[Pièges] Effets de serre

Un sweat gris dépenaillé, un tee-shirt des Bizarr’Sisters délavé, aucun doute possible : Irving descendait les escaliers de marbres pour aller déjeuner. D’ailleurs, il n’était pas vraiment réveillé ce matin puisqu’il faillit percuter Isobel Montgoméry en entrant dans la Grande Salle quasiment vide.

« Désolé… » souffla-t-il en passant une main dans ses cheveux avant de s’écarter du chemin de la Serpentard. Dès que la jeune fille fut passée, Irving balaya la pièce du regard en quête d’un ami avec qui partager son repas. Le gryffondor grimaça légèrement en découvrant que son seul confrère à la table de sa maison était Jayden Valentyne. Il n’aimait vraiment pas son condisciple qui se la jouait un peu trop « je suis un rebelle torturé et je fais exprès d’emmêler mes cheveux pour avoir l’air encore plus cool ». En vrai, Irving aurait bien aimé avoir de jolis cheveux raides comme Jayden et il ne comprenait pas pourquoi son confrère nouait sciemment sa tignasse dorée. Pour lui, qui passait déjà trop de temps son gout (au moins 1minute) à chasser les nœuds de ses frisettes tous les matins, il ne voyait pas l’intérêt de saborder ce travail. Le regard du Gryffondor balaya donc la table des Poufsouffle à la recherche d’un copain éventuel mais il ne croisa que le regard condescendant de Jane Mason. Réprimant un frisson d’effroi, il ne prit même pas la peine d’observer les Serdaigles – il n’avait aucun amis érudits- et il reporta directement son attention en direction des Serpentard afin de voir si Killian Gray était là. Après tout, le beau-gosse de l’école était venu à son réveillon et il sortait avec l’une de ses plus proches amies. Ils pouvaient très bien déjeuner tous les deux ! Mais contre toute attente, il ne trouva que la préfète-en chef de l’école et une autre blondinette tirée à quatre épingles… Cependant, en y regardant à deux fois, Irving identifia plus précisément la deuxième lolita : Il s’agissait en réalité de la déesse du Whisky Pur-Feu ! Un léger sourire se dessina sur le visage du gryffondor tandis qu’il rejoignait la table vert et argent :

« Hey, salut ! souffla-t-il en s’installant devant Clara Guipure, Tu vas bien ? »

Il n’avait pas trop reparlé à la jeune fille depuis son réveillon même s’il l’avait trouvé très sympa. Il n’y avait pas de raison pour qu’elle ait changé entre temps aussi Irving écouta la réponse de sa camarade avant d’attraper une tartine. Alors qu’il s’apprêtait à la dévorer, une chouette vint se poser sur son bras gauche. Irving interrompit son geste et les battements de son cœur s’accélérèrent subitement. Depuis des mois, il redoutait que l’une des chouettes blanches de St-Mangouste vienne le trouver un matin. Fébrile, il reposa sa tranche de pain et attrapa le petit bout de parchemin qui était accroché à la pate du volatile. Les mains tremblantes, il déroula la missive pour la lire.


Après avoir bloqué quelques secondes sur le parchemin, Irving le froissa et cacha son visage entre ses mains. Ce n’était pas possible, pas tout de suite. Non. Il ne voulait pas. Il refusait d’y croire.
Dire qu’il se pensait prêt à affronter cette nouvelle, il avait été bien bête de se penser aussi fort. On n’était jamais prêt pour ça. Jamais. Livide, Irving il se leva précipitamment du banc sans accorder un regard à Clara et se retrouva dans le hall en quelques enjambées. Il ne savait même pas où aller. Voir Hellsoft ? Remonter dans le dortoir faire ses bagages ? Retrouver Nora ? Il se sentait tellement désorienté. Les jambes flageolantes, il s’appuya momentanément contre le sablier des Serdaigle. Il allait s’effondrer au sol et ne plus jamais se relever. Il n’y arriverait pas. Des larmes dévalèrent ses joues et il ne chercha même pas à les retenir. Pourquoi ? Pourquoi son père ? Pourquoi lui ? Pourquoi aujourd’hui. Irving attrapa sa tignasse entre ses mains et tira de toutes ses forces, allant même jusqu’à s’arracher des cheveux, mais cette douleur physique n’était rien comparer à ce qu’il ressentait. Chancelant, il rejoignit le perron du château et dévala les quelques marches, le regard brouiller par les larmes. Porté par le chagrin, il tituba jusqu’aux serres et pénétra dans la première qu’il trouva ouverte. D’un geste rageur, il claqua la porte derrière lui dans un bruit sourd avant d’appuyer ses deux mains sur l’établi où le professeur Londubat faisait ses boutures. Des larmes salées ruisselèrent sur les plans de filets du diable tandis que les pleurs d’Irving redoublaient d’intensité. Comment allait-il pouvoir vivre sans son père ? C’était impossible. Il était trop jeune pour affronter cela. Il n’était encore qu’un enfant, même s’il s’évertuait à vouloir être considéré comme un adulte. Bradley ne pouvait pas partir car son fils avait encore trop de chose à apprendre de lui. La vie était injuste. Trop injuste. Envahit par l’amertume, Irving attrapa le plateau de l’établi avant de renverser la table avec colère. Les dizaines de pots en céramiques se brisèrent au sol dans un grand fracas mais c’est un petit cri dans un coin de la serre qui attira l’attention du gryffondor. Irving dévisagea alors l’intruse qui s’avéra être Roxanne Prewett, une Serpentard de son année.

« Quoi ? Qu’est-ce t’as à me regarder ? » cracha-Irving le regard noir avant d’essuyer sa morvelle sur la manche de son pull, Dégage ! » Éructa-t-il entre deux sanglots.

Il voulait être seul. Se terrer ici pour reprendre ses esprits. Saccager toute la serre s’il le fallait, mais surtout, qu’on le laisse tranquille. Malheureusement, son souhait ne fut pas exaucé puisqu’un troisième individu pénétra dans la pièce surchauffée. Jordan Nimbus de Pompadour. Irving laissa échapper un soupir exaspéré en portant une main à son front. A croire que Merlin avait décidé de l’accabler aujourd’hui. Son père était en train de mourir de la consumeuse et l’héritier de la cité Nimbus venait le narguer sous ses yeux.

« Oh, je vois que j’interromps quelque chose… Moi qui croyais venir en aide à quelqu’un ! » souffla le poufsouffle.

« Y a personne à sauver Pompadour. » répondit Irving menaçant, les yeux encore brillants de larmes.

Le gryffondor avait toujours été poli envers Jordan sans pour autant chercher à faire parti de ses proches. Ils avaient beau venir de la même ville et avoir le même âge, leurs vies respectives ne pouvaient pas être plus différentes. Cependant aujourd’hui, Jordan incarnait tous les maux d’Irving. Le Poufsouffle avait tout ce que le Gryffondor n’avait pas, et notamment un père en bonne santé, qui se faisait une montagne d’argent sur le dos de ses ouvriers qui, eux-mêmes, respiraient à longueur de journée des émanations toxiques, les tuant à petit feu…
Aussi lorsque Jordan l’accusa, d’un ton condescendant, d’avoir bêtement verrouillé la porte pour l’empêcher de partir, Irving éclata :

« Non mais tu crois qu’on a que ça à faire ? Tu penses que je t’enfermerai, sciemment, pour m'délecter de ta compagnie ? Môssieur Nimbus se prend pas pour d’la bouse de Sombral, hein? » cracha Irving en le détaillant de haut en bas dédaigneusement, Non mais regarde toi sérieux ? J’veux rien avoir à faire avec des gens dans ton genre, éructa-t-il en s’approchant, les traits de son visage déformé par la haine et le chagrin, plutôt crever!» Hurla-t-il finalement en poussant violement Jordan contre la porte.

Alors que le visage d’Irving se trouvait à quelques centimètres de celui du Poufsouffle, une tentacule végétale enserra subitement le cou du Gryffondor pour le soulever de plusieurs mètres au dessus du sol, lui coupant littéralement la respiration…

Roxanne avait besoin de calme. D’un endroit où elle pourrait être seule. D’un endroit où elle n’aurait pas fausser ses sentiments pour plaire aux autres. Juste un peu de calme, juste un peu de répit. Avisant les serres, elle les gagna et entra dans la première qu’elle trouva ouverte. Se réfugiant dans un coin, elle soupira et ses traits se détendirent. Merlin merci. Elle était beaucoup trop fatiguée, depuis quelques jours. Elle prenait un temps fou à trouver le sommeil, dormait mal la nuit et n’arrivait pas à se lever le matin. Et durant la journée, impossible de se poser une petite heure pour faire une sieste. Elle travaillait trop, passait des heures et des heures à la bibliothèque, s’avançait. Elle ne faisait malheureusement pas partie des filles qui peuvent se donner le luxe de ne pas réviser et de décrocher un O ou un E. Non, Roxanne était de celles qui devaient travailler. Fort heureusement, passer des heures plongée dans un livre ne la dérangeait pas par outre mesure, et c’était d’ailleurs avec un certain plaisir qu’elle s’abandonnait à cette activité. Cependant, depuis quelques jours, elle avait l’impression que son corps allait lâcher. Sans qu’elle ne sache vraiment pourquoi – elle n’avait pas l’impression de travailler plus que d’habitude, pourtant ! Mais la sensation était là, elle avait l’impression de se surmener. Et, non contente de ressentir cela, elle se forçait à travailler plus, toujours plus. Roxanne Prewett n’allait pas se laisser achever par quelques signes de fatigue.

Cependant, c’est avec délectation qu’elle ferma brièvement les yeux goûtant avec joie aux quelques instants de tranquillité qu’elle pouvait s’accorder, loin de Kelly Murdoch. Tranquillité qui fut bien trop vite brisée par un Gryffondor qu’elle connaissait pour avoir partagé les mêmes salles de classes que lui depuis plusieurs années… Irving Whitaker. Ce garçon, c’était celui qu’elle avait catalogué dans la catégorie des « gens non-fréquentables » depuis bien longtemps. Elle se gardait cependant bien de lui dire, ne souhaitant pas se mettre une bonne partie de l’école à dos… Elle se contentait donc de le mépriser intérieurement et de ne pas lui adresser la parole, à moins d’y être forcée… Une belle hypocrite, donc. Elle s’apprêtait à lui signaler sa présence à contrecœur lorsqu’elle remarqua une chose à laquelle elle n’avait pas prêté attention, trop accaparée par son envie d’être seule. Irving Whitaker pleurait. Et, étonnement, ça ne lui donnait absolument pas envie de se moquer.

Silencieuse, elle resta dans un coin de la serre et sursauta en lâchant un petit cri aigue lorsque le jeune homme renversa un plateau avec colère, brisant une dizaine de pots en céramiques. Elle ne pu s’empêcher de lever les yeux au ciel. Les Gryffondor étaient tous les mêmes. Toujours à accomplir des actes irréfléchis et sur un coup de tête. La jeune fille voulait bien concevoir qu’il soit triste, mais qu’il apprenne à se maîtriser, par Merlin !

« Evite de me parler comme ça, Whitaker. »

Elle venait à peine de terminer sa phrase lorsque son cousin, Jordan Nimbus de Pompadour, poussa à son tour la porte pour les observer avant de lui lancer un petit sourire supérieur. Levant ostensiblement les yeux au ciel, Roxanne laissa son camarade de classe répondre avant de prendre la parole à son tour :

« Tu n’interromps rien du tout, Jordan. » déclara-t-elle d’un ton ferme.

Alors que son cousin se retournait pour partir, il se retrouva face à face avec la porte de verre, devenue close. Fronçant les sourcils, la Serpentard ne prit même pas la peine de répondre à la pitoyable question de son cousin – franchement, pourquoi l’aurait-elle enfermé ? – et sortit sa baguette. Elle allait tenter un sort lorsque la colère d’Irving éclata. Tournant la tête vers le Gryffondor avec méprit, elle ne pu s’empêcher d’esquisser un sourire imperceptible à l’entente de ses paroles. Se reprenant bien vite, elle leva sa baguette et d’un ton froid débuta :

« Vous voulez vous disputer comme des premières années ou ça vous intéresse de chercher un moyen pour sortir de là pour ne plus avoir à vous supporter ? »

Elle allait lancer un sort lorsque, brusquement, une tentacule végétale vint enserrer le cou du Gryffondor, le soulevant à plusieurs mètres du sol.

« Diffinito ! » s’exclama-t-elle en visant la plante.

A sa grande surprise, le sort lancé n’eut pas le résultat attendu et se contenta d’entailler la liane, ce qui eu toutefois don de lui faire lâcher prise quelques secondes…

La jeune fille n’eut malheureusement pas le temps de voir si Whitaker était parvenu à s’échapper de l’emprise du tentacule, puisqu’une autre vint s’enrouler autour de son poignet, lui faisant lâcher sa baguette qui roula par terre… Par Salazar.

Le poufsouffle repoussa violement Irving contre l’établi en le sommant d’aller cracher des limaces ailleurs. Aveuglé par la douleur et la tristesse, Irving sortit subitement sa baguette de sa poche pour mettre en joug Nimbus de Pompadour. Il n’aurait jamais fait cela en temps normal. Il n’était pas bagarreur et n’avait pas pour habitude d’utiliser la Magie sur ses semblables, cependant, aujourd’hui il avait l’impression qu’il ne contrôlait plus rien. Tout ce qu’il savait, c’est qu’il ne voulait plus entendre les bêtises de Jordan ni voir sa moue condescendante. Indifférent aux remontrances de Roxanne, le Gryffondor s’apprêtait donc à lancer le premier sortilège qui lui passait par la tête lorsqu’une liane lui enserra le cou avant de le soulever dans les airs. Le jeune homme eut immédiatement le souffle coupé. Il attrapa à deux mains l’horrible tentacule pour tenter de se dégager, mais en vain, la plante resserrant sa prise inexorablement. Mais qu’attendaient Prewett et De Pompadour pour le tirer de là ? Voulaient-ils que la lignée des Whitaker s’éteigne plus rapidement que prévu ?
Sa prière muette sembla être perçue par Roxanne puisqu’elle lança un « Diffinito ! » pour forcer la plante à le relâcher. L’intervention de la Serpentard eut l’effet escompté et le monstre végétal laissa tomber le gryffondor qui chuta en contrebas sur…sur le corps flottant de Jordan ?

« Bordel de Troll ! » souffla Irving après avoir respiré de grandes bouffées d’air, Mais qu’est-ce’ tu fous ? » demanda-t-il incrédule.

Pourquoi diable De Pompadour s’était-il auto-infligé un sortilège de lévitation, songea-t-il en planant toujours sur son dos. Et Pourquoi toutes les plantes semblaient-elles s’animer dangereusement autour d’eux dans des craquements sinistres?

"Bon, Whitaker, tant qu'à faire si tu pouvais attraper un truc quelconque pour qu'on arrête de dériver, ça ne serait pas de refus."

Irving serra les dents pour canaliser la colère que lui inspirait le Poufsouffle. Il devait se sortir de ce pétrin avant de pouvoir laisser parler ses pulsions et exploser le doux visage de son camarade. Le gryffondor descendit donc brusquement de sa monture improvisée mais la différence de poids soudaine eut pour effet de faire s’élever Jordan de plusieurs mètres. Subitement conscient de sa boulette, Irving pointa sa baguette sur son camarade et lança un « Incarcerem » pour emprisonner l’une des chevilles du Poufsouffle afin qu’il ne s’envole pas trop loin. Mais contre attente ce fut une puissante gerbe d’eau, dont la pression le fit reculer de plusieurs mètres, qui sortit de l’extrémité de son bout de bois, propulsant par la même occasion Jordan contre l’une des vitres de la serre. Horrifié par ce qu’il venait d’accomplir, Irving s’exclama « Finite » mais l’aguamenti redoubla d’intensité, infligeant une gifle liquide à Roxanne qui se tenait non loin de lui.

« BORDEL. » souffla le Gryffondor en lâchant sa baguette comme si elle venait de lui brûler la main. Il n’avait jamais été doué en Sortilèges mais quant même ! Là c’était particulièrement inquiétant ! D’ailleurs le charme aurait normalement dû être rompu, mais la baguette continuait à cracher sa colonne d’eau en tout sens, déversant des litres et des litres d’eau au sol. Ce n’était pas de sa faute. La baguette était déréglée…Enfin, à en juger par les plantes qui grandissaient à vue d’œil, TOUT était déréglé !

A peine venait-il faire ce constat qu’une liane le percuta en plein dans le ventre, le projetant sur le sol rendu boueux par le mélange eau/terre. La situation était plutôt inquiétante. S’ils ne sortaient pas rapidement d’ici, ils pouvaient très bien mourir étouffé ou noyé, songea-t-il en cherchant Roxanne des yeux au milieu des plantes qui se mouvaient dangereusement. Avisant une grosse cisaille rangée dans un coin, le jeune homme l’attrapa entre ses mains boueuses et se dirigea en direction de la Serpentard, en élaguant les plantes folles qui lui barraient le passage.
Lorsqu’il arriva à la hauteur de sa camarade, il coupa d’un coup sec une branche qui s’était refermée autour de la cheville de cette dernière puis il l’attrapa par le poignet.

« Faut qu’on sorte de là ! souffla-t-il en l’entrainant en direction de la porte, mais avant faut qu’on retrouve ton putain d’cousin ! » ajouta-t-il en levant les yeux vers le plafond de la serre.

Le poignet toujours emprisonné par une liane des plus coriaces, Roxanne regardait son cousin s’élever dans les airs, cachant son anxiété sous une moue faussement méprisante. Voyant les deux garçons l’un sur l’autre se stabiliser dans les airs, elle lâcha un soupir de soulagement -cela aurait pu être pire… Soulagement qui ne dura malheureusement que quelques secondes, puisqu’Irving décida de se laisser tomber de sa monture improvisée. Il avait l’air d’haïr Jordan, constata la Serpentard. Oh, il y avait de quoi, son cousin pouvait se montrer tellement supérieur parfois, qu’elle-même le trouvait exaspérant. Cependant au fond, elle l’aimait bien, après tout. Et puis, il restait un allié de choix dans les longues réunions familiales, ce qui était non-négligeable. Sortant de ses pensées, elle fixa la baguette magique de Jordan – que ce dernier lui avait lancé quelques instants plus tôt – rouler vers elle et la saisit de son bras libre, grimaçant au passage lorsque la liane resserra encore un peu plus sa prise sur son autre poignet…

Aussi, concentrée sur la plante qui la maintenait dans un coin de la serre, elle ne vit pas le Gryffondor sortir sa propre baguette pour lancer un « Incarcerem » en direction de Jordan. Ce qu’elle vit en revanche, ou plutôt ce qu’elle entendit, ce fut le bruit de l’eau. Tournant immédiatement les yeux vers la source du son, Roxanne observa avec effarement la puissante gerbe d’eau sortir de l’extrémité de la baguette magique du rouge et or. Ce qu’elle sentit également, ce fut la gifle que lui infligea la gerbe d’eau, trempant tout son haut du corps. Lâchant une exclamation indignée, la jeune fille darda un regard noir sur Irving qui venait de se faire projeter à terre. Ce dernier, fort heureusement, eut la bonne idée de saisir une grosse cisaille pour couper la liane qui lui maintenait le poignet depuis plusieurs minutes.

Libérée de cette entrave, la Serpentard se frotta le poignet avec une grimace avant de murmurer un « merci » à l’encontre de son camarade.

« Faut qu’on sorte de là ! Mais avant faut qu’on retrouve ton putain d’cousin ! »

Ne prenant pas en compte le vocabulaire vulgaire d’Irving, Roxanne hocha la tête avec détermination et leva les yeux vers le plafond, avisant son cousin qui flottait toujours dans les airs. Mais que pouvait-elle faire ? La magie ne semblait vouloir en faire qu’à sa tête, et Jordan était trop haut pour qu’elle puisse l’aider à redescendre simplement lui attrapant le bras… Et c’était sans compter les plantes, de plus en plus menaçantes au fil des minutes qui passaient. Jetant un coup d’œil à la pièce, la jeune fille se tourna ensuite vers Irving :

« Et tu veux qu’on le fasse redescendre comment ? »

Puis, les yeux fixés sur Jordan, elle fronça les sourcils, indécise sur la manière d’agir.

« Jordan ! » s’exclama-t-elle enfin « Essaie d’attraper le tuyau qui descend le long du mur. » expliqua-t-elle en le lui désignant de la main. « On ne peut pas t’aider à redescendre si tu restes où tu es. »

Puis, sautant sur le côté pour échapper de justesse à une liane qui voulait emprisonner sa cheville, Roxanne esquissa une moue exaspérée. Par Merlin, comment pourraient-ils sortir de là ?

Toujours munie de leurs fidèle cisaille (qui s’avérait pour le coup bien plus utile qu’une baguette magique) Irving et Roxanne parvinrent à rejoindre l’extrémité de la serre sans trop de dommages malgré la boue et les plantes monstrueuses. Heureusement, ils ne tardèrent pas à repérer Jordan dans les airs juste au dessus d’eux. Tandis qu’Irving cherchait une solution des yeux pour faire redescendre le Poufsouffle, Roxanne avisa un tuyau d’arrosage et demanda à son cousin de s’en saisir pour les rejoindre.
Cette idée s’avéra payante puisque De Pompadour parvint à se tracter à la force des bras jusqu’à eux. Dès qu’il arriva à leur hauteur, Irving constata que l’hériter était trempé et bien plus pale qu’à l’ordinaire. Des gouttes de sang maculaient même sa chemise par endroit. Légèrement inquiet, le gryffondor s’apprêtait à lui demander s’il se sentait bien mais Jordan s’exclama d’un ton autoritaire :

"Bon, trouvez un moyen d'annuler ce fichu sortilège de lévitation, que je puisse me servir de mes mains."

Irving lui décrocha un regard noir et résista à l’envie de renvoyer Jordan dans les cieux en tranchant le tuyau d’arrosage d’un coup de cisaille. Ce troll s’était auto-infligé un sortilège de lévitation et il osait encore les prendre de haut avec son ton condescendant.

« J’sais pas comment tu fais pour l’supporter ! » souffla Irving à l’intention de Roxanne qui était toujours à côté de lui. Le gryffondor soupira longuement mais contre toute attente, il consentit tout de même à venir en aide à son camarade. A défaut de pouvoir annuler le sort de lévitation, Irving refourgua la cisaille dans les mains de Roxanne avant de soulever son sweat pour défaire la boucle de sa ceinture.
Dès qu’il eut fait glisser son ceinturon des encoches de son jeans, il attacha fermement la cheville de Jordan à l’aide d’un nœud coulant afin de trainer le Poufsouffle dans les airs comme s’il était un gros ballon rempli d’hélium.

« Si tu trouves un truc à redire, c’est autour d’ton cou qu’j’accroche cette ceinture, OK ? » prévint le Gryffondor au cas où De Pompadour ait une nouvelle fois envie de jouer son petit chef, bon j’sais qu’y a un passage souterrain derrière les pots qui sont entreposés là-bas ! » Désigna-t-il en les montrant du doigt.

En effet, un peu plus tôt dans l’année, Danny lui avait montré son petit terrier de blaireau qui lui permettait de renflouer son stock de Mandragore lorsque les serres étaient verrouillées par Londubat. Le petit trou dans le sol était étroit, mais ils pourraient surement s’y glisser les uns après les autres et sortir enfin de ce piège dangereux. Mais au moment où Irving esquissait un pas en direction de cette issue salvatrice, de puissantes lianes se refermèrent autour de ses jambes et ses bras.

"Oh non, non, non, c'est un Filet du Diable, ça!" s’exclama Jordan tandis qu’ils étaient tous les trois saucissonnés.

Irving tenta vainement de lutter durant quelques secondes, mais l’étreinte de la plante s’accentua, le contraignant à s’immobiliser complètement. Les lianes lacéraient sa chair si fortement, qu’il ne parvenait presque plus à respirer.

"Il faut qu'on fasse du feu, ou qu'on se détende... Whitaker, je suppose que tu préfères le feu?" railla une nouvelle fois de Pompadour.

Excédé, Irving lui cracha un « LA FERME ! » au visage.

Comment pouvait-il espérer se détendre alors qu’il était coincé dans une serre avec ce Fils-de-Troll et que son père était peut-être en train de mourir… Il ne pouvait pas être calme. C’était impossible. Quant à faire du feu, cela semblait tout aussi inconcevable vu qu’ils étaient trempés et que leurs baguettes respectives ne fonctionnaient pas. Bref, ils étaient vraiment dans la merde. Résigné, Irving bascula sa tête en arrière contre la liane avant de se tourner légèrement vers sa voisine :

« Roxanne, dis-moi que tu as encore la cisaille… »

Roxanne, les yeux fixés sur son cousin, le regardait redescend sur terre à l’aide du long tuyau et laissa échapper un soupir de soulagement lorsqu’il atteignit le sol. Soupir qui se transforma rapidement en grimace lorsqu’elle remarqua son teint pâle et le filet de sang qui maculait sa chemise. Légèrement inquiète – même si elle ne l’avouerait jamais, même sous la torture – elle fit un pas vers lui et s’apprêtait à lui demander comment il se sentait lorsque sa phrase, qui se voulait autoritaire, lui fit lever les yeux au ciel. Si Jordan était capable de prendre un ton condescendant, c’était qu’il n’était pas encore mourant.

« Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, la magie ne fonctionne pas, Jordan. » répliqua-t-elle alors qu’Irving attachait sa ceinture à la cheville du Poufsouffle pour le tirer dans les airs.

Plus les secondes passaient, plus elle sentait sa patience s’effondrer complètement. Déjà que d’ordinaire, il lui en fallait beaucoup pour supporter le ton autoritaire et condescendant de son cousin qui était persuadé savoir tout mieux que tout le monde, elle devait se retenir aujourd’hui de ne pas lui dire clairement ce qu’elle pensait de ses manières horripilantes… Repoussant cet état d’esprit qui ne lui correspondait absolument pas – dire la vérité ? Quelle drôle d’idée ! – Roxanne se contenta d’hausser les épaules à la question d’Irving et de lever les yeux vers son cousin, qui flottait paisiblement dans les airs…

Puis, tout se passa alors très vite. Irving venait de leur dire qu’il connaissait un passage secret et ils s’apprêtaient à se diriger vers l’endroit indiqué par le Gryffondor lorsqu’une plante s’enroula autour de ses jambes, la déséquilibrant et la faisant tomber à la renverse. Aussitôt, de nouvelles plantes s’emparèrent de ses poignets, puis de son corps en entier, achevant de la plaquer contre le sol. Sa main tenant toujours fermement la cisaille qu’elle avait reçue d’Irving, Roxanne commença à espérer de pouvoir s’en sortir, lorsque le cri de Jordan lui ôta tout espoir. Un filet du diable, par Salazar ! Consciente qu’elle se mettait à paniquer, Roxanne s’efforça à respirer calmement. Elle n’avait pas sa baguette, et la magie semblait ne vouloir en faire qu’à sa tête… Il ne lui restait plus qu’une seule solution, se détendre. Cependant, son charmant et adorable cousin semblait décider à mettre ses nerfs à bout, puisqu’il les conseilla à nouveau, ne pouvant au passage s’empêcher de lancer une énième pique au rouge et or. Dardant sur le Poufsouffle un regard noir, elle leva une nouvelle fois les yeux au ciel, exaspérée. Ce n’était absolument pas comme s’ils étaient prit au piège dans une serre, entourés de plantes dangereuses. Luttant pour garder son calme, Roxanne ne pu cependant s’empêcher d’adresser un léger sourire amusé au Gryffondor en tournant la tête vers lui, le cachant ainsi aux yeux de Jordan.

« Je l’ai dans ma main. » répondit-elle ensuite en serrant encore plus fort le manche de la cisaille si cela était possible. « Mais je ne suis pas certaine qu’elle puisse nous servir à quelque chose puisque… »

Et, alors qu’elle s’apprêtait à bouger la main, une liane vint effleurer son visage, passant tout près de ses yeux, Fermant brièvement les paupières, la rouquine les rouvrit quelques secondes plus tard. Les sourcils froncés, et silencieuse, elle baissa le regard vers les tentacules vertes et les examina d’un air dubitatif. Etrangement, cela ne ressemblait guère à ce qu’elle avait étudié… Puis, de toute façon, comment un filet du diable pourrait se trouver là, en pleine serre, alors que la lumière inondait la pièce toute la journée ?

« Ce n’est pas un filet du diable. »

Elle s’arracha de sa contemplation pour lever les yeux vers Jordan.

« Ça ne ressemble en rien à ce que l’on a vu en cours, Jordan. Et sois logique, le filet du diable ne supporte pas la lumière, or je n’ai pas l’impression que l’on soit plongés dans l’obscurité. » expliqua-t-elle, jubilant intérieurement de cette leçon qu’elle pouvait enfin donner à son cousin. « Ça doit être la même chose que la plante qui a failli t’étrangler tout à l’heure. » ajouta-t-elle en tournant la tête vers Irving.

Se démenant de longues secondes pour extirper son bras qui tenait la cisaille hors des lianes qui l’emprisonnaient, Roxanne finit finalement par réussir à la brandir, et se mit activement à couper les plantes, qui se rétractaient vers les côtés de la serre. Une fois les trois adolescents libérés, la jeune fille regarda ses poignets bleuis et grimaça alors qu’elle les faisait bouger légèrement.

« Où est-ce qu’il est, ton passage secret ? » demanda-t-elle, une fois debout.

Puis, tentant de faire un pas, elle se prit les pieds dans une branche restée le sol et se rattrapa de justesse à l’épaule de son cousin, avant de se remettre correctement debout et de lui adresser un sourire d’excuse au passage.

« Ça va, ton dos, Jordan ? » finit-elle par demander.