PPP: Pire Party de Poudlard [Soirée de fin d'année 2011, ouvert à tous]

28 juin 2011, 21h34


Casey était assis sur son lit, en pyjama. Appuyé contre une montagne de coussins et les genoux repliés en guise de pupitre, il était plongé dans sa lecture favorite du moment « Arhen Fotter et la légende du Moldu Chypriote ». Il n’avait pas vraiment eut le temps d’avancer son livre ces dernières semaines avec les révisions pour les BUSES mais il pouvait maintenant dévorer le dernier tome de sa saga préférée. Il avait passé sa dernière épreuve ce matin même et dès demain il allait emprunter le Poudlard Express, comme tous les élèves de l’école,  en route pour les vacances.  Bien sûr, Casey ne serait pleinement libéré qu’après la parution des résultats mais il avait déjà le cœur un peu plus léger que la veille et il s’apprêtait à passer une soirée tranquille dans son dortoir… mais c’était sans compter l’arrivée impromptue de Yarol, son camarade de chambrée,  qui déboula de nulle part simplement vêtu d’un caleçon et d’un tee-shirt informe.

« Hey Casey ! Je vois que tu es prêt pour la soirée ! »
Le Poufsouffle leva les yeux de son livre.
« La soirée ? Quelle soirée ? »
Yarol roula ostensiblement des yeux.
«Mais enfin dans quel monde vis-tu ? ! s'exclama Yarol en laissant ses bras retomber mollement le long de son corps fin, La soirée de fin d’année ! C’est ce soir ! »

Ah oui. Cette soirée là. A vrai dire Casey n’avait pas vraiment prévu de s’y rendre. Les organisateurs de cette promotion étaient plutôt clivants et l’adolescent craignait de se sentir en décalage dans une soirée organisée en partie…par son propre frère.  D’ailleurs, il n’avait absolument pas l’impression d’être «  prêt pour la soirée » comme le disait si bien Yarol. Il baissa les yeux sur son pyjama avant d’interroger son camarade du regard.

« Ne me dis pas que tu n’es même pas au courant du thème ? »

Casey secoua la tête négativement. Virgil et ses copains avaient bien teasé la soirée sur les réseaux sociaux magiques mais le jeune homme n’y avait accordé que peu d’intérêt, sachant d’entrée de jeu qu’il ne s’y rendrait pas. Il n’y avait rien de pire que d’aller seul à une fête. Casey se savait trop timide pour engager la conversation avec qui que ce soit et il craignait que cette soirée soit un peu trop délurée pour lui. En plus, il y aurait surement Sasha et il n’avait pas envie de la voir. Il tira machinalement sur la manche de son pyjama pour cacher l’inscription gravée sur son bras qu’il n’assumait toujours pas et écouta les explications de Yarol :

« Le thème c’est dimanche matin confiné. » Le jeune Poufsouffle écarta les bras et tourna sur lui-même pour laisser le soin à Casey d’apprécier son tee-shirt froissé à l’effigie de Chewbacca et son boxer FreeGum parfaitement dans la thématique. « C’est la PPP, Pire Party de Poudlard : Thème merdique, lieu merdique, organisateurs merdiques… »
Casey hocha la tête, l’air un peu gêné. Il reconnaissait bien là l’humour merdique de son frère et de ses amis.
« Je suis venu récupérer un paquet de chips car c’est bien précisé que si tu viens les mains vides, tu ne rentres pas. » Yarol fila en direction de sa malle, attrapa une boite de Pringals avant d’interroger Casey «  Alors ? Tu viens ? »
« Non, je vais rester tranquille. » souffla le principal intéressé en baissant les yeux. Yarol n’insista pas. Il savait son camarade casanier et atrocement timide, cela faisait longtemps qu’il ne cherchait plus à le faire changer d’avis.
« Comme tu préfères. »




Yarol quitta précipitamment le dortoir sans demander son reste. Pour sa part, il était sur-ex-ci-té ! Il avait attendu cette fête de fin d’année avec impatience. L’occasion de s’amuser enfin après cette longue période de révision et d’examen. Même s'il était persuadé d’avoir réussi ses exams – Le choixpeau avait longuement hésité à l’envoyer chez les Serdaigle mais l’adolescent  avait expressément demandé  au vieux morceau de cuir de rejoindre les rangs des Pouffys – il était soulagé d’en avoir fini avec tout ça et de pouvoir enfin relâcher la pression.

Lors de la soirée de l’année précédente, il avait réussi à emballer Rachel Jones  sur un slow et il espérait bien pouvoir réitérer cet exploit ce soir. Il se vaporisa d’ailleurs un sortilège d’haleine fraiche juste avant de quitter le dortoir des Poufsouffle en pantoufles. Il avait prévu de retrouver ses amis du club de jeu de rôle à proximité de la salle de potions et il ne tarda pas à identifier la silhouette athlétique de Blair Williams flanquée justement de Rachel et d’autres geeks.
« Blair, le thème c’est dimanche matin confiné ! » s’exclama-t-il en avisant la tenue de sa camarade – Queue de cheval haute, minishort de sport en lycra, brassière croisée dans le dos et baskets  « On ne va pas rentrer avec tes bêtises ! »

« Figure-toi Yarol que je fais du sport le dimanche matin, moi ! Désolée de ne pas larver dans mon lit !» ajouta-t-elle, les mains posées sur ses hanches, encadrant ses abdominaux dessinés. «  Ce qui est ton cas de toute évidence. » ajouta la Serpentard en avisant la tenue de son ami. Elle esquissa finalement un sourire complice avant de lui ébouriffer ses cheveux bruns.




Blair aimait bien Yarol. Il était vraiment weird mais dans le bon sens du terme. Il se passionnait pour tout un tas de choses insolites et différentes. Son rêve ? Devenir ingénieur artificier pour proposer des feux d’artifices animés aussi féériques qu’impressionnants. Il avait réussi à décrocher un contrat d’apprentissage pour sa sixième année chez « Weasley, Farces pour sorciers facétieux » et la Serpentard était très contente pour lui. Nul doute qu’il avait trouvé sa voie…
Elle l’observa du coin de l’œil tandis qu’il se rapprochait de Rachel. Cela faisait un petit moment qu’elle se demandait quelles étaient ses idées politiques. Une personne aussi inventive que Yarol dans le LEXIT serait surement un plus… Devait-elle tenter de le recruter ?
Si Blair avait espérer profiter de cette soirée pour accroitre le réseau du LEXIT c’était sans compter sur la défection de ses deux principaux alliés. Noah ne comptait pas mettre les pieds à la fête – Il était en froid avec les organisateurs- et Arhen trouvait surement ce genre de party puérile et stupide… Ce soir, Blair était donc condamnée …à s’amuser.
Les BUSES étaient derrière elles et elle espérait avoir limitée les dégâts. Enfin, elle verrait ça en temps voulu,se dit-elle en chassant les examens de son esprit.
« Bon. On y va ? »
« Et Moreen ? » demanda Yarol. Mo’ faisait bien évidemment partie de leur petit groupe de rôlistes.
« Je crois qu’elle est déjà sur place. » souffla Blair en  prenant la direction du hall d’une démarche rapide. Elle grimpa les marches d’escalier quatre à quatre et déboucha devant les sabliers à proximité d’un groupe  de septième année en plein conciliabule.




«PPP :  Pire Party de Poudlard. Ils sont sérieux ? C’est quoi ce thème pourri ? » Interrogea Kristen White moulée dans une mini jupe à paillettes et jugée sur des talons hauts.
«  Tu t’attendais à quoi venant de Damon Drop, Phil Artoff et Virgil Forbes ? » demanda Marceau Fayotsky. Il avait revêtu un pantalon en toile légère, une paire d’espadrilles et un tee-shirt bleu marine en coton fibré. Ses cheveux bouclés savamment décoiffés encadraient son visage anguleux. A côté de lui Kenza  Sauerkraut n’avait pas fait d’infidélité à son chignon haut d’où s’échappaient quelques mèches folles qui venaient caresser sa nuisette estivale.
« De eux ? Absolument rien. Par contre j’en attendais un peu plus de Maeva ! » gronda Kristen en croisant ses bras sous sa forte poitrine.
« Si on y va Kenza et moi, c’est uniquement pour elle. Les autres ne méritent pas notre présence. » souffla Marceau en entrecroisant ses doigts à ceux de sa petite amie. Blair -qui avait laissé trainer  ses oreilles- estimait surtout que Fayotsky et Sauerkraut n’auraient jamais raté la soirée de fin d’année clôturant leurs études. «  Après tu peux toujours boycotter. Glitterspoon et Forester le font et je crois qu’ils ne sont pas les seuls. »
« Hors de question. Ces cognards de Forbes et de Drop ne me priveront pas de ma soirée. »

Kristen avait l’impression d’avoir attendu cette ultime  fête toute sa vie. Elle l’avait imaginée des centaines et des centaines  de fois. Elle avait acheté sa tenue en septembre (-20% sur le site MissChic) et elle avait perdu pas loin de sept kilos pour revêtir sa superbe robe bustier pailletée qui lui faisait un décolleté à tomber (selon ses propre critères).
Longtemps, elle s’était demandée qui serait son cavalier pour l’occasion. Même s’ils étaient dans des années supérieures, elle  s’était vue au bras de Jeremy Baker, James Carter, Urban Williams, Adrian Calder et plus récemment, main dans la main avec Marceau.
Aujourd’hui, les choses n’étaient peut-être pas telles qu’elles les avaient fantasmées mais Kristen comptait bien se rendre à cette fête, même seule et  dans la tenue qu’elle avait choisie pour cette occasion.  Certainement pas en pyjama non maquillée. Et puis quoi encore ? Elle avait des followers instamag, elle. Elle devait entretenir le rêve.

Kristen s’engagea donc fièrement en direction du parc, le menton haut. Elle fit comme si ses talons pointus ne s’enfonçaient pas dans la terre molle  à chaque enjambée –une reine restait une reine en toutes circonstances-  et elle rejoignit les abords du  lac à la recherche du fameux « lieu merdique » qu’ils étaient tous sensés trouver. D’ailleurs, de nombreux élèves étaient dans le parc à quelques minutes du couvre-feu habituel. Nul doute que la direction de Poudlard avait laissé une tolérance tacite pour ce soir…
« C’est par là ! » souffla une voix à l’orée de la forêt interdite.
Kristen, Kenza et Marceau  suivirent le mouvement et découvrir avec un mélange d’agacement et de résignation le cadre « idyllique » de leur dernière soirée à Poudlard. Cette horreur. Une pauvre tente  deux places quechua, montée de traviole dans la zone boueuse entre la foret et le loch. Génial. Sauerkraut échangea un regard plein d’hésitation avec Fayotsky. Elle n’avait plus l’air aussi décidée mais Kristen l’entraina par le bras et elles se positionnèrent derrière des Serdaigles qui faisaient la queue pour entrer. Face à eux, deux élèves bien connus s’étaient improvisés videurs :  Damon Drop et Virgil Forbes gardait l’entrée du sanctuaire.


Si cela n’avait tenu qu’à lui, Virgil aurait préféré passer cette ultime soirée simplement en compagnie de ses potes de la Pire Promo de Poudlard. Pourquoi s’encombrer des autres élèves ? Le cadet des Forbes avait toutefois sous-estimé un truc : Le poids des traditions. Les septièmes années Gryffondor étaient en charge de l’organisation des soirées de fin d’année et, mine de rien, ses camarades désiraient perpétuer ce stupide folklore. Il avait donc accepté de se lancer dans ce projet, sous certaines conditions bien sûr. La principale, qu’ils proposent une soirée à leur image.  L’heure était venue de dépoussiérer les codes.  Pas de décorations léchées, ni de tenues de soirées sophistiquées. Pas de chichis mais toutefois un peu de folie. Si la PPP était au commande, cette fête leur ressemblerait et serait un condensé de ce qu’ils avaient vécus tous ensemble ces dernières années.
Il y aurait de l’alcool –évidemment-, de la drogue – of course-, de la musique forte, une planche de ouija posée dans un coin pour convoquer l’esprit de Mason, des déguisements insolites , des spaces cakes plus moches et irrévérencieux les uns que les autres. Dans un coin de la tente magiquement agrandie pour accueillir tout le monde, on trouverait même un stand de pêche dans le lac avec une activité vidage de poisson pour honorer le week-end Koh Mantra que la PPP avait passé ensemble un an plus tôt.

Bref, du grand n’importe quoi .

Virgil était donc là, devant cette minuscule tente, simplement vêtu d’un caleçon  à carreaux, d’un tee-shirt de foot moldu et d’une paire de claquettes/ chaussettes. Ses cernes sous les yeux étaient plus violettes que jamais. Damon avait quant à lui opté pour un simple caleçon moulant révélant aux yeux de tous sa plastique parfaite. Virgil pouvait en attester : Il s’agissait bel et bien de sa tenue du dimanche matin, quand il ne se baladait pas littéralement à poil dans le dortoir. Les deux amis partageaient leur ultime soirée en tant qu’élèves et ils avaient insisté auprès de la petite bande pour officier ensemble à la sélection d’entrée… Ils étaient amis depuis sept ans maintenant et ils voulaient vivre ces derniers moments de leur adolescence tous les deux, pour marquer en beauté la fin de leur scolarité.

Cela faisait maintenant près d’une heure qu’ils jouaient les physionomistes et qu’ils s’en donnaient à cœur joie pour tacler au passage tous les élèves de l’école.

« Tu as mi du brillant à lèvres ? » Damon éclairait d’un lumos le visage d’une sixième année de chez Serdaigle.
« Non. » balbutia la jeune fille en tentant vainement de racler  son gloss avec ses incisives.
« Et son copain s’est lissé les cheveux. » ajouta Virgil d’un air détaché, une cigarette entre les lèvres.
« Qui se lisse les cheveux un dimanche matin ? »  Damon écartait les bras, incrédule.
« Qui se lisse les cheveux tout court. » reprit Virgil avant de se tourner vers le couple. « Désolé mais ça ne va pas être possible, vous n’avez pas la tenue adéquate. Le thème c’est « dimanche matin » : vous devez ressembler à rien. Faites un petit effort et retentez votre chance. » dit-il en les poussant sur le côté. Qu’ils aillent plonger leurs visages dans les eaux du lac et qu’ils reviennent. Kriiisten ! s’exclama alors Virgil en avisant sa camarade de maison. Il laissa fleurir un sourire machiavélique, mais ma parole, t’as encore rien compris ! »
Quid de cette robe scintillante ? Merlin, heureusement qu’il n’était pas épileptique sinon il aurait déjà avalé sa langue.
« Détrompes toi Forbes, J’ai très bien compris, répondit la Gryffondor le cœur battant. Elle avait préparé sa tirade à l’avance et elle espérait faire mouche, Quand je ne suis pas à Poudlard, le dimanche matin, je rentre de soirée. » lança-t-elle avec un déhanché digne d’un teen movie des années 90s.
« Oh oh ! Pas mal ! » s’exclama Damon, visiblement agréablement surpris par la réplique de White.
« Ton maquillage ne peut pas être aussi parfait en rentrant de boite Kristen. » rétorqua toutefois Virgil. Il se pencha légèrement pour observer de plus près le smocky eyes de sa camarade. Ni une ni deux, Kristen étala quelque peu son ombre à paupières jusqu’ à la naissance de ses pommettes. Elle avait prévu le coup en amenant sa trousse à maquillage avec elle pour rectifier cela à l’intérieur. « Alors content ? »
Virgil observa l’adolescente quelques instants. Il inclina la tête sur le côté  avant de s’effacer pour libérer l’entrée.
« Une fois à l’intérieur nous vous demanderons de bien vouloir donner les boissons et la nourriture que vous avez apportées à Philip et Lisa. » expliqua Damon en imitant Virgil. Il désigna d’un geste de la main la petite embrasure dans la toile.
« Kenza, Marceau et Kristen, nous vous souhaitons de passer la pire soirée de votre scolarité… »
Les trois élèves  s’accroupirent pour entrer à quatre pattes par la minuscule ouverture. Virgil et Damon échangèrent un regard aussi complice qu’amusé  avant de reporter leur attention sur les nouveaux venus…

Hors jeu:

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Blair progressait dans le parc en marchant d’un pas sautillant, comme à son habitude. Sa queue de cheval dansait dans son dos et elle avançait épaule contre épaule avec Yarol alors qu’ils débriefaient la dernière extension des Moldus de Troucellieux.

« Tu peux incarner des moldus avec des compétences spécifiques : Informatique, plomberie,… L’autre fois, on a fait une partie avec Faust, Rachel et les autres et j’étais le moldu électricien, un sourire machiavélique éclaira le visage de Blair, Il a  plein de pouvoirs lui. Il peut faire brûler des maisons et tuer plein de personnages d’un seul coup. »  

L’adolescente appréciait tout particulièrement les jeux de rôles qui lui permettaient d’explorer d’autres mondes et d’incarner des personnages, un peu comme au théâtre, mais en mieux. Elle pouvait laisser libre cours à sa créativité. Devenir un troll, une goule, un elfe ou une vélane le temps d’un instant, en fonction de ses envies.

Et puis, elle aimait cette communauté franchement cosmopolite.  Les membres du club de jeu de rôle étaient répartis dans les différentes années et les différentes maisons de Poudlard si bien qu’elle pouvait rencontrer des tas de gens. En effet, Blair avait ses entrées chez les geeks et chez les sportifs, ce qui lui permettait d’avoir une vision un peu plus large de la communauté poudlardienne…  Un véritable avantage en tant que résistante en herbe.

"HÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ BLAIR !!!!!"

L’adolescente tourna la tête pour voir fondre sur elle… Une couette ambulante. Elle fronça les sourcils avant d’écarquiller les yeux en identifiant la petite tête de Ziegler perdue au milieu des plis.
« Toujours plus, dit-elle à l’attention de Yarol, visiblement amusée, Faust amène son lit ! »
« Il est parfaitement dans la thématique, il faut lui reconnaitre ça. » répondit le Poufsouffle.
Le troisième année s’arrêta à leur hauteur pour les saluer et Blair s’empressa d’attraper un pan de la couverture pour s’entortiller dedans elle aussi en s’enroulant sur elle-même jusqu’à se retrouver complètement prisonnière du tissu.
« Trop bonne idée la couette, par contre tu vas mourir de chaud. »
Fin juin, la température était clémente, même en Ecosse.  Elle se libera donc en se déroulant rapidement, telle une toupie avant de se tourner vers le jeune lycanthrope :
« Tu penses que tu vas réussir à rentrer ? »

Faust était trop jeune pour assister à cette soirée. Même si Maeva Virtanen et ses amis avaient décidé de briser les codes pour cette année, certaines règles demeuraient inchangées et la limite d’âge faisait partie de celles-ci.  Alors qu’elle attendait la réponse du jeune garçon, elle le vit très clairement fixer un point dans son dos, comme si quelque chose avait attiré son attention derrière elle. Blair se retourna rapidement pour découvrir Ezechiel, le cousin de Faust, en plein mime avec ses doigts. Elle savait très bien ce que sous-entendait la sixième année avec cette chorégraphie digitale digne d’un gamin de 8 ans et cela la mettait franchement hors d’elle. En tant que membre de l’OFFRE et rare membre du club de soutient aux filles victimes de sexisme crée par Moreen, l’adolescente se devait de réagir.  Pourquoi les femmes devaient systématiquement être sexualisées ? Ils ne faisaient que discuter, Faust et elle, et voilà qu’Ezechiel se permettait des sous-entendus pour le moins graveleux, comme si elle ne pouvait être qu’un vulgaire trou. Si Katrine avait été là, elle aurait surement trouvé la parade parfaite pour répondre à cette manifestation de sexisme ordinaire. Sa sœur était la reine pour retourner le cerveau de n’importe qui avec un argumentaire parfait à faire balbutier le pire des misogynes. Malheureusement, Blair n’avait pas la patience ni la maitrise d’elle-même de son ainée.

« Vas brûler Ziegler, cracha-t-elle avec mépris. Elle l’observa de bas en haut avec un dédain évident digne d’une Emma Blackbonnes ou d’une Marlène Barclay. Continue à jouer avec tes doigts car vu ton niveau d’intelligence ce n’est pas encore ce soir que tu vas te trouver une meuf… » Elle attrapa Faust par un pan de la couette et le tira vers elle pour l’inviter à se remettre en marche avec eux. « C’est vraiment un cognard ton cousin, pourquoi tu traines avec lui ? » souffla-t-elle en se penchant vers son camarade.

De toute évidence, Ezechiel était un peu le garant de Faust pour la soirée et celui qui allait lui permettre de passer les deux gardiens de l’entrée de la tente, Virgil Forbes et Damon Drop. Si Blair ne connaissait pas vraiment le premier, elle avait eu l’occasion de fréquenter le second dans le cadre du quidditch. Damon occupait le même poste qu’elle chez les Gryffondor et ils avaient joué l’un contre l’autre en début de saison. Aux yeux de Blair, Drop faisait partie de ces batteurs sans cervelle qui se contentait de frapper fort dans un cognard sans élaborer la moindre stratégie de jeu…

« Bonsoir » dit-elle en se présentant face à lui. Il paraissait  drôlement grand pour le coup- Enfin comme 90% des élèves de Poudlard du point de vue de Blair- mais elle avait pris l’habitude de le voir sur son balai à la même hauteur qu’elle.   Damon examina attentivement sa tenue de sport du regard.
« Décrassage dominicale ? »
En effet, il leur arrivait de se croiser les dimanches matin dans le parc de Poudlard lors de leurs séances respectives de running.  Ils se faisaient un bref signe de tête entre sportifs matinaux.
« Evidemment. »
« Qu’est ce que t’as amené ? »
Blair désigna son camelbak sur ses épaules.
« De l’eau pour moi, Elle ne comptait pas boire autre chose et elle n’avait pas besoin d’alcool pour s’amuser, mais j’ai participé aux achats de  Yarol.
Le Poufsouffle leva son lourd pack de gobière en l’air en souriant.
« Ok c’est bon vous pouvez passer. Je vous souhaite une très mauvaise soirée. »
Blair se faufila entre Forbes et Drop et s’arrêta à l’entrée de la tente. « Je te rejoins dedans » souffla-t-elle à l’attention de Yarol. Elle voulait voir comment Faust comptait procéder pour  passer le contrôle de sécurité et elle  esquissa rapidement une grimace de malaise à la vue de son entrée en matière. Pas sûr que la flatterie fonctionne avec ces deux là.
En effet, Virgil et Damon tournèrent lentement la tête l’un vers l’autre et se regardèrent de longues secondes avant d’entamer une discussion, comme s’ils étaient seuls au monde.
« C’est qui ce gosse ? »
« Aucune idée. Connais pas. »
« Il a crut que ça allait marcher son petit numéro de suce-boules ? »
« Faut croire. »
« En plus il a quoi, 12 ans ? »

Les yeux plissés, Virgil se pencha en avant pour observer les mollets de Faust  comme s’il essayait de deviner son âge à la pilosité de ses jambes mais deux petits sachets tout droit sorti des plis de la couette, le forcèrent à relever le regard. De quoi planer, disait le gamin.

« Montre. » souffla Virgil en attrapant les petit paquets. Il les examina du regard l’un après l’autre et les ouvrit pour renifler à l’intérieur. Un autre élève avait essayé de les entourlouper tout à l’heure en leur proposant de l’herbe…qui s’était avérée être un bouquet garni  de Provence.

Du thym et du romarin.
Virgil aimait la sensation forte, mais il avait ses limites.
La mandragore et le volubilis apportées par Faust lui convenaient bien mieux. Il échangea un bref regard entendu avec Damon et fourra les deux sachets dans la poche de son short avant de s’effacer.  
« C’est bon, vous pouvez entrer. »

Blair savait que Faust évoluait dans un milieu assez louche mais elle n’aurait jamais pensé qu’il puisse introduire de la drogue à l’école. Ce gosse était malin et plein de ressource : un bon point si elle voulait le recruter pour le LEXIT. Elle l’accueillit donc avec un franc sourire en lui tenant la toile de la tente ouverte pour qu’il la précède à l’intérieur. Cette soirée allait être mémorable, mais avant, Blair avait un dernier petit truc à faire.  En effet, l’adolescente se retourna en direction de Damon pour l’apostropher :

« Hé Drop ! Ezechiel a rien amené lui… comment ça se fait qu’il peut rentrer ? »
Damon considéra quelques instants Blair avant de se tourner vers le sixième année dont il barra la progression de la main « C’est vrai ça Ziegler ? Qu’est-ce que tu nous apportes de beau ? »
Blair jeta un dernier coup d’œil revanchard en direction du sixième année et pénétra dans la tente…

Blair ressentait une certaine forme de satisfaction en devinant la colère derrière les traits d’Ezechiel Ziegler. Il n’y avait rien de plus satisfaisant sur terre que de voir ce garçon outrageusement arrogant perdre la face et se retrouver bloqué à l’entrée de la soirée. Il faisait moins le malin dans son petit caleçon moulant maintenant ! Peut-être qu’il prendrait le temps de la réflexion la prochaine fois qu’il aurait envie de mimer des obscénités dans son dos.  Cheh !

Elle aurait bien aimé que Faust le laisse se débrouiller seul, qu’il doive supplier Forbes et Drop à genoux  mais son jeune ami était bien trop clément avec son cousin.  Blair leva les yeux au ciel en le voyant voler au secours de Zecky.

« Hé ! Faut savoir. C’est toi qui a ramené la dope ou c’est vous deux ? »  S’enquit Damon en se tournant vers le plus jeune des Ziegler.
« C’est Faust ! » intervint Blair en glissant sa petite bouille joufflue entre le troisième et le septième année. Elle pinça les lèvres pour retenir un rictus amusé face à l’expression d’Ezechiel  qui attendait toujours mais sa satisfaction fut de courte durée :  En effet, le sens de la famille chez Faust était beaucoup, beaucoup,  trop développé.
"C'est notre cadeau à tous les deux."
L’adolescente poussa un long soupir sonore, sans chercher à masquer son mécontentement. Elle secoua la tête de gauche à droite  et pénétra dans la tente sans même attendre la décision favorable de Damon et Virgil.  Dire qu’ils auraient pu rendre un merveilleux service à toutes les filles présentes à cette soirée : Leur éviter d’avoir un Ezechiel Ziegler, en slibard, collé à leurs fesses tel un bulot sur  un rocher.

Tant pis.

Blair haussa vaguement les épaules, désireuse de passer à autre chose. Elle n’était pas venue pour se prendre la tête ce soir mais pour en profiter. Les examens étaient finis et elle allait passer une grande partie de son été sur l’île de Søren alors elle voulait s’amuser. Elle balaya la tente du regard à la recherche de quelques connaissances pour débuter la soirée en beauté mais une voix dans son dos attira son attention.

"C'est pas cool, Blair" Faust avait sorti sa petite moue triste, digne d’un chien battu.
« Parce que ça c’est cool peut-être ? » demanda Blair en remimant un peu trop  frénétiquement les gestes tendancieux d’Ezechiel. C’était injuste. Elle endossait le rôle de  la méchante alors que son camarade n’avait absolument rien trouvé à redire au comportement stupide de son cousin, Tu sais quoi ? Tu es trop gentil Faust. Et tu te sous-estimes. Je suis sûre que tu aurais trouvé un moyen pour éviter qu’il ne te zigouille cet été. »

Faust était plein de ressources – la preuve en était, il avait réussi à introduire de la drogue à l’école pour garantir son entrée à cette fête-  alors qu’Ezechiel n’avait même pas songé à acheter un pack de gobière.  La honte.

La  jeune femme se tourna en direction de l’entrée pour anticiper l’arrivée de Zecky  et décida d’entrainer  Faust par un pan de sa couette en direction d’un autre coin de la tente magiquement agrandie pour l’occasion. Plusieurs  petits espaces toilés rayonnaient autour de l’unique piste de danse, située au centre du chapiteau. Les élèves s’étaient pour le moment installés dans les alcôves, allongés ou assis sur les couettes et les coussins pour discuter ou grignoter par petits groupes. Quelques étudiants  bavardaient, debout, non loin de la piste sans que personne n’ose être le premier ou la première à ouvrir le bal.

« Toi, tu me réserves une danse ! » dit-elle en se tournant pour pointer son index en direction de Faust.

Blair adorait danser. Enfin, sauter partout, lâcher prise et chanter à tût-tête sur des morceaux connus en se servant de sa baguette comme d’un microphone moldu. Elle avait déjà demandé à Yarol de lui réserver un rock et elle comptait mettre le grappin sur tous ses amis, sans exception, mais avant ça,  ils allaient faire le tour du propriétaire.  

Elle  se fraya un chemin entre des rideaux suspendus dans une sorte de couloir en tissu qui desservait une autre partie du chapiteau.  Elle arriva vers le buffet composé des mets et des boissons apportés par les élèves. Beaucoup de gobière et beaucoup de chips. Trop de chips. Beaucoup trop de chips. Elle chercha vainement quelques légumes coupés – elle regrettait presque que Marlène Barclay ne soit pas à l’organisation- et dut finalement se résoudre à boire une simple gorgée d’eau de son camelbag avant de se tourner vers son jeune camarade.

«Tu as joué à la nouvelle campagne de Tour et Goule ? Il faut trop qu’on se fasse une partie. »

Blair appréciait l’enthousiasme de Faust qui semblait toujours partant dès qu’il s’agissait de planifier un moment entre rôlistes.  Même si elle ne participait pas à toutes les parties du club – ses entrainements de quidditch restaient sa priorité-  elle essayait d’organiser son emploi du temps en fonction de ses différentes activités extra-scolaires.

« Il faut qu’on se calle une journée pendant les vacances pour tester la campagne, expliqua-t-elle. Je ne peux clairement pas attendre la rentrée pour y jouer. Elle leva son pouce  et commença une énumération en règle des participants, Rachel serait disponible en août, je crois, Yarol, soit tout début juillet soit fin août. Il part en vacances en Espagne, ou en Italie, Ou en Belgique ?  Blair n’avait pas vraiment retenu cette partie là des explications de leur camarade. Elle s’était concentrée sur ce qu’il l’intéressait, à savoir les disponibilités du Poufsouffle, Moreen…, La Serpentard chercha la silhouette élancée de sa camarade parmi les invités, … Je sais pas. Faudrait voir avec elle. L’adolescente haussa brièvement les épaules, Quant à moi, je suis disponible touuuut l’été ! »


Enfin, en théorie.

Elle n’avait encore rien planifié officiellement mais elle avait pas mal de projets  en tête, notamment,  vampiriser  ses frères et sœurs. Elle espérait bien passer quelques jours avec Urban  …ce qui lui permettrait, peut-être, de tomber de manière toootalement impromptue sur un certain Adrian Calder, songea-t-elle avant de se morigéner mentalement. STOP, Elle devait arrêter de penser à ce cognard grognon.  Mieux valait prévoir des activités vraiment distrayantes comme s’incruster tantôt chez Katrine tantôt chez Mia ou, pourquoi pas, partir en road trip avec Ole pour aller surfer quelques jours. Elle était loin d’être aussi douée que son ainé dans cette discipline mais elle se défendait sur une vague.

Elle espérait aussi qu’un membre de sa fratrie se décide à l’amener au QG du LEXIT. Elle avait fait ses preuves sur cette fin d’année en alimentant Poudlard de journaux clandestins. Elle se sentait armée pour franchir un nouveau cap. Elle avait même préparé en ce sens des dizaines d’illustrations pro-LEXIT pour le Cognard Déchainé. Si seulement elle pouvait intégrer ce collectif en tant que graphiste, elle serait plus qu’honorée mais encore fallait-il que les cadres de la résistance l’acceptent dans leurs rangs. En tout cas, elle se tenait prête pour répondre à l’appel.

Parmi ses autres projets estivaux, Blair avait également prévu d’assister à tous les  entrainements programmés  par les membres de son équipe de quidditch, histoire de garder la main, bien sûr,  mais aussi de se faire pardonner son écart de comportement du mois d’avril. Dès que son cerveau effleurait ce souvenir, Blair était plongée dans un océan de culpabilité qui la minait profondément. Elle avait envie de se rouler en boule sous une table pour se cacher tellement qu’elle avait honte d’elle-même. Foutue impulsivité !

Elle avait eu beaucoup de chance que Sandra l’accepte de nouveau au sein de leur collectif et qu’elle gère seule ce différent entre ses joueuses. Le P. Forbes avait vaguement eu connaissance d’une altercation entre les membres de l’équipe de sa maison mais Sandra lui avait épargné les détails et Blair ne la remercierait jamais assez de ne pas avoir cafté.  Depuis, elle essayait d’être exemplaire en tout point pour faire oublier cette vilaine bavure sur son CV de potentielle future joueuse professionnelle.

Elle avait suivi le match Serpentard/Serdaigle depuis les gradins sans vraiment parvenir à se concentrer pleinement sur la rencontre tant elle n’avait d’yeux que pour les recruteurs assis dans la tribune des professeurs. Quel gâchis. Elle avait tout foiré…

Un voile d’abattement passa sur son visage à ce souvenir mais il ne fut que de courte durée puisque Faust lui proposa une activité qu’elle ne pouvait pas refuser.

« Toi, tu es du genre à ouvrir la bal alors que tu ne devrais même pas être là ! s’exclama Blair en riant, OK ! » Elle ne refusait jamais une danse. C’était contraire à sa religion. «  Mais il faut mettre un morceau qui bouge histoire de réveiller tout le monde. »

Elle rejoignit d’un pas décidé la piste improvisée et chercha du regard Maeva ou  Kasya, les septièmes années Gryffondor. Au lieu de trouver les organisatrices, elle tomba sur Virgil Forbes qui venait manifestement de quitter son rôle de videur à l’entrée de la tente.

« Excuse-moi ! L’interpela Blair, qui s’occupe de la musique ? »
« Personne. »
« Ah. Et comment on fait pour choisir un morceau ? »
« Ben, tu le mets. »

Virgil désigna une grosse  enceinte technomagique posée dans un coin de la piste qui servait pour le moment de table basse à un petit groupe d’élèves.

D’accord. Il fallait donc posséder  un Pear et évidemment, Blair n’en avait pas. Cela devenait de plus en plus handicapant dans sa vie de tous les jours. Même si elle était fermement opposée à ces objets technomagiques espionnant les moindres faits et gestes de son utilisateur, elle devait avouer qu’elle aurait bien aimé être en mesure de choisir le premier air de la soirée. Un morceau bien festif.

« Faust. Dis moi que tu as un Pear. » dit-elle alors en se tournant brusquement vers son jeune camarade.

Fi-ni.
Virgil détacha son regard de la silhouette du château qu’il devinait à travers les arbres de la forêt interdite. Il avait un peu de mal à réaliser qu’il vivait sa dernière nuit à l’école. Demain, il prendrait le Poudlard Express et tournerait définitivement cette page de sa vie. Il en avait terminé avec le statut d’écolier et il allait enfin pouvoir vivre librement : Sans compte à rendre, sans couvre-feu à respecter, sans professeurs surveillants le moindre de ses faits et gestes, sans son père et sa belle-mère sur son dos.

Que retiendrait-il de positif de ses années à Poudlard ? Pas grand chose en vérité hormis quelques belles amitiés.
Très clairement, ses amis de la Pire Promotion de Poudlard sauvaient ces sept années d’enfermement. Leurs soirées dans la salle commune ou dans les serres resteraient surement ses souvenirs les plus mémorables de cette période.  Il ne savait pas si leur amitié allait résister à la fin de l’école – Kasya leur avait pourtant fait promettre qu’ils se voient tous ensemble au moins une fois par semaine- mais Virgil savait d’ors et déjà qu’il ne respecterait pas nécessairement cet engagement.
Déjà,  il n’aimait pas qu’on lui impose quoique ce soit, mais en plus,  il avait plus que jamais envie de nouveauté dans son existence. Après sept années  enfermé  ici il voulait élargir son horizon en rencontrant de nouvelles personnes : Passer plus de temps avec ses collègues à Skye, sortir dans tous les club de Léopoldgrad et pourquoi pas aussi se lier avec les amis de Dean… Il allait d’ailleurs s’installer dans la colocation de son frère dès début juillet. Par chance, une chambre s’était libérée.
Jamais il ne retournerait vivre – même pour deux petits mois- chez sa mère ou chez son père. Coincé entre un Nicholas voulant le lever à 5h du matin pour un footing et une Thelma enceinte désireuse qu’il aille lui acheter des fraises. Non merci. Il avait déjà les mariages de ses deux parents de prévus cet été, c’était largement suffisant. Deux journées complètes avec sa famille en deux mois ? Il outrepassait déjà la dose maximale qu’il s’était fixée pour son propre bien-être mental.

Virgil jeta un regard en biais à Damon qui gardait l’entrée avec lui. La plupart des élèves étaient déjà à l’intérieur si bien qu’ils n’avaient plus vraiment grand-chose à faire ici. Son camarade scrollait son portable et likait les posts instamag de la soirée en jetant de temps en temps quelques regards en direction du château.

« T’attends quelqu’un ? » demanda Virgil avec un vague sourire en coin. Il savait parfaitement qui Damon voulait voir à cette soirée, et ce n’était malheureusement pas sa petite amie Lisa qui était déjà à l’intérieur. Le batteur risqua un regard complice en direction de son pote.
« Peut-être bien. »
« Si ça se trouve elle viendra pas et préférera aller à la contre-soirée de Forester et Gliterspoon. »
« Chloë ne raterait jamais la fête de fin d’année. Même si sa meilleure amie déteste l’un des organisateurs. »
« Je ne vois absolument pas de qui tu parles… » Répondit Virgil en glissant nonchalamment ses mains dans ses poches, l’air tranquille. Pourtant, il le savait très bien.
Damon considéra quelques instants Virgil avant de poursuivre :
« Si t’avais pas merdé avec Horrocks j’aurais pu me taper Chloë cette année… au lieu de ça j’ai dû me contenter de Lisa. »
« Assume mec, ce n’est pas de ma faute si Chloë ne veut pas de toi. »
« Oui mais si tu ne t’étais pas conduit comme le cognard que tu es, on aurait pu faire des petites sorties à quatre, toi, moi, Nelly et Chloë. Tu vois le genre ?»
Virgil voyait tout à fait le tableau.
« Chez madame Pieddodu ? »
«Par exemple. »
« Le jour de la St-Valentin ? »
« Et pourquoi pas. »
«  Et attends, laisse moi deviner. Nelly aurait posté une photo de nous quatre  sur instamag tout sourire avec les hashtags : #Doubledate #ValentineDay #Loveisintheair #CuteBoyfriends #Frienshipneverdie. »

Les deux amis s’observèrent un instant avant d’éclater de rire. Pour eux deux, cela s’apparentait très clairement à une vision de l’enfer pourtant Nelly était coutumière du fait.  Elle avait posté des dizaines et des dizaines de story de ce type d’elle et Archibald sur les réseaux sociaux magiques.  
Virgil aurait voulu être totalement hermétique à ces images d’un bonheur partagé. Pourtant, au début, il avait ressenti une profonde amertume  en le voyant, et même, parfois, une pointe de regret et d’envie qu’il se refusait à formuler.  Il n’aurait jamais désiré que ses moments de tendresse soient affichés aux yeux de tous sur les réseaux, évidemment,  mais il aurait voulu pouvoir les vivre à la place d’Archibald.

En vrai bon copain, Damon avait ouvertement tourné en ridicule les nombreux posts instamag de la préfète, posts qui transpiraient la guimauve. Virgil avait fini par prendre ses nombreux messages avec philosophie. Se moquer ouvertement de Nelly avait été un bon moyen pour passer à autre chose…

« En fait c’est pas plus mal qu’entre Horrocks et toi ça n’ait pas marché. Vous étiez vraiment trop différents. »

Virgil accueillit cette remarque avec  fatalité. Damon avait sans doute raison même s’il admettait, en son for intérieur, avoir passé de très bons moments avec elle. A bien y réfléchir, surement les meilleurs de sa sixième année…  Il chassa ses pensées nostalgiques de son esprit et préféra se murer dans sa carapace de bêtise crasse qui lui permettait d’avancer dans la vie.

« Oui, et puis sans ça, j’aurais jamais pu me taper Maeva. »
« Arrête de frimer, elle aussi elle t’a jeté. »
Piqué, Virgil réagit au quart de tour.
« Non, on a décidé d’arrêter de baiser ensemble d’un commun accord. »
« Mouuuais. C’est pas ce que dit Lisa, répondit Damon ouvertement dubitatif,  Comme si on pouvait sciemment décider d’arrêter de coucher avec Maeva Virtanen . »

C’est vrai que… Vu sous cet angle…
Bref.

Désireux de changer de sujet, Virgil farfouilla dans les poches de son short et sortit le petit sachet de Volubilis amené  par Faust Ziegler.  Il le secoua devant son visage pour attirer l’attention de Dam’s. La parfaite diversion pour Virgil quand il n’avait plus envie de parler ou de réfléchir à sa propre condition : La drogue.

« On se fait un petit rail ? »
« Toi, tu sais me parler.... »
Les deux amis firent glisser un peu de poudre sur le revers de leurs mains. Juste assez pour être « bien » et non pas complètement défoncé comme le soir du réveillon.  Virgil se racla la gorge et se fendit d’un toast pour apporter un peu de solennité à ce moment :
« A notre dernière soirée dans ce putain de château d'merde ! »

D’un mouvement identique, ils sniffèrent leur volubilis d’une profonde inspiration.   Ce que Virgil appréciait le mieux avec la poudre, c’était son effet instantané. D’ailleurs, il délaissait maintenant  la mandragore depuis quelques mois  au profit de la Volubilis. Magpie lui filait des doses gratuitement, autant en profiter.

« Je vais faire un tour à l’intérieur pour voir si tout se passe mal. J’espère qu’ils se font bien chier. » dit-il avec un immense sourire. Il pénétra dans la tente abandonnant Damon seul à son poste de physionomiste…


La volubilis ne lui avait pas vraiment réussi lors du réveillon du jour de l’an mais Damon s’était laissé tenter ce soir. Après tout, il vivait sa dernière soirée à Poudlard, autant qu’elle soit mémorable… Et puis, il avait besoin d’un peu de courage en poudre pour larguer Lisa après la fête. Il ne tenait pas à s’encombrer d’une petite amie maintenant qu’il allait avoir la possibilité de sortir au K-Klub tous les soirs. Cela faisait un petit moment qu’il y pensait – il l’avait même déjà trompée avec Kenza Sauerkraut - mais comme il ne voulait pas gâcher les dernières semaines de leur bande de potes, il avait décidé d’attendre le dernier soir pour mettre fin à leur histoire.
Quelle grandeur d’âme ce Damon !

D’ailleurs, il esquissa son sourire le plus charmeur lorsque la potentielle remplaçante de Lisa arriva à l’entrée. Chloë était magnifique, comme d’habitude.  Il lui sortit son numéro de charme, ventant sa plastique de rêve et plaisantant allégrement avec Nelly - toujours avoir la meilleure amie de son crush dans la poche- puis il les laissa entrer sans problème. Son regard s’attarda  sur les formes de  Chloë tandis qu’elle se penchait pour entrer dans la tente. Toujours aussi parfaites.

Damon faisait partie de ces hommes tout à fait prévisible dont le comportement changeait radicalement en fonction de la présumée beauté de son interlocutrice. Si vous étiez une femme qualifiée de « belle » par le commun des mortels, vous aviez droit à toute son attention. Il écoutait votre discours avec intérêt, ne vous lâchait pas du regard et riait volontiers à vos plaisanteries.  « Intéressant », « Fantastique », « Remarquable ! » , Chacun de vos projets était accueilli avec une longue liste de superlatifs afin de vous montrer à quel point vous étiez exceptionnelle à ses yeux…

A contrario, si vous aviez le malheur d’être simplement banale physiquement, toute lueur d’intérêt disparaissait de son regard coquin. Ses yeux passaient sur vous sans même s’arrêter  et aucune de vos remarques ne semblait capter son attention. Vos blagues – pourtant hilarantes - déclenchaient au mieux un rictus poli. Très clairement, il s’emmerdait ferme en votre compagnie et ne cherchait pas à le cacher.

Pour Damon, une femme devait être belle et féminine, avant toute chose. Voila pourquoi il accueillit l’arrivée de la dernière retardataire sans emphase :
Ah, Mo Avner.
Moreen était une grande gigue asexuée. Pas de cul, pas de sein, pas de hanches. Que des os saillant de partout.  La déprime totale. Si Damon admettait qu’elle possédait quelques qualités sportives, il avait absolument zéro affinité avec cette fille qu’il qualifiait volontiers de complètement weird. Comme tous les membres du Club de jeu de rôle. Ces gens étaient vraiment trop bizarres. Ils préféraient tous incarner des personnages fictifs plutôt que de vivre pleinement leur propre vie. Clairement, Dam’s ne comprenait pas mais il  avait une théorie infaillible sur le sujet :  Les membres de ce club étaient de tels laiderons qu’ils ne trouvaient que cette échappatoire pour survivre à leur propre condition : s’évader dans un monde fictif.

« Ça m’étonne que tu dormes pas à poil, c’est par décence ou par complexe que t’as gardé ton slip ? »

En plus, elle était insolente. Si Damon acceptait de se faire chambrer par quelques nanas – Maeva, Lisa et Kasya, les seules en vérité- il était moins enclin à l’idée que d’autres filles se moquent ouvertement de sa noble personne et de son noble chibre :

« Toi par contre t’aurais pu venir torse nu vu que t’as rien à cacher. » répondit-il avant d’ajouter «  Ce qu’il y a de bien avec ce thème, c’est que tu n’as même pas eu besoin de te changer…. On a tout le temps l’impression que tu es habillée en pyjama. »


Virgil s’était fait alpagué par trois gamins scolarisés dans les années inférieures. Du haut de son mètre quatre vingt dix, il toisait allégrement ce microcosme fourmillant autour de lui. Merlin, ils lui filaient mal à la tête avec leur histoire de Pear et de musique. Qu’ils se démerdent. L’adolescent poussa un long soupir et s’attarda un instant sur le panda roux qu’il reconnut finalement. Il s’agissait de Michaël, le petit frère de Nelly qu’il ne salua pas. Ils ne s’étaient parlé qu’une fois, un an plus tôt, lors de la soirée organisée chez les Horrocks. Vraiment pas de quoi se lier d’amitié.
D’ailleurs, l’adolescent se détourna bien vite de ce petit groupe d’élèves. Il avait besoin d’un verre et il tenait à profiter des alcools forts avant qu’ils ne soient pris d’assaut et qu’il ne reste plus que de la bièraubeurre  et du jus de citrouille à boire. Il emprunta le passage entre les toiles tendues et déboucha devant le buffet, enfin, plus exactement devant Nelly qui se tenait là, une bouteille d’Ice-Tea à la main.

Ah.

Certes, ils se croisaient tous les jours depuis six mois. Ils partageaient même certains enseignements comme DCFM ou Sortilèges. Une fois, il leur était même arrivé d’attendre tous les deux  dans le couloir le début d’un cours,  et pourtant, ils ne s’étaient pas adressé la parole. Pas une fois depuis cette soirée du réveillon, six mois plus tôt. Pas de hiboux, pas de messages, rien. Juste un like, ce matin, sur une photo de Poudlard postée par Virgil sur son compte Instamag.
L’adolescent avait ressenti un drôle de sentiment en découvrant le pseudo de Nelly parmi les personnes ayant appréciées son cliché. Ce petit cœur rouge -en apparence totalement anodin- résonnait en vérité comme un pas vers lui. Un pas pour une discussion ?  Des explications ?
Virgil n’était habituellement pas très partant pour ce genre d’exercice. Quant il tournait la page, il n’aimait revenir en arrière. A quoi bon ?

Pourtant, il savait au fond de lui que son histoire avec Nelly méritait une autre conclusion que celle qu’ils y avaient apportée.  Il avait beau fanfaronner, faire comme si Nelly n’avait jamais compté pour lui, la Serpentard était -et resterait- la première fille qu’il avait vraiment aimé. Sa première fois aussi.  

Maintenant qu’il avait réussi à prendre du recul sur cette relation, il se sentait plus disposé pour échanger de nouveau avec la préfète. Il se connaissait assez pour savoir qu’il aurait été particulièrement horrible s’il avait cherché à discuter avec elle durant les mois suivants leur rupture.  Il avait eut besoin de temps et aujourd’hui, à l’heure où il disait définitivement adieu à Poudlard, il se sentait prêt à avoir cette discussion qu’ils se devaient mutuellement. Peut-être que la Volubilis entamait son discernement mais, pour le coup, Virgil se sentait serein à l’idée d’avoir cette conversation…

Pourtant, il ne répondit pas spécialement au léger sourire que Nelly lui lança. Il se servit un verre de Whisky Pur feu et rejoignit les abords de la piste de danse alors que les premières notes de "Djodjo" d’Oyo Nokomuro retentissaient sous la tente. Visiblement, les plus jeunes avaient réussi à se mettre d’accord sur la musique et Blair Williams entamait déjà quelques savants pas de danse décomplexés.

Virgil porta son whisky à ses lèvres et sortit son Pear de sa poche. Il avait supprimé le numéro de Nelly le soir du nouvel an mais il pouvait encore la contacter par Instamag puisqu’il ne s’était pas désabonné de ses publications. Le jeune homme ouvrit l’appli, chercha le profil de la préfète et  pianota rapidement quelques mots. Il hésita à peine une demi seconde et cliqua sur envoyer. Il attendit toutefois que la petite icone « Vu. » s’affiche avant de ranger son Pear et de reporter son attention sur les danseurs.

Pear:

Le Pear vibra tout contre sa cuisse et Virgil contint difficilement un léger rictus amusé devant le temps de réponse de Nelly, plutôt rapide.  Certaines choses restaient immuables. Cette situation le ramenait un an en arrière lorsqu’ils s’envoyaient des messages en toute discrétion aux intercours ou parfois le soir avant de s’endormir, bien confortablement installés dans leur lit respectif. Des messages stupides mais qui le faisaient esquisser un sourire sous ses couvertures.

Un autre temps.

L’adolescent rédigea une réponse tout en prenant place dans une petite alcôve toilée encore disponible. Il empila plusieurs coussins et plaids pour s’installer confortablement et s’offrir un merveilleux point de vue sur la soirée. De là où il était, il pouvait voir la piste de danse qui venait de s’animer sous l’impulsion des plus jeunes, l’entrée de la tente, et tout au fond, le buffet près duquel Nelly pianotait frénétiquement sur son Pear, son gobelet coincé entre ses dents. Forcément une réponse pour lui, songea-t-il avec la même suffisance qu’autrefois contrecarrée toutefois par l’image mentale de ce cher Archibald. Surement que Nelly devait être aussi absorbée– si ce n’est plus- lorsqu’elle conversait avec le galeriste.

Si Virgil avait cru connaitre Nelly par cœur, il avait du admettre qu’il s’était largement trompé sur son compte. Jamais il n’aurait pensé qu’elle puisse mettre fin à leur drôle de relation et il en avait allègrement profité en se conduisant souvent comme le pire des cognards avec elle.
Il avait péché par excès de confiance… Et il en avait payé le prix.

Il s’apprêtait à sortir une cigarette de sa poche lorsque la réponse de son ex lui parvint par message qu’il consulta dans la foulée. Merlin, elle le connaissait bien… ou alors il était effectivement très prévisible comme garçon. Il préférait pencher pour la deuxième option : Tout le monde connaissait son addiction au tabagisme et  il était persuadé que personne n’était en mesure de le comprendre vraiment. Pas même lui.

Il releva les yeux sur la préfète et fut plutôt étonné de la voir traverser la pièce dans sa direction. Elle avait abandonné Chloe et semblait bien décidée à le rejoindre.  C’était assez étrange de se dire que la seule et unique fois où ils allaient s’afficher tous les deux en public à Poudlard était justement le moment de leur relation où il ne se passait absolument plus rien entre eux.  

Nelly avait l’air un peu gauche avec son bol de chips entre les mains. Elle n’était pas vraiment à l’aise et Virgil non plus, en vérité, même s’il feignait d’être totalement décontracté. Toujours sauver les apparences. Toujours. Lorsqu’elle prétexta un soi-disant forfait limité, il retint les commentaires ouvertement goguenards qui lui venaient à l’esprit.  *Quelle excuse bidon, admets plutôt que ma compagnie te manque ! *

Ne pas répétez inlassablement les mêmes erreurs, Virgil.

Il opta donc pour un  « Vas-y. Assieds-toi. » plus neutre et désigna  nonchalamment les coussins de l’autre côté de l’alcôve.

"Vous auriez pu faire mieux, niveau confort. » commenta-t-elle en cherchant à s’installer plus confortablement et donc plus durablement.


« Pire Party de Poudlard. Quel mot tu comprends pas dans cette expression ? dit-il en risquant un regard  dans sa direction, Tout le monde était prévenu. »

Il se pencha légèrement en arrière pour libérer l’accès à ses poches et sortir son paquet de cigarette. Il sentait qu’il allait avoir besoin de sa vieille amie la nicotine pour gérer au mieux cette conversation qui s’annonçait. La Volubilis l’avait déjà considérablement relaxé mais la clope lui permettait de rythmer ses échanges avec ses semblables. De faire des pauses pour se donner du temps de réflexion lorsque cela s’avérait nécessaire. Il savait qu’il allait en avoir besoin ce soir et cette cigarette relevait d’une véritable nécessité pour lui.

« Ta soirée, tes règles, c'est ça ?" fit remarquer Nelly en désignant justement la cigarette qu’il avait coincée entre ses lèvres.

« C’est ça, répondit-il avant de convoquer un sortilège pour en allumer l’extrémité. Il tira une taffe et releva les yeux vers elle. Mon toit, ma loi. »

Il figurait parmi les organisateurs, il avait participé à l’achat de cette merveilleuse tente Quecha qu’ils avaient choisi avec grand soin dans un magasin moldu, selon leurs propres critères de qualité bien sûr : Forme la plus What the Fuck, couleur chiasse bien dégueulasse. Donc, si Virgil avait envie de fumer ici, rien ni personne ne l’en empêcherait. Il tira justement  une longue bouffée sur sa cigarette en observant le petit groupe de danseurs. Si Blair Williams dansait plutôt bien, il ne le remarqua pas vraiment. Il  était perdu dans ses pensées, conscient de cette proximité physique avec Nelly qui se tenait à quelques centimètres de lui, et dans le même temps, de cet éloignement irrémédiable qui existait dorénavant entre eux.

Ce fût Nelly qui se décida à briser le long silence. Effectivement, il leurs en avait fallu du temps. Du temps pour qu’ils puissent enfin s’adresser la parole sereinement.  « Pourquoi ?" demanda-t-elle alors.

Vaste question à laquelle Virgil ne pouvait pas répondre sincèrement même s’il connaissait les causes de ce silence prolongé.  Il se contenta de hausser les épaules sans lâcher des yeux les danseurs.  Non, après tout ce qu’il lui avait fait subir, il ne pouvait pas lui dire la vérité. Lui dire qu’il l’avait aimé bien qu’il s’en soit toujours défendu. Lui avouer qu’il s’était senti trahi et blessé. Qu’il n’avait jamais été aussi humilié que lors de ce réveillon où il était tombé sur elle et Archibald. Que son émotion avait été si vive  ce soir là qu’il avait voulu la rayer de sa vie et qu’il l’avait même fait, momentanément, en supprimant tous les souvenirs qu’il avait d’elle. Leurs photos, leurs messages.
Il ne pouvait pas lui révéler qu’il avait nourrit de sombres pensées à son égard. Qu’il avait été jaloux d’Archibald et qu’il l’avait probablement maudit sur quatre générations. Tout comme elle.
Pourquoi ils ne s’étaient pas parlé avant ?

Parce qu’il aurait été horrible, tout simplement. Il aurait tout fait pour qu’elle se sente plus mal que lui. Il l’aurait démolie-il avait les armes pour et ils les auraient utilisées. Il lui aurait parlé de sa mère parce qu’il savait que ce sujet la rendait particulièrement vulnérable.

Il aurait tapé là où ça fait mal. Violement. Méchamment, comme il savait si bien le faire.
Alors il s’était tu. Il avait ruminé seul dans son coin puis il avait dédramatisé la situation avec l’aide de Damon. Il avait noyé son chagrin dans les bras de Maeva, dans leurs chaudes étreintes et leurs baisers fougueux et il avait fini par relativiser. Par prendre du recul. Il avait vécu un chagrin d’amour dont il était en grande partie responsable. Voilà, c’était la vie. Tout le monde passait par là un jour ou l’autre de son existence.

« Tu sais ce qu’on dit. Souffla-t-il, son attention toujours portée sur les élèves qui se trémoussaient devant lui, Mieux vaut tard que jamais. »

Il reporta ses yeux cernés sur Nelly, la cigarette suspendue devant ses lèvres.
Aujourd’hui, il n’avait plus envie de lui faire du mal. Plus du tout. Il voulait juste ne pas tout foirer dans cette histoire et, au moins, réussir à lui donner une belle conclusion.
Il observa Nelly encore un instant avant de lui poser une question qu’il ne lui avait probablement jamais posée avant. Du moins pas aussi sincèrement. « Comment tu vas ? » demanda-t-il d’une voix dénuée de tout sarcasme. Pour une fois, il semblait vraiment suspendu à sa réponse et il n’arborait pas cet air détaché où tout semblait glisser sur lui.

Au fond, il voulait l’entendre dire qu’elle était heureuse dans sa vie car elle le méritait.
Elle le méritait vraiment.

Moreen aurait pu être désirable. Peut-être l’était-elle d’ailleurs, selon certains critères – par exemple, ceux de Philip qui avait incontestablement un faible pour les planches à pain-  mais Damon ne trouvait rien de louable dans la silhouette de sa camarade. Même ses traits délicats et ses jolis yeux verts ne parvenaient pas à faire oublier tout le reste. Et dans tout le reste, il englobait évidemment son absence totale de féminité, et surtout,  son sale caractère insolent.
Si Damon acceptait d’être chambré par son cercle de  proches, il tolérait nettement moins les moqueries ou les affronts de ses simples camarades de promotion et  Moreen faisait clairement partie de ces élèves qu’il n’appréciait guère. Pourquoi ?

Peut-être parce qu’elle ne se laissait pas impressionner par son charisme naturel (hum hum)  et qu’elle semblait totalement insensible à ses charmes… En effet, Damon avait grandi avec cette belle gueule et s’était construit socialement à travers elle. Enfant, il était déjà « trop mignon » et  adulte il était devenu « carrément sexy ». C’était un fait et il ne le savait que trop bien. Ce physique agréable  lui ouvrait certaines portes et lui octroyait même certains avantages. Il le voyait bien lorsqu’il sortait avec Philip ou Virgil qui n’avaient pas sa plastique d’apollon.

Par exemple, Damon était habitué au fait que  les femmes  minaudent en sa compagnie. Qu’elles esquissent un sourire en coin  -aussi charmant que complice- même lorsqu’elles se montraient  impertinentes ou  effrontées envers lui. C’était le cas de Kasya, de Chloe et  même de Maeva.
Moreen Avner semblait totalement hermétique à  sa mâchoire carrée et à ses épaules dessinées, ce qui était un peu vexant, il devait l’admettre. Elle ne semblait même pas remarquer  son corps de rêve et  se contentait de planter ses yeux perçants dans les siens avant de lui hurler dessus, telle une mandragore dépotée. Pas d’emballage, pas de fioriture avec Mo Avner: Une vraie brute, dans tous les sens du terme. Trop forte en gueule. Trop excessive. Trop tarée.  Trop tout.

Bref, un profil rédhibitoire aux yeux de Damon.  Il faut dire que  son petit numéro de cirque digne des plus mauvais magiciens moldus de la pire kermesse d’anniversaire ne fit que le conforter dans son analyse. Il n’y avait bien qu’un membre du club de jeu de rôle pour inventer un scénario complet et livrer une performance d’acteur pour le gratifier d’un simple doigt d’honneur.

Si Virgil avait été là, il aurait surement vanté tout à fait ironiquement la qualité des effets spéciaux d’une telle performance scénique mais Damon se contenta d’un « C’est pas avec ça tu vas rentrer Avner. » cassant et très premier degré.

Mais elle ne s’arrêta pas sur sa lancée puisqu’elle  osa lui suggérer qu’il couvre ses pectoraux, pec’ sculptés avec amour, jour après jour, depuis tant et tant d’années. Jamais de la vie. Dam’s avait justement suggéré ce thème pour exhiber ses plus beaux attributs et voilà que Mo’ voulait le voir se rhabiller.

Cette fille était surement lesbienne. Il n’y avait pas d’autre explication.

« Que tu sois ravie ou pas de me voir dans cette tenue  Moreen, ça ne change absolument rien. C’est ma soirée, j’organise et je décide, c’est ça que tu ne comprends pas. »

Il posa ses mains sur sa taille et ponctua sa remarque d’un rictus moqueur et d’un petit mouvement du bassin, sans équivoque. Si Mo était gênée par sa quasi nudité, elle n’avait qu’à retourner dans son dortoir ou jouer au dominos avec ses potes du club des puceaux.
Mais maintenant qu’elle l’avait odieusement provoqué, elle tentait de jouer la carte de l’apaisement. *Ne perdons pas notre précieux temps Damon, laisse moi donc entrer. * Et puis quoi encore. Le Gryffondor n’était pas enclin à passer l’éponge si facilement et il devait admettre qu’il ne la comprenait absolument pas.

« Avner, dit-il en levant la paume devant lui comme pour la faire taire d’un geste. Attends deux minutes, parlons sérieusement,  Il planta son regard dans celui de Moreen et finit par demander, Mais qu’est-ce que tu fous là au juste ? »

Quelque chose lui échappait vraiment.

Moreen n’appréciait pas les organisateurs -bon ok, peut-être juste lui-, elle était fâchée avec la moitié de l’école et  elle était surement prompte à provoquer en duel n’importe quel autre élève présent sous la tente mais elle tenait absolument à assister à cette soirée de fin d’année, elle qui entretenait pourtant avec soin son image de marginale.

C’était à ne rien y comprendre…

Casey leva les yeux de la dernière ligne de « Arhen Fotter et la légende du Moldu Chypriote »  franchement scotché par la conclusion de ce tome.   Il avait dévoré les derniers chapitres sans lever le nez une seule fois de son livre depuis le départ de Yarol. Par Merlin, il n’aurait jamais deviné que le vil moldu né à Chypre était en réalité le parrain du héros. Casey était tombé amoureux de cette saga qu’il trouvait particulièrement addictive et pleine de rebondissements.  Il avait vraiment hâte de connaitre la suite de ce roman qui lui permettait de s’évader quand il avait du mal à trouver le sommeil.

Ce qui lui arrivait très régulièrement même s’il ne savait pas s’il lisait parce qu’il n’arrivait pas à dormir ou s’il n’arrivait pas à dormir parce qu’il lisait. Surement un peu des deux.
Il faut dire que la fin d’année avait été marquée par une nouvelle plutôt anxiogène. Son tortionnaire était réapparu et il avait de nouveau gravé le bras d’un autre élève de Poudlard . Même mot, même emplacement. POISON. La Police Magique l’avait informé personnellement et Casey n’avait  eu aucune difficulté à connaitre l’identité de l’autre victime. D’après les rumeurs de l’école, Arhen Keller était resté plusieurs jours à l’infirmerie suite à une agression.

Casey avait tenté d’interroger Virgil à ce sujet mais ce dernier s’était vivement défendu : Il avait soi-disant réglé le problème. Selon lui, l’agression de Keller n’avait rien à voir avec celle de Casey. Il n’avait plus aucune raison de s’inquiéter, lui avait assuré Virgil d’un ton abrupt. C’était facile à dire pour lui, mais le naturel anxieux de Casey n’était absolument pas sensible aux promesses de son frère aimé, en qui  il n’avait plus vraiment confiance depuis cette affaire.  L’homme courrait toujours et même s’il ne s’en prenait pas à lui de nouveau, il semblait décidé à mutiler d’autres adolescents de son âge.  

Pourtant, l’idée d’aller trouver Arhen pour partager son vécu  n’avait pas effleuré l’esprit de Casey une seule seconde. Il vivait avec cette cicatrice depuis plusieurs mois maintenant – presque un an- et personne n’était au courant mise à part sa famille… et Sasha, bien sûr. Il était la victime dans cette histoire mais il ne pouvait pas s’empêcher de se sentir honteux. Il exécrait l’idée qu’on puisse le regarder comme une bête curieuse. Il préférait rester le timide de service plutôt que de devenir le garçon mutilé par un espèce de fou sanguinaire.

En effet, Casey chérissait son anonymat qu’il commençait tout juste à retrouver depuis sa rupture avec Sasha. Les semaines qui avaient suivies ce moment douloureux avaient été particulièrement difficiles – beaucoup d’élèves s’étaient moqués ouvertement de leur couple mal accordé et de la fin logique de cette histoire fantaisiste- et rétrospectivement, Casey donnait presque raison à ces mauvaises langues.

Si Casey avait mal vécu son agression et sa rupture avec Sasha, il avait eu encore plus de difficultés à gérer le regard des autres et les médisances de certains camarades.  Déjà fragilisé par sa rupture chaotique avec sa petite amie, les remarques blessantes des autres élèves l’avaient indéniablement affecté et  renforcé son  profond mal-être et sa timidité maladive.

Plutôt que de remettre tout le monde à sa juste place, Casey avait encaissé. Il avait fait le dos rond et attendu que ça passe, comme toujours, sans oser élever la voix et faire taire les harceleurs. Il s’était refermé sur lui-même dans son petit monde intérieur. Il avait emprunté une multitude de romans fantasy à la bibliothèque et il avait travaillé sur ses propres manuscrits, entre deux révisions pour les BUSES. Yarol lui avait bien  proposé de rejoindre le club de jeu de rôle mais Casey avait poliment décliné. Il se sentait totalement  inadapté pour cette activité aux multiples interactions sociales. Pourtant, lui aussi il aimait les histoires de trolls, de prophéties, les quêtes et les voyages initiatiques mais il ne se voyait clairement pas assis entre Moreen Avner, Faust Ziegler et Blair Williams, luttant contre sa nature première pour essayer de placer un mot de temps en temps entre tous ces grands bavards.

Au contraire, il se sentait à peu près en sécurité dans sa zone de confort, à savoir, tout seul, dans son dortoir.  Il préférait être invisible aux yeux des autres élèves plutôt que de se retrouver de nouveau au centre de l’attention et des quand-dira-t-on. Il n’était pas fait pour être dans la lumière. Ni pour la vie sociale ou l’art de la conversation. Et encore moins pour les histoires de cœur.
Il devait se faire une raison.

Même s’il avait eu des jolis moments avec Sasha, il ne voulait plus songer à cette période de sa vie. Il regrettait presque de s’être ouvert à elle et d’avoir cru qu’il pourrait surmonter sa timidité à son contact. Quand il repensait à cette relation, il en arrivait toujours à la même vision : Il  revoyait le regard un peu fou de Sasha, animé d’une lueur malsaine et il l’entendait parler de ses désirs de vengeance et de meurtre.  Casey n’était pas fait ce bois là. Sasha lui faisait peur… comme une multitude d’autres choses, d’ailleurs.

A bien y réfléchir, toute son existence était faite d’insécurité et il en était malheureusement parfaitement conscient.

L’adolescent risqua un regard en direction de la fenêtre et constata que la nuit était tombée. Il avait tellement été transporté par sa lecture qu’il n’avait même pas vu le jour décliner. Plus qu’une demi-heure avant le couvre-feu, or il n’avait absolument plus rien à lire alors qu’il sentait poindre l’insomnie. Dès qu’il commençait à réfléchir à sa propre existence et qu’il pointait du doigt les multiples  causes de son mal-être  il n’en finissait plus de broger des heures durant : Sasha, l’agression, les moqueries, Sasha, l’agression …tout tournait dans tête, sans discontinuer, comme un cercle vicieux.

Il devait s’échapper entre les pages d’un nouveau roman pour oublier cette rengaine néfaste. Avec un peu de chance le tome quatre des aventures d’Arhen Fotter serait disponible à la bibliothèque. Le jeune homme quitta  son lit et s’habilla rapidement en prenant bien soin de revêtir un sweat à manches longues malgré les températures clémentes. Il attrapa une pile de livres qu’il devait rendre – essentiellement des ouvrages pour les révisions des BUSES-  et déposa l’exemplaire d’Arhen Fotter  sur le dessus de la pile. C’est alors qu’il vit un petit morceau de parchemin marron dépassant en bas du livre. Il ouvrit l’ouvrage et découvrit entre la couverture et la préface un petit mot manuscrit qu’il n’avait pas remarqué jusqu’alors :

« Ce tome est le meilleur de la série pour l’instant. J’espère que tu vas l’aimer toi aussi, bonne lecture. »

Casey tourna le petit papier en quête d’une signature mais rien d’autre n’était notifié au verso. Visiblement, quelqu’un avait laissé ce commentaire pour un ami et ce dernier l’avait oublié à l’intérieur du livre. Pour le coup, Casey était plutôt d’accord avec l’analyse de l’inconnu : C’était de loin le meilleur tome de la saga.

L’adolescent  referma l’ouvrage sans déposer le parchemin où il l’avait trouvé. Il n’en était pas à son premier marque-page abandonné :  Il avait trouvé bon nombre d’images ou de photographies dispersées entre les pages des ouvrages empruntés avant lui par des générations d’élèves. Il froissa donc le petit mot et le jeta dans la corbeille de son dortoir avant de rejoindre la salle commune des Poufsouffle qu’il traversa sans lever le nez de ses pieds, ses livres sous le bras. Même si la plupart des élèves plus âgés n’étaient pas là, il n’était pas très à l’aise avec sa démarche et son corps en général si bien qu’il n’aimait pas être debout quant tous les autres étaient assis autour de lui.
Encore une névrose de plus , songea-t-il en quittant prestement la pièce.

Quelques minutes plus tard, il était debout entre les étagères du rayon fantasy de la bibliothèque de Poudlard. La documentaliste était installée un peu plus loin, occupée à enregistrer une pile énorme de retour de livre. La bibliothèque était quasiment vide contrairement à la semaine précédente où les cinquièmes et septièmes années remplissaient absolument toutes les tables de travail en vue de leurs examens.

Ce soir, Casey serait tranquille pour sélectionné sa prochaine lecture. Il s’arrêta naturellement vers les livres de J.K Browning, l’autrice de la saga et « Arhen Fotter » avant d’esquisser un sourire en découvrant sur l’étagère  le tome quatre des aventures du célèbre moldu, «  Arhen Fotter et le réveil analogique. » L’adolescent parcourut le résumé sur la quatrième de couverture et feuilleta rapidement les premières pages d’où un nouveau parchemin s’échappa. Le petit morceau de kraft glissa jusqu’au sol et tomba sur l’endroit.

« Est-ce que tu auras deviné la fin avant la dernière page ? Moi je n’ai rien vu venir ! Bonne lecture »

Même écriture, même kraft, constata Casey en se penchant pour attraper le message, ponctué par une esquisse de smiley souriant à la forme biscornue. Etrange. Il jeta un coup d’œil autour de lui et reporta de nouveau son attention sur le parchemin. Visiblement un élève de l’école s’amusait à commenter ses lectures et à partager ses observations avec les lecteurs suivants.  Casey trouvait ce principe plutôt amusant et insolite, surtout à l’heure des réseaux sociaux magiques où il suffisait de publier un commentaire sur les sites spécialisés pour donner son ressenti après une lecture.  Il se demanda si quelqu’un répondait à ce mystérieux critique littéraire improvisé.   Lui-même, il aurait eu beaucoup de chose à dire sur l’œuvre de Browning mais les messages laissés par le mystérieux critique n’appelaient pas vraiment de réponse…

Quoi que. Il pouvait bien laisser un bref commentaire anonyme. Cela ne l’engageait absolument à rien et l’auteur de ces petits mots  serait peut-être content de découvrir une réaction à ses messages. D’autant plus que le mode épistolaire avait quelque chose de rassurant pour Casey. Pas besoin de parler, il n’avait qu’à écrire. Et ça, à priori, il savait faire.
Casey était plongé dans ses pensées lorsque la voix toute proche de la documentaliste le fit sursauter.

« Excuse-moi Casey. Je voudrais juste ranger ça.»

Il se décala prestement sur le côté pour libérer le rayonnage sur lequel elle déposa l’exemplaire d’Arhen Fotter et la légende du moldu chypriote qu’il venait de ramener puis elle s’éloigna en faisant léviter des dizaines de livres derrière elle.

Casey la suivit du regard avant de partir exactement dans le sens opposé, en direction de l’accueil. Il attrapa une plume enchainée posée sur le comptoir et sortit le parchemin en kraft  de sa poche.

« J’ai beaucoup aimé ce tome également, écrivit-il au verso après un bref instant de réflexion,  J’espère avoir autant de plaisir à découvrir le suivant et, qui sait, peut-être que je devinerais  la fin avant le dernier chapitre. » Il hésita et ajouta un   « Bonnes vacances à toi. » de sa jolie écriture fine faite de pleins et de déliés. Il  revint sur ses pas et glissa  le mot dans l’exemplaire du moldu chypriote qu’il reposa exactement à sa place suivant le classement.

Avait-il le droit de faire ça ? Ce n’était pas dans ses habitudes de contourner les règles en vigueur à la bibliothèque mais à priori, rien ne l’empêchait de laisser un message dans un livre. Il n’avait pas écrit directement dessus après tout et ces mots étaient tout à fait courtois.  Il voulait juste montrer au mystérieux anonyme que quelqu’un avait lu et considéré ses messages. Il n’y avait pas de mal à encourager un ami lecteur féru de fantastique et de fantasy,  se dit-il pour se rassurer.  Il s’éloigna toutefois du lieu du crime assez rapidement et il attendit que la documentaliste ait fini son rangement pour emprunter « Le réveil analogique. »

Lorsqu’il quitta la bibliothèque, Casey avait momentanément oublié  les problèmes qui l’avaient amenés jusqu’ici. Il ne songeait plus ni à  Sasha, ni à son agression, ni aux moqueries qui avaient émaillé sa cinquième année. Il pensait juste à son nouveau correspondant. Au message  qui trainait dans la poubelle de son dortoir et qu’il allait s’empresser de récupérer.  À cette Pire Party de Poudlard -la soi-disant pire soirée de l’année- qui ne s’annonçait finalement pas si mauvaise le concernant…

Adjectif possessif. Damon n’avait pas entendu cette expression depuis sa plus tendre enfance. Il se revit momentanément dans la salle à manger de la villa de ses parents. Son livre de grammaire ouvert posé sur la table en marbre alors qu’il était occupé à essayer de comprendre la différence entre adjectifs et pronoms possessifs.  Le sourire faussement bienveillant et surtout  désenchanté de sa professeure de soutien ne trompait personne :  Sa patience était incontestablement due au gros chèque que M. et Mme Drop lui signaient à la fin du mois et non pas à ses espoirs de voir son élève progresser un jour.

*Mon, ton, son, adjectifs,  la tienne, le tien, la mienne, le mien, pronoms. Allez, répètes Damon.*

Cette ritournelle, brrr. Rien que d’y penser il en avait des sueurs froides.
Damon avait probablement été sauvé d’une scolarité chaotique grâce à son statut de sorcier. S’il avait continué chez les moldus, il serait probablement devenu le pire des cancres. L’école des non-sorciers était totalement déconnectée de la réalité si bien qu’il avait toujours eu du mal à se projeter sur une utilisation concrète de ce qu’on lui demandait d’apprendre par cœur. La preuve, il avait dû attendre 18 ans pour entendre parler de nouveau d’adjectif possessif ! A Poudlard, il avait découvert des matières qui lui convenaient nettement mieux que la conjugaison ou la grammaire et dans lesquelles il pouvait plus aisément masquer ses vieilles lacunes.  Les potions et la botanique étaient vite devenues ses enseignements de prédilection et il projetait même d’en faire son métier dès sa sortie de l’école.
Si Damon n’avait aucun talent pour la littérature ou le français, il avait incontestablement la bosse des affaires. Avec l’argent de papa et maman (qu’ils ne dépensaient plus en cours particuliers pour leur seul et unique fils) il s’était acheté un local, à Leopoldgrad – rien que ça-  afin d’ouvrir sa future apothicairerie dès cet été. Il avait déjà pris quelques contacts avec des fournisseurs et  parmi eux, un certain John-Francis Fizcoped basé en Irlande.

Ok il ne savait pas accorder l’auxiliaire avoir et il faisait probablement une faute par phrase mais il ressentait une immense fierté et une incroyable suffisance  à l’idée de monter sa propre affaire à 18 ans tout juste. Comme une revanche prise sur sa propre crétinerie.  Ajouter à ça le trafic de mandragore qu’il comptait bien poursuivre à sa sortie de l’école et avec lequel  il allait probablement se faire des kouilles en hor !

Pour le coup, il n’appréciait guère que Moreen Avner le ramène à son statut d’ignare, lui qui était au fond si intelligent et débrouillard. Cela  réveillait de vieilles fêlures enfouies. Malgré lui, ce sous entendu ébranlait sa pleine confiance qu’il s’était construite à grand renfort de pectoraux dessinés, de prouesses sportives et d’humiliation consenties sur des individus plus faibles et plus jeunes que lui. Il n’avait pas  réussi à échapper à l’image du beau gosse sans cervelle. Pire, Moreen estimait même qu’il n’était qu’un vulgaire suiveur, dans l’ombre de Virgil. Faux. Archi faux. Il était le mâle alpha de leur bande, tout le monde le savait voyons !  Damon  était outré que Moreen pense le contraire. C’était lui qu’on regardait, lui qu’on admirait, lui qu’on craignait…

*"Lui ?" pronom possessif ou pronom personnel ? Aargh foutue grammaire !*

Bref, Virgil était trop weird pour endosser le statut de leader de leur groupe et il ne l’avait même jamais revendiqué. C’était surement pour cela que leur amitié avait perduré toutes ses années. Il n’y avait pas eu de combat de coq entre eux.  Virgil était resté à sa juste place. Il n’avait pas cherché à ébranler Damon dans son rôle de meneur. Damon aimait penser que son ami n’avait pas le charisme nécessaire pour endosser cette haute responsabilité mais une petite voix au fond de lui soufflait que si Virgil n’avait pas œuvré pour devenir le chef de leur petite bande c’était uniquement parce qu’il n’en avait jamais eu l’envie.

Hum. Cette version de leur amitié corroborait un peu trop les dires de Moreen aussi Damon la chassa rapidement de son esprit. Il ne tenait pas à se laisser embrouiller le cerveau par une geek lesbienne qui se payait sa figure. Non seulement elle ne remarquait pas sa plastique d’apollon mais en plus elle réveillait  chez lui certains doutes. Faits intolérables.

Blessé dans son égo de puissant mâle alpha, Damon comptait bien mettre un point d’honneur à ce que Moreen Avner ne mette pas un pied sous cette tente.

« Des amis ? Mais quels amis ? releva-t-il lorsqu’elle affirma vouloir rejoindre ses proches à l’intérieur,  Tu parles de ce gosse de 12 ans membre du club des puceaux boutonneux qui est entré tout à l’heure ? » Du pouce, il désigna la tente dans son dos, A moins que tu ne fasses allusion à ta grande amie Williams qui t’aime tellement qu’elle te file des coups de battes. » L’équipe de Gryffondor s’était réjouie de cette altercation qui avait eue lieu entre les joueuses de Serpentard lors d’un entrainement. Le récit de cette bagarre avait fait le tour de l’école. « Dommage qu’elle n’ait pas tapé assez fort, elle aurait pu t’arranger la gueule.»

Remarque parfaitement infondée. Le seul truc vraiment  joli chez Avner était son visage et ses grands yeux verts. Même Damon les avait remarqués…

« C’est vrai, Blair et moi on a encore des trucs à régler avec cette histoire. Mais on a l’avantage d’être honnête l’une envers l’autre. »
*Mwo, so cute. *

Une expression aussi  mièvre que moqueuse se dessina sur le visage de Damon devant tant de bons sentiments. Virgil aurait surement réagi exactement de la même manière. A force de trainer ensemble ils avaient développé les mêmes mimiques et le même vocabulaire, comme s’ils s’étaient mutuellement déteints l’un sur l’autre.

Si être honnête avec ses amis impliquait le fait de se faire édenter par eux, Damon passait son tour, assurément. Et puis, il  ne recherchait pas particulièrement l’honnêteté dans ses relations amicales. Dans leur petit groupe, ils avaient tous des secrets les uns pour les autres et ils ne se disaient pas systématiquement la vérité. La preuve Maeva et Virgil avaient entretenu une liaison cachée et Damon n’état pas le dernier à tromper son petit monde (en l’occurrence, surtout Lisa). Ils avaient tous une part de duplicité parfaitement assumée et tolérée dans le cadre des relations qui les liaient.
Leur amitié n’était peut-être pas aussi noble que celle de Williams et Avner mais Damon s’en accommodait parfaitement. Moreen essayait bien de semer le trouble dans ses relations mais elle choisissait le mauvais angle d’attaque : Bien sûr que ses amis passaient leur temps à le chambrer, à se moquer de lui et à l’humilier. Il existait même une story instamag qui le prouvait : on le voyait chanter « un chaudron plein de passion » à moitié nu autour du terrain de quidditch sous les railleries intarissables de Kasya, Philip et Lisa (pendant que Maeva étaient partis faire Merlin-sait-quoi dans un coin des vestiaires).

Les moqueries et les  méchancetés faisaient partie de leur quotidien. Ils en étaient même fiers.
A contrario, ils se vantaient peu de leurs quelques moments de bienveillance et de gentillesse comme s’il s’agissait d’une tare à camoufler. Pourtant Damon savait faire preuve de compassion mais d’une compassion qui ne dit pas son nom. Pas de celle qui invite à la confidence, non. Celle qui permet d’ avancer, l’air de rien. Il avait par exemple aidé Virgil  à surmonter sa déconvenue avec Nelly sans le contraindre à s’épancher…  

Pas besoin d’honnêteté et d’une complète transparence  pour partager une amitié.

« J’adore, souffla-t-il en croisant ses bras sur son torse, conscient que cette posture mettait en valeur ses biceps, Avner qui me donne des leçons d’amitié. Cette soirée est vraiment pleine de surprise ! »


Moreen était vraiment mal placée pour se prononcer sur ces questions mais elle semblait toujours aussi décidée à pénétrer sous la tente. En effet, elle commença à fouiller dans le fond de sa poche sous le regard méfiant de Damon. Il n’avait pas sa baguette sur lui, il l’avait laissée à l’intérieur et pendant une fraction de seconde il craignit que Moreen utilise la magie pour se frayer un passage. Mais contre toute attente, elle sortit un vulgaire morceau de cuir orné d’une pierre de sa poche et le lui tendit.

Cela ressemblait à ces bracelet que les vendeurs à la sauvette vous accrochaient d’office au poignet avant de vous demander 10£.

« C’est quoi cette merde ? » demanda Damon en l’examinant de plus près. Sans quitter des yeux le bracelet,  il rattrapa Moreen par  le bras d’une main alors qu’elle tentait de pénétrer à l’intérieur, Tu crois quand même pas que tu t’es acquittée de la taxe avec ce truc, Il le suspendit entre eux en le tenant par une extrémité, le deal s’était d’amener à boire ou à manger pas de faire ses  fonds de tiroirs. »

Elle avait surement vidé sa table de nuit en vue des vacances et retrouvé cette horreur coincée au fond depuis sept ans au moins…

"Ca va, Oui, vraiment, je vais bien.  Et puis, c'est la fin de l'année, il n'y a rien de mieux."
« Cool. » répondit Virgil en hochant distraitement la tête.
Il y avait quelque chose d’assez surréaliste dans le fait d’échanger des banalités avec Nelly. Vue de l’extérieur, cette scène n’avait rien d’extraordinaire. Ils étaient semblables à tous les autres adolescents de cette soirée : Deux camarades de classe bavardant  autour d’un bol de chips.  Rien de plus normal.

Pourtant, Virgil pesait chaque mot. L’inflexion de sa voix était maitrisée et les regards en direction de Nelly comptés. Cet échange n’avait rien de spontané ou de naturel. Leur passif était bien trop lourd pour que cette discussion ne soit pas impactée par leur histoire commune. Ils avaient été heureux ensemble et ils s’étaient fait beaucoup de mal, aussi.  Ils avaient besoin de cette approche timide pour renouer, ne serait-ce que le temps d’une soirée.

Quelques mois plus tôt, Virgil n’aurait pas pensé qu’il puisse de nouveau discuter  sereinement avec Nelly mais le temps avait fait son œuvre et il se sentait enfin prêt à apporter un point final à leur histoire commune.

Il aurait pu laisser courir et ne plus jamais lui adresser la parole -après ce qu’elle lui avait fait, cela aurait été légitime- mais il savait aussi qu’il n’était pas complètement innocent. Il avait sa part de responsabilité dans leur rupture,  il devait l’admettre et il était prêt à le faire.  Etrangement.
Si cet exercice ne lui paraissait plus aussi compliqué à envisager c’était en grande partie parce qu’il avait repris le contrôle de sa vie personnelle. Il était passé du  statut de victime de Magpie à celui de maitre-chanteur. Les rapports de forces s’étaient inversés, pour son plus grand bonheur ( et soulagement).  Nelly pouvait bien faire ce qu’elle voulait avec Mildred dorénavant,  Virgil s’en fichait maintenant qu’il avait pris l’ascendant sur la romancière.  Les informations qu’il détenait sur elle lui conféraient une certaine tranquillité d’esprit appréciable. Quand on savait que Magpie avait commandité l’agression de Casey et qu’elle avait œuvré pour que Virgil pense que son petit frère s’était suicidé, il se réjouissait d’avoir réussi à museler la patronne des Folies Sorcières.
Pas sûr que Virgil eut été enclin à la discussion si cette situation avait perdurée mais, ce soir, il était dans de bonnes dispositions. Sa scolarité était sur le point de se terminer, ses projets d’avenir s’annonçaient passionnants. Il était prêt à tourner la page pour entamer une nouvelle vie loin de Poudlard.

« Moi ? Ça va, répondit-il alors que Nelly venait de lui retourner sa question. Il tira une dernière bouffée de cigarette et écrasa son mégot au sol. J’ai signé une promesse d’embauche avec Skye, expliqua-t-il avant d'expirer sa fumée, sous conditions bien sûr, tu connais Stern. Son tuteur pédagogique tenait à s’assurer de son implication totale lors des examens de fin d’année,   Il faut que j’obtienne des O  en DCFM, Sortilèges et Potions aux ASPIC. Pour le coup, Virgil n’était pas trop inquiet. Il avait travaillé exclusivement ces trois matières délaissant totalement toutes les autres pour honorer sa part du contrat et il pouvait affirmer – avec beaucoup de suffisance, comme toujours- que ces épreuves  en question s’étaient très bien déroulées.  Donc, si tout se passe comme prévu, tu as devant toi le nouveau Traqueur de Conscience de Skye. » Il esquissa un imperceptible  sourire avant de laisser échapper un léger rire à l’entente du nom l’ancienne tutrice de Nelly au centre de réhabilitation mémorielle.

« Magda est en pleine forme, Malheureusement pour Virgil qui n’appréciait que modérément sa personnalité excentrique et volubile, la tornade espagnole se portait comme un charme, Elle ne sait toujours pas prononcer mon nom, mais mise à part ça, elle va bien. »  N’est-ce pas ViRRil FoRbès ?

« Et toi alors ? Quels sont tes projets ? » Demanda-t-il, réellement curieux de savoir vers quelle branche se destinait Nelly, Tu continues dans la peinture ? Nul doute qu’elle allait surement intégrer l’académie des arts magiques pour poursuivre sa vie d’artiste maintenant qu’elle était la portraitiste officielle de Magpie. Ton galeriste a surement prévu de t’organiser une expo personnelle non ? dit-il alors en se tournant vers elle. Nelly n’avait pas évoqué Archibald dans cette conversation mais leur relation n’était un secret pour personne aux vues des nombreuses stories de la préfète dans lesquelles Archi apparaissait, J’ai vu que vous étiez ensemble sur instamag, expliqua-t-il avant d’ajouter d’un air taquin, # truelove, # bestboyfriend. »

Il pouvait bien se moquer un peu de son étalage amoureux, conscient que c’était en partie ce qu’il lui avait toujours refusé. Sur ce point là, ils ne pouvaient pas être plus différents l’un de l’autre. Virgil préférait rester secret quand Nelly avait besoin de partager son bonheur. Il ne savait pas ce qui la poussait à agir ainsi mais il était sûr d’une chose la concernant : Elle méritait d’être avec quelqu’un en mesure de lui offrir la relation qu’elle désirait. Il lui avait fallu six mois pour arriver à cette conclusion et mettre de côté cette amertume qui lui pourrissait la vie. Certes, ils s’étaient aimés mais ils avaient été incapables de se rendre véritablement heureux. C'était un fait. Or, Archibald remplissait parfaitement cette mission. Virgil avait intégré cette idée.  Nelly avait beaucoup compté pour lui par le passé et aujourd'hui, il lui souhaitait le meilleur.

« Plus sérieusement, je suis content pour toi, finit-il par dire après quelques instants de silence,  Il a l’air d’être gentil avec toi, lui au moins. » admit-il avec un vague sourire. Le sous-entendu était on ne peut plus clair même si Virgil n’en dirait pas davantage. Ce n’était pas dans sa nature d’admettre ses travers mais Nelly devait savoir qu’il était conscient de sa part de responsabilité dans l’échec de leur relation.

Il lui devait au moins ça.