La tête en appui sur sa main, accoudé sur l’oreiller, Roy souriait de cet air qu’il avait lorsqu’il était d’humeur à embêter quelqu’un. En l’occurrence, adossée contre lui, les yeux fermés, se tenait sa chère et tendre, alias la personne qu’il aimait le plus embêter. Elle ne dormait pas vraiment, il en était quasiment sûr…

« Julia ? »

Relativement gentil, sa main vint taquiner la hanche de la jeune femme, alors qu’il se penchait un peu plus et se lançait en totale improvisation :  

« Juju ? Julianette ? Juliachou ? Mon bébé ? Ma puce ? Non, ce n’était pas assez Roy comme surnoms, tout cela. Il souffla alors en se retenant de rire. Ma monalisette ? »

Ses doigts pincèrent la hanche de Juliana, et il enfouit son visage dans son cou. Décidé de bon matin à la tirer des affres de la fin de sommeil, il posa les lèvres sur sa peau, à moitié à l’embrasser, à moitié à faire mine de la dévorer.

« Alleeeez, je sais que tu paresses ! Réveille-toi ou je serai obligé d’employer les grands moyens… »

Sa main remonta le long du ventre de Julia, telle une petite bête grimpante menaçante de chatouilles… Qu’il ne tarda guère à exécuter, sans aucune pitié.

Non, Juliana ne dormait pas. Mais elle n'était pas vraiment réveillée non plus : enfoncée dans ce semi-sommeil qui suivait le réveil, elle paressait avec délice, pas du tout pressée de se tirer de sa nuit si agréable. Elle dormait bien dans les bras de Roy, comme si le fait de le savoir avec elle lui otait un poids d'inquiétude qui lui permettait de vraiment s'abandonner au sommeil - mais elle ne lui ferait pas part de cette réflexion aujourd'hui.

Elle plissa les paupières et fronça le nez quand il entreprit de tenter de la réveiller, certes d'une façon tout-à-fait adorable, mais aussi malvenue : elle avait encore sommeil ! Et le sommeil d'une Juliana McNeil, c'était sacré. Lui tournant le dos, elle ignora donc ses petits surnoms qui parvenaient à son esprit endormi, le maudissant en sentant le réveil l'envahir un peu plus à chaque instant. Elle esquissa un petit sourire au "monalisette" - elle lui ferait payer celui-là plus tard - et émit un léger grognement de protestation quand elle sentit ses doigts sur sa hanche et son visage dans son cou. Mais par Merlin, c'était une vraie plaie d'Egypte, ce garçon !

Quel manque de politesse ! Elle grogna encore plus quand sa main s'aventura sur son ventre, et elle poussa un vrai gloussement de K-Girl quand il entreprit de la chatouiller.

"Raaaaaaah Royyyyy laisse-moi !", cria-t-elle en se débattant, les yeux encore à moitié fermés, et tout son corps protestant contre l'horrible traitement qui lui était infligé. "Lâche-moi espèce de vil gueux puant !"

Le repoussant de grands gestes, elle s'affala sur lui et répliqua aussitôt de chatouilles féroces et indignées, tout en protestant : "On n'a pas idée d'embêter les gens comme ça de bon matin, c'est pas gentil du tout ! Je ne dormirai plus jamais avec toi humffff !"

Ce qui était drôle quand il embêtait Juliana, c’était précisément ses réactions : les trois quarts du temps, elle prenait la mouche et tempêtait contre lui, ce qui donnait encore plus envie à Roy de continuer. Une plaie ? Non, voyons, il était adorable.

« Si tu crois que je vais te lâcher alors que tu m’insultes… » répliqua t-il, en la chatouillant de plus belle.

Assez vite, Juliana contre-attaqua, ce qui surprit le trafiquant le temps d’une seconde et lui fut fatal : il se retrouva sous son emprise à son tour. Quelle énergie, à peine réveillée ! Entre deux éclats de rire, Roy finit par attraper les poignets de Julia, alors qu’elle protestait qu’elle ne dormirait plus avec lui.

« Oooh ! Je sais, je suis vraiment pas gentil, comme garçon. Son sourire s’étendit, alors qu'il apportait une nuance. Mais, tu aimes trop dormir avec moi pour arrêter à ce prétexte. »

Voyant la bouille toujours indignée et boudeuse de sa belle, Roy l’attira dans ses bras pour la serrer contre lui, telle une peluche, et continuer son petit manège en ébouriffant ses cheveux :

« Roh, tu es trop mignoooonne quand tu fais la tête ! »

Et lui, il était parfaitement énervant, comme toujours. Desserrant son étreinte, il déposa un baiser sur sa nuque, comme pour amadouer sa tigresse de petite amie -il allait se recevoir des coups, s’il continuait- puis un autre dans son cou et à la frontière de sa mâchoire.

« Bonjour, quand même. »

"C'est faux !", protesta Juliana d'un ton indigné, quand Roy affirma d'un ton péremptoire qu'elle aimait trop dormir avec lui pour s'en passer. D'accord, c'était parfaitement vrai, mais ce n'était pas pour autant qu'elle cautionnait cette odieuse façon de la réveiller. Un peu de douceur, et surtout de paix, c'était trop demander ? Boudeuse, elle se laissa attirer contre lui en affichant ouvertement son mécontentement, ce qui ne fit que provoquer l'affection et les moqueries de son compagnon - et Juliana se renfrogna d'avantage.

C'était que la belle n'était pas du tout du matin. Joel avait mainte fois eu l'occasion de faire cette découverte, lorsqu'elle l'insultait parce qu'il osait se montrer trop jovial en buvant son café, ou qu'il tentait de communiquer alors que ses yeux étaient encore fermés à 50%. Et Roy le découvrait aujourd'hui à son tour, mais Julia découvrait pour sa part à quel point il pouvait être encore plus insupportable le matin, comme si la nuit lui avait permis de recharger son potentiel irritant.

Comme il pensait s'en sortir de quelques baisers, homme vil et arrogant qu'il était ! Juliana se fondit contre lui, dangeureusement sensuelle, et captura ses lèvres d'un long baiser pour qu'il arrête de parler. Voilà, il était déjà nettement moins pénible quand il se taisait et l'embrassait ! Elle prolongea le baiser, jouant longuement avec sa langue, mordillant ses lèvres, tandis qu'elle se pressait contre lui, ses mains se glissant le long de son torse et s'enfouissant dans ses cheveux. Son visage se nicha ensuite dans son cou, humant son odeur, goûtant sa peau... Puis elle roula sur le côté, bondit prestement sur ses jambes hors du lit et tourna vers lui un visage innocent :

"Bon, ben puisque tu m'as réveillée, petit dej ?"

Roy aurait dû se douter de quelque chose, franchement. Juliana qui l’embrassait sensuellement comme s’il venait de la réveiller de doux baisers et d’un petit déjeuner fumant, c’était louche… Mais il fallait croire que le cerveau de cet homme s’éteignait quand l’élue de son coeur le cajolait de la sorte. Il se dit qu’il avait simplement de la chance -ou plutôt qu’il était trop beau pour que Julia lui en veuille vraiment. Non seulement il ne vit rien venir, mais en plus il eut cet air hébété de l’enfant à qui on venait d’arracher brutalement son jouet lorsque son amante s’écarta. Et à sa figure pleine d’innocence, Roy comprit très vite qu’il venait de se faire avoir en beauté.

La vile ! Il avait cherché à la réveiller, et voilà qu’elle faisait exprès de se lever à un moment parfaitement inopportun, jugeait Roy. Il n’allait pas la laisser fuir à si bon compte. Il s’assit sur le rebord du lit, tendit le bras pour attraper le poignet de Julia et l’attirer sur ses genoux.

« Ok. Son visage s’approcha du sien, souriant, alors qu’il nouait les bras autour de sa taille. Petit-déj de toi, d’abord. »

Ses lèvres revinrent jouer avec les siennes, tandis qu’il la pressait à nouveau contre lui. Multipliant les baisers et les caresses, il ne pensa momentanément à rien d’autre qu’à sa Julia, aussi râleuse qu’attirante, même si elle n’était visiblement pas du matin. Ce n’était pas la première fois qu’il s’en faisait la réflexion, mais il n’avait jamais cherché à la titiller jusque là… Parce qu’on ne refaisait pas un Roy, il devait avouer qu’il avait trouvé ça drôle de l’embêter, mais il devrait veiller à ne pas le faire trop souvent sur ce créneau horaire : les Juliana McNeil savaient parfaitement bien se venger. Détachant tendrement ses lèvres de sa compagne, il rencontra son regard, son sourire malicieux de retour sur son visage.

« Sans rancune ? Pour faire preuve de ma bonne foi, je veux bien ne plus jamais t’appeler Juliachou. Par contre, ma monalisette… J’sais pas, t’en penses quoi ? »

Elle allait le frapper quelque part.

Elle put voir à sa mine atterrée que sa vengeance avait fait mouche, et elle se laissa attirer sur ses genoux avec un sourire mi-victorieux, mi-taquin. Elle n'allait quand même pas se laisser embêter sans réagir ! Ses pulsions revanchardes évanouies, Juliana profita avec un plaisir non feint des baisers et des caresses de son homme, entièrement absorbée par lui. Parce qu'il avait beau être parfaitement énervant parfois, c'était aussi pour cela qu'elle l'aimait, et se réveiller à ses côtés était trop rare et appréciable pour qu'elle n'en profite pas. A vrai dire, elle n'était pas encore habituée et l'émerveillement de cette relation naissante la plongeait dans un bien-être qui effaça bien vite la contrariété du réveil.

Son visage se déforma sous l'effet de l'une de ses fameuses grimaces à l'entente des surnoms dont il l'affublait.

"Si cela signifie que tu m'aimes autant que la monalisa, je suis flattée, c'est un grand honneur", répondit-elle avec un sourire taquin. "Mais je suis sure que tu peux trouver mieux, mon Royounet. Mon petit poulpe. Calderichou. Mon Royquiqui ?"

Après tout, elle aussi pouvait lui trouver des petits surnoms stupides, il n'y avait pas de raison ! D'une légère pression sur le torse, elle le fit basculer sur le lit et vint se lover contre lui, nichant son visage dans son cou.

"J'étais bien là moi à dormir ! J'espère que le p'tit dej va en valoir la peine...", souffla-t-elle, taquine, tout en faisant courir ses doigts sur la peau de son amant.

« Mon Royquiqui ! Sérieusement ? ricana le trafiquant, mi-amusé, mi-indigné. On me l’avait jamais faite celle-là, c’est trois mille fois pire que mon Royounet, ne m’appelle jamais comme ça. Toi aussi, tu peux trouver mieux. Genre mon Roysexy ou mon Royparfait. »

A tout hasard. Enlaçant Julia contre lui alors qu’elle les renversait sur le matelas, il fut secoué d’un petit rire sous sa remarque et ses caresses. Il attrapa la main qu’elle faisait courir sur son torse, pour nouer ses doigts aux siens et y déposer un baiser sur le dos.

« Est-ce que je t’ai un jour déçue là-dessus ? » souffla t-il, aguicheur.

Comme pour illustrer ses mots, il captura ses lèvres, en la faisant basculer sous lui, pour un tendre baiser qui s’enflamma bien vite. Pressant son corps contre le sien, ses mains s’aventurèrent le long des hanches de sa belle, et Roy s’attela à déposer un baiser sur chaque bout de peau qu’il voyait, en ponctuant chacun d’une phrase malicieuse :

« Je t’aime plus que la monalisa… Sur la mâchoire. Plus que ma villa… Dans le cou. Un autre mot en A, attends. Près de la poitrine. Plus que le chocolat. »

Etouffant son sourire, il remonta le visage pour embrasser son amante avec cette douceur qu’il n’avait qu’avec elle :

« Tu préfères ce genre de réveil, avant d’ajouter un autre petit nom à la liste, dans un chuchotement juste entre eux, mon amour ? »

A sa question - rhétorique - sur le fait de savoir s'il l'avait déjà déçu, Juliana ne put s'empêcher de le taquiner un peu plus, faisant mine de réfléchir :

"Huuuum..."

Mais Roy étouffa ses protestations d'un baiser torride qu'elle lui répondit bien volontiers, ses paupières se fermant sous l'effet de ses caresses. Ses comparaisons lui tirèrent des petits rires, un peu moqueurs à l'évocation de la villa : "Wah, ça c'est de la déclaration !", affectueux quand il mentionna le chocolat. Juliana était gourmande, et elle estimait qu'il s'agissait déjà là d'une belle preuve d'amour. Elle s'en serait d'ailleurs satisfait pour ce matin, mais Roy n'avait pas dit son dernier mot...

Ce petit surnom qu'il lui souffla avec tendresse et pudeur la surprit et elle rougit furieusement, tandis qu'une vague d'amour la submergea à l'égard de son amant. Ils se taquinaient beaucoup l'un et l'autre, et se combattaient en plus indirectement sur le terrain, si bien que ce genre de marque d'affection était loin d'être superflue ou anodin, surtout au vu de leur histoire. C'était la première fois qu'il l'appelait ainsi, et elle put deviner à sa façon de le dire qu'il en était conscient et un peu gêné, ce qui ne fit qu'accroître sa tendresse à son égard. Il n'y avait pas à dire, c'était ainsi qu'elle préférait qu'il l'appelle, et de très loin...

"Ce genre de réveil est incomparable", répondit-elle avant de glisser une main dans ses cheveux, comme pour l'inciter à soutenir son regard clair.

"Je t'aime, mon amour", murmura-t-elle à son tour, avec un sourire qu'elle dissimula en un long baiser, dans lequel elle tenta de lui exprimer tout ce qu'elle ressentait et qu'elle peinait à dire avec des mots.

La voir rougir et le regarder avec une telle tendresse procura à Roy cette sensation réchauffante et chatouilleuse à l’estomac, qui lui donnait envie de couvrir Juliana d’encore plus d’attentions et de marques d’affection. Pour ainsi dire, il se sentit fondre à sa déclaration suivie de ce long baiser qui voulait tout dire. Ah, elle était beaucoup trop délicieuse, belle et attendrissante, il aimait tout chez cette femme, de sa façon de le rabrouer lorsqu’il venait lui chercher des poux, à sa manière de lui exprimer son amour, avec une sincérité mêlée de pudeur qu’il trouvait tout bonnement adorable. Lui-même ne savait pas toujours se livrer, souvent, il camouflait ses mots sérieux derrière une couche de taquineries, qui l’aidaient à se sentir plus à l’aise. Il entrecoupa leur baiser, le temps de répondre, avec le même regard qu’elle :

« Je t’aime aussi. »

Ils ne se le disaient pas forcément souvent, il fallait dire qu’ils ne pouvaient pas se voir autant qu’ils l’auraient voulu. Ainsi, ce genre de moment prenait toute son importance, et les mots restaient gravés en eux, plus intensément que jamais, en attendant de se revoir. Estimant qu’ils avaient tout dit, Roy se laissa emporter par les sensations que lui procurait le contact de leurs corps, pour couvrir Juliana de cet amour qu’ils se déclaraient. Comme pour prolonger leur petit moment à deux le plus longtemps possible, il la retint au lit de mille baisers, attentions et caresses audacieuses, jusqu’à en perdre la notion du temps, l’espace d’un instant…

De nouveau, un peu plus tard, ils se trouvaient enlacés, les jambes entremêlées, à reprendre leur souffle. Roy se contenta quelques minutes d’écouter leurs respirations se calquer l’une à l’autre, un bras passé autour de Juliana, à caresser doucement la pointe de son épaule. Puis il l’attira de ses deux bras contre lui, comme pour la serrer un peu plus, et avoua, le visage niché dans ses cheveux :

« C’était long depuis la dernière fois. »

Trouver un moment où ils pouvaient se voir en même temps n’avait rien de simple, surtout quand ils savaient qu’ils ne pouvaient le faire trop souvent, sans risquer d’éveiller des soupçons. Pour un peu qu’on suive les déplacements de l’un ou de l’autre, leurs allées et venues dans l’ancien appartement de Roy qui était devenu leur petit nid secret pourrait leur porter préjudice, même s’ils veillaient à prendre des précautions… Ses bras noués autour de Julia dans une étreinte affirmée, il glissa avec malice dans son oreille :

« Je ne vais plus te laisser partir, toi. »

"Tu m'as manqué aussi", répondit Juliana en étouffant son sourire dans le cou de son amant. Envahie par un sentiment de plénitude, Juliana poussa un long soupir de bien-être et songea qu'au fond, ces rares moments qu'ils passaient ensemble valaient bien la peine d'être séparés le reste du temps. Bien sûr, elle aurait donné beaucoup pour pouvoir passer toutes ses nuits dans ses bras et toutes ses journées auprès de lui, mais leur relation était si fraichement récente et si inespérée qu'elle était déjà heureuse de pouvoir partager ces instants avec lui. Chaque fois qu'elle le retrouvait, chaque fois qu'ils s'aimaient, elle s'émerveillait de sa chance, de leur chance de s'être trouvés malgré tout ce qui les séparait. Et Merlin savait que le fossé entre eux était immense... Mais ils parvenaient à le combler, prudemment, patiemment, en silence et en secret. Et c'était bien tout ce qui comptait pour l'instant, alors que la mort rodait dans chaque allée de Bristol...

Un rire la secoua quand Roy la serra possessivement contre lui, et exprima le désir de ne plus la laisser partir. Il était adorable, même si son voeu était irréalisable, et elle répondit sur le même ton :

"Ah oui, tu crois que tu peux retenir une Juliana McNeil, hm ?"

Elle fit mine de réfléchir, une taquinerie des plus viles lui venant en tête, et elle s'écarta un peu de lui pour l'évaluer du regard. Allait-elle oser ? Ma foi... Ce serait une vengeance adéquate après le terriblement vil réveil qu'il lui avait fait subir.

"Peut-être que tu peux y arriver, après tout... Je te l'accorde, tu es plutôt endurant pour un homme de ton âge", souffla-t-elle d'un air innocent. Elle attrapa ses mains préventivement, pressentant les chatouilles punitives, et lui tira la langue avec malice. Jusqu'à présent, elle ne l'avait guère taquiné sur son âge mais ce n'était pas quelque chose qu'elle comptait oublier : pendant leur année de séparation, Roy était devenu trentenaire, et cet état de fait appelait indéniablement à quelques moqueries... Les rides n'étaient pas loin, pas vrai ? Peut-être qu'elle pourrait lui offrir une canne pour Noël. Bientôt, il devrait prendre sa retraite, supplanté par les petits jeunes de son gang. Juliana nota intérieurement la foule de petites piques qui affluaient dans son cerveau et les garda pour plus tard. Sur la défensive, elle redouta la réaction de Roy qui ne se fit pas attendre...

D’accord, il devait l’avouer, il ne s’y attendait pas à celle-là. D’ailleurs il ne cacha pas sur son visage comme il était soufflé par le culot de sa compagne, qui se sentait toute fière de sa pique, il pariait. C’était si bas de l’attaquer dessus ! Il avait déjà du mal à se dire qu’il avait franchi la barre des trente ans, Roy n’était pas d’accord, les dix dernières années avaient filé bien trop vite à son goût. Et puis si possible, il préférait qu’on ne lui rappelle pas qu’il sortait de Poudlard quand Juliana y entrait, cela remettait les choses en perspective de façon un peu étrange…

« Haaaaan ! Comment oses-tuuuu ? » s’exclama t-il, plein d’indignation, sans réussir à masquer un sourire.

Elle n’allait pas s’en sortir si facilement. Il força pour avoir ses mains de nouveau libres -du côté pratique d’être un homme- puis attrapa celles de Julia d’une poigne ferme et de l’autre la chatouilla sans scrupules. Au milieu des rires et des protestations qui s’élevaient dans la chambre, Roy déclarait sans daigner cesser sa torture, un grand sourire suffisant aux lèvres :

« D’abord, je ne suis pas juste endurant, je suis aussi beau et sexy qu’à mes vingt ans ! Et je suis aussi plus fort que toi. Qu’est-ce que tu dis ? Je n’entends pas, que veux-tu, c’est l’âge…  J’ai l’impression que ta façon de demander grâce n’est pas assez convaincante, jeune effrontée. »

La vengeance de Roy fut terrible. Cette fois il ne se priva pas pour utiliser sa force pour prendre le dessus et la chatouiller vilement et sans scrupules, appréciant visiblement l'horrible torture qu'il lui infligeait. Chatouilleuse, Juliana se tortilla en tentant désespérément de retrouver sa liberté de mouvement pour repousser l'assaut, en vain...

Mais allait-elle pour autant céder face à lui et lui donner les compliments qu'il attendait ? Certainement pas, il était beaucoup trop prétentieux pour cela. Et jamais la rebelle, la sorcière fière et indépendante qu'elle était ne baisserat . Elle pouvait bien endurer queqlues chatouilles !

"Continue donc je ne céderai jamais sous la tortuuuure", s'exclama-t-elle, mi-gloussant, mi-rugissant d'indignation, à bout de souffle. Redressant la tête, elle plongea son regard clair dans les pupilles sombres de son amant et souffla :

"On sait tous les deux que c'est moi la plus forte des deux, parce que... tu ne peux pas me résister."

Juliana combla la distance qui séparait leurs deux visages et effleura ses lèvres des siennes, tentatrice, avant de s'écarter. Chatouiller ou l'embrasser, il fallait choisir...

Roy ne pouvait que reconnaitre la ténacité de son amante, qui n’était pas chef de résistance pour rien. Ses chatouilles, qui n’étaient déjà pas follement efficaces, lui parurent encore moins faire le poids face à la douceur des lèvres de sa belle. Et son expression tentatrice et sûre d’elle en s’écartant la rendait encore plus séduisante, ce qui adoucit les traits de Roy. Stoppant ses chatouilles, il se rapprocha d’elle, avec un sourire.

« Hummm, tu as de la chance qu’on se voit trop peu souvent, ça ne me laisse pas assez de temps pour te prouver que tu as tort. »

Qu’on se le dise, Roy aimait avoir toujours raison, malheureusement Juliana avait un peu trop souvent raison de lui à son goût… Il était un homme faible, voilà, c’était dit. Enfin, dans sa tête seulement, de là à ce qu’il le dise à voix haute, il y avait un pas de dragon. Mais cela ne lui semblait pas si terrible comme situation, quand il embrassait lascivement Juliana : en fait, tout allait bien dans le meilleur des mondes.

Détachant ses lèvres des siennes, il prit le temps d’explorer son regard avant qu’il ne se recule légèrement, un sourire qui ne prédisait rien de bon sur le visage.

« Mais tu sais ce qui te rendrait encore plus sexy ? Sous la couverture, sa main se faufila pour pincer légèrement la cuisse de sa compagne. Que ça soit moins velu, par ici. »

Oeil pour oeil, dent pour dent, et puisque Juliana avait lancé la bataille de piques… Roy n’allait pas se priver pour contre-attaquer, évidemment, ce serait mal le connaître.

Satisfaite d'avoir eu le dessus, Juliana se nicha un peu plus contre lui et l'embrassa longuement, savourant l'instant. Merlin, qu'elle se sentait bien dans ses bras, à cet instant, où tout était oublié, où seul lui comptait, lui, ses baisers et... ses commentaires désobligeants. Bien sûr, sinon ce ne serait pas Roy, songea Juliana avant de s'écarter avec une indignation non feinte.

"QUOI, mon épilation n'est pas assez nette au goût de Môssieur Roy Calder ! Il préfère sans doute ses greluches refaites aux jambes de sauterelles et maquillées à la truelle ! Mais je suis une femme, moi, Roy, une vraie femme, avec ses défauts, ses kilos en trop et ses poils, parce que oui, figure-toi qu'une femme, ça a des poils, non mais, mafieux et macho en plus de ça, on aura tout vu..."

Juliana grommela encore quelques instants, plus pour la forme qu'autre chose. Elle était une féministe de l'OFFRE et ne pouvait se contenter d'obéir aux diktats de son petit-ami sur son physique comme si elle n'était qu'un quel objet.

"Bon, plus sérieusement, j'ai pas eu l'temps, pas que ça à faire... Je le ferai la prochaine fois, si tu y tiens, mais tu ne perds rien pour attendre", dit-elle avec une moue un peu boudeuse, avant de poser de nouveau sa tête sur son épaule.

La réponse de Juliana tira un énorme sourire à Roy qu’il eut tout le mal du monde à masquer, pour ne pas dire qu’il n’essaya même pas. Et lorsqu’elle parla de mafieux et de macho, il ne put s’empêcher de commenter de son ton léger :

« Ah mais les deux vont souvent ensemble… »

Il étouffa un petit rire alors qu’elle continuait de râler, ne pouvant s’empêcher de la trouver mignonne. Il referma son bras sur elle, et répondit à son tour plus sérieusement :

« Oui j’y tiens. Comment ça ce n’était pas la chose à dire ? Ses deux bras vinrent enlacer sa petite amie et il cala son visage dans le creux de son cou, toujours avec son grand sourire. Mais boude pas, mon bébé, je t’aime avec tous tes petits défauts et tes kilos en trop, y a juste avec tes poils que je suis pas très copain… Ok, ok, me regarde pas comme ça, je veux bien faire connaissance avec eux ! »

Il était irrattrapable et le pire, c’est que ça l’amusait comme un gamin.

Décidément, cet homme n'avait aucun tact. Certes, Juliana n'était pas une femme très coquette ni très complexée, mais cela faisait toujours du bien de se sentir jolie et appréciée, et Roy avait le don de la renvoyer devant son miroir. Elle avait beau savoir qu'il aimait avant tout la taquiner, elle ne put s'empêcher de sentir une légère pointe de vexation et se se retourna pour lui tourner le dos et échapper à son étreinte câline. Oh que si, elle allait bouder, plutôt que de lui donner d'autres opportunités de se moquer.

"Ok, ok, je ferai un effort", grommela-t-elle en s'enroulant dans la couette, avant de fermer les yeux, encore somnolente. "Arrête un peu de m'embêter, espèce de vil. Tu crois que tu es parfait toi ? Humfff."

Il était vrai que son apparence physique était le dernier de ses soucis en ce moment. Dissimulée dans les caves du Kraken, elle n'avait pas vraiment le temps de se faire une beauté avant de filer en douce pour le rejoindre. D'ailleurs, dans les caves, elle allait vite y retourner s'il continuait comme ça !

A la réponse de Juliana, Roy sut qu’il l’avait réellement vexée et qu’elle ne feignait pas. Son sourire s’évanouissant quelque peu, il resta une seconde à l’écart, comme pour voir si elle allait rajouter quelque chose pour le charrier à son tour mais rien ne vint. Un peu déçu de sa réaction, il s’approcha néanmoins pour retrouver le contact avec elle.

« Je te taquinais juste ! » La main sur son bras, il se pencha sur elle, pour dire à son oreille, reprenant ses expressions : « Tu sais que je te trouve mille fois mieux que toutes les greluches refaites du monde ? Tu es même la seule greluche dont j'aime les poils… Ok j’arrête avec ça, si tu arrêtes de bouder. »

Guettant les réactions de sa partenaire, il laissa à nouveau un sourire fleurir sur son visage, et effleura de ses lèvres la peau de son cou.

« Ou sinon, je peux utiliser d’autres arguments mais tu vas dire que je suis déloyal. »

"Je ne boude pas...", répondit Julia avec mauvaise grâce, avant de tourner légèrement vers lui, un demi-sourire aux lèvres. C'était peut être superficiel mais elle avait besoin d'entendre ça, sans doute parce qu'au fond d'elle, elle se demandait encore parfois à quel point elle plaisait à son partenaire et s'il ne finirait pas par réellement lui préférer une greluche ou deux - ce ne serait pas la première fois. Oui, le chemin de la confiance n'était pas facile à retrouver, mais elle savait qu'elle devait faire un effort car il ne serait pas vraiment juste de sa part de reprocher encore et toujours à Roy ses erreurs du passé. Ils avaient pris un nouveau départ tous les deux et elle devait se concentrer là-dessus, et accepter vaillamment les multiples taquineries de son compagnon.

Son sourire s'accentua quand elle sentit les lèvres de Roy s'égarer dans la peau de son cou et elle poussa un soupir d'aise.

"Je veux bien que tu sois déloyal, si c'est de cette façon là", répondit-elle avant de se tourner vers Roy pour glisser ses bras autour de lui. L'air innocent, elle ajouta : "Je sais que tu me taquines, mais parfois j'ai envie d'un peu de douceur et de compliments aussi, ça arrive même à une chef du Kraken tu sais... Mais promis, je me ferai belle pour toi la prochaine fois. J'espère que tu en feras autant, après tout, un petit tour chez l'esthéticomage ne te ferait pas de mal non plus."

« Comment ça ma peau hâlée n’est pas déjà parfaite et sans défaut ? » Son sourire provocateur se fondit dans un léger baiser qu’il déposa sur les lèvres de son amante, puis il se détacha pour ajouter. « Donc, plus de compliments et plus de douceur, hummm, ça doit être dans mes cordes ça… »

Il se recula pour mieux l’évaluer de son regard, la tête appuyée contre son oreiller. Sa main écarta quelques mèches du visage de Juliana, avant de se poser en une caresse sur sa joue, l’expression un peu plus sérieuse. L'attitude de sa petite amie était compréhensible, elle n'était pas la première femme qui ressentait le besoin d'être rassurée sur sa capacité à plaire, mais qu'elle se soit autant vexée le laissait pensif. Ses deux prunelles sombres sondaient le regard de son amante, comme pour tenter d’y lire ce qu’elle ne lui disait pas. Il rompit le bref silence dans un ton de confidence :

« Tu es déjà belle pour moi, Julia. Plus que n’importe qui. Tu me fais confiance ? »

Un sourire doux fleurit sur les lèvres de Juliana aux dernières paroles de son compagnon, surtout parce qu'elle pouvait lire dans son regard qu'il le pensait réellement. A sa question, Juliana songea qu'il commençait à bien la connaître, et à réaliser lorsqu'elle pensait quelque chose mais ne le disait pas forcément... Et cette interrogation, Merlin, qu'il était dur d'y répondre ! Elle aurait voulu pouvoir répondre oui spontanément et que les mots coulent naturellement de sa bouche, mais la réalité était plus compliquée. Pourtant, Roy l'avait déjà rassurée auparavant, mais il y avait toujours une petite part d'elle qui restait sous la réserve, malgré tout. Juliana avait beau se raisonner, seul le temps et une relation saine et durable avec Roy lui permettraient de se sentir complètement à l'aise. Et en attendant...

"Oui, j'ai confiance en toi, mais... Je ne me sens pas toujours en confiance avec toi."

Juliana grimaça, conscience de ne pas être très claire, puis explicita, un peu gênée : "J'aimerais pouvoir plaisanter avec toi et te taquiner sans jamais me vexer mais je me demande quelle est la part de réalité et à quel point je te plais réellement et... pour combien de temps je vais te "suffire", peut-être que tu le penses maintenant, mais qui me dit que tu ne finiras pas par te lasser de sortir avec une rebelle pas très féminine et par vouloir quelqu'un d'un peu plus disponible ou d'un peu plus coquet, je ne sais pas, ce ne serait pas la première fois que..."

Elle s'interrompit et poussa un soupir, agacée contre ses doutes qui venaient ombrager leur réveil en amoureux. Caressant son visage du bout des doigts, elle souffla : "C'est plutôt en moi que je n'ai pas confiance, en fait, parfois. En ma capacité à te garder auprès de moi."

Après tout, elle n'avait jamais été très douée pour cela...

Les yeux plongés dans ceux de Juliana, comme pour y lire ce qui la tourmentait, Roy resta silencieux alors qu’elle lui faisait part de ses doutes. C’était un sujet qu’ils avaient déjà plus ou moins abordé, dès le jour où ils s’étaient remis ensemble. Dès ce moment-là, Roy avait su que le chemin ne serait pas aisé pour regagner la confiance de sa belle. Même s’il savait que seul le temps permettrait de réellement remettre les choses à plat, il avait décidé de faire de son mieux pour lui témoigner ce qu’il ressentait pour elle. Plus démonstratif qu’il ne l’avait jamais été avec personne, il redoublait d’attentions et de mots doux à son égard, veillant à ne pas répéter les erreurs de leur premier couple où il n’avait pas forcément été très attentif, encore moins fidèle.

Néanmoins l’équilibre était visiblement encore fragile, et Roy ne put s’empêcher de se sentir coupable quand Juliana conclut sur ses réelles craintes. C'était elle qui craignait qu'il lui file entre les doigts ? Par Godric, c'était plutôt lui qui avait de la chance qu'elle soit de nouveau dans ses bras... Pris d’un élan de compassion, il l’attira tout contre lui, déposant un petit baiser sur son épaule avant de commencer à la rassurer :

« Mais tu y arrives déjà très bien, bébé. Tu sais pourquoi ? » Il recula légèrement son visage pour pouvoir regarder celui de son amante, un demi-sourire aux lèvres alors qu’il commençait à énoncer en lui caressant le dos : « Parce que tu es une femme forte, belle et audacieuse comme aucune autre, et parce que tu m’avais déjà attrapé, bien avant tout ça. »

Une sorte de voile passa sur le regard de Roy, comme un voile de mélancolie au moment où il répéta une phrase qu’il avait prononcé bien des mois auparavant face à elle :

« Je ne sais pas comment te le dire, je n’ai jamais ressenti ça pour personne… Tu te souviens ? Eh bien si, c’est la première fois pour moi , dit-il, reprenant ses termes. Sa main libre attrapa celle de Juliana pour nouer ses doigts aux siens, explicitant cette fois ce qu’il avait eu honte de dire auparavant. C’est la première fois que je suis autant amoureux d’une femme. Et je suis conscient de la chance que j'ai que tu sois revenue, c’est moi qui devrais craindre de te voir partir. »

"Je ne partirai nulle part", répondit Juliana en posant un regard doux et empli de certitudes sur son compagnon. C'était bien cela qui l'inquiétait, au fond. Cette fois, elle ne serait pas celle qui s'en irait en claquant la porte, après avoir laissé exploser sa colère. Elle avait décidé de lui faire confiance et de s'ouvrir à lui, bien plus intimement qu'elle ne l'avait fait la première fois, et c'était un risque immense pour elle, pour ses compagnons de lutte... Il ne devait pas y avoir la moindre place au doute dans tout cela. Leurs destins étaient désormais liés avec beaucoup plus de forces qu'ils ne pourraient l'être par aucun autre engagement, car ils avaient chacun le pouvoir de faire tomber l'autre, et que ce serait probablement ce qui se passerait en cas de séparation... Alors elle n'avait pas le loisir de se tromper.

Mais les propos de Roy, sa douceur et sa prévenance, à mille lieux de l'égocentrisme et même de la cruauté dont il pouvait faire preuve lorsqu'il laissait parler son côté obscur, eurent une fois de plus le don de la rassurer. Sans doute aurait-il à le faire encore, c'était le prix à payer pour que les cicatrices de leur première histoire s'effacent peu à peu et qu'ils puissent repartir sur des bases solides. Mais Roy semblait fidèle au poste, et c'était tout ce dont elle avait besoin...

Juliana se serra contre lui et pressa sa main dans la sienne, sentant ses doutes et inquiétudes s'effacer pour laisser place à une apaisante sérénité. Elle captura ses lèvres des siennes longuement, avec tendresse, puis posa sa tête sur son épaule en laissant un silence doux emplir la pièce. Elle finit par se redresser en poussant un soupir.

"Il va falloir que j'y aille... Les choses sont tendues depuis qu'on a ramené Klem, et mes absences suscitent des questions", révéla-t-elle en caressant la joue de son amant. "J'essaierai de revenir vite."

Rassuré du fait que Juliana était réceptive à ses mots, Roy répondit avec douceur à son baiser. Elle lui était trop précieuse et leurs moments étaient trop rares pour qu’il rechigne encore à s’ouvrir à elle. N’avaient t-ils déjà pas assez perdu de temps ? Si, songea t-il en se détachant d’elle, beaucoup trop, et même maintenant, il ne la voyait pas autant qu’il l’aurait voulu.

Roy avait anticipé juste à la gestuelle et au soupir de sa partenaire qu’elle comptait partir. Il se redressa à son tour, prêt à la retenir encore juste un peu, juste quelques minutes de quelques baisers, prêt à la prier de prendre sa douche ou son petit-déjeuner avec lui avant qu’elle parte, bref, prêt à grappiller encore un peu de temps avec elle, comme il le faisait à chaque fois que ce moment arrivait. Mais les aveux de la jeune femme le coupèrent de son élan. Sa main se joignit à celle de Juliana qui caressait sa joue, tandis qu’il sondait son regard, les sourcils froncés en signe d’inquiétude.

« Tendu ? répéta t-il. Tendu comment ? » Son pouce se mit à caresser le dos de sa main, d’un geste machinal, et son expression se radoucit légèrement. « Ca va aller ? »

Roy avait participé sans hésiter à cette mission de sauvetage de Klemens, même s’il avait aussitôt compris qu’elle risquait de mettre leur secret en danger. Il avait longtemps discuté avec Juliana, ils avaient élaboré les détails ensemble, pour que l’opération se déroule parfaitement, réglée comme un papier à musique. Mais ils ne pouvaient jamais tout prévoir, et si leur plan leur avait paru fonctionner sous toutes les coutures, il y avait toujours possibilité qu’ils aient oublié quelque chose, ou qu’ils aient éveillé les soupçons de quelqu’un… Ils portaient ce secret ensemble, alors s’il y avait un souci du côté de Juliana, cela le concernait aussi, semblait dire le regard qu’il posait sur elle.

L'inquiétude lisible sur le visage de Roy suffit à augmenter celle de Juliana d'un cran. Elle portait sur ses épaules la responsabilité de protéger leur secret, car les conséquences d'une divulgation étaient difficiles à prédire. Hélas, sa loyauté était partagée entre son compagnon et ses camarades de lutte, et cette situation lui pesait. Dans quelle position elle s'était encore mise, par Merlin !

"Ca va aller, oui", affirma-t-elle, tant pour se rassurer elle-même que pour rassurer Roy. "Je ne peux pas t'assurer à cent pour cent que notre secret va tenir..."

Elle ne rentra pas dans les détails. Juliana ne parlait jamais vraiment de ce qui se passait au sein du Kraken avec Roy, parce qu'elle aurait fatalement révélé des informations confidentielles, et parce qu'elle n'était pas en mesure de dévoiler qui en faisait partie, de toute façon.

"... mais dans tous les cas, ça ira, je veux dire, certes, tu représentes l'ennemi mais... Je pense que les choses sont différentes, après ce que tu as fait pour Klem."

Une expression de douceur et de gratitude apparut sur son visage. Cette mission avait indubitablement changé les choses entre eux, pour le meilleur. Si Juliana avait encore et toujours des problèmes de confiance envers Roy, il lui avait malgré tout prouvé qu'il avait un coeur et que ses activités de mafieux ne représentaient pas tout pour lui. Il avait été à l'encontre des intérêts de son gang en aidant un prisonnier de Skye à s'évader, et prit un gros risque à l'égard de ses alliés du ministère, pour un ancien ami avec qui il paraissait mortellement brouillé... Mais l'opération avait été bien menée grâce à un mystérieux sympathisant de la milice et, a priori, personne n'en saurait rien... Du côté du FREE, en tout cas.

"Je ne sais pas si on aurait réussi à le sortir sans toi", souffla-t-elle avec un sourire. Des remerciements, il n'en aurait pas pléthore, car cela restait des vils trafiquants qui avaient aidé son ami à s'en tirer. Mais au fil des derniers mois, Juliana avait dû apprendre à se montrer un peu pragmatique et à accepter l'aide d'où elle venait...

La façon dont Juliana le regarda procura une sensation que Roy avait bien peu l’habitude de ressentir, pour la simple et bonne raison qu’on le regardait rarement de cette façon. Il se sentit presque gêné, et pourtant indubitablement content, tel un petit garçon farouche à qui l’on venait de faire un compliment. Il fallait dire que Roy ne faisait pas toujours les bons choix dans sa vie, ou en tout cas, pas ceux que l’on attendait de lui, et on ne pouvait pas vraiment le qualifier de quelqu’un de bien : il avait fait trop de choses peu reluisantes, s’était trop souvent laissé tomber dans ses côtés les plus sombres, avait exercé une mauvaise influence sur beaucoup de personnes et s’était laissé influencé en retour… Il avait même perdu des amis, comme Klemens, justement pour tout ça. Mais pour une fois, Roy avait fait le bon choix, sans même y réfléchir. Dès qu’il avait su où se trouvait Klemens, ce qui les avait lié, et qui était toujours présent au fond, avait ressurgi et il avait su qu’il ne pourrait jamais se pardonner de n’avoir rien fait pour tenter de l’en sortir, malgré tous les risques que cela comportait. Il aviserait plus tard…

Ce que disait Juliana n’était pas seulement une façon de lui témoigner sa reconnaissance, mais aussi de lui dire qu’il avait fait le bon choix, et par Merlin, Roy n’entendait pas cela souvent. Cela lui fit un bien qu’il n’attendait pas et qu’il ne sut pas bien comment prendre, si bien que cela s’en ressentit dans la maladresse avec laquelle il répondit :

« Bah c’est normal, je pouvais pas laisser Klem comme ça… »

Il se racla un peu la gorge pour évacuer sa gêne, bien content que la seule spectatrice de ça soit une des rares personnes à qui il pouvait se dévoiler et qui pouvait le prendre en flagrant délit de bienfaisance envers autrui, parce que bon, Roy Calder était sensé paraître moins choupi, d’habitude. Il reporta son regard sur Juliana qu’il contempla avec une douceur nouvelle. Oui, cette mission avait changé les choses entre eux, Roy le sentait également. Jusque là, ils se protégeaient mutuellement, en restant dans le cadre de leurs camps respectifs et ennemis. Cette mission était leur première action en tant qu’alliés, qui leur avait fait prendre des risques à tous les deux, et inévitablement, c’était le genre de chose qui cimentait leur relation.

« Tu m’as aidé à le faire aussi. Sa main se glissa en une caresse sur sa hanche pour l’attirer légèrement contre lui et déposer un bisou de gratitude sur son front. Puis il lança, innocemment : On devrait s’allier plus souvent, on fait un duo efficace. Si jamais tu veux taper sur d’autres mafieux, genre ceux qui m’emmerdent, vraiment, je veux bien t’aider ! »