L'art de rentrer dans le lard... [JR Virgil]

Emmitouflée dans sa cape obscure, la visage cachée sous une capuche conique digne des plus belles heures du Klux Klux Klan ; Linnet Sneals avançait à pas de loup sur l'herbe givrée du Parc de Poudlard. Depuis peu, l'inquiétante jeune fille était devenue le fantôme errant de Poudlard, une entité invisible qui se révoltait contre l'autorité méprisable qui sévissait sur Poudlard depuis que la trop bienveillante Daisy Mason avait fait le grand saut depuis les hauteurs de la tour d'astronomie. Aussi perturbée que morbide, elle adorait s'allonger des heures durant au point de chute final, à l'endroit exact où l'ancienne directrice s'était craquée les os sur le sol. Une manière bien à elle de communiquer avec l'au-delà, et d'établir un dialogue avec le fantôme de la défunte directrice. Quelles raisons l'avait conduite au suicide? Qu'avait-elle ressentie au moment de l'impact? Pour une raison sordide, depuis toute petite, la mort la fascinait ; Surtout quand celle-ci était violente et inexpliquée...

Toutefois, en cet instant précis, la serdaigle n'affrontait pas le froid nocturne pour établir une passerelle avec les spectres de l'au-delà. Non, Linnet était là dans un but clairement assumé : Celui de laisser s'exprimer un don artistique, et une nature révoltée trop sauvagement brimée dans l'atelier artistique de cette grognasse de Mildred Magpie. Linnet nourissait un sentiment de haine envers l'immonde romancière parachutée à Poudlard, presque aussi indélébile que les nombreuses traces de scarification qui lui zébraient ses avant-bras. Aussi choquantes et perturbantes soit-elles, chacune des œuvres d'art de l'adolescente perturbée étaient rejetées sans l'ombre d'une hésitation par cette fichue usurpatrice artistique. Au point de ternir l'avenir et les orientations artistiques de la Serdaigle... Mais dans une attitude aussi rebelle que peu consensuelle, Linnet s'était jurée de ne jamais dessiner une putain de licorne rose pour faire plaisir à cette grosse truie de Magpie. Et ce, même si cela devait ruiner toutes ses chances de devenir un jour une artiste.

Face à la censure liberticide, Linnet avait opté pour un choix des plus osés et risqués ; Celui de dénoncer ses oppresseurs au travers de toiles murales déposées à même les murs d'enceinte de Poudlard. Une initiative périlleuse qui pouvait tout bonnement la conduire à l'exclusion, ou pire à devenir aussi insignifiant et docile que Curtis Montgomerry. Mais il en fallait davantage pour effrayer une adepte des arts occultes, et l'empêcher de matérialiser son premier chef-d’œuvre sur le mur de la honte. Usant de sa baguette pour faire léviter ses pinceaux magiques, et une palette de peinture fraiche ; Linnet entama son premier portrait qui prit la forme et les traits disgracieux de l'horripilante Mildred Magpie. Dans un délire artistique parfaitement assumé, la serdaigle lui rajouta un nez de truie, avant de se poser les mains sur les hanches face à son prodige mural.

Intérieurement, elle cherchait une formule-choc, du genre : Depuis quand les truies sont-elles expertes en art ? - Ou depuis quand Poudlard est devenue une porcherie? - Quand tout à coup un craquement venant de derrière manqua la faire sursauter dans sa méditation intérieure. Baguette brandit, elle se retourna pour faire face à l'intrus du soir qui n'était autre que Virgil Forbes ; Rien de moins que sa plus grande déception des derniers mois, depuis qu'il s'était justement aplati comme bon toutou devant Magpie. Et dire qu'elle avait vu en ce lâche, un potentiel candidat pour perdre sa virginité!

 

"Putain, Virgil! Bouges de là! Tu vas me faire remarquer! Va te rouler dans la boue du lac comme un gentil licheur si tu veux, mais laisses-moi tranquille! " dit-elle en le toisant d'un air menaçant.

Du haut de ses quinze ans, et même si elle faisait trois têtes de moins que le septième année, Linnet n'avait peur de personne... Et surtout pas d'un faux rebelle qui jouait les licheurs dans la boue fraiche du lac.

Le regard vide d'émotion, Linnet dévisagea froidement ce grand échalas de Virgil venir se poster auprès de son horrible fresque murale. L'un à coté de l'autre, il fallait reconnaitre qu'il formait un beau couple! L'ogresse Mildred couvant du regard son petit têtard insignifiant et inoffensif. L'intrusion de Virgil dans son processus créatif lui offrit de nouvelles perspectives artistiques ; En effet, plutôt que de perdre son temps à écouter les balbutiements et les compliments d'un pseudo rebelle en mousse, l'imagination débordante de la jeune serdaigle venait d'entrer en action pour lui soumettre une nouvelle vision - ou plutôt l'intégration d'un nouvel élément. Pourquoi ne pas représenter Virgil sous la forme d'un stupide nourrisson docile, s’agrippant aux larges mamelles de l'ogresse Magpie pour en boire le petit lait s'écoulant de ses tétons en érection? Existait-il une plus choquante métaphore pour représenter ce soir funeste où le Gryffondor avait abandonner tout amour propre, au détriment de l'humiliante injustice. Cette nuit, où il avait perdu de sa superbe pour boire les paroles de l'immonde romancière comme s'il s'agissait de p'tit lait. La morale de ce chef d’œuvre engagé étant : "Buvez les paroles infantilisantes de Magpie, et vous serez aussi manipulable qu'un jeune têtard attendant sa tétée... "

Clopinant d'un pied sur l'autre alors qu'elle se perdait dans les abysses de son imaginaire instable, la jeune serdaigle revint à la réalité quand Virgil l'attaqua directement sur sa capacité intellectuelle à formuler des vannes dignes d'intérêt. Il osa même pousser le vice et la mauvaise foi, à la comparer à une véritable perroquet de Magpie. Linnet comprit immédiatement que le septième année cherchait à l'attirer dans son domaine de prédilection ; Celui du mon mot et la moquerie qui tombait à pic. Elle ne lui donnerait pas se plaisir... Aussi impassible que insensible, Linnet se contenta de hausser les épaules avec dédain.

"A mon tour de te décevoir, alors... Je pensais qu'en utilisant la même formule que cette affreuse Magpie, tu t'écraserai à nouveau docilement comme un gentil ver dans la vase... " Elle secoua la tête, avant d'ajouter. "Je suis peut-être pas douée pour les vannes. Mais au moins, je ne joue pas les jeunes biches effarouchées devant le danger... "

Rien ne semblait en mesure d'effrayer Linnet, et c'est peut-être là où quelque chose clochait sérieusement en elle. La jeune fille se souvenait encore de ce cours terrible, où se tenant devant un épouvantard, rien... absolument rien n'avait jaillit de l'imposante armoire à sortilège. Émotionnellement parlant, Linnet ne ressentait qu'un grand vide en elle, et c'était peut-être ce qui l'effrayait le plus...

Plutôt que de lancer Virgil sur Tinder Surprise, qui n'était rien d'autre pour elle qu'une expérience sociétale pour comprendre ce qui excitait véritablement les individus du sexe masculin ; La jeune fille se dirigea vers un sac dans lequel semblait mouvoir quelque chose de vivant... Dénouant le lacet qui encerclait l'extrémité de celui-ci, elle apostropha son visiteur du soir sans même se retourner.

"Libre à toi de rester ou de partir. Je m'en moque. Mais sache que je dois exécuter la dernière ligne de mon œuvre dénonciatrice. Et pour cela une âme innocente doit être sacrifiée... " Linnet braqua alors un regard noir et déterminé sur le Gryffondor "Cela nécessite du sang et de l'inspiration. Alors je t'interdis de vomir ou de pleurnicher. Cela me dé-con-cen-tre-rai... Et je déteste être déconcentrée... Pigé? "

L'ouverture du sac s'entrouvrit pour laisser apparaitre la tête d'une pauvre et innocente chouette hulotte. Lui caressant dangereusement le sommet de la tête, Linnet la fixa avec une intensité dérangeante.

"Je l'ai dérobée à une conasse du club d'art qui était douée artistiquement parlant mais qui a préféré vendre son âme d'artiste au diable et à la Magpie. Un peu comme toi, d'ailleurs... J'espère que mon message lui servira de leçon." Bien qu'invisible sous l'amas de plumes, les doigts de Linnet encerclèrent la petite gorge de la chouette hulotte. Le malheureux volatile allait bientôt lui servir d'encrier dans laquelle elle pourrait allègrement tremper un pinceau sanguinolent, et inscrire son dernier message. D'une voix aussi douce qu'une petite fille déposant le dernier ruban sur la chevelure d'une poupée, Linnet interrogea une dernière fois Virgil :

"Elle est belle, non? Elle s'appelle Sérafyna... Enfin je crois... De toute manière, cela n'a aucune forme d'importance. "

Du fait de sa grande expérience dans l'art de la maltraitance animale, Linnet savait pertinemment que tordre le cou d'une chouette n'était en rien une chose aisée. Combien de jeunes briseurs de nuques ignares avaient laissé par mégarde s'envoler des hiboux aux cous tordus dans la nuit, pensant ceux-ci achevés, alors que la tête de ces rapaces nocturnes avait la faculté incroyable de pouvoir pivoter presque totalement sur son axe. En guise de tutoriel, Linnet préconisait donc de ne pas hésiter à dépasser le 90° fatal aux chatons, voir d'aller au delà des 180° afin de détenir l'assurance d'une exécution savamment orchestrée. L'idéal étant d'effectuer sa rotation jusqu'à l'obtention d'un petit craquement sourd et jouissif, signalant que les vertèbres cervicales venaient enfin de rompre sous l'effet de la torsion. Linnet avait beau être une psychopathe sadique, elle n'en restait pas pour autant humaine, détestant par dessus-tout le travail bâclé...

La serdaigle impitoyable s’apprêtait à exécuter Sérafyna, quand les mains de Virgil vinrent offrir un support salvateur au malheureux volatile suspendu. Braquant sur l’intervenant un regard aussi sombre que les ténèbres intérieures de la tanière du diable, Linnet lui susurra pourtant un précieux conseil d'une voix étonnamment douce au vue des circonstances.

"Virgil... Tu devrais enlever tes mains, si tu ne veux qu'elles soient inondées de fientes. Même chez les animaux, dans un dernier souffle, le sphincter a tendance à se relâcher après l'agonie... " Elle écouta toutefois les justifications du Gryffondor, et le fait qu'elle s'était trompée de cible. Une vérité qui ne manqua pas de la faire soupirer tragiquement avant d'ajouter d'une voix tentée d'amertume. "Pour ce qui est de Puffy... Tu peux me croire, j'ai essayé en maintes occasions de capturer et torturer cette stupide bestiole... Mais depuis peu, elle est devenue tellement rapide et craintive, qu'elle me glisse chaque fois entre les doigts pour se réfugier dans les culottes de cheval de sa répugnante maitresse. Voilà pourquoi, à mon plus grand regret, j'ai lâché l'affaire. "

Au risque de pousser la jeune tortionnaire sociopathe dans ses retranchements impulsifs, Virgil osa pointer du doigt la responsabilité de celle-ci dans l'ascension professionnelle de l'affreuse Magpie. Oui, elle étai une élève assidue du club d'art, et sis ses œuvres étaient jugées subversives, il n'en demeurait pas moins qu'elle contribuait à l'existence de ce maudit atelier artistique. Une nouvelle vérité qui la piqua certes fortement dans sa chair, mais qui la fit également vaciller dans ses froides et morbides certitudes. L'espace d'un battement de cils, son regard se voila d'incertitude, avant qu'elle ne finisse par relâcher doucement sa pression sur le nuque du volatile. Face à cette échappatoire inespérée, Sérafyna n'en demandait pas moins pour se débattre et s'envoler dans la nuit noire. Linnet suivit des yeux son vol, avant de baisser un regard maussade en direction d'une petite branche torsadée qui craquait sous son pied.

"Tu as raison. J'ai beaucoup de chose à me faire pardonner. Et il est impossible de nier qu'en grandissant, je deviens quelqu'un de lâche et d'hypocrite. Comme si j'avais un besoin de me travestir pour exister dans cette société consensuelle et aseptisée... Tu dois comprendre que l'art est la seule chose qui me raccroche encore au monde des vivants. Avant qu'elle ne fasse le grand saut, Daisy Mason m'avait encouragée dans cette voie, et dans ma libre expression artistique. Savoir que les plus grands génies étaient pour la plupart des êtres bizarres et tourmentés, quelque part cela me rassurait... Je me sentais moins seule dans ce monde de tarés... " Linnet s'offrait sous sa facette la plus sensible, quand tout à coup ses dents se mirent à crisser dangereusement sous la pression de sa mâchoire contractée. "Mais de là à devoir manger dans la même auge que cette truie de Magpie! Tu as raison, cela ne me ressemble pas! " De rage, Linnet balança un violent coup de pied dans la petite branche, qui vint se fracasser sur le portrait narquois de l'enseignante artistique.

"Crois-moi. Je la hais prodigieusement. Au point de vouloir sa mort, quitte à devoir l'égorger moi-même comme une vulgaire truie. Aucun plaisir ne serait plus intense, que celui d'entendre ses râles rauques de souffrance s'étouffer dans sa gorge... " Elle marqua un long silence terrifiant, avant de braquer son regard sadique sur Virgil. "Nous voulons la même chose, n'est-ce pas? Toi et moi, nous ne sommes pas si différents, non? Toi aussi, tu as des péchés à absoudre, et de la haine à revendre. Je me trompe? "

Linnet comprit peut-être qu'elle était allée un peu loin dans ses aveux, car elle secoua la tête avant d'ajouter d'une voix lente et mystérieuse.

"Si je te disais que je connais certains précepte de la magie noire, et une manière d'éradiquer définitivement cette vieille sorcière de la surface de la terre... Cette nuit-même... Dans un rite diabolique qui nécessite du sang pour que le sang soit versé... Dis-moi la vérité : Est-ce que tu aurai le courage de me suivre? "

De son regard d'ébène, elle jaugea alors longuement la prétendue assurance du gryffondor. Cherchait-elle à éprouver son courage, son audace, ou sa propension à commettre un meurtre? Était-elle en train de bluffer? Linnet demeurait un sombre mystère, alors qu'elle glissait lentement sa main en direction d'un Kriss torsadé caché dans le revers de sa tunique...

En lui proposant un rituel chamanique à base de sang humain, Linnet Sneals savait pertinemment qu'elle s'embarquait dans une épreuve où l'improvisation incantatoire allait prendre le pas sur toutes autres vérités scientifiques et magiques. Cherchait-elle à impressionner ou à éprouver le courage du Gryffondor? Aussi étrange que cela puisse paraitre, rien ne l'avait autant déçu que de voir Virgil, la raclure soit disant indomptable de Poudlard s'écraser comme une vieille taupe malade devant Magpie. Pour la première fois quelqu'un réussissait l'exploit de décevoir la jeune sociopathe, signe quelle pouvait encore éprouver de l'intérêt pour quelqu'un de vivant. Virgil était peut-être cette âme divergente qui allait l'empêcher de commettre une future tuerie de masse à Poudlard... Mais pour cela, le garçon intrépide ne devait pas devenir insipide à ses yeux! Et quoi de mieux que de la bonne vieille magie noire improvisée pour noircir à nouveau le tableau qu'elle se faisait du farouche Gryffondor. Pour se rassurer d'avoir bien dessiné les contours de ce rite satanique, Virgil ne tarda pas à la faire se répéter dans ses sanglants dires.

"Bravo Virgil! Quel esprit de déduction! Oui, Magpie pollue notre monde sorcier depuis trop d'années, et il est temps de la réexpédier à jamais dans l'autre monde. Ne me dis pas que cela t'effraie... "

Dans son imaginaire ténébreux, Linnet avait beau avoir commit une multitude de sanguinolents génocides ; Elle était encore vierge de tout meurtre humain. Voyait-elle en Virgil, un éventuel partenaire de crime? Dans tous les cas, elle jaugea sa réaction au moment de passer à l'acte, et celui-ci la rassura très vite sur sa détermination et sa volonté de nuisance. Virgil était prêt à donner son âme au diable, alors qu'il tendait déjà son poignet dans sa direction. Un frisson malsain parcourut l'échine de la Serdaigle, alors qu'elle nourrissait enfin l'espoir de dénicher un partenaire de jeu aussi déroutant et toxique qu'elle...

Linnet lui adressa un sourire malfaisant, alors que celui-ci ironisait déjà sur le formidable potentiel de nuisance de son fantôme.

"Oh ne t'inquiètes pas, je ne suis pas folle. En aucun cas, je ne veux voir ta forme translucide venir polluer mon espace... Tu es déjà si moche vivant, que je n'ose même pas envisager la laideur de ta dégaine spectrale. "

Le regard habité d'intention démoniaque, Linnet saisit la main de Virgil, pour la retourner paume en l'air, et la caresser de la pointe de son Kryss tranchant.

"En effet, il me faut de ton sang pour prononcer les mots interdits, et expédier cette truie malfaisante en Enfer. Cela ne fera pas mal. Avec l'habitude, tu trouveras même cela très agréable... "

Adepte intensive de la scarification, Linnet aimait sentir son sang et cette vie glisser hors d'elle pour mieux la retenir dans un dernier souffle salvateur. On en se sentait jamais aussi vivant qu'au crépuscule de sa vie. Peut-être qu'un jour Virgil l'accompagnerait dans ses petits jeux morbides? Sans même le prévenir, Linnet incisa assez profondément la paume de Virgil, au niveau de sa ligne de vie.

"T’inquiètes pas, tu vas voir cela cicatrisera bien vite avec un sortilège de soin. Maintenant si tu veux que le maléfice fonctionne, laisses-moi me concentrer sur l'incantation. J'ai besoin de silence... "

Sans même se soucier des questions d'hygiènes et de santé, Linnet trempa son index dans le sang accumulé dans la paume de Virgil, pour s'en tapisser les lèvres dans un affreux vernis sanguinolent. L'heure était désormais à l'improvisation, et l’exécution d'une mise en scène aussi glauque que perturbante pour les âmes sensibles. Le regard ténébreux de Linnet se figea subitement sur le portrait de l'immonde Magpie, avant qu'elle ne se décide à avancer lentement et dangereusement en direction du mur. Pour rendre l'atmosphère encore plus irrespirable, Linnet prononça au hasard des paroles qu'elle avait vu inscrites jadis dans sa Cornouailles natale ; Une inscription mystérieuses et incompréhensible gravée à même la surface métallique d'une caravane insalubre. Son propriétaire n'était autre qu'un gitan solitaire, aux allures de vieux chef Sioux, qui la dévisageait froidement quand elle allait à écrabouiller des crabes sur la plage. Les lèvres baignées de sang, et pour impressionner Virgil, elle prononça alors un étrange dialecte chamanique :

"UZE WASIKU TOWEPI POHA AKA PACETE - UZE WASIKU TOWEPI POHA AKA PACETE - UZE WASIKU TOWEPI POHA AKA PACETE ! "

Puis dans un dernier affront satanique, alors qu'elle se tenait à quelque centimètre de la paroi ; Linnet délivra un troublant dernier baiser de la mort au portrait mural de Magpie. Le contact froid de la pierre contrasta alors vivement avec ses lèvres chaudes du sang versé de Virgil. Elle recula d'un pas. Un long silence terrible ponctua les dernières lignes de ce rituel démoniaque...

Tournant le dos à un Virgil au bord de la crise d'hilarité, et dont elle pouvait presque percevoir les gloussements étouffés sous son poing : La jeune novice en art occulte resta de marbre comme une comédienne dans l'attente d'applaudissement qui ne venait désespérément pas. Mais nul doute que sa macabre mise en scène et ses incantations stériles ne fonctionnaient pas sur un esprit aussi railleur que celui de l'impertinent Gryffondor. Mais à qui la faute? Linnet savait pertinemment que l'on ne s'improvisait pas en grande reine nécromancienne du jour au lendemain. Après tout, même la légendaire prêtresse vaudou Marie Laveau avait dû essuyer des échecs avant de maitriser son art dangereux. Nombreux seront ceux qui se gausserait d'elle avant de la redouter. Mais même si Virgil était sur le point de sombrer dans l'hilarité, il avait le respect de contenir l'avalanche de rire qui bouillonnait en lui... Du moins, jusqu'à un certain point et durant un laps de temps relativement court, ponctué par un raclement de gorge impatient.

Bingo! Le voilà déjà qui s’interrogeait sur les effets et l'immédiateté du sortilège. L'empreinte du baiser sanglant n'avait point séché sur le mur, qu'il voulait déjà voir l'immonde truie Magpie se tortiller au sol et agoniser. Chose qui, sauf coïncidence extraordinaire, n'arriverait probablement jamais dans les secondes, les minutes, les jours, voire les années à venir. Linnet se sentit dans la peau d'une arnaqueuse, cherchant à refourguer une mauvaise lessive, et incapable d'éradiquer une vilaine tache. Mais plutôt que de se dégonfler, la Serdaigle se décida à faire front au vent de sarcasme qui grondait derrière elle. Faisant volteface, elle planta ses petites prunelles noires et menaçantes dans le regard du Gryffondor goguenard.

"Il est impossible de le prévoir avec précision... Que je sache, la magie du sang n'est en rien une science exacte et immédiate. Le maléfice peut prendre forme aussi bien dans des décennies, que survenir en un claquement de doigts! " Elle ponctua le geste aux paroles, en faisant claquer ses doigts devant le regard cerné et provocateur de Virgil. Nullement ébranlée par l'échec de son vain tour de magie noire, Linnet leva un petit menton impérieux en direction du septième année, pendant que sa langue parcourait ses incisives à la recherche de Virgil's Blood égaré. Son regard devint subitement menaçant, tandis que sa main s'agrippait au manche ensanglanté de son Kryss sacrificiel. "Mais une chose est certaine, cette grosse truie de Magpie va crever dans d'horribles souffrances! "

C'est alors que de tonitruant beuglements déchirèrent le silence de la nuit...

« Aarrrgggghhh. Aaaah mooOOOooaaaa !!! A l’aiiiiiide ! On m’a jeté une malédiiiicccctttiiiooOOOonnnn ! »

En effet, comme par enchantement, la sombre promesse de Linnet se ponctua par les vagissements effroyables de l'une des occupantes de la tour surplombant les deux apprentis invocateurs. Une résidente dont la voix croassante était reconnaissable entre mille, et qui ne pouvait qu'appartenir à l'ogresse Magpie. La mâchoire inférieure de Linnet s'effondra de stupeur, tandis que son regard empreint d'indécision se leva en direction de la seule fenêtre éclairée dans les ténèbres de cette nuit funeste. Quel affreux prodige venait-elle d’accomplir ? Ce qui n'était à la base qu'une supercherie magique, et un petit rite satanique innocent n'ayant pour but que d'impressionner l'intrépide Virgil ; Voilà que celui-ci se retournait violemment contre sa créatrice! Aussi stupéfiée qu’horrifiée, Linnet n'en croyait pas ses oreilles, alors que les vagissements de douleur de Magpie devenaient tout bonnement insupportables. Dans l'incapacité de décrocher son regard de la silhouette vociférante qui s'ébattait sur le rebord de sa fenêtre, Linnet finit par exprimer ses pensées et son profond embarras à voix haute.

"Non... J'y crois pas... C'est juste impossible... J'ai déjà fait des rites à base de sang de chèvre, bu du sang de ragondin, torturer une poupée vaudou à l'effigie de Magpie et normalement... Cela ne fonctionne pas... Il se passe jamais rien... Que dalle... " murmura t'elle, avant de tourner un regard interloqué en direction de Virgil. "C'est pas ma faute. Cela doit être ton sang... Il est corrompu, ou peut-être tu as trop de haine en toi... Je ne sais pas... Je ne vois rien d'autre... "  

Linnet plaqua sa main sur sa bouche béante d'horreur comme pour s'interdire d'en dire davantage, tout en profitant de ce geste pour essuyer discrètement le sang de Virgil qui lui brulait désormais les lèvres. La confusion scintillait dans son regard noir alors qu'elle n'assumait en rien sa responsabilité dans ce maléfice cuisant. Et pourtant, n'était-ce pas ce dont elle avait toujours rêvé? Après des années à se documenter sur la nécromancie et s'adonner aux arts occultes, voila que pour la première fois de sa jeune existence, ses rites incantatoires semblait opérer efficacement sur une cible. Alors pourquoi flanchait-elle? Éprouvait-elle du remord ou pire de la pitié pour cette immonde truie de Magpie qui se tortillait de douleur sur sa fenêtre? Cette simple hypothèse lui donnait la nausée, alors que les vagissements de l'enseignante redoublèrent d'intensité...

"A mooOOOi!!! Quelle hoOOOorreur!!! Mon dieeeu, que je soOOOOouffre! Le maaal est en moOOOi! Je peux le sentiiir, on cherche à me nuuuuire! Par pitiééééé! Appelez les secoOOours... à l'aaaaide... Je meeeeurs... quel mooOOOonde!!! "

"Mais bordel de troll, elle peut pas crever en silence, elle va finir par réveiller tout le monde! " finit par fulminer une Linnet au bord de la panique.

A peine ses paroles furent-elles prononcées, que la silhouette à contre jour de Mildred Magpie manqua trébucher sur le rebord de sa fenêtre. Comme aspirée par le vide et le poids de son lourd poitrail pendouillant dans les airs, la diva de Bristol manqua une seconde rejoindre le club très prestigieux de ceux qui avait le grand saut sans parachute depuis les hauteurs de Poudlard. Dans un geste totalement inutile, Linnet tendit la main comme pour retenir l'enseignante dans sa chute... Mais fort heureusement, la romancière maudite bascula en arrière, pour disparaitre dans un dernier râle rauque dans l'embrasure éclairée de sa fenêtre... Était-elle morte? Les affres mortels de la malédiction venaient-ils de se parachever? Autant de questions qui demeurèrent en suspend alors que les fenêtres de Poudlard s'illuminèrent une à une, dans un spectacle digne des plus belles décorations festives de Noël. Le vacarme et les vagissements assourdissants de Mildred Magpie semblaient avoir réveillé la presque totalité des résidents de l'école magique, et Linnet sentit le frisson d'un danger nouveau venir lui effleurer l'échine : Celui de se faire repérer...

Les lumières vacillantes d'une ambulance magique scintillaient dans la pénombre lointaine, signe qu'un appel de détresse avait bel et bien été lancé pour venir en aide à l'agonisante Magpie. Soucieuse de ne point se faire repérer, Linnet poussa sans ménagement Virgil dans l'un des rares recoins obscurs offert par la paroi de l'école magique.

"Si toi et moi, nous voulons avoir un semblant d'avenir, nous devons déguerpir! Et vite! " murmura-t-elle dans un souffle apeurée, alors qu'elle se plaquait contre le Gryffondor.

Était-ce cette soudaine et involontaire promiscuité avec Virgil qui la fit soudainement changer radicalement d'attitude, mais la serdaigle indomptable se raidit subitement, avant de s'écarter de son partenaire de crime. Elle transperça le Gryffondor de son regard noir, avant de lui suggérer conseil qui avait tout d'une menace.

"Dégage de là, Virgil! Il ne s'est rien passé, OK! Tout ceci n'est qu'un vulgaire cauchemar! On va retourner dans nos dortoirs, et nous réveiller comme si de rien n'était. On emportera notre secret dans la tombe. Compris? " Les ténèbres envahirent le regard de Linnet, quand sa main serra une dernière fois le manche de son Kryss, pour viser de sa pointe le visage de Virgil " Mais saches que si tu venais à jouer les mauviettes et balancer quoi que ce soit... Je te jure sur l'âme de mon défunt frère, que je trouverai un moyen pour t'égorger d'une oreille à l'autre! C'est clair? "

Puis sans même attendre une réponse en retour, elle releva sa cape sur le sommet de son crâne, avant de disparaitre tel une ombre dans la nuit noire...

Poudlard, au beau milieu de la Nuit du 13 au 14 Novembre 2010, dans la chambre privative de l'inénarrable romancière, Mildred Magpie  


"OoooOOOoooh moOon diiieu, noooOOOooon! C'est affreeeeux! Délivrez-moOOOoi des griiiffes de ce moooOOOooonstre groOOOotesque !!! "

Sursautant sur son lit soyeux telle une diablesse jaillissant de sa boite à ressort ; Mildred Magpie éprouvait encore les pires peines du monde à s'extirper des affres de l'odieux cauchemar qui la tenait encore en haleine. Ne venait-elle point de rêver que ce bedonnant de Bannerman l'avait contrainte à le rejoindre dans un bain de boue maléfique? Une marre au diable dans lequel elle s'était empêtrée comme une pauvre sirène prise au piège dans les mailles d'un filet de pêche? Quoi de plus glauque comme ultime vision, que celle du répugnant nombril de ce grossier personnage juste devant votre nez! Le front baignée de sueur, la respiration haletante, la romancière s'éventa le visage pour évacuer la bouffée de chaleur qui la submergeait. Balayant d'un regard hagard l'espace environnant à la recherche d'indices susceptibles de la rassurer sur son sort et la réalité ; Mildred finit par pousser un soupir de soulagement. Aucun monstre n'était là, si ce n'est Puffy et ses yeux exorbités qui l'observait en silence...

"Oh n'est pas peur mon bébé, c'était juste un mauvais rêve! Viens donc faire un câlin à ta maman... " dit-elle en le serrant très très fort contre son opulente poitrine, et en lui claquant des bises aussi bruyantes que humides sur le sommet de son adorable petite tête velue. Auprès de sa bestiole de compagnie, la romancière multimillionnaire semblait enfin retrouver un peu de quiétude quand tout à coup une violente douleur au bas ventre la fit grimacer de douleur. Mon dieu! Qu'était-ce donc que cela? A peine le temps de reprendre son souffle, qu'une nouvelle contraction se propagea à nouveau en elle. Cette fois-ci, il s'agissait d'une véritable onde de choc qui prenait littéralement naissance au milieu de son dos, avant de se diviser en deux pour venir enserrer ses hanches voluptueuses et se rejoindre sur le ventre comme une ceinture électrique. Frappée par surprise, Mildred poussa cette fois-ci un gémissement retentissant qui dans une autre contexte aura pu s'apparenter à l'un de ses coutumiers miaulements de plaisir. Mais au vue de son regard atterré et du visage crispé de la romancière ; Quelque chose ne tournait pas rond en elle...

"Mwaaaaah! Mais qu'est-ce qu'il m'arrive? "

Était-ce une intoxication alimentaire? Ou les prémices douloureux d'une gastro-entérite? Mildred cherchait vainement une explication à ce mal insidieux qui venait de la foudroyer si subitement par deux fois au niveau du ventre. Visage livide, la diva douillette de Bristol chercha inexorablement des yeux sa baguette en bois de prunellier, afin d'envoyer un patronus d'alerte à Rachelle Sylvester ou quiconque pourrait se porter rapidement à son chevet. Mais très vite, elle se rappela avoir laissé celle-ci la veille, près de son trône doré, afin d'en chasser les éventuelles mauvaises odeurs. S'enveloppant dans sa luxueuse mais encombrante robe de nuit rose préférée, Mildred se releva aussi péniblement que possible de la surface soyeuse de son lit. Par Merlin! Était-ce une impression, ou pesait-elle véritablement deux tonnes? Profondément barbouillée, elle s’apprêtait à rejoindre sa salle de bain privative, quand brusquement une nouvelle secousse vint ébranler ses entrailles. Évitant de peu la chute, Mildred trébucha avant de se rattraper in-extremis à un guéridon en ivoire massif. Elle poussa une nouvelle vocalise de douleur, avant d'entrevoir la terrifiante vérité sur son état...  

Car assurément ce n'était pas ses trop nombreuses entorses boulimiques à son régime pamplemousse qui la tordait ainsi en deux de douleur. Il s'agissait d'un mal bien plus nocif, bien plus mortel. C'est alors que la pensée néfaste du poison germa dans son esprit... Quelqu'un de mal attentionné comme le dénommé Virgil avait très bien pu intoxiquer une nouvelle fois ses savoureux cupcakes... Mais si poison, il y avait, ce ne pouvait en aucun cas être lui ; En effet, le diablotin avait passé sa journée à l'extérieur de l'enceinte de Poudlard, sur la trop lointaine Skye. De plus, la veille,  Mildred était allée en personne chercher ses précieuses friandises au Paradis d'Eden. A moins que la tenancière de la pâtisserie ne découvre les infidélités de son défunt époux avec sa soi-disant meilleure "amie", Eden Rosebury n'avait aucune raison de l'empoisonner. Qui diable pouvait souhaiter sa mort? Isobel, peut être... Pour la raison simple d'avoir délibérément chercher par jalousie à éloigner son cher et tendre Abel. Ou Leopold et sa Milice ; qui voyait peut-être en elle une alliée devenue trop encombrante. A moins que ce ne soit Jonah, en mode papa furibard, découvrant l'origine et la véritable commanditaire des tortures exécutées sur son fiston adoré. Et pourquoi pas Roy en mode traitrise calculée, pour obtenir et récolter immédiatement le magot parafé par voie testamentaire. En vérité, une multitude de personnes avaient des raisons de lui tordre le cou, et cette idée s'imposa à elle aussi viscéralement que les douleurs qui lui tordaient le ventre.

Mais la priorité des priorité avant de découvrir l'origine de son mal-être, était d'alerter au plus vite les secours. Folle de panique, le souffle court, Mildred poussa alors la porte de la salle de bain pour se munir de sa baguette, et c'est alors qu'elle découvrit horrifiée son reflet dans le miroir désormais devenu trop étroit pour accueillir son imposante silhouette... Bouche bée, Mildred demeura un long instant interdite devant la pathétique vision qui s'offrait à ses yeux exorbités.

"Mais... Mais... Mais qu'est-ce donc que cette malédiction??? Qui diable a osé m'infliger un tel tourment??? C'est... C'est... C'est horrible!!! "

Sans même s'en rendre compte dans l'obscurité nocturne de sa chambrée, l'apparence physique de la romancière venait de subir une violente et incroyable transformation. En effet, aussi mystérieusement que cela puisse paraitre, le ventre de Mildred avait gonflé comme une énorme baudruche sur le point d'exploser, crevant du même coup l'étoffe soyeuse de sa trop fragile et étroite robe de nuit. Ses obus dont elle était d’ordinaire si fière, étaient devenus si lourd qu'ils louchaient dangereusement en direction d'un sol qu'elle ne voyait même plus du fait de son énorme bide! Si soucieuse de son apparence, la très superficielle Mildred était au bord du chaos émotionnel. Une larme dégringola le long de sa joue blême, tandis que sa main tremblante se posait maladroitement sur l'encombrante sphère que représentait son ventre. C'est à cet instant précis que Mildred Magpie sentit une présence, et quelque chose se mouvoir en elle. Quelque chose de vivant...

Dès lors, la romancière paniquée poussa un hurlement si strident, qu'il réveilla très certainement la presque totalité du personnel de Poudlard! Affolé par ce vacarme, Puffy couina à son tour afin de joindre son effroi aux vocalises tonitruantes de sa maitresse. Au bord de la crise hystérique, cette dernière se précipita sur sa baguette magique, avant de se ruer en direction de la fenêtre surplombant le parc de Poudlard. Ignorant les contractions de plus en plus violentes de l'odieux parasite inconnu qui germait dans son ventre, Mildred expédia autant de Patronus que possible en direction des urgences de Saint-Mangouste! Un réflexe de survie qu'elle accompagna de vociférations paniquées, tandis qu'elle se penchait dangereusement au dessus des ténèbres du parc.

« Aarrrgggghhh. Aaaah mooOOOooaaaa !!! A l’aiiiiiide ! On m’a jeté une malédiiiicccctttiiiooOOOonnnn ! »

Pour une sorcière aussi douillette que l'était Mildred Magpie, la douleur était tout bonnement insupportable! Mais pourquoi ne s'évanouissait-elle pas? Pourquoi chacun de ses sens étaient-ils autant aux aguets? Était-ce cela l'énergie du désespoir? Ne voyant aucun secours à l'horizon, la romancière hystérique libéra encore davantage ses cordes vocales, contraignant l'école magique entière à écourter sa nuit.

"A mooOOOi!!! Quelle hoOOOorreur!!! Mon dieeeu, que je soOOOOouffre! Le maaal est en moOOOi! Je peux le sentiiir, on cherche à me nuuuuire! Par pitiééééé! Appelez les secoOOours... à l'aaaaide... Je meeeeurs... quel mooOOOonde!!! "

Même si le temps parut anormalement long à l'intransigeante Magpie, il ne fallut qu'une minute tout au plus aux secours magiques pour se rendre sur le lieu de cette tragédie théâtrale. Quand les premières lueurs des gyrophares de l'ambulance magique embrasèrent le lointain obscur, Mildred frôla la névrose. Telle Juliette voyant son Roméo, elle mit tant d'ardeur à signaler sa présence, qu'elle manqua basculer par dessus le rebord de la fenêtre. Dans son malheur, son ventre si odieusement proéminent lui sauva la vie, puisqu'il agit comme un contrepoids salvateur en la faisant retomber du bon coté. Mildred échoua sur les fesses et le parquet de sa chambre, alors que l'ambulance volante stationnait à hauteur de la fenêtre. Aussi vif que l'éclair un couple d'urgentiste surgit dans l'embrasure de la fenêtre prodiguer les premiers soins à l'horripilante et vociférante victime. Cette dernière ne tarda pas à cracher son mépris sur les sauveteurs.

"Bande d'incompétents!!! Vous faisiez quoi??? Vous en avez mis du temps pour intervenir!!! Vous ne savez pas qui je suis??? J'avais le temps de mourir mille fois! " éructa l'insupportable et intransigeante diva de Bristol.

D'un calme et d'un sang-froid olympien, l'urgentiste magique d'une trentaine d'années tout au plus, ne se démonta pas alors qu'il dépliait déjà tout son attirail magique, tandis qu'une jeune infirmière silencieuse s'affairait déjà à effectuer les premiers soins.

"Pardonnez-nous, madame Magpie. Nous avons fait aussi rapidement que possible. Dites-moi juste la nature de votre urgence? "

"Ma parole! En plus de cela, il faut que je vous mâche tout le boulot! Ce ventre n'est-il pas assez gros à vos yeux??? Ne voyez-vous donc pas que je souffre le martyr??? Mwaaaaah... " gémit-elle, avant d'ajouter : "Je vous dis que quelqu'un m'a jetée une malédiction! J'ai un parasite qui germe en moi, je peux le sentir bouger! Enlevez-moi immédiatement cette cochonnerie, avant qu'il ne me détruise de l'intérieur! "  

L'urgentiste ne broncha pas, se contentant de poser un regard sans équivoque sur le ventre proéminent de sa patiente. Souffrait-elle d'une crise de démence? D'un délire post-traumatique? Ou rien de tout cela...

"Laissez-nous vous ausculter, madame Magpie... " Même si cela lui crevait les yeux, l'urgentiste préféra éviter toute méprise sur les raison de leur intervention. "Stella, tu veux bien lui prendre sa tension, s'il te plait? "

Toujours aussi efficace et silencieuse, l'infirmière s’exécuta pendant que le chef urgentiste se munissait d'un stéthoscope magique qu'il appliqua directement sur le ventre de la patiente Magpie. Cette dernière afficha une mine dégoutée, comme s'il faisait fausse route dans l'élaboration de son diagnostic.

"Alors, vous allez me l'extirper quand et comment ce maudit monstre??? "

Plutôt que de lui donner du grain à moudre, l'urgentiste du nom de Karl jeta un regard perplexe à son assistante infirmière, avant de lui délivrer ses consignes à voix basse.  

"Stella... Il va falloir que l'on surveille sa fréquence cardiaque durant le transfert. Branche le monitoring magique, et préviens Samuel de libérer une place pour une intervention imminente. Au vue des contractions, nous n'avons pas le temps pour une péridurale... "

Arquant un sourcil perplexe, Mildred dévisagea froidement cet énergumène qui osait encore lui coller son stéthoscope froid sur le nombril. D'une petite claque mesquine, elle écarta l'instrument d'écoute.  

" De quoi parlez-vous??? Idiot! Vous n'êtes même pas capable de situer mon cœur correctement. Depuis quand celui-ci se trouve-t-il au niveau du ventre? Et quand allez-vous me conduire à Saint-Mangouste auprès d'un spécialiste en malédiction? "

L'infirmière fut la première à perdre quelque peu sa patience, et malgré un sourire affable, elle dévoila la vérité à l’irascible romancière.

"Madame Magpie, il se peut que vous soyez encore dans le déni ; Mais à en jugez par la grosseur de votre ventre et la fréquence de vos contractions, sachez que la date à laquelle vous avez contracté cette "malédiction" remonte au minimum à neuf mois accomplis. Et plus qu'une malédiction, j'oserai parler à votre place d'un heureux évènement... "

La bouche de Mildred s'arrondit de stupeur, alors que le déni peinait encore à s'envoler du nid. Cherchait-elle à lui dire qu'elle était enceinte?

"Mais voyons? C'est juste impossible... Je suis ménopausée depuis au moins... " Mildred remonta mentalement le temps, jusqu'à ce que son regard paniqué retombe sur son ventre arrondi : "... Neuf mois" finit-elle par admettre tragiquement.

Les nausées matinales, les bouffées de chaleur, sa profonde irritabilité, son humeur instable, ce maudit surpoids impossible à effacer... Voila autant d'indices parsemés au cours des neufs derniers mois, et qui témoignaient en faveur d'une grossesse camouflée. Comment était-il possible d'avoir ignorer un tel désastre? En plus d'être irréversible, ce déni de grossesse tombait au pire moment de sa carrière! Mais si la pilule était dure à avaler pour une femme qui refusait depuis toujours d'endosser le rôle infâme de mère ; Elle était encore plus amère quand celle-ci s'interrogea sur l'identité du père. Constantine, Toni, James... Une quantité innombrable d'hommes divers et variés s'étaient échoués dans sa fosse innommable, mais en sirène vigilante, elle avait toujours veillé à bien se prémunir de l'irruption d'un éventuel têtard. Alors qui? Qui avait osé contourné sa vigilance pour semer en elle son odieuse petite graine? Qui? Qui? Qui?

Mildred se torturait encore les méninges, quand la civière l'emporta dans l'ambulance magique. C'est alors que du plus profond de sa mémoire, surgit le souvenir et l'image subliminale d'une cabane ravagée par les élans chaotiques d'une passion torride. Cela remontait à neuf mois, lors d'une nuit glaciale de Février. Le visage rondouillard d'un homme dont la bouche se tordait de plaisir se matérialisa alors dans son esprit, et elle n’eut qu'un seul mot à dire pour résumer toute l'étendue de sa détresse : "Crotte! " Puis les portes de l'ambulance se refermèrent sur elle...