Happy New Year ? [Kleming]

1er Janvier 2009, fin de journée, Cité Nimbus

Toujours vêtu de son costume de la veille, Irving transplana au pieds de son immeuble passablement vasouillard. Il venait de raccompagner Nora chez elle -elle voulait passer quelques jours avec sa famille avant de retourner à Poudlard- et ils avaient passé toute la nuit à festoyer au mariage de Jeremy et Juliet. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la fête avait été arrosée et Irving se sentait encore un peu nébuleux.

Toutefois, il avait encore assez d'énergie pour aller souhaiter la bonne année à son voisin. Il était curieux de savoir si son ami avait bien réveillonné chez Juliana et s'il avait trouvé une charmante jeune fille - ou un jeune homme, ou un animal (il n'était plus à ça près avec Klem)- avec qui passer la soirée.

L'ancien gryffondor toqua donc à la porte du lycanthrope en espérant l'y trouver. Il esquissa un sourire en entendant son ami approcher derrière la paroi et lança un tonitruant: "Bonne année vieux !" lorsqu'il lui ouvrit enfin la porte.

Klem s'était réveillé avec un mal de crâne impressionnant et enlacé à Joel. Il ne s'était même pas rappelé s'être couché. Et encore moi avec le meilleur ami de Juliana. Il ne se rappelait pas de grand chose à dire vrai. Il avait mis un point d'honneur à tout faire pour oublier qu'il passait son premier réveillon du nouvel an sans Roy. Alors le fait de se retrouver coller contre Joel ne voulait sans doute rien dire si ce n'était qu'il était trop ivre pour trouver un autre endroit pour dormir.

Il avait remercié Julia pour la soirée qu'il avait passé et était rentré chez lui en essayant d'oublier son mal de crâne. A peine rentré chez lui, il s'était recouché et rendormit aussi sec. Ce n'est que dans la soirée qu'il se réveilla. Lorsqu'un sauvage se mit à tambouriner contre sa porte. Il ouvrit le battant l'air grognon et à peine réveillé. Et son humeur ne s'arrangea pas lorsque Irving se mit à lui hurler ses bons vœux.

"Hurle pas comme ça, je suis pas sourd. Et bonne année à toi aussi."

Même si la sienne commençait fort mal.

"Oh c'est bon, fais pas ton ronchon,... c'était pas la pleine lune c'te nuit à c'que j'sache." souffla Irving avec un sourire en s'appuyant sur l'encadrement de la porte. Kemens avait sa tête des mauvais jours mais il la devait très certainement à un excès de Forte-Glace plutôt qu'à sa condition de lycanthrope.

"Alors c'réveillon à Bristol ? Bien passé ? On t'a laissé entrer en ville malgré l'bouclage ?" s'enquit-il réellement curieux de savoir comment s'était passé le contrôle au check point.
Depuis qu'il officiait pour la Salamandre, il essayait de grappiller un maximum d'information sur les mesures sécuritaires du pays et sur les différents protocoles. Cela pourrait être utile en temps voulu.

" Tu veux monter deux minutes ou tu préfères cuver ici tout seul ?" proposa-t-il finalement en désignant les escaliers qui montaient à l'étage.

Klem haussa les yeux au ciel lorsque son ami trouva amusant de lui annoncer qu'il n'avait pas besoin de ronchonner puisque ce n'était pas la pleine lune la veille. A croire qu'il n'y avait que les lendemains de pleine lune qu'il pouvait être de mauvaise humeur. C'était vrai aussi que c'était fort rare qu'il le soit mais lorsque c'était le cas, il faisait rarement semblant.

"Ouai, c'était sympa. Et oui, je suis passé sans problème. Quand t'as une raison, ils te laissent passer."

Il n'allait quand même pas avouer qu'il ne se souvenait pas de sa soirée de la veille. Il hocha la tête lorsque Irving lui proposa de monter un instant. Après tout, maintenant qu'il était réveillé il n'avait pas envie de rester tout seul. Il suivit donc son ami jusque chez lui et s'installa sur un pouf.

"Et toi, ton réveillon ?"

Malgré son humeur quelque peu taciturne, Klemens accepta de suivre Irving à l'étage dans son appartement. Il apporta sur la table basse quelques gobières et du jus de fruit avant de se servir pour lui-même un jus de citrouille. Il avait bien assez bu la nuit dernière.

"Franchement super, répondit-il quand Klem lui demanda si son réveillon s'était bien passé, C'était aussi l'mariage de mes amis Juliet et Jeremy, ceux qui étaient venus m'voir aux Folies Sorcières pour le concert, ajouta-t-il afin que Klem les remette, On a assez de dossier sur le marié pour le faire chanter jusqu'à la fin des temps ! ajouta-t-il en se remémorant l'état dans lequel Jerem' était à la fin de la soirée.

Irving se laissa tomber sur son lit comme une grosse loque et poussa un grognement de contentement avant d'observer du coin de l’œil son camarade qui n'avait toujours pas l'air dans son assiette. Il passa un bras derrière sa nuque et finit par demander:

"Et toi alors ? C'était sympa-bof ou sympa-sympa ? T'as rencontré des gens ? Y avait qui à part Julia et Alicia ?"

Klem écouta Irving lui parler de sa soirée de la nouvelle tout en se servant un verre de jus de citrouille. Il se sentait déjà suffisamment vaseux comme ça. Il hocha distraitement la tête lorsqu'il lui parla de ses amis Juliet et Jeremy. Il se rappelait vaguement d'une jolie fille et d'un blondinet venus saluer Irving. Et donc, il s'était marié. Tant mieux pour eux, si ils étaient heureux comme ça.

Il haussa distraitement les épaules alors que son voisin revenait sur son propre nouvel an. Il ne savait plus trop ce qu'il avait fait de sa soirée. Et ça ne pouvait pas être sympa génial sans Roy. Mais il ne pouvait pas non plus dire que c'était sympa-bof par respect pour Juliana.

"Je ne me souviens pas très bien de ma soirée pour être honnête. Et il y avait Joel, le meilleur ami de Juliana en plus d'Alicia. Je me suis réveillé dans son lit mais je ne sais pas trop comment j'ai fini là."

Il laissa son regard se perdre dans son verre avant de pousser un léger soupir. C'était toujours dans ces moments là que Roy lui manquait le plus. Il lui aurait très certainement envoyé une bonne vanne avec un sourire dégoulinant de moquerie.

Irving resta silencieux quelques secondes après l'aveu de Klemens. Il était bien placé pour savoir que le passage à la nouvelle année était généralement le moment où l'on faisait le point sur l'année écoulée. Nul doute que Klem devait penser à son défunt petit-ami à cet instant précis.

Irving se redressa quelque peu et s'accouda sur le matelas avant de lui répondre:

"Dans son lit comme quand tu dors avec Roy ou dans son lit comme quand tu passes la nuit avec Shea ? s'enquit-il très sérieusement,  Si c'est l'deuxième cas, -et qu'le gars avait l'air consentant bien sûr- j'vois pas où est problème... Tu as bien l'droit d'en profiter un peu non ?"

Irving se doutait que ce n'était pas simple de tourner la page pour Klemens mais il ne devait pas pour autant se morfondre dans le passé.

"C'est con qu'tu t'en souviennes pas quand même, si ça s'trouve, c'était l'meilleur coup d'ta vie..." souffla-t-il finalement pour alléger quelque peu l'ambiance.

Lorsque Irving lâcha le nom de Roy son visage se ferma davantage. Bien sûr que non il n'y avait pas de mal à profiter. Pourquoi son ami lui disait ça ? Comme si il était du genre à regretter ses actes nocturnes. Il assumait parfaitement ce qu'il faisait de son corps désormais. Ce qui n'avait pas toujours été le cas d'ailleurs.

"Tu peux éviter de parler de Roy s'il te plaît ? J'ai pas envie de me rappeler que ce mec est un crétin doublé d'un imbécile. Et non, c'était pas le genre je passe la nuit avec Shea. C'était plutôt, j'ai très sommeil donc je m'étale là sauf que je m'en souviens pas le lendemain."

Il haussa les épaules. C'était donc loin du meilleur coup de sa vie. Enfin il lui semblait parce que finalement, il ne se souvenait de rien. Donc tout était possible en réalité. Même si il s'était réveillé habillé à côté de Joel. Donc techniquement, il ne s'était rien passé. Surtout qu'il n'était pas du genre à se rhabiller après l'acte. Plutôt à s'endormir en fait.

Irving avait espérer qu'avec la nouvelle année, Klemens repartirait du bon pied mais ce n'était manifestement pas le cas. Depuis sa dispute avec Roy, il était nettement plus sinistre voir même carrément amer. L'ancien Gryffondor ne savait pas ce qui avait déclenché leur désaccord mais le ressentiment de Klem était palpable dès qu'il était question du gérant des Folies Sorcières.

Irving poussa donc un soupir tout en observant le lycanthrope.

"Écoute vieux, j'veux pas m'meler d'c'qui m'regarde pas mais tu d'vrais p't'être essayer d'poser les choses avec Roy, non ?"

Certes, il savait que l'amitié des deux trentenaires était basée sur une sorte de dualité et qu'ils se disputaient apparemment souvent mais il était peut-être temps d'envisager une réconciliation. Cela faisait plus d'une semaine de Klemens fulminait dans son coin et Irving se demandait sincèrement ce qui pouvait attiser autant sa colère.

"C'était une grosse engueulade ?...Enfin, j'veux dire, plus forte que les autres ?" s'enquit-il prudemment.

Klem lâcha un petit rire sans joie lorsque Irving laissa entendre qu'il devrait peut-être poser les choses avec Roy. Il avait justement essayé de les poser. Mais ça n'avait pas tellement eu l'effet désiré. Et si le trafiquant n'était pas capable de réagir avant qu'il ne soit trop tard même quand on lui en parlait et bien ce n'était plus son problème. Il avait essayé, il ne pouvait rien faire de plus de son côté. Que Roy s'embourbe donc dans son petit monde d'escrocs et d'assassins.

"Oui, c'était une dispute beaucoup plus violente que les autres. Pas tant physiquement. On a pas utilisé les poings pour une fois. Mais justement, j'ai essayé de poser les choses avec lui avant qu'il ne monte sur ses grands hippogriffes. J'ai essayé de tempérer les choses. Mais tout ce que j'ai obtenu ce sont des insultes et... Si c'est vraiment ce qu'il pense de moi, je vois pas pourquoi je continuerais à faire des efforts pour le comprendre et rester son ami."

Son visage se fit plus dur, ses poings se serrèrent et il détourna le regard. Les choses que Roy avait dites, celles qu'il avait sous-entendues. Non, il n'avait plus la moindre concession à faire désormais.

Irving se redressa sur son lit et s'appuya sur le mur derrière lui, cherchant la meilleure réponse à faire à son voisin. Il était plutôt mal placé pour l'aider sur ce coup, tant il mettait un point d'honneur à entretenir des relations toujours cordiales avec ses amis. Contrairement à Roy et Klemens qui avaient sans cesse besoin de se chamailler pour mieux se retrouver, Irving, lui, recherchait des amitiés stables où les disputes étaient rares. Il ne se souvenait pas s'être prit la tête avec Danny, Donald, Jeremy ou encore Juliet. La seule personne avec qui il s'était fâché, c'était Nora, celle qui avait toujours compté le plus à ses yeux.

"Tu sais, parfois on dit des trucs qui dépassent notre pensée, commença-t-il en se remémorant cette horrible dispute. Merlin, ce qu'il avait pu se haïr ce jour là. Deux ans plus tard, il avait encore honte de ce qu'il avait osé lui dire.  On balance des choses dans le seul et unique but de...nuir. On sait qu'on va réussir à blesser l'autre en tapant là où ça fait mal parce qu'on l'connait si bien qu'on devine ses failles et ses doutes."

C'était difficile à admettre mais c'était exactement comme cela qu'il avait réagit envers sa petite-amie.

"C'est souvent ceux qu'on apprécie le plus qui s'en prennent plein la tronche quand on va pas bien... Peut-être que Roy traverse une mauvaise passe et qu'il regrette ce qu'il t'a dit au fond..."

Il posa les yeux sur Klemens, attendant d'avoir son avis sur la question.

Klem soupira légèrement lorsque Irving affirma qu'il était facile de dire blessante sous la colère. Lui le premier en avait dites. Pourtant, il avait essayé de s'excuser, il avait éprouvé du remord. Il n'en avait pas vu une seule trace dans le regard de Roy. Il avait encaissé un par un les monstruosités que son soi-disant meilleur ami lui avait balancé en pleine figure sans raison.

Oui, il le reconnaissait, il n'avait pas été tendre avec Roy. Il lui avait plus ou moins balancé ses quatre vérités. Mais uniquement afin de le faire réagir sur ses actions. Parce qu'il avait peur pour son ami. Il voulait simplement comprendre ce qui poussait réellement Roy à continuer dans cette voix malhonnête, dangereuse et sans scrupules. Il avait trop côtoyé les vraies pourritures pour laisser son meilleur ami en devenir une à son tour.

Et pourtant, ce dernier avait été tellement cynique, rempli de mauvaise foi et imbuvable qu'il avait fini par laisser tomber. Il avait été profondément blessé par ses paroles, par son ton haineux et par sa menace. Jamais encore, ils en étaient arrivés à un certain point de non retour. Jamais encore, ils ne s'étaient menacés avec leurs baguettes.

"Il pensait chaque mot qu'il a prononcé. Il n'y avait aucune trace de regret dans son regard. Je veux bien être gentil mais il y a des limites à ce que je peux accepter. Je crois avoir suffisamment souffert comme ça sans qu'on m'instrumente une seconde fois. J'ai bien compris ce qu'il attendait de moi. Soit beau et ferme là n'est plus ma façon de vivre et de voir les choses."

La situation était manifestement plus grave que ce qu'Irving avait pensé initialement. A vrai dire, il ne s'était pas vraiment inquiété jusqu'alors - D'après Klem, les disputes étaient fréquentes entre eux -  mais aujourd'hui,  il était forcé de constater que cette situation minait Klemens depuis des jours. L'ancien Gryffondor n'avait aucune idée des divergences qui avaient causées la rupture entre les deux amis mais leurs points de vue respectifs devaient être diamétralement opposés pour qu'ils en arrivent à de telles extrémités.

"Pourquoi vous vous êtes engueulés à la base ? s'enquit-il alors,  ça a avoir avec... tu sais quoi ?"

Il attrapa sa baguette et jeta un sort d'insonorisation sur l'appartement.

"Tu lui as parlé d'la Salamandre et il voulait pas qu't'en fasse partie ?"

Après tout, appartenir à un réseau résistant -ou terroriste, suivant les points de vue- était une raison de discorde tout à fait plausible.

Tu sais quoi ? Non, il ne voyait pas de quoi Irving lui parlait. Mais vraiment pas. Il posa un regard suspicieux et remplit d'incompréhension sur son ami alors qu'il se tournait les méninges dans tous les sens pour trouver une réponse. Il y avait bien sa lycanthropie mais il était certain que son voisin savait que Roy savait qu'il avait un problème de pilosité à la pleine lune. Donc, ça ne pouvait pas être ça, si ?

Toutefois, le jeune homme sembla percevoir son scepticisme puisqu'il insonorisa son appartement avant d'approfondir sa pensée. C'était en effet plus prudent d'insonoriser la pièce pour parler de la Salamandre. Même si en toute logique, ils n'auraient pas dû en parler du tout. Il poussa un léger soupir et secoua la tête négativement.

"Non, je ne lui en ai pas parlé. Et heureusement d'ailleurs."

Il entendait encore les paroles de Cassius qui assimilait Roy aux Veilleurs de la Voie des Miracles. Il entendait encore la voix des hommes de Roy qui donnait raison aux paroles de Cassius. Tout cela était tellement... étrange et incompréhensible.

"Non, je... j'ai surpris une conversation bizarre entre lui et des hommes de la Voie. Tu sais que Cassius à parlé de Veilleurs n'est-ce pas ? Et bien à Bristol, dans la Voie des Miracles, un nouveau gang s'est formé et ses membres s'appellent les Veilleurs. Ce sont eux qui ont le monopole là-bas maintenant. Et... visiblement Cassius ne s'est pas trompé lorsqu'il a affirmé que Roy connaissait très bien ces hommes."

Il n'avait pas besoin d'en dire plus. Irving comprendrait le reste tout seul. Ce n'était peut-être pas une bonne chose mais il avait le droit de savoir après tout.

Cassius... Bien sûr. Irving se souvenait de cet homme âgé qui avait prit la parole lors de la première réunion de la Salamandre. Il avait longuement parlé de Bristol et des Folies Sorcières notamment, affirmant même que Roy était une sorte de lien entre les veilleurs -le nouveau gang qui tenait la Voie- et des personnes haut-placées. Irving avait émit de sérieux doutes face à cette accusation. Il se souvenait très bien que le gérant des Folies avait été le seul à prendre sa défense lorsque Mildred Magpie avait voulu censurer la chanson Never Free. C'était elle, qui relayait les idées du gouvernement, surement pas Roy. Même s'il était clair qu'il devait avoir quelques liens avec la pègre -On ne s'improvisait pas dealer sans fournisseur- Irving était loin d'imaginer que le trafiquant était en vérité une pièce maitresse de ce réseau mafieux.

Pourtant, c'est ce que semblait sous-entendre Klemens...

"Tu penses que Roy a pactisé avec ces gars d'la Voie ? s'enquit-il en s'installant sur le bord du lit,  pour qu'ils n'interviennent pas aux Folies par exemple, ou quelqu'chose dans c'genre ?"

Klem était bien trop énigmatique et Irving ne voyait pas vraiment où il voulait en venir.

Klem secoua légèrement la tête lorsque Irving lui fit part de ses doutes. Il ne pensait pas. Il le savait. Et la vérité était même pire que ça d'après lui. Il poussa un léger soupire et s'empara de son verre de jus de citrouille qu'il vida d'un trait.

"Ce n'est pas tout à fait ça. C'est leur chef."

Il vrilla son regard dans celui de son ami avant de jouer distraitement avec le bord de sa manche.

"Enfin de ce que j'ai pu en comprendre. Il semblait tellement sûr de lui. Il disait ne pas vouloir m'impliquer dans ses histoires mais c'est déjà plus ou moins fait."

Il esquissa un sourire sans joie avant de secouer légèrement la tête de gauche à droite.

"Alors non, je n'allais pas lui parler de la Salamandre. Nous ne sommes pas dans le même camp lui et moi. Il ne pense qu'à s'enrichir en pactisant avec des hommes peu scrupuleux."

Leur chef ?

"Non, quand même pas !" répondit Irving en fronçant les sourcils.

Roy ne pouvait pas être le chef d'un gang de Bristol ! Le trafiquant n'était pas blanc comme neige, c'était certain, mais l'ancien Gryffondor ne pouvait pas envisager un tel scénario. Les chefs de gangs, on les trouvait dans les romans policiers de Jeremiah Yarrow ou en Une de la Gazette des sorciers, mais pas dans ses connaissances.
Irving ne parvenait pas à intégrer cette donnée et il secouait la tête de gauche à droite depuis une bonne minute, comme pour nier l'évidence.

Car Klemens, lui, semblait parfaitement sûr de ce qu'il avançait. Irving était forcé de constater que de telles révélations pouvaient expliquer la dispute virulente entre les deux amis.

"Et, ces Veilleurs au juste... Ils font quoi ?" s'enquit-il en passant une main sur son menton.

Irving ne semblait pas convaincu par ses paroles. C'était compréhensible. Lui aussi aurait préféré que tout soit différent. Lui aussi aurait préféré se tromper et ne pas comprendre tout ça. Avec plus de recule, les paroles de Cassius et celles qu'il avait entendu dans cette pièce reculée des Folies sorcières prenaient tout leur sens.

Il laissa son ami prendre le temps qu'il lui fallait pour assimiler ses paroles. Il le fixa un instant lorsqu'il lui demanda ce que faisait les Veilleurs concrètement. Il ne le savait pas vraiment au fond. Il avait quitté la Voie depuis un petit moment et n'avait plus que des échos désormais.

"Je ne sais pas exactement. Quand j'ai surpris Roy en train de parler avec ses hommes, il était question d'un témoin gênant. Et il semblait mort. Et... je...c'est fou mais... il a même pas tiqué où je sais pas. Il semblait juste énervé mais ça avait pas l'air de le toucher. Et il leur a dit de se débarrasser du corps. Comme ça. Sans... remords. Je sais pas... je croyais que j'avais mal compris au début aussi mais... Va falloir se faire une raison. C'est pas celui que je croyais."

Une immense tristesse s'empara soudain de lui. Son meilleur ami lui manquait. Le vrai, celui avec qui il jouait au poker, avec qui il blaguait et avec qui il avait quelques centres d'intérêts quand même.

Irving resta muet une bonne minute suite aux déclarations de Klemens. Il faut dire que ce n'était pas facile d'imaginer Roy en chef de gang, près à se débarrasser d'un cadavre, sans émettre le moindre remords.

"Tu es sûr que tu as bien compris ?... Enfin quoi. Pourquoi est-ce qu'il ferait tuer des gens comme ça ? C'est pas possible..."

Même si le contexte actuel devenait de plus en plus sombre, Irving se raccrochait à certains idéaux. Il ne pouvait pas envisager de connaitre et fréquenter des meurtriers - si l'on exceptait Klemens bien sûr, mais il avait des circonstances atténuantes- mais il était forcé de constater que le danger semblait partout.

L'ancien Gryffondor attrapa sa tête entre ses mains et resta pensif quelques secondes avant d'observer Klemens.

"J'ai l'impression qu'tout fout l'camps en c'moment..." finit-il par dire dans un souffle.

L'incompréhension. C'était tout ce qu'il ressentait également. Et que pouvait-il répondre à Irving ? Oui, il était sûr et lui non plus ne comprenait pas. Il poussa un léger soupir et vida son verre de jus de citrouille. Il laissa à son ami le temps de rassembler ses pensées, d'assimiler ce qu'il venait de lui avouer.

Il se leva et s'approcha de lui pour poser une main de réconfort sur son épaule. Oui, tout fautait le camp. Et c'était à eux de réagir avant que tout ne soit trop tard avant que tout ne soit perdu. Et si pour cela, il fallait agir violemment, si c'était la seul façon de se faire entendre, de se faire comprendre et de changer les choses alors il était prêt à le faire.

"Oui, j'en suis sûr. Et moi non plus, je ne comprends pas."

Il pressa un peu plus l'épaule de son ami alors que son regard se durcissait légèrement.

"Mais on va pas laisser Marchebank s'en tirer comme ça. On va pas le laisser pourrir notre pays et faire ce qu'il veut. Il va pas nous enlever nos libertés impunément. On va se battre, on va lui faire payer à cet enfoiré."

"On sait même plus sur qui on peut compter, à qui on peut dire la vérité sans risquer d'se faire dénoncer à la Milice... Faut toujours réfléchir à c'qu'on dit..., Il poussa un soupir et ajouta dépité, ... alors si on peut même plus compter sur ses propres potes..." il leva les yeux vers Klemens qui s'était rapproché de lui avant de conclure, j'trouve ça dur."

Pouvait-il sérieusement envisager de parler de la Salamandre à ses plus proches amis sans craindre leur réaction ? Il aimait à penser qu'aucun d'eux ne le dénoncerait, mais que se passerait-il s'il se rendait compte, un jour, que ses amis n'étaient pas ceux qu'il avait imaginé. Un peu comme Klemens avec Roy aujourd'hui. Cela serait surement un énorme coup dur à encaisser.



"Bien sûr, j'ai pas envie d'baisser les bras face à tout c'qui s'passe...reprit-il quand Klem affirma qu'ils devaient se battre, au contraire même, ça m'indigne encore plus chaque jour, poursuivit-il avec  vigueur, mais j'ai l'impression d'pas être assez armé pour lutter, tu vois ? J'ai jamais été un grand sorcier et aujourd'hui, j'avoue qu'j'regrette un peu d'pas avoir gardé  DCFM ou Sortilèges. Si j'uis amené à m'faire chopper,un jour -enfin j'espère pas hein, mais si ça d'vait arriver - j'vois pas trop comment j'pourrais m'défendre..."

Ne pas savoir à qui faire confiance. Devoir constamment surveiller ses paroles. Faire comme si tout allait bien, comme si tout était normal alors que ce n'était pas le cas, loin de là. Klemens avait vécu une bonne partie de sa vie de cette façon. Et aujourd'hui, il conservait un secret que seul ses plus proches amis connaissaient. Il lui était donc plutôt aisé de mentir avec conviction et de faire semblant de rien.

Il avait toutefois l'impression que ce n'était pas aussi évident pour Irving. Il ne connaissait pas le jeune homme depuis très longtemps pourtant ils s'étaient sensiblement rapproché et il avait pu constater qu'il était franc, presque trop parfois. Cela le rendait maladroit parfois. Mais après tout, c'était mieux ainsi. On savait à quoi s'en tenir avec lui au moins. C'était ce que Klem appréciait chez Irving d'ailleurs. Alors lui demander de tenir sa langue et de dissimuler une partie de ses activités devait être une chose affreuse pour lui. Il osait à peine imaginer comment il devait se sentir mal de ne pouvoir en parler à ses plus proches amis de peur d'être trahi. Il comprenait parfaitement ce sentiment. Et il compatissait d'autant plus.

"Je peux t'apprendre quelques sorts si tu veux, proposa-t-il alors que Irving sous entendait qu'il n'avait rien pour se défendre. Je me défendais pas mal en magie offensive et défensive. Je ne sais pas ce que je vaux comme prof mais si ça peut t'aider."

Il était prêt à partager son savoir sans aucun problème. Et si Irving était prêt à faire de la magie noire, il pourrait également lui enseigner quelques bases. Mais il se doutait que le jeune homme serait frileux. Les anglais semblaient avoir beaucoup de mal avec cette branche de la magie.

"Vraiment tu ferais ça ?" s'enquit-Irving lorsque Klem lui proposa de lui enseigner quelques sortilèges, franchement ça serait super..."

A vrai dire, il avait bien songé demander un peu d'aide autour de lui, comme à Jeremy ou à Juliet, mais il s'était vite abstenu, ne souhaitant pas éveiller les soupçons de la famille Baker qui semblait filer le parfait bonheur depuis la naissance de Gabrielle. Il avait également pensé à Chloé mais l'ex-gryffondor aspirait à un autre type de relation avec son ancienne directrice que le rapport prof/élève qu'ils avaient eu pendant presque sept ans.

En fait, Klemens était le professeur idéal. Irving lui faisait assez confiance pour lui dévoiler ses faiblesses en matière de Magie et il ne doutait pas de ses aptitudes en tant que sorcier. Bosser aux Portoloins était autrement plus difficile que d'entretenir le réseau de Cheminette !

"J'pense que c'est vraiment les DCFM qu'il faut qu'je travaille. Ça m'a jamais vraiment intéressé... En fait, j'voyais pas l'utilité, à l'époque."

Mais aujourd'hui, il était forcé de constater qu'il devait absolument se former à quelques sortilèges de base. On ne s'engageait pas dans une entreprise comme la Salamandre sans prendre ses responsabilités et Irving avait à cœur de ne rien laisser passer.

"Vous aviez des modules de Défenses Contre les Forces du Mal à Durmstrang ?" demanda-t-il alors.

"Oui sans problème."

Cela ne le dérangeait pas du tout d'aider Irving. Il était certain que le jeune homme aurait fait la même chose pour lui. Et puis après la tolérance dont il avait fait preuve à son égard, il lui devait bien ça. Il hocha la tête lorsque son ami parla de DCFM mais en réalité, il n'avait pas la moindre idée de ce que c'était.

Il comprit plus ou moins lorsqu'il parla de Défense contre les Forces du Mal. Il n'y avait pas ça à Durmstrang. Les forces du Mal n'étaient pas combattus. Ou du moins, on ne les nommait pas. On enseignait tous les sorts qu'il soit de magie conventionnelle ou non. La Magie Noire n'était qu'une option pourtant, il y avait deux cours bien distinct. Les cours de de magie offensive et les cours de magie défensive. Et lorsque l'on continuait la magie offensive après la cinquième année, les sorts de magie noire étaient étudiés.

"Hum... on appelle pas ça comme ça chez nous. On a les cours de magie offensive, pour l'attaque. Et les cours de magie défensive pour la défense. Et on étudie un peu la magie noire après la cinquième année pour ceux qui veulent. C'est une option. Mais comme j'ai continué ces cours après la cinquième année, je vais pouvoir t'aider."

Il esquissa un léger sourire à son voisin. Il espérait qu'il était prêt à en baver parce qu'il n'allait rien céder.

Klemens semblait tout à fait prompt à l'aider, ce qui revigora quelque peu Irving. Quand il s'agissait de la Salamandre, il préférait se sentir actif. Il était nul en DCFM ? Soit, il pouvait essayer de remédier à ça. En travaillant. Jour après jour.

Prendre ce genre de décision le rassurait quelque peu. Il s'était engagé dans cette entreprise en toute connaissance de cause mais il n'était pas pour autant complétement aveuglé par sa mission au sein de la Résistance. Il avait longuement posé le pour et le contre et il savait qu'il devrait, à l'avenir, se montrer prudent et anticiper les problèmes. C'était tout à fait nouveau pour lui mais il était content de pouvoir compter sur son voisin et ami pour le faire évoluer dans ce sens.

Reprenant le fil de la conversation, Irving hocha lentement la tête quand Klemens lui expliqua l'équivalent des cours de DCFM à Durmstrang. Toutefois, il tiqua légèrement en entendant la formulation "Magie Noire".

"On vous enseignait ça là-bas ? demanda-t-il incrédule, mais... vous appreniez quoi au juste ? Des sortilèges, des potions ?" ajouta-il avec une curiosité non feinte.