Si le loup y était, il nous man-ge-rait ! [Klem & Irving]

28 novembre 2008, Cité Nimbus, 2h30 du matin.


Pour une fois qu'il n'était pas d'astreinte, Irving n'avait pas sommeil. Après avoir tourné dans son lit, il avait décidé d'optimiser le temps en préparant son casse-croute du lendemain. Et puis, il avait tout un tas de nouvelles recettes à tester. Nora allait passer quelques jours chez lui pendant les vacances de Noël et il devait avouer qu'il avait très envie de la surprendre avec ses nouveaux talents culinaires.

Il s'était donc lancé dans une recette complexe de "licheur à la liqueur de Branchiflore" et il arrivait justement à l'étape finale où il devait incorporer quelques cuillères de la boisson spiritueuse dans son plat mijoté. L'ancien gryffondor attrapa la topette qu'il avait acheté la veille mais, comble de malchance, il l'échappa et elle se brisa au sol.

"Oh bordel de troll !" grogna-t-il. Ces courses lui avaient couté un bras et il venait de gâcher des heures de cuisine avec une maladresse. Hors de question que le licheur finisse à la poubelle !

Il passa en revue les options qui s'offraient à lui pour terminer son plat. Tous les commerces de la Cité étaient fermés mais il avait bien une solution... Il pouvait toujours passer chez Klem -l'expert parmi les experts en matière d'alcool fort- et lui emprunter quelques gouttes du fameux breuvage. Son ami n'était pas là cette nuit -il le lui avait dit- et il comprendrait très certainement la situation urgente quand Irving la lui expliquerait.

L'ancien gryffondor attrapa donc une poignée de Poudre de Cheminette  et la jeta dans l'âtre pour rejoindre l'appartement du dessous...

Les nuits de pleine lune étaient toujours aussi éprouvantes pour lui. Malgré les années, la douleur dans ses muscles n'avait pas disparu. Il se prépara donc à passer une mauvaise nuit après avoir avalé sa potion et s'installa à même le sol au pied de son canapé. Si il pouvait éviter d'avoir à le réparer le lendemain, ce serait déjà un bon point pour lui. Il avait aussi averti Irving qu'il ne serait pas là afin de ne pas le voir débouler chez lui à l'improviste. Et après avoir lancé les derniers sorts de d'insonorisation et de protection sur l'appartement, il laissa sa tête retomber sur ses genoux repliés. La douleur commençait déjà à apparaître et bientôt, il aurait quitté forme humaine.


Un bruit de bouteilles qui s'entrechoquent et une odeur étrangère lui firent redresser la tête. Le loup s'avança silencieusement dans la pièce. Sa nature l'obligeait à la prudence, il ne reconnaissait pas ces bruits ni cette odeur. Il savait qu'il aurait mieux fait de partir se cacher, que cela pouvait être dangereux pour lui de bouger, de se montrer. Mais la curiosité l'emporta. Et il retrouva bientôt derrière un homme qui semblait chercher quelque chose. Il se recula légèrement pour se poster à côté du canapé lorsque l'homme se retourna. Plongeant son regard dans ses yeux brillants de loup.

Irving déboucha dans la pénombre de l’appartement de Klemens faiblement éclairé par la lumières extérieures. Il se dirigea directement vers le bar de son ami –endroit qu’il connaissait bien maintenant- dont il ouvrit les portes afin de rechercher le breuvage convoité. Il y avait de nombreuses bouteilles aux formes diverses. Certaines étiquettes étaient écrites en russe ou en polonais si bien qu’Irving était obligé d' humer chaque parfum en essayant de deviner s’il s’agissait de liqueur de Branchiflore ou pas. Il reconnut l’odeur de plusieurs Whisky Pur Feu, celui d’une Vodka-Forte-Glace qui lui donna immédiatement la nausée (la cuite qu’il avait prit le mois dernier y était surement pour quelque chose) avant de trouver enfin son spiritueux.
Irving referma le bar et se retourna pour rejoindre la cheminée mais il s’immobilisa brusquement. Quelque chose le regardait. Là, juste à quelques mètres de lui. Une créature.  Quoi ? Impossible de le dire, elle restait tapie dans l’ombre de la pièce, du moins, pour le moment.

Bien sûr, Irving avait laissé sa baguette chez lui, se maudit-il en jetant un bref coup d’œil en direction de l’âtre de l’autre côté du salon. Peut-être valait-il mieux envisager de s’arrêter à mi-chemin pour s’enfermer dans la chambre. Quoi qu’il en soit, Irving ne voulait pas rester dans la même pièce que ce truc ! Qu’est ce qui était passé par la tête de Klemens pour investir dans un énorme chien de garde sans même le prévenir !? Irving hésita quelques secondes puis il esquissa un pas en direction de la sortie…

L'appréhension. Il pouvait la sentir. Intrigué le loup s'avança légèrement dans la pièce pour mieux observer l'intrus. Il resta toutefois sur ses gardes. Les oreilles en mouvements continu afin de capter un son qu'il n'aurait pas perçu auparavant. Ses iris ambrés fixé sur l'humain. Il avança de quelques pas prudent, suffisamment pour qu'il soit vu. Et de façon à pouvoir effectuer un repli stratégique en cas de danger.

Ce qu'il n'avait pas prévu toutefois, fut la réaction de l'homme. Qui, immobile l'instant précédant, venait d'esquisse un geste brusque. Le faisant réagir au quart de tour. Il se plaqua au sol, les oreilles couchés sur le dessus de sa tête, les babines retroussées sur ses impressionnantes dents. Un grognement sourd s'échappant de sa gorge. Il était coincé lui aussi. A découvert, il n'osait pas bouger de peur que l'autre ne s'en prenne à lui si il tentait de s'enfuir.

Un Loup. Klem avait un putain-de-loup dans son salon ! Irving ne réfléchit pas plus longtemps à l’incongruité de la situation. Il aurait tout le temps de maudire son ami une fois qu’il serait sorti de là. S’il s’en sortait. Armé uniquement de la bouteille de liqueur, il esquissa un pas en direction de la cheminée mais la créature se montra immédiatement agressive. Elle venait de se tapir sur le sol, prête à bondir, et ses babines retroussées laissaient entrevoir de grandes crocs blanches particulièrement acérées.

*Oh bordel de troll* songea-Irving en stoppant sa progression. Il tenta de transplaner –des fois que- en vain.

Bon. Il devait analyser la situation avec calme, se dit-il en expirant lentement. La cheminée était de l’autre côté du salon, inaccessible pour le moment. Située un peu plus près (mais toujours trop loin aux yeux d’Irving) la porte de la chambre de Klemens. Le seul élément qui pouvait s’avérer salutaire était un balai appuyé contre le mur à quelques enjambées de lui.

L’ancien Gryffondor prit donc une profonde inspiration et se jeta dans sa direction tout en priant pour qu’il s’agisse bien d’un modèle volant.

Tirage de dés:

Le membre 'Irving Whitaker' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

'Dé à 6 faces' : 5

Tirage de dés:

Il pouvait maintenant sentir la peur chez l'humain. Augmentant considérablement la sienne au passage. Il bondit au moment même où l'intrus se précipita sur le morceau de bois près du mur et s'envola. Le loup s'arrêta à quelques centimètres du mur, les oreilles toujours couchées sur le haut de son crâne.

Il sauta pour essayer d'attraper l'homme mais sans succès. Il se mit alors à tourner en cercle autour du canapé. Les crocs toujours découverts et un grognement s'échappant de temps en temps de sa gueule. Lorsque soudain, un bruit d'enfer se fit entendre au dessus de sa tête.

Terrorisé, le loup gémit et s'éclipsa en vitesse en direction de la chambre. La porte légèrement entrouverte lui laissant le champ libre pour aller trouver refuge sous le lit. Là au moins, il serait en sécurité. Personne ne viendrait le trouver ici, n'est-ce pas ?

Le membre 'Klemens Dabroski' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

'Dé à 6 faces' : 2

S’élever dans les airs. Irving replia ses jambes le plus haut possible afin de ne pas se faire happer par la bête. Il était enfin hors de porté, constata-t-il avec soulagement juste avant de se prendre le lustre en plein crâne.
Sous la violence du choc, il lâcha la bouteille de liqueur qui se brisa au sol mais il resta agrippé au balai le temps de reprendre ses esprits. Il s’immobilisa dans les airs et frotta sa tête quelques secondes avant de reporter son attention en dessous de lui. Le loup avait disparu.  La porte de la chambre était entrouverte ce qui laissait supposer qu’il s’était réfugié là-bas. Tout en massant son front –il allait avoir une belle bosse- Irving balaya la pièce du regard.

C’est alors qu’il la vit. Posée sur la table basse. La baguette de Klemens. Bordel ! Mais depuis quand son ami se baladait-il sans son bout de bois ? Cette soirée était vraiment trop étrange... Irving descendit en piqué et attrapa l’artefact avant de s’élever de nouveau. Bien décidé à avertir Klem de ce qui venait de se passer, il convoqua son patronus pour lui envoyer un message:

« Je suis dans ton salon…euh… avec un loup et ta baguette…et ben…j’t’attends. »

Que pouvait-il dire d’autre ? songea-t-il en l’ expédiant.

Mais contre toute attente, son patronus ne se volatilisa pas. Il se contenta de flotter doucement jusqu’à la porte entrebaillée.

Se pouvait-il que son ami soit juste dans la pièce d’à côté ?

Intrigué, Irving suivit la forme argentée jusque dans la chambre…

Un bruit de voix lui fit redresser la tête, il grogna légèrement avant de reposer sa tête sur ses pattes avant. Il attendait avec impatience que l'intrus s'en aille enfin. Qu'il le laisse continuer son exploration de l'endroit où il se trouvait. Il poussa un petit soupir de loup, fermant les paupières, les oreilles aux aguets.

Il redressa une nouvelle fois la tête, intrigué. Une forme argentée se dirigea vers lui. Il se leva et renifla la forme étrange. Aucune odeur ne vint chatouiller ses naseaux. Il éternua avant de se reculer. Il grogna légèrement. Il se tapit davantage contre le mur lorsque la brume se mit à parler. Il grogna encore une fois et retroussa les babines avant de se réfugier à nouveau sous le lit. Il commençait à en avoir assez de toutes ces choses étranges qui lui tombait sur le coin de la truffe.

Toujours en lévitation sur son balai, Irving poussa la porte afin de voir où se dirigeait son patronus. Il suivit des yeux la forme argentée qui avança dans la pièce et qui s'arrêta finalement devant le loup pour lui délivrer son message.
Devant le loup.
Irving cligna des paupières et resta littéralement bouche bée, trop sidéré par ce qu'il venait de comprendre. Une petite partie de son cerveau tentait de rationaliser la chose en lui soufflant qu'il existait des animagui, comme Jeremy, mais Irving savait bien que ce n'était pas le cas. Beaucoup trop d'éléments concordaient vers un autre scénario...

L'ancien Gryffondor soupira lentement et tira la porte derrière lui afin de laisser le loup en paix. Il n'arrivait pas à l’appeler autrement pour le moment. Machinalement, il remonta dans son appartement couper le feu sous sa viande de licheur carbonisée puis il redescendit dans le salon de Klemens.


Plusieurs heures plus tard, il était toujours assis sur le canapé sans avoir fermé l’œil de la nuit. Lorsqu'il entendit le cliquetis de la porte de la chambre, il se leva pour faire face à son ami mais il ne ne sut pas quoi lui dire lorsqu'ils se retrouvèrent enfin face à face.

Klem se réveilla sur le sol, le corps tout endolori. Il s'étira précautionneusement, testant un à un ses muscles. Il n'était pas dans une forme olympique loin de là. Il attrapa machinalement un caleçon et l'enfila avant de se diriger vers la porte de sa chambre étrangement close. Il ne se souvenait pas s'être enfermé la veille au soir. Il lui semblait même être resté à côté de son canapé. Il poussa un léger soupir avant de se passer une main dans les cheveux. Geste qui lui arracha une légère grimace de douleur. Peut-être s'était-il enfermé sous sa forme de loup après tout.

Il sortit donc de sa chambre pour tomber nez à nez avec Irving. Il pâlit légèrement et chancela légèrement. Il dut s'appuyer contre le mur derrière lui garder un équilibre précaire. Il ne comprenait pas ce que son ami faisait chez lui à cette heure là. Il lui avait pourtant précisé qu'il était absent. Klem nota mentalement les bouts de verre qui jonchaient le sol avant de relever les yeux sur son voisin.

"Qu'est-ce que tu fais là ?, son ton était fatigué et loin de celui qu'il employait habituellement. Il se durcit davantage alors qu'il fronçait les sourcils. Je t'avais dit que je n'étais pas là cette nuit. Pourquoi tu es venu ? Mais t'es complètement inconscient ma parole. Qu'est-ce que tu comprends pas dans ne viens pas ?"

Il était désormais bien en colère. Le pauvre Irving allait subir le caractère de Klemens après une nuit de transformation. Et il était plutôt... lunatique.

Klemens n'avait pas vraiment dit "Ne viens pas" mais "Je ne suis pas là" ce qui était, clairement, deux choses très différentes.  Toutefois, Irving décida de ne pas faire remarquer ce détail à son ami. Il tenait quand même à rester en vie ! Après tout, il était entré presque illégalement chez son camarade, qui plus est pour lui emprunter quelque chose sans son autorisation, alors il était clair que s'il y avait une personne à blâmer ce matin, c'était bien l'ancien Gryffondor. Il accueillit donc les remontrances de son voisin sans broncher. Étant données les circonstances, il ne s'attendait pas à un autre type de réaction de sa part de toute façon.

"Je sais qu'j'aurais pas dû débarquer chez toi sans t'prévenir avant. J'avais b'soin d'un truc, j'savais qu't'en avais et j'voulais pas t'déranger. j'ai pas vraiment réfléchi en fait."

C'était le moins qu'on puisse dire.

"Quoiqu'il en soit j't'l'aurais dit, j'aurais pas fait ça dans ton dos !" affirma-t-il avec vigueur.
Irving avait bien des défauts mais il n'était pas voleur. Il aurait remplacé la bouteille de liqueur et il aurait même gardé une portion de licheur pour son voisin.

"Mais... C'est juste...fin'.... j'pensais pas que..."

Irving haussa les épaules et soupira:

"J'aurais voulu qu'ça s'passe autrement."

Que Klemens lui dise plutôt qu'il le découvre comme ça.

Ce qui dérangeait le plus Klemens au fond, ce n'était pas que Irving ait déboulé chez lui pour lui prendre un truc. Il s'en moquait à la réflexion. Ce qui le dérangeait, c'était qu'ils étaient devenus suffisamment proche pour que Irving sache que ça ne le dérangerait pas au fond. Et donc, il agissait en conséquence. Et voilà qu'ils se retrouvaient dans une situation plus que délicate où son voisin se retrouvait à s'excuser de s'être mis en danger. Sans le savoir.

Si Klem l'avait mis au courant pour sa lycanthropie, ils n'en seraient pas là ce soir. Et pourtant, il n'arrivait pas en s'en vouloir de ne pas lui avoir dit. C'était quelque chose qu'il n'avait franchement pas envie de crier sur les toits. Et au fond, la dernière phrase d'Irving sonna comme une accusation. Il croisa les bras sur son torse et son visage se ferma.

"Ouai, ben... j'suis désolé."

Il poussa un soupir et passa machinalement sa main dans les cheveux avant de grimacer de douleur. Ses muscles étaient encore douloureux et il aurait tout donné pour pouvoir retourner se coucher.

"Ecoute... c'est pas que je te fais pas confiance ni rien mais... parler de ça... C'est pas comme si j'étais super heureux d'être ce que je suis. C'est pas le plus gros kiffe de ma vie si tu vois ce que j'veux dire. Donc ouai idéalement, moi aussi, j'aurais préféré que ça se passe autrement."

Oui, il aurait largement préféré que Son ami ne déboule pas dans son appartement au beau milieu d'une nuit de pleine lune.

« C’est quand même pas à toi d’t’excuser… » souffla Irving quand son ami affirma être désolé.

Désolé de quoi d’ailleurs ? Klemens n’avait rien fait de mal après tout. Il avait pris toutes les dispositions pour les protéger, l’un et l’autre, et pour garder son secret intact mais il avait fallu qu’Irving se montre un peu trop aventureux.

Son voisin lui révéla alors qu’il avait du mal à assumer sa lycanthropie et qu’il n’en parlait pas facilement. Irving hocha la tête lentement. Ça il l’avait compris. Accepter sa condition de loup-garou devait nécessiter un long travail sur soi. Il en avait un peu parlé avec Samantha l’été dernier et il savait que le regard des autres pouvait être très dur et stigmatisant.

A la pensée de son ex-petite- amie, Irving esquissa un faible sourire :

« Le même apothicaire que Sam, souffla-t-il alors en se remémorant la conversation qu’ils avaient eu tous les trois à Pré-Au-Lard, j’comprends mieux maintenant. »

La potion Tue-Loup ne devait pas se trouver si facilement.

« Ça s’est passé pour la Pleine Lune Sanglante toi aussi ? » s’enquit-il alors.

Klem haussa les épaules nonchalamment lorsque Irving lâcha que ce n'était pas à lui de s'excuser. Il savait que si au fond. Cette situation ne ce serait jamais produite si il avait été un homme comme les autres. Il soupira et se laissa aller contre le mur. Il hocha lentement la tête lorsque son ami comprit pour l'apothicaire. Avant de secouer négativement la tête à sa question.

"Non, je n'ai pas été mordu à la Pleine Lune sanglante. J'ai été mordu l'année de mes dix-huit ans, en Pologne. J'étais avec un groupe d'amis quand on a été attaqué. Evidemment aujourd'hui, il ne reste plus rien de notre amitié. Ma famille m'a rejeté et elle a sans doute eu raison."

Il esquissa un faible sourire avant de frissonner légèrement. Il venait juste de se rappeler qu'il était encore en caleçon. Mais il savait qu'il devait la vérité à Irving.

"Et... si je connais Samantha c'est parce que... c'est moi qui l'ai mordu..."

Il baissa la tête honteux.

Irving écouta l'histoire de Klemens et hocha de nouveau la tête. Cela faisait plus de dix ans que son voisin vivait cette situation sans parvenir à s'en accommoder. A en juger par ses dires, il semblait presque comprendre les personnes qui l'avaient rejetés après sa morsure. C'était le monde à l'envers !

L'ancien Gryffondor s'apprêtait d'ailleurs à fustiger l'intolérance de la famille de Klem lorsque ce dernier balança une véritable bombe dans la conversation.

"Quoi ?" lâcha Irving sans même prendre le temps de réfléchir.

S'il était prêt à plaindre son voisin quelques secondes plus tôt, cette dernière révélation lui fit l'effet d'une claque. Il avait eu toute la nuit pour anticiper cette conversation mais il ne s'attendait pas à cet aveu.

"Oh bordel..." souffla-t-il en se rasseyant sur le canapé. Il passa ses deux mains dans ses cheveux et se laissa tomber contre le dossier. Klemens était donc l'horrible créature sanguinaire qui avait laissé de longues cicatrices dans le cou de Sam'. Et c'était aussi lui qui avait tué Roxanne Prewett.

Irving s'accouda sur ses cuisses et posa une main devant sa bouche, trop choqué pour dire quoi que ce soit. Il resta quelques secondes dans cette position, le regard fixé droit devant lui, avant de reporter son attention sur son voisin:

"Elle sait que c'est toi ?"

Klem se mordit l'intérieur de la joue tout de suite après avoir lâché ses aveux. Il ferma les paupières et laissa sa tête retomber contre le mur derrière lui. Il soupira faiblement, laissant le temps à Irving de réaliser ce qu'il venait de dire. Il était vraiment stupide. A croire que les pleines lunes lui grillaient le peu de neurones qu'il lui restait à chaque fois.

"Oui, elle le sait."

Il avait longuement hésité avant de lui avouer mais il avait finalement fini par le faire.

"La culpabilité me rongeait de l'intérieur. Je... je ne pouvais pas rester silencieux, elle avait le droit de savoir... Il a suffit d'une simple petite potion défaillante et d'un hasard malchanceux. Elle devait savoir quel genre de monstre lui avait ça..."

Il poussa un nouveau soupir avant de frissonner légèrement. Il esquissa un pas vers Irving avant de se stopper.

"Je vais prendre une douche. Si t'as besoin d'un café ou d'autre chose, sers-toi. Et... si vraiment t'as besoin de temps pour assimiler tout ça ou si... juste t'as plus envie de me voir je comprendrais. Tu serais pas le premier à avoir peur."

Il esquissa un faible sourire avant de s'enfermer dans la salle de bain. Si Irving n'était plus là lorsqu'il sortirait, il comprendrait parfaitement. Après tout, il n'était qu'une bête assoiffée de sang aux yeux de beaucoup de personnes.

Irving écouta Klemens, sans oser l’interrompre. C'était tellement étrange de se dire que son ami était capable de telles horreurs. Qu'il avait littéralement déchiqueté Roxanne. L'ancien Gryffondor avait beau tenter de se concentrer sur les dires de son voisin, il n'arrivait pas à se sortir cette image de la tête. Cela dû d'ailleurs se lire sur son visage puisque Klem s'éclipsa non sans lui laisser l'opportunité de partir s'il le souhaitait, voir même de prendre carrément ses distances. Irving le suivit des yeux jusqu'à la salle de bain, puis, une fois la porte fermée derrière lui, il bascula sa tête en arrière sur le dossier.

Au fond, Klemens était aussi une victime de la pleine lune sanglante, songea-t-il en observant le lustre légèrement cabossé au dessus de lui. C'était difficile à envisager sous cet angle pour l'ancien Gryffondor qui avait été particulièrement touché par la transformation de Samantha mais c'était pourtant la vérité. Il se souvenait encore des Loups-Garous qui avaient manifestés lors du Bloody Sunday aux côtés des Nimbusiens. Eux aussi, ils remettaient en cause les potions frauduleuses et cette politique économique basée sur le profit des classes dirigeantes au détriment de la santé de la population.  
Forcé de constater qu'ils avaient exactement le même combat.

Face à ce constat, Irving poussa un léger soupir et se leva lentement. D'un coup de baguette il nettoya les bris de verre au sol avant de rejoindre la cuisine de son ami, et lorsque ce dernier sortit de sa douche quelques minutes plus tard, la petite pièce fleurait bon le café fraichement préparé.

Une odeur de café lui chatouilla les narines lorsqu'il sortit de la salle de bain. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Cela ne signifiait qu'une chose. Irving était resté. Il ne lui avait pas tourné le dos malgré ce qu'il avait fait. Il inspira profondément avant de s'avancer vers la cuisine. Il n'avait sans doute jamais angoissé autant avant d'entrer dans sa propre cuisine.

Il ne savait pas exactement ce qu'il devait dire ni même ce qu'il devait faire. Irving ne le rejetait pas complètement mais il se doutait qu'il devait avoir du mal à faire passer l'info. Il y avait de quoi. Certains seraient déjà parti pour moins que ça. Il était donc reconnaissant au jeune homme des efforts qu'il faisait pour ne pas le froisser. Il resta un instant immobile derrière le comptoir qui séparait la cuisine du salon. Avant de se décider à parler.

"Merci d'avoir fait du café... Et, merci d'être resté..."

Irving posa deux tasses fumantes sur le comptoir entre lui et Klemens. Il accorda un bref sourire à son voisin lorsqu'il le remercia d'être resté. Sincèrement, il ne savait pas s'il méritait ces remerciements tant les aveux de son voisin le laissaient encore sous le choc mais le mieux était encore d'en parler et de poser des mots sur tout ça.
Klemens avait-il révélé à la justice son implication dans cet assassinat ? Comment vivait-il aujourd'hui avec cette culpabilité ?
Irving avait beaucoup de questions en tête mais il n'était pas certain de pouvoir les lui poser. Il attrapa toutefois un tabouret haut pour s'installer face à son camarade avant de lui demander:

"C'est pour ça qu't'es parti d'Pologne ? Parce que ta famille avait peur de toi ?" s'enquit-il en faisant référence à ce que lui avait dit Klem quelques minutes plus tôt.

Ils arrivaient visiblement à ce moment clé dans une relation. Le moment où les barrières tombaient entre deux personnes et où la camaraderie pouvait, peut-être, se transformer en amitié...

Klem se saisit de l'une des tasses brûlantes et laissa son regard se perdre dans le café noir. Il répondit au sourire d'Irving et attendit que le breuvage refroidisse un peu avant de le porter à ses lèvres. Il faillit s'étouffer lorsque Irving prit la parole. Il toussota un instant afin de faire passer le café qu'il avait avalé de travers avant de regard son voisin. Il soupira légèrement avant de hocher lentement la tête. C'était plus ou moins ça après tout.

"Si on veut. Ils avaient peur et en même temps ma famille n'a jamais été très ouverte d'esprit. Pour te donner un exemple, Mordred a un jour comparé ma famille à vos Nimbus de Pompadour, je crois. Tu rajoute à ça un esprit pro-Grindelwald et tu obtiens mon père."

Il esquissa un léger sourire amusé. Avant de baisser les yeux. Il aurait pu parler de Katzia, il aurait peut-être dû pour rester dans la sincérité. Pour ne pas avoir à mentir encore une fois. Mais évoquer sa petite soeur était encore trop douloureux. Même dix ans après. Il n'avait rien oublié de son crime. Et le dire à Irving, n'aiderait sans doute pas à le faire voir sous un meilleur jour. Parce que finalement Roxanne n'était pas sa première victime.

"Je suis parti. Mes amis m'ont tourné le dos après ma morsure et ma famille me regardait avec dégoût. Donc j'ai vidé mon compte en banque et j'ai filé."

Il ne mentait pas finalement, il ne disait juste pas toute la vérité.

"Arf. Un cocktail détonnant." souffla Irving en haussant les sourcils.

Des Nimbus de Pompadour pro-Grindelwald ? Merlin, cela paraissait tellement inconcevable quand on voyait Klemens !

"Prends le pas mal mais j'aurais jamais pensé qu'tu puisses être issu d'une famille d'sang-pur d'la Haute."
A croire qu'il avait pris complétement le contre-pieds de ses origines. A vrai dire, Irving se rendait compte qu'il ne connaissait rien de Klem et que tout ce qu'il avait imaginé sur lui était probablement faux: Apparemment non, son père ne désossait pas des navires échoués sur les plages polonaises de la mer baltique.

"Et dans ta famille t'as gardé contact avec vraiment personne ? s'enquit-il presque désolé pour son ami.

Il avait beaucoup de mal à envisager que tous les proches de Klemens lui aient tourné le dos, lui qui était issu d'une famille relativement unie dans l'adversité.

"Et du coup c'est pour ça qu't'as débarqué en Angleterre donc"

Klem pouffa légèrement lorsque Irving lui demanda de ne pas le prendre mal lorsqu'il lâcha qu'il n'avait rien d'un aristo snobinard. Il secoua la tête avec un léger sourire.

"J't'en veux pas. C'est le but de toute façon. J'ai jeté mon éducation aux oubliettes en même temps que j'suis parti. J'ai vécu pas mal de moments difficiles et gênants en dix ans. Suffisamment pour ne plus me comporter comme un petit con arrogant. Crois moi, j'étais imbuvable ado."

Un sourire amusé se dessina sur ses lèvres alors qu'il repensait à tout ce qu'il avait pu faire lorsqu'il était adolescent. Il se croyait le maître du monde, complètement intouchable et invincible. Il n'obéissait à aucune règle. Vivant comme il l'entendait, prenant la plupart de ses camarades de haut. Et surtout ses professeurs.

"Non avec personne. La dernière fois que j'ai vu mon frère aîné, c'était avant le jour de la pleine lune sanglante. Il a passé son temps à m'insulter. A la base, il était venu m'annoncer que ma mère était mourante. Mais il m'a bien dissuadé de retourner en Pologne pour aller la voir. Mon père ne m'accueillera pas à bras ouvert. Donc, niveau famille, c'est assez restreint."

Son père était fils unique, sa mère avait une soeur à qui elle ne parlait plus depuis des années et Klem ne la connaissait pas. Quant à ses grands-parents... si ils n'étaient pas morts, ils croupissaient à Nurmengard.

"Et j'ai fait un tour de l'Europe avant d'atterrir en Angleterre. J'ai profité de la vie et dilapidé mon héritage en à peine un an."

Klem avait donc été un adolescent arrogant et m'as-tu-vu. Décidément, Irving allait de surprise en surprise aujourd'hui. Même si cet aveu était nettement moins déroutant que "J'ai transformé ton ex et tué une de tes camarade de classe" c'était tout de même un peu étonnant quand on connaissait le bonhomme. Enfin, du moins, quand on croyait le connaitre.

En même temps, Irving pouvait comprendre que Klemens ait occulté tout un pan entier de sa vie. Si sa propre famille -les seuls personnes sur terre censées l'accepter tel qu'il était- avait décidé sciemment de couper les ponts après sa transformation, c'était parfaitement concevable. Il avait toutefois un regret pour son ami qui n'avait manifestement pas pu revoir sa mère avant son décès. Pour avoir vécu la situation, Irving savait combien ces derniers moments partagés étaient importants. Peut-être que sa mère regrettait de l'avoir rejeté. Klemens ne le saurait jamais. C'était triste.

Irving but une gorgée de café et reposa son mug sur le plan de travail. Il esquissa un léger sourire lorsque son voisin affirma avoir dilapidé sa fortune en moins d'un an avant d'ajouter:

"Voila comment tu t'retrouves à vivre dans une petite Cité ouvrière anglaise... J'imagine que c'est la loi d'Marchebank en faveur des loups-garous qui t'a convaincu de rester d'ailleurs."