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Louisiana peaches [Roy ; Joséphine Lavespère ; Isobel]

Métamorphomage
MétamorphomageMoldu
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Profil Académie Waverly
Louisiana peaches [Roy ; Joséphine Lavespère ; Isobel] - Page 2 Icon_minitimeDim 14 Mar 2021 - 19:17
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Joséphine Lavespère, 32 ans, cousine d’Isobel

Joséphine avait les joues un peu rouges d’avoir exprimé toute cette colère. Cela faisait des années qu’elle n’avait pas raconté cette histoire, tout simplement parce que tout le monde la connaissait dans la famille. La disparition d’Isobel avait animé leurs discussions pendant des années. Puis, au fil du temps, le prénom de sa cousine s’était évaporé de leurs conversations. Elle avait décidé de les rayer de sa vie, pourquoi ne feraient-ils pas pareil ? Ils avaient cessé de la chercher. Les petites affichettes posées par son grand-mère avaient été abîmées par la pluie, jamais remplacées. Les prêtresses n’avaient plus chercher à la localiser.

Un soir d’été, on avait vu Sophie descendre un carton d’affaires pour le balancer sur le trottoir devant son immeuble. Il s’était éclaté sur le sol, répandant quelques peluches, vêtements, des carnets remplis d’une écriture enfantine. Elle avait donné un coup de pied dans un ourson usé qui était allé s’abîmer sur la route. Joséphine se rappelait parfaitement de cette image de sa tante, qui avait fixé les affaires éparpillées avec rage. Elle était de l’autre côté du trottoir et s’était figée devant la scène. Quelques touristes avaient murmuré, moqueurs devant l’allure débraillée de Sophie, ses mains tremblantes.

Quand sa tante était remontée, sûrement pour chercher le reste des affaires de sa fille, Joséphine avait traversé la rue. Elle avait ramassé les objets éparpillés, avait rafistolé de ses mains le carton abîmé. Elle avait remis à l’intérieur les carnets, les colliers en plastique, une photographie d’Abel et Isobel, l’ourson sali par la chaussée. Elle avait porté le tout chez leur grand-père en lui expliquant que Sophie était en train de tout jeter dans la rue. Elle avait vu le regard tremblant d’André. Il avait pris les affaires de sa petite-fille entre ses mains vieillissantes et avait hoché la tête. Joséphine avait appris par la suite qu’il était allé vider lui-même la chambre d’Isobel. Il avait tout pris, tout, avait tout rassemblé dans son grenier. Il avait lavé le petit ourson, l’avait déposé dans l’encadrement de la fenêtre de l’escalier, comme une sorte de petit autel invisible.

Ce jour-là, Joséphine avait détesté sa cousine. 

On avait cessé de parler d’elle. Ils étaient passés à autre chose. Mais son absence avait laissé des cicatrices invisibles chez certains. Il y avait toujours cette ombre dans les yeux bruns de leur grand-père et cela brisait le cœur de Joséphine. Rien n’avait comblé l’absence d’Isobel pour lui, pas ses autres petites-filles, pas la naissance de ses arrières-petits-enfants. Pendant des années, à chaque fois que quelqu’un poussait la porte du Chaudron, il avait eu cette manière de relever vivement la tête ; comme si, un beau matin, Isobel allait apparaître. C’était discret, c’était subtil, mais Joséphine l’avait remarqué, elle. Elle avait vu aussi le chagrin chez Michelle, sa manière de s’assombrir toujours un peu les trente-et-un décembre. Elle l’avait surprise, des fois, à promener un pendule sur une carte des États-Unis, sursautant quand elle l’apercevait, comme prise sur le fait. Joséphine avait bien vu la colère chez Sophie, elle avait entendu des tombereaux d’injure à l’égard de sa fille, quand elle s’efforçait de la renvoyer chez elle après l’avoir trouvée ivre, vautrée sur un coin de trottoir. Quant à Abel Laveau, justement, elle ne l’avait plus vu. Pendant des années, après la disparition d’Isobel, elle n’avait fait que l’apercevoir, comme s’il avait un peu fui en même temps qu’Isobel. Joséphine avait vu tout cela. C’était elle qui avait vu ce chagrin, c’était elle qui avait dû en gérer les conséquences. C’était elle qui un jour, avait attrapé l’ourson poussiéreux pour le ramener au grenier, parce qu’elle ne supportait plus qu’il soit là, à narguer son grand-père. Isobel, elle, elle n’avait rien vu de tout cela. Parce qu’elle était partie.

Alors Roy affirma qu’elle se rendait compte des choses, qu’elle n’avait jamais pris cela à la légère, Joséphine souffla du nez. Évidemment qu’il défendait son amie. Mais il ne prenait pas la mesure de ce qui était arrivé. Il ne prenait pas la mesure de la claque qu’elle leur avait asséné, de la souffrance qu’elle avait pu infliger.

- Elle en a souffert de son côté ? releva-t-elle. Pauvre Isobel. Je me demande ce qui a été le plus dur. Choisir de vivre entre Londres et Paris ? Ou entre deux paires de chaussures ? Franchement, Roy, railla-t-elle. Elle a vraiment l’air de souffrir, là ? Dans sa petite vie de bourgeoise sans souci ? En quoi elle souffre ? Elle a tout, elle n’a jamais assumé les conséquences de ses actes. Elle s’est barrée mais a pu revenir. Crois-moi, elle ne se rend compte de rien. De rien. Moi, je sais. Je sais ce qu’elle fait et je sais ce que ça a fait aux gens. Des gens qui sont morts maintenant, alors, ils n’auront même jamais l’occasion de lui dire ou au moins d’être un peu contents de la revoir.

Michelle était morte en août 2005, durant l’ouragan. Sans jamais que son pendule ne lui indique ce qu’elle voulait vraiment.

- Alors je sais que vous êtes amis et c’est pour ça que je vais rien dire. Mais viens pas la défendre devant moi franchement, elle est indéfendable. Ce qu’elle a fait, c’est impardonnable. Elle pourrait ramper pendant seize ans, que cela ne compenserait même pas un peu ce qu’elle a fait. Ce qu’elle a fait par pur égoïsme. Elle n’a aucune excuse, j’m’en fous de ce qu’elle t’as raconté. C’est impardonnable, c’est tout. Moi, en tout cas, je ne la pardonnerai jamais.  

Son grand-père l’avait fait, Abel Laveau aussi. Sûrement parce qu’ils l’aimaient et voulaient mettre cet épisode derrière eux. Mais Joséphine aimait trop sa famille pour pardonner complètement à quelqu’un qui l’avait autant blessée. Alors elle n’allait pas aller contre la décision des prêtresses et elle n’allait pas particulièrement chercher à nuire à Isobel, mais elle n’avait pas non plus envie de faire des efforts.

Le cœur agité par toutes ces confessions, Joséphine se sentait d’humeur plus ombrageuse. Elle avait baissé les yeux sur l’eau bouillonnante. Roy dut le sentir puisqu’il tenta d’alléger l’atmosphère lourde qui s’était installée entre eux en s’approchant légèrement d’elle, le ton plus badin. Jo sourit, sans relever la tête.

- Tu penses vraiment que je vais révéler tous nos secrets à un païen comme toi ? On fait des choses que tu n’imagines même pas. Des choses qui te donneraient le vertige. Elle releva ses yeux sombres pour attraper ceux de Roy. Des choses qui feraient passer les hommes les plus dangereux que tu connaisses pour des saints. Des magies que, vous autres occidentaux, vous avez fait l’erreur d’oublier.
Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
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Profil Académie Waverly
Louisiana peaches [Roy ; Joséphine Lavespère ; Isobel] - Page 2 Icon_minitimeLun 15 Mar 2021 - 19:37
Roy avait beau connaître Joséphine depuis quelques jours seulement, elle fut si transparente sur ses émotions qu’il put sentir toute l’étendue de l’amertume qu’elle nourrissait à l’égard d’Isobel et de sa fugue. La prudence lui souffla de rester silencieux, face au déballage de sarcasmes et de piques que Joséphine lui adressa à lui, puisqu’elle lui parlait, mais dont il n’était pas vraiment destinataire, au fond. Elle déchargeait une colère et un sentiment d’injustice qu’elle ne pouvait pas libérer autrement.

Si Roy prenait plus naturellement le parti d’Isobel, ce n’était pas seulement parce qu’elle était sa meilleure amie. C’était aussi parce qu’il se reconnaissait un peu chez elle, qui avait pris ses distance avec sa famille pour aller s’accomplir autrement, ailleurs, poussée par un besoin d’indépendance et des ambitions personnelles. Et il savait qu’Isobel avait de bien meilleures raisons que lui d’être partie, compte tenu de la société très particulière, quasi sectaire dans laquelle elle avait grandi et dont elle avait voulu s’échapper. Pas parce qu’elle n’aimait pas sa famille, qu’elle s’en fichait d’eux, comme Joséphine semblait le croire. Simplement parce que c’était le prix à payer pour sa liberté. Elle avait choisi sa liberté.

Joséphine pouvait trouver cela égoïste, ingrat, indéfendable. Roy n’était pas d’accord, mais il sentait bien que ce n’était ni ses affaires, ni son combat et qu’il naviguait à vue avec une femme qu’il connaissait depuis trop peu de temps pour prédire ses réactions. Il n’avait aucune envie de se mettre dans cette espèce de rivalité entre les deux cousines, dont il commençait à comprendre que ce n’était pas une simple rivalité, comme il l’avait cru de prime abord : ce qui l’avait poussé à ne pas considérer très sérieusement la chose. Les griefs qu’elles se portaient l’une envers l’autre étaient bien plus profonds, ce qui donnait inévitablement plus de consistance aux reproches d’Isobel, qui lui en voulait toujours d’avoir approché Joséphine.

Eh bien, c’était trop tard, désormais. Mais sans doute, cela méritait qu’il retente un contact avec Isobel qui avait décidé de le bouder durablement.

« Hé, interpela t-il Joséphine, après qu’elle ait fini sa longue tirade venimeuse. Je suis pas Jésus-Christ, moi. Que tu pardonnes à Isobel ou pas, c’est ton problème, pas le mien. Je te dis juste que je la connais, depuis des années, et que la manière dont tu la décris, c’est pas ce qu’elle a vécu et c’est pas ce qu’elle est. Les choses sont pas aussi simples. » Tiens un point commun avec Isobel, songea t-il avec une certaine ironie. Les deux cousines semblaient s’accorder sur leur vision de conflits : tout était toujours noir ou blanc. « Mais tu es libre de rester convaincue de ça si tu préfères, conclut-il en haussant les épaules. N’empêche que, impardonnable ou pas, ta cousine te laisse dormir dans sa chambre d’amis quand tu débarques en Angleterre et que ça a l’air de t’arranger alors… Vous vous considérez encore comme de la famille, de ce que je vois. Ca doit compter pour quelque chose. »

Il ponctua ses paroles d’un sourire léger et plaisantin, pour détendre l’atmosphère. Il n’était pas exactement venu dans ce bain avec Joséphine pour qu’ils se chamaillent sur des histoires de famille alors il ne tarda pas à réorienter la discussion sur un sujet qui le rendait curieux. Encore une fois, il vit chez elle une parenté avec l’attitude d’Isobel, ce qui le fit aussitôt rire :

« Décidément, vous les sorcières vaudou, vous êtes beaucoup trop fières et convaincues d’être au-dessus du monde entier… » Toujours plongé sous l’eau, il se rapprocha de Joséphine, avec un sourire en coin. « Mais moi, j’ai une théorie qui est que si vous gardez tous vos secrets aussi jalousement entre femmes vaudou, c’est parce que vous avez peur que si nous les hommes… païens, répéta t-il, un brin moqueur, on apprenait vos techniques, on finirait par vous surpasser. Du coup, vous préférez jouer les femmes mystérieuses. » Ses jambes se mêlèrent à celles de la jeune femme, sous l’eau, son buste rencontra le sien et son sourire s’agrandit. « Mystérieuses et dangereuses, hein ? Très bien. En ce qui me concerne, ça me plaît plutôt bien. »

Il se pencha vers Joséphine, avec l’intention évidente de poursuivre cet échange autrement que par des mots, dans une insouciance qui finirait par lui jouer des tours.

FIN DU RP


Roy Calder

Walking on the sunny side

KoalaVolant