Permis de rupture [Jalene]

3 février 2011

James avait conduit un peu moins d'une heure, pour quitter la banlieue de Londres - encore trop fréquentée - et s'enfoncer un peu dans la campagne environnante. Il s'était garé sur le bas-côté d'une route droite, déserte, et - il venait de le vérifier en s'installant du côté passager - bordée d'un fossé pas trop profond, au cas où un coup de volant un peu trop brusque les déporterait sur le côté...

"Ok, alors tu peux régler le fauteuil ici, et l'inclinaison là." expliqua-t-il à Marlene en lui indiquant deux endroits distincts. "Puis le rétroviseur." poursuivit-il en passant son bras derrière l'appuie-tête de Marlene pour le descendre drastiquement afin de l'adapter à la taille de sa petite-amie.

Pour la première fois de sa vie, James allait apprendre à Marlene à conduire. Dire qu'il n'était pas serein était un euphémisme - il était véritablement paniqué à l'idée de lui laisser le volant, mais il essayait de ne pas laisser sa nervosité transparaître sur son visage. Il avait promis à sa petite-amie de lui apprendre à conduire - son père avait, quant à lui, refusé (quel homme prudent et sage) - et il comptait bien s'y tenir, même si il devait perdre la vie dans cette mission.

"Bon, ensuite, quelques bases." Il saisit ses mains et les positionna sur le volant. "Les mains à 10h10." Puis, il se pencha. "Pédale de gauche, embrayage, pédale du milieu, frein, pédale de droite, accélérateur. Pour passer les vitesses, il faut que tu appuies sur l'embrayage, évidemment, et que tu changes le lévier de place en fonction de la vitesse que tu veux passer." Il lui désigna les cinq vitesse de la boîte, ainsi que la manière de les passer. "Bon, pour l'instant, le but, c'est juste de démarrer la voiture" Et peut-être que c'était suffisant, pour une première leçon ? "De passer la première, et de rouler un peu, juste pour voir. Ok ?"

Marlene avait le ventre noué de stress alors que James roulait vers la campagne londonienne. Elle allait recevoir sa première leçon de conduite aujourd'hui. Même si elle était à l'origine de cette idée, elle regrettait un peu désormais. C'était toujours plus facile d'en parler que de le faire... L'envie de passer le permis moldu lui était venue à force de voir James conduire : il adorait cela et le faisait souvent lorsqu'ils revenaient chez ses parents, même quand ils pouvaient transplaner. Après tout, c'était une part importante de leur culture moldue... Elle avait eu son permis de transplanage pendant l'été entre la sixième et la septième année (après l'avoir raté deux fois) et s'en était contentée jusque là. La conduite, c'était un tout autre niveau.

James se gara sur une route de campagne (elle aurait préféré un parking mais ne dit rien) et elle détacha sa ceinture pour monter du coté conducteur. C'était la première fois qu'elle était installée là, cela faisait bizarre. Elle actionna les petites manettes désignées par James pour régler le siège de sa voiture. Elle était à deux kilomètres du volant, il était bien plus grand qu'elle. Il positionna ses mains sur le volant et elle résista à l'envie de lui envoyer un sourire (ce n'était pas le moment de minauder) et elle écouta attentivement toutes ses consignes comme la bonne élève qu'elle était.

- Attends, attends, redis-moi. Accélérateur pédale de gauche... Non de droite. Olalala et si elle se trompait pendant qu'ils roulaient ? Elle psalmodia l'emplacement des commandes pendant quelques secondes pour être sûre de bien les retenir. Passer les vitesses, d'accord. Passer les vitesses en appuyant sur l'embrayage. Démarrer, passer les vitesses. Ok. Ok, répéta-t-elle. Elle tourna la clé dans le neiman et la voiture de James gronda. Alors... Elle appuya sur l'embrayage et se battit un peu avec la boite de vitesse qui grinça pour passer la première. Elle adressa un sourire ravi à son petit-ami. Et ensuite... accélérer.

Marlene enleva son pied de l'embrayage pour accélérer et la voiture rugit tout en faisant un petit bond en avant. Immédiatement, elle poussa un petit cri et lâcha le volant et les pédales, alors que la voiture s'éteignait et qu'un petit voyant rouge s'allumait.

"Embrayage, frein, accélérateur." répéta James avec patience, avant de laisser sa petite-amie se concentrer sur les trois pédales pour mémoriser leur place.

Avec le temps, cela devenait instinctif ; cela faisait bien longtemps que James ne se demandait plus avec quel pédale il devait freiner lorsqu'il était en train de conduire - encore heureux - mais il se souvenait de ses premières heures de conduite, et de la sensation qu'il avait ressenti lorsqu'on lui avait mis, sous les pieds, des pédales capables de faire avancer un véhicule aussi lourd. Les sorciers pouvaient dire ce qu'ils voulaient de leurs balais volants, mais c'était définitivement une toute autre histoire de conduire une voiture !

"Ok, parfait ça !" l'encouragea le jeune homme alors que Marlene lui lançait un sourire ravi après avoir réussi à positionner le levier de la boîte de vitesse sur la première. "Alors maintenant il faut accélérer et débrayer dou..." Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que Marlene avait déjà accéléré un grand coup en relâchant aussi vite la pédale d'embrayage. Sans grande surprise, la voiture fit un bond en avant et cala, ce qui arracha un cri de surprise à sa petite-amie, qui lâcha le volant. James se retint de rire et tourna la clé pour éteindre le contact.

"Doucement. Il faut débrayer doucement." reprit-il. "C'est rien de caler, t'inquiète, tout le monde cale au début, c'est normal." dit-il pour la rassurer. "Donc. Ce que tu fais, c'est que tu vas passer la première. Ensuite, tu laisses ton pied gauche enfoncé sur l'embrayage, et tu le retires tout doucement. Vraaaaaiment très doucement. En même temps, tu vas donner un peu d'accélération à la voiture, mais pareil, tu appuies tout doucement, presque juste du bout du pied, ok ? Tout est une question de dosage." expliqua James, prenant très à coeur son rôle de moniteur d'auto-école.

Marlene avait gardé les mains en l'air suite au gros bruit émis par la voiture, comme si cette dernière allait s'en prendre à elle. Elle avait eu peur, elle avait été surprise et son coeur battait encore un peu la chamade. James, lui, ne paraissait pas paniqué pour si peu. Alors qu'il éteignait le contact, Marlene se lança dans des justifications un peu fébriles.

- J'ai juste accéléré, je ne comprends pas !

Apparement, il fallait lâcher la pédale d'embrayage avec plus de douceur, bon. Il lui redonna les consignes doucement et elle souffla un bon coup. Ce ne pouvait pas être si compliqué que cela, non ? Tout le monde le faisait. À peu près tout le monde. Donc appuyer sur l'embrayage, passer la première, enlever le pied de l'embrayage tout en accélérant. Ok. C'était comme jeter un sortilège complexe, elle pouvait le faire. Marlene passa donc la première, ce qui fit encore une fois grincer douloureusement la boite de vitesse (il était normal, ce bruit ?) et elle commença à accélérer tout en relevant doucement son pied, son genou remontant vers le volant. La voiture commença à avancer doucement sur le bas coté.

- Ça marche ! s'exclama-t-elle. Sans qu'elle ne sache pourquoi, la voiture ne fit que trente centimètres avant de caler de nouveau. Mais !

"Allez, recommence, je suis sûr que ça va le faire cette fois." lança James en vérifiant discrètement que leurs ceintures de sécurité étaient correctement bouclées - il était seulement prudent !

Il grimaça en écoutant sa boîte de vitesse hurler à la mort alors que Marlene forçait la première - il n'y avait pas d'autres mots, elle ne lui avait sûrement pas demandé son consentement à être traitée de la sorte #boîtedevitessetoo. Bon, il lui dirait de bien veiller à appuyer sur la pédale d'embrayage la prochaine fois. Pour l'instant, il se concentra sur ce qu'elle faisait actuellement - à savoir tenter de faire avancer la voiture de quelques mètres...

... Ce qui se révéla être une brève réussite, suivie d'un échec cuisant. Bon. James coupa une nouvelle fois le contact pour revenir au point mort, un sourire en coin.

"Deux choses. Déjà, appuies à fond sur la pédale d'embrayage, parce que tu assassines ma boîte de vitesse à chaque fois, et que mon coeur se brise en morceaux quand je l'entends hurler." Il eut un bref éclat de rire, puis reprit : "Bon, c'était pas mal ! Le truc, c'est que tu manques ce qu'on appelle le point de patinage. En fait, tu accélères pas suffisamment et tu relâches toujours trop vite ton embrayage. C'est juste une habitude à prendre, t'inquiète. Il suffit d'accélérer un peu plus." Il ralluma le contact, repositionna correctement les mains de Marlene sur le volant. "Allez, recommence une fois ?"

Marlene n'aurait pas pensé que c'était si complexe de faire rouler une voiture. Ça paraissait simple au quotidien, elle n'avait jamais vraiment fait attention aux gestes que pouvaient faire James ou son père lorsqu'ils prenaient le volant. Lorsqu'elle cala de nouveau sans comprendre pourquoi, il coupa le contact et elle eut un soupir dépité.

- Mais j'appuie ! protesta-t-elle quand il signala que sa boite de vitesse souffrait.

Il était vrai qu'elle faisait un drôle de bruit mais ce n'était peut-être pas sa faute... Il lui redonna les consignes à suivre et positionna de nouveau ses mains sur le volant. Elle redressa bien le dos, concentrée. Elle pouvait le faire franchement, il ne s'agissait que de démarrer. Qu'est-ce que cela serait lorsqu'il faudrait vraiment conduire ?


La voiture roulait. Tout doucement, avec quelques petits à-coup parfois lorsque Marlene relevait trop le pied de la pédale d'accélération ou au contraire, pesait un peu plus sur sa cheville, mais la voiture roulait. Les mains crispées sur le volant, elle souriait néanmoins, ravie.

- C'est pas si compliqué en fait, lança-t-elle, occultant de son esprit les dernières vingt minutes. Malheureusement, sa satisfaction fut de courte durée puisque le véhicule commençait à se déporter vers la droite. Oh no, oh no, oh no, qu'est-ce que je fais ? Elle tourna brusquement le volant vers la gauche, la voiture suivant le mouvement, ce qui lui arracha un nouveau cri. Face au fossé qui se présentait à toute vitesse devant eux (environ quatorze kilomètres heures), elle retourna le volant dans l'autre sens comme dans une auto-tamponneuse. J'arrive pas à rester droite !

Bon, cela n'avait pas été facile, mais Marlene avait réussi à démarrer. James commençait à perdre légèrement patience - surtout parce que sa petite-amie était d'une mauvaise foi légendaire et qu'elle accusait sa voiture de tous les maux, alors qu'il persistait à lui dire que c'était de sa faute si sa boîte de vitesse grinçait. Mais elle avait réussi, et il sentait l'espoir revenir peu à peu dans l'habitacle.

Ils avançaient aussi vite qu'un escargot fatigué, mais au moins, ils avançaient. C'était souvent le plus difficile, après tout. Aussi, James se mit à espérer que le reste de la séance serait un jeu d'enfant pour la jeune femme. Cet espoir fut bien vite abandonné lorsque la voiture se déporta significativement sur la droite et que, pour corriger la trajectoire, Marlene donna un grand coup de volant vers la gauche.

"Ahhhhhh, mais ne tourne pas autant le volant !" s'écria James alors qu'elle tournait à nouveau à droite, et qu'ils avançaient résolument vers le fossé. "Tourne, tourne tourne !" fit James en ouvrant grand les yeux - ça y est, ils allaient mourir. "Non, non, pas autant, pas autant !"

Il avait l'impression d'être dans un parc d'attraction et de conduire une auto-tamponneuse - et encore, il pensait être capable d'être un meilleur pilote de fête-foraine. Il prit le volant des mains de Marlene pour rectifier la trajectoire, et les remit droit sur la route. "Il ne faut pas tourner autant le volant, sauf si tu veux tourner à 90 degrés..." plaisanta James. "Tu peux corriger la trajectoire, mais doucement, comme ça." fit-il en lui montrant. "Vas-y, essaie." acheva-t-il en retirant ses mains du volant.

Les exclamations de James n'aidaient pas Marlene à se concentrer. Elle ne voulait pas aller autant à gauche mais la voiture n'en faisait qu'à sa tête ! Stressée par les cris, elle tourna le volant une nouvelle fois et la voiture se déporta, encore une fois vers le fossé. Mais pourquoi est-ce qu'il y avait un fossé des deux côtés ?! Quel était l'intérêt des fossés ? Ils ne pouvaient pas mettre un champ tout simplement ?

- Mais je tourne ! s'exclama-t-elle d'une voix aiguë à l'adresse de James. Aaaaaah ! répondit-elle quand il cria de ne pas tourner autant. Il disait "tourne !", elle tournait !

Le fossé se présentait de nouveau à eux et la voiture y allait à pic. Elle résista à l'envie de lâcher le volant pour se cacher les yeux, ce qui ne lui apparaissait pas comme la meilleure des solutions. Heureusement, James attrapa le volant pour redresser la voiture, les remettant droit sur la route. Marlene avait le coeur qui battait à toute allure. Elle n'était pas censée savoir, elle, comment on tournait le volant, elle n'avait jamais conduit... Son petit-ami lui rendit le volant pour qu'elle essaye et elle n'eut pas le temps de protester qu'il le lâchait déjà.

- Non, je...

Cette petite expérience lui avait passé l'envie de conduire pour la journée. Elle reposa les mains dessus, à contre-coeur, les bras crispés pour ne plus bouger de la route.

- On arrête pour aujourd'hui ? s'empressa-t-elle de suggérer. Je vais m'arrêter, attends...

Mais au lieu d'enfoncer à fond la pédale de frein - elle enfonçait toutes les pédales à fond maintenant, comme celle de l'embrayage - elle se trompa et appuya fort sur l'accélérateur. La voiture fit un bond en avant assez impressionnant, dans un bruit de moteur. Immédiatement, elle changea de pied, les faisant piler de toutes ses forces en plein milieu de la route.

Son coeur cognait fortement dans sa poitrine, alors que, doucement, l'impression de mort s'éloignait. Lorsque Marlene suggéra d'arrêter pour aujourd'hui, James hocha vivement la tête.

"O..." commença la jeune homme, avant que la voiture fasse un bond en avant. "...oooooo..." Puis, la voiture pila sur place, projetant James en avant. Ils s'immobilisèrent enfin. "...ok." Il tira le frein à main, indiqua à Marlene de revenir au point mort, et, lorsque cela fut fait, coupa le contact. Les deux amoureux échangèrent de place, et James prit quelques instants pour régler son assise et ses rétroviseurs. Il démarra la voiture, et, en quelques manoeuvres, ils étaient partis en direction de la maison des parents de James.

"Mon amour ?" fit James, l'air de rien. "Avant ta deuxième leçon, on devrait songer à faire nos testaments."

8 février

Pour cette deuxième leçon, James avait emmené Marlene sur le parking d'un grand supermarché, vide en ce dimanche. Il n'y avait personne, et pas de fossé meurtrier sur l'un ou l'autre côté de la route.

"Bon, maintenant que tu sais à peu près démarrer, il va falloir qu'on se concentre sur le fait de tourner le volant. Donc. Tu vas démarrer, rouler jusqu'à l'arbre là-bas, tourner autour, et revenir ici." Il hésita. "Et euh... Marlene ? Prends large, autour de l'arbre, hein."

Marlene était celle qui avait demandé à apprendre à conduire mais après le déroulé de la première leçon, elle n’était plus si certaine. Il ne s’était rien passé de particulier mais la conduite semblait difficile et surtout, terrifiante. Elle avait voulu le faire avec James car l’auto-école était très chère mais le fait qu’il ne puisse pas contrôler la voiture était peut-être un peu effrayant. Finalement, le transplanage, c’était bien... Mais après en avoir parlé à son amoureux, ce dernier avait assuré que tout allait bien se passer. Ils s’étaient donc rendu sur un parking désert, un dimanche de bon matin, pour faire quelques manoeuvres. Crispée comme un Botruc sur sa branche, elle s’était installée à la place du conducteur. Tourner autour de l’arbre. Cela devrait pouvoir se faire, non.

- Mais ouiiii, dit-elle quand il lui suggéra de prendre large autour de l’arbre. Bon. Démarrer.

Tourner le contact, check. Passer la première en appuyant sur l’embrayage, check. Appuyer sur l’accélérateur tout en relevant le pied de l’embrayage, check.
Caler, check.

La voiture s’immobilisa dans un soubresaut et Marlene fronça les sourcils.

- Attends, je recommence !

Et après deux autres calages et « Attends, James, je te dis que je recommence, laisse-moi faire ! » sonores, ils roulaient doucement sur le parking. Marlene s’approcha à une belle distance de l’arbre et tourna le volant une fois qu’elle l’eut largement dépassé de cinquante mètres. Sa courbe fut assez incertaine mais elle se retrouva en parallèle de l’arbre. Concentrée, elle tourna une nouvelle fois le volant, cinquante mètres après. Elle finit par revenir à cent mètres du point de départ, après avoir fait une sorte de rectangle.

- Hé, c’était bien hein ?

Si James avait toujours eu une confiance aveugle en Marlene, il commençait à se demander sérieusement s'il n'allait pas remettre en question ce jugement, depuis qu'il lui avait mis un volant dans les mains. C'était particulièrement angoissant pour lui d'être assis sur le siège passager, sans avoir accès aux pédales. D'ailleurs, il était fréquent qu'il suive, inconsciemment, avec ses pieds, les accélérations de la voiture, comme si cela lui donnait un pouvoir quelconque dessus.

Aussi, autant pour rassurer Marlene que pour les maintenir tous les deux en vie, cette leçon sur un parking désert lui semblait être une très bonne idée. Au moins, il n'y avait de fossé - juste quelques arbres relativement éloigné les uns des autres. Arbre autour duquel James proposa justement à Marlene d'axer l'exercice suivant, à savoir tourner le volant correctement pour maîtriser la trajectoire de la voiture. Après plusieurs démarrages ratés et quelques "Mais il faut appuyer plus fort sur l'embrayage !", la voiture se mit en marche pour dessiner un... rectangle.

Devant l'enthousiasme de Marlene, James ne put s'empêcher de retenir un sourire : "C'était pas mal ouais !" répondit-il. Il ajouta : "Faut juste qu'on travaille la précision. Non mais parce que tu comprends, si on doit faire changer tous les ronds-points en rectangle, ça va être sacrément pénible, et très mauvais pour le tourisme..." Un sourire en coin malicieux étira ses lèvres. "Donc, maintenant, tu vas essayer de faire quelque chose de circulaire autour de cet arbre."

Marlene se sentait toute fière avec cet exercice réussi sans trop de difficulté. Les mauvaises langues auraient pu dire que tourner autour d’un arbre n’était pas bien difficile, elle, elle préférait se concentrer sur ce qui était bien. Premièrement, elle n’avait pas percuté l’arbre. Ensuite, elle n’avait pas calé pendant qu’elle faisait rouler la voiture, ce qui était sûrement la première fois. Elle semblait progresser à vitesse grand V. Rayonnante, elle adressa un sourire réjoui à James qui la félicitait. Sa blague sur les ronds-points - ou plutôt, les rectangles-points - lui tira un rire et elle secoua la tête.

- T’es bête.

Elle tendit la main pour lui effleurer la joue et se pencha vers le siège passager pour lui voler un baiser. Avec un peu de chance, peut-être qu’ils ne se crieraient pas dessus du tout, cette séance !

- Ok, faire un rond... Je peux le faire. Allez.

Elle repassa la vitesse avec précaution, sans faire crier la boite de vitesse car elle enfonça bien l’embrayage - regard lourd de sens à James, regarde comment je traite bien ton levier de vitesse - et redémarra doucement. Elle était un peu loin de l’arbre aussi s’efforça-t-elle de s’en rapprocher un peu. Premier côté d’accord, touuuurneeer... Elle était encore loin, et son mouvement avait été assez carré. Elle tourna un peu plus le volant alors qu’elle accélérait machinalement et se retrouva soudain proche de l’arbre. Très proche. Trop proche ?

Il y eut un « poc » alors que le rétroviseur coté conducteur se refermait brusquement, repoussé par l’écorce de l’arbre. Surprise par le bruit, Marlene poussa un cri et freina fort. Ils continuèrent deux mètres, le rétro fermé frottant tout du long, la carrosserie échappant de peu au même traitement. Marlene tourna un visage contrit vers son petit-ami.

- Je crois que j’ai effleuré l’arbre...

En théorie, tracer un rond autour d’un arbre n’était pas une tâche compliquée à réaliser. James, avant d’emmener Marlene conduire pour la première fois, avait d’ailleurs longuement réfléchi à ce qu’il pouvait lui demander de faire, quelques gestes simples qu’elle maîtriserait rapidement, pour qu’elle ait confiance en elle. Mais il s’était peut-être un peu trop avancé sur les talents de sa petite-amie au volant d’une voiture. Il se garda donc de lui répondre, mais lui envoya tout de même un sourire un peu encourageant.

Ils redémarrèrent sans caler – ce qui était une petite victoire pour Carter-Conduite (oui, il venait d’ouvrir une auto-école imaginaire – et se dirigeaient très doucement mais sûrement vers l’arbre. Bon, le cercle était encore un peu carré – allez, une patate carrée peut-être – mais c’était déjà mieux que le premier essai… Cette pensée lui traversa fugacement l’esprit, avant que la voiture n’accélère.

« Marlene ! L’arbre ! » s’exclama-t-il en regardant, impuissant, la vie défiler devant les phares de sa voiture.

Le bruit de l’écorce contre son rétroviseur retentit dans tout l’habitacle alors que Marlene enfonçait la pédale de frein. James ne dit pas un mot – son air catastrophé parlait parfaitement pour lui. Depuis qu’il avait son permis, il n’avait pas rayé sa voiture une seule fois. Pas une seule ! Le seul dommage à déplorer était le pare-choc arrière de sa voiture, un peu enfoncé, car un automobiliste lui était rentré dedans dans un embouteillage en banlieue de Londres.

« Marlene. Rebecca. Barclay. » énonça-t-il lentement. « Tu viens de faire quoi au juste ? » Il sentait, doucement, sa patience s’effriter. « Il y a un arbre au milieu de ce parking. Un seul arbre ! Le but c’était de tourner autour, pas de lui rentrer dedans ! »

Marlene se crispa en entendant le ton de James se durcir. Il avait utilisé son nom complet. C’était même pire que lorsqu’il l’appelait « Barclay. » Il s’énerva et elle se rapetissa un peu dans son siège comme si cela allait annuler sa faute. Elle comprenait bien qu’il soit fâché mais c’était un accident, elle ne pensait pas que l’arbre était si près ! D’ailleurs, depuis quand était-il si près ?

- Je n’ai pas fait exprès ! protesta-t-elle d’une petite voix.

Lui proposer un bisou magique n’était sûrement pas le meilleur moyen de régler ce problème. Elle se détacha et ouvrit la portière de la voiture pour qu’ils puissent aller constater les dégâts. Le rétro était encore attaché à la voiture mais on voyait bien que l’attache avait souffert. Quant à la peinture... Ce n’était même pas la peine d’en parler : une longue griffure défigurait la pièce. Face à la contrariété de James, Marlene tenta :

- Peut-être avec un reparo... ? C’est pas si grave... ?

James était un jeune homme patient. Demandez donc à ses proches, et tous vous répondront la même chose. Il n'avait pas volé sa place chez les Poufsouffle, et aucune autre maison ne lui correspondait aussi bien que celle où la bienveillance était une des valeurs primordiales.

Mais, s'il y avait bien une seule personne sur terre capable d'épuiser la patience de James bien plus rapidement que n'importe qui d'autre, c'était définitivement Marlene Barclay, surtout lorsqu'elle avait le volant de sa voiture entre ses mains, et qu'elle venait de l'amputer quasiment d'un rétroviseur. Et, à sa décharge, l'inverse était aussi parfaitement vrai : James était capable d'insupporter Marlene en quelques poignées de secondes. Parfois, parce qu'il faisait quelque chose de véritablement stupide par inattention - il n'avait vraiment pas fait exprès de passer son chemisier préféré au sèche-linge, il s'était simplement glissé dans la machine - et parfois parce qu'il était... Simplement là.

"Mais Marlene, tu avais le volant entre les mains. C'est toi qui contrôle la trajectoire de la voiture !" répondit James en suivant sa petite-amie à l'extérieur pour contempler les dégâts.

"Humpf, non." grommela le jeune homme en passant son doigt sur la rayure profonde. "On ne peut pas utiliser de magie sur les appareils moldus comme ça, ça perturbe le fonctionnement." lui rappela-t-il. Et il préférait encore faire quelques réparations de carrosseries plutôt que de voir changer le moteur de sa voiture.

James passa une main lasse sur son visage, avant de la poser sur l'épaule de Marlene, qu'il observa très sérieusement.

"Mon dieu, on ne va pas faire de toi une pilote de compétition." affirma-t-il gravement. "Mais je n'abandonnerai pas ma mission. Allez, on remonte. Aujourd'hui, on va se contenter de faire des lignes droites." Et c'était déjà peut-être pas mal.

Évidemment Marlene se sentait coupable de ce qui était arrivé à la voiture de James, voiture qui avait malencontreusement frotté contre cet arbre. Mais est-ce qu’elle se sentait responsable ? Pas complètement. Après tout, elle n’était qu’une jeune conductrice, James l’emmenait dans des endroits où il y avait des arbres et lui demandait de tourner autour, pour sa deuxième leçon de conduite. C’était un peu chercher les problèmes, quand même.

- Ce n’est pas si facile ! protesta-t-elle lorsqu’il lui rappela que c’était elle qui contrôlait la voiture.

Si cela l’était, il n’y aurait pas besoin d’auto-écoles ! Bras croisés sur sa poitrine, elle observa son petit-ami qui passait son doigt sur la rayure - elle était plutôt moche tout de même - comme si cela allait l’effacer. En plus pas possible de la réparer avec un sortilège, ce qui n’était quand même pas pratique, elle savait que cela coûtait cher d’aller dans un garage... Il posa une main sur son épaule avant de déclarer, d’un air très grave, qu’il n’allait pas abandonner sa mission et qu’ils allaient reprendre la leçon. Marlene ne put s’empêcher de faire une grimace.

- Tu es sûr ? Peut-être que... Peut-être que je devrais prendre des leçons avec un vrai moniteur... ?

Elle ne critiquait pas le talent de James en conduite, c’est juste que... Peut-être que les conseils d’un professionnel seraient utiles.

Si, c'était aussi facile, songea James un peu dépité en détournant définitivement le regard de son rétroviseur profondément raillé. En tout cas, il ne se souvenait pas avoir eu autant de difficultés lors de son apprentissage de la conduite - du moins, pas au moins d'aller emboutir le seul arbre à des kilomètres à la ronde.

Mais James étant ce qu'il était - à savoir un jeune homme patient, persévérant, et surtout très amoureux - il remisa dans un coin de son esprit cette contrariété pour se concentrer sur sa petite-amie, qui semblait perdre espoir. Bon, il n'était pas dit que Marlene serait une excellente conductrice, mais elle obtiendrait son permis de conduire, il en faisait le serment. Il savait bien que ses amis sorciers n'avaient aucune raison de passer un tel examen puisqu'ils pouvaient transplaner à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, mais l'intégralité de la famille Carter était moldue, et il aimait la possibilité de garder, autant qu'il le pouvait, un lien avec elle. Passer son permis de conduire l'avait rapproché de son père, par exemple, qui avait toujours un peu de mal avec le monde de la magie qu'il ne parvenait pas à appréhender.

"Attends quoi ?" réagit James à la proposition de Marlene. "Comment ça ?" Il fronça les sourcils. "Tu remets en question mes capacités de moniteur, Marlene Barclay ?" Il secoua la tête. "Je suis déçu."

Un sourire étira ses lèvres avant qu'il ne pose une main sur l'épaule de sa petite-amie.

"Si tu prends des leçons avec un vrai moniteur, tu vas ruiner l'intégralité de ta famille." lâcha-t-il avec un rire. "Crois-moi, je suis ta meilleure option pour ne pas t'endetter sur vingt ans. Bon allez, le plus important, c'est de ne pas rester sur un échec." affirma le jeune homme. "Remonte, on va faire des lignes droites..."

... A dix kilomètres heure.

Comme elle aurait pu s’en douter, James ne fut pas très convaincu par sa proposition de faire appel à un vrai moniteur. Marlene eut même l’impression qu’il était un peu vexé. Elle n’avait pas l’intention de heurter ses sentiments mais comme visiblement, elle s’entêtait à heurter sa voiture...

- La plupart des gens apprennent avec un moniteur, fit-elle remarquer. Ils ont fait une fac de moniteurs !

Ou du moins, elle l’imaginait. Heureusement, James n’était pas si facilement offensé puisqu’il posa sa main sur son épaule en évoquant un argument plutôt intéressant. L’argent. Elle s’était renseignée pour passer le permis dans une école, déjà, pour information, et effectivement, c’était une ruine. Pas certaine que son père accepte de payer pour cela, lui qui lui versait déjà une pension pour l’aider à vivre à côté de ses études et des gardes très peu payées de Sainte-Mangouste... Elle soupira lorsqu’il l’invita à remonter en voiture pour faire des lignes droites. Elle se positionna devant la portière avant de lui signaler, par dessus le toit de la voiture.

- On devrait peut-être envisager de louer un véhicule à double-commande, quand même. Parce que quand on va commencer à rouler en ville, j’envisage vraiment qu’on décède.

James n’était peut-être pas le meilleur moniteur de conduite de l’Angleterre – il en convenait bien volontiers, puisque ce n’était pas son métier – mais il se débrouillait quand même plutôt bien. Preuve en était : Marlene et lui étaient encore en vie… Et encore ensemble ! James estimait faire preuve d’une patience remarquable – légèrement entachée lorsque sa petite-amie rayait l’intégralité de sa carrosserie contre le seul arbre de l’immense parking sur lequel ils roulaient.

Marlene ne semblait pas de cet avis, puisqu’elle émettait l’idée de faire appel à un vrai moniteur d’auto-école. En soit, la suggestion n’était pas mauvaise et, si James fit mine de s’en offusquer, ce fut en réalité un aspect tout autre qu’il mit en avant : la question financière. Passer son permis de conduire coûtait cher. Non, pas seulement « cher » : James avait eu l’impression de vendre un rein lorsqu’il avait passé le sien, quelques années plus tôt. Et pourtant il n’avait pas fait beaucoup d’heures de conduite, puisque que ses parents s’étaient relayés pour le faire conduire (ce qui avait déclenché des disputes mémorables). Le jeune homme ne pouvait pas évaluer très précisément la conduite de sa petite-amie mais il lui paraissait impossible qu’elle obtienne son permis de conduire sans passer plusieurs très longues et très chères heures en compagnie d’un moniteur.

Marlene sembla sensible à cet argument, puisqu’elle esquissa un geste pour remonter dans la voiture, avant de lancer une dernière remarque, que James approuva d’un bref hochement de tête.

« Deal. Tu remontes dans cette voiture aujourd’hui et on regarde comment louer une voiture à double-commande en rentrant. » Il se glissa sur le siège passager, un sourire aux lèvres : « En attendant qu’on en ait une, je te remercierai d’éviter de nous tuer sur ce parking. »

13 mai 2011

James et Marlene roulaient plutôt tranquillement sur la M4, à l’ouest de Londres. Ils venaient de dépasser Maidenhead, dans le sens Londres-Bristol. Et c’était Marlene qui conduisait. Ils avaient continué leurs leçons de conduite depuis le mois de février, avec la plupart du temps une voiture à double-pédales. C’était à la fois plus rassurant, parce que James pouvait contrôler la voiture, et en même temps plus pesant financièrement, surtout vu la caution qu’ils engageaient à chaque fois. Ils n’avaient jamais eu de problèmes jusqu’ici. Quelques frayeurs, mais pas d’accidents ! Et Marlene avait pu véritablement progresser. Déjà, elle pouvait avancer désormais. Elle pouvait tourner autour des arbres sans les percuter, ce qui était plutôt bien. Ils avaient conduit un peu en ville, mais pas trop car elle était terrifiée.

Et aujourd’hui, ils roulaient sur l’autoroute. Avec la voiture de James, qui n’avait plus aucune trace de leur accident. Son père lui avait payé les réparations. Nicholas avait même eu une petite remarque désolée à l’égard de son petit-ami façon « Vraiment désolé de ce que tu dois endurer » , ce que Marlene avait trouvé plutôt vexant, à vrai dire. Elle n’était pas si mauvaise en conduite. Elle roulait à 110 kilomètres heures et tout allait bien. Environ. Elle tourna la tête vers James, qui avait l’air un tantinet crispé.

- Tu as vu ? Tout se passe bien ! Personne ne meurt !

Marlene avait fait des progrès. Elle parvenait à démarrer - sans caler, la plupart du temps - passait ses vitesses sans faire hurler la voiture, pouvait rouler droit et même tourner autour d'un arbre sans rentrer dedans ce qui était une grande avancée lorsqu'on se remémorait ses premières leçons de conduite. Car, malgré des débuts un peu désastreux, ils avaient persévéré dans cet apprentissage délicat qu'était la conduite. Ils avaient, en effet, loué à plusieurs reprises une voiture à double-commande (ce qui les rassurait tous les deux), et avaient fait plusieurs sorties : sur des routes qui n'étaient pas très fréquentées, dans des villages où il n'y avait pas beaucoup de passage, en centre-ville - même si la jeune femme détestait ça et qu'elle se figeait parfois en plein milieu de la route pour laisser la priorité à quelqu'un qui ne l'avait pas.

Aujourd'hui, ils étaient partis, avec la voiture de James, prendre l'autoroute en direction de Bristol. Les doigts de James s'étaient un peu resserré sur la poignée de sa portière à l'approche de la voie d'insertion sur l'autoroute. Marlene roulait à une vitesse correcte, elle avait mis son clignotant... Elle jeta un coup d'œil dans ses rétroviseurs ; James, saisit d'un pressentiment qui se confirma bien vite, tourna la tête pour vérifier l'angle-mort. Et, en effet, Marlene s'engagea dans la voie sans le contrôler au préalable. Comme ils ne risquaient pas de mourir - auquel cas, il aurait sûrement crié quelque chose comme "STOP" ou "ATTENTION Y A UNE VOITURE" - James resta silencieux et la laissa faire sa manœuvre, mais ne put retenir une grimace un peu crispée. Le commentaire jovial de sa petite-amie lui fit tourner la tête.

"Personne ne meurt... Cette fois-ci." fit remarquer James en désignant du menton la route. "T'as pas contrôlé ton angle-mort." Mais, comme ce n'était pas le cas et que James était un homme heureux d'être en vie, il ajouta : "Mais sinon c'était bien !" Il s'appuya contre son fauteuil : "Bon, tu nous conduits jusqu'à Bristol et moi je fais une petite sieste ?" proposa-t-il en coulant un regard vers Marlene, qui veillait à bien garder ses mains à 10h10.

Comment ça, cette fois-ci ? Personne ne mourait tout court ! Elle avait bien mis son clignotant, elle avait regardé ses rétroviseurs et elle s’était insérée de manière à peu près fluide. C’était très bien ! Un peu outrée de ne pas recevoir les louanges qu’elle attendait, elle tourna la tête vers James.

- Mais j’ai regardé dans les rétros ! protesta-t-elle.

Elle ne comprenait pas le principe de l’angle-mort. Quel était l’intérêt de laisser un angle-mort sur les voitures ? On ne lui ferait pas croire qu’il n’y avait aucun moyen d’installer un autre rétroviseur, qui prendrait en compte ce fameux angle. C’était vraiment chercher les ennuis, si on lui demandait son avis. Heureusement que son petit-ami la complimenta ensuite, ce qui lui tira un sourire réduit. Elle sentait elle-aussi qu’elle avait véritablement progressé. Tout d’abord, elle roulait à peu près droit et paniquait un peu moins. La preuve, elle roulait sur l’autoroute et tout se passait plutôt bien. La remarque de James la fit rire, alors qu’il faisait mine de s’installer confortablement.

- Ça y est, tu me considères comme une grande conductrice ?

C’était peut-être ambitieux, surtout qu’elle fatiguait vite. Elle n’avait pas l’habitude de faire de grands trajets. Une voiture vint s’insérer juste devant elle, dans son bel écart de sécurité, et elle fronça les sourcils. Elle freina un peu fort. Elle avait encore du mal à doser un peu.

- En vrai, je n’aime pas trop conduire.

Cela faisait peur, elle était toute tendue et c’était fatiguant.

"Oui," approuva James avec patience, "mais dans tes rétros, tu ne vois pas ton angle mort." argua-t-il. Soucieux d'encourager sa petite-amie, il rajouta : "Mais tu vas voir, à la fin ça deviendra un réflexe !"

Du moins, il l'espérait. Il ne pouvait pas dire que Marlene était mauvaise conductrice, parce qu'elle ne conduisait pas depuis très longtemps, mais une chose était sûre - et n'était pas très étonnante non plus - la jeune femme était très anxieuse au volant. James pouvait l'entendre : lui non plus ne faisait pas le fier, lorsqu'il avait commencé les leçons de conduite, mais il lui semblait que Marlene était à un stade encore supérieur au sien. Ce qui, lorsqu'on comparait leurs caractères respectifs, faisait sens.

"Absolument." lança-t-il toutefois avec une petite pointe d'ironie dans ses paroles. "Je pense que l'élève va dépasser le maître."

Bon, c'était peut-être un peu ambitieux de dire ça - bien que l'autoroute soit un lieu où il était relativement facile de conduire, donc le trajet du jour n'inquiétait pas trop James. Lorsqu'ils conduisaient en ville, les choses étaient un peu complexes - entre les trottoirs, les piétons qui traversaient n'importe comment, les rues étroites et pavées, les nombreux panneaux qui régulaient la circulation, les obstacles et les pièges étaient nombreux.

"C'est normal, tu viens de commencer." fit remarquer James après le commentaire de Marlene. "Mais une fois que tu seras à l'aise, tu te sentiras sûrement beaucoup mieux." lui assura-t-il. "Et en plus, c'est pratique d'avoir le permis. Bon évidemment il y a le transplanage, mais dès que tu veux te déplacer avec des moldus..." Un sourire de James s'étira sur ses lèvres : "En plus, les enfants détestent transplaner, alors si on a des enfants un jour, tu seras peut-être très heureuse de pouvoir conduire toi-même plutôt que d'appeler le magicobus."

Marlene était un peu frustrée que son insertion sur l’autoroute ne soit pas parfaite, elle qui en avait été si fière. Fichu angle mort. James disait que cela allait devenir un réflexe et elle l’espérait, parce qu’elle y pensait véritablement une fois sur trois. Mais son petit-ami était toujours là pour la soutenir et l’encourager, alors il s’empressa de la complimenter de nouveau, ce qui lui tira un sourire.

- Et en plus, moi, tu ne me pourras me dire de ralentir, souligna-t-elle avec humour. En effet, elle avait plutôt tendance à rouler trop doucement, un peu effrayée par la vitesse. Elle s’était déjà fait klaxonner plusieurs fois par des automobilistes rageurs. Donc ça sera parfait.

Elle était la première à demander à James de rouler moins vite, crispée sur le siège passager. Néanmoins, pour être honnête, même si elle décrochait un jour son permis, elle n’était pas certaine de conduire beaucoup. Elle n’appréciait pas cela alors que James, oui. Il avait beau assurer que cela lui passerait, elle n’en n’était pas sûre. Même la mention de leurs éventuels enfants ne suffisait pas à la convaincre.

- Et prendre le risque d’avoir un accident avec nos enfants à l’arrière ? Au moins, le Magicobus, c’est plus sûr et en plus, c’est plus écologique. Puis ça leur apprendra la patience, de prendre le bus, notion importante.

"Non," concéda James à la remarque de Marlene, "en revanche, on aura le temps de mourir de vieillesse sur un trajet Londres/Bristol" fit-il remarquer avec un regard vers le compteur du la voiture, qui affichait un nombre terriblement bas.

Cette plaisanterie était récurrente entre eux - Marlene s'était toujours plaint que James conduisait bien trop vite. Il rétorquait que, en sa qualité d'ambulancier, la vie de ses patients dépendaient parfois de la vitesse à laquelle il était capable de les amener à l'hôpital, ce à quoi Marlene répondit assez justement que, s'il plantait son véhicule sur un carrefour, personne n'irait bien loin.

A vrai dire, James était certain que Marlene finirait par prendre confiance en elle au volant, lorsqu'elle aurait un peu plus d'expérience en tant que conductrice. Sa petite-amie ne semblait pas particulièrement convaincue, et réfuta immédiatement son argumentation.

"Mais je leur mettrais des petits casques et des protections." affirma James avec un sourire amusé. "Et attends, tu ne peux pas dire que c'est plus prudent de prendre le magicobus, les conducteurs sont complètement fous !" protesta James. "Je préfère encore que nos enfants montent en voiture avec toi." Il se cala dans le fond de son siège, l'esprit un peu léger de cette conversation d'avenir hypothétique qu'ils avaient de temps en temps. "Et puis, moi, j'ai bien envie que nos enfants vivent un peu la culture moldue aussi. Qu'ils apprennent à faire du vélo et pas uniquement de voler sur un balais, ce genre de chose. Alors bon, je me vois pas les emmener partout en magicobus."