Aide ton prochain et ton prochain t'aidera [Andrew & Kathrina]

Les sourires qu’ils échangeaient étaient un peu nerveux, un peu incrédules. Andrew avait l’impression qu’il ne réalisait pas tout à fait la proposition que venait de lui faire Kathrina. Il fallait dire qu’il n’avait jamais été question de rapports comme ceux-là entre eux, même quand ils étaient sortis ensemble : ils étaient bien trop jeunes à l’époque. Ces dernières années, ils n’avaient été qu’amis, il n’avait jamais pensé à ça avec elle... jusqu’à cet instant. Lorsqu’elle souligna qu’elle ne lui proposait pas uniquement pour lui rendre service, il eut un léger rire, secouant la tête.

- Plus que bizarre même... et gênant.

Il n’avait pas envie qu’elle... lui fasse une faveur, en quelque sorte ? Il n’avait pas envie qu’elle voit ça comme un acte de charité ou de la générosité Poufsouffle (grand générosité en l’occurence.) Il préférait que ce soit un moment, entre eux. Quelque chose qu’ils souhaitaient tous les deux. Elle sembla percevoir sa crainte puisqu’elle mit les mots dessus, le rassurant : elle en avait envie aussi cela lui plairait. La pensée lui fit tout drôle. Cela lui plairait aussi, il le réalisait.

Bien sûr, il était également un peu inquiet, inquiet que cela abîme leur amitié, que cela rende les choses entre eux bien trop étranges. Kathrina était une amie précieuse pour lui, il avait en elle une confiance inébranlable, il se sentait bien avec elle, ils pouvaient discuter de tout, même des sujets les plus intimes (et la preuve.) Il n’avait pas envie de gâcher cela juste pour... ça. C’était ce qu’il avait tenté de lui dire avec quelques mots maladroits, qu’elle avait très bien compris. Après quelques secondes de silence, sûrement à peser le pour et le contre, elle finit par le rassurer une nouvelle fois, arguant qu’elle avait toute confiance en lui. Et en eux. Effectivement, comme elle le disait très bien, ils étaient sortis ensemble et avaient continué d’être amis après, étaient même devenus encore plus amis après cela...

- C’est vrai, reconnut-il. Et puis on se dit bien les choses...

Cette conversation en était une excellente illustration. Ils savaient se parler et se respecter, il n’y avait pas de raison que ça tourne mal, non ? Le dernier argument de Kathrina fut le bon pour Andrew. Effectivement, ils pouvaient juste essayer et... voir. Se jeter à l’eau et voir ce que ça leur faisait. Peut-être que cela serait trop étrange. Peut-être, songea-t-il, que cela serait comme avec Sasha, que les choses iraient trop vite pour lui et qu’il n’oserait pas... Si c’était trop bizarre, ils arrêteraient, promettait Kat. Ils pourraient arrêter et Andrew était persuadé qu’ils pourraient en rire, de cette idée saugrenue qui leur était passée par la tête.

Beaucoup de pensées et d'émotions se bousculaient encore dans son esprit, alors qu’il promenait ses yeux sur le visage de son amie. Jette-toi à l’eau, se surina-t-il. Essaye. Qu’est-ce qu’il avait à perdre, après tout ? Il n’obtiendrait pas plus de réponses s’il passait la soirée à se retourner le cerveau. C’était comme sauter d’un rocher : l’idée de la chute faisait toujours plus peur que l’expérience en elle-même. Et puis, où était passée la soi-disante hardiesse des Gryffondor ?

- On peut essayer, alors, finit-il par dire, avec un sourire nerveux.  

La main de Kathrina reposait près de son mug désormais vide et il approcha la sienne pour entremêler leurs doigts, doucement.

- Au pire, plaisanta-t-il, on s’évitera juste pendant six mois. L’école est grande, ça peut le faire.

L’embrasser lui semblait un bon point de départ. C’était quelque chose qu’ils avaient déjà fait, c’était quelque chose qu’il savait faire et surtout, qu’il avait soudainement très envie de faire à cet instant. Se redressant légèrement, il se pencha doucement par dessus la table pour rapprocher son visage du sien... Jusqu’à ce qu’un bruit métallique résonne juste à côté d’eux. Sursautant, Andrew abandonna sa tentative d’approche pour rencontrer, non pas les jolis yeux bleus de Kathrina, mais les grands globes verts d’un elfe de maison à l’air un peu courroucé. Il avait frappé avec sa spatule sur la table.

- Vous avez fini avec les chocolats ?

Avec tout cela, ils avaient un peu oublié où ils étaient... La cuisine semblait en plein coup de feu pour le dîner et l'elfe semblait subtilement leur dire de ficher le camp d’ici. Il fallait dire que ce n’était peut-être pas l’endroit idéal pour avoir un peu de tranquillité.

- Euh oui, répondit Andrew, prit par surprise.

L’elfe les dévisagea d’un air patibulaire alors qu’il faisait disparaître leurs tasses d’un claquement de doigts. Soudain très amusé, Andrew échangea un regard rieur avec Kathrina, se retenant de rire.

- On va y aller, du coup.
- Huuuum.

Se retenant de rire - il avait l’impression que leur interlocuteur n’attendait qu’un prétexte pour leur mettre des coups de spatule sur la tête - il entraîna Kat par la main pour l’inviter à se lever, attrapant au passage son sac par la bandoulière. Il glissa cette dernière sur son épaule et ils quittèrent la cuisine et sa chaleur, pour se retrouver dans le couloir bien plus frais. Il était complètement désert à cette heure-ci, la plupart des élèves étant encore au dîner. La porte se referma derrière eux et ils firent quelques pas, Andrew jetant un coup d’oeil derrière eux comme si l’elfe allait surgir de nouveau.

- Et bah. Il est pire qu’Henry qui fait la police des couples dans la Salle des Quatre Maisons...

Son ami menait une vendetta personnelle contre les adolescents qui utilisaient les confortables canapés du lieu pour s’embrasser. Il avait un jour séparé Imogen et Adam d’un coup de livre de métamorphose. Imogen aimait dire qu’elle en avait encore une cicatrice.

Ses doigts étaient encore entrelacés à ceux de Kathrina, aussi en profita-t-il pour l’attirer doucement à lui, baissant les yeux vers elle. Il la contempla quelques secondes, les quelques tâches de rousseur qui s’égaraient sur ses joues, ses longs cils, ses lèvres roses et, ne sachant pas quoi dire, préféra s’adonner au silence. Et à un long baiser.
 

La facilité avec laquelle leur échange inattendu se déroula fut déconcertante pour Kathrina. Elle-même ne réalisait pas tout à fait ce qui se passait, elle avait parlé sur un coup de tête, sans trop savoir si elle plaisantait ou si elle était sérieuse. Sa propre idée faisait du chemin dans sa tête, jusqu’à lui paraître moins absurde et prendre tout son sens. Ses arguments parurent faire mouche chez Andrew, son sourire se fit plus présent, son regard moins hésitant. En miroir, le sourire de Kathrina s’agrandit, elle accepta de se laisser porter par le moment et par son envie d’expérimenter quelque chose de nouveau, sans trop l’interroger. Elle répondit au geste que faisait son ami en resserrant ses doigts autour des siens.

« Ok, cool, conclut t-elle, avant de rire à la plaisanterie d’Andrew. Et tu pourras plus compter sur mes notes en botanique ! Quel dommage. »

Elle sentit au léger mouvement en avant qu’initiait son ami qu’il s’apprêtait à réaliser leurs mots et lui donner le baiser dont ils parlaient. Elle se pencha en avant elle aussi mais l’arrivée abrupte d’un elfe de maison dans leur champ de vision vint bien vite leur rappeler que le lieu et le moment n’étaient pas très adéquats. Face à l’air courroucé de l’employé, Kathrina étouffa un rire derrière sa main et se couvrit d’une excuse :

« Désolée ! On ne vous embête plus » promit t-elle. Elle préférait rester en bons termes avec les elfes de Poudlard, c’était toujours utile et agréable de pouvoir se faufiler dans les cuisines pour chaparder quelques friandises. « Bon courage ! » leur souhaita t-elle en se levant et en faisant de son mieux pour retenir son hilarité, jusqu’à ce qu’ils furent sortis des cuisines.

Une fois dehors, elle laissa un rire s’échapper d’elle, face au commentaire d’Andrew sur lequel elle renchérit :

« A deux doigts de nous marteler Poudlard n’est pas un lupanar, en tapotant sa cuillère en bois sur nos crânes. »

Mais cette fois-ci, ils étaient tranquilles, dans un couloir vide de tout passage, où ils ne risquaient plus d’être dérangés. Kathrina se sentit alors hautement consciente de la sensation de sa main nouée à celle d’Andrew, dans un contact plaisant qui lui tira un sourire. Elle leva les yeux vers son ami, prête à initier quelque chose mais Andrew se montra plus entreprenant que ce que son discours plein de doutes laissait penser tout à l’heure. Elle eut le plaisir de le voir se pencher vers elle et de sentir leurs lèvres se rejoindre, dans un mouvement aussi doux que naturel.

Kathrina aurait éclaté de rire si, plus tôt dans la matinée, on lui avait annoncé que ce jour serait celui où elle allait embrasser Andrew Dubois. Puis elle aurait immédiatement pensé à un jeu ou un défi, type jeu de la bouteille, un contexte classique pour un baiser entre amis, en pleine soirée plus ou moins alcoolisée. Pourquoi pas. Jamais en revanche, elle n’aurait prédit qu’ils pourraient se retrouver ici, appuyé contre un mur, dans un couloir désert, à s’embrasser de manière tout à fait prédite et consentie, comme tous les couples d’adolescents qui pullulaient dans l’école. Kathrina se sentit comme l’un d’entre eux à cet instant : emportée dans une étreinte qui faisait naître chez elle des frissons de découverte et des petits papillons de plaisir.

Pourtant, elle avait déjà embrassé Andrew par le passé mais elle sentit que ce moment n’avait rien de comparable. Leurs gestes n’étaient pas les mêmes, leur contact n’avait pas la même intensité, ce que son corps éprouvait n’avait rien à voir. Elle n’avait pas ressenti cette envie de proximité physique qu’elle éprouva en passant ses bras autour du cou de son ami, pour se coller davantage à lui. Elle n’avait jamais perdu son souffle dans un baiser avec lui, à cause de l’adrénaline, de l’euphorie, du désir. Elle se sentit très proche des traits réguliers du visage d’Andrew, envahie par son odeur en se détachant de lui et elle en profita quelques secondes, une main posée sur l'angle de sa mâchoire, avant de l’interroger avec un sourire :

« Alors ? Est-ce qu’il va falloir qu’on s’évite pendant six mois, maintenant, ou ça va ? »

Kathrina et lui s’étaient déjà embrassés, des dizaines et des dizaines de fois quand ils sortaient ensemble, il y a quelques années. Mais Andrew pouvait le jurer, ils ne s’étaient jamais embrassés comme ça. Pas en ressentant ce qu’il ressentait à cet instant précis. Elle avait glissé ses bras autour de son cou et il avait resserré ses mains autour de sa taille, l’attirant un peu plus contre lui. Il laissa ses doigts remonter le long de son dos, jusqu’à effleurer la peau découverte de sa nuque. Il avait chaud, soudain, et ce qu’ils faisaient lui apparaissait brusquement aussi déraisonné qu’irrésistible. Lorsqu’ils se séparèrent quelques secondes, il répondit à son sourire, sans détacher ses mains de son corps. Ils avaient le souffle un peu court, les joues un peu rouges et pour lui, une évidente envie de l’embrasser encore. La plaisanterie de Kat lui tira un léger rire et il fit mine de réfléchir quelques secondes.

- Hum... Trois mois devraient suffire je pense.

Et pour contrebalancer ses paroles, il fit glisser sa main contre sa joue pour attirer de nouveau son visage à lui, l’embrassant de nouveau. Ses lèvres s’égarèrent vite, descendant le long de sa mâchoire pour déposer quelques baisers dans son cou. Légèrement incommodé par le col de son chemisier, il tira légèrement d’un doigt sur le noeud de sa cravate jaune pour la détendre, lui permettant d’effleurer sa peau douce avec plus d’aisance. Une cavalcade de pas lui fit relever la tête et il s’écarta légèrement d’elle, laissant tout de même une de ses mains sur sa taille.  

Une bande de petits Poufsouffle hauts comme trois chaudrons remontaient le couloir d’un pas guilleret, discutant bruyamment entre eux du cours de vol qu’ils avaient apparement eu dans l’après-midi et qui leur avait causé de fortes émotions.

- Et là je me dis, expliquait une fille au visage encadré de deux couettes, « Non, Hermione, ne panique pas, tu ne vas tomber ! »
- Et tu n’es pas tombée ! répondit gaiement une autre petite fille.
- Et je ne suis pas tombée ! répéta ladite Hermione en souriant.
- C’est trop bien, valida un garçon en hochant la tête.

Les premières années leur adressèrent à peine un regard alors qu’ils les dépassaient.

- Vous pensez qu’il y va rester des chocolats dans la Salle Commune ? s’interrogea Hermione.
- Si on court, on en aura peut-être !

Et ils décampèrent tous, leurs pas résonnant sur sur le sol de pierre. Andrew échangea un regard avec Kat, laissant échapper un léger rire.

- Je crois que ça veut dire que le dîner commence à se terminer.

Les couloirs allaient donc se remplir progressivement, entre les élèves qui rejoignaient leurs salles communes, la salle des Quatre Maisons ou bien la bibliothèque avant le couvre-feu. Un peu plus hésitant, soudainement, il haussa les épaules.

- Est-ce que tu veux aller... quelque part ailleurs ?

Un endroit plus tranquille, où ils pourraient être tous les deux, seuls. Comme pour mieux dissimuler sa gêne, il ajouta :

- Sinon, on rattrape les gamins pour prendre les chocolats avant eux, je suis certain qu’on leur met une raclée à la course, fit-il en tournant la tête du côté où ils avaient filé.

Percevant la note d’humour dans la voix et le regard de son ami, Kathrina esquissa un sourire. Elle n’eut pas vraiment l’occasion de trouver quoi répliquer, car Andrew se penchait déjà pour l’embrasser à nouveau. On pouvait reconnaître que le jeune Gryffondor honorait sa maison à cet instant car il se montra encore plus audacieux et entreprenant, faisant fi de tous les doutes qui l’agitaient quelques minutes plus tôt. Laissant sa surprise de côté, Kathrina se laissa aller avec plaisir dans cette étreinte, en se collant davantage à lui pour lui signifier un désir réciproque. Elle ponctua leur baiser d’un léger rire en sentant qu’il tirait déjà sur sa cravate et s’apprêtait à le taquiner à ce sujet mais le passage de trois jeunes élèves de sa maison l’interrompit dans son élan. Leur innocence toute enfantine offrit un étrange contraste avec la scène qui se déroulait entre eux et leur rappela où ils se trouvaient : trop proches du chemin de la sortie, après le dîner dans la Grande Salle. Or, Kathrina n’avait pas forcément envie que tout Poudlard les surprenne maintenant. Elle voyait déjà arriver mille questionnements -notamment de la part de leurs nombreux amis communs- qui arriveraient beaucoup trop tôt dans ce début d’expérimentation entre eux, alors qu’elle avait plutôt envie de se laisser porter par l’imprévu et le frisson de la découverte.

Andrew semblait du même avis car il fit la proposition qu’elle avait en tête. Amusée par sa plaisanterie, elle fit semblant de réfléchir, tout en replaçant ses bras autour des épaules de son ami.

« Huuum… Je crois que j’ai envie d’autre chose que de chocolat, actuellement » dit-elle avec un regard suggestif. « J’allais te proposer d’aller dans un endroit plus calme aussi. » Elle baissa brièvement son regard vers sa cravate jaune desserrée, avec un rire. « Je crois que ce recoin de couloir n’est pas l’endroit le plus adapté pour commencer à se déshabiller. Où est-ce qu’on pourrait aller… ? »

Tout en posant la question, Kathrina passa mentalement en revue les endroits de Poudlard plus ou moins adaptés au genre d’activité intime qu’ils avaient en tête. En l’occurrence, puisqu’elle n’usurpait pas sa réputation de fille qui avait couché avec le tiers de l’école, elle en connaissait un certain nombre. Et parmi eux, il y en avait un qui n’était connu que de très peu de personnes et qu’elle réservait à ses meilleures expériences. Portée par l’amitié qu’elle portait à Andrew et par l'envie de rendre ce moment le plus agréable possible pour lui, elle ne mit guère longtemps à se décider :

« J’en ai un. C’est l’endroit parfait mais c’est très peu connu alors tu dois me promettre de garder ça pour toi… »

Après avoir eu sa promesse, Kathrina prit la direction de leur marche d’un pas joyeux, jusqu’aux escaliers capricieux de l’école, encore peu occupés en ce début de soirée. Ils purent les escalader sans se faire interrompre, jusqu’au septième étage qui lui, était parfaitement désert. Profitant du fait qu’ils étaient de nouveau seuls, elle attrapa la main d’Andrew et s’élança dans les couloirs avec lui. Très amusée par la situation, elle se plut à faire des mystères :

« Tu as une idée d’où on va ou pas ? »

Kathrina gardait un oeil vers les murs qu’ils longeaient, à la recherche d’une tapisserie précise. Quand elle l’aperçut au détour d’un couloir, elle accéléra le pas, jusqu’à s’arrêter juste devant elle. Elle se résolut enfin à tout expliquer à son ami :

« Ok alors c’est ici mais on ne peut pas le voir encore. C’est un endroit un peu magique. Quoi de plus étonnant dans ce château, tu me diras, mais celui-ci est vraiment particulier... D’abord, il faut que tu fermes les yeux. Allez, allez ! Fais-moi confiance » le pressa t-elle entre deux rires. Quand Andrew se plia à l’exercice, elle poursuivit : « Maintenant, tu vas imaginer l’endroit dans lequel tu rêverais d’avoir ta première fois. Ne ris pas, c’est très sérieux ! Tu peux tout imaginer, vraiment, ne te retiens pas. » Elle s’avança d’un pas et saisit les deux mains de son ami dans les siennes. « Pense à tout ce qui pourrait te détendre et te mettre dans les meilleures conditions possibles… Il faut que tu y penses très fort, comme un endroit dont tu as vraiment besoin maintenant. Et tu vas garder cette image en tête pendant qu’on marche. C’est bon ? Je te guide, suis mes pas. »

Andrew était à moitié sérieux avec sa proposition d'aller manger du chocolat. Il ne voulait pas que Kathrina soit mal à l'aise, il ne voulait pas que tout cela soit plus étrange que cela ne pouvait déjà l'être. Mais peut-être qu'il projetait un peu sur elle, songea-t-il alors qu'elle passait ses bras autour de ses épaules en refusant sa suggestion. Il était partagé entre l'envie de continuer à l'embrasser et la légère sensation d'anxiété qui s'était emparée de lui. En bon Gryffondor, il décida de l'ignorer pour le moment et laissa ses mains remonter dans le dos de son amie. La remarque qu'elle fit sur la cravate qu'il avait desserrée lui tira un sourire et il prit son air le plus innocent.

- C'est parce que c'est la fin de la journée, répliqua-t-il, c'est pour que tu sois mieux !

Le port de l'uniforme - ou plutôt le port correct de l'uniforme -  était un grand combat au sein de l'école. Il n'était pas rare de perdre quelques points pour une cravate malencontreusement "oubliée", ou bien pour une mise débraillée, au bon vouloir de l'enseignant qui verbalisait. Le professeur Witherington, la prof de sortilège, en était la grande spécialiste : dans sa classe, il fallait avoir le trousseau complet. A chaque fois qu'ils râlaient, ils avaient le droit à un rappel du règlement intérieur, qu'ils avaient tous signé en arrivant à l'école : ils devaient être en uniforme tous les jours de la semaine de huit heures à dix-sept heures et pour tout évènement scolaire. Le soir et les week-end, ils étaient tranquilles. En plus, ajoutait souvent leur enseignante quand elle se lançait sur le laïus de la bonne tenue à avoir dans l'école, ils avaient de la chance car ils pouvaient maintenant personnaliser leurs uniformes. De son temps, aimait-elle à dire, ils étaient tout en gris avec juste des liserés de couleur. Et regardez-vous, ajoutait-elle, maintenant vous avez des pulls colorés, des jupes, des vestes ! Vous avez de quoi vous exprimer. C’était souvent ce moment que choisissait Rachel pour rouler des yeux (pour quelqu’un qui aimait autant la mode, les quelques « personnalisations » qu’ils pouvaient apporter à leurs tenues quotidiennes étaient des miettes de pain.) Andrew lui, était partagé entre trouver ça pratique (il savait toujours comment s’habiller le matin) et entre une allergie à sa cravate, qu’il portait souvent un peu trop lâche.

Mais Kathrina avait tout de même raison : ils ne pouvaient pas juste rester au milieu du couloir, pas alors que le dîner commençait à se terminer. Ils étaient sur le chemin des Poufsouffle et Andrew n’avait pas très envie de tomber sur Baen ou Adarsh, par exemple, qui ne manqueraient pas de lui faire des remarques. Il n’avait pas envie d’expliquer quoi que ce soit à personne, c’était entre eux, cela ne regardait qu’eux. Mais où aller... Trouver des endroits discrets et confortables dans Poudlard n’était pas chose facile. À croire que c’était fait exprès ! Alors bien sûr, il y avait toujours l’option de la salle de classe peu utilisée dont on forçait la serrure d’un sortilège, des quelques alcôves dissimulées derrière des tableaux (pour ceux qui avaient la chance de les connaitre) ou, de façon plus rustique, les placards, les vestiaires de Quidditch (de façon très clichée, si on lui demandait.) Pour autant, après quelques secondes de réflexion, son amie déclara qu’elle avait l’endroit « parfait » mais qui devait rester secret. Un peu surpris, Andrew lui adressa un sourire :

- C’est promis. Mais il y a encore des endroits vraiment secrets à Poudlard ?

Il exagérait un peu, il savait qu’il y avait des passages secrets qu’il ne devait pas connaître et des choses comme ça. Mais lorsqu’il était arrivé à l’école, il s’était donné pour mission d’explorer le château - qui lui apparaissait alors comme un grand terrain de jeu - dans tous les coins. Souvent accompagné de Gowan - et de Sasha lorsqu’il avait malgré lui découvert la Forêt Interdite - il avait parcouru des kilomètres et des kilomètres, à la recherche de tous les endroits cools. George, qui était un ami de son père, était plein de ressources là-dessus d’ailleurs et lui avait donné de nouvelles idées d’exploration entre la première et la deuxième année. Il est vrai qu’à force de vivre à Poudlard - et en grandissant - Andrew avait un peu laissé de coté ses velléités d’explorateur mais il estimait qu’il connaissait assez bien l’endroit. Surtout que Kat les guidait jusqu’au septième étage, qu’il connaissait encore mieux : c’était là que se trouvait le portait de la Grosse Dame et donc l’accès à la tour de Gryffondor. Il pouvait d’ailleurs entendre le portrait chantonner - enfin, hurler - d’ici : elle s’entraînait à briser des verres. En tout cas son amie semblait bien s’amuser avec ses devinettes et son sourire était contagieux. Elle attrapa sa main sur les dernières marches qui menaient au pallier avant de s’élancer dans les couloirs.

- La salle commune de Gryffondor ? plaisanta-t-il. C’est plutôt connu, tu sais, par cent cinquante personnes à peu près...

Mais ils dépassèrent la statue de Lachelan le Maigre pour se retrouver dans le long corridor qui permettait notamment de rejoindre la tour Nord et quelques salles qui servaient principalement leur maison quand ils voulaient travailler en groupe et à peu près dans le calme. Il y avait cette immense tapisserie du type qui voulait apprendre à danser à des trolls en tutu et son amie s’arrêta juste devant. Il ne dissimula pas sa mine plus qu’étonnée quand elle déclara que c’était ici mais « qu’on ne pouvait pas le voir. » Il passait ici plusieurs fois par semaine, il aurait vu s’il y avait quelque chose à voir...

- Ok, ok, capitula-t-il pourtant quand elle l’invita à fermer les yeux. Mais je ne vois pas ce que tu as ici, à moins que tu saches faire apparaître un passage secret...

Il se plia pourtant à l’exercice... jusqu’à ce qu’elle déclare qu’il devait imaginer l’endroit où il voulait avoir sa première fois. Ses sourcils se froncèrent malgré lui. Quelque chose qui pourrait le détendre, disait-elle (alors qu’il était évidemment déjà très détendu.) Il n’y avait jamais pensé, il ne s’était jamais dit qu’il y avait un endroit idéal, pas au point de pouvoir le verbaliser en tout cas. Les quelques moments plus intimes qu’il avait partagé avec Aby avaient eu lieu pendant les vacances, donc chez eux, la question ne s’était donc pas posée... Sans savoir pourquoi, il eut l’impression de sentir ses joues rougir et il rouvrit les yeux.

- J’ai jamais... j’y ai jamais réfléchi en détails. C’est juste... Enfin, je ne sais pas, j’ai pas d’idées, là, précisément...

Il avait trébuché sur quelques mots et cela l’agaça un peu. Ce sentiment familier de nervosité l’avait envahi de nouveau et lui tira un soupir. Pourquoi est-ce qu’il était comme ça ? 

Sans le savoir, Andrew devina qu’il s’agissait d’un passage secret mais Kathrina ne dit rien, se contentant d’arborer un sourire mystérieux. Des explications ne valaient pas mieux qu’une démonstration et elle était pressée de voir la réaction de son ami.

S’il se plia d’abord au jeu qu’elle proposait, les yeux fermés et la mine concentrée, quelque chose dans sa figure se chiffonna. Kathrina le vit rouvrir les yeux, sans que le passage n’apparaisse. Dans ses explications confuses, elle perçut une forme de gêne qu’elle s’empressa de vouloir réduire.

« D’accord, c’est pas grave ! » assura t-elle. Elle avait voulu le laisser choisir un lieu pour le mettre à l’aise mais l’inverse s’était produit. Quelques minutes plus tôt, Andrew lui avouait que l’idée d’une première fois le stressait et l’impressionnait. Alors ce n’était peut-être pas la meilleure idée de le laisser prendre les rênes, il avait besoin d’être davantage guidé, visiblement. Il devait y avoir un vrai blocage quelque part, songea Kathrina avant de se ressaisir. Pour ne pas le gêner davantage, elle s’empressa de sourire et de déclarer : « Je peux imaginer un endroit, si tu préfères. »

C’était sans doute plus prudent, d’ailleurs, la Salle sur Demande pouvait se montrer capricieuse et difficile à trouver. Elle avait essuyé beaucoup d’échecs les premières fois mais avec le temps, elle avait appris à projeter son esprit de manière suffisamment claire et franche pour voir la salle se manifester à elle.

Les mains nouées à celles d’Andrew, elle ferma les yeux quelques secondes. Lorsqu’elle les rouvrit, une porte s’était matérialisée dans le mur en pierre, à leurs côtés. Satisfaite, elle se tourna vers Andrew.

« Les images valent mieux que des grands discours alors… On y va ? »

Elle poussa la porte, laissant son ami la suivre pour découvrir la petite pièce chaleureuse qu’elle avait imaginée. Elle avait déjà imaginé des endroits insolites mais cette fois-ci, son intuition lui glissait qu’il valait mieux rester simple pour mettre Andrew à l’aise. La pièce avait tous les atours d’une chambre, ni trop grande, ni trop petite, baignée dans la lumière tamisée d’une dizaine de bougies dispersées autour d’eux, plus chaude que le reste du château grâce au feu de cheminée qui crépitait dans un angle, aux lourds rideaux devant les fenêtres et au tapis épais qui recouvrait le sol. Un lit plus large que ceux dont ils disposaient dans les dortoirs, recouvert de grosses couvertures et de coussins moelleux, leur faisait face. Kathrina laissa Andrew faire le tour de la pièce, avant d’expliquer :

« Tu avais déjà entendu parler de la Salle sur Demande ? C’est une salle qui se manifeste uniquement quand on en a vraiment besoin, avec tout ce qu’on désire à l’intérieur. » Elle assura, en s’approchant d’Andrew : « On sera tranquilles, ici, personne ne peut nous trouver depuis l’extérieur. »

Kathrina sembla percevoir sa nervosité puisqu’elle s’empressa de déclarer que ce n’était pas grave et qu'elle pouvait le faire. Cela agaçait Andrew d’être ainsi. Il aurait préféré avoir l’air complètement détendu - voire même, être détendu tout court. Après tout, quand Baen en parlait, ce n’était jamais sous le registre anxieux ! Kat reprit ses mains entre les siennes et ferma les paupières quelques secondes, semblant se concentrer. Le regard d’Andrew se porta lui derrière l’épaule de son amie, alors que le mur de pierre semblait devenir légèrement flou. Les arches d’une porte commencèrent à se dessiner à sa plus grande surprise, jusqu’à prendre complètement forme. Un passage se tenait désormais au coeur de la pierre, comme s’il avait toujours été là. Andrew passait tous les jours - ou presque - dans ce couloir et il n’avait jamais vu quelque chose s’y matérialiser. Surpris, il lança, alors qu’elle tournait la poignée :

- Mais comment tu as réussi ?

C’était une petite pièce chaleureuse où ronflait un feu de cheminée. Des bougies éclairaient la pièce de pierre blanche et surtout, un grand lit trônait contre le mur, rempli de coussins et d’édredons. C’était... adapté, songea-t-il. Et bien plus confortable que tout ce qu’ils pouvaient avoir dans le reste de l’école (les dortoirs de Gryffondor compris.) Sa main lâcha celle de Kat alors qu’il se dirigeait vers la fenêtre pour en écarter légèrement le rideau, curieux de voir où la vue donnait. Derrière les carreaux, on percevait une nuit étoilée mais ce n’était pas le spectacle habituel du parc, comme on le voyait depuis la salle commune. C’était une fenêtre magique, comme on en voyait des fois. Lorsque son amie lui demanda s’il avait déjà entendu parler de la Salle sur Demande, la lumière se fit dans son esprit. Bien évidemment ! Il aurait pu le deviner tout seul lorsqu’elle lui avait demandé d’imaginer une pièce.

- Bien sûr, on en parle dans tous les récits de résistance à Poudlard, répondit-il avec enthousiaste. Les élèves s’étaient cachés des mangemorts... Je l’ai cherchée, en deuxième et troisième année, mais je ne l’ai jamais trouvée ! Comment est-ce que tu as fait ?

Et dire qu’elle était à deux pas de la salle commune ! S’il avait su... Mais ses parents n’avaient pas pu la lui indiquer, pas plus que George, qui disait que lui et son frère ne l’avaient jamais trouvée non plus de leur temps à l’école. Lorsque Kat s’approcha de lui et lui assura que personne ne pourrait les trouver, il lui fit un sourire reconnaissant.

- Merci. C’est bien ici, ça a l’air confortable.

Le lit était grand et épais. La main d’Andrew vint déposer un légère caresse sur la joue de son amie.

- J’ai juste une petite question... souffla-t-il.

Son pouce effleura doucement sa pommette.

- Tu penses que ça pourrait se transformer en terrain d’entraînement d’intérieur ? Juste comme ça.

Andrew semblait si impressionné qu’il demanda à deux reprises à Kathrina comment elle avait pu trouver cette salle si mystérieuse, dont les légendes parlaient et que très peu parvenaient à trouver. Elle esquissa un sourire tout aussi mystérieux en répondant :

« Ah bah, je ne vais pas te révéler tous mes secrets quand même… »

Et surtout, elle n’avait pas forcément envie de devoir l’expliquer à Andrew, encore moins à ce moment précis où ils partageaient une complicité intime. Mais disons qu’il y avait quelques avantages à fréquenter des hommes plus âgés, qui avaient justement vécu la guerre et à qui elle pouvait soutirer quelques confidences sur l’oreiller.

Kathrina préféra se recentrer sur le moment présent et observer les réactions de son ami. Elle savait qu’elle ne prenait pas trop de risques en imaginant cette chambre et elle fut soulagée d’entendre Andrew la remercier, après avoir fait un tour de la pièce. Son regard admiratif laissa place à un sourire reconnaissant qui poussa Kathrina à sourire à son tour.

« C’est vrai, ça te plaît ? Tant mieux, je suis contente… »

Andrew semblait même assez à l’aise pour reprendre leur petit badinage, qu’il s’approcha très près d’elle et laissa une caresse sur sa joue. Kathrina s’approcha, le coeur battant d’anticipation, prête à tendre ses lèvres vers le baiser qui se profilait entre eux… jusqu’à ce qu’Andrew fasse un commentaire surprenant.

Incrédule, Kathrina eut un léger mouvement de recul, comme pour mieux regarder son ami. Puis, elle éclata de rire.

Elle rit avec bonne humeur et désespoir à la fois, face à Andrew Dubois qu’on ne pouvait décidément pas changer.

« Oh non, je n’y crois pas… Je te montre la Salle sur Demande, la légendaire Salle sur Demande, et la première pensée que tu as, c’est ça ! Non, c’est trop » s’esclaffa t-elle, les yeux brillants. « Andrew Dubois, qu’est-ce qui pourrait t’ôter le Quidditch de la tête, même juste pour cinq minutes… ? »

Elle avait un ton malicieux et un regard évocateur en posant la question car elle avait bien sa petite idée de réponse. Plutôt que de la donner, elle la mit en oeuvre, en franchissant les quelques centimètres qui les séparait encore. Ils avaient déjà partagé des baisers plutôt audacieux, quelques instants plus tôt, dans ce recoin de couloir où ils s’étaient installés. Celui-ci le fut encore plus. Il s’étira en longueur, éprouva leurs souffles, échauffa leurs joues, poussa Kathrina à passer ses mains sous le pull qu’Andrew portait pour explorer son dos par-dessus le tissu fin de sa chemise. Elle se rendit compte que ses gestes n’avaient rien d’une mécanique bien huilée, qu’elle suivait parfois comme un script, plus pour faire plaisir à ses amants qu’à elle-même. Au contraire, elle sentait prise d’un vif enthousiasme, d’une envie sincère qu’elle dut temporiser un peu pour ne pas s’emballer trop vite. Le dernière chose qu’elle voulait était de brusquer Andrew alors elle s’interrompit brièvement pour lui proposer, le souffle court :

« On serait plus à l’aise sur le lit… Ça te dit ? »

Kathrina eut un mouvement de recul. Un bref instant, il crut l’avoir brusquée, avoir dit quelque chose de mal. Jusqu’à ce qu’elle se mette à s’esclaffer, d’un rire communicatif qui tira également un sourire amusé à Andrew. Lorsque son amie déclara que c’était trop, il secoua légèrement la tête.

- Non mais c’est juste que... avoue !

L’opportunité était trop belle : une salle qui pouvait complètement se moduler aux désirs, c’était merveilleux pour imaginer des séances d’entraînement dans des conditions variées, pour son équipe. Ou bien c’était l’occasion d’avoir une vraie salle de sport, un gymnase, chose que lui, les autres capitaines et sûrement d’autres avant eux réclamaient depuis des années. On ne pouvait pas lui en vouloir de saisir les opportunités qui se présentaient à lui ! Heureusement, Kat était loin de lui en vouloir au vu du regard qu’elle lui lança...

Lorsqu’elle lui demanda avec malice ce qui pouvait lui ôter le Quidditch de la tête, il n’eut pas vraiment l’occasion d’apporter une réponse à cette question puisqu'elle l’attira contre elle pour un baiser. Il glissa ses bras autour de sa taille, laissa ses mains remonter le long de son dos, vint effleurer sa nuque de ses doigts. Andrew n’avait plus envie de se séparer d’elle, il avait envie de continuer à l’embrasser. Il sentit les mains de Kat glisser sous son pull, la chaleur de ses paumes traversa le tissu de sa chemise. Il voulut en faire de même pour elle, mais le lainage était glissé dans l’élastique de sa jupe. Avant qu’il n’ait pu décider de quoi que ce soit pour surmonter cette situation, elle se détacha de lui, légèrement essoufflée. Ses yeux parcourent son visage, ses yeux clairs, ses lèvres roses, ses pommettes rougies et il ne put s’empêcher de trouver ce dernier détail terriblement séduisant.

- Oui, on peut, accepta-t-il simplement lorsqu’elle lui proposa de se mettre sur le lit.

Ses mains quittèrent sa taille alors qu’il faisait un léger pas de côté pour venir s’assoir sur le rebord du matelas. Machinalement, il se laissa tomber en arrière, comme pour mieux expérimenter le rebondi.

- Ils sont quand même mieux que ceux qu’on a dans les dortoirs, on se fait un peu avoir !

Ravie de sentir Andrew détendu et aussi impliqué qu’elle dans leur étreinte, elle le suivit vers le lit confortable derrière eux. Son commentaire lui tira un rire puis une boutade :

« Ça, c’est parce que vous dormez sur des lits de camp à Gryffondor, franchement… Il fallait venir à Poufsouffle, nous, on a des lits cosy avec plein de coussins ! »

Ce détail était l’objet de blagues récurrentes entre eux et leurs bande d’amis où les quatre maisons se trouvaient représentées. Ils s’étaient toutefois mis d’accord sur le fait qu’il valait mieux dormir dans des vieux lits grinçants engoncés dans des petites chambres plutôt que dans les cachots de Poudlard -même si les Serpentards de la bande se hâtaient toujours d’affirmer que, eux au moins, ils ne dormaient pas à plus que deux par chambre.  

Profitant du fait qu’Andrew s’était assis sur le matelas, elle s’approcha de lui pour venir s’installer à califourchon sur ses genoux. Les deux bras noués autour de son cou, elle se laissa aller contre lui, effleura sa nuque de ses doigts, déposa quelques baisers sur ses lèvres. Dans ce moment teinté de douceur, Kathrina savoura le temps qu’ils prenaient à se découvrir -et non à se sauter dessus en quelques minutes comme elle l’avait trop souvent vécu avec les autres garçons de leur âge, très pressés de tirer leur coup. Au fond, même si elle était expérimentée dans ce domaine, même elle avait besoin d’un peu de temps pour s’acclimater à cette situation étonnante et imprévue. Andrew n’était pas n’importe quel garçon. Il avait été son amoureux, un jour, comme deux enfants de douze ans peuvent être amoureux : ils s’étaient tenus la main dans les couloirs, avaient partagé des bisous sur la joue et sur les lèvres et s’étaient sentis un peu spéciaux l’un pour l’autre et dans le regard de leurs camarades qui n’avaient pas encore expérimenté les premiers frissons d’un béguin innocent. Cela avait été une expérience très agréable, une relation particulière et légère qui avait égayé le quotidien de Kathrina dans une période difficile de sa vie. Puis un jour, ils avaient simplement senti que leur amitié prenait le dessus sur le reste et avait plus de sens pour eux qu’une relation de couple. Assez naturellement, ils s’étaient laissés partir de cette manière, pour que chacun puisse vivre ce qu’il désirait de son côté : Andrew avait vécu une longue relation amoureuse avec Abigail pendant que Kathrina, elle, commençait à découvrir et expérimenter sa sexualité dans les bras d’autres garçons.

Ils n’avaient jamais cessé d’être amis mais ils avaient indéniablement changé depuis cette époque de leur enfance. Alors Kathrina prit le temps de regarder son ami à un moment où elle se reculait, comme pour mieux sentir cette nouvelle -et à la fois familière- intimité qui se réveillait entre eux. Elle laissa ses yeux parcourir les traits du visage d’Andrew, ses cheveux bruns ébouriffés, ses lèvres bien dessinées, ses pommettes parsemées de tâches de rousseur qu’elle avait toujours trouvées adorables chez lui, l’angle affirmé de sa mâchoire qui lui rappelait qu’il était désormais un beau jeune homme plus qu’un petit garçon avec qui elle était sortie un jour. Elle le trouvait attirant, gentil, drôle et attentif, elle se sentait bien dans ses bras, à cet instant. Même si les choses avaient commencé par l’envie d’aider son ami, elles prenaient maintenant une autre teinte parce qu’elle se sentait prise d’un désir sincère et c’était tant mieux : Andrew était bien la dernière personne avec qui elle voulait jouer un rôle.

« Toujours pas envie de t’enfuir ? » demanda t-elle malicieusement, en référence à leur conversation dans les couloirs.

Elle le laissa répondre avant de donner une impulsion pour les faire basculer tous les deux contre le matelas, prête à laisser plus de place au désir qui montait en elle.


Il faisait très chaud sous l’épaisse couverture qui recouvrait son corps nu mais Kathrina ne chercha pas à s’en dégager. Elle vint au contraire s’envelopper de cette délicieuse chaleur humaine qui irradiait d’Andrew à côté d’elle, ferma les yeux pour mieux savourer l’effet de cocon que produisait ses bras autour d’elle et qui avait quelque chose de salvateur. Parfois, elle ne se livrait à des relations sexuelles que dans l’attente des câlins qui s’ensuivaient et qui lui offraient, l’espace d’un instant, cette précieuse sensation d’être aimée dont elle était si assoiffée.

Mais cette fois-ci, son coeur ne se serra pas dans l’anticipation du moment où son partenaire finissait par se dégager et la laisser seule, parfois presque dans un mouvement de fuite un peu blessant, un moment qui finissait toujours par arriver trop vite à son goût. Andrew n’avait pas l’air de vouloir fuir, bien au contraire. Il lui avait montré suffisamment de douceur et de tendresse pendant leur moment d’intimité pour mettre Kathrina en confiance. La tête posée contre son épaule, elle souriait, en se repassant mentalement les images de leur étreinte et en savourant les dernières traces de plaisir qu’elle sentait encore dans son corps.

« Franchement si tu m’avais pas dit avant qu’on le fasse que c’était ta première fois, je t’aurais jamais cru » avoua t-elle en riant. Elle leva légèrement la tête vers Andrew, pour croiser son regard. Elle se souvenait de leur conversation dans les cuisines qui lui paraissait presque lointaine, maintenant. Il lui avait avoué combien l’idée de rater sa première fois au point d’en traumatiser sa partenaire le tracassait au point de le bloquer. « Si ça peut te rassurer, tu t’es pas du tout raté et tu m’as pas du tout traumatisée, bien au contraire... »

Andrew avait les joues encore rouges, il le sentait. Kathrina était blottie contre lui, sa peau chaude contre la sienne, l’épaisse couverture les recouvrant tous les deux. Beaucoup de pensées se bousculaient dans sa tête, se mélangeaient aux images de ce qui venait de se passer, aux reliquats d’émoi qui parcouraient encore son corps. Ses yeux semblaient absorbés dans la contemplation de l’ombre des flammes qui virevoltaient au plafond, mais il ne les voyait pas vraiment, tout à son esprit. Ce fut la voix de Kat qui attira son attention. Il baissa le regard vers elle, lui adressant un sourire alors que ses doigts venaient effleurer sa pommette. Ce qu’elle déclara avec un rire lui fit secouer la tête ; il leva légèrement les yeux au ciel, sans cesser de sourire.

- Ce n’est pas beau de mentir comme ça, plaisanta-t-il.

Les choses entre eux s’étaient faites avec un naturel qui l’avait pris par surprise. Ils s’étaient beaucoup embrassés, longtemps, leurs mains s’étaient égarées, leurs peaux s’étaient rencontrées et ses appréhensions avaient semblé s’étouffer sous leurs caresses.

- C’est gentil, souffla-t-il lorsqu’elle assura que tout s’était bien passé pour elle.

Ses yeux s’accrochèrent aux siens et il lui sourit un peu plus, contemplant l’espace d’un instant ses prunelles lumineuses et la manière dont la lumière orangée de la pièce patinait sa peau. L’envie de l’embrasser était loin d’avoir disparu et il se pencha pour le faire, avec tendresse. Lorsqu’ils se séparèrent de nouveau, il effleura le bout de son nez avec le sien, avant de se recaler un peu contre les oreillers.

- C’était... commença-t-il, incertain de comment terminer cette phrase, incapable en cet instant de concrétiser toutes les pensées et ressentis en quelque chose de construit. Beaucoup, finit-il par dire après un léger silence. 

« Je ne mens pas, je t’assure ! » Elle argua sur un ton faussement sérieux : « Une Poufsouffle ne ment jamais, surtout pas à ses amis. »

Elle lui offrit un sourire avant de reposer la tête sur son torse. Les images de leur moment lui revenaient et alimentaient cette sensation de bien-être qui ne la quittait pas. Ses mots étaient sincères, elle se trouvait agréablement surprise par la tournure des événements. Elle savait très bien ce qu’était une première fois, d’abord parce qu’elle avait vécu la sienne -un moment pas vraiment glorieux ni mémorable- et ensuite parce qu’elle avait été celle de plusieurs garçons de l’école. Et en toute honnêteté, elle ne le faisait pas pour le plaisir du moment en tant que tel, c’était souvent maladroit et trop court pour qu’elle en tire un véritable plaisir. Ce qu’elle aimait, c’était de tenir le rôle de celle qui faisait découvrir les joies du plaisir charnel à un garçon. Cela lui donnait l’impression d’occuper une place spéciale et de recevoir une reconnaissance particulière de leur part.

Kathrina sentait dans le silence presque contemplatif d’Andrew et dans le regard qu’il posa sur elle qu’il y avait quelque chose de cela, cette espèce de sentiment de béatitude qui suivait une première fois et qui la flattait toujours. Mais cette fois-ci, elle pouvait affirmer qu’elle y avait trouvé autre chose, une grande tendresse dans leurs gestes et beaucoup de plaisir qu’elle ne s’était pas attendu à ressentir. Elle posa la main sur la joue d’Andrew pour le retenir contre elle et faire durer leur baiser doux. Sa remarque lui tira un sourire.

« Beaucoup dans le bon sens du terme… ? » l’interrogea t-elle pour l’inciter à développer.

Elle laissa un silence s’écouler pendant lequel elle retraça du bout de ses doigts la courbe de la joue d’Andrew. La peau de son ami paraissait dorée et scintillante sous la lumière tamisée de la chambre. Le regard de Kathrina brillait aussi, parce que dans les yeux clairs d’Andrew sur elle, elle trouva pleinement l’affection qu’elle cherchait si désespérément dans toutes ses étreintes charnelles avec des hommes.

« Pour moi aussi, c’était beaucoup » avoua t-elle du bout des lèvres. Il n’y avait plus vraiment de taquinerie dans son ton, juste une reconnaissance sincère. « Ça m’a fait beaucoup de bien… Merci pour ça. »

Kathrina avait beau lui assurer qu’elle ne mentait pas - car une bonne Poufsouffle ne mentait jamais - Andrew restait sceptique. Pour autant, il ne répondit pas, cette fois-ci, se contentant de lui adresser un nouveau sourire avant de l’embrasser avec douceur. Ses mains remontèrent le long de son dos sous la couverture, effleurant sa peau douce. Lorsqu’ils se séparèrent, les doigts de Kat sur sa joue semblèrent vouloir le retenir un peu plus longtemps.

- Beaucoup dans le très bon sens du terme, assura-t-il à voix basse lorsqu’elle l’interrogea.

La fièvre de l’instant lui avait permis de s’absorber complètement dans leur étreinte et ses pensées revenaient en même temps que le moment s’effaçait. Il y avait presque de l’étrangeté dans les images qui se bousculaient dans son esprit, comme si c’était une scène extérieure. Pour autant, il n’en regrettait rien, il le sentait. Il avait aimé être avec elle, il avait aimé partager cette intimité avec elle. Il avait encore envie de l’embrasser, de serrer son corps contre le sien. Cela avait été beaucoup. Beaucoup de nouvelles choses, de nouvelles sensations, de nouveaux moments. Ce nouveau souvenir prenait déjà beaucoup de place dans son esprit.

Ses doigts parcouraient encore doucement le dos de Kathrina lorsqu’elle souffla que cela avait été beaucoup pour elle aussi, beaucoup de bien, avant de prononcer un merci qui le surprit, le laissa dépourvu de mots quelques secondes. L'affection qu’il ressentait déjà pour elle à cet instant prit une nouvelle ampleur, qu’il n’aurait pas cru possible, tandis qu’un imposant sentiment de soulagement et de reconnaissance envahit son torse. Cédant de nouveau à cette envie de proximité, il murmura contre ses lèvres « Merci » avant de l’embrasser avec ferveur, ses mains remontant pour encadrer son visage alors qu’il venait la renverser légèrement sur l’oreiller. Ses lèvres finirent par dériver dans son cou, y déposant plusieurs baisers, effleurant les lignes de sa mâchoire. Il avait l’impression qu’il pourrait l’embrasser pour toujours. Il dut se faire violence pour se redresser légèrement sur ses coudes, adressant à Kat un léger sourire en coin.

- Et dire que je voulais juste tes notes de potion, à la base...

« Tant mieux » souffla Kathrina avec un sourire, en réponse à Andrew.

Elle s’en serait voulu de gâcher la première fois de son ami, particulièrement après l’avoir entendu partager ses inquiétudes et ses appréhensions sur le sujet. Rassérénée, elle se blottit contre le jeune homme, prête à profiter pleinement de ce moment câlin qu’elle aimait tant après l’amour. Elle frissonna sous les caresses légères le long de son dos, savoura le regard plein de reconnaissance qu’Andew posa sur elle et s’oublia dans les baisers brûlants qu’il initia. Le poids de son corps sur elle et la présence de ses mains tendres sur sa peau lui firent l’effet d’un cocon protecteur autour d’elle. Ses joues étaient roses de chaleur et son regard brillait quand elle répondit avec amusement :

« Il faut savoir lier l’utile à l’agréable, voilà tout. » Elle effleura la joue de son ami, avant de glisser sa main le long de sa nuque pour le rapprocher d’elle. « Mes notes sont dans mon sac, je te les donnerai tout à l’heure » promit t-elle. « Mais avant ça, tu as d'autres devoirs à faire… »

Liant les gestes à la parole, elle franchit les derniers centimètres qui les séparaient, prise d’une vive envie de proximité avec lui. Dans cette salle hors du temps et de l’espace, les deux amis oublièrent brièvement le monde extérieur pour se perdre dans une étreinte qui ne serait pas la dernière.