C’était dingue que Klemens ait réussi à lâcher un tel confort pour recommencer sa vie à zéro, et, il fallait le dire, presque au plus bas de l’échelle. Tel était l’avis de Roy. Autant, il pouvait comprendre la démarche de quitter sa famille pour se débrouiller seul, il avait fait la même chose. Mais les Calder n’étaient ni Sang-Purs, ni bourgeois, sa chute avait été moins difficile à vivre que ce que Klemens avait sans doute subi.

« Je vois parfaitement le genre. »

Il reconnaissait même son propre frère dans « con et pas drôle », mais Roy retint la réplique, plus par manque d’envie d’en parler que de médire sur Jason. Klemens ne lui laissa cependant pas le loisir de rester à la place de celui qui interrogeait. Tiens, les confidences devenaient tout à coup moins drôles quand c’était à son tour de les faire.


« Pas du tout. C’est le grand amour. Comment ça il n’était pas crédible ? Bon, d’accord, il se peut que je sois un peu en froid avec ma famille depuis que je fais du trafic. Surtout avec mes parents et un de mes frères, Jason. C’est moi l’aîné, je dois montrer le chemin, et il appuya l’expression de guillemets mimés. Jason est comme ton frère, tiens, il aime faire la morale lui aussi, sauf qu’il a pas spécialement plus réussi sa vie que moi, donc ça m’agace encore plus. »

Roy agita sa main, l’air de dire que cela n’avait pas grande importance.

« Mais j’me plains pas, j’ai du soutien à côté. Y a vous et y a aussi mon petit frère, Adrian. Il est élève à Poudlard. C’est un digne représentant des Calder, celui-là, il ira loin, c’est moi qui te le dis » conclut-il en croisant ses bras, le sourire satisfait.


Il ne gagatisait pas du tout sur son petit frère.

Klem haussa un sourcil septique alors que Roy affirmait avoir une famille s'aimant d'un amour gigantesque. Avant qu'il ne revienne sur sa déclaration. Il esquissa un léger sourire lorsque le trafiquant évoqua ensuite son petit frère.

"Faudra que tu me le présentes alors"

Son sourire s'agrandit et il s'installa un peu plus confortablement dans le canapé l'air de rien. Il essaya alors de calculer l'âge que ça faisait au plus jeune des Calder. Dix-sept ou dix-huit ans. L'âge que Kaszia aurait également quoique peut-être un an plus jeune. Il chassa le visage de sa sœur de sa tête. Essayer d'imaginer qu'elle jeune fille elle serait devenue ne l'aiderait pas. Pourquoi tous ses souvenirs remontaient-ils maintenant ? Il avait vingt-huit ans pas trente ni quarante. Pas encore l'âge des crises identitaires.

"Tes affaires marchent bien sinon dans l'ensemble ? Peut-être un nouveau projet de développement en cours ? Y parait que les artefacts de magie noire revienne à la mode."

La réponse de Klemens accentua un peu plus son sourire, tandis qu’il haussait les épaules. Pas sûr qu’Adrian veuille bien le rencontrer, lui. Roy voyait d’ici le regard condescendant de son petit frère glissant sur Klemens, le temps de juger position sociale et revenus mensuels, avant de se détourner avec dignité. Car il fallait être honnête, son passé de jeune héritier d’une grande famille bourgeoise polonaise ne se devinait plus vraiment.

« Ah moi, je veux bien. Bon courage après avec lui » lança t-il, l’air de rien.

La conversation dériva sur les affaires du trafiquant, quand Klemens évoqua de nouveau la magie noire. Il ne savait pas trop d’où venait cette mode, un nouveau goût pour l’interdit, peut-être, mais les commerces de l’Allée des Embrumes en faisaient leur miel. La réponse de Roy ne se fit pas attendre, mi-sérieuse, mi-narquoise :


« En effet, t’es bien renseigné. Tu devrais p’têt te lancer, tiens, puisque tu t’y connais en magie noire ! Plus sérieusement, oui, ça marche pas trop mal en ce moment. Décembre, janvier, ce sont nos meilleurs mois, c’est fou comme les gens ressentent le besoin de faire les cons à l’approche des fêtes. Mais c’est pas moi qui vais me plaindre pour les kilos de mandragore que ça me fait vendre… En ce moment, je réfléchis à me lancer dans les produits moldus. Ils sont vachement imaginatifs en matière de drogues, si tu savais, y a moyen de faire virer de bord le plus coincé des SPAM » se moqua t-il, avant de jeter un œil machinal à sa montre.  « Bon quand je commence à faire des blagues nulles, encore plus sur de la politique, ça veut dire qu’il est vraiment tard. C’est pas que je te dégage, mais un peu quand même. » conclut-il, le sourire innocent.

Bon courage ? Cela laissait-il sous entendre que le petit-frère était pire que le grand ? Un léger sourire s'esquissa sur ses lèvres. Quelle famille. Enfin, ce n'était pas comme si les petits gamins même pas encore sortis de l'école l'intéressait réellement. Il préférait éviter les ennuis et se concentrer sur les vrais adultes consentants.

"Je ne crois pas que me lancer là-dedans soit une bonne idée. J'ai pas trop envie de me frotter aux Aurors. Pas de trop près en tout cas. Et pis, j'ai déjà fait quelques livraisons alors j'y touche déjà un peu plus ou moins."

La coup d'oeil que Roy jeta à sa montre ne lui échappa pas mais pour être honnête, il n'avait pas vraiment envie de rentrer chez lui. Ses cafards ne lui manquaient pas vraiment mais il n'avait pas non plus vraiment envie de demander la charité à son ami. Avant qu'une idée ne germe dans son esprit.

"Dis ? Tu crois que ta proposition pourrait commencer dès maintenant ?"

Roy hocha la tête, compréhensif. Certes, le travail illégal procurait en quelque sorte une sensation d’adrénaline que Roy savait apprécier, mais elle était toujours contrebalancée par une pointe d’angoisse quotidienne. Pas seulement du fait des Aurors mais aussi de la difficulté de survivre dans un tel milieu. Il y avait toujours cette appréhension de faire un mauvais pas et tomber dans le vide, car vivre d’un trafic était comme marcher sur un fil : un faux pas, un mauvais plan, une trahison, et tout pouvait s’arrêter du jour au lendemain. Face à ce constat-là, il fallait faire un choix : l’argent ou la stabilité. Roy n’avait hélas pas été long à faire le sien.

« T’as raison. Garde ton boulot chez les frères Weasley, ça vaut mieux. Tu pourras toujours arrondir tes fins de mois avec tes livraisons, au pire. »

Sa tentative pour éjecter Klemens ne fonctionna pas tout à fait. Roy se leva de son canapé, mais ne répondit pas tout de suite, le temps de réfléchir quelques secondes. Tout compte fait, il n’était pas contre l’idée d’avoir son petit déjeuner tout préparé le lendemain. Il jeta un œil autour de lui, son regard se posa notamment sur la vaisselle qui traînait dans l’évier depuis trois jours, les papiers et les vêtements qui jonchaient le sol, puis un sourire malicieux vint orner ses lèvres, tandis qu’il posait la main sur la poignée de sa salle de bains.

« Hum, voyons… Si quand je reviens, cet appart est clean, elle peut commencer, ouais. »


Et il claqua la porte derrière lui, satisfait de la tournure qu’avait finalement prise cette soirée, satisfait de ne pas avoir perdu un ami. 

Le jeune loup hocha la tête. Il avait bien l'intention de le garder son poste chez les frères Weasley. Même si il n'en connaissait qu'un. Il ne savait même pas pourquoi on disait les parce qu'il n'y en avait qu'un qui gérait l'affaire. Peut-être une histoire d'ego ou alors une histoire d'anglais. Ils étaient fous parfois c'est anglais. Il jeta un coup d'oeil circonspect à la pièce. Il se moquait de lui ou quoi ? C'était de l'esclavage à ce niveau là. Il jaugea Roy du regard mais ce dernier partit se planquer dans sa douche.

"Hey, ça se fait pas là ! Vas-y t'es dur !"

Il poussa un soupir avant de sortir sa baguette de son sac et de lancer un sort de rangement pour ensuite la tourner vers la vaisselle sale. Il était littéralement épuisé. Il fallait dire qu'il venait de fournir un effort considérable. Il s'affala dans le canapé de son ami alors que la vaisselle dans l'évier continuait de se laver toute seule et que l'eau coulait sous la douche. Cette soirée s'était plutôt bien terminée finalement, il s'était réconcilié avec son ami et il n'avait plus l'intention de partir. Il finit par s'endormir un léger sourire satisfait aux lèvres, lui donnant un petit air juvénile.