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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies]

Avalon Calder
Avalon CalderChef de la milice
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Profil Académie Waverly
L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeVen 9 Avr 2021 - 16:57
3 juillet 2011

Avalon connaissait l’appartement de ses parents par cœur. Chaque pièce, chaque recoin, chaque détail était imprimé dans sa mémoire. L’entrée encombrée par les chaussures, la petite cuisine aux murs noircis par la fumée de cigarette, le salon qui était séparé en deux pour qu’une partie puisse accueillir une table recouverte d’une nappe qui n’avait pas été changée depuis plusieurs semaines. Le couloir à la moquette orange où un placard à la porte cassée regorgeait de manteaux qui n’avaient jamais été triés, les chambres qui accueillaient des lits superposés – il fallait parer à la question de la place – et des matelas étalés au sol.

Ce n’était pas un lieu apte à accueillir des enfants. Alors certes, « ils avaient un toit au-dessus de la tête » comme se plaisait à le rappeler Dwight Davies, mais il y avait des joints dans les cendriers, de la moisissure sur les murs de la salle de bain qui produisait une odeur de renfermé particulièrement rance. Il y avait souvent de la drogue dans la cuisine, enfermée dans des pochons transparents, des cris dans la cage d’escalier. Ce n’était pas un lieu apte à accueillir des enfants et pourtant, neuf avaient vu le jour ici. Dix, si on comptait Elio, qui avait vécu là pendant les premiers mois de son existence, avant que Célice ne déménage avec lui.

Avalon avait mis longtemps à prendre conscience de la mise en danger permanente qu’ils avaient vécu lorsqu’ils étaient plus jeunes. Pendant longtemps, cet appartement avait été la seule chose qu’elle avait connu, le seul milieu dans lequel elle évoluait. Elle avait été à l’école, évidemment, mais la plupart de ses camarades vivaient dans des conditions similaires. Cet appartement, ce quartier, avait été l’intégralité de son univers pendant onze ans. Puis, Avalon avait été scolarisée à Poudlard. Du jour au lendemain, on l’avait envoyé dans une école dont elle ne connaissait rien, auprès d’enfants qui ne partageaient pas la même culture qu’elle. Alors d’accord, il y avait de la nourriture sur la table à chaque repas, ses vêtements étaient lavés et repassés sans même qu’elle n’en fasse la demande, mais ce n’était pas la vraie vie. La vraie vie – la sienne – se trouvait auprès de sa famille, de ses frères et de ses sœurs. A onze ans, on n’avait pas l’idée de remettre en question son environnement familial ; on s’en saisissait et on s’intégrait dedans. Alors, pendant longtemps, Poudlard avait été cet « à-côté » magique, cette « parenthèse » complètement surréaliste et déconnecté de son quotidien. Puis, au fil des années, le quotidien d’Avalon avait changé au profit de ce monde qu’elle avait fini par adopter et alors, elle avait vu. Elle avait vu le danger, les abus, l’illégalité, les colères, et puis la drogue, partout, tout le temps, qui s’infiltrait dans chacun des pans de leur existence. Qui avait accompagné la sienne, pendant tellement d’années parce que, comment aurait-elle pu faire autrement ? Comment aurait-elle pu résister à quelque chose qui avait été introduit si tôt dans son existence ?

Avalon avait mis des années à prendre conscience des conditions de vie dans lesquelles elle avait grandi et, même après cela, elle avait mis des années, encore, à l’intégrer suffisamment pour ne pas s’en sentir simplement victime mais pour pouvoir agir activement dessus. En lançant une procédure pour retirer la garde de leurs derniers enfants mineurs à ses parents, Avalon avait fait ce pas qu’elle avait tant retenu. Et elle le vivait autant comme un soulagement que comme un déchirement.

Evidemment, Avalon n’avait pas informé ses parents de sa démarche. Ni même ses frères et sœurs, à part son jumeau, de peur que l’information ne parvienne aux oreilles des principaux intéressés. Elle sentait que leurs rapports étaient déjà tendus – sur le point d’imploser, même, depuis qu’elle leur avait appris que Vivianne était une sorcière et qu’elle finirait par rejoindre le monde magique. Evidemment, la nouvelle n’avait pas été accueillie à bras ouverts par Dwight et Edith, dont les réactions frôlaient à la fois la colère et le déni. Ce soir-là, lorsqu’Avalon avait quitté l’appartement de ses parents, elle s’était jurée de tenir la promesse qu’elle lui avait faite, un peu plus tôt, chez Fergus. Tout allait bien se passer.

Et pour le moment, Avalon avait l’impression d’échouer. Les semaines passaient, les procédures n’avançaient pas, et Vivianne allait mal. Elle le sentait, le voyait dans sa façon de fuir son regard, et dans ses sourires qui avaient perdu leur éclat. Avalon ne savait cerner exactement la cause du mal-être de sa sœur et, quand elle essayait de l’interroger dessus, Vivianne se bornait à lui répondre qu’elle allait bien. Evidemment.

Alors, en attendant les décisions de l’assistante sociale – qu’Avalon appelait tous les deux jours – la jeune femme essayait de se dégager du temps libre pour le consacrer à Vivianne. Ses parents n’appréciaient pas forcément les nombreux séjours de Vivianne chez elle, mais elle avait l’impression que, pour une raison inconnue, ils s’efforçaient de ne rien dire. Ce comportement inhabituel – surtout chez son père – avait questionné Avalon mais elle avait décidé de ne pas s’y attarder trop longtemps ; pour l’instant, cela lui permettait de voir Vivianne aussi souvent qu’elle le voulait.

Et c’était d’ailleurs pour récupérer sa sœur – qui devait passer le weekend chez elle – qu’Avalon se tenait actuellement dans le salon de ses parents, appuyée contre la table du salon. Roy se tenait à sa droite ; sa présence, son allure même, tranchait drastiquement avec l’environnement. Ce n’était pourtant pas la première fois qu’il mettait les pieds ici ; Roy avait déjà rencontré la famille Davies à plusieurs reprises au cours de ces derniers mois, lorsqu’il accompagnait Avalon à Londres, chez ses parents. Et, s’il avait déjà partagé des repas avec Galaad, avec Vivianne – bien évidemment – et même avec Célice ou Morgane, Avalon avait refusé d’organiser un temps aussi long qui aurait rassemblé l’intégralité de sa famille, dont ses parents et Néro. Lorsqu’ils se retrouvaient tous ensemble – et cela n’arrivait qu’à quelques rares périodes de l’année – la plupart de leurs conversations se transformaient en disputes pleines de rancœur et de reproches. Avalon n’avait aucune envie d’imposer cela à Roy, ni même de monter une telle mascarade alors qu’elle se savait pertinemment sur le point de faire imploser sa famille.

Pourtant, ce vendredi, les Davies étaient quasiment au complet chez leurs parents. Avalon patientait donc que Vivianne ait terminé de récupérer quelques affaires dans sa chambre, Néro fumait devant la télévision en lançant des regards noirs à Morgane qui continuait sa conversation téléphonique sans en tenir compte, Yvain suivait distraitement le programme télévisé, un joint entre les dents, et Garlan mangeait, les yeux rivés sur son téléphone. Manquait Yseut, qui travaillait à cette heure-là dans un restaurant, et Galaad, qui vivait depuis plusieurs semaines déjà avec Lucy et qu’on voyait de moins en moins par ici.

« Navanon ! » la voix d’un petit garçon de trois ans retentit dans la pièce. Elio pénétra dans le salon, suivit par Célice qui avait l’air profondément fatiguée. « Tiens ! » lui lança-t-il avec autorité en lui fourrant une feuille dans les mains.
« C’est quoi ? »
Elio haussa les épaules en se désintéressant absolument de ce qu’il venait de donner à sa tante, qui déchiffra le papier froissé. « Ta facture de téléphone, Lili. » fit-elle en la lui tendant.
« Pourquoi… ? » Célice interrogea son fils du regard, mais ce dernier était déjà occupé à jouer bruyamment avec un camion en plastique coloré. « Elio je t’ai déjà dit d’arrêter de fouiller dans mon sac ! »
« Mais j’voulais faire un dessin moi ! » protesta l’enfant en fronçant les sourcils.
« Eh bah il faut de-man-der. » râla Célice. Elle tira une feuille d’un large meuble en bazar. « Tiens. »
« Qu’est-ce que tu veux dessiner querido ? » l’interrogea Avalon en l’observant se saisir d’un crayon noir qu’il serra dans son petit poing.
« Les disosaures ! Ceux qui font « raaaaarrrrhhh » ! » imita-t-il en poussant ce qui devait s’apparenter à être le cri d’un dinosaure.
« Tu veux dire, ceux qui font « raaaaarrrrrhhhhh » ? » reprit Avalon avec un cri similaire en se penchant vers Elio qui tourna vers la tête en riant.
« Nan ! Plus méchant ! »
« Mais ça va pas te faire peur ? » s’enquit Avalon en haussant les sourcils.
« Nan ! Moi j’me bats contre les disonaures ! »

En riant, Avalon déposa un baiser sur les joues rebondies de son neveu puis se redressa pour faire face à Célice.

« T’es venue récupérer Vivianne ? » s’enquit distraitement cette dernière en allant ouvrir une fenêtre pour atténuer la fumée qui se répandait dans le salon.
« Ouais. »
Célice l’observa, un peu narquoise. « Tu veux pas faire des enfants, au lieu de voler ceux des autres ? »
« Alors là, » releva simplement Avalon, « je te le rappellerais la prochaine fois que tu voudras que je garde ton fils. »
« Pas pareil. » rétorqua simplement Célice en haussant les épaules.

Avalon afficha une simple moue moqueuse, et s’apprêtait à appeler Vivianne, lorsque la porte d’entrée s’ouvrit sur son père et sa mère, qui rentraient les bras chargés de sacs. « Garlan ! » aboya Dwight en déposant les sacs dans l’entrée. « Va aider ta mère à ranger les courses. »
« J’suis occupé. » maugréa l’adolescent qui faisait tourner des céréales dans un bol avec le dos de sa cuillère.
« Hé discute pas, j’ai dit va aider ta mère. »

Un juron glissa entre les lèvres de Garlan, qui s’exécuta malgré tout. Dwight se débarrassa de ses chaussures et de sa veste qu’il posa sur le dos d’une chaise, avant de considérer Avalon du regard.

« Ah t’es encore là toi ? »
« Salut papa. » répondit-elle. Elle s’était instantanément tendue au moment de l’arrivée de ses parents.
« Ouais, salut. » répondit-il, avant d’aviser Roy du regard. « T’es v’nue accompagnée encore » constata-t-il.
« Estime-toi heureux que ce soit son mec et pas l’autre con de rital là. » commenta Néro en se redressant sur un code pour observer sa sœur.
« Néro… » gronda Avalon, après avoir jeté un regard pour son neveu qui était toujours attablé à côté d’eux, et réprimé l’insulte qui lui brûlait les lèvres. Elle secoua doucement la tête. « Je viens récupérer Vivianne pour le weekend. »




Avalon Calder

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Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeDim 18 Avr 2021 - 23:28
Roy avait d’abord connu la famille Davies à travers les récits d’Avalon, partiels mais suffisamment précis pour qu’il puisse s’en faire une image juste. Cela ne l’avait pas empêché d’être choqué par le caractère sordide des lieux, la première fois qu’il avait mis les pieds dans cette appartement familial. Pourtant, des endroits obscurs et mal famés, Roy en avait côtoyé à ne plus pouvoir en compter : l’allée des Embrumes, la Voie des Miracles et autres quartiers suspects à travers le pays, propices au fleurissement du marché noir. La vision de sachets de drogue échangés de main en main, de seringues sales plantées dans des bras, de la crasse sur les murs ne l’émouvait plus. Des « labos », comme on disait, dans des appartements minuscules, au bout d’une cage d’escalier bancale d’un immeuble à moitié en ruine, Roy en avait vu plusieurs. Oui mais.

Mais il y croisait rarement des enfants. Et certainement pas autant assemblés au même endroit.

La première fois qu’il avait rencontré les Davies sur les lieux de leur enfance, c’était cette pensée qui l’avait frappée. Ils n’étaient que des enfants, pour la plupart. Il avait vu Garlan, aux joues rondes et au regard vide fixé sur son téléphone, il avait rencontré Yvain avec trois poils sur le menton et déjà quinze joints dans la poche de sa veste déchirée. Morgane au regard fardé de noir et cerné, occupée à fumer à la fenêtre une cigarette dont l’odeur semblait définitivement imprimée dans sa juvénile chevelure. Yseut, en uniforme élimé de serveuse qu’elle n’avait pas quitté en sortant de son travail qui semblait lui prendre toute son énergie. Il avait rencontré aussi les plus grands, ceux qui avaient quitté l’enfance et se rapprochaient de la génération d’Avalon. Célice, la belle Célice qui cachait derrière son maquillage prononcé les signes de fatigue de sa vie épuisante, entre son travail de nuit et sa monoparentalité, mais dont les mains secouées de tics nerveux trahissait une consommation régulière de drogues. Et enfin, Néro, le plus atteint de tous par les ravages de la dépendance, inscrits dans son teint gris, son visage creusé, ses yeux jaunis et dans la violence systématique de ses discours et de ses gestes.

A cet instant, jamais Roy ne s’était senti aussi reconnaissant que les aléas de la vie aient permis à Avalon de s’échapper de tout ça et de ne pas rejoindre ce triste tableau. Mais il avait songé au fait que malgré tout, elle avait grandi dans ce lieu sordide, qu’elle avait été entrainée dans un cercle vicieux de dépendance dès son plus jeune âge dont elle avait eu du mal à sortir et qu’elle avait passé toute son enfance dans cet appartement miteux avec des parents qui ne semblaient faire aucun effort pour préserver un minimum leurs enfants de leurs activités et pour leur offrir un cadre de vie à peu près décent. La pauvreté, c’était une chose, c’était un fléau dont il était parfois impossible de se sortir. Mais la sécurité et l’affection, c’était encore autre chose dont aucun des enfants Davies ne semblait avoir bénéficié et pour cela, les parents n’avaient pas d’excuses.

Cette pensée l’avait mis en colère. Avalon méritait mieux. Tous ses frères et soeurs méritaient mieux. Vivianne méritait mieux. Roy avait revu la jeune fille et son sourire si doux dans ce cadre qui ne semblait pas du tout fait pour elle et il avait alors pleinement compris l’importance de la démarche qu’Avalon avait entamée auprès des services sociaux pour en récupérer la garde. A plusieurs reprises, ils en avaient parlé ensemble en se couchant ensemble le soir, dans l’un de ces moments propices aux confidences. Roy avait accueilli ce sentiment de culpabilité qui semblait agiter Avalon en l’étreignant dans ses bras et en lui répétant plusieurs fois qu’elle faisait ce qu’il fallait, quand bien même cela lui laissait un arrière-goût de trahison. Ceux qui avaient trahi un pacte, c’était plutôt ses parents, en ne parvenant pas à subvenir correctement aux besoins de leurs enfants. Avalon ne faisait que son possible pour y pallier.

Roy veillait à garder le secret à ce sujet, il savait que seul Galaad était au courant. A part soutenir psychologiquement Avalon, il ne faisait de toute manière pas grand-chose. Il avait rencontré ses parents, brièvement, un moment qui lui avait laissé l’amertume de la frustration, mais surtout un certain dégoût à leur égard. En plus de tout ce qui pouvait leur être reproché sur ce qu’ils avaient fait -mais surtout pas fait- en tant que parents, Roy les avait trouvés particulièrement vulgaires et peu accueillants.

Malgré tout, c’était les parents d’Avalon, elle avait fait l’effort de les présenter et ce moment était certainement plus difficile pour elle que pour lui, alors il avait affiché son plus beau sourire hypocrite et n’avait rien dit de déplacé, par soutien envers elle. Il n’avait pas envie d’être un énième point qui s’ajouterait sur la liste des nombreux reproches pesant sur les épaules d’Avalon. Dwight avait fini par se lasser de lui chercher la petite bête et s’était désintéressé d’eux en interpelant ses fils d’un ton bourru. Roy avait pu alors se tourner plus tranquillement vers les plus jeunes et faire leur connaissance.

Il avait trouvé Yseut très réservée, mais indubitablement gentille, presque à se demander comment elle pouvait partager des gènes avec ses parents. Garlan était le plus difficile à approcher : la méfiance imprimait tous ses regards et ses paroles brèves, Roy ne savait pas vraiment si c’était lui qui éveillait cette réaction ou si c’était simplement sa nature profonde de se protéger de tout et de tout le monde. Il n’avait pas cherché à briser sa coquille, ni celle d’Yvain, qui en l’occurrence était plutôt une sacrée armure doublée d’une arme hostile. Lui et Néro lui avaient assez clairement fait comprendre qu’ils ne comptaient pas faire ami-ami avec lui et qu’ils méprisaient globalement tout ce qui concernait l’environnement d’Avalon. Célice, elle, lui avait paru nonchalante et intrigante à la fois, Roy ne savait pas encore trop quoi penser à son sujet mais elle lui avait posé de nombreuses questions, curieuse des histoires de sa soeur dont elle était relativement proche, de ce qu’il avait compris. Quant à Morgane, elle était peut-être son coup de coeur à lui : une adolescente provocatrice, avec une intelligence certaine au fond du regard et une langue acérée. Roy ne s’était pas privé de lui retrouver ses vannes bien senties et il avait senti dans cet échange verbal une sorte de début de complicité s’installer.  

Enfin, son coup de coeur après Vivianne, évidemment : il avait davantage eu le temps de s’attacher à la petite dernière qu’Avalon ramenait souvent chez elle. Cette fois encore, il accompagnait Avalon sensée la récupérer pour le week-end. Ils avaient prévu de l’emmener en bord de mer dans les Cornouailles pour la journée et avaient songé que ce serait plus simple qu’ils aillent la récupérer ensemble pour partir directement ensuite. Quand Roy pénétra dans le salon des Davies, il sentit d’habituels regards traînants sur lui -car de toute évidence sa chemise en lin à cent Gallions détonnait dans le paysage- mais il ne s’en formalisa pas. Il n’allait pas s’excuser d’avoir réussi sa vie, non ?

Heureusement les babillages d’Elio étaient là pour égayer ce paysage d’écran de fumée de cigarette et de grésillements désagréables de la télévision en arrière-fond sonore. Roy s’amusa -et s’attendrit un peu également, il fallait le dire- à voir Avalon interagir avec ce petit bébé plein d’énergie, avec une évidente tendresse. Il avait remarqué chez elle, cette affection infinie qu’elle portait aux enfants de son entourage, et il ne se lassait pas vraiment de la voir à l’œuvre. Célice ne manqua pas de la taquiner à ce sujet, ce qui provoqua un échange de piques entre elles. « Pas pareil » conclut finalement la cadette en tirant un bref sourire à Roy. Il se pencha vers Avalon pour chuchoter discrètement à son oreille :  

« Je vois d’où vient ta mauvaise foi, dis donc. »

C’était de famille, de toute évidence.

Ce fut le moment que Dwight et Edith choisirent pour débarquer et plomber l’ambiance -du moins aux yeux de Roy. Dwight s’adressa encore à Avalon sans l’appeler par son prénom -il avait cette mauvaise habitude- quant à Roy, il ne récolta pas un bonjour, mais fut malgré tout l’objet d’une conversation. Une autre habitude que certains d’entre eux semblaient avoir développé à son égard : parler de lui comme s’il n’était pas là, en taclant au passage Avalon.

Chose n’était pas coutume, Roy ne réagit pas à ces diverses provocations. Il méprisait les parents  Davies et ne cherchait ni leur attention, ni leur approbation. Quant à Néro, il lui inspirait surtout un mélange de pitié et de dédain, ce qui ne le poussait pas non plus à lui accorder plus d’intérêt qu’il n’en méritait. Les enjeux étaient ailleurs que dans des échanges de piques pour savoir qui serait le plus malin. Lui et Avalon étaient venus récupérer Vivianne et pour cela, il valait mieux faire bonne figure et éviter de faire un esclandre ici. Roy se contenta donc de répondre, avec une politesse toute hypocrite :

« Bonjour. »

Evidemment, il n’eut que de l’ignorance en guise de réponse. Célice arriva à leur secours, en lançant un appel à travers l’appartement, d’une voix forte qui couvrit tous les bruits ambiants :

« Viiiiv’, t’es prête ? »

La voix de la petite fille depuis une chambre de l’autre côté du couloir leur parvint confusément, un « J’arrive ! » étouffé par la distance qui les séparait. Le temps qu’elle les rejoigne, Morgane s’emballait dans sa conversation au téléphone, comme si elle était seule au monde :

« Mais je sais, il abuse de ouf, c’est ce que je lui ai dit ! Et tu sais pas ce qu’il m’a répondu, ce con ? »

La voix éraillée d’Yvain surgit, agacée et moqueuse à la fois :

« Non, on sait pas mais on s’en bat les couilles, Mo’. Tu veux pas la fermer un peu ? On entend rien à la télé.
-Attends, deux secondes, y a mon frère qui est relou - tu devrais te récurer les oreilles plutôt que battre tes couilles, Yvain, p’têt que t’entendras un truc comme ça.
-Mais t’es sérieuse, tu soules tout le monde avec ton téléphone là, va dans ta chambre non ?! 
-Ooooh mais fermez-la tous les deux, vous êtes fatigants dès le matin, vous ! »

Dans cette atmosphère électrique, Vivianne arriva enfin au milieu du salon, un sac sur le dos, une casquette vissée sur la tête et un grand sourire aux lèvres qui contrastait avec le reste de sa famille.

« Je suis prête ! » annonça t-elle, visiblement ravie de partir pour ce qui s’apparentait à des vacances. Elle alla d’abord saluer Avalon d’une étreinte, avant de se diriger vers Roy pour le saluer à son tour. Il posa sa main sur son épaule, avec un sourire.

« On y va ? » le plus rapide serait le mieux, c’était vraiment le malaise dans cette maison. « Ah, attends, ton sac est mal fermé… »

Le temps qu’il remonte la fermeture éclair, Garlan avait rivé sur eux un regard ombrageux. Brusquement, il s’insurgea en pointant le doigt sur Vivianne :

« Héééé mais c’est ma casquette ! Rends-la moi ! »


Roy Calder

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KoalaVolant
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MétamorphomageMoldu
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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeLun 19 Avr 2021 - 10:34
L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Garlan10
Garlan Davies, 13 ans, petit-frère d'Avalon

« T’as besoin d’aide m’man ? » demanda Garlan d’une voix traînante, qui, suite à l’ordre de son père, avait rejoint sa mère dans leur petite cuisine encombrée.

Edith avait abandonné ses sacs de course au sol, et allumait une cigarette, appuyée contre le plan de travail. Elle haussa les épaules.

« Ouais, y a des trucs à ranger. » fit-elle en lui désignant les sacs du menton.

Avec un soupir prononcé, Garlan se pencha pour sortir les produits frais et les fourrer dans le réfrigérateur. C’était toujours à lui de faire la boniche dans cet appartement, songea-t-il avec une pensée agacée pour ses parents. « Garlan fais ci », « Garlan fais ça », « Garlan aide ta mère » « Garlan va chercher ta sœur ». Evidemment, on ne demandait jamais rien à Vivianne, qui en plus d’être la benjamine de la famille Davies, était aussi la préférée. C’était au moins la préférée d’Avalon, qui ne venait les voir que pour la récupérer – elle et exclusivement elle. Garlan, lui, n’avait pas passé un weekend entier chez sa sœur aînée depuis des années.

L’explication à cela était plus compliquée qu’un simple : « il n’en n’avait pas envie » ou « elle ne l’invitait jamais » et prenait racine dans des conflits à la fois anciens et terriblement actuels, dans lesquels il s’était inscrit un peu malgré lui. Difficile d’ignorer les tensions qui opposaient Avalon à ses parents, ou même les raisons de ces dernières qui ne cessaient d’être répétées. Garlan connaissait le discours par cœur, et y adhérait sur plusieurs points. Lui aussi ressentait une forme d’abandon de la part de sa sœur aînée, sentiment qui était d’autant plus majoré qu’il avait l’impression de ne jamais avoir bénéficié du même statut que Vivianne. En même temps – mais cela, Garlan ne pouvait pas le reconnaître consciemment – cela faisait des années qu’il repoussait Avalon systématiquement, à la fois par mimétisme et en guise de mécanisme de défense.

La vérité était que Garlan recherchait terriblement l’affection et l’approbation de ses parents et de ses aînés. Or, il ne voulait pas l’affection et l’approbation de l’absente, de l’écartée, de celle qui ne faisait ici que de brèves apparitions tendues et qui, de toute façon, appartenait à un monde auquel il n’aurait jamais accès. Garlan voulait l’affection et l’approbation de ceux qui étaient là, de ceux qui l’entouraient au quotidien, de ceux qu’il admirait avec cette fascination encore très enfantine qui n’avait aucun recul sur la vie. Il voulait être félicité par son père, par sa mère, par Néro et par Yvain. Pas par Avalon, qui ne le connaissait que des maigres moments qu’ils partageaient quand Garlan daignait abaisser le mur qu’il érigeait instinctivement autour de lui.

Le problème consistait en un cercle vicieux. Garlan cherchait à obtenir quelque chose qu’on ne lui donnait pas. Ses parents, en tout cas, agissaient avec une indifférence blessante et douloureuse. Avec Néro et Yvain, c’était encore un peu différent, mais ils n’avaient jamais vraiment le temps pour lui non plus. C’était peut-être Yseut, dont il était le plus proche, mais ce n’était pas pareil ; Garlan avait besoin qu’on lui donne une légitimité en tant que garçon. Lui aussi voulait être fier, et fort, et grand. Et chez les Davies, c’était souvent dans le conflit qu’on était fier, et fort, et grand. Or, le conflit le plus évident, le plus solide, celui qui agitait les Davies depuis plus de dix ans maintenant, était celui qui opposait Avalon à leurs parents et à Néro. Y prendre part n’avait pas tellement été un choix conscient de Garlan, qu’un genre de réflexe dans sa recherche d’approbation.

Cela ne l’empêchait pas d’être jaloux de Vivianne et de tout ce que son lien avec Avalon lui apportait à elle – et pas à lui. D’être envieux de quelque chose qu’il repoussait parce qu’à l’adolescence, personne n’était à une contradiction près, et surtout pas Garlan Davies, dont la mauvaise foi et la fierté étaient inscrites dans son ADN. Pris par ses pensées ombrageuses, il manqua de renverser un pot en verre qui lui échappa des mains. Il le rattrapa in extremis avant qu’il ne s’éclate sur le sol.

« Héééé fais attention ! » le reprit sa mère.
« Ça va putain, il est même pas cassé ! » protesta Garlan, contrarié d’une telle remontrance alors qu’il venait de ranger la cuisine sans l’aide de personne.
« Me parle pas comme ça ! »
« Ouais ouais c’est ça. » fit-il en haussant les épaules puis en quittant la cuisine pour rejoindre le salon.

Vivianne était là, face à sa sœur et au copain de cette dernière, qui l’observaient en souriant. Elle avait mis un short en jean, avait passé un sac sur son dos, et avait rassemblé ses cheveux en une tresse qu’elle avait attaché avec un élastique noir. Elle semblait si heureuse que sa joie se heurta violemment avec la contrariété de Garlan, qui prit le premier prétexte à sa disposition pour la laisser s’exprimer.

« Héééé mais c’est ma casquette ! Rends-la moi ! »

Vivianne se retourna vers lui. Elle portait sur la tête une casquette noir, à l’effigie du club de Chelsea. Elle fronça les sourcils en l’observant.

« Quoi ? Mais pas du tout, elle est à moi ! »
« Non, c’est la mienne ! Vivianne c’est chiant tu prends toujours mes affaires ! » protesta Garlan.
« Mais elle est rouge la tienne ! » maintint la petite fille qui avait croisé les bras sur sa poitrine. « C’est Gal qui m’a offert celle-là pour mon anniversaire ! »

Si Garlan aurait pu commencer à douter de son coup d’éclat – il se souvenait en effet vaguement de cette histoire de cadeau – il ne se laissa pas démonter pour autant.

« Rends-la moi j’t’ai dit ! »
« Garlan, » intervint Avalon qui avait suivi la dispute qui opposait les deux plus jeunes de la fratrie, « arrête de… »
« Forcément tu prends sa défense ! » pointa Garlan – parce qu’il savait, aussi, que c’était un reproche qui était souvent fait à Avalon par son père. « Donne ! » ordonna-t-il à Vivianne en tendant la main vers elle.

Comme la plupart des sœurs Davies lorsqu’elles étaient en colère – à l’exception d’Yseut, qui ne supportait pas les conflits – le regard de Vivianne se chargea d’une ombre contrariée.

« Non, tu fais ça que pour m’embêter de toute… »
Lassé des jérémiades de sa petite-sœur, Garlan eut un geste vif pour attraper la casquette sur sa tête. « Merci. » lâcha-t-il avec dédain.
« Garlan… » gronda Avalon. « Rends-lui, tout de suite. »

Le jeune garçon posa un regard provocateur sur sa grande sœur. « Qu’est-ce que tu vas faire ? » semblait-il vouloir dire. Les regards de la fratrie Davies – et même de ses parents – semblaient posés sur eux. Garlan aima être le centre de l’attention, aussi il ne bougea pas quand Vivianne s’approcha de lui à nouveau. Fier, et fort, et grand.

« Garlan rends moi ma casquette ! » Elle ne récolta qu’un silence pour toute réponse.

Brusquement, l’atmosphère se chargea d’une électricité qui n’avait rien de naturel. La fenêtre que Célice avait ouverte claqua. La porte d’une chambre se referma dans un bruit sonore. La casquette, pourtant serrée entre les doigts de Garlan, fut arrachée de cette étreinte et fut propulsé dans les airs, avant de retomber dans les mains de Vivianne.

Sur le visage de cette dernière, loin d’un sentiment satisfait de ressortir victorieuse de ce conflit, se formait une expression inquiète, dans laquelle se lisait une peur viscérale.
Métamorphomage
MétamorphomageMoldu
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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeLun 26 Avr 2021 - 18:16
L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Dwight10
Dwight Davies, 55 ans, père d'Avalon

Ça crie toujours dans cette foutue maison. J’ai l’habitude. Au fond, je m’en fous, sauf quand je regarde mon émission à la télé, là, tout le monde a intérêt à la fermer. De toute façon, c’est moi qui crie le plus fort quand il faut. C’est la seule manière de se faire entendre par des gosses, ils comprennent pas quand on leur parle calmement. En même temps, les chiens font pas des chats, hein, ils sont tous des têtes dures, mes enfants, tous ou presque. Y a bien Yseut qui a hérité de la lâcheté de sa mère. Célice est fourbe comme elle aussi. C’est bien les femmes, ça.

Heureusement, les derniers sont plus sages, ça repose un peu. Néro et Avalon, ils en ont reçu des mandales ! Faut dire, quelles grosses têtes à claques ces deux là, à cinq ans ils se croyaient déjà plus forts que tout le monde. Mais hé, même avec eux, j’étais pas si dur. Mon père a été dur, ouais. Il nous lâchait pas d’une semelle, moi et mon frère. La moindre gaffe, c’était les coups de ceinture. J’en ai encore des marques au bas du dos. Je l’ai détesté pour ça. J’ai jamais sorti la ceinture avec mes enfants, je veux pas qu’ils me détestent.

Mes méthodes, elles font leurs preuves. Mes enfants m’écoutent et m’obéissent, même si ça les fait râler pour certains. Y a juste Avalon qui rentre pas dans le moule mais hé, je l’ai pas vraiment élevée, celle-là. C’est son école de fous qui l’a éduquée. A onze ans, ça y est, c’était plus ma fille, elle passait les trois quarts de l’année dans un autre pays, une autre vie dont on sait que dalle. Ça lui a mis plein d’idées dans la tête, à se croire différente et mieux que nous tous. La preuve, à dix-huit ans à peine, elle s’est barrée, à croire qu’elle avait attendu rien d’autre que sa majorité pour se casser en toute impunité. On n’a pas trop entendu parler d’elle pendant des mois après ça et surtout elle nous a totalement lâchés sur le business. C’était plus ma fille.

Et vous savez quoi, même comme ça, même si elle est ingrate, la porte de la maison lui est toujours ouverte. Elle peut dire ce qu’elle veut, nous regarder de haut, on reste une famille. C’est elle qui a brisé les liens, pas nous. Et même si ça me fout en rogne qu’elle le reconnaisse pas, je vais pas la bannir de cette famille. Qu’elle le veuille ou non, ça reste une Davies, même si elle préférerait être quelqu’un d’autre, ça doit bien l’emmerder ! Moi j’ai rien à me reprocher.

Alors je la laisse faire son cirque avec les enfants, elle leur ramène des cadeaux pour se faire aimer, tant mieux pour eux mais je leur rappelle quand même qu’elle a mal agi. Faudrait pas qu’ils se mettent à faire comme elle non plus. C’est pas un modèle à suivre. Depuis quelques semaines, elle se pointe de plus en plus souvent, et elle ramène même avec elle son nouveau copain ou son fiancé on sait pas trop. Je l’aime pas. Aussi pédant que l’autre irlandais, là, à jeter des regards dégoûtés autour de lui et craindre la moindre tâche de gras sur le bout de leurs chaussures cirées. Il nous juge, je sais. Même s’il dit rien, même s’il fait semblant de sourire et d’être monsieur parfait, il nous juge et j’aime pas ça. Lui, il est pas bienvenu ici et je l’ai clairement fait comprendre mais Avalon, elle persiste, cette tête de mule.

Bref, il m’intéresse pas et je préfère mettre mon attention sur mes fils, les bons garçons de cette famille, qui sont flanqués devant un film à la télé. J’éclate de rire devant la tronche de l’acteur à l’écran.

« Hé, il en a pris des rides, Stallone ! » Je donne un grand coup à l’épaule d’Yvain, en restant debout derrière le canapé. « Vous savez, à mon époque… »

Mais les cris des plus jeunes derrière m’interrompent. C’est rare d’entendre Vivianne crier mais quand elle le fait, ça casse les oreilles. Je sais pas exactement de quoi il en retourne avec cette histoire de casquette mais ça m’énerve de voir Avalon faire la juge entre eux.

« Ohé, laisse-les régler ça entre eux, ils sont grands hein ! »

Elle couve beaucoup trop Vivianne, c’est pénible. Elle va finir pourrie gâtée, celle-là, à force. Moi j’élève pas mes enfants comme ça, faut qu’ils apprennent à se débrouiller. Garlan a bien appris cette leçon, il se laisse pas faire et tant mieux, c’est comme ça qu’on devient un homme. Je m’attends à voir Vivianne lâcher l’affaire mais au contraire, elle crie plus fort encore.

Et d’un coup, c’est le froid dans la maison.

Un courant d’air, un vent électrique, je sais pas trop mais c’est bizarre et surtout très désagréable. Les portes et les fenêtres claquent alors que c’est le plein soleil dehors. Quelque chose est pas normal et inquiétant, même, un instinct profond en moi me le dit. Les poils sur mes bras se dressent et je sens un frisson dans le dos, comme juste avant un combat. Au moment où je vois la casquette voler toute seule jusqu’aux mains de Vivianne, je comprends d’un coup ce qui se passe.

Ça me met hors de moi.

En deux pas, je suis à sa hauteur et j’ai envoyé ma main dans sa figure, pour qu’elle arrête tout de suite ce qu’elle est en train de faire. De la sorcellerie ! Je le sais, j’en suis sûr. Je sais pas si j’ai déjà giflé Vivianne, peut-être pas ou en tout cas rarement, elle est sage d’habitude. Mais elle l’a bien mérité, cette fois. J’ai pas arrêté de lui dire que la magie, c’était interdit ici. C’est dangereux, c’est hors de contrôle, c’est l’enfer. Tous les autres sont scotchés sur place, je suis le seul à réagir et empêcher les choses d’aller plus loin. Ma voix rugit dans le silence.

« C’ÉTAIT QUOI ÇA ?? Tu veux faire exploser la maison ? Ou ton frère ?! »
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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeLun 26 Avr 2021 - 21:51
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Célice Davies, 26 ans, soeur d'Avalon

Chez les Davies, les disputes étaient tellement communes que Célice avait appris à les occulter. Elle n’avait pas eu le choix ; quand elle était petite, elle se trouvait systématiquement prise dans les querelles qui opposaient Néro à Avalon. Impossible de ne pas l’être : ils criaient tellement fort l’un sur l’autre que tout l’immeuble était au courant dans la minute. Mais le pire, avait toujours pensé Célice, c’était lorsqu’ils s’alliaient contre quelqu’un. Ce n’était pas arrivé très souvent – à quelques reprises lorsqu’ils étaient adolescents et qu’ils se rebellaient contre l’autorité parentale ensemble – mais comme elle avait une excellente mémoire, elle en gardait des souvenirs très nets. Enfin, ce n’était pas demain la veille qu’un tel duo se reformerait, ça, Célice en était certaine. Néro et Avalon étaient incapables de rester dix minutes dans la même pièce sans se provoquer et, de toute façon, rares étaient les enfants Davies qui accepteraient une alliance franche avec Avalon. A l’exception de Galaad peut-être – parce que c’était son jumeau – et de Vivianne – parce qu’elle était encore trop petite pour comprendre. Mais les autres avaient bien retenu la leçon – de toute façon, c’était impossible de l’oublier.

Au fond, Célice savait que ce n’était pas juste, que sa sœur aînée ne méritait pas un tel traitement – ni de la part de leurs parents, ni de celle de Néro, et encore moins de la sienne. Son excellente mémoire, justement, ne lui permettait pas d’oublier que c’était Avalon qui l’avait accompagné pendant les neufs mois où elle avait été enceinte d’Elio et que c’était même elle qui était présente le jour où elle avait accouché. Pas sa mère, pas le père d’Elio non plus, ce sombre connard qui était parti du jour au lendemain, mais sa sœur aînée, qui lui avait montré un soutien indéfectible, quand bien même les deux sœurs n’avaient en commun que leur sang. Célice aurait pu – elle aurait même sûrement dû – se montrer reconnaissante, et essayer, à son niveau, de faire cesser ce conflit familial absurde que son père et son frère aîné alimentaient régulièrement. Oui, mais.

C’était sans compter le fait que Célice était une femme égoïste, absolument pas animée par ce complexe du sauveur comme semblait l’être Avalon.

C’était sa propre préservation que Célice recherchait. La sienne, et celle d’Elio. Elle savait où se trouvait ses intérêts et ce qu’elle devait sacrifier pour y parvenir. « Moi d’abord, les autres ensuite » était son mantra depuis des années.

Et puis, il fallait bien l’avouer, Célice avait toujours été un peu perfide. Lorsqu’Avalon ou Néro obtenaient ce qu’ils voulaient en s’imposant dans une négociation, Célice avait plus tendance à louvoyer. Quand elle était petite, pour s’attirer les faveurs de sa mère ou de sa grand-mère et se venger de ses aînés, Célice inventait des histoires de vols et de bagarres en reniflant un peu.  Elle avait toujours été une excellente menteuse. C’était toujours le cas aujourd’hui, d’ailleurs ; Célice était la reine du faux-semblant et de l’omission. Elle ne racontait pas à ses parents à quel point Avalon était présente pour elle et Elio depuis la naissance de ce dernier, ne prenait pas non plus position dans ce conflit épineux qu’elle évitait adroitement. Elle continuait de travailler pour ses parents, en parallèle de son travail de nuit, et préférait ne pas s’engager sur des chemins glissants alors qu’elle avait désespérément besoin de l’argent qu’ils lui donnaient à la fin de la semaine. La loyauté, c’était bien sympa, mais ça ne nourrissait personne le soir.

Ça, par contre, Avalon ne l’avait jamais compris. Elle était comme ça, pleine de grands principes et de beaux idéaux. Au fond, Célice ne s’en plaignait pas ; cela l’arrangeait bien, lorsqu’elle lui demandait de garder Elio pour elle en pleine semaine, de pouvoir titiller sa sœur sur ces failles qui ne manquaient jamais de la faire céder. Il fallait bien faire ce qu’on pouvait pour vivre ; et depuis qu’elle avait Elio, Célice avait encore moins de scrupules qu’avant. Contrairement à ses parents, elle se sentait capable de sacrifier le monde entier pour son enfant. Elle n’était pas parfaite, mais elle faisait ce qu’elle pouvait pour répondre à ses besoins. Et puis elle l’aimait, son petit garçon aux cheveux aussi noirs que ceux de son père.

Penchée vers Elio qui dessinait plus ou moins patiemment – en réalité, il crayonnait très fermement sa feuille avec de grands traits empressés – Célice ne releva la tête que lorsque la voix de Vivianne résonna plus fortement dans l’appartement. Elle avait haussé un sourcil, surprise de voir la benjamine aussi remontée, elle qui normalement était plus sage. Garlan avait ce don de la faire sortir de ses gonds – et d’ailleurs, il en semblait plutôt fier. La jeune femme s’apprêtait à détourner le regard, lorsqu’un vent brusque et inexpliqué traversa la pièce. Les portes claquèrent, la fenêtre se referma brusquement, l’écran de la télévision vacilla, comme gêné par d’autres ondes qui empêchaient son fonctionnement. Dans les airs, une casquette lévitait, et finit tranquillement son chemin jusqu’aux mains de Vivianne qui paraissait surprise elle-même.

Pendant une seconde, personne ne pipa mot.

Puis, le coup sonore de Dwight résonna, ainsi que son éclat de voix qui figea Célice dans une posture choquée, bien loin de son indifférence habituelle.

Son regard passa de son père, les traits déformés par la colère, qui avait saisi entre sa main le poignet de Vivianne, à sa petite-sœur qui semblait terrifiée et horrifiée, puis termina sa course sur le visage blême d’Avalon.

Célice n’avait pas besoin d’être une fine observatrice pour sentir l’atmosphère se charger d’une électricité qui, cette fois, n’était rien de magique. Par réflexe, elle posa une main sur l’épaule d’Elio, qui avait cessé de dessiner. Avalon, quant à elle, s’était précipitée vers son père et s’était interposée entre lui et Vivianne.

« Lâche-là. » ordonna-t-elle d’une voix presque tremblante d’une colère à peine contenue. « Lâche-là, putain, tout de suite ! »
« Hé tu m’donnes pas des ordres toi ! » répliqua Dwight.
Vivianne fondit en larmes. « Pa-a-a-rdon » sanglota-t-elle. « Je voulais pas, j’ai pas fait exprès, je… »

Célice sentit un profond malaise s’insinuer en elle. Des gifles de ses parents, elle en avait reçu quelques-unes. Moins que ses aînés, mais suffisamment pour se rappeler de la violence d’un tel geste. C’était différent encore de le voir sur une enfant dont elle était proche. Sur Vivianne, qui plus est, la plus jeune de toute leur fratrie. Même Néro semblait surpris.

Finalement, Avalon arracha Vivianne à l’emprise de leur père et l’entraîna à sa suite. Elle paraissait confuse, fébrile, presque, prête à éclater. Son regard cherchait des points invisibles et finit par s’ancrer dans celui de son petit-ami, restait en retrait de la pièce. Elle s’avança vers lui, lui confia Vivianne.

« Tu peux… ? » lui demanda-t-elle simplement en lui indiquant du menton le couloir qui menait aux chambres. Roy hocha la tête.
« Elio, va avec Vivianne et Roy. » demanda Célice à son fils, qui avait posé les mains sur ses oreilles pour échapper aux éclats de voix. Elle insista encore un peu du regard (celui qui disait « ne discute pas et obéis ») et Elio finit par se lever pour les rejoindre, en veillant à éviter son grand-père et sa tante.

Célice ne bougea pas de sa place. Resta légèrement en retrait, appuyée contre un meuble ancien dont la surface était poussiéreuse. Garlan s’était légèrement reculé. Néro, en revanche, s’était levé du canapé, encore indécis. Morgane avait raccroché et tenait son téléphone entre ses mains.

Brusquement, la colère contenue d’Avalon explosa.

« Mais t’es complètement TARE ! » Ses yeux orageux lançaient des éclairs.
« Elle a pas l’droit de faire d’la magie ! » beugla Dwight en retour.
« C’est une SORCIERE, putain ! Elle fait de la magie sans s’en rendre compte ! »
« Mais t’as cru que t’allais l’embarquer dans ton monde de fous encore ? » Dwight pointa un doigt accusateur sur elle. « On va pas la laisser devenir comme toi ! »
« C’est dans ses gènes ! » s’exclama Avalon, l’air particulièrement excédée.
« C’est mon sang, dans ses gènes. » fit leur père, plein de mépris.
« Alors quoi ? » reprit Avalon en s’approchant d’un pas vers lui, comme pour le provoquer. « Tu la tapes pour qu’elle te ressemble plus ?! Et toi, tu savais ? » demanda-t-elle en se tournant vers Edith, qui n’avait rien dit. « Et vous, vous le laissez faire ? » poursuivit-elle en prenant à partie les enfants Davies.

Célice croisa le regard de sa sœur aînée. Elle choisit prudemment de ne rien dire.
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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeSam 8 Mai 2021 - 12:30
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Morgane Davies, 16 ans

C’était toujours comme ça. Des cris, tout le temps. Morgane n’y était pas étrangère, elle y participait souvent. Elle passait son temps à se chamailler avec son frère Yvain, qu’elle trouvait insupportable les trois quarts du temps. Elle n’avait jamais eu peur du conflit. En revanche, celui qui opposait sa soeur aînée à ses parents l’agaçait profondément et lui donnait parfois une boule d’anxiété dans l’estomac. Cela ne s’arrêtait jamais. Elle sentait que c’était bien différent des moments où elle et Yvain, ou Vivianne et Garlan se cherchaient. La tension dans l’air n’était pas la même, elle était beaucoup plus lourde, chargée de rejet, de culpabilité, de haine, de passif et de bien d’autres choses qu’une simple animosité de frères et soeurs aux personnalités trop différentes. Elle se disputait avec Yvain parce qu’elle le trouvait agaçant, pénible, un peu trop con parfois, mais pas parce qu’elle lui voulait. Elle ne lui en voulait pas. Entre les parents et Avalon, en revanche, il semblait y avoir une rancoeur tenace, nourrie par les années, qui pesait sur les épaules des plus jeunes depuis leur petite enfance.

Morgane y était sensible. Elle faisait comme si elle s’en fichait, elle clamait qu’elle n’avait pas de part là-dedans, elle envoyait bouler son père quand il l’interpelait à ce sujet, et pourtant, elle se sentait impliquée au fond d’elle, parce que ce conflit l’atteignait. Elle en absorbait toute la négativité malgré elle, ce qui avait tendance à la mettre en colère. Elle avait toujours réagi de cette manière aux émotions trop fortes qu’elle n’avait pas envie ou ne savait pas gérer : par des explosions de colère et un réflexe de rejet de son entourage.

Le bruit que fit la lourde main de son père sur la joue de Vivianne la fit sursauter sur le canapé. L’éclat sonore de sa voix la figea de l’intérieur. Elle raccrocha son téléphone sans un mot pour son amie à l’autre bout du combiné. Paralysée sur place, elle vit sa petite soeur se liquéfier face à l’aura effrayante de leur père, qui la grondait brutalement. Sous ses yeux choqués se déploya une scène habituelle et pourtant exceptionnellement violente, dans laquelle le départ de Vivianne et d’Elio vers les chambres fut une étrange pause, qui présageait le pire des orages. Bien trop vite pour qu’elle ait le temps de comprendre ce qui se passe, Avalon et leur père se confrontèrent dans une violence explosive. La question de sa soeur qui se tourna explicitement vers eux pour les interpeler fut ce qui fit sortir Morgane de son immobilisme.

Ce vieux réflexe d’auto-défense chez elle émergea alors, avivant les braises d’une colère brutale, instinctive. Elle se leva vivement du canapé, la voix aussi tremblante que ses mains, en n’épargnant personne de son regard noir et en particulier son père et sa soeur aînée.

« Vous êtes vraiment… mais vraiment cons, putain ! Y en a pas un pour rattraper l’autre, sérieux, vous me rendez malade tous les deux ! »

Elle les détestait de créer une ambiance aussi lourde entre eux, dès qu’ils se retrouvaient l’un en face de l’autre. Quand elle était seule avec ses parents, ça allait. Quand elle était seule avec Avalon, ça allait aussi. Mais la réunion de ces deux camps qui semblaient irréconciliables créaient toujours une tension dans laquelle ils se retrouvaient tous embarqués de force. Certains avaient clairement choisi leur camp : Néro, Yvain, ne manquaient jamais une occasion de cracher sur Avalon, et Galaad à l’inverse, se faisait le défenseur acharné de sa jumelle. Morgane, elle, alors qu’elle ne se privait jamais de donner des avis tranchés sur tout, refusait pourtant à cet endroit de prendre position.

Mais personne ne la laissait faire. Et c’était rageant.

« Vous croyez rendre service à Viv’ en vous comportant comme ça ? » Ils ne rendaient service à personne dans cette maison. En prononçant le nom de sa petite soeur, Morgane songea qu’elle devait se retrouver dans un état bien pire que n’importe qui ici. Sa voix s’étrangla dans sa gorge. « Vous êtes pas bien hein !! »

A grands pas colériques, Morgane quitta le salon sans manquer de bousculer Célice qui était sur son passage. Si elle restait ici, elle était certaine de finir par détruire quelque chose ou plus probablement par éclater en larmes de rage, ce qui n’était pas du tout un spectacle qu’elle avait envie d’offrir. Elle retrouva Vivianne dans la minuscule chambre qu’elle partageait avec Garlan. Elle la découvrit assise par terre, toute tremblante, le visage masqué dans ses genoux repliés contre elle, près du petit copain d’Avalon qui tentait tant bien que mal de la réconforter. Elio s’était prostré lui aussi dans un coin de la pièce, dans un silence très inhabituel chez lui.

En quelques pas, elle fut à leur hauteur et arracha sa soeur à l’étreinte de cet homme qui était venu avec Avalon. De ses deux bras, elle l’entoura, en caressant ses longs cheveux pour la calmer, sans rien dire. Dans ce genre de situation, elle se retrouvait toujours à court de mots. Ils n’avaient pas appris à se parler, chez les Davies. Ils ne savaient pas se dire qu’ils s’aimaient, qu’ils se soutenaient, que tout irait mieux. Le menton posé contre la tête de Vivianne, Morgane avait des gestes nerveux. Ses caresses dans son dos, dans ses cheveux, n’étaient pas vraiment douces mais elles étaient empreintes malgré tout d’un véritable souci pour sa petite soeur.

« C’est bon, je m’occupe d’elle » lança t-elle un peu sèchement, à l’adresse de Roy qui semblait ne plus savoir quoi faire. Elle l’avisa un instant du regard, sans trop savoir comment interpréter la tension qui semblait l’habiter. Etait-il effrayé ou au contraire, bouillant de colère lui aussi ? Elle songea que quoi qu’il arrive, il y avait un endroit où il serait plus utile. « Tu devrais y retourner. »

Face à Néro aussi violent que leur père, Yvain qui les suivait toujours, sa mère et Célice tout aussi lâches l’une que l’autre et Garlan bien trop petit pour oser faire quoi que ce soit, Morgane craignait qu’Avalon ne se retrouve totalement seule contre tous.
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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeDim 16 Mai 2021 - 21:18
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Yvain Davies, 18 ans

A la télé, il y a un mec qui essaie de s’infiltrer dans une banque. Il fait le tour du bâtiment avant d’essayer d’escalader la façade ; quel con, il sera sur toutes les caméras de surveillance, et c’est pas sa casquette noire qui va l’empêcher d’être reconnu par les flics. Ça me fait toujours rire, ça, dans les films. Les scénaristes savent rien, on dirait qu’ils ont jamais foutu un pied en dehors de leurs studios. Frère, si une casquette ça suffisait à tromper les flics, y aurait jamais personne en garde-à-vue. Des bouffons vraiment, mais des bouffons contents parce que tout le monde paye pour aller voir leur daube.

Le mec est en train d’atteindre une fenêtre – parce qu’en plus il y a des fenêtres ouvertes dans les banques – quand brusquement, l’écran se brouille et la télé s’éteint. Pas que la télé d’ailleurs ; les lampes aussi. Ça arrive souvent ici, les coupures de courant, mais là c’est encore quelque chose différent, je le sens. Quand je me redresse un peu, je remarque que tous les regards sont tournés vers Vivianne et Garlan, qui s’engueulaient pour une casquette. La casquette vole dans les airs, maintenant, et personne ne bouge. Sauf mon père.

Le coup qu’il fout à Vivianne résonne un peu, mais pas plus que sa voix. Pendant un moment, rien ne se passe. Même Néro a l’air un peu surpris. Puis Avalon s’en mêle – évidemment. C’est toujours pareil.

En vrai, on a tous reçu des coups un jour. C’est bon, c’est pas la mort non plus, ça fait mal sur le moment mais au moins ça endurcit. On encaisse, on serre les dents et c’est terminé. Avalon en fait des caisses, comme toujours, parce que ça concerne Vivianne, mais on a tous eu son âge un jour et on s’en est tous sortis. Il faut qu’elle apprenne, qu’elle grandisse un peu, sinon elle va finir comme Yseut. Les enfants, il faut pas trop les protéger, sinon ils savent pas s’en sortir seuls. Genre Morgane, elle est chiante mais franchement, elle met une misère à ceux qui viennent l’emmerder. Bah elle a pas appris ça en ayant toujours quelqu’un pour prendre sa défense.

Mais Avalon ça, elle arrive pas à l’entendre hein. Elle se sent investie d’une mission qui viserait à nous sauver tous. Parfois, c’est pratique mais souvent, c’est chiant. Néro, ça le met hors de lui. Mon père, encore plus. Moi, je trouve ça un peu pitoyable, je crois. Et évidemment, elle a besoin de faire une scène d’un évènement qui aurait juste pu s’oublier facilement. Elle commence à crier, et ça me casse les oreilles.

Tout ça à cause de cette foutue magie.

C’est ça qui pourrit la famille, on le sait tous. Même Avalon le sait, elle veut juste pas le reconnaître parce que ça fait « partie d’elle » comme elle dit. Bullshit. Après elle ose nous faire de grandes leçons sur l’importance de la famille. C’est facile à dire pour elle ; elle est jamais là. Toujours fourrée dans son monde où elle fréquente des gens blindés – où elle a l’air elle-même blindée, d’ailleurs. Venir voir sa famille, pour elle, c’est faire de la charité. Son petit temps associatif à faire déduire de ses impôts !

« Parce que tu crois que ça lui rend service qu’il la frappe ? » crie Avalon à Morgane qui quitte le salon après un dernier regard assassin.
« Oh c’est bon Avalon. » J’interviens en dépassant Néro. Franchement, ça me gave qu’elle essaie de nous remettre ça sur le dos, comme si on laissait Vivianne se faire tabasser par nos parents tous les soirs, sans lever le petit doigt.

« T’es sérieux, Yvain ? »
« Quoi ? » J’hausse les épaules. « C’est une gifle, arrête de nous prendre la tête pour ça. »
« C’est pas juste une… » Avalon ferme les yeux une seconde, à peine. C’est suffisant pour que je la relance, parce que ça me rend malade qu’elle passe son temps à défendre Vivianne, comme si elle était la seule personne digne d’intérêt de cette famille.

« Pas juste une quoi ? Hé on s’est tous pris des gifles ici, ça te choquait pas autant avant. »
« Ouais, bah ça aurait dû. » Son ton est beaucoup plus froid. Elle regarde notre père, et je crois qu’elle est sur le point d’exploser. « T’es un putain de taré. T’as neuf enfants. Neuf. Et t’as vu dans quoi tu les as fait grandir ? » Son bras englobe l’appartement.
« Ho ça va, arrête de chouiner, Avalon. » La voix de Dwight claque brusquement dans les airs. « Toi, t’as grandi dans un putain de château, et t’es la seule à te plaindre ici. Voilà c’que ça fait, ton monde. Des enfants ingrats, pourris-gâtés, qui oublient d’où ils viennent. »
« Comme si tu me laissais oublier ça. » lance Avalon mais Dwight la coupe aussitôt.
« Tu sais quoi ? Avec ta mère, on aurait dû insister pour que t’ailles pas dans cette école de fous. Un asile, voilà ce qu’on pensait que c’était, au début. Et on était pas si loin, franchement. On laissera pas Vivianne y aller aussi, et se faire laver le cerveau par la sorcellerie. » Il secoue la tête. « On va lui apprendre à se contrôler nous-mêmes, c’est tout. »
« A se contrôler ? Oh, donc tu la frappes pour qu’elle apprenne à se contrôler ? » Dwight ne se donne pas la peine de répondre. « Mais t’es complètement malade ?! Mais c’est ça qui va la rendre folle c’est… » Ses poings se crispent. « Tu crois quoi ? Je vais te laisser faire ça ? » Il y a une seconde de silence, peut-être, qui passe avant que l’atmosphère s’alourdisse davantage. « Vivianne part avec moi, et je te jure qu’aujourd’hui c’est la dernière fois que tu l’approches. »  
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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeDim 23 Mai 2021 - 13:54
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Néro Davies, 31 ans

Des disputes de famille, c’est presque le quotidien pour Néro. Aussi bien la famille qu’il a tenté de construire avec son ex qui le déteste, que celle dont il provient et qui ne cesse de communiquer par les cris, voire les coups. Il a tellement l’habitude, que son regard est biaisé. Au fond, il partage un peu le point de vue de Yvain. Ils se sont tous pris des gifles, ici, c’est juste comme ça qu’ils ont été éduqués, alors pourquoi en faire toute une histoire ?  

Pour autant, il ne se sent pas complètement à l’aise avec la scène qui se déroule sous ses yeux, et c’est d’ailleurs pour ça qu’il n’a encore rien dit, lui qui est pourtant une grande gueule. Qu’est-ce qui a changé entre son adolescence, où Néro s’est pris bien plus de coups et des coups encore plus violents que tous ses frères et soeurs, et le présent ? Il ne sait pas vraiment le dire, mais momentanément il pense à sa fille, Aimee. Vivianne n’a que dix ans, elle n’est pas beaucoup plus grande que sa fille. Nero sait que si son père avait levé la main sur Aimee, il serait devenu fou. Exactement comme Avalon est en train d’exploser sous leurs yeux, en déployant cet instinct protecteur quasi maternel qu’elle a toujours eu pour Vivianne.

Alors, au fond, il peut s’identifier un peu à cette réaction. Oui mais, souffle une voix dans sa tête, Avalon n’est pas sa mère. Vivianne a déjà des parents, qui sont là pour décider pour elle. Des parents qui détestent ce don magique dont elle a hérité et qui ne souhaitent pas reproduire les erreurs qu’ils ont pu faire en laissant Avalon rejoindre un autre monde dont ils ne savent rien et auquel ils ne peuvent pas appartenir, eux. Là-dessus, Néro les rejoint. Il n’aime pas beaucoup la méthode qui consiste à faire preuve d’une telle violence pour corriger Vivianne, mais pour autant, il pense que quelque chose doit être fait. Lui non plus, il n’a pas envie qu’une autre de ses soeurs disparaisse dans ce monde de fous, qui lui a toujours paru dangereux et trop secret.

Alors il reste quelques minutes silencieux, déchiré entre deux points de vue qu’il comprend en partie, sans tout de suite savoir quelle voix adopter, pour une fois. C’est sans doute la dernière réaction d’Avalon qui le sort de son immobilisme, en réveillant aussitôt un instinct de révolte chez lui, face à la menace très claire qui sous-tend son discours. Cette fois, il se lève brusquement du canapé, en interpelant sa soeur :

« T’es sérieuse là ? Ça veut dire quoi ça, tu kidnappes Vivianne ? Sa place est ici, avec nous ! »

Pas avec toi, sous-entend t-il, car dans son esprit, s’il y a bien une chose qui a toujours été claire, c’est qu’il y a deux camps dans leur famille, celui d’Avalon et celui des autres. Il range Galaad du côté d’Avalon car ils sont toujours fourrés ensemble. Célice fait ses tours de passe-passe pour s’arranger avec tout le monde comme elle l’a toujours fait, mais il sent bien qu’elles sont plus proches, toutes les deux, depuis la naissance d’Elio. Il n’y a que lui et Yvain qui sont toujours soudés avec les parents, et n’en déplaise à Avalon qui a tendance à se prendre pour la sauveuse des plus jeunes, ils passent bien plus de temps qu’elle avec les petits derniers, dont Vivianne. Néro passe presque tous les jours ici, et lui aussi il prend soin de ses petits frères et soeurs, à sa manière. Il a appris à Garlan à réparer l’évier qui fuitait l’autre jour. Combien de fois a t-il donné des leçons à quelques sales types qui emmerdaient Morgane à l’école ? Ok, il n’est pas parfait, il se met toujours dans plein d’embrouilles et il est rarement sobre mais il tient à sa famille, celle qu’il retrouve chez ses parents à chaque fois qu’il vient et qu’Avalon cherche à faire exploser avec sa déclaration de guerre.

Très vite, un profond sentiment de colère et d’injustice s’empare de lui face au constat qu’encore une fois, Avalon se pointe pour les juger du haut de son piédestal et mettre le bazar dans leurs vies, tout ça parce que ça ne lui plaît pas la manière dont ils vivent.

« Tu te prends pour qui ? Tu vas rien faire du tout » lance t-il, comme une interdiction, en se plaçant aux côtés de son père.

Dwight, lui, a un sourire mauvais, crispé, qui ne dit rien qui vaille, et ses poings sont toujours serrés, comme prêts à frapper à nouveau.

« Laisse-la, elle se croit tout permis, c’est bien c’que j’dis, ça lui a mis de sales idées dans sa tête, sa magie là, elle pense qu’elle peut tout faire, hein. » Il s’approche d’Avalon, en saisissant son poignet. « Qu’est-ce que tu vas faire, petite conne ? Tu crois que tu peux nous enlever notre fille ? C’est nous ses parents, pas toi ! » martèle t-il, en secouant son bras. Sa voix se fait plus grondante encore et son regard se charge d’éclairs de fureur. « Vivianne va rester ici, c’est toi qui va plus l’approcher ! Qu’est-ce que tu vas faire, hein ?! »
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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeDim 23 Mai 2021 - 19:04
Au fond, on ne s’habitue jamais à la violence. Aux cris, aux coups. On l’intériorise, on la pense normale, familière, mais elle ne cesse de surprendre, de choquer, de blesser. Pourtant, Avalon baigne dans un milieu violent depuis des années. Elle non plus ne compte plus le nombre de gifles qu’elle a reçu de la part de ses parents, ni les fois où elle s’est battue avec Néro. Son père souligne régulièrement son départ dans ce monde étranger, si éloigné d’eux et de leur culture et, parfois, Avalon a envie de lui hurler qu’elle a vécu les onze premières années de sa vie ici, elle aussi. Qu’elle est née dans cette famille, qu’elle a grandi au milieu des cris, et des coups, de la violence qu’on banalise. Et, qu’une fois partie, les choses sont devenues encore pires. Ça a tendance à la faire sourire, Avalon, lorsque ses proches mentionnent sa « chance ». Elle sait qu’ils ont raison, pourtant. Mais à quel prix ? Au prix de sa famille et de leur cohésion. Ce n’est pas un sacrifice simple à faire ; au fond, Avalon ne l’a jamais vraiment fait.

Elle aurait pu, pourtant. Lorsqu’elle est partie de chez ses parents, à l’âge de dix-huit ans, elle aurait pu couper définitivement les ponts avec sa famille. Elle y a pensé – plusieurs fois, même. C’était trop dur, pour douloureux, trop insupportable de retourner là-bas. De voir ce qu’avait été sa vie pendant toutes ces années, pendant « l’avant ». Désormais ancrée dans un « après » dont personne, mis à part elle, n’avait conscience, Avalon s’était éloignée d’une vie qu’elle ne savait plus comment vivre. Et puis, ses frères lui avaient manqué. Et puis, Vivianne était née.

Vivianne et Avalon ont dix-neuf ans d’écart, presque vingt. Elles n’ont jamais vécu ensemble ou partagé la même chambre. Elles ne font même pas partie de la même génération. Avalon aurait pu être la mère de Vivianne et c’est sûrement cet écart d’âge qui a contribué à biaiser leurs rapports. Ces derniers ont toujours été teintés d’une tendresse particulière, si bien qu’un lien unique a fini par se créer entre elles. Vivianne n’est pas tout-à-fait sa sœur, mais ce n’est pas entièrement sa fille non plus. En toute honnêteté, Avalon a du mal à poser justement des mots sur cette relation qu’elles entretiennent. Elle sait simplement qu’elle s’est établie naturellement ; Vivianne, cherchant l’affection et la tendresse de ses parents, s’est tournée vers la personne qui était en capacité de lui en donner. Avalon l’a accueilli auprès d’elle, et elles ne se sont jamais vraiment quittées. Garlan, Morgane, Yvain n’ont jamais manifesté ce même besoin et, pourtant, la jalousie qu’ils manifestent parfois est entendable, compréhensible. Douloureuse aussi, parfois. Elle s’entend dans l’attitude de Garlan, dans les reproches de Morgane, dans le mépris d’Yvain. Elle frappe Avalon avec violence, mais elle n’en ressent pas les effets. La colère qui court dans ses veines est trop intense pour laisser une quelconque autre émotion se frayer un passage.

Le coup que son père a porté à Vivianne lui a glacé le sang. Elle l’a observé avec cette terrible mais familière sensation de ne pas vivre véritablement la scène mais de l’observer depuis un espace séparé, préservé, éloigné. Voilà le premier effet de la violence sur Avalon ; momentanément, elle la sépare de la réalité. Pendant une seconde flottante, elle a l’impression de ne plus être là. Puis, la colère prend le relais.

Elle arrive par vague, souvent, et l’envahit généralement rapidement. Avalon a longtemps été une femme sujette à des colères intenses et dévastatrices. Aujourd’hui encore, elle est capable de se mettre dans des états furieux mais elle a longtemps pensé qu’ils étaient maîtrisés ou, du moins, maîtrisables. Pourtant, Avalon se sent perdre pied dans une rage qui lui fait abandonner toute raison. A quoi parler, à quoi argumenter, à quoi bon chercher à comprendre, à convaincre, à apaiser une situation qui, de toute façon, n’a jamais de fin ? Les mêmes schémas se rejouent depuis des années et, cette fois, c’est le temps de trop. La violence, Avalon l’a subie, malheureusement acceptée lorsqu’elle était enfant, tristement intériorisée lorsqu’elle était adolescente. Voir Vivianne y être confrontée a quelque chose d’insupportable, d’indicible même, qui fait trembler sa voix et sa main.

Mais ce n’est pas la seule à la subir. Garlan, Morgane, Yvain, Yseut, Célice, Galaad, Néro, elle ; tous ont été victimes de ce climat toxique, dangereux et cette réalisation – pourtant déjà faîte à plusieurs reprises – la rend brusquement folle. Alors qu’elle a réussi à l’ignorer, à la nier, même, pendant des années, elle lui explose brusquement au visage. Tout prend racine ici, dans cet appartement minable, sale, insalubre, aux murs noirs et à l’air vicié. Pas dans la magie qui s’est développée chez elle, mais dans cette atmosphère insupportable dans laquelle ils ont grandi. La violence, la douleur, les traumatismes, tous viennent de là et de leurs parents incapables de les protéger et de les préserver.

C’est impossible de fermer les yeux et d’oublier. C’est l’urgence qui pousse Avalon à provoquer son père ; l’urgence et ce besoin rageur de le confronter à ses échecs et à ses faiblesses. Vivianne ne vivra plus jamais ici, songe Avalon en défiant son père du regard, puis son frère qui le rejoint dans son agressivité. Pas seulement Vivianne, réalise Avalon qui, cependant, retient cette parole. Il est hors de question que Morgane et Garlan grandissent dans un climat aussi nocif, eux aussi. Avalon a trop longtemps tergiversé, hésité quant à son rôle et sa place. Désormais, il lui apparaît clairement : qu’on la déteste, qu’on la méprise, qu’on lui en veuille pour ça ; tant pis. Elle ne sera pas celle qui aura laissé ses frères et sœurs dans cet enfer qu’elle a elle-même vécu.

Ses yeux sont noirs lorsqu’ils rencontrent ceux de Néro. Son visage est fermé, ses sourcils sont froncés en une expression rageuse. Sa colère emplit l’espace, hurle pour elle tout ce qu’elle ne peut plus retenir.

« Qu’est-ce que tu vas faire pour m’en empêcher ? » réplique Avalon à Néro, en le défiant de s’approcher encore un peu plus d’elle.

Mais déjà, Dwight reprend le dessus d’une confrontation déjà déséquilibrée. Lorsqu’il saisit son poignet, elle a un mouvement recul presque instinctif qu’il empêche en la tirant vers lui. Cette contrainte physique est atroce, la renvoie à des scènes violentes vécues des dizaines d’années plus tôt, et la heurte avec autant de violence que l’insulte qui franchit ses lèvres. « Petite conne » crache-t-il avec une telle haine que rien ne pourrait faire penser qu’ils partagent le même sang, qu’il est le père et qu’elle est la fille.

« Ses parents ? » répète Avalon avec un mépris qui s’affiche dans son sourire. « Mais d’où vous avez été des parents pour nous ? » Sa voix s’envole dans les aigus, signe d’une perte de contrôle qu’elle ne cherche même pas à minimiser. « T’as jamais été capable d’être père, je sais même pas pourquoi on vous a autorisé à repartir avec nous à la clinique… »
« Avalon… » intervient Célice, qui s’approche derrière Néro.
« Non, non. » la coupe Avalon en lui jetant un bref regard, avant de reporter son attention sur son père. « Je sais même pas pourquoi j'ai attendu autant de temps avant de faire ça. J'espère juste que tu vas finir ta vie pourrie en prison... »
« Mais tu vas la fermer… » vocifère Dwight en serrant un peu plus son poigné et en levant une main menaçante vers elle, comme pour l’abattre sur elle.
« C’est ça, vas-y, essaie de me frapper. » le défit Avalon sans le quitter des yeux. « Ça te changera des gamines de dix ans. »


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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeDim 23 Mai 2021 - 21:53
Roy connait la violence, il la côtoie depuis des années, dans un milieu criminel particulièrement cruel. Des scènes de dispute, de cris, d’insultes, d’agression, ne sont plus de nature à l’impressionner. Et pourtant, il y a quelque chose d’insoutenable pour lui dans ce qui se déroule sous ses yeux, peut-être étrangement plus insoutenable que n’importe quelle scène de torture ou de bain de sang qui a pu faire partie de son vécu. La violence qu’il côtoie quotidiennement forme une sorte de code social dans un milieu très particulier, elle se déploie comme une arme de conquête, de négociation ou de chantage, elle fait quelque part partie d’un jeu économique et politique dont tous les participants connaissent les règles.

En revanche, la violence qui s’insinue dans un foyer familial, comme celui des Davies, ne lui parait pas du tout à sa place et se teinte de quelque chose de particulièrement vicié, de vraiment insupportable. Ce ne sont pas les règles, ce type de scène ne devrait pas se produire entre des parents et des enfants, ce n’est pas normal. Un abus de confiance et de pouvoir, et même la trahison d’un pacte fondamental et essentiel, voilà ce que lui inspire la scène de Dwight Davies qui lève la main sur Vivianne avec une brutalité inqualifiable. Et si Roy avait pu ressentir jusque là une certaine forme de pitié à l’égard de cet homme égaré et dépendant, cette dernière se change instantanément en un profond et total mépris. Il n’y a aucune pitié à avoir pour un père qui violente ses propres enfants, seulement du dégoût et de la haine, à la mesure de la crainte terrible qu’il éveille chez Vivianne.

L’expression mortifiée sur le visage de la petite fille, c’est ce qui fige Roy sur place et l’empêche de bouger d’un pouce, sur le coup. Elle semble tout simplement terrifiée. Son sourire solaire a déserté son visage, elle est presque méconnaissable dans cette expression qu’il ne lui a jamais vue. Il comprend ce qui pousse Avalon à le prier de l’emmener à l’écart : une vaine tentative de la préserver. Enfin, s’il y a encore quelque chose à préserver… Roy n’en est pas certain et il en a la confirmation en se retrouvant seul avec Vivianne et Elio dans une chambre, à part : les deux enfants resteront marqués à vie par cette violence qui leur est imposée. Et si Elio se réfugie dans un silence choqué, Vivianne, elle, s’agite dans tous les sens :

« Je voulais pas, je… J’ai pas exprès ! s’exclame t-elle, les yeux remplis de larmes et les mains toutes tremblantes. Je voulais pas faire de la magie, je sais que papa m’a interdit, je voulais pas… »

Roy est presque aussi mortifié qu’elle, car il ne sait pas du tout comment réagir. Il est choqué lui aussi et la pure panique qui semble s’emparer de Vivianne le laisse affreusement impuissant. Il l’attire contre lui, sans savoir comment arrêter ses hoquets de sanglots.

« C’est pas ta faute… »

Il a beau répéter cette phrase, il sent bien qu’elle sonne creux chez la jeune fille, indirectement témoin du drame qu’elle vient de déclencher sans le vouloir, avec les cris qui leur parviennent du salon. Il songe un instant à lancer un Assurdiato mais il ne peut pas s’empêcher de tendre l’oreille, pour essayer de suivre ce qui se passe, tremblant d’une colère contenue face aux bribes de conversation qu’il parvient à entendre et tendu d’inquiétude pour Avalon qu’il a laissée seule face à sa famille hostile. Et si la situation dégénérait ? Il voulait pouvoir intervenir s’il le fallait. Peut-être qu’il ferait mieux d’y retourner, d’ailleurs. Mais il ne pouvait pas laisser ces deux enfants tous seuls…

Heureusement, l’arrivée de Morgane finit par mettre fin à ce dilemme insupportable qui commençait à lui donner des noeuds d’anxiété à l’estomac. La manière abrupte dont elle s’adresse à lui confirme le fait que le conflit à côté est en train de s’accentuer. Roy n’attend pas une seconde avant de se lever et quitter la pièce, en laissant Vivianne aux bons soins de sa soeur. Avalon doit être seule contre tous et il comprend très vite qu’il a eu raison de s’en inquiéter en revenant dans le salon : Néro et Dwight se dressent face à elle, dans une posture d’affrontement très directe.

« … même pas pourquoi j'ai attendu autant de temps avant de faire ça. J'espère juste que tu vas finir ta vie pourrie en prison.
-Mais tu vas la fermer… »

Le geste que Dwight amorce, comme la menace d’une gifle sur Avalon, pousse Roy en avant, dans un sentiment d’urgence. Mais malgré sa prise d’élan, il arrive trop tard à leur hauteur. Un bruit terrible, similaire à celui qui a résonné près des joues de Vivianne tout à l’heure, déchire l’air alors que Dwight répète cette impardonnable violence, sur sa première fille, cette fois-ci.

Il n’en faut pas plus à Roy pour voir rouge aussitôt. Ce n’est pas la première fois qu’il se jette dans un combat pour défendre quelqu’un qui lui est cher et dans une situation aussi défavorable à Avalon qui est seule contre tous, il n’a aucune raison d’hésiter. Peut-être que ce n’est pas la meilleure chose à faire, la bonne réaction à avoir dans de pareilles circonstances, mais il ne faut pas trop compter sur Roy Calder pour garder son calme dans ce genre de situation et se retenir d’envoyer son poing dans la mâchoire d’un sale type qui s’en prend à quelqu’un qu’il aime. Il ressent d’ailleurs une brève satisfaction à voir la surprise se peindre sur le visage du vieil homme, alors qu’il encaisse le coup en poussant un grognement sourd. A cet instant, Roy oublie qu’il s’agit du père d’Avalon, il oublie cette fausse politesse dont il s’est enveloppé jusque là pour se retenir de dire ce qu’il pensait et ne pas déclencher de scène, il est simplement habité d’une colère intense et d’un besoin d’en découdre avec ce père indigne et révoltant qu’il a envie d’écraser comme un cafard.

« Mais t’es taré, hein ! Espèce de vieux con, T'APPROCHE PAS D'ELLE ! »

D’une poigne ferme, Roy saisit le col de Dwight, prêt à le secouer, voire à lui coller un deuxième poing dans la figure, mais rapidement, le combat se déséquilibre avec Néro et Yvain qui se jettent sur lui pour s’interposer en faveur de leur père.

« Lâche-le, tu te prends pour qui ?! » s’écrie l’aîné en envoyant un coup dans les côtes de Roy, le forçant à réduire sa prise sur le vieil homme.

Très vite, le reste de la famille s’en mêle dans un terrible désordre où Roy entrevoit Célice qui tente de tirer Yvain en arrière, pendant que leur mère pousse des cris aigus et qu’Avalon essaye d’empêcher Néro de lancer davantage de coups :

« Putain mais laissez-le !
-Il a qu’à lâcher papa, espèce d’enfoiré !!
-Mais arrêtez ça, vous êtes tous fous ! »

D’un geste rageur, Roy finit par relâcher Dwight en le repoussant avec force jusqu’à le faire tomber au sol et entraîner Yvain dans sa chute. Les coups de Néro ont laissé des marques douloureuses sur ses côtes et sa tempe, sa chemise qui était impeccable s’est froissée dans la bataille, mais tout à sa fureur, Roy n’y prête pas attention. Cette situation l’emplit d’un sentiment d’injustice tel qu’il a envie de tout casser. Avalon ne mérite pas un tel traitement, elle mérite beaucoup mieux que cette famille de bras cassés et cette pensée le rend fou. Cette scène lui a suffi à confirmer le jugement qu’il portait sur certains membres de la famille d’Avalon et désormais il n’a qu’une seule envie : envoyer au diable ses frères dangereux, sa mère lâche et son père complètement toxique. Plus rien ne le retient de dire tout ce qu’il pense de cette fratrie pathétique incapable de voir tout ce qu’Avalon fait pour eux, et pire encore, si peu reconnaissante qu’ils se permettent de la violenter. Roy n’a pas l’intention de les laisser s’en sortir à si bon compte après ce qu’il vient de voir, alors il laisse éclater toute sa haine à leur encontre :

« Le voilà, votre père ! crache t-il à l’adresse d’Yvain et de Néro. Gardez le, si vous y tenez tellement à cette pourriture ! C’est bien tout ce que vous méritez pour le laisser maltraiter vos propres soeurs. Vous me faites vomir. Reste où t’es, toi ! » D’un réflexe, il sort de sa poche sa baguette magique pour la pointer sur Néro qui s’apprêtait à se lancer à nouveau sur lui. En le voyant s’immobiliser aussitôt face au bout de sa baguette qui crépite, il prend conscience de l’effet de ce simple geste sur lui et sur le reste de sa famille. Dwight s’est figé au sol, livide. Roy comprend qu’il leur apparaît encore plus dangereux que s’il tenait un pistolet moldu entre ses mains. il y a une peur lisible, irrationnelle, au fond de leur regard, ce qui attire plus de mépris encore à Roy. Quelle bande d’ignorants, songe t-il. Mais puisqu’ils ont peur à ce point de la magie, c'est peut-être le moment d’en jouer pour renverser les rapports de pouvoir et leur permettre de se tirer de là. « Ça vous fait flipper, hein ? Moi c’est pas une casquette que je vais faire voler si je vous lance un sort, alors vous avez intérêt à foutre la paix à Avalon. »


Roy Calder

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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeLun 24 Mai 2021 - 9:20
Avalon ne sait pas vraiment ce qu’elle cherche, à défier ainsi son père. En revanche, son regard est fixe, décidé, provocateur et ses mots sont tranchants. Peut-être veut-elle le pousser dans ses derniers retranchements, le confronter à cette vérité affreuse, révéler à nouveau cette partie de lui qu’elle méprise tant pour lui donner le courage de faire ce geste qu’elle n’a que trop longtemps retardé. Pourtant, lorsque la main de son père s’abat sur sa joue, dans un coup sonore et brut, Avalon lâche une exclamation de surprise avant de serrer les dents. On ne s’habitue jamais à la violence, même lorsqu’on l’attend.

La douleur irradie vers sa mâchoire mais c’est à peine si elle la ressent vraiment. Plus qu’une souffrance physique, c’est une ultime blessure imaginaire que vient de lui infliger son père et qui est insupportable. C’est l’ultime marque de rejet, de mépris, celle qui signe la fin définitive de leurs rapports. Avalon le sait : il n’y a plus aucun retour en arrière possible. Jamais leur lien ne pourra s’apaiser ; il y a trop de passif et trop de douleur pour qu’elle puisse l’envisager. C’est la fin, purement et simplement, de ce noyau familial dont la cohésion avait déjà été sévèrement attaquée au fil des années. Il ne reste plus rien, désormais. A peine quelques souvenirs auxquels se raccrocher.

Ce constat a un effet effroyable sur Avalon, qui se fige après le coup que lui a porté son père. Son cœur se déchire, et il faut l’intervention de Roy pour la ramener dans une réalité qu’elle a quitté une poignée de secondes. La suite se passe toute aussi rapidement. Roy bondit entre son père et elle, fulminant d’une colère contenue à grande peine, et envoie son poing dans la mâchoire du vieil homme. D’un même geste, Néro et Yvain se ruent sur lui, mus par un réflexe commun : protéger les leurs contre les autres. Dans cette équation, Avalon vient de basculer dans l’autre camp, ceux contre qui ils se défendent. Les voix s’emmêlent, les coups s’enchaînent, des protestations étouffées se perdent dans un silence aussi assourdissement que confus. Avalon s’interpose entre Néro et Roy, Célice retient le bras de son frère aîné, Yvain rugit de colère.

Et puis, brusquement, le temps se fige. Dwight et Yvain sont étalés au sol, les yeux rivés sur la baguette magique que Roy tend vers eux. Même Néro, dont la témérité frôle souvent l’inconscience, semble régi par une peur irrationnelle mais instinctive. Le cœur d’Avalon tambourine dans sa poitrine. Sa lèvre inférieure est gonflée et elle a un goût de sang dans la bouche. Ses mains tremblent toujours. Celles de Roy, en revanche, sont solides et tiennent en joug les Davies. Son dernier coup d’éclat résonne longtemps dans le silence atrocement lourd qui s’est abattu sur l’appartement.

« Tu vas le laisser faire ça ? » interroge Néro qui ne quitte pas des yeux la baguette de Roy.
« T’as vu ce que tu l’as laissé faire, lui ? » réplique Avalon en désignant son père du menton.
« Dis-lui de baisser son truc, putain ! » rugit Dwight en interpellant sa fille.
Avalon darde sur son père un regard chargé par la haine qui rencontre le sien. Ils s'affrontent pendant plusieurs secondes, pendant lesquelles l'atmosphère devient électrique, insoutenable. Si Avalon n'était pas autant en colère, si elle n'était pas brûlante de rage, probablement aurait-elle ressenti un déchirement immense, douloureux. Lorsqu'elle rompt ce dernier contact visuel, elle sait que tout est terminé.

« Je vais chercher Vivianne, » annonce-t-elle en tournant un regard vers Roy, qui n'a pas abaissé sa baguette, « on se casse d'ici. »
« Avalon... » gronde son père avec un air menaçant, qui, depuis là où il se tient, paraît simplement pathétique et minable.
« Ta gueule. » le coupe-t-elle immédiatement.
« Tire-toi, » lui lance Néro, comme pour la provoquer, « c'est tout ce que tu sais faire. »

Avalon ne répond pas - au fond, Néro sait qu'il touche une corde sensible avec son commentaire, que l'acte de partir ne la laisse pas réellement indifférente. Il s’agit peut-être de la décision la plus difficile qu’elle ait eu à prendre au cours de sa vie mais Avalon le fait sans qu’aucune hésitation ne trahisse ses gestes. Elle fait brusquement volte-face et se dirige d’un pas décidé vers le couloir qui mène aux chambres. Elle pousse la porte de la première, et y découvre Vivianne, le visage baigné par les larmes, blottie contre Morgane qui a les traits tirés et le regard sombre. Avalon s’arrête sur le pas de la porte, frappée par cette scène si douloureuse qu’elle a l’impression que son cœur se brise. Vivianne relève la tête vers elle, et hoquète en la voyant.

« Avalon… » appelle-t-elle d’une voix tremblante.

Cet appel suffit à précipiter Avalon auprès de sa petite-sœur. Elle s’approche, l’entoure de ses bras, la serre contre son ventre. Vivianne est tremblante ; elle semble désespérée, désolée, terrifiée. Avalon accueille sa peine sans rien dire, mais croise le regard de Morgane au-dessus le crâne de Vivianne. Les yeux de l’adolescente s’attardent sur sa lèvre gonflée et elle s’agite avec un certain malaise qu’il lui est difficile à contenir.

« Tu pars ? » demande-t-elle un peu abruptement.
« Ouais. » répond Avalon en resserrant son étreinte sur Vivianne. « Je t’appelle demain, Mo’. »
« C’est ça. » réplique sa petite-sœur en haussant les épaules avec une indifférente feinte.
Avalon pose sa main sur son bras pour capter son regard. « Je suis désolée. » souffle-t-elle.

Désolée de partir, mais surtout désolée de ne pas être partie plus toi, avec toi. Désolée d’avoir laissé les années passer sans ne jamais rien faire, alors que tu avais besoin de quelqu’un, toi aussi. Désolée de ne pas avoir su mieux faire, pu mieux faire. Les choses seront différentes, désormais, songe Avalon sans révéler cette pensée à Morgane.

« Viv’, on y va. » annonce Avalon en secouant doucement l’épaule de sa sœur. « T’as ton sac ? »
La petite fille hoche la tête. « Super, » ce mot sonne terriblement faux, « allez, viens. »

Vivianne se redresse en reniflant. Ses doigts se referment sur les bretelles de son sac, alors qu’Avalon saisit son autre main dans la sienne. Elle la guide à travers le couloir, appelle Roy juste avant de déboucher sur l’entrée. « Roy ? On est là. » prévient-t-elle. Un silence de mort règne dans la pièce. Avalon ouvre la porte de l’entrée pour empêcher Vivianne d’assister au triste spectacle qui se déroule. Elle la pousse vers l’extérieur, ne se retourne que pour s’assurer que Roy les suit et que son frère n’esquisse pas un geste vers lui.

Quelques minutes plus tard, ils sont dehors. Le soleil de la fin d’après-midi chauffe le bitume noir de la route qu’ils traversent. Ils s’engouffrent dans une ruelle un peu sombre où, pour la première fois, Avalon croise le regard de Roy. Elle s’y accroche pour tenir et lui demande : « Chez toi ? » Curieusement, l’idée de rester à Londres lui est insupportable. La maison de Roy est plus grande, et, surtout, personne ne possède son adresse. Elle attend son accord avant de saisir sa main et se laisse emporter dans un transplanage, incapable de l’initier. Lorsqu’elle réouvre les yeux, elle est à Bristol, Vivianne à ses côtés. La petite fille n’a pas décroché un mot et regarde fixement devant elle.

Il faut encore quelques minutes pour pénétrer à l’intérieur de la grande villa, et un peu de temps pour installer Vivianne dans une des nombreuses chambres. Avalon l’enlace, l’embrasse, mais ressent une fébrilité qui l’empêche de rester auprès d’elle. Quelque chose, en elle, a besoin d’exploser et elle refuse que cela se passe sous les yeux encore humides de Vivianne. La petite-fille se blottit dans son lit, un lapin en peluche serrée contre elle. Elle a l’air épuisée, déroutée. Avalon lui promet de revenir rapidement, lui assure qu’elle a simplement « une chose ou deux à régler ». Avalon a agi dans l’urgence mais, désormais, se retrouve incapable de réfléchir, de penser à la suite de ce qu’elle a initié.

Elle finit par retrouver Roy au milieu de son salon. Au moment où elle croise son regard, toute la colère qu’elle a étouffé auprès de Vivianne reprend le dessus. Elle revoit le visage de son père, sa main qui s’abat sur son visage, le coup de Néro porté à Roy, et c’est comme si elle revivait la scène une nouvelle fois. Elle a l’impression de devenir folle.

« Putain. » jure-t-elle, le visage d’abord blême. Ses yeux finissent par redevenir noirs. « Putain. » répète-t-elle en portant machinalement ses doigts à sa joue tuméfiée. « PUTAIN » explose-t-elle finalement sous les yeux de son petit-ami.

La colère qui la saisit, cette fois, est d’autant plus intense qu’elle ne trouve plus personne pour se décharger. Elle consume simplement son corps et lui donne envie de briser l’intégralité des objets qui se trouvent autour d’elle. Un cri rageur franchit ses lèvres, signe de sa frustration et de son impuissance. « Mais quels putains de MALADES, ils sont complètement TARES ! Mon père, cet espèce de CONNARD, je te jure que j’aurais pu… J’aurais pu… » Les mots sont presque trop insignifiants pour décrire son état et elle est prise d’une impulsion qui l’amène à saisir un verre à sa droite et à l’envoyer valser contre un mur. Elle le regarde s’éclater en morceaux sans parvenir à ressentir une quelconque satisfaction. Elle oscille entre la colère et le désespoir qui guette sa descente d’adrénaline pour la gagner. « Elle retournera jamais là-bas. » prévient Avalon en regardant Roy. « Jamais. J’en ai rien à foutre si la police débarque ici, elle repartira pas chez eux. » Son ton est urgent, pressent même. « Et même… Même les autres… » souffle-t-elle, le cœur battant, en secouant la tête. « J’aurais jamais dû les laisser là-bas putain, qu’est-ce que j’ai été conne… Ils ont tous vécu l’enfer, on a tous… Quel sale fils de pute ! » jure-t-elle à nouveau, comme si chaque insulte crachée envers son père pouvait soulager sa peine et sa colère. « Il lèvera plus jamais la main sur elle. Ou sur n'importe qui d'autre. » promet Avalon avec une lueur décidée, et mauvaise au fond des yeux.



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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeLun 24 Mai 2021 - 14:39
L’attitude du père, qui n’ose même pas s’adresser à lui directement, mais se repose sur sa fille qu’il vient pourtant de malmener, achève de débecter Roy. Il y a pour lui aussi un point de non-retour dans cette situation qui entérine définitivement son opinion sur la famille Davies : les parents ne valent rien et ne méritent pas d’être préservés de quoique ce soit, bien au contraire. Il faut absolument éloigner leurs plus jeunes enfants d’eux, ceux pour qui il y a encore un espoir et qui ne prennent pas la défense aveugle de leurs parents toxiques, tels Néro et Yvain. Roy approuve donc d’un hochement de tête l’annonce d’Avalon, prête à récupérer Vivianne à côté, et raffermit son emprise sur sa baguette magique qu’il pointe comme une arme sur les autres, tendu de tous ses membres, prêt à lancer un sort au moindre mouvement. Des trois hommes, Néro est celui qui semble avoir le plus de mal à tenir en place, et d’ailleurs, il finit par cracher avec haine à l’adresse de Roy :

« Tu vas le payer, crois-moi. »

Peu impressionné par cette menace dans le vide car Roy ne voit pas bien quel moyen de pression sur lui pourrait avoir un camé pathétique et moldu tel que Néro Davies, il rétorque en redressant sa baguette :

« Ta gueule ou je te fais avaler ta langue. »  

L’avantage avec la magie, c’est qu’il peut menacer d’à peu près tout et n’importe quoi son interlocuteur et le laisser imaginer ce dont il est capable ou non. Néro ne semble pas avoir envie de prendre le pari contre lui, ni le reste de sa famille, aussi Roy parvient à les tenir en joug pendant le temps que met Avalon à revenir avec Vivianne. Il se décale jusqu’au vestibule, ne faisant volte-face que lorsqu’il parvient à la hauteur de sa partenaire avec qui il sort aussitôt, sans demander son reste. L’atmosphère lourde et la sensation de danger lui collent encore à la peau et il n’a qu’une envie à cet instant, c’est de fuir le plus loin possible.

Sans rien dire, il acquiesce de la tête à la demande d’Avalon, avant d’attraper sa main et celle de Vivianne. Se concentrer pour se focaliser sur sa destination lui demande plus de temps que d’habitude, car lui aussi, il est en proie à des émotions désordonnées à cet instant.

Ce n’est que quand ils parviennent enfin dans l’enceinte de sa villa que Roy relâche un peu sa garde. Ici, Avalon et sa soeur sont en sécurité, il ne peut rien leur arriver dans cet environnement surveillé en permanence. Il les laisse toutes les deux se diriger vers les chambres de l’étage, pendant que lui-même prend le temps de retrouver ses esprits, en s’installant dans le salon. A ce moment-là seulement, avec l’adrénaline qui retombe, il mesure les dégâts et notamment la douleur près de ses côtes qui accueillent déjà certainement quelques hématomes. Avec une grimace, il détache quelques boutons du col de sa chemise qui lui donne chaud, en renonçant à la retirer complètement. Il prendra le temps plus tard de soigner ses plaies, car il se doute qu’Avalon ne va pas tarder à redescendre. Il a vu l’expression de son visage tout à l’heure : elle est sur le point d’exploser.

Et il comprend en la voyant revenir vers lui qu’elle n’a pas décoloré et qu’elle est tout aussi fébrile que tout à l’heure. Tendu, il s’avance légèrement sur l’assise du canapé, comme pour se préparer à se lever à tout moment. Sa colère à lui est en partie redescendue depuis qu’ils ont quitté l’appartement, il se sent désormais surtout inquiet, ce qui ne fait que s’accentuer en voyant Avalon jurer à plusieurs reprises, pleine d’une rage qu’il n’a jamais vue chez elle.

Mais s’il y a bien une émotion que Roy peut comprendre, pour l’avoir expérimenté à de nombreuses reprises à des niveaux parfois vertigineux, c’est bien la colère. Celle d’Avalon lui semble à cet instant compréhensible et pleinement légitime, aussi, il ne cherche pas spécialement à l’apaiser. Il connait Avalon et il a lui-même connu des états de rage similaire, il sait que dans ce genre de moment, avoir quelqu’un qui joue la carte de l’apaisement ne fonctionne pas, voire peut s’avérer plus énervant encore. Avalon a besoin de laisser s’exprimer cette colère qui la traverse violemment et si cela doit passer par le fait de casser toute sa vaisselle, soit. Roy se contente de la regarder faire et d’approuver de plusieurs signes de tête les insultes qu’elle profère et les promesses qu’elle fait avec véhémence. Son père est en effet un immense cognard et il est hors de question de le laisser s’approcher de Vivianne à nouveau.

En revanche, pour la première fois, Avalon évoque ses autres frères et soeurs et Roy comprend qu’elle parle des plus jeunes, Garlan et Morgane, qui sont encore sous la responsabilité de leurs parents et qu’elle s’en veut d’avoir laissé là-bas. Comme pour la rassurer, il réagit en adoptant une voix ferme, certaine de lui :

« Ça ne se reproduira plus. Au moins pour Vivianne. On va tout faire pour que tu obtiennes sa garde, je te le promets, y a pas moyen qu’elle continue de vivre avec ton père, c'est mort. Il est complètement toxique. Et pour les autres… On fera ce qu’il faut aussi. »

Il ne prend pas vraiment conscience du fait que pour la première fois sur ce sujet, il emploie un « on », se rendant totalement solidaire des démarches qu’Avalon a commencé à entreprendre de son côté. Cela lui parait simplement évident qu’après la scène à laquelle il vient d’assister, il ne va pas la laisser agir seule et qu’il veut lui aussi se rendre utile dans cette entreprise. Il ne connaissait que Vivianne jusqu’à maintenant mais il a bien vu tout à l’heure la peur paralysante sur le visage de Garlan qui n'a pipé mot et le sentiment de profonde révolte chez Morgane. Eux aussi, ils méritent d’avoir de l’aide.

Reste à définir une stratégie. Les récents événements bouleversent forcément les plans qu’Avalon a pu imaginer de son côté jusque là. Préoccupé, Roy l’interroge, en triturant nerveusement ses mains :

« Il y a des chances pour qu’ils aillent voir la police, tes parents, tu penses ? » Les Davies ont tellement de casseroles et de sujets à se reprocher de leur côté, qu’ils peuvent peut-être compter sur le fait que la police ne serait pas mise au courant, ou en tout cas, pas tout de suite, ce qui leur laisse le temps de réagir. « Il faut qu’on prenne les devants et qu’on joue sur notre terrain. Si on présente le cas de Vivianne comme un risque pour l’intégrité de sa magie, ça peut accélérer les choses. Qui sait ce que tes parents vont raconter à des moldus de leur côté pour se défendre… Ça peut même être un risque pour le secret magique, et là clairement la justice va se bouger très vite. »


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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeLun 24 Mai 2021 - 19:17
Si les promesses d’Avalon sont prononcées avec fougue, elles n’en restent pas moins vraies. Jamais Vivianne ne remettra un pied dans l’appartement où vivent ses parents. Cette pensée, obsédante, balaye toutes les autres. Avalon ne parvient pas à penser plus loin, à élaborer davantage, à envisager une suite à cette colère destructrice. Elle se sent simplement fébrile, enragée, ses doigts et ses jambes tremblent. Il y a longtemps qu’elle n’a pas connu un tel état, si intense et catégorique que rien ne semble pouvoir l’apaiser. Il lui semble même que c’est la première fois qu’elle expérimente une rage aussi dévastatrice. Pourtant, la colère est un sentiment familier pour Avalon, qui en reconnait facilement les manifestations et a déjà fait face à ses conséquences. Mais celle-ci n’est pas comme les autres ; ou plutôt, elle paraît chargée de toutes les autres, comme le point culminant de colères tues, étouffées, niées. C’est l’injustice de son enfance malheureuse qu’Avalon exorcise dans cet éclat, ainsi que tous les reproches jamais formulés qu’elle ne peut pas retenir plus longtemps dans son cœur. Elle voudrait hurler à son père que tout est de sa faute, qu’il n’a jamais su voir ou entendre ses enfants, transformés en main d’œuvre dès qu’ils en avaient l’âge. Elle voudrait crier à sa mère que sa lâcheté est ce qui les a exposés à cette violence insoutenable. Elle voudrait forcer Néro à ouvrir les yeux, coller son visage sur la misère dans laquelle ils se débattent, pas parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement mais parce qu’ils ne veulent rien changer. La pauvreté n’a rien d’un choix ; la drogue, la violence, le manque d’amour et de sécurité, en revanche, sont de l’entière responsabilité de leurs parents. Comme ils ne sont plus là, comme elle ne peut pas décharger ses sentiments sur eux, Avalon envoie valser une chaise à sa droite.

Elle fulmine, brûlante d’un sentiment qu’elle n’a jamais expérimenté auparavant, les yeux brusquement ouverts sur tous ces abus dont elle s’est rendue complice en ne disant rien. « Ça te choquait pas autant avant » lui a craché Yvain, comme pour la mettre face à une contradiction qui la heurte avec un temps de retard. Le plus triste est qu’il a raison ; c’est peut-être la première fois qu’Avalon se sent profondément choquée par une telle scène, alors qu’elle est certaine avoir été déjà témoin de plusieurs autres moments similaires. Qu’est-ce qui a changé, entre temps ? Rien et, paradoxalement, tout. Peut-être a-t-elle simplement grandi, peut-être a-t-elle cessé de se sentir redevable envers ceux qui ne lui ont jamais rien donné, si ce n’est une vie misérable. Peut-être a-t-elle franchi ce cap de la passivité, comme elle l’expliquait quelques semaines plus tôt à Roy. Quoiqu’il en soit, il est impensable qu’Avalon reste indifférente ne serait-ce qu’une seconde plus dans une situation qui s’est trop longtemps enlisée. C’est Roy qui se charge de la ramener à l’essentiel et lui permet de se recentrer sur quelque chose où elle peut effectivement agir.

Vivianne restera avec elle ; c’est la décision qu’elle a prise depuis qu’elle a appris l’existence de son gène magique. Elle n’en démord pas, poussée par une conviction si forte qu’elle n’a jamais laissé les paroles de son père la déstabiliser : la place de Vivianne est auprès d’elle, au sein d’un monde qui l’accueillera, elle aussi, comme elle l’est. Toutes ses peurs quant à cette future garde disparaissent sous le coup de l’urgence de la situation. Il n’est plus temps de se demander si elle est capable d’offrir à sa sœur un foyer sûr et aimant ; il est de temps de le lui offrir effectivement, et de tout mettre en place pour cela.

Mais ce n’est pas la seule à en avoir besoin. Ce constat a éclaté aux yeux d’Avalon qui, pendant longtemps, ne s’est concentrée que sur la situation de Vivianne, qui est celle à laquelle elle s’identifie le plus. Garlan et Morgane sont encore jeunes ; des adolescents à peine sortis de l’enfance qui sont confrontés à des choses que même des adultes ne devraient pas voir. Alors Avalon le sait, Garlan se dit fort, Morgane se pense invincible. Mais ce ne sont que des pensées qui veulent signer une toute-puissance adolescence qui, en réalité, ne se fonde sur rien. Avalon aussi s’est crue invincible.

« Je sais pas, pour la police. » répond-t-elle finalement en retrouvant le regard de Roy. Elle prend un moment pour réfléchir, avant de reprendre : « C’est pas ce qu’ils feront en premier. Ils sont trop méfiants, et puis, les flics ont déjà trop de trucs sur eux. » Mais, rapidement, Dwight réalisera qu’Avalon a de quoi les faire tomber quoiqu’il arrive, et cherchera peut-être à riposter de la même manière. Et elle le sait parfaitement : arracher un enfant à son domicile familial légal est considéré comme un kidnapping. Nerveusement, Avalon tapote le dossier du canapé en cuir. « Oui, je peux ouvrir un dossier pour Vivianne auprès de la justice magique, il y des services sociaux pour ces cas-là aussi. » annonce-t-elle avec un regard décidé. « Qu’elle soit ici et pas là-bas ne va vraiment pas aider mon cas mais… Je peux appeler Danielle, elle pourra sûrement faire quelque chose. »

Du moins, c’est ce qu’Avalon espère profondément parce qu’elle sait bien qu’un appui de la part de la directrice de la justice magique pourrait accélérer son dossier et faire oublier ce départ du domicile familial qui pourrait lui porter préjudice.

« Mais la justice magique ne prendra jamais de décision pour des moldus, quand bien même les enfants sont de la même famille. » Avalon s’agite un peu. « Garlan et Morgane dépendent entièrement du monde moldu, de la justice moldue, c’est… Je peux pas les prendre tous les trois avec moi. » annonce Avalon, avec une culpabilité qui se devine dans son regard. « Vivianne… Vivianne est une sorcière, c’est différent. Ce monde, ça va être le sien aussi. Mais Garlan, Morgane ? C’est pas… C’est pas leur vie. » Le sujet est difficile à aborder, Avalon se sent fébrile. « Mais je peux pas les laisser là-bas. Ils sont en train de vivre un enfer. Ils s’en rendent pas compte hein. Garlan veut faire le caïd mais il a treize ans. Treize ans, et il passe déjà toutes ses soirées dehors à essayer de traîner avec les potes d’Yvain qui sont complètement défoncés. Et Morgane… Morgane elle fait la dure comme ça, mais ça veut rien dire. Moi, j’avais que deux ans de plus qu’elle quand le pote de Néro m’a violé. Y aura jamais personne pour la protéger de tout ça, et y aura toujours plus fort qu’elle dans ce putain de milieu de merde. Et mes parents… Mes parents ils apprendront jamais à les préserver. Ils vont juste les laisser se débrouiller seuls, et estimer que ce sont déjà des adultes alors qu’ils sont même pas majeurs ! » Avalon secoue la tête, alors que sa colère retombe brusquement et la laisse vidée de toute énergie. Ses épaules s’affaissent, son menton tremble un peu, ses yeux se remplissent de larmes qui menacent de rouler sur ses joues. « Je peux pas… Je peux plus supporter qu’ils soient là-bas. Qu’ils vivent tout ça. Ils ont besoin de quelqu’un… »



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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeLun 7 Juin 2021 - 23:30
Ce n’est pas la première fois que Roy voit Avalon en colère, c’est en revanche la première fois qu’il la voit en état de rage. Elle fulmine au point d’avoir besoin d’expulser sa fureur par des gestes physiques, sur les meubles à proximité d’elle. Face à cette démonstration de force, Roy reste immobile, tentant de contenir sa propre agitation intérieure. Il a, lui aussi, envie de casser des choses, pour évacuer la tension qui habite ses membres et qui l’a rendu violent tout à l’heure, face aux Davies. Pourtant, il ne bouge pas d’un geste. La colère d’Avalon face à lui est si grande, si noire, si dévastatrice qu’elle semble prendre tout l’espace, si bien que Roy ne voit plus qu’elle et ce souci qu’il a pour sa partenaire lui fait, pour un moment, oublier ses propres besoins. La priorité à cet instant est d’être un soutien pour elle.

Il ne tarde donc pas à évoquer des moyens d’actions, pour aider Avalon à déverser cette rage qui l’habite dans ce qui lui permettrait d’avancer. Dans une situation aussi injuste et révoltante que celle qu’ils viennent de vivre, rester impuissant, bras ballants, est insupportable. Roy lui-même se sent investi d’une envie de faire quelque chose, d’un besoin, même.  

« Bonne idée pour Danielle » approuve t-il aussitôt. « Elle pourra t’aider à accélérer les procédures ou, au moins, te conseiller. »

C’était le genre de moment où il fallait savoir faire appel à leur large carnet d’adresses pour les aider à se sortir de leur problème. Roy se met à réfléchir à qui d’autre parmi leurs proches serait en mesure de les aider et songe aussitôt à Jayce qui a réalisé sa propre émancipation de ses parents pour des raisons similaires à la situation de Vivianne, mais aussi à Fergus qui a connu des démarches juridiques autour d’une garde d’enfant, ainsi que Toni qui a toujours eu le bras très long et a cette faculté à pouvoir aider n’importe qui en déclarant qu’il « connait quelqu’un ». Il s’apprête à en parler à Avalon mais cette dernière l’interrompt dans son élan, en reprenant la parole. L’animosité et la panique revient dans sa voix, Roy la sent plus fébrile, cette fois-ci, que réellement furieuse, ce qui ne fait qu’accentuer son inquiétude pour elle.

« Garlan et Morgane dépendent entièrement du monde moldu, de la justice moldue, c’est… Je peux pas les prendre tous les trois avec moi.
-Il doit y avoir des moyens de faire quelque chose, quand même » assure Roy, plus pour se montrer rassurant qu’autre chose, car en vérité il n’en sait rien, mais il se sent prêt à remuer tout le Département de la Justice Magique pour rendre ça possible. « Il faut en parler à Danielle aussi. »

Mais cette intervention ne suffit pas à apaiser Avalon. Elle semble prendre conscience qu’elle a laissé de côté deux de ses frères et soeurs et que cela ne peut plus durer, et cette réalisation l’agite profondément. Ses phrases s’enchaînent si vite que Roy peine à attraper toutes les informations qu’elle lui délivre. Et pourtant, l’une d’entre elles le marque aussitôt au fer rouge.

« Moi, j’avais que deux ans de plus qu’elle quand le pote de Néro m’a violée. »

Le reste du discours n’atteint plus du tout la conscience de Roy, qui s’arrête brutalement sur cette phrase et le saisit d'un sursaut :

« Attends, quoi ? »

Mais Avalon ne semble même pas l’entendre, emportée dans ses propres inquiétudes qui lui font oublier qu’elle vient de révéler un fait que Roy n’a jamais connu. Ses lèvres bougent, sa voix résonne, ses yeux se brouillent face à Roy qui se retrouve incapable de recevoir et traiter toutes ces nouvelles informations qu’elle tente de lui transmettre. Il ne saisit pas tout de suite son désespoir, sa culpabilité, son appel à l’aide. Le choc le fige et l’emprisonne dans cet instant quelques secondes plus tôt où Avalon lui annonce qu’elle a été victime d’un viol dans sa jeunesse, au même âge que sa petite soeur.

Avalon s’est faite violer par un ami de son propre frère, à dix huit ans à peine.

Un garçon de son entourage direct, qu’elle devait connaître, a violé Avalon.  

Sa famille, son frère, ses parents ont laissé entrer dans leur entourage un homme qui a fini par violer Avalon.

Peu importe le sens dans lequel cette phrase se répète dans sa tête, dans tous les sens, elle ne parvient pas à créer une signification acceptable. Elle devient même de plus en plus intolérable à chaque seconde qui passe. Elle finit par se résumer à un seul mot, d’une violence insupportable, qui saisit Roy aux tripes. Viol, viol, viol. Viol. D’un coup surgit une autre phrase qu’Avalon a prononcé et que quelque part dans son inconscient, Roy a entendue. Y aura jamais personne pour la protéger de tout ça. Personne n’a protégé Avalon de ça non plus. Cette pensée le ramène à la réalité et le sort de son silence, difficilement : la stupeur marque toujours les traits de Roy, l’immobilise sur le canapé où il est resté assis, mais désormais, un dévorant sentiment de révolte s’y mêle et assombrit son visage.

« Comment ça, tu... C’est qui ce type qui t’a violée… ? Ton frère… Ta famille n’a pas réagi… ? »
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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeMar 8 Juin 2021 - 12:02
Les mots, les phrases, s’enchaînent à une telle vitesse qu’Avalon ne les assimile même pas. Ils glissent le long de sa langue, franchissent la barrière de ses lèvres, puis occupent tout l’espace. Ils sont forts, chargés d’un poids immense qui pèse tout aussi douloureusement sur sa poitrine. Ce poids, c’est celui du silence, de l’omission, du passé. C’est celui qui l’a entravé pendant des années, avec lequel elle s’est longtemps débattue mais qui, finalement, ne l’a jamais vraiment quitté. Avec le temps, il est devenu moins insupportable à porter, moins vif aussi, mais il n’a pas disparu. Il est soutenu par son enfance difficile, par ses parents absents, défaillants, indifférents, par la violence du monde dans lequel elle est née mais, surtout, il est scellé par le viol qu’elle a subi. D’une agression comme ça, on ne dit souvent rien. En fait, on apprend à ne rien dire, à se taire, à l’enfermer, l’étouffer, le contenir. En parler n’est pas seulement terrifiant, c’est lourd de sens. C’est se présenter devant quelqu’un, lui dire « voilà ce que j’ai vécu » et lui confier une parcelle de son histoire, sans savoir ce qu’il en fera par la suite. Ne rien dire, pour Avalon, c’est aussi garder la maîtrise sur un évènement où elle en a été complètement dépossédée.

Sauf qu’aujourd’hui, Avalon ne maîtrise plus rien. Sa confrontation avec son père, avec ses frères, a réveillé un sentiment d’urgence en elle, trop longtemps nié et minimisé. Il y a urgence, réalise-t-elle avec effarement, ses grands yeux bruns écarquillés dans un mélange de panique et de tristesse. Il y a urgence, parce qu’il y a des vies qui sont en jeu, celles de trois enfants qui n’ont rien à faire dans ce milieu. Avalon sait comment on y évolue ; elle l’a vécu – partiellement – mais elle a surtout assisté à la transformation de Néro au fil des années. Le frère qui s’est présenté devant elle, quelques minutes plus tôt, n’est pas celui qu’elle a connu, plus jeune, lorsque la drogue ne l’avait pas encore rongé. Il est différent, plus colérique, plus nerveux, agités par des tics qui trahissent son manque, le teint gris, les yeux vitreux. Il ne sourit presque jamais – pourtant, Néro a exactement le même sourire qu’Avalon, celui qui dévore la moitié de son visage et plisse ses yeux.

Avalon connait le destin qui attend ses frères et sœurs – au fond d’elle, elle l’a toujours su. Elle l’a toujours su et, pourtant, elle n’a rien fait. Rien. Elle a préféré fermer les yeux, partir ; c’était plus facile, moins engageant. Un sentiment de dégoût profond se répand en elle – c’était surtout si lâche. Et brusquement, cet immobilisme, ce silence, dans lequel elle s’est enfermée depuis des années lui paraît insupportable, intolérable. C’est un bond vers l’avant qu’Avalon effectue, les yeux noircis par la colère. C’est le ravin rempli de ses peurs qu’elle franchit sans même s’en rendre compte, poussée par l’urgence. En faisant cela, elle brise le silence de la violence, pourtant bien institué, intériorisé même, depuis sa plus tendre enfance.

Elle n’en n’a pas conscience ; sûrement que si cela avait été un choix conscient, Avalon ne l’aurait pas fait ou, en tout cas, pas de cette manière. L’interpellation de Roy ne parvient même pas à ses oreilles, mais l’expression de son visage la frappe avec stupeur. Avalon se tait, la gorge serrée, en ayant conscience que quelque chose se joue avant même de réaliser ce que ses mots ont révélé d’elle. C’est la question de Roy qui lui rappelle ses propos, cette comparaison qu’elle a fait entre Morgane et sa propre histoire, ce détail même, qu’elle n’a jamais donné à personne.

Et, dans la bouche de Roy, le mot « viol » est intolérable ; autant pour lui que pour Avalon.

C’est un effet de sidération qui saisit Avalon, l’immobilise dans une attitude figée. Elle dévisage Roy sans rien dire, et un silence les enveloppe. Il est pesant, lourd, collant, gluant même. Il mentionne son frère, il mentionne sa famille, et une boule se forme au creux de son estomac. Bien sûr que non, songe-t-elle, personne n’a rien fait. Personne n’a rien fait, parce que personne ne savait ; Avalon n’a rien dit à Néro ou à ses parents. Elle n’a jamais pu s’y résoudre ; il aurait fallu parler, revenir sur les faits, et puis s’exposer peut-être à la possibilité de ne pas être crue par sa famille, de devoir argumenter. L’idée était insupportable. Dans sa famille, personne ne sait, même pas Galaad. Avalon doute que son agresseur en est parlé à qui que ce soit ; elle est même incapable de dire ce qu’il retient de cette soirée. Les rares fois où ils se sont revus, brièvement, au détour d’une rue, dans un magasin, ou chez les Davies quand il était de passage, il a fait comme si de rien n’était. Au fond, c’est peut-être le cas ; peut-être que, pour lui, rien ne s’est passé. Pour Avalon, en revanche, c’est son monde qui a été bouleversé, secoué, et qu’elle a dû quitter dans la précipitation pour se réfugier chez un homme qu’elle ne connaissait même pas. Elle aurait aimé enterrer l’histoire et ses sentiments mais les cauchemars, les reviviscences, les flashbacks, ne l’avaient jamais laissé en paix. Ils ont fini par cesser, après plusieurs mois – voire quelques années. Avalon n’a pas oublié, mais elle ne parvient pas à en parler non plus. Il y a une indifférence, entre accepter et verbaliser.

Et cette différence, Roy la pointe sans le savoir dans ses questions. Il demande « c’est qui », il demande si son frère a fait quelque chose, et les mots se bloquent contre les lèvres d’Avalon. Pourtant, cette histoire, elle l’a déjà raconté à plusieurs reprises ; il n’y a même pas si longtemps, d’ailleurs, à Toni. Mais ce n’était pas la même chose, il y avait un contexte, une volonté de dire. Le choc de Roy l’incompréhension dans sa voix, la révolte sur son visage, signent qu’il n’a jamais été prêt à recevoir cette information. Pas de cette manière, en tout cas.

« C’est… » Avalon prend la parole, mais l’interrompt aussitôt. Elle s’agite un peu, et reprend, sur un ton bas, le visage défait, brusquement vidée de sa colère. « Ils ne savent pas, je leur ai jamais dit. » explique-t-elle finalement, avec prudence presque. « C’est arrivé quand j’étais jeune, j’étais défoncée, je rentrais de soirée, et… »

Et elle avait rencontré cet ami, justement. Pas le sien, mais celui de son grand-frère. Pas très proche, mais suffisamment pour qu’elle ne se sente pas en danger, pour qu’elle lui sourit un peu, même.

Les yeux d’Avalon rencontrent ceux de Roy. Elle s’y accroche pour finir :

« C’est un mec que je connaissais, un pote de mon frère et je… » Elle secoue la tête. « Je veux pas qu’il lui arrive la même chose, c’est tout. » dit-elle, la voix étouffée, comme si évoquer Morgane peut éloigner ce qu’elle a vécu. Comme si, si sa sœur était en sécurité, cela allégeait, compensait, le poids de la violence qu’elle avait subi.


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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeMar 8 Juin 2021 - 14:33
Le silence qui s’épaissit entre eux crée une lourdeur dans l’atmosphère que Roy peine à supporter. Il voit la sidération marquer les traits d’Avalon et comprend aussitôt que cette information qu’elle vient de lui donner lui a en réalité échappé. La situation en devient plus difficile encore à vivre, car elle crée chez Roy le sentiment d’avoir découvert un lourd secret, quelque chose de terrible, d’intolérable, d’abject, quelque chose qu’Avalon ne voulait pas vraiment partager avec lui. Pas de cette manière en tout cas, c’est évident. Elle s’est figée sur place, incapable de trouver les mots pour rebondir à ses questions, face à Roy qui encaisse difficilement l’information.

Ce qu’elle finit enfin par préciser au sujet de sa famille ne parvient pas à calmer la tension et l’indignation qui monte en lui, bien au contraire : qu’ils n’aient jamais su ce qui était arrivé à leur fille, à leur soeur, devient pour lui une énième preuve de leur incompétence et de leur aveuglement. Pire encore, qu’ils aient permis à cet agresseur de pénétrer dans leur entourage familial, d’approcher une de leur filles encore adolescente à l’époque, les rend aussitôt coupables aux yeux de Roy. Il ne peut pas être surpris : les Davies n’ont jamais su protéger leurs enfants du danger et cet événement terrible n’en est qu’une preuve parmi d’autres. Sauf que cette fois-ci, c’est Avalon qui en a directement payé les frais, c’est elle qui s’est retrouvée privée de son consentement, de sa dignité, face à un homme qui a abusé de sa confiance pour faire ce qu’il désirait d’elle. Et cette idée est tout simplement insupportable pour Roy.

A cet instant, il hait les parents Davies, il hait Néro, presque autant qu’il ne hait cet agresseur inconnu dont Avalon ne précise pas l’identité. C’est leur faute si cet homme dangereux a pu approcher la jeune femme qu’elle était à l’époque. C’est leur faute aussi si à ce moment-là, elle était sous l’emprise de toutes ces drogues qu’ils avaient laissé empoisonner leur foyer, la rendant plus vulnérable encore. C’est leur faute si, après cet événement, ils n’ont pas su déceler que quelque chose s’était brisé chez Avalon. Tout est leur faute et l’idée que l’histoire se répète avec les autres enfants Davies, les plus jeunes, est inacceptable. Mais à cet instant, ce que Roy peut encore moins accepter, c’est que tout cet entourage néfaste, toxique, qui a pourri la vie de son amie, de son amour, s’en sorte impunément.

Et quand on s’en prend à son entourage, le premier réflexe chez Roy n’est ni la tempérance, ni l’empathie, ni le réconfort, mais plutôt un sentiment bien plus familier et dévastateur. La colère qu’il avait laissée éclater face à Dwight tout à l’heure, puis calmée en rentrant, finit par ressurgir vivement, violemment, dans une sensation de brûlure le long de ses veines. Tous ses muscles se tendent, sa mâchoire se contracte alors qu’il se fait violence pour ne pas simplement exploser face à Avalon qui semble totalement défaite, paralysée.  

« Putain mais… C’est qui, ce CONNARD, c’est quoi son nom ? répète t-il, plus fort. Je vais le buter » annonce t-il en se levant d’un coup du canapé, sans qu’on ne puisse savoir si c’était simplement l’effet de la fureur ou une réelle menace. Il en est malheureusement capable : il a déjà tué pour moins que ça. « Il va PAYER, putain, quel FILS DE PUTE. Lui, et ton frère, et tes parents, mais quelle bande de merdes, sérieusement, c’est leur faute aussi si c’est arrivé ! A laisser n'importe qui rentrer chez eux, là ! » S’exclame t-il en pointant une direction imaginaire vers l’extérieur de la villa, pour désigner l’appartement sordide qu’ils venaient de quitter. « Et Néro, putain, j'aurais dû lui faire avaler sa langue tout à l'heure, sérieux. Bordel mais avec tout ce que t'as subi et qu'il a pas vu alors que c'était sous son nez, il est là à te donner des leçons, à dire que t'es une lâcheuse ? Et ton père là, il te CRACHE DESSUS quand t’essayes de tirer tes soeurs de là ? Il ose TE FRAPPER ?! Mais ils vont morfler, je te jure qu’ils vont morfler » promet t-il en contournant la table basse et en poussant d’un coup de bras brutal les sièges sur le chemin qui le séparait d’Avalon. « Ils me foutent LA HAINE, putain, c’est des dangers publics, incapables de protéger leur famille ! »


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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeMar 8 Juin 2021 - 20:15
La colère de Roy se heurte à la sidération d’Avalon. Son premier éclat la frappe sans qu’elle n’y réagisse vraiment ; elle se contente de l’observer, presque surprise de cette conversation qu’elle ne pensait jamais avoir dans ces conditions, et encore moins dans cet état. Pourtant, l’idée lui a effleuré l’esprit quelques fois. Elle a déjà raconté à Roy des parcelles de son adolescences, jusqu’à lui dresser un portrait assez exact de la jeune femme qu’elle était alors. Elle a parlé de la drogue, de la violence, des jours sans fin, de la peur qu’elle ne ressentait pas vraiment mais qui avait hanté toute son enfance. Mais ça, cette agression, a toujours été passée sous silence. Même en évoquant sa rencontre avec Fergus, dans la pénombre d’une nuit en Equateur, elle n’a pas été au bout de son histoire. Elle aurait pu, elle y a pensé, s’est sentie sur le point de parler, mais ne l’a pas fait. L’habitude, sûrement. Toni, par exemple, a passé dix ans dans l’ignorance avant de savoir et, pourtant, il a sa confiance la plus aveugle.

Ce n’est pas le manque de confiance, qui empêche Avalon de parler, c’est la crainte de retourner dans le passé et de le remuer. C’est le problème, avec cette force qui la pousse vers l’avant ; le passé devient bien vite un endroit où il ne faut pas remettre les pieds, ou alors, avec prudence et méfiance. Avalon le fait parfois, mais jamais de cette façon-là. Roy n’est pas en état de recevoir une telle confidence et, à vrai dire, Avalon n’est pas en état de la faire non plus, ni de faire face aux réactions de son partenaire. Son agressivité, pourtant dirigée vers son agresseur, puis vers son père et son frère, la heurte comme si elle lui était destinée. Son expression se durcit à son tour, son visage se ferme, et c’est à nouveau un sentiment de colère qui l’envahit.

Roy tempête, jure, repousse les chaises qui le bloquent pour s’avancer vers elle, et le regard d’Avalon gagne en intensité. Le ton catégorique de son discours est difficile à entendre, sans qu’elle ne parvienne parfaitement à en comprendre les raisons. Elle se sent attaquée dans l’intime, dans quelque chose qu’elle a gardé douloureusement pour elle pendant des années et qui, brusquement, est exposée aux yeux de quelqu’un qu’elle aime et qui lui promet vengeance et réparation. Mais Avalon ne veut ni vengeance ni réparation. Elle ne l’a jamais voulu, d’ailleurs. Elle n’a pas une seule fois émis le désir de faire payer cet homme qui l’a tant blessé. Pourtant, Fergus le lui a proposé plus d’une fois et Avalon sait qu’il n’attend qu’un mot de sa part depuis toutes ces années. Elle ne l’a jamais prononcé et, à vrai dire, n’est pas certaine de le faire un jour. A l’époque, tout était encore trop frais pour envisager une vengeance ; le simple fait de guérir prenait toute son énergie. Et puis, avec le temps, l’idée de se venger s’est retrouvée presque vidée de sens et, paradoxalement, teintée d’une crainte irrépressible de devoir refaire face à ces réminiscences et ces cauchemars dont elle a mis des mois à se débarrasser.

Mais Roy étant Roy Calder, il prend son combat à bras le corps et en fait le sien. Dans une situation inverse, Avalon aurait sans doute agi de la même façon mais, dans la position qu’elle occupe, cela a un côté presque insupportable qui la crispe.

« Mais ils en savaient rien, je leur ai jamais rien dit ! » répète Avalon, plus fort cette fois, parce qu’en réalité, imaginer que son frère aurait pu se rendre compte de son mal-être et décider consciemment de ne rien faire est parfaitement intolérable. « Et toi, tu vas rien faire du tout, d’accord ?! C’est pas ton problème, j’ai pas besoin de revivre ça et j’ai pas envie que tu t’en approches non plus. C’est déjà… C’est trop… Je veux pas… » Les mots s’embrouillent et s’emmêlent, un peu au même moment où sa vue se brouille. Avalon n’a pas senti les larmes monter jusqu’à ses yeux mais lorsqu’une larme coule sur sa joue, elle est rapidement suivie par une autre. Elle ne décolore pas pour autant ; elle essuie rageusement ses yeux pour contenir ses émotions, en vain. Ces dernières lui échappent totalement, fuient par ce canal qui n’est jamais ouvert. Avalon n’a pas pleuré depuis plusieurs années, peut-être.

Mais ce soir, c’est trop. Il y a trop de choses qui se rencontrent, entrent en collision, et font craquer les défenses pourtant bien solides d’Avalon. Le coup de son père qui a marqué son visage, les mots crachés durement, les menaces, ce départ précipité du domicile familial ainsi que tout ce qu’il implique et puis la colère de Roy qui la met face à quelque chose qu’elle ne peut pas appréhender, ni même gérer pour le moment.

« Ça s’est passé il y a longtemps, » finit-t-elle par souffler, la voix un peu tremblante mais le regard décidé, « j’ai pas envie de secouer tout ça, de savoir que tu le cherches, de penser que tu vas le voir, je… Je veux pas ça, d’accord ? » insiste-t-elle. « Ce mec il m’a… Il a… » Elle secoue la tête. « C’était atroce. Et ça a duré des mois, j’y pensais tout le temps, je faisais des cauchemars, je le voyais partout et c’était horrible d’accord ? Et personne aurait rien pu faire contre ça. Ni mes parents, ni Néro. Ils ont rien vu, parce que je leur ai jamais rien laissé voir, je suis partie, j’étais toute seule, j’ai jamais rien pu leur dire. » Elle ferme les yeux douloureusement. « Aujourd’hui, non plus. Je peux pas te dire son nom, je… » Et sa voix se brise, sous le poids de ses mots et de ses larmes. « J’ai juste besoin de les sortir de là. »  


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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeMar 8 Juin 2021 - 22:32
« Mais c’est pas une raison ! » proteste aussitôt Roy avec véhémence, alors qu’Avalon souligne à nouveau qu’elle n’a rien dit à sa famille. « Ils auraient pu voir ou deviner ce qui se passait, s’ils faisaient un minimum attention à toi ! »

L’explosion de colère d’Avalon ne surprend pas vraiment Roy et ne l’arrête pas non plus dans son propre éclat. Son sang est chauffé à vif et dans ce genre de situation, il n’a pas peur de se heurter à des réactions tout aussi virulentes face à lui. Il aurait pu, pendant quelques instants, échanger des arguments emplis de colère avec Avalon, il aurait pu se lancer dans une véritable joute verbale avec elle, simplement pour libérer cette immense frustration qui l’habite car au fond, ce n’est pas du tout contre elle que cette colère se dirige. C’est contre des personnes qui ne sont pas face à lui mais qui sont, à ses yeux, les directs coupables de toutes les souffrances qu’exprime sa partenaire. C’est sa propre impuissance qui le rend fou à cet instant.

Il aurait pu poursuivre dans cet élan, si la rage de sa petite amie ne s’était pas dissoute dans une expression de douleur qui marque son visage, dans un désespoir qui finit par emplir ses yeux de larmes. Roy se fige instantanément, face à cette vision qu’il n’attendait pas du tout et qui est un grand choc pour lui. Après dix ans passés dans son entourage, il n’a jamais vue Avalon pleurer. Pas une seule fois. Il est à peu près certain que ses amis les plus proches, comme Toni et Fergus, ne l’ont pas vue non plus, ou à de rares occasions seulement. Avalon ne pleure pas. Ni de colère, ni de joie, elle ne pleure jamais. Elle crie, elle tempête, elle enrage, elle explose, elle se venge, elle s’exclame, elle rit aux éclats, elle sourit, elle jubile, elle tourne la page, mais elle ne pleure pas.

Cette fois-ci, elle pleure, vraiment, elle pleure au point que plusieurs larmes roulent sur ses joues en faisant trembler sa voix. Face à cette réaction inédite, Roy comprend qu’il s’est aventuré sur un terrain extrêmement sensible pour Avalon, qu’elle n’explore jamais et qui peut lui faire perdre totalement ses moyens. Elle se montre d’ailleurs incapable d’expliciter les actes commis par son agresseur, sa phrase reste en suspens, vide de mots assez justes pour exprimer ce qu’elle a vécu. « C’était atroce » se contente t-elle de dire « c’était horrible ».

Ces aveux font l’effet d’une profonde secousse chez Roy, il se sent lui aussi trembler, de colère, toujours, d’injustice, de révolte, mais aussi d’un élan qui le pousse vers Avalon. Des émotions plus intimes au fond de lui finissent par se détacher et se frayer un chemin hors du brouillard de sa rage aveugle. Des mots de sa partenaire font écho chez lui, car s’il n’a aucune idée du vécu que représente un viol, il sait en revanche ce que c’est de vivre un traumatisme au point d’en faire des cauchemars pendant des mois et ne plus du tout vouloir revenir dessus par la suite.

La demande que lui fait Avalon, de ne rien faire, de ne pas remuer ce passé douloureux le place alors dans une position très inconfortable : pendant quelques instants, Roy se tait, tiraillé entre son empathie pour elle et sa colère réclamant justice. Les explications d’Avalon ne l’apaisent pas vraiment et ne lui inspire aucune envie de miséricorde à l’égard des Davies. Il a envie de lui dire que si elle n’a jamais laissé voir à sa propre famille ce qu’elle traversait, si elle a du partir sans rien leur dire, c’était précisément parce qu’ils n’étaient pas des soutiens fiables pour elle. Mais il se tait, retenu par ce qu’il voit. Il regarde Avalon se briser un peu plus, se retrancher derrière une attitude de silence qui est son seul rempart contre un traumatisme profond chez elle. La tension qui l’habite pousse alors Roy à masquer son visage dans ses mains, brièvement, dans un geste qui trahit son désespoir à lui.

Quelle situation de merde.

Derrière l’obscurité créée par ses mains, Roy voit des images confuses, qu’il ne contrôle pas vraiment, car il est difficile de ne pas laisser son imagination combler le silence qu’Avalon lui impose. Cet homme qu’elle refuse de nommer a alors une silhouette menaçante, un vague visage. Cette nuit qu’elle ne décrit pas se décompose en scènes brèves, violentes, assez suggestives pour laisser un goût amer dans la gorge de Roy et serrer son estomac de dégoût. Ces cauchemars qu’elle évoque seulement prennent vie et lui dépeignent l’état d’angoisse qui devait la suivre toutes les nuits à cette période. Pendant quelques secondes, Roy laisse toutes ces images défiler, ce qui est une torture et un geste salvateur à la fois : se laisser la possibilité de mettre mentalement en récit tout ce qu’Avalon ne décrit pas finit par l’écoeurer assez pour le repousser. Il n’est finalement pas sûr d’avoir envie d’en savoir davantage s'il ne peut rien faire.

« Ok. » murmure t-il alors que ses mains glissent de son visage vers sa nuque. Il serre les dents, prend une profonde inspiration. « Je ferai rien. »

Ses bras retombent le long de son corps, marquant son abandon, ou plutôt, l’acceptation de son sentiment d’impuissance. Roy se raccroche à la seule réalité où il peut être utile et aider à Avalon : pas dans un passé qu’il ne peut pas modifier mais dans ce présent où elle semble sur le point de s’effondrer. Quand il relève les yeux sur elle, la douleur qu’elle a laissée voir à travers ses mots et ses larmes le frappe plus fort que tout à l’heure et devient plus insupportable encore que le fait de renoncer à toute forme de justice vengeresse. Poussé par un réflexe vers elle, il franchit la distance qui les sépare pour l’attirer dans ses bras.

« Je ferai rien » répète Roy, en espérant la calmer et se calmer lui-même par la même occasion. L’une de ses mains se loge dans les cheveux de sa petite amie et l’autre presse son dos, pour la serrer plus fort contre lui. Il prend quelques secondes pour retrouver le fil de ses pensées et de la conversation qu’ils viennent d’avoir, en se rappelant qu’au milieu de toute cette colère qu’ils ont laissé exploser, Avalon lui a exprimé des besoins clairs. Il assure, en embrassant le sommet de sa chevelure : « Tu vas sortir tes frères et soeurs de tout ça. Et tu seras pas seule, je vais t’aider. On va tous t’aider. »


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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeMer 9 Juin 2021 - 0:41
Avalon connaît Roy, elle n’a pas besoin qu’il verbalise la frustration que lui cause sa demande pour la déceler dans sa mâchoire crispée, dans son expression tendue qu’il finit par cacher dans ses paumes. Elle la devine et, pourtant, à travers les larmes qui s’écoulent de ses yeux, son regard reste catégorique. Cette vengeance n’appartient à personne d’autre qu’elle ; cette histoire est la sienne et, pour l’instant, son souhait n’est pas de la faire revenir sur la scène principale de sa vie. Avalon comprend la colère de Roy, elle la ressent même dans chaque fibre de son corps, mais ne cède pas. Elle n’a jamais cédé, ni à la rage froide de Fergus ni à celle, destructrice, de Toni. Cette histoire lui appartient, ce prénom maudit lui appartient, cette vengeance lui appartient et elle refuse d’en être dépossédée. Elle veut bien confier son histoire, elle veut même bien essayer de parler, mais elle refuse de perdre quoique ce soit ; dix ans plus tôt, elle a déjà suffisamment perdu.

Lorsque Roy finit par acquiescer à sa demande, Avalon sent un poids immense quitter ses épaules. Elle hoche la tête, lentement, rendue incapable de parler par une boule qui s’est formée dans sa gorge. Ses épaules s’affaissent un peu, maintenant qu’elle n’a plus à se montrer aussi forte pour faire entendre cette volonté implacable. Elle pleure silencieusement face à un Roy épuisé, le visage livide, les yeux toujours aussi noirs. Brusquement, ces derniers s’écarquillent légèrement alors qu’ils rencontrent les siens. Elle soutient son regard à peine une seconde avant qu’il ne l’attire contre lui, une main posée contre sa nuque et l’autre dans son dos. D’abord tendue, crispée même, les muscles encore contractés sous le coup de l’émotion, Avalon laisse passer un temps avant de refermer ses bras dans le dos de Roy. Lorsqu’elle le fait, c’est avec un élan presque nécessaire, essentiel, vers lui. Son visage s’écrase au niveau de son épaule, ses yeux rencontrent le tissu de sa chemise blanche désormais froissée. L’étreinte familière qu’Avalon retrouve lui donne un sentiment de sécurité ; les mots que Roy lui chuchote parviennent à ses oreilles sans vraiment faire de sens. Elle est perdue parmi les émotions intenses qui la traversent et qui la font trembler contre son partenaire.

Toute cette journée est beaucoup trop lourde, beaucoup trop douloureuse pour la laisser de marbre. Tout résonne encore dans sa tête ; les cris de Garlan, ceux de Vivianne, ceux de son père et ceux d’Yvain, de Néro, de Roy, les siens. Ils emplissent encore l’atmosphère, comme s’ils n’avaient pas vraiment disparu. Pourtant, c’est le silence qui entoure le couple enlacé. Quelque part au milieu de ses pensées, Avalon réalise que c’est la première fois, en l’espace de cette dernière heure, que personne ne crie autour d’elle.

Curieusement, et sans vraiment en comprendre la raison, c’est cette pensée qui fait couler à nouveau les larmes contre ses joues. Ses épaules s’agitent doucement, secouées par les sanglots et elle se blottit davantage contre Roy. Une infinité de questions traversent son esprit, accompagnés de constats terrifiants. Elle ne verra plus jamais ses parents. Le regrettent-ils ? Ont-ils parfois ce sentiment douloureux lorsqu’ils pensent à tout ce qu’ils ont raté de sa vie, et tout ce qu’ils ne verront jamais ? L’enquête pour retirer la garde de ses frères et sœurs ouvrira sûrement à un procès contre ses parents. Devra-t-elle y témoigner ? Et comment ce nouvel évènement impactera ses relations avec sa fratrie ? Avalon, pour le moment, n’envisage absolument pas un futur où leurs rapports seraient apaisés, sains.

En fait, aujourd’hui, elle a l’impression d’avoir définitivement perdu sa famille et le peu d’unité familiale qu’il restait. C’est essentiel, évidemment, nécessaire même. Mais Dieu que c’est éprouvant.

Elle se raccroche aux paroles de Roy, les joues baignées par les larmes. Elle ne sera pas toute seule pour faire face à ça ; elle n’est pas toute seule, là. Elle n’était pas toute seule, chez ses parents. Ses mains se referment sur la chemise de son partenaire, comme pour le serrer davantage contre elle ; au milieu de sa tristesse, de ce sentiment d’injustice, de cette crainte irrépressible, se situe aussi un élan de reconnaissance envers cet homme qui n’a pas détourné les yeux. Qui a crié, tempêté, protesté, mais qui n’est pas parti, qui ne l’a pas laissé. Qui accueille ses pleurs contre lui, qui soutient sa peine entre ses bras, et qui murmure à son oreille des choses apaisantes, en caressant ses cheveux. Dans la douceur de cette étreinte, les pleurs d’Avalon finissent par se tarir, puis par s’arrêter. Ses yeux sont rouges, gonflés, une partie du mascara qu’elle a posé sur ses cils ce matin a coulé sur ses pommettes. Le coup que son père à porté sur sa joue a laissé une marqué rouge qui tire vers le bleu, ses cheveux sont en bataille ; Avalon fait peine à voir. Elle garde le visage enfoui contre Roy, reprend son souffle comme elle le peut, le cœur battant la chamade dans sa poitrine.

« Ohh, putain. » finit-elle par murmurer, la voix un peu enrouée et tremblante. « Bon. » Elle souffle profondément. « Bon, » répète-t-elle en s’appuyant sur Roy pour se redresser. « Ça va. Ça va, ça va. » fait-elle comme pour s’en convaincre alors, qu’au fond, il est évident que ça ne va pas du tout. Avalon cherche à ramasser ses pensées éparpillées absolument partout. « Je… » Après la scène qu’ils viennent de vivre, Avalon ne sait même plus quoi dire. Il y aurait tout à dire, pourtant, à reprendre, à expliquer. Lorsqu’elle croise le regard de son partenaire, elle se décourage. Alors, presque par réflexe, Avalon préfère se tourner vers les éléments qu’elle considère comme étant les plus importants, les plus urgents, ceux qui n’attendent pas et ne plient devant personne. « La priorité c’est… Vivianne. Il faut… Il faut que j’aille la voir, que j’appelle Danielle, que je trouve comment faire pour ne jamais avoir à la renvoyer là-bas. » Avalon passe les mains dans ses cheveux, ses paumes collées contre son front, comme pour passer en revue la liste des options – réduites – qui s’offrent à elle. Elle finit par retrouver le regard de Roy, dans lequel elle se perd une seconde. « Est-ce qu’on peut rester chez toi, le temps que tout se calme ? » demande-t-elle. « Personne viendra la chercher ici… »



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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeMer 9 Juin 2021 - 14:40
Le silence qui surgit brusquement, après cette longue tempête qui a démarré à l’instant où le ton est monté chez les Davies, ne crée pas vraiment d’apaisement chez Roy. Ses oreilles bourdonnent de ce silence brutal, empli de leurs pensées agitées, entrecoupé des sanglots qu’Avalon étouffe contre sa chemise. Il sent son coeur se briser en morceaux face à cette détresse qu’elle exprime sans concession. Ce cocon qu’il crée de ses bras autour d’elle ne semble pas suffisant pour contenir une telle peine et il s’en veut de ne pas pouvoir faire plus que ça à cet instant. Il a toujours détesté le sentiment d’être impuissant face au chagrin de ses proches. Celui d’Avalon le touche particulièrement fort, à la mesure de l’amour qu’il ressent pour elle et le pousse à vouloir la protéger plus que tout.

Mais pour le moment, Roy ne peut pas faire beaucoup plus que l’étreindre de toutes ses forces, lui assurer sa présence par ses mots et ses caresses dans ses cheveux, en espérant tarir un peu le désespoir qu’il perçoit chez elle. Voir Avalon sur le point de s’effondrer est une violente gifle pour lui, car il l’a toujours vue aller de l’avant, faire preuve d’un optimisme et d’une volonté à toute épreuve. Mais cette fois-ci, elle semble vivre l’épreuve de trop et Roy ne peut que la comprendre : la scène qui s’est jouée tout à l’heure a quelque chose de terrible et de définitif. Il est impossible d’imaginer un retour à la normale après ça. Tout allait changer pour les Davies à partir d’aujourd’hui. Tout allait changer pour Avalon qui perdait tous ses repères familiaux, aussi instables soient-ils.

Roy mesure à peine le courage que nécessite une entreprise telle qu’arracher à ses propres parents une de leurs enfants. Même si Avalon y pensait déjà depuis quelques temps et s’y sentait prête, l’événement qu’ils viennent de vivre précipite tous leurs plans et les presse d’un sentiment d’urgence. Le même genre de pensées doit agiter Avalon car Roy la sent bouger contre lui et prendre plusieurs inspirations pour se ressaisir. Désolé, peiné, il la regarde sans rien dire prétendre qu’elle va bien. D’un signe de tête, il approuve ce qu’elle dit sur Vivianne et songe que si Avalon fait de sa soeur sa priorité, il sera toujours là pour faire d’Avalon sa priorité à lui. Ils seront trois dans cette affaire, décide t-il sans même y réfléchir. Il lui assure son soutien en glissant sa main le long de sa nuque et en répondant :

« Vous pouvez rester ici autant de temps qu’il faut. Les entrées sont bien surveillées, vous serez tranquilles. » Doucement, il presse la nuque d’Avalon pour pouvoir atteindre son front de ses lèvres. «  Va la voir. Je vais passer un coup de fil à Jayce et les autres, ils pourront sûrement nous aider. »


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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeMer 9 Juin 2021 - 20:42
Le reflet que lui renvoie le miroir de la salle de bain n’est pas exactement celui auquel Avalon est habituée. Avec un mouchoir humide, elle fait disparaître les sillons noirs de ses joues, mais grimace lorsque le tissu effleure la marque rouge qui s’étend vers le bas de sa mâchoire. Ce n’est pas très grave, juste un peu douloureux au niveau de l’os. Avalon secoue la tête, passe un filet d’eau fraiche sur son visage, puis recoiffe ses cheveux avec ses doigts. Elle a pris ce temps pour réorganiser à la fois son apparence et ses pensées, encore chamboulées par les évènements. Et c’est une chose de se montrer décomposée, bouleversée, fragile, face à Roy qui est là pour la soutenir mais, devant Vivianne, Avalon tient à retrouver ce rôle de grande-sœur solide pour permettre à sa cadette de s’appuyer sur elle.

Alors elle met de côté toutes les émotions qui l’ont envahi avec force, et frappe quelques coups sur la porte de la chambre où elle a installé Vivianne. « Viv ? C’est moi. Je peux entrer ? » interroge-t-elle. Au début, c’est le silence qui lui répond, si bien qu’Avalon craint que Vivianne, épuisée, se soit endormie. Finalement, un « Hmmm » peu enthousiaste s’élève de la pièce. Pas un franche « oui », plutôt une résignation douloureuse. Le cœur lourd, Avalon pénètre dans la chambre.

Vivianne est pelotonnée dans l’immense lit qui occupe la pièce. Elle paraît presque minuscule, recroquevillée comme ça sur elle-même, au milieu des oreillers blancs et bleus. Elle a les yeux rougis par ses larmes et, surtout, elle paraît épuisée. Avalon croise son regard et s’approche d’elle. Sans prononcer un mot, elle laisse ses chaussures au pied du lit, et s’assoit en tailleur face à sa petite-sœur. Il y a un long moment de silence ; Vivianne lui donne l’impression de faire face à un animal blessé qui refuse de se laisser approcher. Elle a les bras croisés sur sa poitrine, mais ses mains tremblent un peu. Finalement, Avalon tend une main vers le menton de Vivianne pour le saisir entre ses doigts. Le contact la fait tressauter, mais elle ne la repousse pas. Doucement, la plus grande examine la joue de sa cadette, puis l’effleure de la pulpe de ses doigts.

« Ça te fait mal ? »
« Bof. Un peu. » répond Vivianne en haussant les épaules. Elle ne reprend pas la parole et Avalon remarque que son regard est un peu fuyant.  

« C’était dur, tout à l’heure. » dit alors Avalon, un peu comme un constat, en faisant glisser sa main jusqu’à celle de Vivianne, qu’elle saisit dans la sienne.
Vivianne trouve finalement son regard pour lui répondre, avec un ton un peu accusateur, mais surtout hésitant : « Tu as beaucoup crié… »
Avalon est surprise, mais hoche la tête. « Oui. Oui, j’étais vraiment en colère. » admet-elle
« Contre qui ? »
« Contre papa, Viv’, pas contre toi. » assure Avalon, qui a bien compris le sous-entendu de sa petite-sœur.
« La casquette… J’aurais pas dû, je voulais pas… Je te jure que je voulais pas ! »
« Tu maîtrises pas encore la magie, Vivianne, c’est normal que ce soit arrivé. C’est papa qui aurait jamais dû faire ça, d’accord ? C’était déjà arrivé, avant ? »
« Ben… » Vivianne baisse un peu les yeux. « Il m’avait dit de pas faire de la magie à la maison. Parfois ça arrivait un peu quand même, alors il se fâchait et j’étais punie, c’est tout. »

Avalon doit lutter pour ne pas laisser une profonde colère l’envahir à nouveau. Elle ferme brièvement les yeux pour se contenir, mais son ton est un peu plus dur quand elle reprend :

« C’est pas normal. Il aurait jamais dû faire ça. » répète-t-elle en pressant la main de sa sœur. Son cœur bat plus vite, mais elle s’efforce de prendre un ton plus doux, réconfortant, pour souffler : « Ça devait être très difficile, pour toi. »

Vivianne hausse les épaules à nouveau. Lorsque ses yeux retrouvent ceux d’Avalon, elle est au bord des larmes. Avalon sent sa gorge se nouer et attire sa petite-sœur contre elle. Des sanglots silencieux agitent la petite fille et Avalon se sent tellement impuissante et tellement en colère devant cette détresse immense qu’elle verse à son tour quelques larmes qui se perdent discrètement dans la chevelure de Vivianne. Les deux sœurs restent enlacées longtemps et, lorsque Vivianne reprend la parole, son visage est toujours enfoui contre l’épaule de son aînée.

« Pourquoi… Pourquoi papa il déteste autant ça ? »

La question laisse Avalon silencieuse de longues secondes. C’est difficile, d’annoncer à une enfant que son père hait quelque chose qui fait partie d’elle, de son ADN, simplement par bêtise et ignorance.

« Parce que… Parce qu’il ne connait pas. » répond-t-elle alors avec prudence.
« Mais il connaissait déjà ! » relève Vivianne entre deux sanglots. « Avec toi ! »
« Je sais, ma puce, je sais. Mais il ne comprend toujours pas parce que… C’est différent de lui. » Avalon sent bien qu’elle n’est absolument pas préparée à avoir cette conversation avec sa petite-sœur. Elle se racle la gorge et caresse ses cheveux longs. « Il est bête. » décide-t-elle parce qu’au fond, c’est plus simple de donner à Vivianne un avis tranché sur la question. « Il est bête et il aurait jamais dû te frapper, Viv’. »
« Moi, si c’est ça, j’en veux pas, de la magie. » annonce Vivianne d’une voix étouffée. Le ton de sa voix suffit à alerter suffisamment Avalon pour qu’elle se recule et qu’elle retrouve le regard de sa sœur en posant ses deux mains sur ses épaules.
« Ça fait partie de toi, Vivianne. La magie, c’est dans ton ADN, comme… Comme un gène. Tu es née avec, comme moi. Ce n’est ni « bien », ni « mal », c’est comme ça, c’est tout. Et moi aussi, quand j’avais ton âge, j’étais perdue. Parce que c’était un autre monde, que je n’y connaissais rien, que ça me faisait peur… Mais tout va bien se passer. Je suis là, moi. Je suis là. » répète Avalon avec force à sa sœur qui hoche doucement la tête.

« Mais papa… » reprend Vivianne, un peu hésitante.
« Vivianne. » l’interrompt alors Avalon. « Tu ne vas retourner chez papa et maman. »

La petite fille paraît interloquée. Elle a une expression de surprise, et le réflexe de s’écarter de sa sœur pour la dévisager.

« Quoi mais ? » Elle bafouille. « Pour le weekend tu veux dire ? »
« Non. Non, je pense que c’est mieux si tu n’y retourne pas du tout ma puce. »
« Mais… » Vivianne s’agite. « Mais je vis là-bas ! »
« Je sais. Je sais, Viv’, mais… Mais je pense que tu serais mieux avec moi. On en avait déjà parlé toutes les deux, tu t’en souviens ? » Vivianne hoche la tête, un peu confuse. « Moi, je veux pas que tu vives chez les parents si papa te donne des gifles quand tu fais de la magie. C’est pas bien, et tu devrais pas vivre ça, d’accord ? »
« Mais c’était juste une fois… » proteste Vivianne, un peu faiblement.
« Même. Je veux que tu sois en sécurité, que tu puisses… Avoir ta chambre, faire de la magie, aller à l’école, prendre des cours de danse ou de n’importe quoi… Et là-bas, chez les parents, c’est pas possible. Alors je vais demander à ce que tu restes avec moi, maintenant. »
« Mais papa et maman sont d’accord ? » interroge la benjamine des Davies, qui a l’air perdu par toutes ces révélations.
« Pas vraiment, non. Je vais devoir demander à un juge de me donner ta garde. » annonce Avalon parce qu’elle n’a plus envie de mentir à sa sœur. « C’est lui qui décidera mais… Mais je pense que tu pourras venir chez moi. » Du moins, l’assistante sociale moldue lui avait dit qu’elle avait un dossier suffisamment solide pour pouvoir y prétendre. Dans le monde sorcier, le nom « Avalon Davies » est beaucoup plus influant, et surtout dans les couloirs du département de la justice magique. Avalon espère que cela jouera en sa faveur.

Vivianne secoue la tête. « Mais… Mais maman, et Garlan ? Et mes affaires ? Et comment je vais aller à l’école, et… » demande-t-elle dans un seul souffle, prise d’une anxiété qui s’affiche sur ses traits.
Avalon l’étreint à nouveau. Elle pose une main dans sa chevelure, et la garde contre elle, longtemps. Au fond, elle est aussi perdue que sa cadette ; l’avenir est très flou, terriblement incertain, et Avalon n’est sûre de rien. Seulement, la flamme qui brûle dans son cœur est parfaitement reconnaissable : c’est celle de la volonté. Avalon sait que rien, ni personne, ne se mettra en travers de cette entreprise pourtant titanesque qu’elle entreprend. Alors c’est une promesse qu’elle souffle à Vivianne : « Tout va bien se passer, tu vas voir. Je sais que c’est beaucoup, c’est… ça a été une très longue journée, mais c’est fini. C’est fini et maintenant, tout va s’arranger. Je suis là, moi, je suis là. »

****

Quand Avalon sort de la chambre de Vivianne, elle se sent à épuisée et, paradoxalement, pleine d’une force qui lui donne l’impression de pouvoir soulever des montagnes. Son cœur bat toujours un peu vite, mais son esprit s’est éclairci et est désormais concentré sur ce qu’il lui reste à accomplir. Son Pear dans la main, elle monte jusqu’à la chambre de Roy. Il y a un bureau, dans un coin de la pièce – évidemment, la surface est nette, aucun papier ne traîne sur le bois. Avalon s’y installe, pose son téléphone face à elle pour stabiliser son hologramme, et lance un appel qu’elle redoute autant qu’elle attend. La sonnerie retentit trois fois avant que l’image de Danielle Coleman ne se matérialise devant elle.

« Oui ? »

« Danielle, c’est Avalon. » s’annonce-t-elle inutilement. Danielle l’observe sans rien dire ; classique, elle attend qu’elle prenne la parole la première. « Tu as du temps ? Il faut que je te parle. »
« C’est urgent ? » demande la directrice de la justice magique en se redressant légèrement.
« Oui. » Avalon n’hésite pas une seule seconde. « Et personnel. » précise-t-elle toutefois.

Elle ne sait pas dire si la curiosité ou l’intérêt de Danielle sont piqués ; comme à son habitude, cette dernière ne laisse rien paraître.

« Je peux te rappeler dans… trente minutes ? »
« Ouais. Ouais, bien sûr. » approuve Avalon, juste avant que l’appel soit coupé par sa supérieure.

Le temps passe avec une lenteur absolue, que la jeune femme met à profit pour écrire clairement ce dont elle a besoin. Une nervosité s’empare d’elle et l’origine ne lui est pas inconnue ; de sa situation familiale, Danielle ne sait rien. Avalon a toujours veillé à séparer sa vie sorcière de sa vie moldue. A la milice, on sait juste qu’elle a une famille très nombreuse, qui vit dans une banlieue de Londres. La vérité est loin d’être aussi simple, ou aussi reluisante. Avalon espère que cette omission ne pèsera pas dans la décision de Danielle ; elle compte sur leur proximité pour plaider en sa faveur. Une demi-heure plus tard très exactement, la sonnerie de son Pear retentit. A nouveau, l’image de Danielle se matérialise sous ses yeux.

« C’est bon, je t’écoute. » fait Danielle en guise d’introduction.
Avalon l’observe une brève seconde, se demandant comment amener un sujet aussi délicat dans une conversation. Sa nature prend rapidement le dessus : « Je t’appelle parce que j’ai besoin de récupérer la garde de ma petite sœur. » annonce-t-elle de but en blanc.
« Ta sœur ? »
« Vivianne. Vivianne Davies, elle a dix ans, et c’est une sorcière. »
« Et ? »
« Mes parents refusent qu’elle fasse de la magie. Mon père l’a frappé aujourd’hui à cause de ça, elle est punie régulièrement… Ils ont décidé qu’ils ne la laisseraient pas aller à Poudlard. »
A travers l’hologramme, Avalon voit que Danielle prend des notes. « Tes parents ont déjà reçu la visite de quelqu’un du ministère ? »
« Quand j’étais petite, au moment où j’ai reçu ma lettre. Ils n’étaient pas ravis mais… » Avalon hausse les épaules. « Là, c’est même pas la peine. »
« Hum… » Danielle fronce les sourcils. « C’est peut-être délicat de demander une garde en première intention pour un tel motif. » Elle doit s’apercevoir qu’Avalon est sur le point de protester avec véhémence, parce qu’elle hausse un peu le ton : « Un juge préférera une médiation familiale, Avalon, au moins pour commencer. »
« C’est plus compliqué que ça. » avoue Avalon. « Mes parents… Mes parents ne peuvent pas s’occuper d’elle ils sont complètement dé… drogués. Ils ont un petit trafic, à Londres. » Danielle la regarde sans rien dire mais, d’un regard, elle insiste pour qu’elle poursuive. « Ils coupent de la cocaïne avec d’autres médicaments et la revendent. Eux ou… Nous. Enfin, mes frères et sœurs. » corrige Avalon. « Elle est pas en sécurité, là-bas. »
« A quel point ce trafic, ça envahit sa vie personnelle ? » interroge Danielle d’un ton égal.
« Enormément ? Tout se passe dans l’appartement. C’est dangereux, Danielle. » insiste-t-elle à nouveau. « Je peux pas la laisser retourner là-bas. »
« Où est-elle, là ? » demande la directrice de la justice magique, d’un ton suspicieux.
Avalon s’agite un peu. « Elle est avec moi. J’ai pas pu partir sans elle après… Après ce qu’il s’était passé. »
« Avalon… » Le ton de Danielle accusateur.
« Elle était censée passer le weekend avec moi, c’était ce qui était prévu avec mes parents ! » se défend immédiatement la jeune femme.
« Tu sais que ça peut être considéré comme un kidnapping ? »
« Je suis sa sœur Danielle. »
« Même. Légalement, ça pourrait t’être reprochée. »
« C’est justement pour ça que je t’appelle. » fait Avalon, un peu cinglante, comme toujours lorsqu’elle est attaquée. Les deux femmes s’observent un moment, sans rien dire.

« Il faut que tu ouvres un dossier pour elle à la justice magique. Tu as un avocat ? »
« Je peux en trouver un. » répond Avalon en songeant à son large carnet d’adresse depuis qu’elle a pris la tête de la milice.  
« Il pourra déposer une demande en ton nom. Tu as des preuves pour prouver l’implication de tes parents dans un trafic de drogue, et leur incapacité à s’occuper de ta sœur ? »
« Des photos, sûrement. » répond Avalon. « Et puis, je peux témoigner, non ? Mes frères et sœurs aussi, peut-être. »
« Hmmm. » fait Danielle. « Oui, c’est possible. Il y aura sûrement une visite aussi au domicile, des entretiens avec tes parents… »
« S’ils répondent. » relève Avalon avec cynisme. Danielle ne relève pas, alors Avalon la relance : « Tu sais combien de temps ça peut prendre ? »
« Un dossier comme le tien ? Longtemps. »
« Plusieurs semaines ? Plusieurs mois ? »
Danielle secoue la tête. « Je n’en sais rien. Ca va dépendre de l’enquête, surtout. Et Avalon… »
« Oui ? »
« Pendant ce temps, ta sœur ne pourra pas être avec toi. »
« Mais elle ne va pas retourner là-bas ! » proteste-t-elle fermement.
« Elle ne peut pas rester chez toi, Avalon. Si le juge pense qu’elle n’est pas en sécurité chez tes parents, elle devra aller dans une famille d’accueil ou en foyer le temps de l’enquête et du jugement. »
« En foyer ? » répète Avalon en fronçant les sourcils. « Mais, Danielle, tu ne pourrais pas… »
« Non. Non, Avalon, ça risque de porter préjudice à ton dossier. Si encore tu m’avais parlé de tout ça avant… » fait Danielle avec un reproche dans la voix.
« Mais bordel, on ne va pas l'envoyer en foyer, alors que je peux l'accueillir chez moi ! C'est complètement con ! » s'énerve Avalon.
« C'est la procédure, on ne peut rien y faire. » réplique Danielle d'un ton dur, qui ne souffre d'aucune contradiction.
« Ok, ok. » capitule la jeune femme. « Et est-ce qu’on ne peut pas, j’en sais rien, choisir la famille d’accueil ? Si, par exemple, des gens autour de moi sont susceptibles de l’accueillir ? »
« Je… Je ne peux rien te promettre. Il faudrait que leur dossier soit accepté en amont. »
« Danielle, s’il-te-plait… » souffle Avalon qui n’est pas habituée à supplier autant.
« Je vais voir ce que je peux faire. Tu as des gens en tête ? »
« Il faut… Il faut que je réfléchisse. Que je passe des coups de fil. » admet la jeune femme.
« Bon. » Danielle baisse les yeux vers ses notes. « Passe me voir demain, après avoir vu un avocat. »
« Ok… Ok, merci. Vraiment, merci. » répète Avalon avec sincérité. « Au ministère ? »
« Oui, j’y serais vers neuf heures. »
« D’accord. D’accord, on fait ça, merci. »

La conversation se coupe sur cette dernière parole. Seule dans la chambre, Avalon soupire.

****

Plusieurs heures se sont écoulées depuis la conversation entre Avalon et Danielle. Il a fallu, brièvement, retrouver une vie normale, préparer à dîner, faire manger une Vivianne au visage encore un peu défait, et essayer de donner le change et de sourire. Le cœur n’y était pas vraiment, mais Avalon, comme Roy, ont fait au mieux. Un malaise subsiste pourtant entre eux ; un malaise dont on ne dit pas le nom, mais qui est lourd des révélations faites un peu plus tôt.

Puis, une fois Vivianne couchée – épuisée par les émotions, elle s’est endormie sur le canapé du salon et Avalon l’a porté jusqu’à sa chambre – Fergus, Toni, et Jayce sont arrivés. Visages fermés, regards noirs, prêts à partir en guerre ou, du moins, à la préparer. Avalon a téléphoné au « meilleur avocat du monde magique » - selon les dires de Toni – qu’elle connait de vue au ministère. Il lui a fixé un rendez-vous pour demain matin neuf heures dans son cabinet privé. Quant à la question de la famille d’accueil, elle a été réglée en quelques minutes. C’est Jayce et sa femme, Sun, qui déposeront une demande pour accueillir Vivianne le temps que l’affaire soit jugée. Au regard décidé du mafieux, Avalon a senti que quelque chose de particulier se jouait pour lui. Par pudeur, elle n’a pas posé de question ; la seule chose qu’elle souhaite est de savoir Vivianne en sécurité auprès de personnes qu’elle connait et qui la laisseront la voir quand elle le désire.

La nuit était déjà bien avancée lorsque Roy et Avalon sont montés se coucher. Ils se sont déshabillés et allongés l’un contre l’autre dans un silence pensif. Ils ont échangé un peu, mais pas beaucoup, tous deux tournés vers des pensées très intimes et, visiblement, secrètes. Et puis, le malaise n’a pas disparu complètement. Il leur colle à la peau lorsqu’ils sont seuls. C’est douloureux pour Avalon, qui finit par se tourner pour blottir son dos contre le ventre de Roy. Ses yeux fixent le mur en face d’elle sans vraiment le voir.

Elle ne sait pas bien si elle s’est endormie, ou si elle a passé les dernières heures dans cette même position, trop préoccupée pour réellement s’apercevoir que le temps s’écoulait toujours. Quoiqu’il en soit, le sommeil ne la trouve pas et ses yeux restent résolument ouverts. Dans son dos, il lui semble que Roy s’agite un peu aussi.

« Tu dors ? » chuchote-t-elle sans se retourner.




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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeMer 9 Juin 2021 - 23:12
Quand Roy pose la tête sur son oreiller, il a l’impression que toute la fatigue et la tension accumulées pendant la journée s’abat comme un poids sur ses épaules. Pourtant, il ne trouve pas le sommeil. Son corps réclame repos après cette journée éprouvante mais son cerveau continue de tourner à plein régime malgré lui. Toutes les questions plus ou moins résolues refont surface dans son esprit, apportant avec elle leur lot de nouvelles questions et d’inquiétudes, comme à la veille d’une bataille soumise à un plan méticuleux. La première bonne nouvelle est que Danielle a accepté d’aider à Avalon dans ses démarches. Mais si cela ne suffisait pas ? Et si la justice moldue l’emportait ? L’autre bon point, c’est que Jayce et Sun ont accepté d’accueillir Vivianne chez eux, en attendant qu’Avalon puisse obtenir sa garde. Mais pour cela, il faut plus qu’un accord de principe, le juge doit acter cette garde temporaire, ce qui nécessite de prouver d’abord que Vivianne est en danger chez ses parents. Et si les preuves qu’ils pourraient collecter n’étaient pas suffisantes ? Et si Avalon était forcée de la reconduire chez ses parents le temps de cette enquête ?

Leur longue soirée passée à échanger avec Fergus, Toni et Jayce ont apporté des solutions mais également beaucoup de questions qui tournent en boucle dans l’esprit du mafieux. Il ne parvient pas à les formuler à haute voix, il se retient. Il n’a pas envie d’accabler Avalon plus qu’elle ne l’est déjà, elle est certainement beaucoup plus inquiète et anxieuse que lui face à la perspective des prochains jours. Autre chose, plus indescriptible, le retient. Un malaise indicible persiste entre eux depuis qu’ils ont laissé leurs émotions éclater tout à l’heure, et au fond de lui, Roy sait d’où il provient. A plusieurs reprises, il formule dans sa tête ce qu’il aimerait dire à Avalon, sans savoir si elle est toujours réveillée, ni si revenir sur leur conversation de tout à l’heure est une bonne idée. Pour la première fois entre eux, il ressent une difficulté à lui parler. Alors il se tait, les minutes, les heures s’écoulent, tandis que le silence s’épaissit jusqu’à former une barrière invisible entre eux.

Quelque part au coeur de la nuit, après un temps qu’il est incapable de mesurer, Avalon change de position, dans un mouvement que Roy ne sait comment interpréter. Elle lui tourne le dos, tout en gardant une forme de contact avec lui. Un geste qui paraît très anodin et qui, dans d’autre circonstances, ne l’aurait pas inquiété du tout. Cette fois, Roy ne peut s’empêcher de se demander si ce n’est pas une manière pour elle de marquer un peu plus de distance. Il reste dans sa position, les yeux rivés vers le plafond, alors que la voix d’Avalon le sort de ses pensées secrètes.

« Non… » souffle t-il.

Sa tête se tourne légèrement de son côté, son regard s’accroche à la nuque qu’elle lui présente. Pendant quelques secondes, Roy ne dit rien de plus, mais à nouveau, toutes les paroles qu’il essayait de formuler tout à l’heure lui reviennent en tête. Il se mord légèrement la lèvre, face au constat qu’il n’arrive toujours pas à trouver le courage ou la bonne manière de partager ses pensées. Ne pas savoir non plus à quoi pense Avalon à cet instant le ronge.

« J’arrive pas à dormir. »

Il n’arrive pas non plus à parler.


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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeJeu 10 Juin 2021 - 8:46
Les pensées se bousculent dans l’esprit d’Avalon. Certaines d’entre elles sont tournées vers Vivianne, vers les modalités de ce combat qu’elle entreprend pour demander sa garde et vers les moyens qu’elle peut mettre en place pour être certaine de l’obtenir. D’autres sont dirigées vers Morgane et Garlan, qu’elle n’a pas oublié et pour qui l’urgence est toute aussi présente. Demain, Avalon doit contacter un autre avocat, moldu, cette fois-ci. Sa grand-mère, qu’elle a appelé un peu plus tôt dans la soirée, a promis de venir à Londres pour le rencontrer avec elle. Alma Delgado a accepté de demander la garde de ses deux petits-enfants, à la condition qu’ils viennent habiter chez elle, à Leeds, là où elle vit depuis plusieurs années maintenant. Au fond, c’est peut-être une bonne chose que Morgane et Garlan quittent Londres pour quelques années. Cette ville est chargée d’histoires pour eux. Pour Avalon aussi ; actuellement, il est impossible pour elle de songer à y remettre un pied.

Et puis, au milieu de ces inquiétudes confuses qui tordent son estomac, se trouvent également des pensées qui viennent interroger silencieusement l’homme qui la tient entre ses bras. Avalon les tait, mais elle sent bien qu’elles grandissent et dévorent peu à peu sa raison. Le silence qui s’est abattu sur eux depuis qu’ils sont seuls n’est pas le fruit de son imagination, ou le simple résultat d’une trop longue journée. Il est chargé d’un malaise insupportable, quasiment gluant, dans lequel Avalon a l’impression de s’empêtrer. Et brusquement, leurs gestes perdent en naturel ; leurs étreintes n’ont plus la même saveur, les baisers qu’ils échangent sont plein de non-dits, les caresses qu’il pose sur sa joue sont emplies d’une retenue qui ne leur est pas familière. L’origine de cette gêne – assez évidente – plane entre eux comme un sujet qu’ils observent sans vouloir s’en emparer. A plusieurs reprises, pourtant, les mots viennent jusqu’aux lèvres d’Avalon, mais ils ne parviennent pas à les franchir. Parler est presque physiquement difficilement. Pourtant, Avalon a beaucoup de questions ; mais probablement redoute-t-elle les réponses.

C’est un mouvement dans son dos qui la pousse à faire un premier pas – minuscule – vers son partenaire. La réponse de Roy, pleine d’hésitation, lui noue le ventre d’appréhension et brièvement, Avalon est heureuse de pouvoir lui masquer son expression, le visage tourné vers le mur. Epuisée par la journée, rendue sensible par les évènements qui viennent bouleverser sa vie, tendue par tous ces cris, toutes ces tensions, tous ces secrets révélés, tout devient source à interprétation. Le commentaire de Roy, pourtant anodin, éveille une crainte irrépressible chez Avalon, qui ne peut que soupçonner les raisons de son insomnie.

« Moi non plus… » répond-t-elle dans un murmure.

Le regard que Roy pose dans sa nuque la brûle, parce qu’elle le sent chargé d’un sentiment indescriptible sur lequel elle projette ses propres peurs. La révélation qu’elle lui a fait, quelques heures plus tôt, Avalon ne l’a faite que trois fois auparavant. A Fergus, évidemment, à Toni, quelques mois auparavant, et à Thomas, l’un de ses ex petit-ami. C’est difficile, de faire une telle confidence, surtout dans de telles conditions, au milieu d’un conflit familial violent, sous le coup d’une colère intense qui ne donne aucune place aux explications. En la faisant, Avalon s’est exposée au regard de Roy et, désormais, une part d’elle le redoute. Elle n’a pas ressenti la même peur, la même appréhension, avec Toni. C’est normal ; ce n’est pas la même chose de confier cela à son meilleur ami et à l’homme qui partage sa vie car, l’intime, l’intimité, n’a pas la même place dans leur relation.
Là, il y a quelque chose du tabou dans le silence qui les entoure et Avalon ne peut s’empêcher d’y mettre ses propres sentiments. Ce dégoût qu’elle ressent pour cet évènement, elle le projette également, de façon plus ou moins consciente, au regard que Roy pose sur elle.

Après un laps de temps relativement long, Avalon se retourne à nouveau vers son partenaire. Le temps qu’elle met à lever les yeux vers lui est signe de sa nervosité, de son appréhension, et trahit sa difficulté à mettre en mots les pensées qui l’occupent. Lorsqu’elle y parvient finalement, elle croise son regard, tout aussi agité que le sien, et un mauvais pressentiment la saisit.

« Ça va ? » demande-t-elle finalement, un peu inutilement, sur un ton qui ne lui est pas du tout familier.


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L'enfer, c'est les nôtres [Avalon, Roy & famille Davies] Icon_minitimeJeu 10 Juin 2021 - 12:52
Le fait de se retrouver à deux, dans ce lit, lieu de leur intimité, mène assez naturellement les deux amoureux à se concentrer sur eux, plutôt que sur toutes les problématiques extérieures qu’ils ont dû gérer tout à l’heure. Le silence met en évidence l’étrange malaise qui s’est glissé entre eux depuis la révélation brutale d’Avalon et qui prend désormais toute la place. Il n’y a rien de naturel dans la voix de sa partenaire, ni dans ses mouvements, Roy en est persuadé. Elle est tracassée, tout comme lui. Elle n’arrive pas à parler non plus.

Pourtant, c’est elle qui finit par faire un premier mouvement vers lui, en se retournant pour lui faire face. Quand Roy croise son regard, il a l’impression d’y voir une certaine confusion, un mal-être qui lui serre le coeur. Il devine dans sa posture qu’elle est sur le point de prendre la parole et il espère un peu au fond de lui qu’elle va dire quelque chose pour briser la glace, avec cette franchise qui la caractérise et l’exempte d’introduction. Mais pour une fois, Avalon ne lance pas l’une de ses phrases qui surprend son interlocuteur par la manière dont elle va droit au but : bien au contraire, elle louvoie, en posant une question banale dont ils connaissent tous les deux la réponse. Cela ne lui ressemble pas et ne fait qu’augmenter l’inquiétude que Roy ressent. Elle ne va pas bien du tout, c’est évident, et il a peur d’en être en partie responsable. Son coeur se serre plus fort encore dans sa poitrine.

« J’allais te poser la même question » répondit t-il dans un souffle.

Ce qu’il ne fait pas, car il connait la réponse. La tension tangible entre eux finit par devenir si insupportable, qu’elle lui donne brièvement le courage de briser le silence :

« Tu sais, tout à l’heure, je… »

Mais le regard nerveux qu’Avalon plante dans le sien suspend sa phrase et crée des doutes chez lui. Il navigue à vue, dans cette situation où il n’est pas du tout certain de savoir ce qu’il doit dire. Il n’est pas sûr de vouloir revenir sur les aveux qu’elle lui a faits tout à l’heure. Une part de lui songe que s’ils ne reparlent jamais de cet immense et lourd secret qu’elle a caché toutes ces années, c’est peut-être mieux, parce qu’il a du mal à réprimer la colère, la haine, les instincts de vengeance que réveille chez lui le fait de savoir ce qu’elle a vécu. Mais c’est ce qu’elle attend de lui, elle l’a clairement exprimé tout à l’heure, elle s’est même mise en colère et maintenant, Roy ne peut s’empêcher de se demander si sa réaction l’a mise mal à l’aise ou même déçue. Ces deux éventualités lui sont difficiles à supporter et lui font ressentir une certaine gêne. Peut-être lui doit-il des excuses mais les mots ne parviennent pas à sortir.

Roy ne se sent pas seulement embarrassé, c’est un autre sentiment qui pèse lourdement au fond de son estomac et qui est encore plus difficile à exprimer. Il ne sait pas du tout comment se positionner face à ce secret qu’elle a placé entre ses mains d’une manière très brusque. Être confronté au traumatisme que ce viol a créé chez Avalon tout en étant privé de ses moyens d’action se révèle très difficile pour lui. C’est ce qui l’a empêché d’agir naturellement avec elle, tout au long de la journée, depuis son aveu : s’il ne peut pas aller chercher justice et vengeance pour elle, alors Roy ne sait tout simplement pas quoi faire.

Il est désemparé. C’est encore plus dur à avouer à Avalon que de lui présenter des excuses.  

« Je… Je m’attendais pas à ce que tu m’as avoué. Et avec la scène qu’on venait de vivre chez tes parents, bah… J’ai vrillé. Enfin j’aurais sûrement réagi de la même façon quoiqu’il arrive - il n’allait pas prétendre que dans d’autres circonstances, il n’aurait pas eu envie d’aller tabasser l’homme qui avait osé lever la main sur elle, il savait que c’était faux- mais… peut-être pas tout à fait pareil non plus. Désolé si ça t’a choquée » finit t-il par dire, en se mordant brièvement la lèvre.  


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La question d’Avalon n’a aucun autre but que celui de briser le silence insoutenable qui perdure depuis plusieurs heures entre eux. Son « ça va » n’appelle aucune véritable réponse parce qu’au fond, Avalon la connait déjà. Il suffit d’observer Roy une seconde pour comprendre que rien ne va ; il a les traits tirés, le regard soucieux, les sourcils légèrement froncés. Alors, Avalon ne dit peut-être rien, mais au moins, elle parle. Elle parle, et sa voix sonne différemment à ses oreilles. Lorsque Roy lui répond, dans un murmure tendu, elle lève les yeux vers lui. Il y a un moment de silence, puis quelques mots qui viennent le rompre. Quelques mots qui sont interrompus brutalement, sous le regard nerveux d’Avalon.

« Tout à l’heure » a lancé Roy d’un ton hésitant, sans ressentir le besoin de préciser de quel moment il parle. En effet, ce n’est pas nécessaire ; Avalon le comprend sans mal et c’est sûrement pour ça qu’elle se crispe instantanément. La confession qu’elle lui a faite – non, qu’elle lui a jetée, plutôt – est tellement lourde entre eux qu’elle occupe tout l’espace disponible dans leur couple. Roy a tenté de s’en saisir avec des pincettes, avant d’abandonner cette entreprise une seconde plus tard. C’est trop tard, pourtant ; maintenant qu’il est actualisé, ignorer un tel sujet paraît impossible.

A vrai dire, cela paraissait déjà impossible avant, Avalon le sait. Tant que Roy ne savait rien, elle pouvait garder cet évènement secret, lui qui n’était dévoilé qu’à un nombre restreint de personnes, qui lui avaient juré le silence. Mais désormais, elle est forcée à la parole et dans des conditions qui lui font appréhender le fait de la prendre. Ce n’est pas tant la réaction de Roy sur l’instant qui la fait craindre cela, c’est la façon dont il a agi avec elle depuis. Ce malaise qui s’est installé entre eux, Avalon l’a interprété comme la nécessité pour son partenaire de prendre ses distances avec elle et avec le passif qu’elle amène dans une relation encore toute jeune.

Son histoire, sa famille, son passé ne sont pas des cadeaux, Avalon en a bien conscience. Ils sont déjà difficiles à porter pour elle et, si elle le fait, c’est parce qu’elle n’en n’a pas vraiment le choix. C’est aussi pour ça qu’elle est aussi résiliente : elle sait pertinemment que, quoiqu’il advienne, ces épreuves, ces douleurs, font partie d’elle et ont façonné la femme qu’elle est aujourd’hui. C’est à elle de les accepter, de les gérer, d’une manière qui lui permettent de ne pas s’effondrer. Alors, depuis des années, c’est ce qu’Avalon s’est attelée à faire et, en réalité, elle n’a pas trop mal réussi. Mais des cicatrices douloureuses demeurent et son passé n’est pas aussi solide qu’elle aimerait qu’il soit. Tout à l’heure, il a littéralement explosé face à Roy, s’est éparpillé en morceaux sous le coup de l’émotion, et l’a montré plus fragile que jamais, bien loin de l’image que les autres ont d’elle. Bien loin de l’image que Roy a d’elle.

Et Avalon craint que ce décalage soit celui de trop. Que son regard change, après avoir assisté à ce violent conflit chez ses parents, et après les révélations qui ont ponctué leur retour à la maison. Qu’il soit teinté par la pitié ou par le dégoût. Sûrement par les deux. Perdue dans ses pensées, Avalon ne perçoit même pas qu’elle projette ses propres sentiments et ses propres craintes sur Roy. Souvent, c’est son propre regard qui est sévère et dur sur son passé, bien plus que celui de ses proches.

Alors forcément, tout ce que dit Roy est interprété sous ce prisme faussé. Lorsqu’il murmure qu’il ne s’attendait pas à une telle annonce, Avalon sent son estomac se tordre. Lorsqu’il mentionne l’accumulation de la tension au fur et à mesure de la journée, après le moment emplit de violence chez ses parents, une boule de culpabilité se forme dans sa gorge. Ce n’est que lorsque Roy finit par s’excuser que le regard d’Avalon change et se teinte de surprise.

« Quoi ? Non, non, je… » murmure-t-elle en secouant doucement la tête. Ce n’est pas le choc de la réaction de Roy qu’Avalon retient de ce moment, plutôt le choc de sa propre parole. « J’avais pas prévu de te le dire maintenant, pas… Pas comme ça. » avoue-t-elle en cherchant son regard. « C’est ça, qui m’a choqué, pas toi. J’étais pas préparée à… tout ça, moi non plus. » Ni à lui dire, ni à se confronter à sa réaction. « J’ai pas trop l’habitude d’en parler. » fait-elle, un peu inutilement parce qu’elle se doute que Roy l’a compris à travers le discours désorganisé, haché, qu’elle lui a tenu tout à l’heure. Un silence, à nouveau, les enveloppe. Il faut un immense courage à Avalon pour lâcher, finalement, le regard un peu agité : « Désolée que tu aies eu à assister… à entendre tout ça. »


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