[Soirée de fin d'année] Sur le Mont Olympe...

Marlene avait longtemps hésité avant de venir et elle s'était décidée la semaine dernière, en entendant des cinquième année en parler discrètement dans la bibliothèque. Après tout, c'était la soirée de l'année et elle n'avait pas très envie de faire partie des ratés qui n'iraient pas... Et puis elle passait souvent un bon moment mais ce qui la gênait cette année, c'était le costume. Elle n'aimait pas l'idée de devoir se déguiser, cela la gênait. Certes, tout le monde serait déguisé mais elle n'avait pas très envie de se faire remarquer. La plupart des gens comptaient se servir de draps pour faire des toges mais elle avait peur que ce ne soit pas assez couvrant et n'avait pas très envie que l'on voit son énorme derrière ou ses hanches volumineuses. La bonne idée lui était venue en feuilletant un livre sur l'Antiquité moldue à la bibliothèque, lorsqu'elle était tombée sur le chapitre concernant les vestales. Elle avait justement dans ses affaires une longue robe d'été d'un rose pâle tout doux, presque blanc, qui était un peu vaporeuse et qui correspondrait parfaitement au thème avec quelques accessoires. Elle n'avait jamais osé la mettre, elle l'avait emmenée pour les derniers jours d'été à Poudlard, mais cela serait l'occasion et puis si elle pouvait éviter le drap... Tout le monde n'avait pas le corps de Kessy Brooks pour se le permettre !

Le soirée de la soirée, dix minutes avant l'heure du rendez-vous, Marlene était donc vêtue de sa robe, un peu gênée, ses longs cheveux bruns lâchés dans son dos et surmontée d'un serre-tête travaillé - l'un de ses préférés - qui s'apparentait à une sorte de couronne de laurier. Elle avait coloré une ceinture métallique en doré et l'avait fait reposé sur ses hanches afin de donner un style un peu plus antique à la robe. Elle était plutôt satisfaite du résultat général même si elle avait l'impression que cela ne faisait que souligner qu'elle devrait perdre du poids. Enfin, elle était bien obligée de faire avec, malheureusement. Détournant le regard de son reflet, elle enfila une paire de sandales plates qui remontaient un peu haut sur la cheville et se tourna vers sa table de nuit pour en ouvrir le tiroir et saisir la broche qui lui avait été attribuée, une sandale ailée d'Hermès. L'idée de devoir parler à quelqu'un qu'elle ne connaissait pas l'embêtait au plus haut point. Et si c'était quelqu'un qu'elle n'aimait pas ? Ou pire, quelqu'un qui ne l'aimait pas ? Un peu nerveuse, elle noua quand même le badge à sa robe et abandonna sa baguette magique sur sa table de nuit, estimant qu'elle n'en n'aurait pas besoin. Elle sortit sans attendre Beth, Lauren et Samantha, leur accordant tout de même un petit sourire par politesse, et se dirigea dans la Salle Commune pleine de Serpentard surexcités.

La lettre stipulait qu'ils avaient rendez-vous dans la vieille réserve d'ingrédients désaffectés. Les Serpentard n'étaient pas vraiment du genre à faire des choses en groupe mais cette fois-ci, les deux organisateurs ne leur laissait pas le choix. C'était une bêtise aux yeux de Marlene : un gros groupe d'élèves avait beaucoup plus de chance de se faire repérer qu'un petit groupe mais au moins, s'ils se faisaient attraper, il était plus facile de passer inaperçu au milieu de la masse et de se dédouaner de la bêtise en citant l'effet de groupe. C'est du moins ce qu'elle comptait faire s'ils étaient attrapés. Les derniers retardataires finirent par arriver et Marlene se rapprocha de Beth, déguisée en déesse de la vengeance. Sa camarade de dortoir ne parlait pas beaucoup mais les deux filles avaient l'habitude de rester ensemble sans pourtant vraiment être amies. C'était plutôt pour éviter de rester seules qu'autre chose, à vrai dire. Le petit groupe se mit en route et elle ne pouvait s'empêcher de guetter l'arrivée d'un professeur, chose qu'elle aurait eu du mal à entendre parmi les murmures surexcités du reste de ses camarades.

Il y avait déjà quelqu'un qui les attendait dans la réserve et Marlene sursauta violemment à sa vue tout en poussant un petit cri, tant son costume était réussi. Les élèves qui l'entouraient ricanèrent et la jeune fille dissimula ses joues rouges de honte en baissant la tête. Elle était certaine de ne pas avoir été la seule à être impressionnée en plus mais personne n'irait l'avouer. Il fallut encore quelques minutes avant qu'ils ne se mettent en route et la route se fit dans un silence complet, tant le risque de tomber sur des professeurs était grand. Les portraits les regardèrent passer d'un air réprobateur tandis que l'angoisse de Marlene augmentait au fil de leur avancée. Ils n'étaient pas en train de se diriger vers la Salle sur Demande, la salle de bains des préfets ou une salle de classe, ils étaient en train de se diriger vers le hall. Ils n'allaient tout de même pas faire la fête dans la Grande Salle, non ? Ce serait trop voyant ! Ce ne fut que lorsqu'elle vit le passeur se diriger vers les portes qu'elle comprit. Ils sortaient de l'école ! Si certains semblaient ravis de l'idée, elle-même envisageait de plus en plus de faire demi-tour. Malheureusement, elle n'osait pas le faire devant tout le monde aussi se contenta-t-elle d'avancer, mal à l'aise. Ils traversèrent le parc, passèrent devant le lac et l'accès au terrain de Quidditch - elle avait songé que cela pourrait être là-bas comme c'était éloigné des profs et du château - mais se figea lorsqu'elle se rendit compte qu'ils se dirigeaient tous vers la Forêt Interdite.

- Il y a des loups-garous là-dedans ! s'exclama-t-elle d'une voix suraiguë.

Ce fut le coup de coude de Beth qui lui fit réaliser et elle tourna la tête pour croiser le regard de Samantha, qu'elle s'empressa de fuir en rougissant. Elle avait cessé de parler avec sa camarade depuis son attaque, alors qu'elles entretenaient des rapports plutôt cordiaux auparavant. C'était très triste pour Samantha évidemment, et encore plus pour Roxanne Prewett qui était morte, mais comment est-ce que l'école pouvait l'autoriser à continuer de partager le dortoir de gens normaux ! Marlene ne disait pas qu'il fallait la virer de l'école, elle avait le droit d'y rester, mais qu'elle vive au moins dans un endroit à part pour éviter tout danger ! Il fallait le dire, elle ne dormait plus tranquillement depuis que Samantha était là et mourrait d'envie de changer de dortoir. Elle n'avait néanmoins pas osé parler de son problème au Professeur Haddock, de peur qu'on la trouve intolérante. Elle ne l'était pas du tout d'ailleurs ! Les loups-garous devaient pouvoir étudier mais c'était inconscient de la part de l'école de les laisser mettre en danger des élèves innocents ! Et si Samantha attaquait quelqu'un un jour, si elle subissait les effets de la pleine lune plus tôt que prévu ? Elle était dangereuse, voilà tout. Poudlard était grand, elle pouvait dormir ailleurs ! Pourquoi pénaliser ainsi les autres élèves ? Surtout que Sam avait un peu cherché ce qui lui était arrivé... Elle était sortie de l'école en douce ! Si elle était restée à Poudlard bien sagement, rien ne serait jamais arrivé. Mais évidemment, Marlene n'avait pas pu dire tout cela à voix haute : Samantha était amie avec Lauren et cette dernière était tout aussi dangereuse qu'un loup-garou et ça, tous les jours de l'année.

Peu désireuse de rester près de ses camarades, Marlene se laissa entrainer à contrecœur dans la Forêt Interdite - elle n'allait pas faire demi-tour maintenant, surtout pas toute seule - et se rapprocha inconsciemment de Beth. Cette dernière ne devait pas être beaucoup plus rassurée qu'elle mais en tout cas, elle le cachait bien mieux. L'atmosphère était plus qu'inquiétante, ainsi à avancer dans le noir et elle regrettait fortement de ne pas avoir pris sa baguette magique, se fiant aux Lumos des autres pour avancer sur le chemin. Quelle idée de les faire aller dans la Forêt Interdite ! C'était dangereux, tout le monde le savait ! C'était bien une idée de Gryffondor ça, songea-t-elle avec un féroce mépris. Le moindre bruit la faisait sursauter et elle manqua de pousser un cri en sentant quelque chose lui effleurer la cheville. Elle était terrifiée et n'avait qu'une envie, c'était de retrouver la sécurité de la Salle Commune. Malheureusement, elle n'oserait jamais repartir seule en contresens, de peur de ne jamais retrouver son chemin. Elle glissa son bras sous celui de Beth et aperçu au bout de quelques minutes de la lumière qui émergeait d'entre les arbres. Soulagée, elle accéléra le pas et passa les draps blancs en courant presque.

Elle avait eu beau critiquer l'idée de la Forêt Interdite, il fallait dire qu'une fois dans la carrière, on aurait presque pu oublier les horribles créatures autour, tapies dans le noir. On aurait dit une sorte de rêve : les jolies lumières, les confettis et la fontaine de Biéraubeurre. Marlene regardait tout cela avec émerveillement tout en avançant, sa longue robe frôlant l'herbe verte. Il faisait un peu frais mais l'air restait doux en cette soirée d'été et le décor était absolument romantique. Elle se prit à rêver qu'un garçon fasse quelque chose de ce genre pour elle, pour l'un de leurs rendez-vous, il l'aurait guidée jusqu'ici après avoir tout mis en place. Mais elle revient bien vite à la réalité lorsqu'elle fut bousculée par deux garçons de quatrième année qui se ruèrent sur la fontaine de Bierraubeure. Les invités commençaient à être arrivés et la clairière s'était vite remplie. Désireuse de se donner une contenance - Beth s'était empressée de rejoindre ses sœurs Wendy et Jane - Marlene se dirigea vers le buffet pour piocher dans un plat. Elle croisa le regard d'une fille de Poufsouffle et eut l'impression que cette dernière se moquait d'elle. C'est sûr qu'elle était déjà assez grosse comme ça... Dégoûtée, elle reposa ce qu'elle avait pris et choisit de plutôt se concentrer sur son binôme plutôt que de s'empiffrer. La foule était dense et son regard accrochait des dizaines de badges, mais aucun qui soit une sandale ailée d'Hermès...

Le cri de Marlene fit l'effet d'un sceau d'eau glacé à Samantha, qui posa sur elle un regard incrédule. Etait-il humainement possible de manquer à ce point de tact ? Sa camarade avait-elle vraiment peur d'elle ? Elles se connaissaient depuis six ans, elles s'appréciaient jusque là, mais leurs rapports avaient changé dès la transformation de Samantha. Oh, elle s'y était attendue, bien sûr. Elle avait passé de longues heures allongées dans son lit d'hopital à se demander qui accepterait encore de lui parler à Poudlard et qui s'y refuserait, en s'estimant déjà heureuse de ne pas avoir à perdre sa meilleure amie. Pourtant, avec le temps, Sam avait fini par perdre son indulgence et sa patience envers ceux qui la traitaient comme une pestiférée, estimant qu'il s'agissait là d'une réaction complètement démesurée, blessante et témoignant d'une grande intolérance. Elle n'était un danger pour personne, la directrice se chargeant personnellement de lui trouver un cachot vide sur lequel elle jetait de nombreux sorts de protection à chaque pleine lune, tout en s'assurant qu'elle avait sa potion. Samantha était bien trop marquée par son propre accident pour prendre le risque de blesser quelqu'un à son tour, et c'était évident à quiconque la connaissait vaguement qu'elle avait bien plus besoin de soutien que de rejet. C'était elle qui avait des raisons d'avoir peur, par Merlin !

La tête baissée sur ses pieds, les poings serrés, Samantha fit la fin du trajet sans y prêter la moindre attention. Elle était bien trop occupée à ressasser ses pensées noires et à réfréner ses larmes de rage. Quand ils parvinrent à la clairière, elle se força à prendre quelques inspirations profondes et à se composer un visage souriant, sinon elle pouvait tout aussi bien rentrer de suite au dortoir... Sam avait beaucoup tergiversé avant de se décider à venir à la fête de fin d'année, elle qui était celle qui poussait ses amis à y assister les années précédentes. En réalité, elle redoutait beaucoup le fait de se retrouver au milieu de ses camarades de classe après ce qui s'était passé, alors qu'elle était restée tant à l'écart depuis son accident. Coller Lauren toute la soirée sans la laisser s'éloigner d'un mètre, ce qui était son instinct premier, ne serait pas une option avec cette histoire de badges et elle allait infliger à un pauvre innocent la présence de la louve-garou taciturne... Mais c'était justement ce qui l'avait décidée. Sam refusait de se cantonner à son rôle de marginale et de rebut de la société que certains voulaient lui voir jouer. Elle était jeune et pleine de ressources et avait encore beaucoup à offrir, il suffisait simplement qu'elle passe le cap difficile des premiers mois et qu'elle parvienne à se faire une place. Certains imbéciles, comme Marlene visiblement, la rejetteraient toujours mais il y aurait forcément des gens pour oublier ce qu'elle était devenue...

Cette soirée était donc l'occasion parfaite pour renouer avec sa vie sociale, en espérant qu'elle parvienne à tenir quelques temps avant de courir dans les toges de Lauren et Dave. Squatter Lauren était un peu trop devenu un réflexe chez Sam depuis sa transformation, et il vallait sans doute mieux pour leur relation que Sam réapprenne à vivre sans elle et sa présence rassurante. Alors elle avait fait l'effort de se déguiser, en costumisant une longue robe blanche qu'elle avait agrémenté d'une ceinture, puis en réparant et peignant en or une vieille harpe qu'elle avait trouvé dans un placard de la salle des arts. La déesse de la musique avait également fabriqué des notes de musique en carton doré qu'elle avait accroché à ses cheveux et à une paire de boucles d'oreilles, et la voilà parée. Désireuse de faire bonne impression sans pour autant sortir particulièrement du lot - elle avait son compte à ce niveau là - Sam avait prêté une certaine attention à sa tenue, attention visiblement partagée par leurs hôtes.

Sa morosité s'envola bien vite quand elle vit les lieux, impressionnée par les efforts décoratifs de Reynolds et Lloyd. Ils avaient réussi l'exploit de rendre agréable un petit coin de Forêt interdite, et l'on avait réellement l'impression d'être ailleurs. Sam glissa un petit regard agrémenté d'un sourire en direction de Lauren, peu persuadée que le thème de la soirée soit particulièrement à son goût... Après un petit aperçu des lieux, elle réalisa qu'elle avait trouvé l'endroit parfait pour retrouver son ou sa partenaire de broche.

"J'crois que je vais aller du côté de la fontaine de Biéraubeurre", lâcha-t-elle avec un sourire à l'attention de Dave et Lauren. "Qui m'aime me suive !"

Glissant un bras d'autorité sous le bras de ses deux camarades, elle les entraîna dans son sillage, bien décidée à ne pas se retrouver seule trop vite.

Jamais Rachel n'aurait pu supporter l'idée de ne pas aller à la soirée de fin d'année. Elle attendait ce moment depuis si longtemps ! Elle en frétillait d'impatience depuis le jour où elle avait reçu la lettre, la fameuse lettre qu'elle attendait depuis environ trois mois. Non seulement la jeune fille aimait beaucoup la fête, mais en plus elle était dotée d'un empressement qui battait tous les records. Rachel se contentait donc de patienter, mais il fallait dire que la soirée représentait énormément pour elle. C'était l'avant-dernière année qu'elle passerait ici, à Poudlard, et elle comptait en profiter du mieux possible. Elle se promit de se mettre sur son trente et un, et d’éblouir tous les regards. Cependant, elle ne s'y connaissait pas parfaitement en mode, et elle dut faire plusieurs essais d'habillage pour trouver une robe qui lui convenait vraiment. Elle avait décidé de se déguiser en déesse du plaisir, parce qu'elle estimait que ça lui convenait parfaitement. Et, même si elle ne savait pas si cette divinité existait vraiment dans les légendes, elle se contenta de hausser les épaules pour elle-même.

C'est avec une joie agaçante qu'elle sortit du dortoir, cette nuit-là. Il devait être minuit moins le quart, et plusieurs autres Poufsouffles attendaient avec les passeurs près de la statue de Ricky. Après avoir hésité entre plusieurs robes, Rachel avait opté pour une tunique à volants, moulante, et qui la faisait paraître beaucoup plus jolie que d'ordinaire. La jeune fille secoua ses cheveux et remit en place la flèche argentée d'Artémis qui lui tenait lieu de broche. Elle était un peu fébrile à l'idée de se trouver peut-être en présence d'un inconnu, alors elle croisait les doigts pour que son attribution se passe bien. Elle redoutait surtout une confrontation avec Kessy Brooks... Dans ce cas-là, il lui suffirait de lui rire au nez en lançant une blague du plus mauvais goût. On lui disait souvent qu'elle aurait dû aller dans n'importe quelle maison sauf chez les jaune et noir, mais ça n'avait apparemment pas été le cas. Rachel avait bon caractère, mais ses mauvaises farces lui attiraient souvent l'apathie de son entourage.

Tout en gambadant autour des passeurs, maintenant arrivés, qui commençaient à s'énerver. La jeune fille s'en mordit les doigts, car elle se fit sèchement réprimander. Elle n'aimait pas qu'on la remette à sa place, mais elle ne pouvait pas s'empêcher de ressentir une bouffée de joie dès qu'elle pensait à cette soirée. Qui, soit dit en passant, allait certainement être mémorable. L'année passée, Rachel n'avait pas pu goûter à la Mandragore, mais elle comptait y passer cette fois-ci. Elle espérait seulement qu'elle ait l'esprit assez clair pour avoir des pensées logiques. Rachel chassa ces pensées d'un geste de la main, et suivit les élèves de sa maison jusque dans le Parc. Elle s'effraya soudain : ils se dirigeaient vers la forêt interdite ! Elle détestait cet endroit sinistre, et le fait de regarder la cime des grands arbres lui donnaient la chair de poule. Néanmoins, si elle voulait y aller, elle devrait traverser la forêt. Prenant sa respiration, elle s'enfonça dans les bois lugubres, tandis que l'ombre des troncs recouvrait le petit groupe. Ils progressaient dans le noir, privés de la lueur de la lune, quand ils entendirent des éclats de voix ainsi que des lampions. Rachel faillit sauter de joie et déboula sur une clairière animée. Les yeux pleins d'étoile, elle se mit à trottiner un peu partout, cherchant à la fois quelqu'un qu'elle connaissait, mais aussi la personne qui portait la même broche qu'elle.

Elle chercha du regard les deux organisateurs de la soirée, Victor et Azénor, mais ils devaient sûrement être dispersés dans la foule car elle ne les aperçut pas. Déçue, elle se dirigea vers la statue de Poséidon qui trônait au milieu, et observa un instant la Bièreaubeurre que versait la fontaine, fascinée. Elle jeta un coup d’œil autour d'elle, ravie de remarquer que tout ressemblait à la demeure des dieux : des angelots voltigeaient dans les airs, la clairière était recouverte de draps blancs... Rachel n'attendait que l'instant où elle pourrait enfin faire montre de ses talents de danseuse.

Clara fit la moue regardant le badge qu'elle n'avait pas encore accroché à sa tenue. Il ne correspondait pas à son déguisement et pour cause : elle trouvait le dieu que le badge représentait peu flatteur, et avait décidé, puisque le règlement de la soirée le permettait, de ne pas assortir le symbole et la divinité.

Sitôt le thème et les instructions pour la soirée reçus, elle avait envoyé un hibou à son frère Stefan pour qu'il lui confectionne un costume. Stefan lui avait retourné le patron et elle avait pu réaliser le vêtement dans la salle des arts. La jeune fille se mira dans le miroire, certaine qu'elle détonnerait au milieu des invités. L'invitation était tellement orientée sur le Panthéon des dieux Grecs que personne n'irait chercher plus loin. Clara était prête à parier qu'elle se retrouverait au milieu d'une douzaine d'Aphrodites et d'Apollons. Heureusement, Stefan, avec son génie habituel, avait su comment faire pour que sa soeur se démarque dans la foule. Après avoir cherché quelques dieux sorciers - et il y en avaient peu - il s'était tourné vers d'autres mythologies et avait finalement envoyé à sa soeur une tenue représentant Freya, maîtresse des Valkyries, Reine du royaume des guerriers morts au combat et déesse de l'amour.

En recevant la lettre, Clara s'était un instant demandé si son frère n'était pas devenu fou. Il n'aurait pas pu lui faire un costume de Diane chasseresse, tout simplement? Mais les arguments exposés par le modiste avaient portés, et la jeune fille s'était mise au travail avec enthousiasme. Elle serait la Reine des Dieux du Nord, entourée de valeureux hommes qui avaient prouvé leur bravoure, probablement avec un déguisement unique, qui la mettait autant en valeur qu'il la protégerait du froid. En effet, Victor avait la drôle d'idée d'organiser la soirée dans les cachots: c'était lugubre et froid, et tous les dieux méridionaux greloteraient une heure à peine le début de la fête. Pas elle.

D'un geste, Clara termina de se maquiller. Ses cheveux étaient coiffés en une tresse compliquée, retenues par une couronne couleur or, gravée d'armes et de coeurs miniatures, qui n'était pas sans rappeler un casque guerrier. Elle arborait des bracelets aux bras et aux poignets de la même facture, et des boucles d'oreilles représentant une flèche traversant un coeur. Elle enfila les bottes assorties à la tenue, féminines, légères et confortables. La lourde robe sombre, lui tombait jusqu'aux chevilles. Sa taille haute, soulignée par une ceinture dorée plongeante, mettait en valeur la finesse et la haute taille de la Serpentard. Elle avait quelques doutes sur le décolleté plongeant, chose qu'elle n'avait pas l'habitude de porter. Stefan n'avait-il pas oublié, dans son enthousiasme, que sa jeune soeur allait porter cela? Elle jeta la cape de fourrure, chaude et douce, sur ses épaules, tentant de dissimuler ses formes, avant de la rejeter brusquement en arrière. Elle était belle, autant en profiter! Ainsi, James ne regarderait qu'elle…

Non, il ne fallait pas penser à James et à la soirée de l'année précédente, cela risquait de lui gâcher la vie. Ce n'était pas parce qu'elle s'était réconciliée avec lui, et qu'il avait rompu avec Kessy, qu'elle l'autoriserait à la traiter comme il l'avait fait l'année dernière. Elle ne serait plus le dindon de sa farce. Ils allaient passer une bonne soirée entre amis, sans s'éloigner de Victor et d'Amely, et rien de plus. Fière de cette bonne résolution, Clara sortit de la salle de bain avec un sourire à l'attention d'Emma.

"Tu es très jolie! On y va?"

Les deux jeunes filles quittèrent leur dortoir… et Clara fit demi-tour immédiatement pour saisir la broche qu'elle avait laissé sur le lavabo. Elle l'accrocha sur sa poitrine et s'excusa auprès d'Emma.  Maintenant, elles pouvaient rejoindre le point de rendez-vous. Car il ne s'agissait que de cela! Clara soupira de soulagement.

"Je me disais bien que ce n'était pas le genre de Victor d'organiser une soirée dans un cachot" dit-elle à l'adresse d'Emma alors que le groupe suivait son effrayant passeur.

Mais l'élève les guida hors du château, en direction de la fôret interdite. Clara frissonna, se laissant volontiers gagner par l'anxiété qui émanait du groupe, et se rapprocha d'Emma. Victor - on parlait bien du même Victor? - organsait la fête dans la forêt interdite? Mais, par tous les Fondateurs, qu'est-ce qu'il lui prenait? Pourquoi fallait-il qu'il réveille son inconscience Gryffondoresque, lui qui était toujours si timoré, en ce moment précis? Clara se jura de lui expliquer le sens du mot "interdit".

Néanmoins, ne voulant pas passer pour une couarde, comme le faisait justement Marlene Barclay, elle releva la tête et continua bravement à avancer. Elle savait au moins que le mot "loup garou" était banni de la maison Serpentard jusqu'à l'année prochaine. Les gens réagissaient différemment au drame qui avait frappé leur maison. Beaucoup regardaient Samantha à la dérobée et restaient loin d'elle, d'autres l'ignoraient, certains encore parlaient à la jeune fille comme si elle était au stade terminal d'une maladie incurable. Clara faisait partie des rares qui n'avaient pas changé d'attitude à son égard, car elle était bonne comédienne. Si quelqu'un se permettait de critiquer Sam, elle le remettrait vertement à sa place, unité de maison oblige. Tout Serpentard digne de ce nom le ferait également. Mais intérieurement, Clara savait qu'elle ne deviendrait jamais amie avec l'attrapeuse de sa maison. On en savait peu sur les loups-garous et elle n'était pas volontaire pour une étude approfondie! Et puis franchement, qui pouvait avoir envie de l'approcher quand elle se promenait continuellement avec McGowan, une loup-garou permanente depuis la naissance?

Le petit groupe arriva enfin devant la clairière qui abritait la fête, et Clara sourit d'émerveillement devant le décors. Elle entraîna Emma à la recherche de Victor, rajustant son costume, sa couronne, sa broche aux raisins, sa cape.

"J'ai cru que tu étais devenu fou, quand on nous a emmené vers la forêt interdite!" dit-elle à son ex-petit ami, avec lequel elle s'entendait bien mieux depuis leur rupture. "Mais c'est original et magnifique! On s'en souviendra longtemps, de cette soirée!" C'était sincère. "Encore plus longtemps que la soirée mousse!" Ca, ça l'était moins, par contre.

Et, l'air de rien et malgré ses bonnes résolutions, Clara chercha James dans la foule...

Dave Marchebank, 16 ans, sixième année, Serpentard

Dave ne s’était pas laissé avoir par la mode des draps, qu’il trouvait proprement ridicule. Se fagotter de la sorte n’avait non seulement aucun style, mais en plus, s’ils venaient tous avec de maigres imitations des toges romaines, la soirée perdrait toute son originalité. L’idée que leur avait concoctée Lloyd et Reynolds avait du potentiel qu’il serait dommage de gâcher, Dave s’en était convaincu en lisant la lettre d’invitation. D’emblée, il avait écarté le Panthéon grec, peu enthousiaste à l’idée d’être le énième Zeus dans une assemblée d’Aphrodite et d’Apollon. Non, Dave avait un peu plus d’estime de lui-même que cela, il voulait surprendre, il voulait interroger.  Il lui fallait quelque chose de plus croustillant.

Bien sûr, quelques uns de ses camarades s’étaient déjà occupés de lui lancer quelques remarques d’un haut niveau spirituel. « Eh le Gobelin, ton déguisement est tout trouvé pour toi ! ». Haha. Ca y est, on faisait autre chose que se curer le nez en cours d’histoire de la magie, on avait le malheur de s’intéresser un peu à la culture gobeline, et les amalgames étaient vite faits, preuve qu’encore une fois, la puérilité de ses camarades n’avait pas de limites. Le Serpentard ne s’attardait nullement sur ce genre de moquerie de bas étage, qui ne pouvait qu’être le mesquin produit de la jalousie que lui vouaient ces perdants sans cervelle. Parfaitement, il était un élève brillant, et il n’allait pas en rougir.

Et dans sa tête pleine et bien faite, il y avait beaucoup de matière à exploiter. Dave avait cherché dans ses souvenirs d’enfance, surtout dans ceux qui incluaient quelques bribes de légendes dévorées sous sa couette. L’histoire, au singulier ou au pluriel, avec un petit ou un grand H, l’avait toujours passionné, dès son plus jeune âge. Il n’était pas avare, culture sorcière comme moldue y passait. Il se souvenait avoir eu une période de fascination pour les mythes scandinaves, c’était bien pour cela qu’il n’avait pas hésité à prendre les runes en option, d’ailleurs. Et l’idée était venue ! Quelle meilleure représentation divine pouvait-il y avoir de lui que celle d’Odin, dieu de la stratégie, de la mort, de la victoire et du savoir ? Une référence incontournable –bien qu’un peu oubliée- du monde à la fois moldu et magique ! Les sorciers le célèbraient comme l’un des plus grands nécromanciens de l’Histoire, bien sûr, les moldus y avaient vu là un dieu de la mort. Et, chose qui plaisait particulièrement à Dave, on pouvait dire qu'il était l’équivalent masculin d’une Muse des runes, on le nommait d’ailleurs maître des poètes. La coïncidence avait même voulu qu’on décrive Odin comme toujours accompagné de deux animaux, deux loups, ou deux corbeaux, comme lui-même était toujours flanqué de ses deux fidèles amies… Si ce n’était pas un signe !

Son discours était tout prêt, il n’avait pas arrêté d’en abreuver Lauren, d’ailleurs. C’était plutôt drôle d’assommer la batteuse de longs monologues historiques. Dave n’était pas idiot, il se rendait parfaitement compte qu’elle ne l’écoutait pas, mais justement, il était curieux de savoir quand elle comptait lui casser un tibia pour le faire taire. Preuve que, quoiqu’on en dise, Lauren savait aussi se montrer patiente.

En tout cas, Dave avait joué la carte jusqu’au bout… de sa barbe grise qui lui arrivait au torse. Elle allait même avec sa broche, se souvint-il, au moment de la cacher dans sa poche. Il préférait repérer son ou sa partenaire le premier. Au moins, il pourrait faire comme s’il n’avait jamais eu de broche s’il s’agissait d’un boulet.

Il n’eut pas le loisir de faire durer le suspense bien longtemps, toutefois. Au moment où il posa un pied dans la salle commune des Serpentard pour rejoindre ses amis, il reconnut sa broche jumelle, sur les vêtements de Samantha. Il décida de n’en rien laisser paraître pour le moment. De toute manière, il venait suffisamment de se faire remarquer, avec sa barbe et sa cape en fourrure, décidé qu’il était à ne rien faire comme les autres.

« Jolis costumes, les filles. On y va ? »

Dave était passé maître dans l’art d’ignorer les regards des autres, même les plus pesants. Le trajet se déroula presque sans encombre, si on omettait le cri de petite fille que poussa Barclay. Dave pouvait entendre d’ici les dents de Lauren se serrer. Il était beaucoup moins sanguin qu’elle, mais cela ne l’empêcha pas de jeter un regard noir à Marlene, puis de grincer un « N’y fais pas attention » à Samantha. La transformation de leur amie était devenu un sujet sensible. Dave et Lauren avaient conclu le pacte tacite de la protéger de toute remarque  de ce genre, mais cela n’empêchait malheureusement pas certains de leurs camarades de se montrer particulièrement stupides.

Heureusement, Samantha ne se laissa pas abattre et retrouva son sourire, une fois qu’ils furent arrivés sur le lieu de la fête. Dave était bien obligé de saluer l’audace des organisateurs pour les avoir menés sur la Forêt Interdite, et la fontaine de Bierraubeurre était une très jolie trouvaille. Son regard s’accrocha à l’effigie du dieu Poséidon, lorsque Samantha les y emmena. La voix d’une quatrième année de leur maison le rappela à la réalité, et il se saisit de la coupe qu’elle tendait à Samantha :

« Ah non, Nelly, tu ne me piqueras pas ma moitié ! Il fournit l’explication de ses dires en agitant juste sous les yeux de son amie sa réplique du trident de Poséidon miniature. C’était trop facile. On devrait aller réclamer notre cadeau divin, Sam. »

La lettre ne le promettait-elle pas au premier couple qui se retrouverait ? Il passa un bras autour des épaules de la blonde pour illustrer ses dires, puis se tourna vers Lauren, un léger sourire aux lèvres :

« Désolé Lauren, ça serait un peu tendancieux de rester toute la soirée tous les trois. Tu devrais aller chercher ton copain de broche toi aussi, essaye de le ramener en un seul morceau, si possible.  »

Finalement, cela l’arrangeait d’être couplé avec Samantha pour cette soirée, il avait quelques petites choses à lui demander, mais pour cela, il fallait que Lauren s'éloigne un peu...

Lauren jeta à Marlène son regard le plus noir, serrant les dents pour s'empêcher d'aller lui coller son poing en pleine figure. Elle n'avait jamais été vraiment proche de sa camarade, avec qui elle partageait pourtant un dortoir depuis six ans, mais ne l'avait jamais détesté non plus. Du moins jusqu'à aujourd'hui. Depuis la morsure de Samantha, Marlene la fuyait comme la peste et ce comportement tapait sérieusement sur les nerfs de la batteuse. Comment pouvait-on être stupide et intolérante à ce point ? Lauren appuya les paroles de Dave d'un hochement de tête. Il ne fallait pas y faire attention. Mais elle voyait bien que cela atteignait Samantha malgré tout, et que cela lui demandait beaucoup de courage de ne pas se laisser abattre.

Heureusement, du courage, son amie semblait en avoir à la pelle. Samantha avait décidé d'aller à la soirée, peu importe les regards qu'on poserait sur elle. Lauren l'admirait pour ça, et avait naturellement choisi de l'accompagner. En plus, cette année, le thème ne leur imposait pas de terminer la soirée à moitié nue ou en portant les vêtements des autres, ce qui était un progrès qui méritait d'être souligné. Peu désireuse de se promener simplement vêtue d'un drap, elle avait choisi d'éviter le costume de déesse et avait questionné un peu Dave, qui semblait en connaitre un rayon, sur la mythologie. Son camarade lui avait appris tout ce qu'elle voulait - et plus encore, elle avait cru qu'il ne se tairait jamais- et Lauren s'était finalement décidée pour un costume de Minotaure. La batteuse s'était habillé tout en noir, un plastron en cuir sur le torse, et avait posé deux impressionnantes cornes de taureau sur ses cheveux sombres. Cela ne plairait certainement pas à tout le monde, mais à vrai dire elle s'en fichait un peu. Elle s'en fichait même carrément, cela lui plaisait à elle et c'était suffisant. Et puis, cela plaisait aussi à Dave apparemment.

"Merci, jolie barbe !"

Son costume d'Odin lui convenait parfaitement. Mais s'il lui imposait encore un monologue historique sur le Dieu de la stratégie/du savoir/de la mort elle allait lui casser un tibia. Elle disait ça, mais savait qu'en réalité elle ne ferait jamais de mal à Dave, qu'elle appréciait sincèrement. Lauren ne s'attachait pas facilement aux gens, pourtant elle était devenue inséparable de Samantha et de Dave. Ils étaient loin d'être les élèves les plus populaires de l'école, et savaient qu'on devait pas mal se moquer d'eux dans leur dos. Dave parce qu'il était passionné d'histoire et préférait l'étude des runes au Quidditch, Samantha parce qu'elle était un loup-garou, et Lauren parce qu'elle était trop masculine. Ils n'étaient pas parfaits, mais ils étaient mieux que ça ! Ils s'étaient acceptés tels qu'ils étaient et leur trio fonctionnait plutôt bien.

Lauren sourit face à l'enthousiasme de Samantha, ravie de constater qu'elle ne s'était pas laissée gâcher la soirée par des imbéciles comme Marlene Barclay, et se laissa volontiers entrainer en direction de la fontaine de bierraubeurre. Elle n'aimait pas le reconnaitre -en partie parce qu'elle ne portait pas Victor Lloyd dans son cœur- mais le décor était plutôt impressionnant. La batteuse ressentit une pointe de jalousie en voyant Dave agiter une broche en forme de trident sous les yeux d'une élève de leur maison. Elle aurait bien aimé être la jumelle de broche de Samantha. Mais était tout de même heureuse que son amie soit tombée avec Dave, plutôt qu'avec quelqu'un d'intolérant ou de méchant. En parlant d'intolérance, elle aurait bien deux mois à dire à Marlene...Lauren fouilla la foule du regard à la recherche de sa camarade de dortoir, tout en se demandant comment fausser compagnie à ses deux amis avec une excuse autre que "Je vais casser la gueule de cette petite peste de Marlène, vous me tenez mon verre ?".

Elle n'eut même pas à trouver d'excuse, puisque Dave lui suggéra de partir à la recherche de son jumeau de broche.

"Bah vas-y vire-moi, j'te dirai rien...grogna-t-elle pour la forme. Ça, ça dépendra de la personne sur qui j'tombe, ajouta-t-elle quand son ami lui conseilla de ramener son binôme en un seul morceau. Et comme il n'y a qu'un moyen de le savoir...J'reviens tout de suite."

La batteuse commença à s'éloigner, tout en sachant très bien qu'elle n'avait pas réellement de partir à la recherche du porteur du second diadème d'Héra. Elle avait accroché sa broche à sa ceinture, et regrettait de ne pas l'avoir plutôt mise dans sa poche afin de ne pas risquer d'être collée par un boulet, Dave avait été le plus malin sur ce coup-là, comme souvent. Mais c'était trop tard maintenant, son binôme l'avait peut-être même déjà repéré. Quoiqu'il en soit, il ne l'avait pas encore abordé -et avec un peu de chance il ne le ferait jamais- et elle pouvait donc partir à la recherche d'une toute autre personne. Elle finit par apercevoir Marlene près du buffet et s'avança vers sa camarade à grandes enjambées.

"C'est quoi ton problème Barclay ?" demanda-t-elle, agressive, en arrivant à sa hauteur.

Elle supportait les regards et le silence de sa camarade depuis des mois, il était temps que ça cesse. Si elle ne supportait pas d'être dans le même dortoir que Samantha, la porte lui était grande ouverte. Lauren n'avait rien dit jusqu'alors parce qu'elle savait que son amie serait gênée si elle provoquait une scène dans le dortoir à propos de sa condition de loup-garou. Mais Sam était occupée avec Dave actuellement, et il était grand temps que Lauren ait une conversation avec Marlene. Sa patience avait des limites, des limites qui avaient été atteintes depuis bien longtemps déjà. La batteuse posa sur la jeune fille un regard noir. Les cornes noires dressées sur sa tête, qui auraient pu être ridicules, lui donnait l'air encore plus impressionnante que d'habitude.

Peut-être que son partenaire de broche serait un septième année, un garçon. Un garçon mignon, évidemment. Il était peut-être là, dans la foule, ses yeux parcourant tous les invités à la recherche d'une sandale ailée d'Hermès. Et puis il allait l'apercevoir, leurs yeux allaient se croiser, ils esquisseraient un sourire. Il s'approcherait d'elle, se présenterait de sa voix grave, lui proposerait de boire un verre. Ils discuteraient, riraient, se rendraient compte qu'ils ont plein de points communs. Il la regarderait avec des yeux brillants, elle rougirait et il lui proposerait de se revoir après cette jolie soirée. Ils se donneraient rendez-vous dans le parc le lendemain, ils se promèneraient, il lui prendrait la main et ils finiraient par s'embrasser, tout près du lac brillant sous les rayons du soleil d'été. Et ils s'écriraient tout l'été, se donneraient des rendez-vous amoureux, il passerait la chercher en transplanage et...

La jolie rêverie de Marlene fut brusquement interrompue par un bruit de pas lourd qui venait clairement dans sa direction. Il ne lui fallut pas longtemps pour repérer Lauren McGowan qui approchait - de sa démarche élégante et délicate - et elle comprit tout de suite qu'elle avait des ennuis. Elle avait eu le malheur de parler un peu trop fort tout à l'heure et voilà qu'elle se faisait agresser par cette brute ! Elle n'avait rien dit de mal après tout, tout le monde savait qu'il y avait des loups-garous dans la Forêt Interdite et il était normal de s'inquiéter des dangers potentiels, c'était être responsable. Après tout, les loups-garous étaient étudiés en Défense Contre les Forces du Mal, cela voulait bien dire quelque chose ! Marlene était persuadée d'être dans son bon droit à ce sujet et même si elle était désolée d'avoir froissé Samantha, elle avait manqué un peu de tact, oui, ce n'était pas une raison pour qu'elle lui envoie son chien de garde ! Il était hors de question qu'elle reste seule avec Lauren, cette fille était bien trop violente. Malheureusement, aucune échappatoire ne lui était offerte et avant qu'elle n'ait eu le temps de faire un pas, McGowan était plantée devant elle, fulminante.

- Je n'en n'ai aucun, répondit Marlene en fronçant les sourcils, faisant mine d'être surprise par la question. Pourquoi tu demandes ça ?

Elle avait beau avoir des idées très arrêtées sur la question des loups-garous et de la présence de Samantha dans le dortoir, elle ne les formulerait jamais à voix haute. Elle avait peut-être fait une gaffe tout à l'heure, mais elle n'était certainement pas idiote et ne reproduirait pas deux fois la même bêtise. Elle préférait largement faire comme si de rien n'était et battre en retrait, elle n'avait pas du tout envie d'avoir des problèmes, surtout qu'elle allait encore devoir passer une année entière avec Samantha et Lauren. Encore une année à être terrifiée les nuits de pleine lune ! Comment l'école pouvait-elle infliger ça à des adolescentes innocentes ?

Même si Marlene détestait cette idée, elle allait éviter d'avoir des ennuis avec les filles dont elle partageait la chambre. C'était déjà assez désagréable comme ça et elle voulait continuer à être tranquille dans le dortoir. Cela marchait depuis six ans et elle ne voulait pas renoncer à la technique. Enfin, au début, il n'y avait que Lauren qui lui posait un problème. Lauren lui avait d'ailleurs toujours posé un problème étant donné qu'elle lui avait fait peur dès les premiers jours de classe et l'idée de dormir dans la même pièce qu'elle lui avait retourné l'estomac dès le festin de rentrée... Heureusement, elle s'entendait mieux avec Samantha et Beth, qui étaient tout à fait normales. Sans devenir amie avec elles, Marlene avait néanmoins entretenu avec ses camarades des relations que l'on pouvait considérer comme amicales et elle avait toujours un sourire pour ces dernières ou bien un mot gentil. Évidemment, le fait qu'elle soit terrifiée à l'idée que Samantha l'égorge dans son sommeil avait quelque peu entaché cette charmante habitude. Désireuse de vite se passer de la compagnie de Lauren, Marlene lui adressa un sourire et tendit la main vers le plateau de nourriture.

- Tu veux un petit-four ? Ils sont très bons ! Et ton costume est très chouette d'ailleurs, je n'y aurais jamais pensé ! 

Maeva avait été bien embêtée en découvrant le thème de la soirée de fin d’année. Oh, elle trouvait cela génial, évidemment ! Mais le fait est qu’elle ne connaissait pas grand-chose à la mythologie. Elle avait donc fait quelques recherches – avec Lisa – et elle en était venue à la conclusion qu’elle ne possédait absolument aucun vêtement qui pouvait entrer dans le thème choisi. Elle avait bien quelques robes, mais rien d’assez blanc ou d’assez vaporeux. Elle en était à envisager de se vêtir d’un drap – on faisait avec les moyens du bord – quand une idée lui avait traversé l’esprit. Il y avait bien une personne à qui elle pouvait demander de l’aide. Une personne qui ne lui refuserait jamais rien – sûrement trop heureuse de l’aider (ou trop heureuse trop court). Maeva avait donc attrapé un parchemin, et avait envoyé une lettre à Eden. Evidemment, elle ne lui avait pas précisé qu’elle quémandait son aide pour participer à une soirée (illégale) de fin d’année, mais avait enjolivé les choses, affirmant qu’il s’agissait d’une petite veillée avec ses camarades de dortoir, qu’elles organisaient à chaque fin d’année afin de se dire au-revoir, et que, étonnement, cette année, le thème était les divinités. Sa future belle-mère avait été d’accord pour l’aider, et Maeva lui avait donc décrit la tenue qu’elle avait en tête.

La jeune fille avait alors attendu le colis d’Eden durant plusieurs jours. Elle appréhendait un peu sa venue, aussi bien qu’elle était impatiente. Elle savait que la future femme de son père avait une tendance à… rajouter du rose partout, disons. Pourtant, elle y était allée de main morte, et le résultat était vraiment joli. C’était une robe d’un rose très pâle – quasiment blanc, à vrai dire – plutôt longue, avec une ceinture haute en argent. Maeva avait fixé sa broche de l’éclair de Zeus sur une de ses bretelles, et avait chaussé des sandales à lacets compliqués – des spartiates, lui avait dit Lisa, qui les lui prêtait. Elle s’était déclarée alors prête, mais son amie avait tenu à la coiffer. Avec des « cheveux comme les siens » il serait dommage de les laisser lâches ! avait affirmé sa meilleure amie. Maeva – habituée à ne pas vraiment faire attention à ses cheveux – avait haussé les épaules et s’était laissée faire. Ses cheveux avaient donc été tressés, puis relevés en chignon. Pourquoi pas, s’était-t-elle dit en se regardant dans le miroir, alors qu’un sourire impatient se dessinait sur ses lèvres. Depuis le temps qu’elle avait envie de participer à la soirée de fin d’année !

Maeva et Lisa – une fois prêtes – étaient descendues discrètement dans la salle commune, et puis en étaient sorties afin de rejoindre le cagibi gardé par le tableau de Goffric le joyeux luron, comme cela était indiqué par l’invitation. Elles étaient un peu en avance, mais ne tardèrent pas à être rejointes par les autres membres de leur maison. A minuit moins le quart, le petit groupe s’était mit en route ? Pourquoi ça ? s’était demandé Maeva, en regardant autour d’elle, tentant de deviner où ils se rendaient. Un grand sourire était apparu sur ses lèvres en se rendant compte qu’ils sortaient de Poudlard pour se diriger vers la forêt interdite. Elle glissa un léger regard vers Noah, avant de reporter son attention sur Lisa, qui bavassait à côté d’elle.

« Mais c’est pas dangereux la forêt interdite ? » chuchota-t-elle.
« Peureuse ! » la taquina Maeva. « Mais non c’est pas dangereux. Puis tu as vu le nombre qu’on est ? »

Comme s’il pouvait leur arriver quelque chose ! Quelle idée, franchement. Leur petit groupe arriva alors au lieu de la soirée, et les yeux de Maeva s’agrandir sur la surprise. C’était réellement magnifique, si bien qu’elle avait l’impression d’être à des kilomètres du château. Les décors étaient presque irréels, songea-t-elle avec un sourire, alors qu’à côté d’elle, Lisa poussait une exclamation réjouit.

« Tiens, salut Noah ! » lança Maeva lorsqu’elle l’aperçu. « Ca va ? » lui demanda-t-elle en observant sa broche. Dommage, ce n’était la même que la sienne. Elle jeta un coup d’œil par-dessus l’épaule de son ami pour repérer la personne qui porterait également l’éclair de zeus, avant de reporter son attention sur Noah et de lui offrir un sourire. [/color]

 Sam s’apprêtait à se servir dans la fontaine de Biéraubeurre quand une jolie déesse de l’amour vint se planter devant eux. Elle ne s’attendait tellement pas à un compliment qu’elle faillit en rougir, et songea qu’elle était peut-être un peu trop sur la défensive, ces derniers temps..
 
« Merci, le tien est très joli aussi ! »
 
Samantha adressa un sourire à Nelly, agréablement surprise par sa camarade qui était venue lui parler et qui ne semblait pourtant pas avoir le même badge qu’elle. Comme quoi tous les élèves de Poudlard n’avaient pas le cerveau atrophié comme Marlene…  Elle s’apprêtait à saisir la coupe que Nelly lui tendait quand Dave s’en empara avant de protester, badge à l’appui, qu’il était la moitié de Samantha pour la soirée. Secouée par un petit rire joyeux, Sam adressa un regard d’excuse à Nelly.
 
« Désolée Nelly, j’ai hérité du dieu des barbus comme compagnon de soirée ! »
 
La jeune fille était en réalité ravie de se retrouver avec Dave,  comme en attestait son large sourire. Au moins, elle n’aurait pas à s’inquiéter de la réaction de son compagnon de broche lorsqu’il découvrirait son identité : Dave l’appréciait déjà et ils pourraient passer une très bonne soirée. Il ne restait plus qu’à espérer que Lauren se retrouve avec quelqu’un de sympa et ils pourraient profiter de la fête tranquillement tous les quatre ! Dave semblait en avoir décidé autrement, néanmoins, puisqu’il envoya littéralement Lauren voir ailleurs s’ils y étaient. Sam retint un regard courroucé, peu pressée de voir la jeune femme s’éloigner pour retrouver quelqu’un d’autre,  et approuva d’un hochement de tête les maigres protestations de Lauren. Celle-ci ne sembla néanmoins pas traumatisée par la manœuvre de Dave puisqu’elle s’éloigna sans demander son reste, à la recherche du second détenteur du diadème d’Héra.
 
« Hé bien, en voilà des manières ! Odin me veut pour lui tout seul ? », interrogea-t-elle en plantant ses mains sur ses hanches. « Bon, j’suis contente d’être avec toi, cela dit. Ça sera bien plus sympa ! Petit cachotier qui avait caché ton badge ! Si on se fait piquer la place du premier couple de broche réuni, ce sera ta faute. »
 
Son ton léger démentait ses paroles, alors qu’elle jetait un coup d’œil autour d’eux dans l’espoir de repérer les organisateurs de la soirée. C’était parfois difficile de reconnaître les gens au premier abord,  sous leurs déguisements plus ou moins imaginatifs. Ses deux amis avaient fait un effort d’originalité, il fallait le reconnaître, et Sam trouvait qu’Odin et le Minotaure leur allait particulièrement bien. Une vague de bien-être l’envahit alors qu’elle se disait qu’elle avait vraiment de la chance de les avoir, tous les deux. Certaines personnes avaient besoin d’être très entourées et populaires pour se sentir bien, mais Samantha avait Lauren et Dave et c’était au fond bien suffisant. Elle avait été pendant un temps une adolescente désireuse d’obtenir l’attention des autres et de gagner en visibilité au sein de l’école, mais les épreuves qu’elle avait affrontées l’avaient fait murir. Tout ce qu’elle attendait des autres, désormais, étaient qu’ils ne partent pas en courant en voyant sa cicatrice monstrueuse qu’elle dissimulait toujours de son mieux. Aujourd’hui, une généreuse couche de fond de teint avait dû faire l’affaire…
 
Quittant la fontaine qui commençait à devenir un peu trop fréquentée, Samantha entraîna Dave dans la clairière dans l’optique de trouver Lloyd ou Reynolds. Tout en marchant, elle avisa les cornes reconnaissables de Lauren près du buffet un peu plus loin et décida de cuisiner son ami.
 
« Alors, tu vas me dire pourquoi tu as viré Lauren ? », s’enquit-elle en vrillant un regard inquisiteur sur son camarade, un petit sourire au coin des lèvres. Elle le connaissait suffisamment bien pour savoir quand il avait une idée derrière la tête…

Lauren n'avait jamais vraiment compris ce qu'elle faisait à Serpentard. Elle avait certes un sens aigu de la compétition, détestait perdre, et si elle adorait gagner c'était surtout parce qu'elle adorait entendre les autres reconnaitre qu'elle les avait battu. Oui, elle aimait se sentir un peu supérieure aux autres, parfois. Elle avait de l'ambition, celle de prouver qu'elle pouvait être aussi forte qu'un garçon. Mais elle n'était pas aussi rusée que Dave, elle n'était pas manipulatrice, n'avait rien d'un fin stratège. Elle était impulsive, directe, impatiente. Et elle n'était pas une menteuse. Contrairement à Marlène Barclay qui se révéla d'une hypocrisie révoltante.

La batteuse serra les poings et prit sur elle pour ne pas frapper sa camarade jusqu'à faire disparaitre son air faussement surpris de son visage. Elle avait bien fait de ne pas finir sa bière, l'alcool avait tendance à la rendre un peu violente. Enfin, un peu plus que d'habitude. Mais elle avait l'intention d'avoir une petite conversation avec Marlène, conversation qui serait plus difficile s'il manquait des dents à son interlocutrice, aussi Lauren se contenta de soupirer bruyamment.

- Joue pas à ça Barclay, tu sais très bien que t'as pas envie que je m'énerve. Parce que là elle était parfaitement calme. C'est quoi ton problème ? Pourquoi tu ne parles plus à Samantha ?

Elle avait haussé le ton et on entendait la colère dans sa voix. En écoutant bien on aurait aussi pu y déceler une forme de douleur. Parce que si le comportement de Marlène l'énervait tellement, c'était parce que, d'une certaine façon, il la blessait. Elle avait de la peine pour Samantha et souffrait de voir que son amie aurait toujours à endurer l'ignorance et la peur de gens comme Marlène Barclay. Elle aimait Sam, et s'était promis de tout faire pour qu'elle ne souffre plus, mais elle ne pourrait pas lui épargner tous les maux. Oui, elle pouvait casser un genou à Marlène et lui faire jurer d'être plus polie à l'avenir, mais après ? Il y en aurait d'autres, plein d'autres, contre qui elle ne pourrait rien. Et elle les détestait tout, elle détestait le monde entier, et pour l'heure toute sa colère était concentrée sur la pauvre Marlène.

Au fond elle se fichait bien de ses raisons, aucune ne trouverait justice à ses yeux. Et de toute façon elle savait très exactement pourquoi sa camarade agissait de la sorte. Elle avait peur. Lauren le savait, parce qu'elle avait eu peur aussi, bien que de façon un peu différente. Elle avait eu peur d'avoir perdu Sam, peur qu'elle ait changé, peur qu'elle soit devenue une sorte de monstre. Mais ce n'était pas le cas. Sam était toujours Sam, une fille adorable qui ne ferait pas de mal à une mouche. Que Marlène soit trop aveugle pour le voir rendait Lauren folle de rage. Parce que c'était injuste. Injuste qu'une fille géniale comme Samantha soit victime de l'ignorance et de la bêtise d'une petite idiot comme Barclay. Lauren avait envie de l'attraper par les épaules et de la secouer jusqu'à ce qu'elle se rende compte de sa bêtise. Elle voulait l'entendre s'expliquer à voix haute, pour qu'elle écoute ses arguments bancales et se rende compte de sa bêtise. Et elle voulait l'entendre s'excuser.

La batteuse ne rendit pas son sourire à sa camarade et n'accorda pas un regard au petit-four qu'elle lui tendait, résistant difficilement à l'envie de lui écraser dans la figure.

- Ouai, on dit qu'il avait assez de force pour broyer ses victimes à mains nues. J'aime bien, répondit-elle d'un ton laconique.

En vérité elle n'avait aucune idée de la façon dont le Minotaure pouvait bien tuer ses innocentes victimes -pour une fois elle aurait dû écouter Dave- mais ça devait être assez violent de toute façon. Un espèce de truc mi-homme mi-taureau coincé dans un labyrinthe, ça devait pas être beau à voir. Finalement elle mentait peut-être un peu, parfois. Mais si cela pouvait décider Marlène à lui répondre, ça valait le coup. Et puis un taureau devait avoir assez de force pour pouvoir broyer quelqu'un, donc ce n'était qu'un demi-mensonge.

- Alors ? reprit-elle, agressive, en se rapprochant un peu plus de Marlène, allant jusqu'à lui pousser un peu l'épaule pour la sortir de son mutisme.

C’était la première soirée de fin d’année où Noah était autorisé à aller. Il avait entendu parler, de loin, de ces soirées clandestines, sans que ça ne l’attire particulièrement. Il n’était jamais à l’aise, dans des fêtes qui rassemblaient beaucoup de monde. Quitte à faire la fête, il préférait le faire avec quelques amis proches, avec qui il pourrait être à peu près naturel, pas avec la moitié de l’école qui hurlerait dans ses oreilles jusqu’au matin. Non, vraiment, recevoir la lettre d’invitation ne l’avait pas fait sauter de joie. Le fait qu’il y ait un thème ne lui avait paru que comme une difficulté supplémentaire : il leur faudrait trouver des déguisements, en plus ? Peu d’options s’offraient à lui, Noah n’avait pas de quoi passer pour un dieu grec dans sa valise –ni même dans ses affaires chez ses parents- et il n’avait aucune patience pour les travaux manuels.

Ses arguments étaient tout prêts, bien suffisants à ses yeux pour qu’on le laisse tranquille.  Malheureusement pour lui, jamais ses amis ne s’étaient montrés aussi pénibles pour le traîner de force contre son gré –et pourtant, ils passaient la moitié de leur temps à le traîner contre son gré. Même William s’y était mis ! Noah n’aurait jamais cru qu’il se montrerait aussi enthousiaste pour une simple histoire de déguisements, lui qui était habituellement presque aussi tempéré que lui. Avec Neils, il promit qu’il trouverait de quoi l’habiller.

Jusqu’au soir-même de la fête, ils laissèrent Noah en suspens, si bien qu’il s’était pris à espérer qu’ils n’avaient rien trouvé pour lui –et donc, qu’il avait l’excuse rêvée pour ne pas se rendre à cette soirée- mais c’était sans compter sur les capacités d’improvisation de Neils. Ce fut ainsi que le soir-même de la fête, Noah enfila et découvrit avec surprise sa tenue, pour le moins… inattendue.

« Tu te moques de moi, Neils ?
-Quoi ? Je t’ai trouvé un déguisement, au moins, te plains pas ! Et puis le dieu de la forge et des volcans, c’est pas mal, il est plutôt cool, ce Héfami… Héfosta…
-Héphaïstos, corrigea machinalement Noah, le ton grinçant.
-C’est ça ! Ca en jette, non ? Ok, j’avoue que c’est en partie parce que c’était simple à faire, mais…
-Ah ça, tu peux le dire. C’est pas très compliqué d’entasser des trucs miteux, je ressemble à un clochard, maintenant, merci !
-Mais, ton maquillage est super cool !  » insista Neils, avec un grand sourire.

Noah avisa avec scepticisme les légères traces de charbon qui strillaient sa peau, comme s’il sortait tout juste d’une mine. Son déguisement serait passé comme une lettre à la poste dans une soirée d’Halloween. Il avait quoi, huit mois de retard ? Allez, il suffisait de relativiser.

« C’est ta broche ? poursuivit son camarade, en s’emparant de la réplique d’une sandale d’Hermès, que Noah avait laissé sur sa table de chevet.
-Oui, pourquoi ?
-Rien, rien… Je me disais juste que c’est dommage, Maeva n’a pas la même broche. »

Oh, il n’appréciait pas du tout ce ton innocent. Mais alors, pas du tout. William sentit que c’était le bon moment pour manifester sa présence en pouffant de rire. Noah regarda tour à tour ses deux amis, partagé entre la honte et l’indignation. Il choisit de ne rien en laisser paraître, car il était hors de question de laisser à ces deux traîtres une occasion de plus  de se moquer de lui.

« Et on peut savoir comment tu sais ça ? demanda t-il, en s’efforçant de paraître le plus indifférent possible.
-Lisa m’a dit qu’elle avait un diadème. T’es déçu ? »

Trop difficile de se contenir finalement. Noah lui balança le premier truc qui lui passa sous la main, un de ses livres de cours, pour le faire taire. Ces derniers temps, ses amis prenaient un malin plaisir à le taquiner au sujet de Maeva. Ridicule. Tout ça soi-disant parce qu’il passait beaucoup de temps avec leur amie. Etait-ce sa faute s’il s’entendait bien avec elle ? Noah se hâta de sortir de leur  dortoir, prétextant qu’ils allaient arriver en retard autrement. Il n’avait juste plus envie d’entendre de moqueries, lui qui masquait si mal son embarras, inutile de se ridiculiser davantage.

Mais Noah ne parvint pas à effacer de ses pensées les paroles de ses deux camarades. Il en fut tellement préoccupé pendant le chemin, qu’il ne fit même pas attention aux commentaires surexcités qui se chuchotaient autour de lui. Ils marchaient vers la Forêt Interdite ? Bah, sans doute vers un endroit de la forêt sécurisé pour la soirée. En temps normal, Noah aurait pris ses jambes à son cou. Il ne sortit de sa bulle que lorsqu’ils atterrirent enfin sur le lieu du rendez-vous et que chacun y alla de son petit commentaire, puis que Maeva s’approcha de lui pour le saluer.

« Je vais bien et toi ? répondit-il, au moment où il remarquait la robe et la nouvelle coiffure de son amie. Cette tenue te va bien ! »

Le commentaire et le sourire étaient sincères, mais une pointe de déception le saisit quand il s’aperçut que Neils n’avait pas menti à propos de la broche de Maeva. Il s’efforça de balayer ce sentiment aussitôt, après tout, il n’avait aucune raison d’en être triste, n’est-ce-pas ? Non, ça serait donner raison à ses traîtres d’amis. Ce fut justement le moment où Noah s’aperçut que  William et Neils n’étaient qu’à quelques mètres de lui et lui lançaient de grands sourires goguenards. Noah leur adressa son plus beau regard noir, mais ce ne fut pas suffisant pour masquer sa gêne grandissante. Il n’avait aucune envie d’être la cible des moqueries de ses amis, Maeva à quelques centimètres de lui était bien trop jolie dans cette robe rose pâle et il faisait bien trop chaud dans cet endroit, ce qui n’aidait pas à masquer la rougeur de ses joues, résultat de tous ces effets. Sa réaction à ce trop plein d'émotions soudain fut assez... brutale.

« Je vais faire un tour. Pour… Enfin, y a des gens qui… Je veux dire, je vais chercher mon binôme, ça sera ça de fait ! On… On se voit tout à l’heure ! »

Oui, Noah venait de prendre la fuite avec la plus grande maladresse du monde, mais de toute manière, il avait déjà le dos tourné, il ne pouvait plus voir la réaction de Maeva. Il s’engouffra dans la foule avec l’envie de s’enfoncer sous terre, tant il venait de se ridiculiser. Que disait-il ? Les soirées le rendaient mal à l’aise, il avait prévenu !

Noah marcha un peu au hasard, là où il trouvait de quoi se frayer un chemin, à vrai dire. Vers qui pouvait-il aller, à présent ? Il n’avait aucune idée de comment chercher son partenaire de broche dans un monde pareil. Il aurait pu aller saluer les organisateurs de la soirée… s’ils n’avaient pas été Lloyd et Azénor. Le premier, Noah n’avait jamais pu le sentir. La deuxième, eh bien… il était encore un peu en froid avec elle. Joy était bien l’une des seules membres de sa famille avec qui il ne s’était pas disputé ces derniers temps. C’était peut-être la meilleure option qu’il avait, aller voir Joy. Elle était toujours une présence apaisante, rassurante pour lui. Ils n’avaient pas besoin de beaucoup parler pour se comprendre, un peu de calme lui ferait du bien.

Encore fallait-il la trouver. Lorsque Noah crut reconnaître deux camarades de maison de sa cousine,  il s’approcha aussitôt vers elles, sans s’apercevoir qu’il venait interrompre une conversation tumultueuse.

« Excusez-moi, vous êtes à Serpentard, non ? Vous ne sauriez pas où est Jo… Oh ! »

Un détail sur la robe d’une des jeunes filles accrocha son regard. Il ne pensait pas tomber aussi vite et aussi facilement sur celle qui possédait sa broche jumelle, il se doutait encore moins qu’il s’agirait d’une sixième –septième ?- année.

« T’as une sandale d’Hermès, toi aussi ? »

Les affaires de Grady étaient toutes éparpillées par terre tandis qu'il se battait avec son drap blanc pour essayer d'en faire une toge. Enfin, ce qu'il imaginait être une toge. Il faut dire que depuis qu'il avait reçu l'invitation pour la soirée de fin d'année, il était assez circonspect sur le thème. Pas sur le truc du déguisement, évidemment, parce qu'il adorait les déguisements depuis qu'il était tout gamin et étant donné qu'il n'avait pas vraiment évolué mentalement depuis ses sept ans, il était tout réjoui à l'idée d'une soirée déguisée. Cela devait venir du moment où il avait reçu un costume de Licheur pour Noël, l'année de ses cinq ans. Il avait tellement aimé le costume qu'il avait refusé de l'enlever, même pour se laver et il avait fait courir ses parents dans toute la maison jusqu'au moment où ils l'avaient rattrapé pour qu'il aille enfin au bain. Heureusement, il avait pu le remettre comme pyjama. Bref, quoi qu'il en soit, les soirées déguisées, c'était le truc de Grady.

Les Dieux, un peu moins. Il faut dire que c'était facile quand on s'appelait Josh Bennet de faire divin - déjà ses cheveux semblaient bénis par une nymphe capillaire ou un truc du genre - mais lorsqu'on s'appelait Grady McNeil, c'était déjà plus délicat. Surtout qu'évidemment, il avait eu l'idée pleine d'originalité de se servir d'un drap pour son costume. Étant donné qu'il ne pouvait décemment pas se faire passer pour Apollon ou un autre Dieu cool, Grady s'était penché dans les livres de mythologie pour essayer de trouver quelque chose qui lui correspondrait à peu près. Il avait un temps songé à Éole, le Dieu des vents parce qu'il ne comptait plus les fois où une fille lui en avait mis un mais il avait eu l'esprit de ne pas donner aux autres de quoi se moquer un peu plus de lui. Et puis après tout, il était avec Nora maintenant et sa relation avec la jeune fille lui avait fait beaucoup de bien. Ils étaient ensemble depuis cinq mois et il avait l'impression de valoir un peu plus maintenant. C'était toujours plus facile de s'apprécier quand vous vous plaisez à quelqu'un. Nora, elle, faisait plus que lui plaire mais il n'avait encore jamais trop osé lui dire, de peur de passer pour un idiot.

Finalement, il s'était décidé pour Janus, le Dieu des portes, des choix et des changements parce que cela lui semblait pas mal adapté alors qu'il allait rentrer en septième année, la dernière année qu'il passerait à Poudlard. Et puis il y avait eu beaucoup de changement dans sa vie cette année : Danny avait quitté le dortoir, il était devenu Capitaine de l’Équipe de Bavboules de Poufsouffle, il s'était mis avec Nora... Et puis le type avait deux torses, ce qui était quand même super cool. D'ailleurs, il avait longuement débattu avec James sur l'utilité d'avoir deux torses. Grady voyait clairement le gros avantage - et il était certain que Big Foot serait d'accord avec lui - c'était d'avoir deux estomacs. Le type pouvait manger deux fois plus ! Y'avait pas plus classe comme pouvoir, tous les autres Dieux pouvaient aller se rhabiller.

Enfin, s'il pouvait arriver à s'habiller tout court, déjà, ça serait un progrès. Il avait déniché une paire de tongs qui lui feraient office de sandales divines, avait enfilé un bermuda et un t-shirt blanc et se battait désormais avec son drap pour l'entortiller autour de lui, ce qui lui arrachait de nombreux jurons plus ou moins élégants. Confortablement installé sur la malle de son maitre, Big Foot le regardait avec l'impassibilité caractéristique des félins et Grady avait la nette impression qu'il se fichait de lui.

-  Qu'est-ce t'as ? interrogea-t-il brutalement en laissant tomber son drap par terre. T'veux battre, c'est ça ?

Big Foot lui répondit par un regard torve et Grady poussa un soupir de découragement en ramassant son drap avant de tout simplement le placer sur sa tête, de manière à en être complètement recouvert.

-  Je suis le Dieu du mauvais goût vestimentaire ! lança-t-il sans se découvrir en entendant la porte de la salle de bains grincer.  Je suis l'épouvantard de Victor Lloyd !

Ou le Dieu des vannes pourries, le messager de l'humour gras et l'émissaire sur terre des blagues vaseuses. Au choix. Las, il s'effondra sur son lit avec la grâce d'un calamar géant ivre et retira le drap de sa tête, décoiffant encore un peu plus ses cheveux bruns.

-  Mon costume va être pourrave, lança-t-il à l'adresse de James.  Toutes les filles vont pouvoir se balader en robe, tranquillement, et nous on a des draps. Des draps, répéta-t-il avec emphase pour faire comprendre l'ampleur de la catastrophe. Je vais ressembler à un Elfe de Maison ! Maitre James veut-il l'aide de Grady ? Grady veut aider Maitre James. Grady rappelle aussi à Maitre James de ne pas embrasser de filles lorsqu'il est bourré, Grady pense que cela lui évitera des ennuis pour sa dernière année, singea-t-il, narquois.

Un sourire en coin sur les lèvres, Grady se redressa sur ses coudes, amusé.

-  Et encore, là, c'était Guipure. Mais imagine que ce soit McGowan. Ou Pilli. Ou Harper. Une des filles de la Harpies-Trinity, quoi.

James n'aurait plus qu'à s'enterrer sous le sol Cogneur pour se protéger des furies qui lui courraient après. Heureusement, Grady était certain de ne pas avoir de problèmes cette année. Certes, à la Soirée Couleurs, il avait failli se prendre un coup de poing d'Anton Smith pour avoir failli embrasser Beth Mason mais cette année, il n'embrasserait pas d'autres filles que Nora. Il aurait aimé pouvoir passer toute la soirée avec sa petite-amie, mais le système des badges était bien problématique. Évidemment, il adorait rencontrer du monde mais là, il aurait bien juste profité de la soirée avec ses amis. Tant pis ! Il trouverait bien un moment pour eux !

Ce fut donc un Grady et un James sublimés par leurs draps qui sortirent de leur dortoir, le coton seyant mettant particulièrement en valeur le fait qu'ils avaient l'air absolument idiots ainsi vêtus. Heureusement, ils n'étaient pas les seuls à avoir eu cette idée et la Salle Commune de Poufsouffle était remplie de Dieux de la literie. Repérant sa petite-amie dans la foule, Grady s'approcha d'elle par derrière et glissa un bras autour de sa taille avant de déposer un baiser sur sa joue. Il noua ses doigts aux siens et la fit tourner pour l'admirer, un sourire aux lèvres.

-  T'es trop belle ! lança-t-il, admiratif.

Il lui vola un baiser avant de saluer les amies de Nora, tandis que le petit groupe de Poufsouffle se mettait en route pour rejoindre le point de rendez-vous. Ce ne fut qu'une fois que le passeur se mit en route que Grady réalisa qu'il n'avait pas accroché son badge à son drap. Attrapant la petite lyre d'Apollon qui trainait dans la poche de son bermuda, il la fixa de manière approximative au niveau du cœur avant de poursuivre sa route, sa mauvaise humeur du déguisement toute envolée tandis que les Poufsouffle faisaient route vers le parc. Il avait toujours aimé les fêtes de fin d'année, ne serait-ce que pour le bon moment qu'il pouvait passer avec ses amis. Il y avait toujours une bonne ambiance et puis plein de bonnes choses à manger et de la musique. Que demander de plus ?  

Cachant de manière approximative le fait qu'il était peu rassuré à l'idée de se balader ainsi dans la Forêt Interdite en pleine nuit - "Haha, c'est marrant ce bruit, on aurait dit un grognement de bête sauvage prêt à nous déchiqueter la trachée, non ? Non ?" - il oublia toutes ses réticences en entrant dans la clairière illuminée. Il repéra immédiatement le buffet et la boisson - ce fut plus fort que lui - et releva la tête lorsqu'il sentit quelque chose lui tomber dans les cheveux.

-  Je crois que cet ange vient de me faire un clin d’œil aguicheur, déclara-t-il très sérieusement à l'adresse de Nora.

Détournant les yeux de l'ange dragueur, il passa ses bras autour de la taille de Nora pour lui faire un câlin, déposant un baiser sur le haut de son crâne.

- Je crois que j'ai pas très envie de retrouver mon binôme de broche... Tu sais avec qui t'es, toi ?

Clara était à peine arrivée près de Victor qu'elle fut abordé par Steven Harrisson. Bien qu'ils soient de la même année, elle ne le connaissait pas à outre mesure: Poufsouffle était la seule maison dans laquelle elle n'avait pas d'amis de cinquième année, James étant plus vieux d'un an. Mais son petit doigt lui disait que cela allait bientôt changer: le jeune homme lui présentait une réplique de sa propre broche.

"Eh, mais oui!" s'exclama-t-elle avec un sourire ravi en constatant qu'il avait l'oeil. Elle l'attrapa pour le rapprocher de Victor. "Eh, Victor! J'ai trouvé mon partenaire! Dis-moi qu'on est les premiers, et qu'on a gagné…"

Mais gagné quoi au juste? Oh, peu importait tant qu'elle n'avait pas la réponse. Elle dominait Steven d'une bonne tête - heureusement qu'elle n'avait pas mis de talons. Clara se demanda également ce que signifiait vraiment le texte sur l'invitation: devoir passer le reste de la soirée ensemble. Elle n'y avait elle-même pas d'objection, puisqu'elle n'avait rien contre Steven. Mais si deux personnes brochées ne pouvaient pas se voir? Après tout, qui avait envie de passer la soirée avec Lauren McGowan, par exemple? Et devrait-elle suivre Steven s'il voulait voir ses amis, au risque de ne pas voir Amely et Emma de la soirée? Ou vice-versa? Après coup, cette idée de partenaire était bien contraignante. Bah, ce n'était pas comme s'ils se retrouvaient obligés de restés collés ensemble, contrairement à la saint-valentin 2006, dont elle se souvenait encore…

"Hum, en quoi es-tu déguisé" demanda-t-elle au Poufsouffle sans s'éloigner de Victor et d'Emma. "je ne m'y connais pas trop en dieux grecs moldus, comme tu peux le voir…"

James avait attendu la soirée de fin d’année avec impatience. L’année dernière, il avait eu la chance de pouvoir l’organiser, mais cette année, il était comme tous les autres : condamné à attendre les renseignements jusqu’à la dernière minute. Il avait d’ailleurs émit quelques suppositions avec Grady, mais ne s’était jamais attendu à ce thème. Les dieux et les déesses. Pourquoi pas, après tout, s’était dit James, qui s’y connaissait un peu en mythologie moldue. Bon, seulement un peu, mais c’était déjà mieux que rien ! Par exemple, il savait qu’Héra – dont le diadème était représenté sur sa broche – était la déesse des femmes et du mariage – une sorte de déesse de l’agence matrimoniale. James, lui, n’avait pas choisi un dieu en particulier – tout simplement parce que son déguisement ne reflétait pas la personnalité d’un dieu. En même temps, il ne se promenait pas avec la panoplie d’un dieu dans sa malle, loin de là. Avec Grady, ils avaient donc décidé d’user des moyens du bord – à savoir les draps.

Mais, se disait James, l’avantage d’être sorcier, c’était que la magie pouvait tout transformer. Il ne suffisait que de connaître le bon sort ! Et il n’était pas bien difficile de donner à un drap une apparence plus lisse, une couleur dorée à des chaussures, et de métamorphoser un chapeau en une couronne de lauriers ! James s’était donc habillé, et contemplait son reflet dans le miroir – avec un air toutefois un peu sceptique. Bon, cela n’était pas aussi bien que son imagination, mais cette tenue ferait amplement l’affaire pour cette soirée ! Le jeune homme poussa la porte de la salle de bain pour entrer dans le dortoir et découvrit Grady recouvert d’un drap. Il ne pu retenir un ricanement devant ce spectacle et rit plus franchement à l’entente des paroles de son meilleur ami, avant de lui lancer la première chose qui lui tombait sous la main lorsqu’il fit une référence à Clara.

« Oh la ferme, ça va… » grommela-t-il, un sourire amusé toutefois sur le visage. Ce n’était pas que la situation avec Clara était amusante, loin de là ! Il était plus amusé de sa propre bêtise qu’autre chose. Mais on l’y reprendrait plus, il se l’était juré de nombreuses fois ! Il n’avait aucune envie de reperdre la mémoire à cause de l’alcool : la prochaine fois qu’il embrassait Clara, il voulait s’en souvenir… James secoua rapidement pour chasser cette pensée – ils s’étaient réconciliés seulement depuis quelques temps avec Clara, l’heure n’était pas à penser ce genre de choses !

« Ouais, c’est vrai. » approuva James lorsque Grady évoqua Lauren, Pilli et Cassandre. « Enfin, Clara est quand même sortie avec Lloyd une bonne partie de l’année, si ça se trouve elle se fichait complètement du fait qu’on se soit embrassés… Non ? Bref. On y va ? » proposa James, peu désireux de s’étendre sur le sujet plus longtemps.

James et Grady sortirent donc de leur dortoir, vêtus de draps qui leur donnaient une allure tout autre que celle d’un dieu. Tant pis, songea James en promenant son regard sur ses camarades qui avaient eu la même idée que lui, de toute façon, ils étaient là pour s’amuser, pas pour un défilé de mode (et heureusement). Le petit groupe de Poufsouffle prit donc le chemin de l’endroit où ils avaient rendez-vous avec leur « passeur », tentant de faire le moins de bruit possible pour ne pas attirer les professeurs. James posa son regard sur Grady et Nora, qui marchaient devant lui, et ne pu retenir un sourire. Il était réellement heureuse ses deux camarades se soient trouvés – et puis, ils allaient vachement bien ensemble, tout de même !

« Mais où on va ? » chuchota une fille à la droite de James, qui lui répondit d’un haussement d’épaule, se contentant de suivre leur passeur.

Les Poufsouffle faisaient en effet route vers le Parc, et ne tardèrent pas à sortir du château. James fronça légèrement les sourcils lorsqu’ils continuèrent tout droit en direction de la forêt interdite. Ce n’était pas qu’il était spécialement contre une expédition dans la forêt interdite, mais n’était-ce pas un peu téméraire d’y aller pour organiser la soirée de fin d’année ? Le jeune homme changea bien vite d’avis en entrant dans la clairière joliment décorée, et émit un sifflement appréciateur devant le travail fourni par les organisateurs.

Les élèves commençaient à arriver en masse, et bientôt la clairière fut remplie des élèves de la quatrième à la septième année. James allait s’adresser à Grady quand il aperçu que ce dernier était déjà occupé avec Nora, et s’éloigna d’eux, cherchant ses amis dans la foule. Il parla quelques instants avec William, un Serdaigle de son année, et repéra Clara, en pleine discussion avec Steven Harrisson, qui avait visiblement le même badge que sa meilleure amie. Il s’approcha d’eux et effleura l’épaule de la Serpentard avant de se pencher à son oreille.

« On se retrouve plus tard, si tu veux ? » souffla-t-il « Je vais aller essayer de trouver la personne qui a la même broche que moi, mais on pourrait passer le reste de la soirée ensemble, si ça te dit ? Et avec Amy si on la trouve ! »

Il se redressa et lui adressa un sourire, avant de saluer Steven et Emma , et ne s’attarda pas trop longtemps à côté des deux vainqueurs du jeu. Il devait lui aussi trouver la personne qui possédait un diadème d’Héra ! Il se balada donc dans la foule, observant les broches de chacun, lorsque son attention fut attirée par des éclats de voix. Il tourna la tête et aperçu alors Lauren McGowan face à Marlene Barclay, la première n’ayant pas l’air ravie – ce qui était, comme tout le monde le savait, légèrement dangereux chez McGowan.  Il s’approcha légèrement, assez pour voir que Lauren était celle qui possédait le double de son badge. Y aller ? Faire semblant de ne rien avoir vu ? Ranger son badge dans sa poche et prétendre l’avoir perdu ? Le choix fut vite fait, et il se dirigea vers les deux Serpentard, en même temps qu’un jeune Gryffondor dont il ne connaissait pas le nom, mais qui semblait avoir lui aussi trouvé sa partenaire en la personne de Marlene.

« Et je crois que tu as le deuxième diadème d’Héra ! » lança-t-il à l’égard de Lauren. Au moins, il la connaissait, elle était dans son année. « Bonsoir au fait ! » s’exclama-t-il avec un sourire.

Lauren McGowan était sûrement une personne très gentille lorsqu’on la connaissait !

« Pilliwickle ! s'égosilla Amely. Ose encore une fois poser tes pieds dégoutants sur mon lit et je te... » Elle ne trouva pas de châtiment corporel assez fort pour terminer sa sentence, inutile de toute façon puisque l'accusée avait déjà quitté la pièce.

La jeune fille était capable de tolérance mais sa patience avait des limites, surtout lorsque son espace personnel était concerné. Parmi l'ensemble des êtres humains, des créatures magiques et des infâmes rats de compagnie, personne n'était autorisé à toucher le lit d'Amely Anderson. Pilli l'avait fait exprès pour la contrarier, elle en était sûre. Fulminante, elle agita vivement sa main devant son nez froncé, faute au joint récemment allumé. Si cette odeur n'émanait pas d'un vulgaire pétard, Amely l'aurait trouvée bonne.

« Je n'arrive pas à croire qu'elle a fumé de la Mandragore dans mon dortoir », s'offusqua-t-elle.

Sur ce, elle s'empara d'un serre-tête formé d'une fine natte et se l'enfonça sur le crâne. Ainsi, son costume était complet ! Quand elle avait découvert le thème de la soirée, elle avait fait quelques recherches mythologiques fort enrichissantes, pourtant peu emballée par l'idée de se travestir en déesse antique. Elle avait finalement décidé de représenter Polymathée, muse de la connaissance ; ce n'était pas une déesse à proprement parler mais une forme de divinité, et puis personne n'irait lui chercher des noises là-dessus. D'autant plus que ce choix présentait un avantage de taille : nul besoin de confectionner une tenue élaborée, il lui avait suffi de s'enrouler dans un large tissu blanc envoyé par les bons soins de sa mère (hors de question qu'Amely utilise son drap de lit), d'attacher ce semblant de robe à la taille par une ceinture de cuir, et l'affaire était réglée.

Amely attrapa le manuel qu'un troisième année lui avait prêté, Aide à l'étude des runes, bien décidée à l'emmener avec elle en partie intégrante de son déguisement. Elle n'avait pas pris l'option runes anciennes en troisième année – son parcours scolaire était fait de sacrifices – mais elle comptait bien satisfaire son intérêt pour la matière en dehors des cours. Si la soirée traînait en longueur, elle aurait tout le loisir de s'entraîner. Après tout, on ne pourrait pas lui reprocher d'exercer la très haute activité de sa très divine fonction. Soulevant le bas de sa robe pour éviter de marcher dessus (sa mère avait encore surestimé ses mensurations), Amely sortit du dortoir d'un pas énergique. Elle atteignit rapidement la tapisserie des faunes dansants, point de rendez-vous des élèves de Serdaigle. Cette organisation n'était pas trop à son goût, elle qui n'avait pas beaucoup de connaissances au sein de sa maison...

« Il y a deux ans, c'était la soirée où s'habiller le moins possible, l'année dernière, la soirée où s'habiller le plus possible, et maintenant la soirée où s'habiller le plus ridiculement possible ! »

...si ce n'était Violet, vêtue en Némésis, toujours fidèle au poste. Elle examina Amely de la tête aux pieds avant de commenter :

« Nul.
- M'en fiche », répondit Amely, n'ayant pas d'autre alternative que de s'adosser au mur à côté de sa camarade de dortoir. Elle se ravisa bien vite pour ne pas se salir – elle avait appris à ses dépends que les couloirs de ce vieux château n'étaient absolument pas fiables niveau salubrité.

Après une attente qui lui parut interminable, le signal du départ fut enfin donné. Ils descendirent de la Tour de Serdaigle et, à la suite du guide, traversèrent l'école d'étage en étage. Peu habituée à faire le mur, Amely manqua de pousser un petit cri toutes les deux minutes, s'attendant à voir un adulte surgir à chaque coin de corridor. Elle serait peut-être destituée de sa fonction de Préfète si elle se faisait surprendre hors de son dortoir après le couvre-feu. Le corps enseignant ne lui ferait plus jamais confiance et la classerait après cela parmi les élèves indisciplinés. Elle ne pourrait pas effacer cette abomination de son dossier et serait recalée au concours de médicomagie ! Quelle horreur ! À vrai dire, elle craignait tant de se faire prendre que l'idée d'un professeur Harris en chemise de nuit tombant sur une troupe de Serdaigle en toges ne la fit même pas rire. Elle tentait tant bien que mal de deviner où ils se rendaient en fonction de leur itinéraire, mais sa voisine la déconcentrait.

« Hé Amely, hé, regarde ! »

L'interpellée enjoignit Violet à interrompre ses coups de coudes répétitifs si les abdos de Josh Bennet étaient tout ce qu'elle avait à lui montrer. En effet, elle avait une toute autre préoccupation : laissant Poudlard derrière eux, ils entamaient la traversée du parc. La fête n'aurait manifestement pas lieu à l'intérieur du château et ça ne lui plaisait pas du tout. D'autant plus qu'ils se dirigeaient tout droit vers le bois sombre et inquiétant...

« Holà, qu'est-ce qu'on fait ? protesta-t-elle, une ride d'anxiété lui barrant le front.
- On entre dans forêt interdite, pourquoi ?
- Tu te rends compte à quel point ta phrase est contradictoire ? Si la forêt porte ce nom, c'est parce qu'il est interdit d'y entrer par définition.
- Tu vas à une soirée de fin d'année illégale. Il y aura probablement de l'alcool et de la Mandragore, ça se terminera sans doute à une heure avancée de la matinée. Je pense qu'il est un peu tard pour faire ta difficile sur l'emplacement choisi par les organisateurs...
- Reynolds, ta cousine a vraiment des idées tor... attends, de la Mandragore ? »

Amely leva les yeux au ciel. Quelle bande de débauchés... Si ça ne tenait qu'à elle, elle ne serait pas venue ! Elle était simplement là pour ses amis, et pour avoir un peu de bon temps avant les résultats des BUSEs. Pas qu'elle ne doutât de leur excellence, bien entendu ; son Philtre de Paix avait la couleur adéquate, elle s'était surpassée en Histoire de la Magie sur les révoltes des gobelins et elle était même parvenue, en épreuve de Botanique, à récolter le pus cet infâme Bubobulb sans hurler lorsqu'il était entré en contact avec sa peau. En revanche, sa réussite en Divination était beaucoup moins assurée : elle avait eu du mal à trancher sur ce qu'elle discernait dans la boule de cristal, un hippogriffe ou un plumeau ? Encore une question qui resterait sans réponse...

« Lumos », marmonna Amely quand l'obscurité fut presque complète.

Pas qu'elle eût peur du noir, mais elle détestait marcher à l'aveugle. Elle ne souhaitait pas se prendre une branche dans la figure, ni ignorer l'origine de ces bruits étranges qui l'entouraient. Voilà pourquoi elle allait délibérément ignorer l'ordre de ranger sa baguette qu'elle venait de recevoir de la part d'un membre du convoi. En réalité, tous les dangers et bêtes féroces tapies dans les fourrés l'alarmaient moins que le simple fait de se trouver en ce moment même dans la forêt interdite, alors qu'elle avait la stricte interdiction de ne pas s'y rendre.

« Oouuuuu... »

Quoique, ce cri restait assez effrayant. Comprenant que l'un de ses camarades s'était joué d'eux, Amely râla un peu avec les autres. Elle continua d'avancer jusqu'au moment où l'ensemble du groupe s'arrêta. Quelqu'un avait fait tomber sa baguette ! La même personne qui lui avait demandé d'éteindre son Lumos en accusa une autre d'avoir marché dessus, puis ils se remirent en marche. Le craquement de leurs pas sur les brindilles reprit à l'instant même où Amely sentait à son tour quelque chose craquer sous son pied. Elle se baissa pour ramasser deux morceaux de bois d'où pendaient misérablement une plume de phénix.

« Eh, en fait c'est moi qui ait... s'exclama-t-elle dans un élan de franchise, aussitôt coupée par Violet :
- Tais-toi, idiote ! »

Mais déjà l'entrée de la clairière aménagée était visible, et les premiers arrivants écartaient les grands draps blancs brodés d'or pour mieux passer. C'était comme pénétrer dans une autre dimension : les lumières coupaient l'espace du reste de la forêt, l'écoulement continu de la fontaine de Bièraubeurre semblait chasser les bruits angoissants. Amely s'écarta généreusement des bouteilles de Whisky-Pur-Feu et jeta un regard peu amène à Pilli, à qui Lloyd indiquait où poser sa marchandise. La clairière se remplissait rapidement. Elle localisa la chevelure rousse d'Emma et accourut à sa rencontre, constatant que l'un des organisateurs de la soirée était lui aussi dans les parages.

« Salut Victor ! Bravo pour l'originalité et pour l'organisation, vous avez fait du super boulot ! »

Elle le pensait vraiment ; elle n'aurait jamais trouvé seule une idée de thème pareille. Se glissant ensuite derrière Emma, elle se pencha par dessus son épaule pour lui claquer un bisou sur la joue. Dave Marchebank dans son champ de vision, elle lui chuchota ces mots à l'oreille :

« J'en connais une qui va faire tourner les têtes ce soir... »

Car Amely avait beau ne jamais rien remarquer, certaines choses crevaient tant les yeux qu'elle aurait été complètement aveugle de ne pas finir par s'en rendre compte. Deux pas à côté, Clara conversait avec Steven Harrisson, que la Préfète connaissait pour avoir déjà fait une ou deux rondes avec lui. Elle se permit de les interrompre quelques secondes pour s'adresser à son amie :

« Bon, puisque tout le monde est parti chercher son partenaire de broche, je crois que je vais faire pareil. Mais on se retrouve tout à l'heure ! »

Elle s'éloigna entre les dieux et autres déesses, déterminée à revenir le plus vite possible. Mais trouver une petite broche semblable à la sienne parmi tout ce monde n'était pas mince affaire, surtout qu'elle n'avait pas l'œil. Elle tomba sur James qui tentait une approche en douceur du bouledogue ; Amely murmura un « Bon courage » en passant à côté de lui, se mordant la lèvre pour ne pas exploser de rire. De l'ensemble des invités, il avait fallu que le gentil Poufsouffle tombe sur McGowan en personne – elle s'estima donc heureuse de reconnaître l'exacte réplique de sa broche sur la robe rose pâle d'une petite quatrième année.

« Salut, l'aborda Amely. Tu es Maeva ? Moi c'est Amely, et je crois qu'on a la même broche... »

Elle désigna le petit éclair de Zeus accroché sur son propre drap.

« Le symbole du plus puissant des dieux, on a la classe ! »

Le courage n'avait jamais été la qualité première de Marlene et le fait qu'elle ait un jour possédé cette capacité était d'ailleurs discutable. Mais face à Lauren, elle était littéralement terrifiée et le manque de sa baguette magique se faisait sentir. Pas qu'elle soit une sorcière redoutable, loin de là, mais au moins, elle aurait eu de quoi riposter quelque peu face à une Lauren McGowan furieuse. Elle détestait se sentir ainsi acculée et dans une situation aussi précaire : à moins d'écraser un petit-four sur le nez de McGowan, elle ne voyait pas vraiment comment faire diversion. De toute manière, il était absolument hors de question qu'elle avoue que oui, elle avait un problème avec la présence de Samantha dans le dortoir. Cela reviendrait à tendre la perche ultime aux poings serrés de Lauren et Marlene s'y refusait. Après tout, elles allaient encore passer une année entière dans la même chambre et la jeune fille comptait bien pouvoir y dormir tranquillement. Après tout, c'était aussi son dortoir et elle refusait de subir la tyrannie de cette brute de McGowan !

- Je parle à Samantha ! fit mine de s'offusquer Marlene, fronçant ses sourcils épais en signe d'incompréhension. J'ai été moins présente au dortoir à cause des examens de fin d'année, mais je ne vois pas en quoi c'est une raison pour venir m'agresser comme ça ! lança-t-elle, sa voix montant dans les aigus sur la fin.

Elle avait en effet beaucoup travaillé pour espérer décrocher de bonnes notes à ses examens de fin d'année mais il y avait aussi le fait qu'elle ne voulait pas se retrouver enfermée avec un loup-garou. Et McGowan, mais ça, ça ne datait pas d'hier. Elle ne voyait pas en quoi on pouvait la blâmer, d'ailleurs. Ce n'était pas elle qui pouvait déchiqueter des humains avec ses dents ! Alors oui, les biens-pensants disaient qu'avec de la Potion Tue-Loup, tout se passait bien mais il était clair qu'elle n'était pas tout le temps efficace ! Et puis les loups-garous étaient des créatures féroces et sauvages qui pouvaient très bien réussir à sortir des endroits où ils étaient enfermés, il était naïf de prétendre le contraire. Elle était quelqu'un de prudent, voilà tout, et elle ne se mettrait pas en danger pour les beaux yeux de l'hypocrisie latente envers les créatures dangereuses. Alors oui, elle avait apprécié Samantha qui était une gentille fille. Mais les gens changeaient et le fait de se transformer en monstre sanguinaire tous les mois était une raison suffisante aux yeux de Marlene pour justifier son éloignement. Évidemment que McGowan n'avait plus peur, même Samantha-loup-garou devait se tenir à distance.

Et puis de toute manière, où était le problème ? Sam et elle n'avaient été que bonnes camarades, ce n'est pas comme si elles étaient d'anciennes amies ! Marlene n'avait d'ailleurs pas d'amis du tout alors elle ne voyait vraiment pas pourquoi on en faisait tout un plat. Ce n'est pas comme si elle manquait à Sam ou une autre bêtise du genre. Et si cette dernière avait un problème, elle était d'ailleurs libre de lui en parler plutôt que d'envoyer son chien de garde. Quelle hypocrite cette fille ! songea Marlene avec colère. Pas étonnant que Whitaker l'ait plaquée pour Weaver, elle au moins, elle est honnête ! Elle détestait se faire acculer comme cela, surtout qu'elle avait vraiment peur de McGowan - elle savait très bien qu'elle pourrait lui en mettre une si elle le voulait - et personne ne semblait vouloir intervenir. Prise au piège, Marlene hésitait entre la colère et l'affolement et elle sentait clairement son pouls accélérer. Le comble fut quand Lauren la poussa légèrement, la faisant reculer contre la table qui supportait les petits-fours.

- Je t'interdis de me pousser ! lança-t-elle en tentant de maitriser le tremblement de sa voix. J'ai rien fait !

Mais elle savait que si elle voulait que McGowan la laisse tranquille, il lui faudrait présenter des excuses pour son comportement qu'elle estimait tout à fait normal. C'était révoltant ! Que faisait l'école, contre ce genre de comportements ? Lauren n'en n'était pas à sa première menace, voilà longtemps qu'elle aurait dû être dehors ! Sans parler de Samantha qui continuait de partager les chambres d'autres élèves ! Marlene était persuadée que cela ne serait pas arrivé sous une autre direction, les profs devenaient laxistes. Et si elle avait estimé Margot Adamson en directrice de maison, elle faisait une directrice d'école pitoyable ! Sans parler de Mason qui ne faisait jamais rien pour sévir. Il fallait vraiment que quelqu'un reprenne en main Poudlard !

Heureusement, quelqu'un sembla entendre ses prières puisque la délivrance de Marlene s'incarna en l'intrusion d'un gamin de Gryffondor qu'elle avait déjà croisé dans les couloirs et qui se retrouvait être son partenaire de broche. Son soulagement fut visible sur son visage au moment où elle posait une main sur l'épaule du garçon, l'attirant presque comme un bouclier entre elle et McGowan. Ce fut également ce moment que choisit James Carter pour venir accoster Lauren, son binôme pour la soirée. Elle n'avait jamais été aussi heureuse de le voir et pour une fois, elle le plaignait sincèrement. Adressant un sourire aux deux garçons - même Carter - elle releva les yeux vers Lauren.

- Je suis sincèrement désolée si j'ai vexé Sam, mais honnêtement, elle est parano, je n'ai rien contre elle. Il faudrait qu'elle se remette en question, tout le monde n'en n'a pas après elle, expliqua Marlene, un air désolé sur le visage. Mais je peux comprendre et je ne lui en veux pas, ajouta-t-elle avec un sourire.

Et sans attendre la réponse de Lauren, qui allait sûrement s'étouffer devant tant d'hypocrisie, elle entraina le Gryffondor le plus loin possible de sa camarade de dortoir, cherchant ainsi à se noyer dans la foule pour que McGowan ne la retrouve pas. Avec un peu de chance, Carter allait la noyer sous les bonnes ondes et elle se sentirait mieux.

- Je m'appelle Marlene, lança-t-elle une fois qu'ils furent assez loin. Et merci d'être arrivé à ce moment là, je te dois une fière chandelle ! McGowan est vraiment folle, souffla-t-elle en levant les yeux au ciel. Comment tu t'appelles ? T'es à Gryffondor, c'est ça ?

Ce n'était pas le garçon de ses rêves, il est vrai. Mais elle était tellement soulagée d'être enfin libérée des menaces de McGowan que même Donald McWilde aurait pu être l'homme de sa soirée.  

Dave Marchebank

Dave fut satisfait de voir que son plan fonctionnait. Il suivit Lauren des yeux le temps qu’elle s’éloigne, non sans lui lancer :

« Sans rancune, Lauren ! »

Mais le Gobelin connaissait bien la batteuse, il savait que si elle avait vraiment voulu rester, elle l’aurait fait. Elle devait avoir quelque chose en tête… Ce n’était pas le moment d’y penser, pour le moment, décida t-il. Il devait d’abord s’occuper de Samantha. Il se tourna d’ailleurs vers elle lorsqu’elle l’apostropha avec un mécontentement feint qui le fit ricaner.

« Elle exagère, je ne l’ai pas virée. Je lui offre simplement l’occasion de se sociabiliser, nuance. »  Heureusement pour lui, Samantha se ravisa et lui avoua être contente d’être tombée sur lui. Il l’était aussi, cela rendait les choses plus simples, lui qui avait eu peur de tomber sur un boulet. « Dépêchons-nous d’aller voir Lloyd alors, je ne voudrais pas subir ta colère ! »

Ils se mirent tout deux en chemin, tandis que Dave lançait quelques coups d’œil discrets à son amie. Quelque chose avait changé chez elle, et ce n’était pas seulement le fruit de son déguisement. Sa transformation l’avait affectée, bien sûr, il ne pouvait pas attendre d’elle qu’elle soit la même Samantha qu’il connaissait depuis six ans, pas après tout ce à quoi elle avait du faire face. C’était une fille assez courageuse pour défier les Nimbus de Pompadour et dénoncer leur lâcheté, assez forte pour s’impliquer dans le combat des ouvriers de Nimbus, et c’était sur cette fille que le destin s’acharnait, encore un exemple où la vie laissait voir tout son cynisme.

Qu’à cela ne tienne, ils n’étaient pas à Serpentard pour rien, ils tenaient l’entraide pour principe. Leur solide amitié leur avait permis de s’épauler et se confronter aux épreuves, à trois. C’était leur règle tacite, ils avaient toujours formé un trio. Pourtant, ces derniers temps, il avait la sensation que Samantha se reposait beaucoup plus sur Lauren, sans réellement pouvoir l’expliquer. C’était peut-être dans les regards qu’elle lui lançait sans arrêt, comme pour se rassurer de sa présence, comme celui qu’elle venait de jeter en direction des cornes de Minotaure qui dépassaient de la foule. Non que cette situation le chagrinait, c’était surtout… intriguant.

« Tu n’arrives pas à la quitter des yeux, dis-moi. »

Dave avait volontairement éludé sa question, il n’allait de toute manière pas tarder à entrer dans le vif du sujet. Il gratta sa barbe d’un air pensif –c’était bien pour faire ce genre de geste dramatique qu’il s’était autorisé cet accessoire !- avant de reprendre :

« J’étais en train de me dire que d’habitude, c’est Lauren qui te couve littéralement du regard. Je t’assure, on dirait une maman qui surveille son poussin. Enfin, en l’occurrence, ça serait plutôt un dragon et ses œufs, ou un Cerbère et ses portes de l’enfer – il avait vraiment essayé de convaincre Lauren de se déguiser en Cerbère, pourtant- mais peu importe. »

Dave s’en sortait toujours par l’humour, c’était sa meilleure arme, sa meilleure répartie. Un humour souvent grinçant et cynique, parfois adouci pour ses amis. Un humour qui lui servait parfois d’entrée en matière pour des sujets plus sérieux, comme maintenant. Il n’était pas aveugle, il n’aimait pas non plus qu’on le prenne pour un idiot.

« Ca fait six ans qu’on se connaît Sam, je sais le déceler quand quelque chose a changé. »

Il bluffait à moitié, il n’avait rien de plus que des soupçons. Il espérait juste que Samantha se montrerait assez déstabilisée pour qu’il puisse en tirer quelque chose, ou mieux, qu’elle avouerait tout de suite. Car puisqu’il fallait parler de regards, il trouvait que ceux que se distribuaient ses deux amies ces derniers temps étaient étonnamment –et le mot était faible quand on parlait de Lauren- tendres.

Dix minutes avant le début de la soirée de fin d'année, Nora était toujours allongée sur son lit, dans ses vêtements de la journée, pas vraiment décidée à participer à la fête. Elle n'avait pas vraiment le cœur à s'amuser ce soir. Les évènements du week-end dernier étaient encore trop présents dans son esprit. Ni la douleur ni la culpabilité n'avaient disparu et elle se réveillait encore la nuit en nage, persuadée d'être noyée sous une foule incontrôlable, piétinant des cadavres qui avaient tous le même visage. Elle dormait peu, et avait lamentablement raté tous ses examens de fin d'année. Dans d'autres circonstances, elle s'en serait inquiétée, mais ses notes avaient récemment perdu toute importance à ses yeux. Elle avait passé la semaine à regarder ses manuels sans les voir et à échouer à chacun de ses examens, les uns après les autres, sans manifester la moindre réaction.

Elle avait du mal à croire qu'une semaine plus tôt elle préparait son costume avec Jane et Artémis. La préfète avait réussi à emprunter un livre sur la mythologie à la bibliothèque -il n'y avait que quatre ouvrages sur le sujet, seuls les plus rapides avaient pu en avoir un- et les trois adolescentes avaient eu l'embarras du choix pour leur costume. Mais Nora avait dû se rendre à l'évidence, quelle que soit la façon dont elle enroulait son drap autours d'elle, il trainait toujours par terre. Elle n'était pas faite pour les robes longues, et avait vite abandonné l'idée de se déguiser en déesse. Heureusement, Jane lui avait déniché une image de nymphe. Une perruque rousse, une robe verte et une couronne de fleurs plus tard, et Nora ressemblait exactement à l'illustration de l'ouvrage.

Une semaine plus tôt, elle avait adoré l'idée et mourrait d'impatience d'aller à la soirée. Aujourd'hui elle avait plutôt envie de rester dans son lit à se morfondre, et pourquoi pas essayer de récupérer un peu de sommeil. Jane semblait toutefois d'un autre avis, puisqu'elle ne cessait de lui répéter que cela lui changerait les idées, et de lui rappeler qu'elle avait promis à Grady qu'ils iraient à la soirée ensembles. Au fond Nora savait bien que son amie avait raison -comme d'habitude- et que rester ici à pleurer ne changerait rien, mais elle n'avait pas le courage de faire comme si rien n'était arrivé. L'idée même d'aller s'amuser à cette soirée la faisait culpabiliser. Mais l'insistance de Jane eut finalement raison de sa volonté et en à peine dix minutes Nora se retrouva habillée en nymphe et maquillée par son amie qui avait pris soin de camoufler ses cernes. Il ne lui resta plus qu'à accrocher sa broche en forme de flèche sur une des bretelles de sa robe, et elle décida qu'elle était prête.

Alors qu'elle descendait dans la salle commune, la vision de Grady lui arracha un sourire -sans doute le premier de la journée. La mort de Danny avait été difficile pour lui aussi, mais ils s'étaient soutenus mutuellement et elle lui était reconnaissante de l'avoir supporté toute cette semaine alors qu'elle ne faisait que broyer du noir. Elle se força donc à conserver son sourire et laissa même échapper un éclat de rire lorsqu'il la fit tourner sur elle-même.

-Merci, tu es très beau toi aussi, souffla-t-elle avant de répondre tendrement à son baiser. Je dirai même divin !

Tout le monde avait déjà dû faire la blague au moins dix fois, mais c'était l'intention qui comptait. Nora glissa sa main dans celle de son petit-ami et suivit le groupe de Poufsouffle jusqu'au point de rendez-vous indiqué dans les invitations. Elle s'était promis d'essayer de passer une bonne soirée, ou au moins de ne pas gâcher celle des autres, mais elle sentit son ventre se nouer d'angoisse quand elle s'aperçut qu'ils sortaient du château. La dernière fois qu'elle avait quitté l'école en douce, elle s'était retrouvée en plein cauchemar. Elle lutta contre l'envie de faire demi-tour et se concentra sur la main de Grady dans la sienne alors qu’ils progressaient dans le parc.

Heureusement, il ne s'agissait "que" de la forêt interdite. L'endroit était effrayant, mais Nora avait déjà eu l'occasion de le visiter avec Irving l'an passé et ils en étaient sortis indemnes, ou presque. Elle laissa échapper un "Wahou" d'admiration en découvrant la clairière qui avait été aménagée pour l'occasion. L'endroit n'avait plus rien d'une forêt inquiétante, et le tableau formé par le décor et par les toges blanches de tous les invités était magnifique. Elle se promit d'aller trouver Victor pour le féliciter.

Le regard de la jeune fille se posa alors sur une table où Mary-Lisbeth Pilliwickle était en train de poser assez de mandragore pour causer une overdose à un géant. Un sourire triste se dessina sur le visage de Nora alors qu'elle repensait au jours de son premier entrainement de Quidditch avec Danny. Elle avait bien cru qu'elle allait l'étriper ce jours-là -ce qui était étonnant quand on la connaissait. Il lui avait proposé un peu de Mandragore, qu'elle avait refusé. Depuis elle avait toujours associer cette substance à son ami, qui en consommait sans doute un peu trop. Elle lui avait promis qu'elle tenterait l’expérience, un jour. Peut-être qu'elle essaierait ce soir.

- Il a un certain charme, tu peux peut-être tenter ta chance, répondit-elle avec un sourire amusé quand Grady lui assura qu'un des angelots qui distribuaient des confettis lui avait fait un clin d’œil. Tu penses qu'on peut jeter un sort à nos broches pour les rendre identiques ? s'enquit-elle en posant un regard déçu sur la lyre qui était accrochée à la toge de Grady.

Elle ne plaisantait qu'à moitié. Elle n'avait pas envie de se mettre tout de suite à la recherche de son compagnon de broche. Si elle était prête à faire des efforts et à mettre un peu de coté les évènements de la semaine dernière, c'était pour passer un moment en compagnie de ses amis - elle en avait bien besoin. Elle n'avait pas vraiment envie de se retrouver collée à un inconnu tout de suite, même si elle était curieuse de savoir qui était son binôme. Peut-être que l'autre détenteur de la flèche d'Artémis viendrait la trouver de lui-même après tout, songea-t-elle en posant sa tête contre le torse de son petit-ami. Elle était bien avec Grady, et avait bien l'intention de garder jalousement le jeune homme pour elle encore un moment.

- Bierraubeurre ou Whisky-pur-feu ? interrogea-t-elle avec un sourire intrigué en entrainant son petit-ami vers la table où était posée les boisson. Tu crois que je ne t'ai pas vu lorgner en direction du buffet ? ajouta-t-elle, espiègle.

Elle aimait se dire qu'elle commençait à bien connaitre Grady, à force. Ils sortaient ensembles depuis plusieurs mois après tout. Une vague se culpabilité l'envahit alors qu'elle songeait à la longueur de leur relation. Ils partageaient énormément de choses, pourtant elle lui cachait un secret énorme, à savoir le baiser qu'elle avait échangé avec Irving le 2 Mai. Elle culpabilisait chaque fois qu'elle y repensait, mais plus le temps passait, moins elle trouvait le courage d'en parler à Grady. Elle avait choisi de laisser sa chance à leur relation malgré cet incident, et elle avait eu bien raison, tout se passait pour le mieux. Elle ne voulait pas tout gâcher maintenant.

La remarque de Dave eut le don de faire rougir Samantha jusqu'à la racine de ses cheveux et elle détourna vivement les yeux de Lauren, comme si elle avait été brûlée par sa vision. Elle tourna vers Dave un regard scandalisé, lui demandant du regard ce qu'il osait donc bien insinuer - tout en sachant pertinemment que son ami n'insinuait rien d'autre que la vérité. Dave avait deviné, elle ne savait pas comment mais il avait deviné. L'air avec lequel il grattait sa fausse barbe ne laissait pas de place au doute. Dave la connaissait parfaitement bien mais l'inverse était vrai également. Sam savait à quel point il était perspicace et ne pouvait ignorer cette expression d'auto-satisfaction sur son visage. Sans doute n'en avait-il même pas conscience, mais Dave était assez facile à lire et il croyait de toute évidence avoir deviné quelque chose. Quelque chose de réel, mais pouvait-elle le lui dire ? 

Sam sentit son rythme cardiaque augmenter sensiblement et elle se força pour ne pas glisser un regard paniqué à Lauren, qui s'était empressée de partir faire elle-ne-savait-quoi. Dave avait raison sur ce point, elle avait bien trop pris l'habitude de s'appuyer sur la Serpentard et elle devait lui laisser vivre sa vie, sans s'attendre à ce que Lauren soit toujours là pour la protéger ou lui tenir la main. Sam esquissa un petit sourire bien malgré elle face à la comparaison de Dave, se gardant bien de démentir - ou de confirmer - ses affirmations. Comment réagir ? Sam n'aimait pas l'idée de mentir à son ami, d'une part parce qu'il méritait de savoir que la dynamique de leur trio avait changé, et d'autre part parce qu'il serait probablement vain de le tenter. Dave s'était rendu compte du changement de lui-même et il n'apprécierait pas qu'elle lui mente, d'autant plus si la vérité éclatait un jour. Et elle éclaterait forcément, les relations amoureuses n'étaient pas faites pour être gardées secrètes et Lauren et elle n'étaient de toute manière pas faites pour la discrétion.

Le silence constitua un parfait refuge pour Samantha tandis qu'elle baissait les yeux sur ses pieds, une boule d'angoisse au fond de la gorge. Non, elle ne voulait pas se cacher, de toute façon. Ni aux yeux de Dave, ni aux yeux de personne d'ailleurs. Si elle s'était écoutée, elle serait simplement allée auprès de Lauren pour la prendre dans ses bras et l'embrasser, mais comment oserait-elle jamais faire une chose pareille ? N'était-elle pas déjà assez pointée du doigt comme cela ? Qu'est-ce qui était le plus mal vu, être une louve-garou ou bien être lesbienne ? Les deux, assurément ! Et Dave, qu'en penserait-il ? Lointaine était l'époque où Sam avait pour objectif principal dans la vie de séduire Irving Whitaker, lui qui faisait battre si fort son petit coeur plein d'espoir, et de devenir populaire pour l'approcher et l'impressionner. Elle se rappelait de la fête de nouvel an chez lui, à la cité Nimbus, où elle avait tenté de se mêler à ses amis, de participer aux festivités... Mais les mois qui suivaient l'avaient vite rappelée à l'ordre. Sam n'était pas faite pour la lumière. Elle n'avait rien d'une Nora Weaver qui faisait tout bien comme il fallait et qui attirait la sympathie sans avoir même à essayer. Sam était une outsider, une marginale, une jeune femme renfermée, engagée, volontaire, qui devait se battre pour exister.  Elle n'avait vraiment pas besoin de plus se compliquer la vie... Les épreuves qu'elle avait traversé l'avaient endurcie et l'avaient également remise à sa place : entre Lauren et Dave, dans sa zone de confort, à prendre sa potion gentiment et à s'estimer heureuse que l'on continue de l'accepter au sein du commun des mortels. Alors, les sentiments flamboyants qu'elle éprouvait pour la fougueuse brune, elle devait les garder pour elle. Sinon, le monde les écraserait et la piétinerait, parce que c'était ce que le monde faisait.

"Tu as raison, ma transformation nous a beaucoup rapproché", expliqua-t-elle finalement en vrillant un regard incertain sur Dave, priant intérieurement pour qu'il n'insiste pas. Si c'était le cas, elle ne lui mentirait pas, et ce serait probablement un soulagement de pouvoir déverser toutes ses pensées sur quelqu'un, mais la peur de la réaction de son ami la paralysait. Elle ouvrit la bouche pour ajouter quelques paroles qui auraient probablement été confuses quand quelqu'un jugea bon de les interrompre.

Elle dévisagea Emma un instant, admirant son costume avant de lui répondre avec un sourire :

"Merci, tu es très belle !"

C'était toujours agréable de voir une personne lambda lui parler sans la moindre référence, que ce soit dans son ton, son expression ou ses paroles, à sa transformation ou à la mort de Roxanne. Néanmoins, la rencontre aurait été beaucoup plus sympathique pour Samantha si Emma n'avait pas aussi visiblement envie de se retrouver auprès de Dave. Sam fronça légèrement ses sourcils en faisant mine d'examiner la broche d'Emma, retenant une remarque cinglante. Etait-elle sérieusement en train de flirter avec Dave sous son nez ? On aurait dit, en tout cas, ou alors Sam était-elle parano. Mais Emma avait cet air tout mielleux de princesse papillon qu'employait autrefois Samantha auprès d'Irving, Jayden et même, à sa plus grande honte, Jordan. Sam se mordit l'intérieur de la joue en vrillant un regard acide sur Dave, espérant qu'il percevrait les ondes d'agacement qui émanaient de Samantha. Sans trop savoir pourquoi, la Serpentard n'avait pas envie de partager Dave pour l'instant et ne tenait pas à ce qu'il se fasse accaparer par la jolie rousse. Ni maintenant ni plus tard, d'ailleurs, mais ce n'était pas très sympathique pour Dave. Lui aussi avait le droit de connaître l'amour ! Pas ce soir, voilà, pas quand elle avait tant besoin de lui.

"Non, désolée, Dave est mon partenaire de broche", répondit Sam en glissant un bras possessif sous celui de son ami à barbe, un sourire un peu hypocrite aux lèvres. "J'espère que tu trouveras !"