22h - soirée

Les yeux de Roy pétillaient. La journée n’aurait pas pu mieux se passer. Il avait eu une brève montée d’appréhension en découvrant le matin même trois sphères étanches de leur vie avec Avalon se rencontrer très frontalement, après des années passées à bien les séparer les unes des autres. Mais cette journée le faisait presque douter du bien-fondé de ses efforts. Il ne savait pas si ses amis, sa famille et celle d’Avalon prenaient sur eux pour donner le meilleur d’eux-mêmes, mais il n’y avait eu aucun incident à déplorer. Même son père s’était déridé à de nombreuses reprises. Il semblait avoir trouvé un nouvel ami en la personne du grand-père d’Avalon et Roy l’avait aperçu échanger plusieurs fois avec Jayce et Fergus.

Il avait donc fini par baisser sa garde pour profiter pleinement de cette journée où toutes les personnes les plus importantes à ses yeux s’étaient réunies. Son estomac était empli du délicieux repas préparé par sa mère et des excellentes pâtisseries cuisinées par la grand-mère d’Avalon quand il prit brièvement une pause pour observer chacun de ses invités. Irina tenait une conversation animée avec Yseult qui montrait beaucoup d’intérêt pour la médecine sorcière. La voix forte de Toni lançait des blagues auxquelles Isobel répondait avec son habituelle finesse. Fergus fumait une cigarette un peu plus loin, en compagnie de Galahad. Garlan laissait Elena le resservir d’une grosse part de gâteau sur lequel il lorgnait avec gourmandise. Adrian s’efforçait de faire bonne figure face à Matéo et Victor qui semblaient l’ennuyer de leurs conseils de vieux parents qui ont tout vu de la vie. Jayce dansait avec sa femme Sundari, qu’il faisait tournoyer sur la piste. Juste à côté, Vivianne dansait joyeusement avec Chandra et Meera, dans des mouvements désordonnés et spontanés de jeune enfant.

Les yeux de Roy pétillaient donc toujours quand il fut rejoint par celle qui était désormais sa femme. Il la laissa venir dans ses bras, sur le fauteuil de jardin où il s’était assis, et déposa un léger baiser dans son cou.

« C’est fou, non ? »

Il ne précisa pas sa pensée, car en vérité, tout était fou dans cette journée et Avalon l’expérimentait certainement de la même manière de son côté.

Tandis qu’il reprenait sa contemplation des nombreuses scènes qui se déroulaient face à lui, son regard s’arrêtait plus longuement sur Vivianne. Il n’avait pas eu beaucoup l’occasion d’échanger avec elle pendant la journée, les invités plus adultes ayant accaparé la plus grande partie de son attention. Mais une partie de lui était restée toujours attentive à elle, dans un réflexe qui s’était installé ces derniers mois chez lui, depuis qu’il partageait de fait sa garde avec Avalon. Il veillait sur elle comme il aurait veillé sur n’importe quel enfant placé sous sa responsabilité, mais il le faisait d’autant plus qu’il s’était sincèrement attaché à Vivianne. Il ne faisait pas grand-chose en soi, des petites attentions comme de réguliers regards dans sa direction pour vérifier que tout allait bien, qu’elle ne manquait de rien, de petits gestes affectueux comme une légère tape sur le sommet de sa tête, un compliment ou une plaisanterie.

Ce n’était pas grand-chose mais cela en disait déjà beaucoup du lien qu’il commençait à construire avec la jeune fille et dont il avait discuté avec Avalon, quelques jours plus tôt. Et ce fut ce souci pour elle qui le poussa à demander à sa femme :

« Ça va, Vivianne ? Tu as parlé avec elle pendant la soirée ? »

Ils savaient tous les deux que les changements se multipliaient dans la vie de la petite fille. D’abord la grossesse qui leur était tombé dessus et maintenant leur mariage qui s’était organisé en quelques jours à peine. Il y avait de quoi troubler les repères de n’importe qui, même si Vivianne n’en montrait pas grand-chose.

« Fou » c'était le mot pour décrire le sentiment de douce liesse qui saisissait Avalon lorsqu'elle contemplait toutes ces petites scènes, à la fois si insignifiantes et si fortes pour elle. Tout au long de la journée, elle avait été frappée par une multitude de moments qui, pourtant, n'avaient rien d'exceptionnel. Son grand-père qui avait invité Elena à danser. Morgane qui s'était lancée dans une petite joute verbale contre Toni. Galaad qui avait longuement discuté avec Jason alors qu’on servait le dessert. Aujourd'hui, trois univers très différents étaient entrés en collision.

Et tout s'était très bien passé.

Ce constat lui procura un sentiment de sérénité qu'elle prit le temps de savourer, lovée dans les bras de celui qui était devenu son mari.  

« C’est parfait. » souffla-t-elle en réponse, en venant entremêler ses doigts aux siens.

Elle n’aurait pas pu rêver meilleure réception, ni meilleure cérémonie. Ils avaient fait le choix audacieux d’organiser ce mariage en seulement quelques jours mais le pari était réussi et, quand bien même ils se décideraient plus tard à célébrer leur union en grande pompe, Avalon n’était pas certaine qu’une grande cérémonie pourrait surpasser ce moment intimiste et authentique. Elle avait épousé l’homme de sa vie de la manière la plus spontanée et la plus évidente qui soit, portée par ce besoin pressent d’unir officiellement leurs vies.

« Un peu, avant le dîner, répondit Avalon lorsque Roy la questionna au sujet de Vivianne. Ça a l’air d’aller, oui. Je crois qu’elle est contente qu’on soit tous là. »

Ce n’était pas tous les jours que les Davies se rassemblaient autour d’évènements aussi heureux et festifs. Leur famille, qui avait été si déchirée quelques mois auparavant, semblait enfin retrouver une relative normalité. « Relative » car quatre membres étaient aux abonnés absents ce soir : les parents d’Avalon, Yvain – qui n’avait pas répondu à son dernier appel – et Néro. Elle avait toutefois reçu un message de ce dernier juste avant de passer à table et lui avait répondu, plus touchée qu’elle ne l’avait laissé paraître.

Malgré tout, Avalon gardait à l’esprit que la période qu’ils vivaient n’était pas évidente pour Vivianne. Il y avait beaucoup de changements majeurs autour d’elle et elle voyait bien, même si sa petite sœur donnait toujours le change, qu’elle était parfois un peu préoccupée.

Aussi, ce fut avec une légère inquiétude qu’Avalon la chercha des yeux. Elle la trouva sans difficulté ; elle dansait toujours avec Chandra et Meera. Les trois filles se tenaient les mains et tournoyaient ensemble, ce qui arrachait des éclats de rire à la plus jeune et des sourires ravis aux deux aînées. Lorsque la musique prit fin, les filles titubèrent un peu et Vivianne s’accrocha à une table le temps de retrouver l’équilibre. Cette petite scène tira un sourire à Avalon, qui interpella Morgane, qui passait à côté.

« Mo ?
-Mh ? fit l’adolescente en s’arrêtant.
-Tu veux bien demander à Vivianne de venir cinq minutes ? »

Morgane haussa les sourcils.

« Et genre je suis quoi moi, un pigeon voyageur ?
-Le plus joli des pigeons, alors, répondit Avalon avec un grand sourire, qui se transforma en rire face à la mine outrée de sa sœur.
-Carrément maintenant tu envoies des émissaires pour chercher des gens pour toi. » Morgane chercha le regard de Roy. « La grossesse, ça la rend autoritaire.
-J’ai toujours été autoritaire. T’as pas entendu ? J’ai « cheffe » dans mon intitulé de poste. Allez, je suis la mariée et je suis enceinte, donc je suis à peu près persuadée que tout le monde doit faire ce que je veux aujourd’hui. »

Morgane eut un rire et les quitta en maugréant quelque chose au sujet des tendances dictatoriales de sa sœur, que cette dernière ignora joyeusement.

Quelques secondes plus tard, Vivianne arriva à leur hauteur. Elle paraissait légèrement essoufflée et avait les joues un peu rouges.  

« Mo m’a dit que tu voulais que je vienne ? lança-t-elle en se laissant tomber sur une chaise à côté d’eux.
-C’est tout ce qu’elle a dit ? demanda Avalon en se redressant légèrement, un sourire en coin.
-Non, elle a dit un truc moins gentil mais je lui ai dit que je répèterai pas. » répondit Vivianne avec un sourire malicieux. Avalon eut un rire.
« On voulait juste savoir comment tu allais, mon chat. Ça va ? T’es pas trop fatiguée ?
-Bah non, il est tôt encore, releva Vivianne en haussant les épaules.
-Oui mais c'était une grosse journée. T'en as pensé quoi d'ailleurs, de tout ça ?
-Bah, c’était chouette ! On a super bien mangé en plus, commença-t-elle avec une lueur gourmande au fond des yeux. Puis, j’ai bien aimé le mariage. C’était comme dans les films, un peu.

Roy hocha la tête à la réponse d’Avalon qui confirmait ce qu’il avait senti lui aussi. Vivianne semblait passer une bonne journée, elle avait beaucoup ri, joué avec les autres enfants, enlacé ses frères et soeurs plus grands. Elle n’avait pas tant d’occasions de tous les voir en même temps et ce fut ce point qu’Avalon souligna. Et surtout, elle n’avait pas souvent l’occasion de les voir réunis dans une ambiance joyeuse, familiale et apaisée.

Mais rien ne valait le fait de s’en assurer et Avalon sembla arriver à la même conclusion que lui. Elle interpela sa soeur Morgane pour aller chercher leur cadette et évidemment, l’adolescente ne se gêna pas pour contester et râler, sous le regard amusé de Roy. De tous les frères et soeurs d’Avalon, Morgane était probablement celle qu’il comprenait le mieux et chez qui il s’identifiait le plus : lui aussi, à son âge -et encore maintenant- prenait un malin plaisir à vanner son entourage et se montrer provocateur. Elle se détourna d’eux en râlant après qu’Avalon eût utilisé un argument d’autorité qui lui valut un compliment de Roy :

« Un vrai talent pour obtenir ce que tu veux, toi. »

Commentaire qu’il accompagna d’un baiser, avant que Vivianne ne les rejoigne, essoufflée par sa danse et sa petite course. Elle répondit aux questions d’Avalon avec bonne humeur et malice, ce qui rassura les deux époux.

« Comme dans les films ? répéta Roy, curieux de comprendre ce que la jeune fille mettait derrière.
-Mais oui, avec la cérémonie sur la grande falaise et le grand buffet et tout… Et puis tu étais trop belle, ajouta t-elle à l’adresse de sa grande soeur, qu’elle gratifia d’une étreinte affectueuse.
-Pas moi ? » fit mine de s’offusquer Roy.

Un rire secoua Vivianne qui, gentiment, se corrigea :

« Toi aussi ! Mais après vous étiez pas habillés comme des mariés-mariés, avec la robe blanche, le voile et le costume noir et tout…
-Ça va venir, ça, t’inquiète pas. On fera une plus grande fête plus tard, quand le bébé sera né… Avec un buffet encore plus grand, ajouta t-il pour titiller l’intérêt de Vivianne qu’il savait gourmande.
-Et un mariage à l’église ? interrogea t-elle, curieuse.
-Oui, sûrement… » répondit-il en échangeant un regard avec Avalon.

La religion ne tenait pas une grande place dans leur vie, mais ils étaient d’accord pour respecter ce rite, plus par tradition familiale qu’autre chose. Vivianne parut satisfaite.

« J’aime bien les mariages à l’église dans la télé, c’est beau et puis c’est fort aussi. »

Roy vit dans cet échange une ouverture qu’il saisit pour orienter légèrement leur conversation vers un sujet qu’il voulait aborder avec Vivianne. Il échangea à nouveau un regard avec Avalon, comme pour s’assurer qu’elle jugeait le moment opportun aussi. Sentant son soutien, il s’éclaircit la gorge, le temps de chercher ses mots.

« C’est vrai, c’est fort. Même sans église, c’est très… hum… sérieux, un mariage. Tu sais, Avalon et moi on se marie parce qu’on s’aime, mais aussi parce qu’on veut être une famille. C’est surtout ça, le sens d’un mariage. Et quand je dis qu’on est une famille, ça nous inclut tous les deux et notre bébé qui arrive bientôt… Et ça t’inclut aussi toi. »

Son coeur battait un peu plus vite dans sa poitrine pendant qu’il tentait d’évaluer l’effet de ses mots sur Vivianne qui gardait le silence, ses grands yeux noisette ancrés dans ceux de Roy.

« Ta soeur… » Il chercha brièvement le regard d’Avalon dans lequel il lut des encouragements, avant de revenir sur Vivianne. « Elle m’a choisi pour être son mari et le père de ses enfants. Et on a choisi ensemble de t’accueillir chez nous. Alors pour moi, tu es de ma famille, maintenant. Mais je peux pas décider de ça tout seul parce que tu es une grande fille, assez grande pour faire tes choix toi aussi et pour choisir les personnes que tu veux avoir dans ta vie… » Il s’éclaircit à nouveau la gorge, tentant de remettre de l’ordre dans son discours et de prendre un peu d’assurance dans cette situation qui, au fond, l’intimidait un peu. « Ce que j’essaye de dire, c’est que j’aimerais beaucoup devenir ton tuteur, comme Avalon est ta tutrice. Est-ce que tu veux être ma filleule ? »

Parfois, le samedi, Vivianne regardait La casa de al lado avec Avalon. C’était leur moment à toutes les deux, où elles se préparaient un bon goûter et où elles essayaient d’anticiper les rebondissements de la série. C’était une telenovela colombienne où on suivait une grande famille après le décès de Juan, le fils aîné (mais il n’était pas vraiment mort, apprenait-on dans le sixième épisode, il avait simulé sa propre mort car ses parents désapprouvaient son union avec Carmen). Il y avait beaucoup de péripéties et d’aventures (pas plus tard que la semaine dernière, on avait découvert que Pedro – le mari de Maritza, la benjamine de la famille – avait un frère jumeau qui avait usurpé son identité pendant plusieurs années) et des jolies scènes romantiques, comme le mariage de Carmen et Juan à la fin de la première saison. Vivianne adorait ça ; elle était friande des belles histoires d’amour et des fins heureuses à la fin des livres alors, forcément, le mariage d’Avalon et de Roy l’avait rendu un peu rêveuse. Elle avait senti que c’était un moment important, même si ce n’était pas exactement l’idée qu’elle se faisait d’un mariage, avec la cérémonie dans l’église, le prêtre qui bénissait le couple et la grande robe blanche qui traînait par terre.

Aussi, quand Roy déclara que le mariage était quelque chose de « sérieux », elle hocha la tête, déjà parfaitement convaincue. En revanche, la mention de la famille l’interpella davantage, agitant une vague inquiétude en elle qu’elle ne savait pas comment nommer face à sa sœur. La naissance prochaine du bébé la réjouissait autant qu’elle la préoccupait car, si elle se sentait très heureuse d’avoir une petite nièce dont elle pourrait s’occuper, elle avait aussi cette peur de devenir la personne de trop dans une famille où elle n’avait pas vraiment sa place.

Vivianne savait que sa situation n’était pas normale et que la plupart des enfants ne vivaient pas loin de leurs parents. Elle voyait bien le regard de ses camarades lorsqu’elle leur expliquait qu’Avalon n’était pas sa mère mais sa grande-sœur ; c’était un regard qui formulait ce qu’elle se disait elle-même parfois : elle n’était pas vraiment où elle était supposée être. Certes, ce n’était pas la pensée qui occupait son esprit en permanence mais cette petite voix existait et était devenue plus tenace maintenant qu’Avalon attendait un bébé – un bébé qui, lui, était parfaitement censé vivre à Bristol, auprès de ses deux parents.

Debout face à Roy qui s’était penché légèrement vers elle, Vivianne avait donc un petit nœud à l’estomac, une douleur un peu désagréable, comme un pincement qui lui faisait brusquement appréhender la suite de cette conversation.

« Et ça t’inclut aussi toi. » déclara-t-il, en la laissant pensive et silencieuse.

Vivianne avait grandi avec des représentations familiales confuses. Elle était la petite dernière d’une grande fratrie abîmée par des conflits qui remontaient à bien avant sa naissance et dont elle n’arrivait pas toujours à saisir l’origine. Elle avait des parents qui n’avaient jamais endossé pleinement leur rôle de parents, des frères et des sœurs qui avaient davantage été des figures parentales pour elle, un neveu qui avait l’âge d’être son petit-frère. Elle avait navigué difficilement dans ces eaux troubles, entre les colères de son père et l’apathie de sa mère, les disputes et les moments tendres, les tensions et les rires.

Mais le mot « famille » ne résonnait pas chez elle comme il pouvait le faire chez d’autres enfants, ceux qui avaient immédiatement en tête des scènes très douces ; les repas d’anniversaires, les dîners Noël, les vacances au bord de la mer.

La famille n’était pas une notion si évidente.

Et, pourtant, ce fut avec d’évidence que Roy prononça ce terme, en lui disant qu’elle faisait partie de la sienne. Un éclat un peu confus passa dans son regard alors qu’elle tirait une chaise pour s’asseoir face à lui. Elle coinça ses mains entre ses cuisses, les sourcils froncés dans une expression un peu indéchiffrable, où se lisait cependant une vive émotion.

« Qu’est-ce que ça veut dire exactement « tuteur » ? » demanda-t-elle finalement, en l'observant avec une grande attention. « Et qu’est-ce que ça fait de différent avec maintenant ? »

Il était difficile de savoir à quoi Vivianne pensait à cet instant mais une chose était sûre, elle écoutait très attentivement les paroles de Roy et ses petits sourcils froncés montraient qu’elle ne comprenait pas tout. Parce qu’il commençait à la connaître un peu, il décela chez elle une certaine émotion et un véritable intérêt face à la proposition qu’il était en train de lui faire. Malgré son air en apparence calme et sérieux, Roy n’était pas totalement serein et ce discours qu’il venait de dérouler avec difficulté n’avait rien d’anodin pour lui. Il en avait longuement parlé avec Avalon depuis cette fois où il lui avait partagé son envie de demander la tutelle de Vivianne. Il avait mis du temps à le faire, parce qu’il n’était pas certain de savoir où était sa place, quelles étaient les limites qu’il était sensé placer. Mais Roy devait se rendre à l’évidence, il ne savait pas s’attacher à moitié aux gens qu’il aimait. A partir du moment où il accordait une affection sincère à une personne, il la couvrait de sa protection et se tenait prêt à la sortir de n’importe quel pétrin.

Vivianne, elle, représentait un cas très particulier. Elle faisait partie de la famille d’Avalon qui avait choisi de la prendre sous son aile, alors dans l’esprit de Roy, elle avait très tôt occupé une place importante. Et si au départ, Roy avait considéré son attachement à Vivianne à travers l’amour qu’il éprouvait pour Avalon, il sentait désormais que son lien était devenu bien plus personnel, parce qu’il avait appris à connaître la jeune fille pour ce qu’elle était, au-delà d’une soeur pour Avalon. Elle était une petite fille intelligente, vive, gentille, persévérante, ambitieuse, curieuse, pleine d’autres qualités qu’il pouvait énumérer et illustrer par des exemples de la vie quotidienne qu’ils partageaient tous les trois. Alors il voulait qu’elle grandisse dans un foyer stable, qu’elle se sente aimée et protégée, et Avalon et lui s’en étaient fait leur mission.

Puis un jour, parce que les médicomages avaient évoqué des pronostics inquiétants sur la grossesse de sa compagne, Roy s’était rendu compte qu’ils n’avaient pas tout à fait pris toutes les dispositions nécessaires pour assurer cette mission. Parce que si Avalon venait à disparaître prématurément, alors Vivianne se retrouverait de nouveau sans foyer, prise dans le tourbillon infernal de l’aide sociale à l’enfance qui pourrait décider qu’elle devrait aller vivre chez de parfaits inconnus.

Et cette idée avait semblé intolérable à Roy. Alors il avait cessé de se demander ce que sa place était sensée être pour réaliser qu’il avait simplement à déterminer celle qu’il voulait occuper. Et surtout, celle que Vivianne voulait bien lui laisser.

C’était ce point qui suscitait chez lui un peu d’appréhension. Mais pour le moment, Vivianne ne se prononçait pas car elle ne comprenait pas tous les enjeux et c’était bien normal. La société reposait sur des règles d’adulte dont les enfants ne prenaient pas toujours conscience. Après avoir échangé un regard avec Avalon qui semblait préférer lui laisser un droit de réponse, Roy se pencha vers Vivianne en cherchant ses mots.

« Hum… En soi, ça fait pas une grande différence, admit-il. Pas dans notre quotidien, en tout cas. » Se rappelant que Vivianne avait tout de même onze ans et qu’en plus, elle était particulièrement maligne pour son âge, il décida qu’elle pouvait comprendre les choses et donna un peu plus de détails : « Tu sais, quand il y a eu le procès avec tes parents, Avalon a obtenu ta garde. Eh bien, ça s’appelle aussi une tutelle. Ça veut dire que maintenant, c’est elle qui te protège et qui s’occupe de toi jusqu’à ce que tu deviennes majeure. Et moi, si je fais la même demande, je pourrai occuper le même rôle. Bon, c’est déjà ce que je fais, vu qu’on vit ensemble tous les trois mais… Si je deviens ton tuteur, alors ça veut dire que la loi me donne ce rôle, tu vois ? Et c’est important parce que si par exemple, Avalon a un… accident et ne peut plus s’occuper de toi pour un moment, eh bien… Moi je pourrai continuer à le faire. Ça veut dire que tu seras toujours protégée, quoiqu’il arrive. »

Vivianne conservait des souvenirs très vifs des semaines qui avaient précédé le jugement pour sa garde. Elle se souvenait avec précision de la gifle qu'elle avait reçue de son père, de la grosse dispute qui avait suivi ce geste, du départ précipité avec Avalon et Roy, puis des semaines qu'elle avait passées chez Jayce et Sun. Elle avait toujours un peu mal au ventre lorsque ses pensées s'égaraient vers cette époque, comme si toutes ses émotions étaient brusquement ravivées : la peur, l'incertitude, la solitude. Cela avait été très difficile pour elle d'avoir la sensation d'être brusquement arrachée à sa famille et à tout ce qu'elle connaissait. Avalon passait tous les jours, mais ce n'était pas la même chose...

Elle avait été tenue à l'écart de la bataille judiciaire, même si sa sœur lui avait expliqué les enjeux du jugement. Un jour – le seize septembre – Avalon lui avait dit que le juge avait tranché en sa faveur et, encore une fois, son quotidien avait été bouleversé.

Alors, forcément, Vivianne nourrissait la peur que cela se reproduise à nouveau.

Elle anticipait même ce moment, comme si elle se préparait inconsciemment à ce qu’on l’éloigne une nouvelle fois de l’endroit où elle vivait. Elle ne se disait pas non plus qu’Avalon comptait l’abandonner en pleine forêt – un peu comme dans Le petit poucet – mais plutôt que Roy et elle pourraient lui dire qu’avec l’arrivée imminente de leur bébé, il serait plus facile pour tout le monde qu’elle aille quelques jours ou quelques semaines chez leur grand-mère, chez Célice, chez Galaad. C’était tout ce qu’elle avait toujours connu, après tout : quelques jours chez les uns, quelques semaines chez les uns ; une existence en pointillés.

Aussi, de toutes les émotions qui la traversèrent lorsque Roy lui expliqua ce que signifiait ce rôle de tuteur qu’il voulait prendre auprès d’elle, ce fut la surprise qui s’imprima d’abord sur son visage. Une expression qui n’échappa pas à sa sœur aînée :

« Ça te surprend, que Roy te propose ça ? lui demanda-t-elle après un court temps de silence.
-Bah… Enfin, c’est juste que… » Vivianne s’agita légèrement sur sa chaise. « Ça va faire beaucoup, non ?
-Comment ça ?
-Bah, tu sais, avec le bébé et tout… »

Avalon se redressa légèrement en prenant appui sur l’accoudoir de son fauteuil, sans quitter sa sœur des yeux.

« Le fait qu’on ait un bébé, Viv, ça ne remet pas en question le fait que tu vives avec nous, tu sais ? » Vivianne n’osa pas répondre et se contenta d’hausser les épaules. « Tu pensais qu’on allait te demander de partir ?
-Non mais… Enfin, peut-être au début ? » Face au regard qu’Avalon et Roy échangèrent, elle chercha à se justifier : « Parce que ça prend du temps de s’occuper d’un bébé !
-Oh mais Viv… » Avalon se pencha difficilement pour lui saisir la main. « Pas du tout. Je suis désolée, j’ai pas réalisé que tu pourrais penser ça... » Les yeux noisette de Vivianne trouvèrent ceux, très similaires, de sa sœur. « Ça ne change rien, d’accord ? On pourrait avoir neuf autres bébés que ça ne changerait rien non plus : tu vis avec nous et tu vas vivre avec nous au moins jusqu’à ce que tu sois majeure. Je suis responsable de toi exactement au même titre que je vais être responsable du bébé.
-Mais c’est pas la même chose, protesta Vivianne, on est sœurs !
-C’est vrai. Mais j’ai promis de m’occuper de toi et j’ai envie de le faire. On est bien, non, tous les trois ?
-Ben, oui, mais…
-Tu voudrais partir, toi, quand le bébé sera né ?
-Bah, non…
-Tant mieux, sourit Avalon, car on compte bien te garder avec nous. » Vivianne se mordillait la lèvre, visiblement agitée. « Si Roy te propose ça, c’est parce que tu fais partie de notre famille et que c’est important pour nous que ce soit officiel. »

Vivianne leva un regard incertain vers Roy.

« Mais ça veut dire que c’est pour toujours jusqu’à ce que je sois majeure ? »

Roy avait l’impression que son explication n’était pas trop mal, plutôt claire et adaptée, mais Vivianne n’eut pas la réaction qu’il attendait. Elle paraissait surprise et il songea d’abord qu’elle avait d’autres questions mais elle ne les formula pas. Au moment où il s’apprêtait à lui demander si elle comprenait tous les enjeux, Avalon le devança. La jeune fille parut alors un peu mal à l’aise et se tortilla sur sa chaise, tandis qu’elle avouait du bout des lèvres un sentiment qu’ils ne soupçonnaient pas chez elle.

Elle avait peur de les déranger, comprit Roy à travers ses bouts de phrases et son regard hésitant. Elle en avait d’autant plus peur qu’ils allaient bientôt accueillir chez eux un nourrisson qui requerrait beaucoup d’attention. Roy n’avait pas du tout songé que cela puisse en quelque sorte donner l’impression à Vivianne que sa place chez eux était menacée. Il ne l’avait pas anticipé, parce que Vivianne avait toujours semblé sincèrement contente et impatiente de l’arrivée de sa future nièce mais aussi parce que Avalon et lui avaient veillé à ne pas rompre leurs habitudes avec elle. Au contraire, ils avaient pu passer encore plus de temps ensemble, tous les trois, depuis qu’Avalon était arrêtée et que Roy avait levé le pied sur son travail pour pouvoir être près d’elle sur ce dernier mois de grossesse difficile.

Et pourtant, elle se sentait en trop et dans une position un peu intermédiaire difficile à définir, ce qu’elle dit à sa manière en soulignant à Avalon qu’elles étaient soeurs. Ce n’était donc pas pareil, ce n’était pas comme d’avoir un bébé, disait-elle. Roy se garda d’intervenir sur ce point, préférant laisser Avalon répondre, conscient qu’ils avaient, de fait, pas tout à fait la même position tous les deux. Si lui pouvait plus facilement voir chez Vivianne une enfant sous sa responsabilité, comme si elle avait été sa fille, Avalon incarnait aussi une position de grande soeur et trouver sa place quelque part entre les deux n’était pas évident.

Mais au fond, cela ne changeait pas grand-chose aux yeux de Roy, il voyait la situation de manière très simple. Il avait toujours eu une acception du mot famille très large. Dans son coeur, il n’y avait pas de différence fondamentale entre Jayce ou Jason, par exemple. Alors il n’y avait pas vraiment de différence non plus entre Vivianne et le bébé qu’ils allaient avoir avec Avalon.

Les choses semblaient moins évidentes pour Vivianne, en revanche, qui tourna vers lui un regard incertain et posa une question qui trahissait un évident besoin d’être rassurée. Pris de ce fort instinct de protection qu’il réservait à ses proches, Roy tendit le bras pour attirer la jeune fille contre lui et l’envelopper d’une étreinte sécurisante. Souvent, les gestes valaient mieux que les mots même s’il fit l’effort d’en prononcer quelques uns pour achever de convaincre Vivianne :

« C’est pour toujours tout court, cariña. »

C’était peut-être la première fois qu’il la désignait par ce surnom mais il lui échappa naturellement sans qu’il n’y réfléchisse, dans ce moment particulier où il laissait voir l’affection paternelle qu’il éprouvait pour elle. Beau-frère, tuteur, grand-frère ou papa de substitution, peu lui importait les étiquettes qu’on voudrait bien lui donner car au fond, il était un peu tout ça à la fois. Vivianne était libre de le définir comme elle le souhaitait tout comme de son côté à lui, il savait comment il la considérait et il écarta sa pudeur habituelle pour trouver le courage de le dire, parce qu’il sentit que c’était le moment ou jamais de le faire.

« Et c’est vrai que maintenant tu es ma belle-soeur, mais moi je te vois aussi comme ma fille. Et j’abandonne aucune de mes filles, moi » affirma t-il avant d’ajouter sur un ton plus léger : « Pas même celle qui vit à des milliers de kilomètres d’ici alors tu vois, t’as rien à craindre. »

Vivianne se laissa entraîner contre Roy et fit timidement glisser ses bras autour de lui, comme si elle découvrait une étreinte qu’elle n’avait pas pour habitude de recevoir. C’était Avalon qui la prenait dans ses bras, la plupart du temps, quand elle avait du chagrin ou quand elle se faisait mal (comme lorsqu’elle s’était fait une entorse pendant son cours de karaté.) Parfois, Roy passait un bras autour de ses épaules, ou alors il lui donnait une petite tape affectueuse dans le dos, mais ils ne se câlinaient pas comme ça.

Vivianne resta silencieuse contre lui, le visage appuyé sur le tissu de son pull. Lorsqu’il lui attribua le même petit surnom affectueux que sa grand-mère ou Avalon lui accordaient parfois, elle esquissa un sourire et sentit une boule se former au creux de sa gorge. Pas une boule qui lui donnait envie de pleurer, pas une boule qui lui faisait mal au ventre, mais plutôt comme une douce onde de chaleur qui apaisa son cœur agité par l’inquiétude.

Elle se sentait bien dans cette étreinte rassurante, qui lui offrait toutes les réponses à ses questions silencieuses et bien plus encore. Vivianne souffrait d’un sentiment de non-appartenance assez tenace ; elle n’avait jamais eu l’impression d’être vraiment la fille de ses parents, d’appartenir à cette grande famille qui était pourtant la sienne. Elle était la plus jeune, la petite dernière, celle à qui on apportait beaucoup d’attention et qui, pourtant, avait grandi assez isolée du reste de la famille. Alors, lorsque Roy affirma qu’il la considérait autant comme sa belle-sœur que comme sa fille, elle se figea légèrement, comme pour mieux appréhender les effets de cette déclaration. Elle se sentait un peu émue et soulagée comme si quelque chose venait de se délier – ou peut-être de se lier ? – en elle. Et, pourtant, un éclat d’inquiétude passa dans son regard lorsqu’elle croisa le sien en se redressant. Elle lui adressa un sourire un peu nerveux, sans s’écarter totalement.


Avalon observait l’étreinte entre Roy et Vivianne avec un sourire tendre, la main posée dans le dos de son mari. Elle avait été surprise par cette déclaration aussi touchante qu’inattendue mais savait, au fond, que c’était ce qui se cachait derrière les discours plus pudiques qu’il lui avait tenus jusque-là. Roy était ainsi ; très entier dans son amour et dans ce vif réflexe de protection qu’il déployait envers ceux qu’il aimait. Tout comme Avalon était incapable de mesurer son attachement, il ne pouvait pas s’investir à moitié lorsque quelque chose lui tenait à cœur.

Et la construction de leur famille était probablement la chose à laquelle il tenait le plus.

Son cœur était gonflé par l’amour et par la reconnaissance, si bien qu’Avalon posa un long regard sur son mari, qui disait tout ce que ses lèvres scellées en un sourire ne pouvaient formuler. Lorsque Vivianne se redressa, ses yeux s’envolèrent jusqu’à elle. Elle semblait osciller entre une émotion sincère et une vive inquiétude qui l’empêchait de se départir de sa nervosité. Avalon tendit la main pour effleurer sa joue encore ronde de l’enfance, comme pour attirer son attention vers elle.

« Tu sais, quand je te dis que Toni et Fergus sont comme mes frères ? » Vivianne hocha la tête. « Eh bien parfois, Fergus, c’est aussi comme mon papa. » Sa petite sœur haussa les sourcils.
« C’est vrai ?
-Bien sûr. Surtout quand on s’est rencontrés, lui et moi, lui confia Avalon avec un petit sourire. Bon,  j’étais déjà grande, mais il me faisait sentir en sécurité.
-Et il te disait de ranger ta chambre ? demanda Vivianne avec un regard un peu malicieux.
-Il m’a sûrement déjà demander de ranger ma chambre, oui, grimaça-t-elle. Si je te dis ça, c’est pour te dire que la famille, ce n’est pas seulement les parents, les frères et les sœurs… Ce sont toutes les personnes qui nous protègent, qui nous aident à grandir, qui nous aiment…
-Comme Fergus et Toni pour toi ?
-Comme Fergus et Toni pour moi. Et ça ne rend pas les parents, les frères et les sœurs moins importants. C’est en plus, tu vois ? »

Vivianne hocha la tête. « Je crois que oui. » souffla-t-elle. Elle leva les yeux vers Roy. « Moi aussi, j’ai envie de rester avec toi et Av. » admit-elle avec un petit sourire, presque timide. « Je veux bien qu’on fasse le truc du tuteur, toi et moi. »

Avalon caressa doucement la joue de Vivianne, sans se départir du large sourire qui s’était accroché sur ses lèvres.

« Tu es sûre ? Parce qu’à tout moment, Roy va finir par te demander de ranger ta chambre, toi aussi.
-Ma chambre est toujours rangée, répliqua Vivianne, qui semblait avoir retrouvé son assurance habituelle, moi. »

En tenant Vivianne contre lui, Roy prit conscience lui aussi que c’était la première fois qu’il lui offrait une étreinte aussi rapprochée. Mais tout comme le surnom affectueux qui lui avait échappé, ce moment ne lui parut pas déplacé mais au contraire, tout à fait à sa place. La jeune fille sembla du même avis car elle referma ses bras autour de lui, ce qui rassura Roy. Il s’exposait beaucoup depuis le début de cette conversation et c’était le premier vrai pas que Vivianne faisait vers lui, comme pour accepter ses paroles et lui témoigner sa reconnaissance et son affection. Alors il savoura ce bref moment, avant de la laisser se dégager.

L’émotion se lisait plus facilement sur son visage, désormais, même s’il y flottait encore quelque chose de plus trouble que Roy n’identifia pas tout de suite. Avalon, qui connaissait très bien sa petite soeur, fut meilleure que lui à ce jeu. Ce fut leur échange qui éclaira Roy, une phrase en particulier que sa compagne prononça en posant un regard entendu sur Vivianne :

« Et ça ne rend pas les parents, les frères et les sœurs moins importants. C’est en plus, tu vois ? »

Si Roy avait pu craindre par moments d’outrepasser son rôle, d’en faire un peu trop en somme, il n’y avait aucune raison que Vivianne ne se pose pas les mêmes questions que lui aussi. Elle se trouvait dans une situation compliquée, qui générait son lot de conflits de loyauté. Il n’y avait pas vraiment de guide, de code clair sur le sujet, la société était faite de manière à présenter la famille comme un couple de parents s’occupant de leurs enfants. Mais quand cette cellule nucléaire et traditionnelle explosait, qu’en restait-il ? C’était délicat, et même pas forcément souhaitable, de dire à Vivianne qu’elle n’avait plus de parents. Son père et sa mère étaient toujours présents, dans ses souvenirs et dans la réalité, même s’ils avaient perdu sa garde. Pour autant, Avalon et Roy assuraient le rôle que des parents auraient dû tenir alors cela n’avait pas vraiment de sens non plus de prétendre qu’ils n’étaient pas en train de construire une relation filiale avec Vivianne.

Avalon sut trouver les bons mots, un discours d’entre-deux qui sembla rassurer la jeune fille car elle finit par retrouver son sourire et enfin livrer la réponse à la toute première question que Roy lui avait posée. Soulagé, il posa ses yeux sur elle, se sentit touché par la sincérité qu’elle mettait dans ses paroles et attendri par le sourire qu’elle lui offrit. En guise de réponse, il se contenta de poser brièvement sa main sur le sommet de sa tête, dans une caresse, puis de rire à la réplique bien placée qu’elle renvoya à Avalon au sujet de sa chambre.

« Et bim ! » glissa t-il à l’adresse de sa femme car il ne faisait aucun doute que cette petite vanne la visait. « Bien dit » lança t-il à Vivianne avant de frapper dans sa main d’un geste complice. « C’est plutôt Av’ qui devrait s’inquiéter maintenant parce qu’on va faire une sacrée équipe » ajouta t-il avec un sourire narquois.