[Soirée de fin d'année] Sur le Mont Olympe...

Les démonstrations de violence de Lauren n’étonnaient plus personne, et sûrement pas Dave. Samantha en revanche, c’était nouveau. Même contre Nimbus de Pompadour, elle n’avait jamais hurlé de la sorte. Dave se retrouvait presque à avoir pitié du pauvre Poufsouffle pris en sandwich entre les deux jeunes filles, ou plutôt, furies. Il réussit à s’extirper de la foule, fit un pas vers ses amies pour essayer d’en calmer une. Encore que Lauren avait l’air plus amusée qu’autre chose à présent… Etait-il le seul à se soucier de la santé de ce pauvre Steven victime de toute évidence d’un regrettable pari ?

Alors qu’elle le poussait de côté et se tournait vers Lauren, Samantha avait l’air de parfaitement ignorer les regards posés sur elle autour. Mais elle oubliait qu’il y avait Dave dans le lot, à peu près à cinq pas, le doigt pointé vers elles comme s’il allait dire quelque chose. Rien ne sortit. Et Merlin savait comme il était rare que le Serpentard perde sa langue. La tête de Dave à cet instant-là devait être mémorable. Partagée entre le choc et… la consternation. Et lui qui avait essayé de faire les choses dans la discrétion, quand il avait voulu faire parler Samantha tout à l’heure… Bah non, il aurait dû se douter qu’avec ces deux-là, la délicatesse n’était pas en option.

Il eut quelques minutes pour reprendre un peu de contenance, le temps qu'elles se souviennent qu'elles n'étaient pas seules. Parfaitement droit, presque stoïque, dans sa stature debout, l'expression de Dave était indéchiffrable quand ses deux amies se rappelèrent à sa présence.

« Je comprends mieux. Son regard sauta de l’une à l’autre, jusqu’à ce qu’il se fixe sur Samantha. Je parle de ta soudaine démonstration de violence, hein. En six ans, Lauren avait pas réussi à déteindre sur toi à ce point, je me disais bien qu’un truc était différent. »

Il faisait de l’humour, mais c’était un peu grinçant. Dave avait eu des pressentiments justes, certes. Cependant, c’était tout autre chose d’être mis en face de la réalité. Samantha et Lauren étaient ensemble. Depuis un certain moment, visiblement. Elles étaient ensemble. Traumatisé ? Un peu. Il n’était pas tellement préparé à voir ses deux meilleures amies se rouler une pelle juste sous ses yeux. Pas pour les mêmes raisons que certaines personnes qui avaient pris un air effarouché autour d’eux. Que diable, ils avaient passé le siècle de condamner l’homosexualité, c’était juste… que c’était Samantha et Lauren. Il ne pouvait pas rester de marbre. Mais ce n’était pas la surprise qui l’emportait, à cet instant.

Dave était surtout vexé. Vexé de ne pas avoir été prévenu, de faire partie du même sac que tout Poudlard qui venait d’être mis sur le fait accompli. Il comprenait qu’elles aient préféré cacher leur relation qui ferait forcément jaser, comme tout ce qui n’entrait pas dans les normes. Mais enfin, leur amitié n’était-elle pas née envers et contre tout les préjugés ? Franchement, à quoi ressemblaient-ils, entre la batteuse violente et antisociale, le gars un peu bizarre obsédé par ses livres d’histoire, et la louve-garou impopulaire, sinon à un trio pathétique ? Mais ils s’en moquaient bien, ils n’avaient jamais attendu l’approbation de qui que ce soit. Dave pensait juste que cela continuerait indéfiniment. Il ne leur en voulait pas d’avoir décidé de se mettre ensemble. En revanche, il leur en voulait d’avoir cassé la dynamique de leur trio, avant même qu’ils aient pu en discuter. Comme s’il ne pouvait pas comprendre, ou n’était pas digne de confiance. Comme s’il les jugerait comme les autres, finalement.

« Eh bien… J’ai ma réponse. C’est ce qu’on appelle prendre le taureau par les cornes. Sans vouloir faire de mauvais jeu de mots sur ton déguisement, Lauren. Dave se pinça l’arête du nez, en soupirant de consternation. Ok, je commence à faire des blagues nulles… Je vais juste aller me faire à l’idée. Mais, continuez sans moi, hein. »

Il pointait un endroit indéfini quelque part derrière lui, il se fichait bien de savoir où il irait, il allait juste prendre la tangente rapidement. Il se sentait un peu de trop, pour le coup. Surtout, il avait besoin de réfléchir à tout ça. Le cadre n’était pas tellement propice à ce qu’il ait une discussion -ou une dispute- avec ses deux amies. Trop de curieux autour.

Dave ne leur laissa pas le temps de le retenir, il s’enfonça sans attendre dans la foule d’élèves toujours amassée autour. N’avaient-ils rien de mieux à aller voir ? Agacé, Dave se mit à jouer des coudes pour se frayer un passage, jusqu’à ce qu’il reconnaisse quelqu’un sur son chemin.

« Emma ? »

Il venait de poser la main sur son épaule, pour la faire se retourner. Elle était bien reconnaissable de loin avec sa robe et sa chevelure flamboyantes. Dave se souvint de la bonne résolution de s’excuser qu’il avait pris plus tôt. Il mit dans un coin de sa tête le sujet Samantha-Lauren, pour le moment. Emma lui offrait sans le savoir une distraction bienvenue.

« Ca va ? Au fait, je suis désolé pour tout à l’heure, on ne t’a pas très bien accueillie… On était lancés sur un sujet, on s’attendait pas à être interrompus. Enfin bref, je m’excuse… T’as trouvé ton partenaire de broche, alors ? Je veux bien le remplacer temporairement, sinon, proposa t-il en souriant. Ou t’aider à le trouver, comme tu veux. »

Un attroupement avait commencé à se former du coté où elle avait laissé Lauren et Marlene fit bien attention à lui tourner le dos, préférant rester en retrait de tout ce qui pouvait concerner sa camarade. Avec un peu de chance, elle était en train de s'étouffer avec une cacahuète et Poudlard serait débarrassé à vie de son encombrante présence et tout serait pour le mieux ! Surtout pour elle, d'ailleurs. Quoi qu'il en soit, il était hors de question qu'elle laisse cette brute de McGowan gâcher sa soirée et le jeune Noah ici présent faisait une excellente distraction ! Ses joues rouges trahissaient ses pensées et elle était trop curieuse pour abandonner en si bon chemin. Avec un peu de chance, peut-être qu'elle pourrait aider Noah à aller parler à la fille qui lui plaisait ? Certes, elle n'avait que peu - c'est-à-dire aucune - d'expérience dans ce domaine là mais elle était plus âgée ce qui lui donnait forcément un avantage certain.

- Alors pourquoi es-tu aussi rouge que le blason de Gryffondor ? interrogea-t-elle malicieusement, un grand sourire aux lèvres. 

Elle suivit le regard de Noah lorsque ce dernier se mit à chercher dans la foule, espérant par là trouver sur qui il avait des vues mais abandonna bien vite cette activité fastidieuse lorsqu'elle reconnut le chapeau qu'avait ramassé son camarade. Si Marlene n'était pas une très grande amatrice de farces et attrapes, elle faisait tout de même un tour à Weasley&Weasley régulièrement afin de se tenir au courant des nouveautés et objets à la mode. Et puis il fallait avouer qu'elle louchait toujours un peu du coté des philtres d'amours, des rêves éveillés et autres divertissements. Mais ce qu'elle n'avait pas manqué cette année, c'était le Shippeau, l'objet qui vous révélait votre véritable amour ! Évidemment, elle aurait aimé l'essayer mais était bien trop timide pour cela : elle n'avait pas envie de tomber sur quelqu'un qu'elle n'aimait pas ou pire, sur quelqu'un qui ne l'aimait pas elle ! En revanche, elle ne se formalisait pas de tant de retenue avec Noah Forester, qui semblait avoir besoin d'un petit coup de pouce pour faire le premier pas envers la fille qui lui plaisait...

- C'est un Shippeau ! s'exclama Marlene avec un grand sourire en lui prenant des mains. Il suffit de le mettre sur ta tête pour qu'il te dise qui est ton âme sœur ! Et ensuite, tu n'as plus qu'à aller l'embrasser !

Elle n'avait pas la publicité sous la main - elle avait pris un tract lors de son dernier passage à Pré-au-Lard - mais sinon, elle l'aurait bien montrée à Noah pour le convaincre du bienfondé de l'objet.

- Tu devrais l'essayer, affirma-t-elle en essayant d'avoir l'air sérieuse et raisonnable.

Et sans vraiment lui laisser le temps de réagir, elle l'enfonça sur la tête de son camarade, le scrutant avec attention.

- Alors ? interrogea-t-elle avec impatience au bout de quelques secondes, sans vraiment dissimuler qu'elle était avide d'informations croustillantes.

Grady rit lorsque Nora lui suggéra de tenter sa chance avec l'angelot aguicheur et il resserra ses bras autour de la taille de sa petite-amie, un air amusé sur le visage.

- Je ne me sens pas vraiment d'humeur angelophile ce soir, affirma-t-il en détournant les yeux du chérubin. Je te préfère largement !

Et c'était vrai, même si il n'avait jamais trouvé comment le lui dire sérieusement. Il n'en n'avait même pas parlé à James pour lui demander des conseils - et pourtant, son ami avait l'art et la manière de le devancer dans tout sur le plan sentimental - et cherchait le bon moment pour le dire à Nora. Il faut dire qu'en ce moment, ce n'était pas vraiment facile pour elle avec tous ses horribles souvenirs du Bloody Sunday et il ne voulait pas en rajouter une couche au cas où elle ne ressentirait pas la même chose pour lui. La mort de Danny l'avait lui aussi beaucoup peiné : ils avaient partagé un dortoir pendant des années et ils étaient potes, Dan avait toujours été quelqu'un de super et de gentil et étant l'un des autres losers de Poufsouffle, Grady ne pouvait que le comprendre. Mais contrairement à Nora, il n'avait pas eu à voir la mort de Danny et il en était reconnaissant à Merlin. Il essayait de soutenir sa petite-amie du mieux qu'il pouvait, même s'il n'avait jamais connu de deuil et ne savait donc pas ce que cela faisait...

- Je ne me lancerai pas dans un sort de métamorphose mais on peut toujours les retirer si tu veux, proposa-t-il avec sérieux. On est pas obligés de suivre les règles forcément, nos binômes peuvent rester avec leurs amis.

L'année dernière, il aurait beaucoup aimé cette idée : pouvoir rencontrer de nouvelles personnes était toujours super mais ce soir, il préférait largement rester avec Nora, pour ne pas la laisser seule. Et puis même, il était bien avec elle donc... Il en était là de ses pensées quand sa petite-amie aborda le sujet du buffet et il afficha une mine offusquée et pleine d'innocence.

- Je plaide non-coupable, votre Honneur ! Je n'ai jamais vu ce buffet de toute ma vie, les témoins oculaires pourront témoigner de mon alibi !

En vrai, il avait repéré le buffet dès leur entrée dans la clairière et il avait bien l'intention d'en profiter comme un Niffleur qui braquerait une bijouterie.

- Whisky Pur-Feu ! lança-t-il en approchant de la table où étaient les boissons. Et toi ?

Il en profita pour piquer un peu à manger - il était en pleine croissance, il avait besoin de forces ! - avant de glisser de nouveau son bras autour de la taille de Nora, la chatouillant légèrement au passage, d'un air tout à fait innocent. Enfin, il avait tout le temps l'air innocent, qu'on se le dise : il était sage comme une image, absolument adorable, c'était bien connu.

Quoi qu'il en soit, il ne s'attendait pas du tout à ce qu'une fille de Serpentard vienne se planter devant eux en minaudant. Et il s'attendait encore moins au fait qu'elle se jette dans ses bras, d'ailleurs. Comme lors d'un hold-up, Grady mit les mains en l'air, jetant un regard paniqué à Nora, le genre de regard qui signifiait "Je-te-jure-je-ne-la-connais-pas-c'est-pas-du-tout-ce-que-tu-crois-au-secours-sauve-moi". Il faut dire que n'étant pas un J-Boy (Jeremy Baker / Josh Bennett), il n'avait pas vraiment l'habitude que les filles se jettent sur lui. Généralement, elles partaient plutôt dans l'autre direction d'ailleurs. Heureusement, la Serpentard finit par le lâcher en riant et Grady laissa échapper un soupir de soulagement en avisant la broche de cette dernière.

- Lucy, c'est ça ? tenta-t-il en hésitant. Tu vas souvent à la salle des arts, non ?

Il associait du moins son visage à cet espace qu'il ne fréquentait pourtant pas assidument. Enfin, la jeune fille semblait plutôt sympathique puisqu'elle affirma qu'elle n'allait pas les séparer. Ce n'était pas du genre de Grady de se montrer sectaire, mais il n'avait pas vraiment envie de laisser Nora toute seule - surtout que son partenaire de broche n'était toujours pas là - même s'il voulait éviter de se montrer malpoli envers Lucy. Ou Emily, peut-être.

- Euh, et bien... On peut toujours parler tous les trois, non ? proposa-t-il en jetant un regard interrogateur à Nora. Tu veux un truc à boire ?  

Noah haussa les sourcils face aux explications de Marlene. Un chapeau capable de lire les coeurs ? Il doutait que les frères Weasley aient été capable d’inventer un objet magique aussi performant que le Choixpeau. Par Merlin, ils étaient vendeurs de farces et attrapes, ce chapeau ne pouvait être qu’un leurre, un artefact dont le seul rôle était d’animer un peu une soirée, rien de plus.

« C’est stupide. Ca doit donner des noms au hasard, à mon avis, répliqua t-il sceptique. Et puis, le principe est ridicule. »

Non mais, aller embrasser une inconnue sous les ordres d’un chapeau, il ne manquait plus que ça ! Noah allait proposer à Marlene de le reposer à sa juste place, à savoir par terre, mais la Serpentard en décida autrement. Au moment où elle déclara qu’il devrait l’essayer, Noah eut un mouvement de recul instinctif, trop léger toutefois pour échapper à Marlene, qui le coiffa de l’immonde chose rose sans attendre son avis.

« Hé, ça va pas la tête ? J’ai pas envie de l’essayer, retire-moi ce truc ! »

Il fut interrompu dans ses protestations par une petite voix chantante qui lui commença à lui susurrer à l’oreille. Cet entretien resta privé entre le chapeau et Noah, mais au fur et à mesure que le Gryffondor l’entendait parler, il pâlissait à vue d’oeil…

« Hum, le moins qu’on puisse dire, c’est que tu es nettement plus facile à shipper qu’à répartir à Poudlard, mon garçon ! Tes sentiments sont aussi limpides qu’une potion de Véritasérum ! Une seule fille occupe tes pensées, mon petit, n’est-ce-pas ? Un indice ? Elle est aussi fougueuse que toi tu es placide, parfois, tu la trouves trop emportée, mais au fond, tu aimes sa vivacité et vous avez déjà partagé beaucoup de choses… Allez, je te donne un coup de pouce, sinon tu mourras puceau avec un tel caractère, mon ami, file donc embrasser… Maeva Hellsoft ! »

A voir sa figure livide, c’était la guillotine que le shippeau avait prononcé à l’encontre de Noah. Les « Alors » pressants de Marlene le firent revenir à la réalité. Il plongea son regard hagard dans le sien, cherchant où était la plaisanterie. Il finit par retrouver l’usage de la parole, d’une voix légèrement tremblante.

« Je… Ca ne va pas être possible. Retire-moi ce chapeau. »

Noah voulut le faire lui-même, mais le shippeau restait obstinément accroché à sa chevelure. Il insista tant que le chapeau finit par glousser à nouveau. Diaboliquement, bien entendu. Et Noah comprit que ce chapeau était en fait l’outil du démon, et qu’il allait devoir embrasser Maeva s’il voulait pouvoir s’en débarrasser… Il ne pouvait pas faire ça. Il ne pouvait pas, il n’avait jamais embrassé personne -Bowen ne comptait pas- alors le faire devant tout Poudlard… Non, il allait tout simplement mourir de honte. Il allait trouver un autre moyen de retirer ce chapeau, il devait bien y avoir un sortilège prévu pour.

Spoiler:

Oui, Noah aurait tant aimé se creuser un trou, qu’il se visualisait très bien six pieds sous terre, là où le regard insistant de Marlene ne viendrait pas l’oppresser, là où celui de Maeva ne serait pas posé sur lui, là où on aurait oublié son existence, tout simplement. La fuite était la meilleure solution. Il ne pouvait décemment pas aller embrasser Maeva comme ça, il allait se ridiculiser, enfin, ce n’était pas comme si elle ressentait quoique ce soit pour lui. Et si elle se mettait en colère, ou pire, se moquait de lui ?

Spoiler:

Du courage… Il lui en avait toujours manqué. Noah prit une grande inspiration, pour se calmer. Agir rationnellement. Il savait faire. Il pouvait le faire. Puisqu’il n’avait aucune idée du sortilège qui pourrait le débarrasser de cet objet du mal, qu’il n’était pas possible d’aller voir Mrs Silvester à cette heure de la nuit, encore moins d’alerter un professeur, au risque de dévoiler leur petite soirée clandestine, il lui suffisait de voir ce baiser comme la condition nécessaire et suffisante pour retirer ce chapeau de la tête. Ou quelque chose comme ça. C’est avec la résignation du condamné que Noah se tourna vers Marlene.

« Il m’a donné le nom d’une fille de mon année, Maeva. Elle doit être pas loin de la fontaine… »

Il commença à marcher à la recherche de la Gryffondor, suivi de Marlene. Ils ne marchèrent pas beaucoup, Noah ne pouvait pas manquer la longue chevelure si reconnaissable de son amie. Elle lui tournait encore le dos pour l’instant. Bon, bien. Et maintenant ?

« Tu crois que je devrais le faire vite avant qu’elle ne proteste, ou lui expliquer la situation d’abord ? »

Il ne savait pas ce qu’il attendait de Marlene, peut-être qu’elle savait mieux que lui, les filles en savaient toujours plus en général. Et puis elle était plus grande que lui. Et tout ceci était de sa faute. Il ne l’oublierait pas d’ailleurs, une fois que tout ceci serait terminé.

Quoiqu’elle lui réponde, de toute façon, cela revenait au même. Une nouvelle fois, Noah prit une inspiration et s’approcha de Maeva. Il lui tapota l’épaule, attendit qu’elle se retourne. Bon, voilà. Elle le regardait maintenant. Elle n’allait pas tarder à poser des questions, il n’allait pas savoir quoi répondre. De toute manière, il n’était pas venu pour parler, si ? Noah ne savait plus. Oh et puis, mince. Il réfléchissait parfois beaucoup trop.

« Je m’excuse mais… Enfin, je t’expliquerai plus tard. »

D’un pas, il s’approcha de Maeva, saisit son visage entre ses deux mains et… il se lança. Sa résolution n’avait duré que l’infime seconde nécessaire pour accomplir ces gestes. Actuellement, il était mortifié de ce qu’il était en train de faire, mais il ne s’arrêta pas. Même lorsqu’il sentit le shippeau glisser de sa tête, Noah ne s’arrêta pas. Il venait de prendre goût à son premier vrai baiser.

Maeva haussa les épaules lorsqu’Amely s’excusa et lui affirma qu’elle retirait ce qu’elle venait de dire. La jeune fille avait tellement pris l’habitude qu’on la compare à sa mère qu’elle avait fini par se lasser de cette comparaison. Elle en avait été très agacée par le passé, lorsqu’elle cherchait à tout prix à se démarquer de sa mère, à briller par elle-même. Oh, bien sûr qu’elle l’était toujours – la petite pique qu’elle avait servi à Amely suffisait à le démontrer – elle ne réagissait simplement plus de la même manière. Elle en serait bien restée là, mais la Serdaigle relança le sujet quelques minutes pour tard, et Maeva secoua négativement la tête face à sa question. Elle porta sa bièraubeurre à ses lèvres pour en avaler une gorgée, avant d’écarquiller les yeux lorsqu’Amely lui avoua qu’elle aimerait que sa propre mère ressemble à la sienne. Pour le coup, c’était inconcevable pour l’adolescente qu’était Maeva, notamment parce qu’elle était toujours en conflit avec ses deux parents.

Evidemment, elle savait bien que sa mère n’était pas une mère horrible, tyrannique et égoïste. Comme tout le monde, Chloé Hellsoft avait ses défauts et ses qualités. Mais évidemment, Maeva était bien plus marquée par les défauts de sa mère plutôt que par ses qualités. Elle se souvenait encore du jour – durant l’attaque du deux mai – où sa mère l’avait laissé pour aller sauver d’autres élèves. Elle avait été marquée par cet abandon, comme elle l’appelait, et en gardait une certaine rancœur. Le discours que lui tint alors Amely la laissa stupéfaite, et elle prit le temps d’y réfléchir.

Finalement, elle en vint à la conclusion que personne ne serait jamais satisfait des parents qu’il avait. Si ces derniers étaient trop laxistes, comme ceux d’Amely, l’enfant leur reprocherait de ne pas s’occuper assez de lui. S’ils étaient trop stricts, comme sa propre mère, l’enfant leur reprocherait de l’étouffer.  Pourtant, au final, il fallait bien composer avec ses parents. Si Maeva avait assez de recul par rapport à la situation, elle pourrait même dire que sa mère et elle se complétaient sur beaucoup de points. Et même : si sa mère avait été comme celle d’Amely, elle aurait bien trop abusé de sa confiance. En soit, avoir Chloé Hellsoft comme mère lui allait parfaitement – même si elle n’aurait pas été capable de l’avouer maintenant.

« Je vois ce que tu veux dire… » lança Maeva en fronçant les sourcils et en reprenant une gorgée de sa boisson. « Mais j’imagine qu’il faut composer avec les parents qu’on a ! » affirma-t-elle. « Tu sais, ce n’est pas si facile que ça  non plus de vivre avec ma mère – ou avec le professeur Virtanen. Encore moins avec mon père et ma belle-mère mais c’est une autre histoire ! Mais bon, ce n’est pas comme si je pouvais y changer quelque chose. Donc, au final, on s’y fait. Même si ce n’est pas facile tous les jours, on finit par trouver des avantages à toutes les situations ! » Il avait fallu des mois de crises à Maeva pour en arriver à cette conclusion, et elle n’en était pas peu fière. « De toute façon… »

Elle aurait bien poursuivit plus longtemps sa conversation avec Amely, mais elle sentit quelqu’un lui tapoter l’épaule, et se retourna d’un mouvement vif. Elle se retrouva face à Noah, et attendit qu’il prenne la parole, les sourcils froncés. Elle ne remarqua pas l’étrange chapeau qu’il portait, trop concentrée sur son expression hésitante. Elle allait prendre la parole pour lui demander ce qu’il lui voulait, lorsqu’il s’excusa en lui affirmant qu’il lui expliquerait « plus tard ».  

« De quoi tu… » commença-t-elle.

Elle fut bien vite interrompue par son ami, qui saisit son visage entre ses mains. Surprise, elle se raidit lorsqu’il se rapprocha, et ferma instinctivement les yeux alors qu’il posait ses lèvres sur les siennes. Quelques secondes plus tard, elle glissa ses bras autour de son cou, se laissa aller contre son ami, et répondit au baiser. Elle n’avait pas la moindre idée de pourquoi il faisait ça, mais cela ne lui déplaisait pas. Au contraire, à vrai dire, elle trouvait cela très agréable, et sentait une sorte de chaleur se diffuser en elle. Elle ne pouvait pas se voiler la face : elle avait déjà songé à ce baiser, quelques fois. Mais elle n’aurait jamais cru qu’il arriverait un jour ! Ni que Noah ferait le premier pas !

La jeune fille finit par reculer légèrement, tout en restant enlacée à son ami. Elle leva les yeux vers lui.

« Explications ? » interrogea-t-elle avec un petit sourire en coin.

Dave hocha simplement la tête lorsqu’Emma s’excusa à son tour, signe que tout était oublié. C’était une bonne chose de faite. Sa seconde satisfaction fut de voir qu’elle ne repoussait pas sa compagnie. Il approuva sa proposition d’un large sourire :

« Et comment ! Odin a peut-être la classe, mais je meurs de chaud, avec cette barbe ! »

Dave lui emboîta le pas. Une fois qu’ils furent à la table des rafraîchissements, il ne réfléchit même pas, sa main se dirigea automatiquement vers la bouteille de Whisky pur Feu. Quoi, il était peut-être bon élève, mais il n’était pas coincé pour autant… Dave ne disait pas non à un peu d’adrénaline de temps en temps, bien au contraire. Surtout pas quand il était frustré et déçu, comme en ce moment. Un peu d’alcool ne lui ferait pas de mal. En garçon bien éduqué, il attrapa d’abord un verre pour Emma en lui proposant :

« Je t’en sers ? »

En vérité, il n’attendit pas tellement qu’elle lui dise oui. C’était elle qui avait proposé qu’ils aillent chercher quelque chose à boire, après tout. Quelque part, Dave avait bien envie de profiter de ce moment de tête à tête pour réussir l’une des choses qu’il n’était jamais parvenu à faire, faute d’avoir vraiment essayé, à savoir décoincer un peu Emma. A la voir, cette fille avait tout d’une Poufsouffle fade qui se laissait marcher sur les pieds, mais ce n’était pas à Dave que l’on allait apprendre à creuser au-delà des apparences. Emma avait atterri chez les serpents, pas chez les blaireaux, il devait bien y avoir une raison à cela. Elle était de surcroît très amie avec Clara Guipure, l’une des filles les plus populaires de l’école. Elle devait avoir une personnalité toute autre que celle qu’elle montrait timidement à Poudlard… Dave se trompait peut-être, mais cela ne coûtait rien d’essayer de savoir. Emma avait été élevée comme lui, dans un monde où il fallait sauvegarder les apparences. Rien n’était meilleur que l’alcool pour révéler les faux-semblants et rendre la partie plus drôle au passage, aux yeux de l’héritier Marchebank. Il eut donc la main assez leste sur le whisky qu’il tendit à la jeune fille.

« C’est dommage, n’empêche, ça partait d’une bonne intention, cette histoire de broche, commenta t-il, en regardant son trident doré, qu’il finit par retirer de sa poitrine pour la glisser dans sa poche, non sans soupirer. Eh bien, on dirait qu’on est les deux délaissés de la soirée… On trinque ? »

Il fit tinter son verre avec celui d’Emma, un sourire qui se voulait malicieux aux lèvres, mais qui était en réalité un peu crispé. Il détourna le regard vers la foule d’élèves autour d’eux, un peu au hasard, l’esprit encore tout occupé de la scène qu’il venait de quitter avec Samantha et Lauren. A cet instant-là, il s’était senti motivé par deux mouvements contraires, l’un qui voulait faire comprendre à ses amies que leur attitude l’avait blessé, et l’autre qui ne souhaitait pas entamer une dispute. Résultat, il avait eu une attitude assez lâche, qui ne lui ressemblait pas tellement.

Il se rendit compte qu’il pensait encore à ses amies, au lieu de songer à un sujet de discussion à lancer. Dave se tourna vers Emma, hésitant sur la manière dont il allait poursuivre la conversation. Il ne connaissait pas grand-chose des centres d’intérêt de sa camarade, il se voyait mal lui poser une question comme « Et donc, tu aimes quoi dans la vie ? » qui tomberait à coup sûr comme un cheveu sur la soupe… Discuter avec une fille autre que Sam ou Lauren était parfois bien compliqué.

Heureusement, une idée germa dans l’esprit de Dave, alluma une petite lueur dans son regard lorsqu’il remarqua un petit amas de sachets, non loin d’eux. Après tout, ils n’étaient pas forcés de s’enliser dans une conversation banale et inintéressante…

« Dis-moi, Emma. Tu as déjà essayé la mandragore ? »

- On ne peut pas retirer le Shippeau sans avoir embrassé la personne désignée, expliqua Marlene, sincèrement mal à l'aise.

Il faut dire que Noah était devenu tellement pâle qu'on aurait dû qu'il avait eu le gage d'aller embrasser Lauren McGowan en personne ! Elle tenta un peu de l'aider à retirer l'objet - savait-on jamais - mais ce dernier restait ostensiblement fixé à la tête de Noah, qui était donc bien obligé de devoir accomplir son gage. Honnêtement, c'était bien pour cela que Marlene comptait bien s'abstenir de revêtir le Shippeau. Si l'idée de trouver son âme sœur - et donc potentiel petit-ami - était plus que tentante, elle n'avait pas très envie de se retrouver dans une position aussi délicate que le Gryffondor, même si, rappelons-le, c'était elle qui l'y avait placé.

Elle suivit Noah lorsqu'il se mit à la recherche d'une certaine Maeva, de son année, que Marlene ne connaissait pas. Lorsqu'ils finirent par la trouver, elle ne mit pas très longtemps à la replacer : c'était la fille du Professeur Hellsoft, qui était également à Gryffondor. Elle ne lui avait jamais parlé mais Noah ne semblait pas vraiment ravi - au vu de son teint d'endive - de devoir l'embrasser. Elle était pourtant plutôt jolie, songea Marlene avec une pointe d'envie. Lorsque son camarade se tourna vers elle pour avoir un conseil, elle se retrouva bien en peine de lui en donner : elle n'avait jamais embrassé personne et n'avait aucune expérience dans ce genre de relations. Néanmoins, bien décidée à donner le change - après tout, elle était plus âgée, elle était donc censée savoir s'y prendre - elle prit un air tout à fait sérieux, le même qu'elle aurait prit pour réciter son cours de sortilèges.

- Et bien... Je dirais plutôt que tu devrais lui expliquer. Cela ne se fait pas vraiment d'embrasser les gens comme ça.

Après, si Maeva refusait - ce qui pouvait arriver - Noah se retrouverait bien embêté, coincé avec le Shippeau sur la tête. A ce moment-là... Il pourrait invoquer une situation d'extrême-urgence pour quand même avoir son baiser, du moins, elle l'espérait pour lui. Elle le vit prendre une grande inspiration et elle lui lança un "courage !" qui se voulait optimiste, reculant de quelques pas. Et visiblement... Noah en avait suffisamment pour embrasser Maeva, vu qu'il se lança sans presque hésiter. Et Marlene se retrouvait donc tout seule, tandis que les deux adolescents semblaient plutôt apprécier leur moment. Un peu désœuvrée, elle abandonna Noah avec Maeva, parcourant la foule du regard. Elle serait bien allé chercher un peu à manger mais Lauren devait encore être dans le coin, surtout qu'une foule s'y était réunie. Approchant de la table des boissons, elle attrapa une Biéraubeurre qu'elle déboucha, priant pour trouver quelqu'un qu'elle connaissait - et qui de préférence ne soit ni un loup-garou ni une brute épaisse.

- Whisky-pur-feu aussi ! répondit-elle, faisant écho à Grady alors qu'ils s'approchaient de la table du buffet.

Elle n'aimait pas tellement ça à vrai dire, elle préférait de loin le goût de la bierraubeurre, mais un verre de whisky suffisait généralement à la plonger dans une légère euphorie, et elle avait bien besoin de ça ce soir. Elle trinqua avec son petit-ami et laissa une longue gorgée du liquide ambrée lui brûler la gorge. Elle grimaça, s’apprêtant toutefois à porter à nouveau le verre à ses lèvres, quand des chatouilles de Grady lui firent renverser la moitié de son whisky. Elle s'éloigna du jeune homme avec un cri aigu qui fut vite emporté par un éclat de rire.

- Essaierais-tu de m'empêcher de boire ? l'interrogea-t-elle avec un regard suspicieux contredit par son sourire amusé.

Son sourire disparut pour laisser place à la surprise quand une jeune Serpentard se glissa entre eux pour s'enrouler dans les bras de Grady. Nora afficha un moment une mine perplexe avant d'éclater de rire devant la tête de Grady, qui avait l'attitude de celui qui venait d'être surpris en train de braquer une banque.

- Je te le prête, répondit-elle à la jeune fille que celui-ci affirma devoir lui emprunter son Appolon pour la soirée.

Elle aurait préféré passer la soirée avec son petit-ami, mais c'était les règles du jeu et elle ne voulait pas empêcher Grady de s'amuser et de rencontrer d'autres personnes. Heureusement, la Serpetard ne semblait finalement pas avoir pour but de se retrouver avec son partenaire de broche, nouvelle que Nora accueilli avec un sourire ravi. Elle préférait de loin la proposition de Grady de passer la soirée tous les trois ! Le jeune homme semblait connaitre la dénommée Lucy, mais ce n'était pas le cas de Nora qui, si elle avait déjà croisé la jeune fille dans les couloirs, ne lui avait jamais parlé.

Son demi-verre de whisky pur-feu commençait déjà à lui faire de l'effet, chassant sa morosité pour la remplacer par une douce allégresse. Elle qui était venue à reculons, en partie parce qu'elle avait promis à Grady d'être là, avait maintenant envie de profiter de la soirée pour s'amuser un peu, et pourquoi pas faire connaissance avec cette Lucy qui, si elle avait fait une entrée en matière plutôt originale, avait l'air très sympa.

- Alors comme ça vous êtes tous les deux des artistes ? demanda-t-elle avec intérêt en coulant un regard intrigué en direction de Grady.

Elle avait été surprise de l'entendre dire qu'il avait déjà croisé Lucy à la salle des arts, ignorant qu'il s'y rendait. Elle-même n'avait aucun talent artistique particulier, elle n'avait ni prédispositions pour la musique, ni coup de crayon magique. Elle savait que les élèves se rendaient dans la salle des arts pour pratiquer plein d'autres activités comme la danse ou le théâtre, mais n'avait pas la moindre idée de ce que Grady pouvait bien y faire -des tournois de Bavboules, peut-être- aussi écouta-t-elle la réponse du jeune homme avec attention.

"Je t'aime aussi", souffla Samantha en s'accrochant au regard de Lauren, les joues rougies par l'audace dont elle venait de faire preuve. Son coeur battait un peu trop vite lorsqu'elle osa enfin détourner les yeux de sa petite-amie pour affronter les conséquences de ce qu'elle venait de faire, et son pouls s'accéléra un peu plus en reconnaissant Dave. Qu'allait-il penser de tout ça ? Sans trop savoir pourquoi, elle baissa le regard quand son ami fit preuve de son habituel humour caustique. Elle avait l'impression qu'il était contrarié, et elle voyait tant de raisons plus ou moins acceptables à cette contrariété qu'elle ne savait pas laquelle retenir. Redressant la tête, elle tenta de déceler ce qu'il pensait sur son visage mais Dave avait adopté sa traditionnelle expression indéchiffrable, héritée de son père à en juger les photos de lui dans la Gazette. Sam se mordit l'intérieur de la joue quand Dave annonça qu'il avait besoin de partir se faire à l'idée, sentant une grosse boule se former dans sa gorge.

Elle était sincèrement contente et soulagée que ce secret qui n'en était pas vraiment un soit rendu public. On la montrait déjà du doigt alors pourquoi dissimuler son amour pour Lauren ? Un peu plus ou peu moins, elle n'était plus à cela prêt. Pourtant, l'attitude de Dave gâchait nettement cette impression de libération qu'elle ressentait, d'autant plus qu'elle ne savait pas à quoi elle était due. Avait-il un problème avec l'homosexualité ? Sam n'avait jamais eu cette impression, certes c'était un sang-pur, et un sang-pur de Serpentard qui plus est, mais Dave était assez ouvert et n'avait pas les mêmes idées moyen-âgeuses que la plupart des gens de la "haute". Ils n'auraient jamais pu devenir amis sinon ! Peut-être que cela lui faisait bizarre de voir ses deux meilleures amies se mettre en couple, ce qu'elle pouvait comprendre, mais cela ne restait pas une réaction très agréable, il aurait pu les féliciter, d'autant plus que son comportement un peu plus tôt indiquait qu'il avait des soupçons... Peut-être qu'il était triste de ne pas avoir été informé plus tôt, mais c'était quand même compréhensible que Lauren et elle aient besoin d'un peu de temps pour se faire à la situation, et puis elle le lui aurait probablement dit ce soir même si un concours de circonstances ne l'avait pas conduit à le lui révéler un peu brutalement...

Elle ne voulait pas perdre Dave à cause de ça. Elle mourrait d'envie de le suivre pour avoir enfin cette conversation, mais quelque chose lui disait qu'elle ferait mieux de s'abstenir.

"Bon, eh bien, ça c'est fait...", commenta Sam avec un petit sourire ironique au coin des lèvres. "Je vais aller me chercher un coup à boire, je crois, ou peut-être deux."

Attirant Lauren près du buffet, elle attrapa un verre de whisky pur feu et avala une grande lampée, insensible à l'alcool qui lui brûlait la gorge. Merlin, elle avait besoin de se détendre. Elle était ici pour s'amuser, non ? Alors au diable les effrayés des loups-garous, au diable Dave et Emma, au diable tout le monde. Mettant un verre plein dans la main de Lauren, elle trinqua avec elle puis plongea dans son propre verre pour ne pas se mettre à penser. Cette année irait de travers jusqu'à la fin, autant l'accepter et attendre que cela passe. Tout irait mieux l'année prochaine...

Amely acquiesça quand Maeva fit remarquer qu'ils étaient bien obligés de composer avec leurs parents. Avec les siens, c'était un peu rôles inversés, mais ils gardaient une bonne relation. Elle s'estimait heureuse de les avoir tous les deux ensemble, car d'après le récit de Maeva, les avoir séparés n'était pas mince affaire. Une belle-mère fut évoquée, pas forcément bienvenue avec ça, et puis Peter Virtanen. Amely l'avait presque oublié, celui-là, bien que ce fût son directeur de maison. Elle ne l'avait pas en classe, mais s'imaginait difficilement ce que serait sa vie si elle devait la passer avec deux profs. L'idée ne la rebutait pas tant que ça (peut-être pourrait-il lui donner des cours particuliers de Runes, et elle l'aider pour progresser en Divination ?) Mais elle ne saurait jamais ce que c'était que d'être Maeva, parce qu'elle était Amely, et ça lui convenait très bien.

« Je m’excuse mais… Enfin, je t’expliquerai plus tard... »

Elle eut à peine le temps de se demander pour qui se prenait ce malpoli, à interrompre ainsi leur discussion, qu'il s'était déjà jeté sur Maeva pour coller sa bouche contre la sienne. Une seconde... ce n'était pas l'un des amis que la Gryffondor lui avait désignés un peu plus tôt ? Ces deux-là avaient une conception étrange de l'amitié, se dit Amely en s'éloignant de quelques pas. C'était absolument répugnant, un véritable échange de bave en direct !

« Tu disais ? Hé... allô ? Bon, je m'en vais... Je ne veux pas vous déranger... » finit-elle par dire, observant l'acte avec autant de curiosité que de dégoût.

Hélas, le syndrome semblait s'être propagé dans toute la clairière. S'embrassaient à proximité : la fille d'Hellsoft et son prétendu ami, donc, McGowan et sa prétendue amie, Victor et Kessy, Emma et Dave... Malgré sa moue de répulsion, Amely sourit à la vue de ce couple, heureuse pour son amie. Elle avait enfin franchi le pas !
Un peu perplexe, elle rejoignit Clara.

« Qu'est-ce qui se passe, ici ? Je ne savais pas que la soirée de fin d'année avait fait vocation d'agence matrimoniale ! »

À l'instant précis où elle prononçait ces mots, elle fut arrosée d'une salve de confettis venus d'au dessus de sa tête. Le coupable ? Un angelot renfrogné qui se mit à voleter à la recherche d'une nouvelle victime. Cette animation était sans aucun doute la pire idée que Victor n'eût jamais eue ! Amely secoua ses cheveux en rouspétant :

« C'est pas possible, on se croirait chez Madame Pieddodu ! »

Pas qu'elle y fût déjà rentrée, car une chose était sûre : la personne qui réussirait à la traîner dans cet endroit n'était pas encore née.

C’était avec un grand manque de confiance en lui-même que Noah avait fait un pas vers Maeva. Persuadé qu’elle allait le repousser, il avait tenté avec la trouille dans tous les membres. C’était peut-être un grand maladroit, ou un handicapé sentimental comme diraient les mauvaises langues, mais Noah n’était pas complètement aveugle. Maeva n’était pas en train de le repousser, au contraire. La sentir répondre à son baiser donna des ailes au Gryffondor, décidé à le prolonger autant qu’il le pourrait. Plus rien autour n'avait d'importance, il n'entendait même pas Amely Anderson tenter d'attirer leur attention. Jamais il ne s’était senti envahi d’une telle hardiesse. Il aurait pu boire une potion de Felix Felicis, il était certain que le résultat aurait été le même. C’était étrange comme le courage pouvait vous donner des éclairs de lucidité, parfois. A cet instant, Noah venait de comprendre qu’il réalisait ce qu’il avait en vérité envie de faire depuis des mois.

Pour autant, les mots pour le décrire ne lui venaient pas encore, se rendit-il compte, alors que Maeva le relâchait et lui demandait des explications. Ah oui. Il lui avait promis ces explications. C'était une idée stupide, il n'avait rien préparé de ce qu'il allait dire. C’était le moment où Noah devait compter sur ses capacités d’improvisation. Les mains posées sur la taille de Maeva, il la fixait d’un air assez… stupide, qui ne lui ressemblait pas.

« Euhbahenfaitjeuh… Il s’éclaircit la gorge, espérant démêler son élocution avant de s’enfoncer davantage dans le ridicule. Enfin, pas moi, le shippeau… »

Il regarda à ses pieds, pour voir où le chapeau était tombé quand il avait glissé de sa tête, mais il n’était plus là pour illustrer ses propos. Quelqu’un d’autre l’avait peut-être pris. C’était vraiment le chapeau du diable, songea t-il, avant de revenir à ses moutons, en l’occurrence, Maeva qui attendait ses explications. Et Marlene n’était plus là non plus. Tout ce qui aurait pu l'aider avait disparu, il devrait se débrouiller seul pour ce discours. C’était fou comme son courage de tout à l’heure s’était évaporé, à présent que leur instant était rompu. Il lâcha son amie, Être si proche de Maeva ne l’aidait pas à se concentrer.

« J’avais un… un chapeau rose sur la tête, en fait, ça te donne une personne que tu dois… Enfin… »

Il se gratta la tête, le regard fuyant, comme s’il venait de se rendre compte de la stupidité de l’histoire dans laquelle il s’était embarqué. Un chapeau lui a demandé d’embrasser Maeva, et il l’avait fait, voilà tout. C’était assez ridicule quand on y pensait.

« C’était… une sorte de pari ? » tenta t-il sans grande assurance.

Ce n’était sûrement pas la meilleure chose à dire, mais c’était tellement plus compliqué d’avouer que ce baiser lui avait plu et qu’il en avait eu tout simplement envie. Il fixait Maeva, hésitant à dire quelque chose d’autre, quelque chose de plus proche de ce qu’il ressentait, mais cette fois-ci, Merlin lui évita de s’enfoncer en lui offrant une diversion en la personne de leurs amis. William, Neils et Lisa revenaient vers eux, en leur faisant signe. Noah paniqua une seconde. Et s’ils les avaient vus ? Ils étaient partis pour se faire embêter pendant tout le reste de l’année, au moins. Mais bien vite, il comprit qu’ils n’avaient pas assisté à la scène, car il n’y avait aucun sourire goguenard sur leurs visages, ils arrivaient comme si de rien n’était.

« On a lâché nos partenaires de broche, expliqua Neils en agitant la main. C’était sympa comme idée, mais bon, c’est quand même mieux de passer la soirée avec ses amis. Ca vous dit une Bièraubeurre ? »

Noah suivit le groupe, soulagé quelque part d’éviter la discussion avec Maeva, mais ce n’était que partie remise. Il leur faudrait forcément en reparler, le Gryffondor se rassurait de la pensée qu’il saurait peut-être mieux quoi dire, à ce moment-là.

Pour Dave qui tenait assez bien l’alcool, voir Emma pompette au bout de deux verres était assez amusant. Il n’essayait pas de la dévergonder, c’était un terme bien condamnateur pour lui qui ne souhaitait que détendre un peu sa camarade… Il jouait sans doute un peu avec le feu en la poussant ainsi à sortir de ses manières parfaitement tenues, mais elle n’émettait pas l’ombre d’une protestation, bien au contraire, elle paraissait réjouie. Il n’hésita donc pas vraiment à lui proposer de la mandragore, alors même qu’il savait qu’elle n’avait sans doute jamais essayé. Les soirées débridées entre deux ou trois substances illicites n’étaient pas vraiment le genre auxquels ils étaient habitués, tous les deux. C’était peut-être plus chic de se promener avec une coupe de vin des Elfes à la main, en échangeant des paroles mondaines par-ci par-là, avec toujours les mêmes personnes, mais c’était sacrément moins drôle aussi…

Dave fut ravi de voir Emma ne pas refuser sa proposition. En toute honnêteté, il aurait pensé qu’elle lui servirait un discours du type « Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée », mais il n’eut même pas besoin d’essayer de la convaincre. C’était agréablement surprenant, venant d’elle. C’était peut-être aussi un peu l’effet des deux verres qu’elle venait de boire. Peu importait. Dave se hâta vers les sachets et entreprit de rouler un joint pour elle. Il faisait le connaisseur, mais lui-même n’en avait jamais fumé. C’était l’occasion ou jamais ! Il ne voulait pas quitter Poudlard sans avoir essayé, même juste une fois. Il savait quel genre d’effet planant cela pouvait provoquer, on lui avait même parlé d’hallucinations. Dave était un garçon rationnel, mais pas forcément raisonnable, et surtout, curieux. Somme toute, comme la plupart des adolescents, il était enclin à tenter des expériences.

« Alors ? » demanda t-il avec un sourire, alors qu’Emma tirait sa première bouffée.

Il n’eut pas vraiment à attendre qu’elle lui fasse part de ses premières impressions, il allait pouvoir juger de lui-même, puisqu’elle lui tendait la mandragore. Il inspira un bon coup, toussota comme elle, comme les novices qu’ils étaient. Si on lui avait dit qu’il prendrait son premier joint avec Emma Blackbonnes, Dave ne l’aurait pas cru. Après plusieurs bouffées, sans vraiment savoir pourquoi, il fut envahi d’une envie de rire, alors même qu’il avait le tournis. C’était complexe comme sensation, il se sentait pris par des vertiges, mais cela n’avait rien de désagréable, c’était juste troublant et… cool. Définitivement cool.

« C’est dingue comme c’est euphorisant, ce truc ! »

Tout à ses expériences, il ne remarqua pas tout de suite qu’Emma s’avançait vers lui. Son sourire resta collé sur son visage, alors qu’elle faisait glisser sa barbe factice vers le bas. Elle voulait la lui retirer apparemment, Dave la laissa faire, Dave ne comprit pas tout de suite ce qu’Emma voulait dire par là. La mandragore venait de déconnecter quelque peu ses capacités de raisonnement, pour décupler à côté toutes les sensations qu’il pouvait ressentir. C’était un peu comme si tout arrivait au ralenti, comme si tout durait trois fois plus longtemps que d’habitude et lui laissait la pleine latitude d’apprécier ce qu’il lui arrivait. En l’occurrence, on l’embrassait. Emma Blackbonnes l’embrassait. Après son premier joint, c’était son premier baiser qu’il partageait avec elle.

Oui, Dave avait un peu honte de le dire, à presque dix-sept ans, il n’avait jamais approché aucune fille de cette manière. Ce n’était pas faute d’avoir jamais essayé, mais on ne le prenait pas au sérieux, et il n’était pas très doué non plus. Le Gobelin n’avait rien d’attrayant pour la plupart des filles de son âge, mais il avait tellement d’autres préoccupations qui lui paraissaient plus importantes qu’il n’en faisait pas grand cas non plus. Cela ne l’empêchait pas d’y songer, comme tout garçon de son âge. Dave ne se souviendrait probablement pas de ce baiser de la même façon quand la mandragore aurait cessé de lui ouvrir ses cinq sens au maximum, alors il décida simplement d’en profiter autant qu’il le pouvait, tant qu’il le pourrait. Ses mains encadrèrent le visage de sa camarade, qui aurait pu être n’importe quelle autre fille qu’Emma, cela n’avait pas grande importance. Il n’allait pas repousser la première -la seule !- qui paraissait intéressée par sa personne, quand bien même ce n’était pas forcément réciproque.

Leur instant prit fin trop vite au goût de Dave. Emma s’était retirée, elle venait peut-être de se rendre compte de ce qu’elle faisait. En tout cas, ses intuitions de tout à l’heure étaient justes : il avait eu une touche ! Mais si la touche en question s’éloignait si vite, ce n’était pas drôle… Dave relâcha le visage de la jeune fille, encore étourdi par ce qu’ils avaient fumé, sinon il n’aurait probablement pas souri si stupidement.

« C’était la mandragore, ça ? »

Lauren adressa un de ses rares sourires à Samantha quand la jeune femme lui répondit qu'elle l'aimait aussi. La batteuse n'était décidément pas du genre à se laisser atteindre par le regard des autres, mais la déclaration de sa petite-amie lui donna un peu de courage supplémentaire et elle balaya la foule d'un regard assuré, défiant quiconque d'émettre la moindre remarque désobligeante. Mais au fond elle se fichait bien de cette Serdaigle coincée et de sa mine indignée, ou de ce Poufsouffle immature et de sa grimace de dégout. Elle aperçut finalement la seule personne dont l'opinion importait vraiment à ses yeux et son masque d'agressivité se fissura l'espace d'une seconde pour laisser entrevoir son inquiétude.

Dave était là, au milieu des autres, comme s'il n'avait pas un statut particulier, alors que c'était bien évidement le cas. Il les fixait avec une expression indéchiffrable qui donnait à Lauren envie de l’attraper par les épaules et de le secouer jusqu'à ce qu'il daigne s'énerver. Elle aurait mille froid préféré le voir en colère plutôt que d'affronter sa pseudo-indifférence et son humour bancale. Il leur en voulait, c'était clair, mais quelque part Lauren était un peu soulagée. Soulagée parce que les paroles de son ami laissaient entendre qu'il leur en voulait surtout de ne pas l'avoir mis au courant, pas de s'être mises ensembles. Parviendrait-il pour autant à les pardonner plus facilement ?

Elle ne voulait pas perdre Dave pour ça. Elles auraient fini par le lui dire, évidement, elles lui faisaient entièrement confiance, elles avaient juste préféré attendre un peu. C'était juste une histoire de mauvais timing. Tout aurait pu se passer de manière complètement différente si cet imbécile de Poufsouffle n'était pas venu coller ses lèvres baveuses sur les siennes ! Si elle l’attrapait celui-là, elle le lui ferait regretter sa bêtise !

"Merde..." jura-t-elle en voyant Dave s'éloigner après leur avoir expliqué qu'il devait se faire à l'idée.

Ce n'était pas censé se passer comme ça. Elle n'avait jamais réfléchi à ce que ça pourrait lui faire, de dévoiler son homosexualité. On la regardait déjà de travers, et elle s'en fichait, alors ça n'aurait pas dû changé grand-chose. Sauf que ça ne s'était pas passé comme prévu, et que ça changeait beaucoup de chose. Profitant du fait qu'elle soit un peu plus grande que la moyenne, elle fouilla la foule du regard à la recherche de Dave, en vain. De toute façon, elle n'était pas certaine que son ami veuille avoir une conversation avec elles maintenant. La batteuse soupira de découragement avant de hocher vigoureusement la tête suite à la proposition de Samantha. Un verre, c'était une excellente idée. Et deux verres, c'était une idée encore meilleure.

Elle suivit sa petite-amie jusqu'au buffet et attrappa le verre qu'elle lui tendait sans la moindre hésitation.

"A la notre alors !" Elle haussa les épaules, trinqua, et vida son verre.

Les choses ne s'était pas passé comme elle l'aurait voulu, et elle aurait préféré trinquer avec Dave également, mais comme le disait Sam : au moins c'était fait. D'ici la rentrée elle espérait que cet incident serait oublié, et que tout redeviendrait comme avant, eux trois contre le reste du monde. En attendant elle n'avait qu'à boire un verre pour Dave.

La soirée avait été une réussite, si un certain nombre d’élèves leur avait rapporté avoir eu peur en entrant dans la Forêt Interdite, les aménagements qu’ils avaient mis en place avec Victor avait rapidement détournés leur attention. La fête avait vite battu son plein et l’arrivée du Shippeau avait apporté encore un peu plus de piquant.

La nuit était avancée désormais et une partie de ses camarades ricanaient bêtement en titubant légèrement pris par la fatigue mais aussi par l’alcool et autres substances illicites. Il lui semblait également avoir vu quelques couples s’éloigner dans les bosquets. Un peu inquiète, elle espérait qu’ils n’allaient pas se perdre ; elle n’avait pas pensé à cela auparavant mais ce n’était peut-être pas une si bonne idée la Forêt Interdite.

Néanmoins, elle n’allait pas gâcher son moment en courant après les jeunes couples, s’ils étaient là c’est qu’ils étaient assez grands pour réfléchir et être responsables de leurs actes. Elle décida plutôt d’aller rejoindre Adrian pour se pendre à son cou, cette année elle n’était pas toute seule et elle comptait bien en profiter.

Elle était au milieu d’un slow langoureux avec celui qu’elle présentait comme l’homme de sa vie lorsqu’un cri à glacer le sang résonna dans la clairière. La crinière rousse de Kalamity Chambers entra dans la lumière, derrière elle un énième joueur de Quidditch blondinet tâchait de garder son sang-froid. Ce fut un échec cuisant puisqu’il se mit à hurler d’une voix suraigüe :

« Au secours, on est attaqué ! Une horde ! Une horde nous poursuit ! Ils sont sauvages, assoiffés de sang ! A l’aide ! Il faut déguerpir d’ici au plus vite ! »

Avant que quiconque n’ait pu demander plus d’explications, un vent de panique parcourut les élèves. S’en était fini des petits flirts innocents, des discussions passionnées entre amis, de la recherche de la prochaine victime du Shippeau. Les toges en draps blancs étaient soulevées et les élèves courraient vers le château. Azénor resta plantée au milieu de la foule, contemplant d’un regard incrédule sa magnifique fête être réduite à néant.

Elle était seule au milieu de la clairière lorsqu’elle entendit des bruits inquiétants. Elle se retourna juste à temps pour voir une horde de Scroutt à Pétard foncer vers elle, détruisant le bar et la fontaine enchanteresse au passage. Azénor hurla :

« Attendez-moi ! »

Courant à en perdre haleine, elle laissa derrière elle les ruines de ce qui fut l’une des meilleures soirées de sa vie, son exploit, son chef d’œuvre avant son départ de Poudlard. Elle était parvenue à entrer dans les populaires, elle n’était pas une K-girl mais elle avait pu organiser une fête de fin d’année, son nom resterait pour toujours dans les annales. Enfin… Quand elle aurait rangé les restes et rendue à la clairière son aspect d’origine… Elle ne voulait pas être connue comme étant celle qui s’était faite découvrir.