoui naquit sur son visage lorsqu’il aperçut Priya. Ils ne s’étaient pas revus en vrai depuis leur première rencontre à la Muggle Convention mais ils avaient beaucoup parlé par message. Il aimait bien parler avec elle, elle était drôle, gentille et connaissait plein de memes. En plus, elle aimait Star Wars. Et elle était jolie. C’était un peu le paradis.

- T’es venue ! constata-t-il, ravi.

Il lui avait évidemment parlé de l’événement avec l’espoir qu’elle viendrait, songeant que ça serait une bonne occasion pour qu’ils se revoient, mais il n’avait pas osé lui demander confirmation de peur de paraître trop insistant. Il la contempla quelques secondes avant de reprendre.

- Merci ! On y a mis du coeur, franchement, content que ça te plaise même si tu n’appartenais pas à notre noble maison... Il charriait. Vous avez trouvé une bonne place ? Tu veux boire quelque chose ? C’est pour la maison.

Son côté businessman n’avait peut-être pas encore compris qu’offrir autant de consommations n’était pas forcément bon pour les affaires, mais bon. Ça valait le coup. En plus, qui allait dire quelque chose ? C’était lui le chef. Et James. Mais James n’allait rien dire parce que c’était son best bro. Tout en servant les boissons demandées par Priya, Grady reprit :

- Je sais pas si t’as entendu, mais on fait un jeu ce soir, c’est un concours ! On va poser des questions sur Poudlard et la table qui gagne a ses consos offertes ! Réalisant qu’il venait justement de lui offrir ses boissons, il secoua la tête. Du coup, t’es déjà un peu sur le podium !

Il aurait bien aimé discuter un peu plus, malheureusement, il devait courir partout. Il termina le dernier cocktail et attrapa un plateau.

- Je te mets ça où ?

C’était un peu technique de circuler dans le Hufflepub ce soir et il n’avait pas envie qu’elle soit embêtée. Il la suivit donc jusqu’à sa table, le plateau un peu au dessus des gens. Visiblement, elle était avec ses collègues, des gens qui avaient tous une tête intelligente.

- Alooors, fit Grady, tout en cédant le passage à la jeune fille pour qu’elle se rassoit. L’assiette de frites... Une Poufchouffle, hop, le Vif d’Or, le Godric... Et pour toi, glissa-t-il à Priya, avec un autre sourire, quand il posa sa boisson devant elle.

Il aperçut du coin de l’oeil l’un des collègues qui sortait son porte-feuille, mais il secoua la tête.

- Pas la peine, c’est pour la maison cette première tournée ! Il se sentait un patron très fier en disant cela. Et voilà votre buzzer pour le jeu ! Leur klaxon rose ronflait comme le professeur Binns, l’enseignant qu’ils avaient eu lors de leurs premières années avant qu’il ne prenne sa retraite de fantôme (drôle de concept d’ailleurs.) Je dois filer, mais on se reparle tout à l’heure ?

Cette dernière question était évidemment destinée à Priya, ses collègues étaient sûrement très gentils mais bon. Ils n’étaient sûrement pas d’aussi grands fans de Star Wars. Il aurait bien aimé pouvoir passer un peu plus de temps avec elle mais il ne pouvait pas abandonner le travail. Il débarrassa une tournée de verres avant de s’approcher de la table de Marlene, la dernière sans buzzer. De nouvelles personnes étaient arrivées et il les salua, toujours aussi jovial.

- Bonsoiiiiir tout le monde ! Tout se passe bien ? Vous voulez boire quelque chose ?

Il prit une tournée de commandes sur son carnet. Avant de s’éclipser, il lança :

- Vous avez le dernier buzzer, il crie comme la Grosse Dame, je sais pas si vous voyez, c’est un portrait dans la Tour ? Enfin, il paraît qu’elle peut casser des verres avec ce cri alors... J’espère que ça vous portera chance !

Il prit congé rapidement pour se rapprocher de James, au bar.

- Franchement, mon pote, souffla-t-il en s’appuyant deux secondes contre le comptoir. Pas la peine d’aller à la salle de sport avec un tel boulot.

Pour être tout à fait honnête, Grady n’y allait pas, même avant d’avoir le Hufflepub. Mais au moins, maintenant, il avait une bonne excuse. Un petit coup d’oeil à sa montre et il lança à l’adresse de son meilleur ami :

- Première question ?

Il attrapa la corde de la cloche avec un enthousiasme non-feint et la sonna comme un prieur ivre. Les conversations s’amenuisèrent rapidement. Certaines tablées avaient agrippé leurs klaxons comme un première année agrippe son balai.

- On commence facile ! prévint-il. Il avait attrapé dans sa poche arrière le parchemin des questions. Que représente le tableau qui mène aux cuisines de Poudlard ?

Une joyeuse cacophonie de sons retentit dans tout l’établissement, mais l’un d’entre eux avait hurlé en premier...
 

La soirée était déjà bien entamée quand Melchior passa la porte du pub que Angus lui avait indiqué. De ce qu'il avait compris un ami d'Emma inaugurait l'ouverture de son bar et le maître-fléreur l'avait convié à se joindre à eux. Il avait été assez clair aux yeux du directeur de département que son ami cherchait quelqu'un avec qui passer la soirée afin de ne pas s'ennuyer et de ne pas être seul entouré de jeunes gens autour de la vingtaine. Il avait donc peu hésité avant de confirmer sa venue, il n'avait pas donné d'heure toutefois, ne sachant pas à quelle heure il terminerait. Et il avait bien fait, il avait à peine pris le temps de rentrer chez lui prendre une douche et se changer, prenant la première tenue qui lui passait sous la main pour ne pas être trop en retard. Le bar était déjà bien rempli et il dut tendre un peu la tête pour retrouver la silhouette massive d'Angus, il repéra Avalon a une table et esquissa un léger sourire avant de se diriger dans sa direction, il retrouverait son ami sur le chemin certainement. Il s'arrêta donc à hauteur de la nouvelle cheffe de la milice et salua chaleureusement tous les membres de la tablée où il reconnut Roy Calder.

"Bonsoir Messieurs", lança-t-il avec un sourire éclatant avant de se tourner vers son amie. "Salut, Avalon ! Comment vas-tu ?"

Melchior ne l'avait pas revu depuis sa soirée au ministère, il avait été trop occupé ces dernières semaines. Il avait rédigé et signé beaucoup de nouveaux accords et avait donc enchaîné les voyages diplomatiques. Il avait également finalisé l'embargo contre la France, rompant la plupart de leurs accords commerciaux. Il avait craint une grosse perte économique mais d'autres accords avaient été convenus avec la Russie, la Chine ou les USA. Il avait même l'impression qu'ils gagnaient sur certains points. Néanmoins, les relations entre l'Angleterre sorcière et leurs voisins français n'avaient jamais été aussi mauvaises depuis des siècles. Il était sincèrement attristé que les choses se passent de cette façon, mais il avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour ne pas en arriver à de telles extrémités. Il avait d'ailleurs gagné en liberté de mouvements depuis que Danielle avait été nommée à la tête de la Justice Magique. Lui apportant des preuves accablantes pour justifier la fermeture de leurs frontières avec la France. Chaque échange était désormais étroitement filtré et il était celui qu'on pointait du doigt pour cette décision.

Il allait peut-être devoir songer sérieusement à prendre un garde du corps. Il avait vu certaines connaissances s'éloigner de lui après ça. Cela ne l'avait pas dérangé outre mesure, il allait d'ailleurs peut-être devoir fournir quelques noms à Angus. Il était probable que ces personnes sympathisent avec les terroristes ou en soient eux-mêmes. Il ne pouvait plus se permettre de fermer les yeux sur ce genre de choses. La menace était trop grande et il était trop impliqué à présent. Il ne prendrait pas le risque d'être naïf, il savait très bien ce qu'il faisait et les risques qu'il encourait si le gouvernement de Leopold venait à tomber. Et pour autant, il continuait à suivre son ministre les yeux fermés. Il ne reculerait devant rien pour assurer la paix et la sécurité dans son pays. Il s'était engagé et rien ne le ferait renoncer.

Après quelques paroles cordiales, il s'éloigna de la table d'Avalon après avoir repéré la chevelure rousse d'Emma et surtout la carrure d'Angus. Il se faufila entre les tables et entoura les épaules de son ami et de sa compagne avec un grand sourire de déposer une bise sur la joue de chacun d'entre eux.

"Salut !", hurla-t-il dans leurs oreilles. "Désolé du retard, j'ai été retenu."

Il se redressa et consentit à les lâcher afin de saluer les autres personnes présentes à leur table. Des gens qu'il ne connaissait d'ailleurs pas. Il lui semblait avoir déjà croisé deux des hommes à la Milice, certainement des collègues d'Angus donc.

"Bonsoir", lâcha-t-il avec un grand sourire à la tablée en s'installant aux côtés du maître-fléreur. "Je suis Melchior."

Il s'empara alors de la carte des consommations et esquissa un léger sourire narquois en lisant les noms. C'était mignon. L'endroit était d'ailleurs très chaleureux et assez... enfantin. C'était donc à ça que ressemblait la salle commune des Poufsouffle. Il songea que cette décoration ressemblait beaucoup à son ami et qu'il ne dénotait absolument pas dans le décor. Comme quoi... il y avait des prédispositions. Il releva la tête quand un grand gars aux allures juvéniles se posta à leur table pour leur demander si tout se passait bien et s'il pouvait prendre leur commande. Ah ! C'était lui James ? Il tourna les yeux vers Emma avant de reporter son attention sur la carte.

"Hmmmm.... je vais prendre un... Huffledrink", lâcha-t-il finalement en relevant les yeux sur le garçon. "S'il vous plaît."

Il reposa la carte sur la table et fronça les sourcils en prenant le buzzer que le jeune homme venait de poser. Il appuya dessus une fois le barman partit et explosa de rire en entendant le cri ignoble qu'il poussa.

"Oh Merlin. Pauvre Gryffondor..."

Il secoua la tête en souriant avant de tourner les yeux vers le bar où il se passait visiblement quelque chose. Une question ? Un Quizz ? Il avait clairement loupé la moitié des informations ! Mais il connaissait la réponse. Sans demander son reste, il appuya sur le buzzer qui cria à lui déchirer les tympans et hurla presque aussi fort.

"UNE COUPE DE FRUITS !"

Il se tourna vers Angus avec un léger sourire amusé.

"On y a passé de bons moments dans cette cuisine. Tu te souviens ?"

Les elfes de maison étaient toujours très serviables et heureux de leur donner des tonnes de nourritures.

"En parlant de Poudlard ! Il paraît que tu bosses avec Emily", déclara-t-il avec un ton presque réprobateur. "Tu comptais me le dire quand que tu bossais avec ton ex ?"

En voyant Emma se tendre légèrement, il songea qu'il avait peut-être fait une bourde et qu'elle n'était peut-être pas au courant non plus. Oups.

L'intervention désagréable de Virgil fut vite balayée par l'arrivée d'Angus et Emma l'accueillit avec un immense sourire avant de lui rendre son baiser avec un plaisir évident.

"Ça va et toi ?", demanda-t-elle en retour.

La jeune femme le détailla rapidement et constata qu'il avait l'air fatigué. Elle ne le voyait pas beaucoup ces derniers temps, il semblait avoir énormément de travail et elle ne pouvait pas affirmer que cela ne l'inquiétait pas un peu. Toutefois, elle chassa ses inquiétudes pour se blottir contre son compagnon et profiter de la soirée qu'ils avaient ensemble avec leurs amis. Elle était d'ailleurs surprise qu'il connaisse Lenny le petit-ami d'Eiluned, la tutrice de Marlene. Connaître était un bien grand mot puisqu'elle ne l'avait rencontré que quelques minutes auparavant mais Angus n'avait effectivement pas besoin de faire les présentations. Elle esquissa d'ailleurs un petit sourire amusé lorsqu'il prit Lili et Marly pour deux sœurs. Leur ressemblance était assez impressionnante et elle ne put que hocher la tête lorsqu'il lui demanda confirmation.

"Elles se ressemblent beaucoup, oui."

Une voix confirma d'ailleurs une fois de plus la pensée générale et Emma esquissa un sourire au nouvel arrivant. Encore une fois, elle eut l'impression que son compagnon connaissait tout le monde puisqu'il travaillait avec le frère d'Eiluned. Commença alors un échange teinté de blagues que seul ceux qui travaillaient ensemble, toutefois, une information attira son attention.

"Tu as fait des photomontages ?", demanda-t-elle curieuse à Lenny. "Tu crois que tu pourrais nous les montrer ? Angus s'est bien gardé de le faire."

Elle coula un regard à son amant avec un sourire mutin. Quoiqu'il essayait de lui cacher, elle était bien décidée à voir les dossiers que ses collègues pouvaient avoir sur lui. Et à se moquer allègrement le cas échéant. La discussion s'engagea sur le Quizz et elle esquissa un sourire amusé lorsque Marlene avoua ne pas connaître les questions.

"Cela ne va pas nous empêcher de gagner", la rassura-t-elle.

Son esprit de compétition était plus présent que jamais et Poufsouffle ou non, elle comptait bien gagner. Angus salua d'autres personnes dans la salle et elle sursauta lorsque Melchior lui hurla dans l'oreille. Elle se massa la tempe en grimaçant avant de se tourner vers lui alors qu'il s'installait à leur table. Plus elle passait de temps avec lui et plus elle appréciait sa compagnie même s'il pouvait se révéler être un vrai gamin quand il s'y mettait. Il pouvait se montrer parfois franchement lourd mais la peur qu'elle avait ressentie lors de leur première rencontre avait rapidement disparue au profit d'une amitié naissante. Elle sourit à Grady quand il vint leur demander comment se passait leur soirée et accueillit le buzzer avec un haussement de sourcil surpris. Le cri de la Grosse Dame ? Vraiment ? Elle retint un soupir blasé avant d'esquisser un sourire narquois quand le directeur de département se mit à hurler la réponse. Voilà qui n'était pas le comportement qu'on aurait pu prêter à un directeur.

La soirée était plaisante et elle passait un agréable moment. Jusqu'à ce qu'une information tombe dans son oreille. Il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour la comprendre. Elle tourna les yeux sur Angus et se demanda pourquoi il lui avait dissimulé cette information. Est-ce qu'il avait gardé de bons rapports avec elle ? La voyait-il en dehors du travail ? Son compagnon était un homme social, beaucoup plus qu'elle et cette peur qu'il parte pour quelqu'un de plus jovial vint lui nouer l'estomac à nouveau. Elle dissimula son trouble derrière son masque de bonne humeur dont elle avait l'habitude. Mais intérieurement, l'angoisse commençait à la ronger. Elle devait faire confiance à Angus mais... pourquoi ne lui avait-il rien dit ? Lui qui prônait que la communication était la clé de tout.

Son regard suivit celui de Blair et il esquissa un sourire en apercevant Angus. Le vieux... Maintenant que sa sœur le disait c'était vrai que le bénévole n'était plus si jeune que ça. Urban commença à se demander quel âge il pouvait bien avoir avant que leurs regards ne se croisent. Le journaliste salua le milicien d'un signe de la main avant de reporter son attention sur la jeune fille.

"Il s'appelle Angus, il est bénévole à la SPAFF avec moi", déclara-t-il à la jeune fille avant qu'elle ne lui pose la moindre question. "Et il est milicien le reste du temps."

Mieux valait la prévenir aussi si l'idée lui venait de vouloir aller lui parler tatouage.

"Tu voudrais te faire tatouer quoi ?", demanda-t-il curieux. "Tu pourras demander à Ole l'adresse de son tatoueur. Je crois qu'il s'en est fait un récemment."

Sauf s'il avait eu la bonne idée de se le faire tatouer dans les Caraïbes, il doutait fortement que sa sœur aille aussi loin pour un tatouage. Quoique... connaissant Blair ce ne serait même pas étonnant. Surtout si c'était pour faire comme Ole. Il reporta son regard sur son verre tout en laissant son regard vagabonder dans la salle. Il était vraiment content pour James et Grady, ils avaient vraiment beaucoup de monde pour leur ouverture. Il avait été vraiment emballé par ce qu'ils comptaient faire quand ils lui en avaient parlé. Un pub qui ressemblait à la salle commune de Poufsouffle. C'était juste génial. Il desserra un peu son écharpe aux couleurs de son ancienne maison à cause de la chaleur et se réinstalla confortablement sur son siège. Un sourire s'étira sur ses lèvres en voyant Adrian entrer dans le pub et il lui fit un signe de la main pour lui indiquer sa position. Toutefois la question de Blair le pris au dépourvu.

"Oui pourquoi ? Comme tu le connais déjà et que tu as fais ton stage avec lui, j'ai pensé que ça ne te dérangerait pas. J'ai eu tort ?"

Son regard se fit légèrement soucieux alors qu'il observait sa sœur. C'était-il passé quelque chose entre les deux ? Il aurait peut-être dû demander à la jeune fille avant d'inviter le botaniste mais il avait sincèrement pensé bien faire. Il laissa donc son inquiétude de côte le temps d'accueillir son ami avec un grand sourire.

"Hey Adi ! Tu vas bien ?", lança-t-il chaleureusement. "Non pas trop, ça va. J'ai vu ton frère d'ailleurs."

S'il y avait bien un endroit où il ne se serait pas attendu à voir Roy Calder c'était bien celui-là. Mais après tout, on pouvait être surpris de tout, le pub était bourré de miliciens ou de personnes proches du régime. Melchior Haïk venait d'ailleurs de passer la porte, encore une personne qu'il n'aurait pas cru voir ici. Il détourna son regard de la porte pour le poser sur Blair et examiner ses expressions vis-à-vis d'Adrian dans le but de voir si quelque chose clochait. Mais il s'était peut-être fait des idées, il s'adressait à elle normalement, il fronça néanmoins les sourcils devant le manque de loquacité de l'adolescente. Elle qui était un vrai moulin à parole habituellement était étrangement peu bavarde. Il pinça les lèvres avant de hocher la tête à ses explications avec un fin sourire.

"Félicitations, c'est une très bonne note", la félicita-t-il. Surtout quand on savait que Blair n'était pas une grande fan de botanique. "L'honnêteté paye toujours", conclut-il avec un sourire. "Le professeur Forbes m'a l'air d'être un bon enseignant."

Bien entendu, il connaissait déjà Jonah Forbes de vu, il avait eu l'occasion de le croiser à quelques réunions. Néanmoins, officiellement, il ne l'avait jamais croisé, il ne pouvait donc pas dire ouvertement qu'il appréciait beaucoup le professeur principal de sa sœur. Ou alors il le faisait de façon déformée. Il était devenu presque doué pour ça. Il laissa ensuite sa sœur poursuivre la conversation avec Adrian, se désintéressant légèrement de ce qu'ils disaient. Les laissant échanger librement. Un sourire s'étira sur ses lèvres alors que Katrine pénétrait dans le pub et les rejoignait. Il lui rendit son étreinte et lui laissa une place à côté de lui.

"Blair lui a trouvé une chemise et je lui ai pris un nouveau nécessaire pour balai. Le sien commence à être vieux et abimé.", répondit-il à la question sur le cadeau d'Ole. "Et toi, tu lui as pris quoi ?"

Il laissa sa sœur saluer Adrian avant de lever les yeux sur elle, surpris.

"Comment ça, tyranniser ?"

Il tourna la tête successivement entre Blair et son ami.

"Le stage ne s'est pas bien passé ? Il s'est passé quelque chose ?"

Elle ne lui avait rien dit. Rien du tout. Elle avait eu la journée pour le faire et elle avait gardé le silence tout du long. Et après comment voulait-elle qu'il ne s'inquiète pas pour elle si elle ne lui disait rien ? Son regard s'attarda alors sur son ami pour le jauger, pour le prier de parler et de s'expliquer. Il fut néanmoins coupé par l'intervention de James et hocha la tête distraitement à Katrine. Très bonne idée ça des équipes. Il serait avec Adrian et... Minute. Elle avait bien dit Poufsouffle et Serdaigle contre les Serpentards non ? Il fixa sa sœur sans comprendre ce qu'elle faisait et où elle voulait en venir mais décida de lui faire confiance.

"Bonne idée", affirma-t-il. "On va vous rétamer."

Un sourire s'étira sur ses lèvres et s'agrandit lorsque Grady les rejoignit pour les saluer.

"Hey Grady ! Ça va bien et toi ? Félicitations mon pote pour le bar. Il est magnifique. On se sent comme à Poudlard."

James et lui avaient fait un boulot formidable. Il se serait presque attendu à voir le Moine Gras sortir d'un des murs pour venir discuter avec eux. L'école et l'innocence qui l'accompagnait lui manquaient parfois. Et que ses camarades de dortoir fassent un lieu comme celui-ci le réconfortait beaucoup.

"OH NAN !", s'exclama-t-il en découvrant le buzzer. "J'ADORE ! Merci beaucoup, il est génial."

C'était simplement parfait, il laissa son ami s'éloigner vers les autres tables tout en s'amusant à faire sonner leur buzzer juste pour le plaisir d'entendre le bruit. Ce n'était finalement peut-être pas une si bonne idée de le laisser faire. Surtout quand le Quizz débuta et qu'il fut incapable de trouver la réponse puisqu'il n'avait même pas la plus petite idée de où pouvait se situer les cuisines. Il leva un sourcil atterré et se tourna vers Katrine.

"Tu savais où elles étaient toi les cuisines ?"

La nouvelle de l’ouverture d’un bar sur le Chemin de Traverse avait vite fait le tour, car ce n’était pas tous les jours qu’un nouveau commerce ouvrait sur l’ancestrale avenue commerçante la plus célèbre du monde magique. Les rumeurs couraient que les gérants étaient très jeunes et les paris allaient bon train sur la survie de ce nouveau bar à venir. Avec surprise relative -car après tout, le monde sorcier était petit- Leonard avait appris qu’un des gérants étaient une connaissance indirecte d’Eiluned, puisqu’il s’agissait du petit ami de sa filleule à l’hôpital. Il ne l’avait jamais rencontré en personne mais n’avait pas hésité à accompagner Eiluned quand elle s’était faite inviter pour l’inauguration. Il ne rechignait jamais à sortir et prendre un verre en bonne compagnie.

Il n’avait pas été très étonné non plus de retrouver quelques collègues miliciens en pénétrant dans le bar. Cette ouverture avait fait grand bruit, les gérants avaient fait la publicité d’un petit jeu concours pour ponctuer la soirée et cela avait attiré beaucoup de curieux. Leonard s’amusa à contempler cette effervescence chaleureuse, captant de son regard alerte mille détails de décoration du bar qui lui plaisait beaucoup pour le moment : l’endroit était accueillant, enveloppé de couleurs chaudes, garnis de fauteuils sur lesquels il rêvait de s’installer. Il fut ravi d’en avoir l’occasion en rejoignant Marlene qui, en sa qualité de VIP, avait réussi à obtenir l’une des meilleures tables du bar.

Leur début de soirée se déroula sans accroc -si ce n’était l’intervention mesquine du demi-frère de Marlene- et prit un meilleur tournant encore quand Leonard eut le plaisir d’apercevoir la silhouette massive d’Angus les rejoindre.

«Re-bonjour, camarade ! » Il haussa le verre vers son collègue qu’il avait déjà croisé au bureau plus tôt. « Tu nous rejoins ? »

Ou plutôt, il semblait surtout rejoindre Emma Blackbonnes, que Leonard ne connaissait pas très bien -c’était surtout une amie de Marlène. Son expression trahit sa surprise en les voyant s’embrasser et il s’exclama :

« En vérité, si, tu peux faire les présentations, tu ne m’as jamais présenté ta copine ! »

Vraiment, le monde sorcier était bien trop petit. Il n’eut pas vraiment le temps de s’étonner du couple qu’ils formaient tous les deux, avant que la conversation ne reprenne entre ses amis présents, et qu’Angus se méprenne sur sa petite amie qu’il prit -comme environ toutes les personnes qui voyaient Eiluned et Marlene côte à côte même si Leonard les trouvait tout à fait différentes- pour la soeur de Marlene.

« Eh bien c’est mon tour de te présenter ma chère et tendre, Eiluned » adressa t-il à Angus.  

Volontairement, il ne mentionna pas qu’Eiluned était également sa fiancée, car il n’en avait pas encore fait l’annonce au bureau : ce n’était qu’une question de jours. Il souhaitait justement l’annoncer en personne à Angus, et lui parler au passage de sa situation médicale, mais il n’avait pas encore trouvé le moment pour le faire et pour être honnête, cette pensée créait toujours un noeud d’anxiété dans son estomac. Un peu inconsciemment, il cherchait à repousser le plus possible cette annonce.

Heureusement, l’arrivée de Gawain lui épargna des précisions éventuelles. Il connaissait le lien entre les deux Maîtres Fléreurs et les laissa bavarder en s’amusant de leur échange. Il ne put s’empêcher de voler au secours de sa compagne en répliquant :

« Wah, t’es vraiment un frère indigne, Gawain. Ça se voit qu’elles sont différentes quand même ! »

Si on lui demandait son avis, il dirait qu’Eiluned était encore plus jolie, mais il n’était pas très objectif. La demande d’Emma lui fit tourner la tête et l’amusa :

« Quoi ? Tu ne montres pas mes superbes photomontages à ta copine, Angus ? Pourtant tu y as participé bien allègrement, rappela t-il avec un sourire en coin. Je te montre ça avec plaisir, Emma, attends. »

Il était prêt à dégainer son Pear One pour voir ce qu’il pourrait trouver mais il fut interrompu par l’arrivée d’une nouvelle personne. Leur tablée n’avait pas fini de s’agrandir, puisqu’elle accueillit une autre personnalité et pas des moindres. Leonard fut un peu surpris de voir la proximité entre Angus -qui cachait décidément bien son jeu- et le directeur de la Coopération Magique Internationale, qu’il reconnut aussitôt, puisqu’il occupait un poste central au Ministère.

« Bonsoir ! » lui répondit Leonard, un peu déstabilisé à l’idée de tutoyer et prendre un verre avec un directement de département qu’il ne connaissait pas spécialement. Et d'ailleurs il partagea cette information à Eiluned, en chuchotant fort dans son oreille : « C'est le directeur de la coopération magique internationale ! »

Ce dernier semblait en tout cas habité d’un esprit de compétition puisque son cri se superposa à celui de la Grosse Dame qu’ils avaient hérité comme buzzer, faisant grimacer tout le monde autour de la table. Leonard pleura intérieurement pour son ouïe sensible mais son amour de la compétition apprécia le fait que leur table ait une bonne réponse.

« Bravo pour les réflexes ! » commenta t-il à l’adresse de Melchior.

Ce dernier lâcha alors une information qui fut encore une découverte pour Lenny. Sans remarquer la drôle de tête qu’Emma venait de faire, il s’exclama spontanément à l’adresse d’Angus, stupéfait et surtout curieux :  

« Emily Rozenski c’est ton ex ? Oh la la mais j’apprends beaucoup sur toi, ce soir, dis donc ! Vous êtes restés longtemps ensemble ? »

TEAM VARGAS

Assise entre Leonard et Gawain, Eiluned affichait un petit sourire en écoutant les conversations enthousiasmes qu’ils menaient. Elle n’avait jamais été aussi à l’aise socialement et avait une tendance naturelle à la réserve, qui était largement contrebalancée par la faculté qu’avait Leonard de se nouer d’amitié très facilement avec les gens qu’il rencontrait. Elle se sentait relativement en confiance parmi ce groupe car plusieurs visages familiers se distinguaient du reste : celui de son fiancé, celui de son grand-frère, celui de sa filleule. Si elle n’était donc pas celle qui menait toutes les conversations, elle y participait volontiers.

« Et dire qu’il a été nommé lieutenant. » commenta Eiluned lorsqu’Angus mentionna les photomontages ridicules de Leonard. Pour recevoir – et envoyer – de nombreuses œuvres semblables depuis plusieurs années, la jeune femme voulait bien croire sur parole son collègue.

Ce dernier se leva d’ailleurs pour accueillir à leur table un homme qu’Eiluned ne connaissait absolument pas, mais qui s’attira quelques regards surpris. L’indication de Leonard lui permis d’en comprendre la raison ; Melchior était l’un des hauts cadres du ministère. Il avait l’air, décida-t-elle, plutôt abordable – un peu comme Constantine, qu’elle appréciait beaucoup – et à qui elle aurait aimé pouvoir envoyer actuellement des regards perdus dignes de ceux qui ne se sentaient pas à leur aise parmi une foule.

« Eiluned, enchantée ! » lança-t-elle alors à ce nouvel arrivant, qui, s’il paraissait sympathique, la déstabilisait tout de même légèrement. Eiluned avait toujours eu un certain respect des règles et de la hiérarchie et, à côté de Melchior, son statut d’étudiante faisait pâle figure.

Mais ils seraient de toute évidence amenés à se fréquenter plus ou moins régulièrement, car Melchior semblait être un très bon ami d’Angus, qui lui-même était un collègue que Leonard aimait particulièrement – ainsi que le compagnon de la meilleure amie de Marlene – et qu’il proposait justement d’organiser un barbecue chez lui au printemps. Eiluned approuva la proposition d’un sourire enthousiaste, tandis que son frère aîné, à ses côtés, s’offusquait :

« Comment ça, s’il est sage ? » Il se pencha vers Eiluned pour lui souffler, suffisamment fort pour qu’Angus entende sa remarque : « Tu ne peux pas aller chez lui, Lili, ça fait des années qu’on bosse ensemble et qu’il ne sait toujours pas prononcer mon prénom. »
La jeune femme éclata de rire, « Je ne vais pas commencer à mener tes combats, Gawain. » Puis, s’adressant à Angus : « J’aime beaucoup ça, et ce sera avec plaisir. »
« Et c’est moi le frère indigne, Lenny ? » Il leva les yeux au ciel. « On ferait mieux d’adopter Marlene à ta place, je te le dis. »

En guise de représailles, Eiluned enfonça son coude dans les côtes de son frère aîné, qui manqua de s’étouffer avec sa bière. Bien fait.

Pendant cette petite querelle familiale, la première question du quizz fut posée et un cri – non, deux cris – stridents émanèrent de leur table : un du buzzer absolument effroyable qu’on leur avait donné, et l’autre des cordes vocales de Melchior, décidemment bien puissantes. L’évocation du tableau qui menait aux cuisines de Poudlard renvoya Eiluned à des souvenirs qui commençaient à devenir relativement lointains mais qu’elle chérissait toujours. Visiblement, elle n’était pas la seule ; Melchior alpagua Angus avec entrain, et son ami précisa qu’ils étaient dans la même promotion de Poudlard. « Vous… Tu étais dans quelle maison ? » s’enquit Eiluned à l’attention de Melchior – Angus, quant à lui, avait une cravate jaune et noire nouée autour du cou, ce qui répondait déjà à sa question.

Eiluned pris une gorgée du cocktail qu’elle avait commandé à l’effigie de sa maison, alors que le sujet de la conversation dérivait vers une certaine Emily – qui, à ce qu’elle en comprenait, travaillait désormais à la milice et était l’ex d’Angus. Une ex dont Emma n’avait peut-être pas connaissance, songea Eiluned en observant la jeune femme tourner les yeux son compagnon. En revanche, Gawain, qui travaillait aussi au ministère, rajouta sa petite pierre à l’édifice :

« Tu savais pas, Lenny ? » s’étonna-t-il, sa pinte de Poufchouffe dans la main. « Dane l’a balancé en salle de pause il y a quelques jours. » fit-il en tournant le regard vers Angus. « Il semblait à la fois désolé d’avoir gaffé, et très fier de lui. »

Comme Eiluned ne connaissait pas cette fameuse Emily – et pourtant, Leonard était très prompt à lui parler de ses collègues, donc elle supposa qu’elle ne devait pas faire partie du même service que lui – elle préféra ne pas rebondir sur un tel sujet. De toute façon, Angus non plus ne voulait pas s’attarder sur cette histoire – qu’il qualifia d’ancienne – et s’intéressa plutôt à l’histoire qui la liait à son fiancé.

« Notre famille a emménagé à côté de la sienne quand j’avais cinq ans. » révéla Eiluned avec un sourire. « On peut dire que ça fait un petit moment qu’on se connaît. » admit-elle en riant.
« A partir de leurs dix ans, on était à peu près certains qu’ils finiraient ensemble. » témoigna Gawain en haussant les épaules.
« Il paraît. » répondit la jeune femme en coulant un regard vers Leonard, avant de reporter son attention sur Emma : « Et vous ? Vous vous êtes rencontrés au ministère ? » Elle ajouta, après une hésitation : « Tu travailles aux Mystères Emma, c’est ça ? »

Mais leur tablée n’eut pas le temps d’attendre la réponse de la rouquine car ils étaient à nouveau alpagués par plusieurs sorciers qui s’adressèrent à Eiluned :

« Euh, oui ? » répondit cette dernière avec un regard interrogateur, avant que celui-ci ne s’éclaire lorsque Damian évoqua le fait qu’aucun d’entre eux n’avaient fait sa scolarité dans la célèbre école anglaise. Sa demande lui tira un sourire ; Eiluned n’était pas particulièrement compétitive dans ce genre de domaine et, si le quizz l’amusait, elle n’était pas opposée à partager ses réponses avec une autre tablée. Gawain, en revanche, souligna un tout autre aspect :

« Si on fait ça, ni vous ne risquerez pas de gagner, et nous non plus. » Il désigna Melchior du menton : « En plus, j’ai l’impression qu’on a un bon élément dans notre équipe. » Eiluned retint un sourire : c’était du Gawain tout craché de ne pas être du tout embarrassé par un quelconque statut hiérarchique qui aurait pu être accordé à Melchior en raison de son poste. « Pourquoi vous ne vous joignez pas à nous, plutôt ? »

Eiluned, plutôt curieuse sur le discours qu’avait tenu Damian quelques secondes plus tôt, le relança sur le sujet, en observant les trois collègues : « Vous avez fait vos études où ? »

Grady paraissait plutôt content de la voir et Priya sentit ses muscles se détendre et un peu de sa nervosité s'envoler alors qu'elle répondait au sourire du jeune barman. Ils n'avaient échangé que via Instamag depuis leur première rencontre et elle avait un peu redouté ces retrouvailles en se demandant s'ils arriveraient à discuter avec la même fluidité "en vrai". Heureusement, elle pouvait compter sur le caractère sociable du Poufsouffle, qui commença par la charrier gentiment sur le fait qu'elle n'appartenait pas à la maison mise à l'honneur.

"Je suis forcée d'admettre que Poufsouffle est peut-être un meilleur thème que Serdaigle pour un pub. On accédait à leur salle commune en passant par des tonneaux, si ça ce n'était pas un signe ! Mais si un jour il vous prend l'envie d'ouvrir un café littéraire..." Ou une bibliothèque, ou une galerie d'art, un endroit silencieux en tout cas.

La salle commune des Serdaigle n'avait peut-être rien d'un pub chaleureux mais son calme était apaisant, propice à réflexion autant qu'à la création et elle s'y était toujours sentie bien, à l'exception des quelques fois où elle s'était retrouvée coincée devant l'entrée parce qu'elle ne trouvait pas la réponse à l'énigme.

"Oui super, on s'est installés un peu plus loin, répondit-elle en jetant brièvement un coup d'oeil par dessus son épaule en direction de ses collègues dont elle sentait les regards scrutateurs dans son dos. Alors, il y aura...une Poufchouffe, non, deux Poufchouffes, un Godric, et deux Vif d'or, s'il-te-plait !
- C'est pour la maison.
- Oh mais non, répondit-elle, un peu gênée par cette proposition plus que généreuse. C'est très gentil, vraiment, mais on ne va pas vous faire fermer boutique dès le premier soir !"

Grady lui expliqua justement que c'était le principe du jeu qu'ils organisaient pour l'inauguration. Il fallait répondre correctement à un maximum de questions pour se faire offrir ses consommations. Cela paraissait bien plus honnête à la jeune femme que de se faire offrir sa commande uniquement parce qu'elle connaissait le barman. Elle se demanda malgré elle s'il avait offert leurs boissons à tous ses amis. Si c'était le cas ils n'allaient pas beaucoup remplir leur caisse ce soir ! Ou alors était-ce un privilège qui lui était réservé ? Cette idée la fit rougir légèrement alors qu'elle observait le barman, absorbé dans la préparation des deux derniers cocktails.

"On...on est par là-bas, balbutia-t-elle quand il attrapa un plateau pour amener la commande jusqu'à sa table.

Elle songea un instant à s'en occuper elle-même, pour décharger un peu le jeune homme qui avait l'air bien occupé, mais ses jambes lui paraissaient encore moins solides ce soir qu'elles ne l'étaient d'habitude. Elle suivit donc Grady jusqu'à sa table et le remercia d'un sourire alors qu'il s'effaçait pour la laisser s'asseoir avant de se lancer dans la distribution des boissons. Elle vit Damian esquisser un geste vers la poche de son manteau pour sortir son portefeuille mais le barman annonça que cette première tournée était gratuite et toute la table le couvrit de remerciement chaleureux.

"Je dois filer, mais on se reparle tout à l’heure ? Priya hocha la tête avec un sourire, les joues brûlantes.
- Ok, à tout à l'heure ! Et merci encore."

Grady s'était à peine éloigné de leur table que déjà ses collègues la noyait sous des questions chargées de sous-entendu. Elle se sentit rougir encore davantage sous les airs de conspiratrice d'Elsa. Heureusement pour elle, l'intervention d'Eden lui permit d'orienter la conversation vers un autre sujet qui, elle en était certaine- déclencherait aussi de vives réactions.

"Ah oui, il y a un quizz sur Poudlard... expliqua-t-elle avec une grimace. Oups. Mais je n'étais pas au courant !" se défendit-elle en levant les mains devant elle en signe d'innocence.

Aucun de ses collègues n'avait été à l'école en Angleterre et la soirée risquait d'être longue si toutes les questions du quizz concernaient Poudlard, pourtant ils allaient bien devoir rester jusqu'à la fin de la soirée si elle voulait avoir une chance de pouvoir discuter un peu avec Grady après son service...

"Et puis comme ça vous apprendrez des choses !"

Et ils ne seraient pas les seuls, d'ailleurs, puisque la première question la laissa perplexe. Elle se contenta de hausser les épaules face aux quatre regards braqués sur elle. Elle n'avait jamais été dans les cuisines -à sa connaissance, c'était interdit aux élèves- et elle n'avait pas la moindre idée de ce que représentait le tableau permettant d'y accéder. Il s'écoula à peine une poignée de seconde avant que le Directeur de la coopération Magique Internationale -ce pub avait une clientèle très éclectique- ne crie la réponse.

"Je me rattraperai à la prochaine..." assura-t-elle sans conviction en tendant le bras pour attraper leur buzzer.

Mais Damian n'avait visiblement aucune confiance en elle, et pivota sur son tabouret pour solliciter l'aide d'une jeune femme blonde assise à la table derrière lui. Table à laquelle était également installés l'agent Rice, et le lieutenant Wellington.

"Hé !" protesta-t-elle mollement -juste pour la forme- quand Damian affirma qu'elle ne comptait pas.

En réalité elle était plutôt contente de ne pas être celle sur qui reposait la seule chance de victoire de son équipe. Et puis même si elle trouvait certaine réponses, elle savait déjà qu'elle n'aurait jamais le courage de les crier à travers la salle. De toute façon elle n'arrivait jamais à se faire entendre dans ce genre de situation, même quand elle avait l'impression de hurler. Suite à la proposition de la jeune femme blonde de se joindre à eux, ses collègues entreprirent de faire glisser le tonneau qui leur servait de table en direction de la table voisine pour former une seule grande équipe.

"Bonsoir, glissa-t-elle timidement avant de réaliser qu'elle avait déjà salué les membres de cette table, et notamment l'agent Rice, un peu plus tôt.
- Ce ne sera pas votre première collaboration sur un quizz vous deux !" glissa justement Elsa avec un sourire amusé, son regard passant du milicien à l'ingénieure.

Priya avait raconté sa (longue) journée de formation avec le maitre-fléreur à Elsa autours d'un café, en lui demandant bien sûr de garder ce petit arrangement autour du quizz de fin de formation pour elle, un détail que la manager semblait avoir oublié.

Le regard de Melchior fut attiré par le Pear qui se tendait vers Emma et surtout par l'exclamation d'Angus. Un sourire s'esquissa sur les lèvres du directeur de département, il devait y avoir de sacrés dossiers pour que son ami réagisse de cette façon. Emma hocha la tête avec un sourire un peu déçu à la proposition de barbecue. Visiblement, elle semblait aussi curieuse que lui de découvrir ce qui se tramait chez les miliciens.

"J'adooooore les barbecues", confirma-t-il, conscient que si son nom n'avait pas été prononcé, il était invité d'office. Et au pire, il s'invitait. "J'ai hâte de découvrir moi aussi ces petits dossiers."

Son sourire se fit mutin alors que les discussions autour de la table reprenaient naturellement. Il y avait toujours ce froid un peu gêné lorsqu'il entrait dans une pièce où son statut était connu. Il faisait désormais partie des hauts placés du ministère et il avait parfois tendance à l'oublier, souhaitant profiter de son temps libre comme toute personne normale. Heureusement pour lui, les gênes disparaissaient bien assez vite, la première question fut d'ailleurs posée et il fut prompt à donner la réponse, pas peu fier de lui, surtout quand il entendit une voix fluette derrière lui se plaindre auprès de ce qui semblait être son grand frère qui n'avait absolument pas réagi malgré l'impatience de sa sœur. Son attention se reporta sur sa table où Angus donnait les explications de leur amitié.

"J'ai été admis chez les Serdaigle", répondit-il avec un sourire à Eiluned. "La meilleure maison qui soit si vous voulez mon avis."

Surtout que c'était lui-même qui avait choisi sa maison, le Choixpeau étant dans l'incapacité de le répartir. Il esquissa un léger clin d'œil à la tablée avant de prendre un air outré aux insinuations d'Angus suite à l'annonce qu'il venait de faire.

"Cette excuse toute moisie !", s'offusqua-t-il. "J'ai un Pear, je te rappelle ! Ça sert à ça, je te signale. De me faire part des derniers potins quand je travaille. Tout le monde ne peut pas passer son temps au Miroir of Erised", lâcha-t-il narquois. "Je l'ai aperçu de loin et d'autres sources m'ont confirmé qu'elle venait d'intégrer la Milice."

Il n'avait pas vraiment eu le temps de prendre le temps d'inviter son ancienne camarade à prendre un café. Il devait bien avouer que depuis qu'elle avait quitté Angus, il n'avait pas eu de nouvelles. Il avait agi comme le meilleur ami qu'il devait être en prenant le parti de l'irlandais. Mais il avait toujours beaucoup aimé Emily, ils avaient passé de bons moments tous les trois et il avait vraiment été triste quand ses amis avaient rompu. Il espérait d'ailleurs peut-être un rapprochement entre les deux maintenant qu'ils bossaient ensemble. Il aimait bien Emma mais... elle était jeune et il y avait quelque chose de troublant, de mal assorti dans le couple qu'elle formait avec Angus. Mais bon... si ça leur convenait comme ça après tout... Qui était-il pour juger ? Il se contenta donc de hocher la tête quand son ami le prit à partie sur la discrétion d'Emily. La conversation dériva ensuite la rencontre avec Emma et il décrocha un peu pour laisser son regard parcourir les différentes tables, il s'arrêta sur une table de hipster tout à fait charmants alors que Emma répondait à Eiluned.

"Oui, je travaille aux Mystères", lâcha la jeune femme avec un sourire. "Et comme l'a dit Angus, c'est plus le Mirror of Erised que le ministère qui nous a rapproché."

Un sourire sarcastique échappa à Melchior à l'entente de ces quelques mots. Le ministère avait manqué les séparer, tout comme leur différence d'âge et le rang aristocratique de la chercheuse. Et comme une apparition divine, l'un des hipsters, le blond avec un visage à se pâmer de désir attira l'attention d'Eiluned. Il posa son regard sur lui et esquissa un sourire charmeur tout en laissant à l'interne médicomage et son frère le soin de répondre à ses questions. Il n'était pas contre partager un grand nombre de choses avec ce jeune homme à l'accent évocateur du continent américain. Mais il ne partagerait pas ses réponses et Gawain semblait parfaitement en accord avec lui puisqu'il leur proposa de rejoindre directement leur table plutôt. Melchior se décala de bonne grâce pour les accueillir tout en notant mentalement le nom de chacun et de chacune alors qu'ils se présentaient. Il apprécia leur sens du style, nota la réserve de Jude, le franc parlé de Damian, la timidité de Priya, la lueur mutine dans le regard d'Elsa et l'accent sexy à souhait d'Eden. Il aurait dû être agacé de cette intrusion qui voyait ses victoires partagées avec des étrangers mais il ne pouvait ignorer le fait que sa soirée pouvait se terminer d'une façon encore plus intéressante qu'elle n'avait commencé. Il nota d'ailleurs qu'Angus connaissait déjà Priya.

"Et bien... non.", admit-il à la remarque de Damian. "Poudlard a encore des aspects légèrement vieillot. Même si l'école a évolué depuis ses débuts, les traditions ont la vie dure. J'ai eu l'occasion de visiter chacun des établissements que vous avez cités, ainsi que leurs villes. J'ai beaucoup aimé la dynamique de Vancouver, la ville est très intéressante", expliqua-t-il avec un petit sourire. "J'ai beaucoup aimé Los Angeles pour son industrie cinématographique, j'espère que nous aurons un jour la chance de visionner des films sorciers", ajouta-t-il pour Eden. "San Francisco m'a laissé une moins bonne impression, mais il faut dire que je n'ai visité qu'Alcatraz", avoua-t-il avec un haussement d'épaule désolé avant de poser les yeux sur Jude. "Johannesburg est une ville étonnante qui révèle plus que ce qu'il n'y paraît au premier abord, j'y ai passé quelques années comme ambassadeur. Mais je dois avouer que New-York a clairement gagné ma préférence. J'aime les grandes villes, vivantes et populaires.", conclut-il avec un léger sourire. "L'Angleterre était l'un de vos choix de mutation ou Vargas ne vous a pas laissé le choix ?", demanda-t-il, curieux. "Vos pays d'origine ne vous manquent pas trop ?"

Il savait parfaitement ce qu'était le mal du pays, il l'avait ressenti certaines fois même s'il ne l'admettrait jamais. Il aimait son métier même s'il était heureux de pouvoir rester en Angleterre maintenant qu'il était directeur de département. Il avait adoré ses années d'ambassadeurs mais il admettait qu'il préférait pouvoir se balader à la carte comme actuellement.

Blair n'avait pas l'air bien bavarde aujourd'hui. Tant mieux. Était-ce la présence d'Urban qui la canalisait ? Etait-elle malade ? Boudait-elle ? Il s'en fichait bien ! Ce qui comptait c'était qu'elle se comporte presque comme une personne normale pour une fois et il n'était pas du genre à poser des questions quand l'univers lui faisait une fleur, il se contentait de l'accepter et d'en profiter. Blair voulait se taire ? Merlin soit loué. Il lui fallut toute sa force pour retenir un sourire quand elle leur expliqua que sa bonne note était sans doutes due au fait qu'elle avait expliqué ne pas être faite pour la botanique. Encore une enquête rondement menée par l'inspectrice Blair, son E devait être pour "extrêmement lucide". Il l'avait survolé le rapport de stage en question que Blair avait dû s'emmerder à recopier pour le leur envoyer - au vu du contenu elle aurait pu s'en passer -, Forbes appréciait manifestement plus l’honnêteté que le travail bien fait. John-Francis avait été un peu déçu de voir que Blair avait utilisé son temps dans son entreprise à se rendre compte qu'elle n'avait aucune envie d'y remettre les pieds, mais, fidèle à son optimisme légendaire, il avait finalement conclu par un "au moins elle n'ira pas à la concurrence !". Dommage. Ca les aurait probablement bien aidés.

Elle lui demanda ensuite des nouvelles de leur chef adoré, mais il n'eut pas le temps de répondre qu'une autre Williams rentrait dans son champ de vision. Décidément ils étaient encore plus nombreux que les Calder ! Sauf si Jason décidait de ven... hahaha, qu'est-ce qu'on rigole. En tous cas, même si lui et Katrine n'étaient pas de grands amis, ça lui faisait deux Williams qu'il appréciait à la tablée, il allait pouvoir survivre ! Il les laissa s’enthousiasmer sur les cadeaux pour l'anniversaire de leur frère en savourant son magnifique café et adressa son sourire le plus cordial à Katrine quand son attention se retourna vers lui. Ainsi Blair était allée chouiner dans les jupes de sa sœur ? C'était compréhensible et prouvait qu'elle avait encore quelques soucis de maturité. Rien de bien surprenant à son âge. Comme il fallait s'y attendre Urban réagit au quart de tour, il n'était peut-être plus sportif professionnel, mais il gardait des réflexes affûtés. "Ce qui fatigue c'est surtout de remettre tout en ordre." Il se tourna vers Blair. "J'ai réussi à récupérer mon pull, tu seras soulagée." Enfin "j'ai", c'était un bien grand mot. S'il avait en effet été trop fier pour demander de l'aide à sa mère, il n'avait pas l'expertise de certaines quand il s'agissait de sauver des pulls et sa voisine avait remarqué sa galère alors qu'il utilisait son jardin pour tenter un massage cardiaque sur le vêtement en question. Elle avait proposé son aide et comme il était poli, il n'avait pas osé refuser. C'était ça l'avantage de vivre à la campagne, plein de vieux qui n'avaient pas grand chose à faire de leurs journées.

Blair enchaîna sur leurs différences de caractère et Adrian trouva l'exercice un peu étrange. Elle était allée se plaindre de lui auprès de sa sœur, mais faisait croire à son frère que tout allait pour le mieux ? Et après elle s'étonnait qu'il ne comprenne pas ce qu'elle faisait, mais elle n'y mettait clairement pas du sien ! Elle termina son discours sur le fait qu'une semaine était déjà bien assez et Adrian remercia tous les Dieux qu'il connaissait de ne pas avoir envoyé Blair en apprentissage chez lui. Il faudrait qu'il se renseigne sur les autres exploitations un peu mieux. Au cas où. Cette réponse semblait convenir à Urban, en tous cas il ne posa pas d'autres questions, mais ses déboires n'allaient pas s'arrêter là. Faire équipe avec Blair ? Hmmm. Elle était toujours à Poudlard donc tout était bien frais dans sa tête. Elle était bien du genre à partir explorer plutôt que de réviser et il était prêt à parier qu'elle était compétitive à s'en rendre malade. Bien. Quitte à faire des équipes à leur table, elle était sans doute le meilleur choix. Même si en l'occurence le thème de la soirée aurait sûrement mis Urban tout seul dans sa Poufsoufflitude. "On va te ridiculiser Katrine." Mais Blair n'avait pas l'air bien enjouée par son équipe. Tant pis. A être tout à fait honnête il ne serait clairement pas le meilleur camarade pour ce quizz de toute façon.

Chaque tablée avait eu droit à un buzzer presque personnalisé.Le bruit que faisait le leur ne disait absolument rien à Adrian, mais qui semblait ravir Urban, c'était un truc de Poufsouffle peut-être ? Genre le bruit de l'ouverture de leur salle commune ou quelque chose du genre ? Dans tous les cas si Urban n'arrêtait pas tout de suite de faire joujou avec son bouton, il n'était pas dit qu'Adrian ne se motive pas à le lui faire manger. D'autant que toutes les tables essayaient maintenant leur buzzer dans une joyeu... énervante cacophonie. Première question, un intsant de silence bienvenu avant que les buzzers ne hurlent à nouveau. Adrian ne savait pas plus que son ami où se trouvaient les cuisines, grignoter entre les repas était mauvais pour la santé, tout le monde savait ça. Et les repas de Poudlard étaient assez copieux pour qu'il n'ait jamais éprouvé le besoin d'aller voler de la bouffe aux elfes. Contrairement au ministre de... quelque chose de chiant qui se goinfrait apparemment à son époque. Et comme prévu Blair montrait sa compétitivité en criant sur Urban qui n'avait pas buzzé assez vite. Adrian, lui, montrait sa bienveillance et sa politesse en ne demandant pas à Blair comment elle savait ça et si elle passait des heures à chipper du chocolat. Deux personnes deux ambiances, n'est-ce pas ?

N'ayant pas particulièrement envie de se faire crier dessus lui aussi, il attrapa le buzzer qui se trouvait devant Urban pour le passer à Blair. Cela avait l'avantage qu'elle allait sûrement arrêter de leur hurler dessus à chaque question et en plus Urban ne pourrait plus jouer avec. Tout allait pour le mieux. "Je suis d'avis que ça fait un point pour les serpents, je t'ai connu plus combatif Urby." Il profita du temps mort pour regarder autour de lui, se réveillant un peu. La plupart des tables étaient plus remplies que la leur, ça n'était pas bon signe. Mais au moins aucune autre table ne semblait être en train de s'engueuler, soit ils maîtrisaient tous bien mieux l'esprit Poufsouffle qu'eux, soit Blair et Melchior avaient été les seuls à connaître la réponse à cette question. Et ça c'était plutôt bon signe, ça leur donnait une chance de marquer des points. Hmmm. Depuis quand est-ce qu'Adrian s'intéressait à ce quizz ? C'était à force de se faire crier dessus ça encore. Toujours la faute de Blair.