La fin de la crise ? [PV Chloé]

Etendue sur son canapé, Chloé sirotait un café en lisant un livre policier lorsqu'elle entendit des coups frappés à sa porte. "J'arrive" cria-t-elle, espérant que son visiteur n'était pas impatient. Elle se leva difficilement, maudissant intérieurement son ventre trop lourd, et marcha tout aussi lentement jusqu'à la porte. Elle commençait vraiment à avoir mal au dos et priait pour que le bébé se décide à sortir. Maeva était née avec quinze jours d'avance et si le second voulait faire pareil, elle lui en serait éternellement reconnaissante, bien qu'elle hésite encore entre Félicia et Sue si c'était une fille.

Lorsqu'elle ouvrit la porte, cependant, ces préoccupations futiles s'évanouirent. Elle n'aurait pas du, car en toute logique, le visiteur aurait dû pouvoir donner son avis sur le sujet. Ce n'était rien de moins que le père du bébé en question, et Chloé se demanda étrangement s'il aimerait Matthews, le prénom de garçon qu'elle avait choisi, avant même de s'étonner de sa visite. Cette pensée vint en second, et elle fixa son ancien compagnon avec surprise, ne sachant pas comment réagir. Que faisait-il là? Depuis leur voyage en Laponie, elle se tenait loin de lui, lui en voulant énormément. Il lui manquait aussi, hélas, et sa conscience n'arrivait pas à décider ce qu'elle avait envie de faire et ce qu'il fallait faire. Alors, elle avait éloigné ces questions de son esprit et décidé d'un statut quo malgré la situation pressante. Et il n'avait rien fait, comme si ça ne comptait pas pour lui.

"Je... Euh... Oui."

Elle s'effaça pour qu'il puisse entrer dans son appartement et ferma la porte, ne sachant quelle attitude adopter. Ils étaient maintenant au milieu du salon, et elle se contenta de le fixer, ne sachant pas quoi dire, et ayant l'impression que ce n'était de toute façon pas à elle de commencer. Elle le fixa, attendant qu'il dise quelque chose, et, alors qu'elle essayait de prendre son air glacial de professeur implacable, elle réalisa qu'elle en était incapable. Chloé en voulait encore à Peter, et elle lui en voudrait probablement pendant longtemps encore. Son mensonge avait brisé quelque chose entre eux - la confiance, quelque chose de réellement difficile à réparer. Pourtant, elle n'était plus en colère. Elle le regardait maintenant, et la seule chose qu'elle ressentait était un étrange malaise. Parce qu'elle savait qu'elle aurait du s'éloigner de lui, le dénoncer, qu'il n'avait aucun droit d'être dans cette école. Mais parce qu'elle savait aussi qu'elle ne pouvait pas. Le bébé comptait, évidemment, mais la raison principale, c'était qu'il lui manquait.

Elle détestait l'avouer. Parce qu'il l'avait blessée, mise dans une situation délicate, et surtout parce qu'il ne semblait rien éprouver à son égard. Aucun remord, aucune tentative de réconciliation. Il savait qu'elle ne parlerait pas à cause du bébé et se contentait donc de vivre sa vie comme si rien ne s'était passé. Elle ne comptait pas, et avait l'impression que tout mouvement visant à l'éloigner définitivement serait une faveur pour lui, et un aveu de faiblesse pour elle. Elle lui en voulait tellement.

"Tu me manques. Je n'en peux plus d'être loin de toi, et du bébé. Je veux être là pour vous..."

Elle leva subitement les yeux, dévisageant Peter sans oser croire à ce qu'il disait. Son expression perplexe se lisait clairement sur son visage, et le malaise qui l'habitait se fit sentir dans toute son ampleur. Parce qu'elle voulait croire à ce qu'il disait, mais qu'elle ne pouvait pas. Peter ne disait pas la vérité. Peter mentait, et Peter ne parlait certainement pas de ses sentiments. Toujours, il attendait qu'elle dise quelque chose pour s'aligner sur sa position. Lorsqu'elle lui avait annoncé qu'elle était enceinte, après tout, n'avait-il pas prudemment demandé ce qu'elle voulait avant de lui sortir qu'il accepterait son choix? Sans jamais dire ce qu'il pensait réellement de cet évènement?

Mais il continuait. Il lui disait simplement ce qu'elle voulait entendre depuis des mois. Qu'il était désolée, qu'elle lui manquait, que le bébé lui manquait. Elle voulait le croire de toutes ses forces.

"Je t'aime Chloé. Sincèrement."

Elle céda alors à son instinct et de détourna, une main cachant son visage. Chloé ne savait pas quoi faire, pas comment réagir. Elle sentait seulement des émotions opposées exploser dans sa poitrine et menacer de la faire fondre en larme. Pourtant, les pleurs ne venaient pas. Elle sentait sa gorge se serrer, sa respiration s'accélérer, et même un sanglot coincé dans sa poitrine. Mais il y avait aussi un sourire, un sourire qu'elle tenait de réprimer parce qu'elle voulait y croire. Parce que pour une fois, c'était lui qui venait vers elle, lui dire ce qu'il pensait. Il la suppliait, la fixait, ne détournait pas le regard. Il s'était même approché avec une expression qu'elle ne lui avait jamais vu mais qu'elle aima tout de suite.

Mais Chloé avait du mal à se résoudre à s'écouter. Elle voulait encore lui en vouloir, l'éloigner, le détester, mais elle n'y arrivait pas.

"Ne dis pas sincèrement, Peter. Tu n'as pas le droit." bredouilla-t-elle, tentant de garder la distance qui les séparait. Mais elle n'en avait pas envie, pas du tout. Et ce fut malgré elle qu'elle releva la tête et demanda abruptement:

"Tu y as pensé? Aux prénoms?"

Il y avait pensé. Il y avait pensé. Et ça, ça valait plus que toutes les promesses du monde aux yeux de Chloé. Parce que ce n'était pas que des mots, c'était une preuve. La preuve que malgré l'indifférence qu'il affichait depuis des mois, il s'inquiétait, il ressentait quelque chose. Que tout n'avait pas été une comédie, que derrière le mensonge, il y avait eu quelque chose de réel.

"Je ne comptais pas l'appeler Ahren de toute manière." dit-elle avec un sourire - un vrai, le premier depuis des mois qu'elle lui adressait.

Puis, comme il demandait s'il pouvait toucher son ventre, elle eu un instant d'hésitation. Devait-elle le lui accorder? C'était accepter définitivement qu'il revienne dans sa vie. Dans la vie du bébé. Oui, dans la vie du bébé, et c'était tellement plus important. Chloé s'était crue capable, lorsqu'elle avait découvert sa grossesse, d'élever cet enfant seule. Que si Peter n'en voulait pas, elle pourrait s'y faire et vivre pleinement son bonheur. Mais c'avait été pire. Peter avait probablement dit oui par devoir, par mensonge, et tout avait volé en éclat. Elle avait dû l'éloigner, par obligation et non par décision. La situation s'était imposée à elle de manière violente et brutale, sans qu'elle ne puisse décider, sans qu'elle ne puisse se faire à l'idée. C'était probablement ce qui avait anéanti son désir, son plaisir d'attendre ce bébé seule. Le malaise que c'avait provoqué, les blessures physiques et psychologiques de la Laponie... elle n'était pas aussi forte qu'elle le croyait. Depuis son divorce, elle se revendiquait une femme libre et indépendante. Et certes, elle voulait l'être. Mais elle n'était pas une solitaire. Elle avait toujours aimée être entourée de personnes de confiance, sur lesquelles elles pourrait compter en cas de problème. Oh, il y avait bien ses parents, mais ils se faisaient vieux; Matt, mais il avait sa vie; Margot, qui deviendrait directrice. Non, pour cet enfant, elle avait besoin de la seule autre personne légitime à s'en occuper. Son père. Car malgré toutes ses erreurs, il avait le droit de connaître son enfant. Elle avait été égoïste de ne penser qu'à elle. Il fallait dissocier les deux choses. Alors, la réponse s'imposait d'elle même.

"Oui" dit-elle simplement.

Elle lui prit elle-même la main pour la poser sur son ventre. On ne sentait pas grand-chose, mais c'était l'un des premiers vrais contacts que le bébé aurait avec son père. C'était important. Elle resta ainsi un moment, et sentit soudain un petit coup au sur la gauche. Elle déplaça la main de l'homme à l'endroit où une petite bosse s'était formée.

"Là, tu sens? C'est son pied, je crois."

Et un sourire heureux naquit sur ses lèvres. Car Peter ferait partie de la vie de son fils ou de sa fille, comme il le souhaitait. Et de celle de sa mère, aussi. De quelle manière, Chloé ne l'avait pas encore décidé. Elle n'avait pas envie qu'il l'embrasse, pas maintenant. C'était à voir, mais désormais, ils avaient du temps.