Non-dit [Roy & Klemens]

14 janvier 2008 - Appartement de Roy

Un léger mal de crâne réveilla le jeune loup. Il poussa un léger soupir en sentant un ressort de son lit appuyer fortement contre sa hanche. Ce lit était vraiment arrivé au bout de sa vie. Son appartement aussi vu les moisissures et les fissures qui parsemaient le plafond et les murs. Et lui ? Était-il aussi flamboyant que son appartement ? N'était-il pas lui aussi, un peu épuisé par la vie qu'il menait ? Aller de conquête en conquête pour pouvoir prétendre à un lit et une bonne nuit de sommeil. Des amis décevants. Il ne pensait pas que Roy réagirait de la sorte. Allant presque jusqu'à l'accuser d'avoir abuser de lui. Non pas presque, il l'avait fait. Il l'avait vraiment accusé. Comme si il en était capable. Était-ce donc cela l'opinion qu'on avait de lui ? Un type facile qui était en manque perpétuel et qui irait jusqu'à forcer quelqu'un pour se sentir bien ? Et Valery... Il n'en avait pas cru ses oreilles. Une blague, une stupide blague qui avait mal tourné. Peut-être que si ça avait été avec un autre que Roy, il aurait rit mais pas là...

Il lui fallait mettre un terme à cette situation. Une conversation s'imposait avec son ami. Ou ex-ami ? Il ne savait plus vraiment en fait. Il n'était plus certain de rien. Le temps était-il venu pour lui de refaire ses valises à nouveau ? Non, il n'avait pas tout fait pour décrocher un boulot stable pour se retrouver à nouveau aussi précaire qu'à ses début en Angleterre. Il ne voulait pas revivre sa situation allemande et la France ne le tentait pas tellement. La Pologne ne lui manquait pas non plus à vrai dire. Il se sentait bien ici. Mais si les choses s'envenimaient, il n'aurait plus le choix, la fuite était la meilleure de ses options. Non, il devait résoudre tout cela, c'est ce qui le décida à aller frapper à la porte du trafiquant. C'était pourquoi, il attendait comme un idiot, le lendemain de son anniversaire foireux, devant la stupide porte d'un occupant imbécile. Et la porte s'ouvrit enfin.

"Il faut qu'on parle."

Il n'eut même pas la force de sourire, le regard triste et légèrement fuyant. Il n'aimait pas ces situations merdiques. Vraiment pas.

Pour tout avouer, Roy ne dormit pas très bien, cette nuit-là. Il n’avait eu de cesse de ressasser la soirée qui s’était déroulée chez Valery, en l’honneur de l’anniversaire de Klemens. Quelques bonnes perspectives auraient pu occuper ses pensées, comme le fait qu’il s’était, pour son grand plaisir, rapproché de Juliana, mais les révélations de Valery avaient été un choc trop important à côté pour qu’il songe à autre chose qu’à cet affreux malentendu. La tête pleine d’incertitudes, il se réveilla juste quelques minutes avant qu’on sonne à sa porte. Le temps qu’il se débarbouille et enfile un T-Shirt, il ouvrait une porte sur… Klemens. Comme par hasard.

Ce n’était finalement pas plus mal qu’il soit venu. Il s’était dit même chose que lui, une discussion s’imposait, de toute évidence. Il détestait cette situation de malaise et de non-dits entre eux, pas du tout habitué à connaître ça avec Klemens. Ils s’étaient toujours dit les choses franchement. Même si ça avait déjà chauffé entre eux, jamais ils n’en étaient arrivés à cette situation étrange où ils osaient à peine croiser leurs regards.

« Entre. »

Roy le laissa pénétrer dans l’appartement. Quand d’habitude, il lui aurait proposé à boire, en le laissant s’installer à ses aises sur son canapé, son lit, ou que savait-il d’autre, cette fois-ci, il se trouva bras ballants devant lui. Il se contenta de s’asseoir sans rien dire, attendant que Klemens en fasse de même, face à lui. Temps au ralenti, insupportablement. Agacé par le silence, par la situation, par lui-même, Roy se passa une main consternée sur le visage, avant de reprendre la parole :


« Bordel, tu peux me dire pourquoi on est devenus aussi pitoyables ? »

Klemens entra dans l'appartement de Roy sans un mot. Un silence s'installa, interminable, il regarda le trafiquant s'asseoir sans oser le faire lui même. Il n'avait pas eu l'autorisation après tout, il n'y avait pas été invité non plus. Il soupira imperceptiblement et posa son regard dénué de sentiment sur Roy sans trop savoir quoi dire. Il aurait tellement de chose à dire pourtant. Comme le fait qu'il lui en voulait terriblement pour le manque d'intégrité qu'il lui portait. Il resta donc silencieux jusqu'à ce que Roy prenne la parole. Il fronça les sourcils.

"Je ne sais pas. Peut-être depuis que tu as décidé que je n'étais pas digne de confiance et que tu te permets d'affirmer que je suis capable d'abuser de toi alors que je t'affirme le contraire."

Son ton s'était durci. Voilà, c'était dit.

"Finalement ce n'est pas "on" qui est pitoyable, Calder, mais bien toi."

Ça ce n'était peut-être pas nécessaire mais il était vraiment en colère et blessé. Et si Roy n'était pas content, c'était pareil de toute façon. Au point où ils en étaient de toute façon, ça changerait pas grand chose.

Calder. Il l’appelait comme s’ils se connaissaient depuis trois jours. Non, ils n’avaient pas non plus gardé les cochons ensemble, mais c’était tout comme. L’attitude plus que les mots blessèrent Roy, et ce n’était pas peu dire, compte tenu des mots assassins en question.

« Peut-être qu’à force d’insister pour me mettre dans ton lit, j’ai fini par ne plus savoir quelles étaient tes limites, Klemens, y a pas de fumée sans feu »


Il s’arrêta là. Non, il lui fallait ravaler son envie de rétorquer des choses qu’il regretterait plus tard. C’était facile de céder aux insultes, beaucoup moins d’essayer d’arranger les choses. Et Roy estimait qu’ils s’étaient suffisamment méprisés mutuellement ces derniers jours. Bon sang, cette discussion l’épuisait déjà.

« Ecoute, je nie pas avoir été con, soupira t-il, sur un ton plus calme. J’ai réagi de façon un peu… disproportionnée, ok. Mais je savais vraiment pas quoi penser sur le coup, on était bourrés tous les deux, on savait pas ce qu’on faisait, ‘fin voilà, ça aurait pu arriver. Je t’ai toujours accordé ma confiance, Klem, putain mais quelle confiance tu veux que j’accorde à deux mecs bourrés qui se souviennent de rien le lendemain ? Comment on aurait pu savoir ce qui s’était vraiment passé ? »



Il avait juste choisi la version qui l’arrangeait le plus, comme il le faisait toujours, la version où Klemens était le seul coupable, parce que c’était plus facile que de se remettre en question.

"Mes limites ? J'hallucine. T'es un beau connard. Tu pensais vraiment que j'irais jusque là ? Sérieusement ?"

D'accord, il avait peut-être été un peu lourd mais de là à imaginer qu'il pourrait le faire sans le consentement de Roy. Même bourré. Il avait encore une certaine morale. Pas comme la bête. Pas comme d'autres personnes. Il n'était pas foncièrement méchant, jamais il... Rien que le fait de l'imaginer. Une vague de tristesse l'envahit. Il pensait vraiment que Roy avait compris qu'il ne l'aguichait que pour rire. Que tout cela n'était qu'un jeu.

"Disproportionné, ouai c'est ça."

Un rire sans joie lui échappa. Et son poing s'écrasa sur le visage de Roy. Ce que ça pouvait faire du bien. Il toisa le trafiquant de toute sa hauteur, mettant bien en avant la petitesse de l'homme et son infériorité.

"Tu as raison, on pouvait pas savoir. Mais merde, on était deux dans le même pieux. Pourquoi rejeter toute la faute sur moi ? Il t'est jamais venu à l'esprit que peut-être une fois bourré t'en aurais eu envie ? Ben non, c'est tellement facile de dire que tout est de la faute d'un loup-garou complètement paumé, fauché et un peu pervers et salace. Aller avoue. Avoue-le que c'est ce que tu penses. Dis le que j'te fais pitié et que tu me prends pour un moins que rien capable du pire."

Il allait peut-être un peu loin là, non ? Mais ça faisait du bien de laisser s'échapper sa colère et la frustration qu'il ressentait. Tellement de non-dits.

Il fallait s’y attendre. On ne pouvait pas dire qu’il avait fait semblant. Roy sentait déjà se répandre le goût métallique du sang dans sa bouche, mais la douleur ne l’empêchait pas d’entendre Klemens cracher sa verve. Les derniers mots furent ceux de trop. Sans réfléchir, Roy le saisit au col. Il avait mérité le coup de poing ? Très bien. Il n’y avait pas de raison que Klemens n’y goûte pas non plus, après tout ce qu’il venait de dire. En général, Roy préférait s’en sortir avec des mots, c’est là où il était le plus doué, mais il savait reconnaître aussi les situations où les poings étaient plus efficaces, et il espéra que le crochet du droit qu’il balança à l’estomac de Klemens était assez éloquent pour lui.

« T’arrêtes un peu de dire des conneries ? Pauvre petit loup-garou mal-aimé par la vie, ah tiens, maintenant on se plaint ? Monsieur-laissez-moi-seul-je-ne-veux-pas-de-votre-pitié ? T’as même pas besoin de moi pour te rendre pathétique, c’est toi qui te rabaisse tout seul, là. T’as pas l’impression d’extrapoler un peu, nan ? J’ai jamais rien dit de tout ça, je l’ai même jamais pensé. Mais puisque tu sais mieux que moi ce que je pense de toi… »

Il le relâcha d’un geste rageur, le poussant un peu du même coup. Agacé que Klemens lui fasse un tel procès d’intention. Frustré qu’il ait malgré tout raison sur certains points.

« Tu sais quoi ? Peut-être bien que t’as raison. Peut-être bien que j’ai flippé que ça se soit vraiment passé, et que j’étais consentant. C’est bon, t’es content comme ça ? T’as obtenu ce que tu voulais ?  C’est ça que tu voulais entendre , « Oui Klemens, j’ai cédé » ? Tout ça pour satisfaire ton ego à deux balles ? Oh mais excuse-moi de ne pas avoir accueilli ta victoire avec un grand sourire en me réveillant, excuse-moi de m’être senti lésé sur le coup » acheva t-il, le ton plus qu’ironique.

Les excuses pour les propos blessants qu’il avait tenus ensuite ? C’était plus difficile à faire sortir, étrangement.

Heureusement qu'il n'avait rien dans le ventre fut la seule pensée assez cohérente de Klemens lorsque le poing de Roy le prit par surprise. Il aurait sans aucun doute rendu tout son déjeuner sur le trafiquant dans le cas contraire. Il eut un instant le souffle coupé, ce qui l'empêcha d'ailleurs de répliquer. Il laissa échapper un grognement qu'il avait tenté de retenir du mieux qu'il avait pu pour ne pas montrer sa surprise plus que sa douleur à dire vrai. Même si Roy avait un sacré crochet du droit, il le reconnaissait bien volontiers. Il jeta un regard noir à son vis-à-vis lorsque ce dernier le repoussa. Il prit sur lui pour ne rien laisser paraître et se redressa de toute sa hauteur.

"J'en ai rien à foutre de tes excuses. Et j'en ai rien à foutre que t'es cédé. C'est ce que t'as dit après qui me plaît pas. Alors ok, tu t'es senti, je sais pas quoi, lésé peut-être. Un peu perdu ok. Mais... oh et puis tu sais quoi ? Laisse tomber."

Il en avait assez de devoir toujours se justifier. Il ne voulait pas qu'on le plaigne de toute manière et montrer à Roy qu'il avait été blessé par son attitude ne changerait rien du tout.

"Je sais même pas pourquoi je suis venu en fait. Je sais pas ce que je croyais. Je pensais peut-être avoir une explication sur ton attitude et tes paroles blessantes autre que "j'ai été lésé et blessé dans ma virilité du coup j'm'en prend à mon pote". Mais ok, pas de problème vas-y continu j't'en prie. C'est pas comme si ça me faisait vraiment quelque chose après tout hein ?"

Il n'avait pas eu de remord, il y avait dix ans, pourquoi en aurait-il maintenant ? Il avait peut-être finalement vraiment fait le tour de la question. Il n'était pas capable de garder des amis et une situation stable. Tout foirait à chaque fois. C'est légèrement résigné qu'il se dirigea vers la porte de Roy.

"J'crois que tout a été dit. Merci pour les potions, j't'embêterais plus avec ça désormais. J'me débrouillerais. Comme je faisais dans les autres pays."

Enfin, il éviterait de faire le tapin si possible quand même. Il s'arrêta à quelques millimètres de la poignet de la porte et regarda une dernière fois celui qui avait été son ami dans l'espoir peut-être un peu fou qu'il le retiendrait.

Stop, stop, stop. Comment ça, dans les autres pays ? Pourquoi il parlait d’autres pays comme ça, l’air de rien ? Pourquoi Roy avait-il l’horrible impression que s’il laissait Klemens partir, il y avait des chances qu’il ne quitte pas seulement son appartement, mais qu’un jour, il se barre définitivement ?  Il se souvenait encore de ses mots, quelques mois plus tôt, mots qui tournaient à présent en boucle dans sa tête à une vitesse hallucinante. « Si vraiment les choses tournent mal, je peux encore partir. Je n'ai pas d'attache ici, pas de famille. »

Et si les choses étaient justement en train de tourner mal ? Très mal ?

Les mots ne marchaient pas. Les poings non plus. On disait parfois de Roy qu’il avait des éclairs de génie, surtout pour se sortir de situations difficiles… Sauf qu’il n’arrivait actuellement pas à comprendre en quoi c’était un éclair de génie d’essayer de retenir Klemens en lui roulant une pelle.

Doux baiser ? Loin de là. Vu de l’extérieur, on aurait pu confondre la chose avec une prise de catch. C’était drôle cette façon qu’il avait de l’embrasser comme s’il avait envie de lui coller une raclée magistrale. Finalement, c’était peut-être une méthode encore plus violente que les poings. Il y mit toute sa rage, toute son envie de lui prouver que non, il n’avait jamais été répugné parce que pouvait être Klemens, et oui, il était un con qui avait la langue aussi prompte à sortir des conneries qu’il regrettait, que des lèvres impulsives qui n’allaient… peut-être pas tant regretter que ça. Et Roy ne fut pas moins brutal lorsqu’il le relâcha.

« Tu vas m’écouter et me croire maintenant ? On peut parler, là ? Non, en fait, non, ferme ta gueule. Tu dis toujours que des conneries. Si maintenant t’as toujours l’impression que je te considère comme un moins que rien, c’est que t’es vraiment con, Klem. »

Et il rajoute en plaquant son poing contre la porte, pour faire bonne mesure, et parce qu’il aime faire obéir les gens, aussi :


« Et t’as pas intérêt à sortir de cette pièce sans mon autorisation. »

Spoiler:

 

 

Les lèvres de Roy sur les siennes le surprirent suffisamment pour l'empêcher de répondre à l'étreinte. Il laissa le trafiquant faire, les yeux écarquillés et les bras ballant. Lorsqu'il reprit pleinement ses esprits, son ami s'était reculé et c'est légèrement penaud que le loup baissa la tête. Le baiser de Roy avait été... étrange. Il sentait encore sa violence sur ses lèvres. Et ça ne lui redonnait pas vraiment envie de recommencer non plus. Sauf si Roy en avait envie. Il n'allait pas dire non, cela aurait été un peu inconscient en fait.

"Ok, je bouge pas"

Des paroles tout à fait cohérentes mais que pouvait-il dire d'autres ? Il cherchait mais ne trouvait pas. Un léger sourire s'esquissa alors sur ses lèvres.

"On recommence quand tu veux. Mais en moins violent, si possible. Enfin, s'tu veux. J't'oblige pas."

Léger sourire amusé aux lèvres. Finalement, Roy était doué pour les excuses et il savait en faire aussi. Il s'était trompé sur toute la ligne et il en était heureux.

Et voilà. On faisait preuve de violence, on allait jusqu’aux méthodes extrêmes et ça marchait. On obtenait un Klemens tout doux, tout calmé. Roy s’en serait frappé la tête contre le mur, tiens. Il relâcha son emprise sur sa porte, en soupirant bien fort. Qu’est-ce qu’il venait de se passer, ces trente dernières secondes ? Il devait être tombé sur la tête pour avoir tenté une telle chose. M’enfin. Cela avait fonctionné.

« Hé. N’en profite pas non plus, hein. »

Tiens, cela faisait combien de temps qu’il n’avait pas envoyé un coup de coude dans les côtes de Klemens, juste pour le plaisir de le rabrouer gentiment ? D’accord, cinq jours. Mais c’était déjà trop ! Est-ce qu’ils s’étaient excusés ? Semblerait-il. Un petit rire lui échappa, mi-nerveux, mi-sincère, mi-désabusé, mi-il ne savait pas trop, mais ça faisait du bien quand même, quand il déclara :

« Purée, qu’est-ce qu’il faut pas faire pour faire rentrer les infos dans ta tête de mule, n’empêche… Une pause, avant qu’il ne pense, de nouveau, à ce qu’il venait de faire. Hé. On dit rien à Valery, hein ? Je sens qu’il va devenir insupportable. »

Nouvelle pause. Cette fois, ce fut un sourire à demi-machiavélique qui prenait place sur ses lèvres.

« On pourrait lui faire une blague nous aussi, en fait. Ca ne te dit pas te venger ? Même juste un peu ? »


Et il insiste parce qu’il se doute que Klemens ne lui en veut pas autant que lui.

Un léger rire lui échappa alors que Roy lui balançait un coup de coude dans les côtes. Il n'aurait jamais cru penser cela mais cela lui avait manqué de pouvoir plaisanter comme ça avec son ami. Même si il n'irait pas tenter le sort trop loin ce soir. Tout était encore bien bancale.

"Attend, je crois que ma tête de mule à pas tout bien saisie. Faut que tu recommences."

Il s'approcha de son ami avec un sourire amusé avant de mettre ses lèvres en cul de poule et devenir déposer un bisou baveux sur la joue du trafiquant. Il fronça les sourcils, peu satisfait par la tournure que prenait la conversation. Une vengeance ? De quel style ? Il s'était déjà embrouillé avec un pote, il était pas sûr de vouloir faire pareil avec le deuxième.

"Euh... je sais pas trop. Tu proposes quoi ?"

Roy leva les yeux au ciel lorsque Klemens lui suggéra d'exprimer de nouveau ce qu’il avait eu tant de mal à lui faire comprendre. Il pouvait toujours courir pour un autre baiser. En revanche, maintenant qu'il s'était calmé, Roy pouvait essayer de revenir à la méthode civilisée des mots, histoire que ça s'imprime correctement et durablement dans sa cervelle. Et il fit l’effort de bien les choisir, histoire de ne pas retomber dans un affreux malentendu, encore une fois.

« Klemens Dabroski, il aimait bien appeler les gens par leur nom complet de temps en temps, ça faisait tout de suite plus sérieux, j’ai été con pour tout ce que j’ai pu te dire sous le coup de la colère. Et tu as été con pour croire une seconde que notre amitié était du pipeau, que je te considérais comme un salaud sans aucune valeur, un minable petit loup fauché, ou je sais pas trop quoi d’autre qui t’es passé par la tête. C’est bien rentré, cette fois ? T’as pas intérêt à me bouder avant au moins dix ans, ou à te barrer dans j’sais pas quel pays louche, parce que tu viens d’épuiser mon quota d’excuses, là. »


Il le laissa l’embrasser sur la joue non sans une grimace pour la forme –berk, un bisou baveux- avant de reprendre place sur le canapé qu’il avait quitté quelques minutes plus tôt. Plus sereinement que tout à l’heure, heureusement.

« Un truc pas méchant, t’inquiète, le rassura t-il. Juste pour le faire poireauter un peu. Il nous a bien fait attendre avant de nous faire connaître sa blague, non ? On pourrait lui faire croire qu’on s’est pas encore réconciliés… Ou alors lui donner deux versions différentes de l’histoire pour le faire tourner en bourrique, parce que « Oh, je ne me souviens plus bien de ce qui s’est passé, j’étais trop bourré », proposa t-il, un sourire railleur aux lèvres.


Roy rancunier ? Oh, si peu.

Roy avait un quota d'excuses ? Sérieusement ? Klem laissa échapper un ricanement, ça l'étonnait qu'à peine après réflexion. Le trafiquant avait un quota pour tout donc un quota d'excuses semblait même plutôt logique.

"J'ai compris. Je te bouderais pas si un jour je décide de partir. Ce sera pas ta faute, j'te promets."

La discussion prit un air plus décontracté et il se laissa tomber sur l'un des fauteuils de Roy avant de réfléchir sérieusement à sa proposition.

"Ok, on le laisse croire qu'on est pas réconcilié. Ça me va mais c'est juste pour satisfaire ton ego hein."

Petit sourire candide. Il jeta alors un regard sur le frigo de son ami.

"Dis t'as pas à boire ? J'ai soif et si t'as à manger aussi, ce serait cool. J'ai la dalle. Les émotions, ça creuse."

Roy n’était pas complètement satisfait de sa réponse, tout de même. Il ne souhaitait pas que Klemens s’en aille par sa faute, il ne souhaitait pas qu’il s’en aille tout court, en fait. Mais il savait qu’il ne pourrait pas le retenir le jour où son ami aurait vraiment envie de quitter l’Angleterre, pour des raisons qui n’appartiendrait qu’à lui. Roy ne savait pas grand-chose de son histoire, d’ailleurs. Pourquoi avait-il quitté la Pologne ? Mystère, Klemens ne lui en avait jamais parlé, et Roy avait toujours pressenti que lui poser des questions dessus équivaudrait à un remballage dans les règles de l’art. Il n’insista donc pas, sentant que ce n’était sûrement pas le moment de relancer une discussion houleuse.

La suite le satisfit davantage, un large sourire orna ses lèvres. Pour satisfaire son ego, oui, et pour faire un peu poireauter Valery, il le méritait bien.

« Parfait. »

Il agita sa main en direction de son frigo, lorsque le loup-garou lui fit part de sa faim.

« Sers-toi. Euh j’ai surtout du soda et de la bière, j’crois. Alimentation équilibrée, bonjour. Mais si t’as envie de cuisiner, je ne te retiens pas, au contraire. »

Bien au contraire, c’était toujours une corvée quotidienne en moins.


« D’ailleurs, si t’as encore besoin de potions, notre marché tient toujours. » rappela t-il, à toute fin utile. Parce que lui avait encore besoin d'un larbin.

Le sourire satisfait de Roy lui fit hausser les yeux au ciel. Le trafiquant était parfois peu difficile à contenter. Proposez lui de faire une crasse à un pote et hop, il était content. Il se dirigea néanmoins sans un mot vers le frigo d'où il sortit une canette de soda. Mieux valait éviter la bière, la dernière fois qu'il avait bu en présence de Roy, ça s'était mal terminé. Il trouva un reste de jambon qu'il renifla suspicieusement avant de décider qu'au pire ça le tuerait pas mais lui donnerait juste envie de courir aux toilettes.

"Ouai ben, j'sais pas cuisiner. La plupart du temps, c'est trop cuit ou pas assez. J'm'y suis fait à force mais heureusement que je suis pas difficile des fois."

Il réussit à dégoter un restant de fromage et en fouillant dans les placards autour du frigo, il trouva même une boîte de raviolis. Il décida de tenter le tout pour le tout et d'un sort attira une casserole à lui. Et fit chauffer la boite. Comme il s'y attendait, les raviolis du fond finir carbonisés.

"Tu veux un raviolis grillé ?"

Léger sourire moqueur aux lèvres et il se rassit sur le canapé en face de son ami. Il reconsidéra alors la proposition du trafiquant. Peut-être que pour une fois et puis, il aiderait Roy surtout. Ce n'était pas comme si il allait les lui donner complètement ces potions.

"Je vais en avoir besoin d'une pour février donc si ça tient toujours, oui pourquoi pas. Mais j'te préviens, je fais pas la cuisine. T'as bien vu même les raviolis j'sais pas les faire cuire."

« Attends, tu peux pas être pire que moi niveau cuisine. »

Les plats que Roy savait faire de ses petites mains ne dépassaient pas le niveau des patates à l’eau. Avec de la magie, c’était pire. Autant il s’était toujours débrouillé en potions ou en botanique à Poudlard, autant Flitwick s’était arraché les cheveux sur son cas en cours de sortilèges. Irrécupérable.

Il regarda donc Klemens se battre avec un paquet de raviolis, jusqu’à finir par les griller. C’était… inattendu. A la vue du plat à moitié carbonisé, Roy fut partagé entre l’envie de se frapper le front et celle d’éclater de rire.

« Quoique. En fait, t’es peut-être pire, rectifia t-il. Mais comment t’as cuit ça, sérieusement ? T’as pas le droit de foirer des raviolis, c’est la base ! Va te falloir un petit stage de vie à la moldue, toi. »

Il disait ça, mais il piquait quand même de sa fourchette deux ou trois morceaux. C’est qu’il avait quand même payé cette boîte, elle n’allait pas finir à la poubelle si facilement ! Il servit donc une bonne assiette à Klemens et la poussa vers lui, l’air de lui dire « Allez, assume et mange, maintenant ».

« Maintenant que j’ai vu de quoi t’es capable, ouais, je préfère encore que tu te tiennes loin de ma cuisine, ricana t-il. Par contre, si tu me dis que tu peux pas t’occuper du linge non plus, t’es viré. T’as qu’à te servir de ta baguette, t’étais si nul que ça dans ton école de magie en terre inconnue ou quoi ? »


Roy ne connaissait rien de sa vie d’avant. C’était une question comme une autre pour aborder le sujet en douceur.

L'air de Roy devant sa casserole de raviolis le fit éclater de rire. Il remarqua également la bonne portion que le trafiquant lui versa avec amusement. La roublardise du bonhomme ne l'étonnait même plus. Et puis, il avait faim, il allait même finir la casserole si ça se trouvait. Il était vraiment pas difficile. De toute façon, il n'en avait pas les moyens non plus.

"J'suis pas sûr qu'un stage de vie moldue serve à grand chose tu vois. Et j'ai cuit ça comme j'ai pu avec du feu."

Léger sourire moqueur et il se dépêcha d'avaler son assiette en quelques coups de fourchette avant de se resservir une nouvelle portion de raviolis.

"C'est bon le carbonisé en fait, ça donne un p'tit goût en plus. Tu veux goûter ?"

Bon la casserole était vide mais il voulait bien partager son assiette hein, pas de problème. Il était pas radin lui, il voulait bien partager avec les autres sans problème. Il tendit son assiette à Roy avec un petit sourire. Avant d'éclater de rire sur sa remarque sur le linge.

"T'inquiètes pas pour ça, j'ai pas de soucis avec la lessive. Et dans mon école, on apprenait la magie noire alors ta lessive, jeu d'enfant."

Petit sourire innocent et raviolis avalés.

« Bah, ça t’ouvrirait l’esprit vers une nouvelle culture, y a des trucs que les Moldus font vachement mieux que nous ! »

C’était la minute mardolienne. Roy observa Klemens avaler la demi-tonne de raviolis qu’il y avait dans son assiette en quelques minutes à peine. Eh bien, lui qui avait eu peur du gâchis. Il se souviendrait de la technique « profiter de l’appétit d’un ami affamé », en cas de plat raté. Roy picora son assiette, se contentant d’attendre sagement que Klemens en finisse les trois quarts.

Sa déclaration suivante le fit hausser les sourcils de surprise. Lui qui avait grandi dans une école où le seul cours abordant la magie noire s’était déroulé durant l’année des Ténèbres –sale souvenir, d’ailleurs-, il trouvait ça plutôt aberrant qu’on l’enseigne à des jeunes adolescents, souvent trop inconscients et en perte de repères. Entre les petits crétins en quête de sensations fortes, et les petites graines de néo-Mangemorts, il était dangereux d’enseigner ce genre de choses à cet âge-là. Roy, dealer de son état, n’était sans doute pas le mieux placé pour faire ce genre de leçon de morale, mais cela ne l’empêchait pas de rester lucide sur ce genre de choses. Il avait un petit frère à Poudlard, lui, et il n’avait aucune envie qu’on lui fasse de la pub de magie noire ou de substances illicites à l’école. Si tu passes par là, Adrian, fais ce qu’il dit, pas ce qu’il fait, surtout.


« De la magie noire, carrément, s’exclama t-il, sans masquer sa surprise. Ils vous enseignent ça normal, quoi. C’était où ? Raconte. Je connais pas grand-chose de toi, en fait. »

"Je sais, je vis à la moldu presque tout le temps tu sais."

Il esquissa un léger sourire à Roy, la vie de nomade n'était pas simple et il côtoyait tellement le monde moldu lors de ses voyage qu'il avait pris l'habitude de vivre comme eux. Il ne sortait sa baguette que pour des sorts mineurs et que lorsqu'il était sûr d'être seul ou entouré de moldu. La magie faisait également partie de son passé. Comme beaucoup de choses désormais. La remarque de Roy le fit alors sourire.

"La magie noire n'est pas aussi mauvaise que tout le monde le croit. Ce n'est qu'un nom pour désigner une autre forme de magie un peu plus brutale. La magie quelque soit son nom est un outil pour les sorciers. Ce qui fait la différence, c'est le sorcier et ce qu'il compte faire avec sa magie. La magie que tu emplois et que tu appelles blanche, avec de mauvaise intention, peut devenir aussi dangereuse qu'un sort de magie noire. Comme ce couteau par exemple, moi je m'en sert pour couper mes raviolis mais quelqu'un d'un peu fêler va s'en servir pour trouer le bide de son pote."

Son sourire s'agrandit légèrement alors qu'il fixait Roy. Il entendait encore la voix de son professeur de magie noire leur expliquant toutes ces choses. Le sorcier faisait tout, la magie, elle, n'est qu'un outil. Il ne pensait pas devoir l'expliquer à quelqu'un un jour. Il se rappela alors qu'il n'avait pas répondu à la question de son ami.

"J'ai étudié à Durmstrang avec mon frère. Et y a pas grand chose de plus à dire si ce n'est que mes amis de l'époque m'ont sauvé la vie avec de la magie noire le jour de mon agression. Alors pour moi, c'est vraiment la personnalité du sorcier qui fait la différence. Un sort reste un sort."

Il devait toutefois reconnaître qu'il ne lui viendrait pas à l'idée d'utiliser le legilimencie à tout bout de champ. Pour l'occlumencie, c'était encore différent puisqu'il avait appris à fermer son esprit très jeune et c'était presque naturel d'ériger des barrières mentales autour de son esprit.

Le point de vue de Klemens se justifiait. Roy n’était pas pour autant convaincu de la partie « c’est juste un peu plus brutal », mais il laissa Klemens finir. Le Ministère de la Magie anglais condamnait la magie noire depuis des générations. Ce n’était peut-être pas le cas en Europe de l’Est, Roy n’en savait pas grand-chose, mais il était dans ce cas-là logique qu’ils aient reçu des points de vue différents sur la question.

« Pas faux mais faut quand même reconnaître que la magie noire pousse plus celui qui l’utilise à mal s’en servir que la magie blanche. Elle est beaucoup plus puissante, et surtout beaucoup moins règlementée, pour ne pas dire qu’il n’y a pas de limites, c’est ça qui est dangereux. Aucun sort interdit, des pratiques quand même bien louches, c’est pas juste une question de brutalité… » commença Roy, avant qu’il ne remarque de Klemens le fixait avec un peu trop d’insistance, avec son couteau. « Ca va, j’ai compris l’idée ! ‘me regarde pas comme ça en disant des trucs pareils, tss »

La suite le laissa un peu plus pensif. Il fut tout d'abord surpris d'apprendre qu'il avait un frère, mais ce ne fut pas ce qui retint le plus son attention. Klemens venait d’évoquer, peut-être sans s’en rendre compte, un épisode de sa vie sur lequel le trafiquant s’était toujours posé des questions. Hors de question de laisser l’occasion filer.


« Le jour de ton agression… répéta Roy. Allait-il oser demander ? Oh et puis mince, ils n’en étaient plus à ça près, et Roy n’était pas non plus réputé pour sa délicatesse. C’était maintenant ou jamais. Ca s’est passé comment ? »

Il écouta le point de vue de son ami tout en restant assez septique. C'était vrai que tous les méchants avaient utilisé de la magie noire parce que ça faisait des trucs pas forcément très joli. C'était aussi vrai qu'il y avait moins d'interdit. C'était un peu comme la science folle des moldus. Les expérimentations pas très bien contrôlées et qui souvent finissaient mal. La magie noire était la branche obscure et incertaine de la magie mais qui en étant parfaitement connu pouvait être contrôlée et utilisée. L'ignorance faisait beaucoup plus de ravage que le savoir.

"Je crois surtout que ce qui fait du mal, c'est l'ignorance et les expérimentations mal contrôlées dû à un manque de savoir. Mais tu as sans doute raison dans le fond. Mais faut aussi dire que c'est tellement peu enseigné que c'est clair que ça t'apporte un truc en plus sur ton CV."

Il esquissa un sourire amusé avant d'abaisser son couteau en éclatant de rire suite à la remarque de Roy. Et là, sans trop savoir pourquoi, il parla sans réfléchir. Pourquoi donner le jour de son agression comme exemple ? Roy s'était engouffré dans la perche tendue. Il aurait dû le savoir pourtant, il aurait dû s'en douter et le prévoir. Il détourna légèrement le regard. Repenser à cette nuit là ne l'enchantait pas plus que cela et en parler encore moins. Mais il sentait que Roy avait le droit de savoir et à présent, il en savait trop et en même temps pas assez, il ne pouvait plus se taire.

"C'est... j'aime pas tellement en parler. C'est confus, j'me rappelle plus vraiment..."

Il prit néanmoins une profonde inspiration avant de continuer.

"C'était l'été, on venait de finir notre dernière année et avec des potes, on avait décidé de camper à côté d'un petit lac sympa pas très loin de chez moi pour fêter ça. La guerre contre Voldy chez vous était fini et tout mais les mangemorts et certains loups partisans qui étaient en fuite allaient vers l'est. Par chez nous du coup. Et j'sais pas trop, celui là était sûrement en fuite depuis quoi deux-trois mois et venait d'arriver dans la région j'sais pas et j'm'en fous. Le truc c'est que c'était la pleine lune ce soir là et avec mes potes, on trouvait ça vachement cool tu vois. Le petit frisson d'aventure morbide. On s'amusait à faire flipper les filles en imitant le loup-garou et tout. Le truc qu'a été moins drôle c'est quand le vrai loup est sorti des bois. Après, ça a été un peu confus. Je crois que j'ai hurlé aux autres de courir mais c'est moi qui était le plus près des bois alors il m'a sauté dessus et m'a mordu. Il m'aurait égorgé si mes potes l'avaient pas tué. La suite j'la connais pas parce que j'étais évanoui. Je sais même pas qui c'est qu'a lancé l'avada. Mais sans lui, je s'rais pas là aujourd'hui."

Il se tut, légèrement gêné en regardant tout sauf Roy. Bordel, pourquoi il avait fallu parler de ça ?

Le discours que Klemens entama, Roy le suivit jusqu’au bout, sans l’interrompre. Il tenta de garder l’expression la plus neutre possible, pour ne pas influencer Klemens dans son récit ou le décourager à poursuivre. A certains passages, il dut faire quelques efforts pour réprimer ses frissons. Mais il écouta attentivement jusqu’à la fin, jusqu’à ce qu’il remarque que Klemens fuyait son regard comme s’il… avait honte. Roy resta décontenancé quelques secondes. De quoi avait-il tellement honte ? Ce n’était pas comme s’il lui annonçait être un loup, Roy le savait déjà et cela ne les avait pas empêchés de nouer une amitié. Le fait qu’il se livre à lui de cette façon était, aux yeux du trafiquant, une façon de renforcer cette amitié, et non pas d’enfoncer un peu plus le loup dans la crainte de son regard. C’était peut-être ça, d’ailleurs. Klemens craignait sa réaction.

« Sois pas si gêné, Klem, y a pas de raison, j’te juge pas plus qu’avant, tu sais… Au contraire, merci de m’avoir dit. Je sais pas si ça te soulage d’un poids ou pas, mais, moi c’est le cas. Ca fait du bien de se dire les choses, au lieu de cacher ce qui nous rend pas très fiers, tu crois pas ? »


C’était une leçon qu’ils devaient tirer de cette soirée, tous les deux. Roy avait fait ses aveux, Klem venait de faire les siens. Et c’était une bonne dose de non-dits pesants en moins, du point de vue du trafiquant. Il arrivait parfois à Roy de se demander s’il était indigne de recevoir des confidences de son ami. Il lui était reconnaissant de lui avoir prouvé le contraire, ce soir, et pour une fois, Roy ne lui offrit ni un sourire en coin, ni un sourire moqueur, mais un vrai sourire sincère. Le fait que Klemens lui livre les détails d’une histoire qui lui tourmentait encore n’était pas un geste anodin.


« En tout cas, je me doutais pas que notre guerre avait eu des répercussions jusqu’en Pologne… C’est dingue. Ces saletés de mangemorts ont fait de sacrés dégâts. Tout ça pour une connerie d’idéologie raciste. Il serra le poing. C’était dans ces moments-là que la voie mardolienne sur laquelle McNeil l’avait engagé bien malgré lui commençait à le faire réfléchir. Mmh, je comprends mieux ce que tu disais sur la magie noire, maintenant. »

La voix de Roy le tira de ses pensées et lui fit relever la tête. Cette période de sa vie n'était pas sa préférée et de loin. Il aurait même plutôt dit le contraire. Alors que son ami lui affirme qu'il ne le jugeait pas le réconforta légèrement. Il esquissa un léger sourire avant de hocher la tête distraitement. Se dire les choses. Il n'avait pas tout dit. Mais ce secret, il comptait bien l'enterrer avec lui dans sa tombe.

"Votre guerre a réveillé de vieux démons un peu partout."

Cela avait rappelé le temps sombre sous Grindelwald aux plus anciens. Il voyait encore sa mère trembler devant son symbole. Il poussa un léger soupir avant de s'obliger à sourire.

"Mais bon, c'est un temps lointain et une autre vie où j'étais un sale fils de riche un peu trop sûr de lui. Et un vrai emmerdeur si on prêtait un temps soit peu d'attention à ce que racontait Jacek. Ce qui en toute honnêteté ne me faisait ni chaud ni froid."

Son sourire se fit plus franc. Il avait intentionnellement évité de parler de Kaszia et de ses lèvres pincées quand il faisait une mauvaise blague à leur frère. Sa soeur était un sujet beaucoup trop sensible.

Roy nota le sourire un peu forcé de son ami, et mit ça sur le compte du contenu dans leur discussion, pas très joyeux, il fallait l’avouer. Ce n’était jamais drôle de revenir sur le passé, surtout quand on cherchait à s’en défaire. Roy devait s’estimer heureux d’avoir réussi à faire parler Klemens sur quelques morceaux de ce passé, sur lequel il avait toujours été secret jusque là, comme s’il voulait définitivement l’oublier. Grattant sa barbichette d’un air pensif, Roy finit par reprendre la parole :

« En résumé, t’étais un mec riche et sang pur qui avait tout ce qu’il voulait en Pologne… C’est à se demander pourquoi t’es parti. Jacek, c’est ton frère ? Tu t’entendais mal avec lui ? »

Ca serait une situation qui lui serait tout à fait familière, Roy avait aussi donné en conflits fraternels. Mais « ni chaud ni froid » ? Etrange. Jamais une dispute avec Jason ne le laissait de marbre, il n’en ressortait que plus en colère et blessé, à chaque fois. Ils n’en étaient pas arrivés à ce point de non-retour où chacun était parfaitement indifférent à l’autre.


« Je te force pas à m’en parler si tu veux pas, hein. »

Il avait peut-être un quota de confidences en une soirée, aussi ?

"En gros c'est ça. Sauf que je suis pas de Sang-pur. Juste de la grosse bourgeoisie qui arrive avec son fric à faire à peu près tout ce qu'ils veulent et à entrer à peu près partout même dans les grosses réceptions mondaines."

Le quota de confidence était élevé ce soir. Roy aurait-il mis quelque chose dans ses raviolis ? Histoire de le faire parler ou un truc du genre.

"Et oui, j'ai quitté tout ça. Parce que le fric rend les gens cons et que je me sentais pas à l'aise chez moi."

Mais aussi et surtout parce qu'il avait commis un homicide. Mais, il n'était pas encore suffisamment déboussolé pour lâcher l'info.

"Et ouai, Jacek, c'est mon grand frère. Ça a jamais été le grand amour entre nous. C'est tu sais, genre le fils parfait. Celui qui a toute l'attention de tout le monde et qui nourrit tous les espoirs. Et sérieux, sa place m'intéressait pas, j'étais pas jaloux mais ce qu'il pouvait être con et pas drôle. Toujours à moraliser tout le monde et à profiter de sa position d’aîné pour te faire bien comprendre que t'étais une sous-merde."

Le jeune loup haussa les épaules avant de boire une gorgée de soda.

"Enfin voilà, les histoires de famille quoi. Y en a sûrement aussi chez les Calder, non ?"

Chacun son tour mon pote. Petit sourire innocent.