Tricking Truth [Margot & Chloé]

24 novembre 2006

Toc! Toc! Toc!

TOC-TOC-TOC !

"Margot! Ouvre! Il faut que je te parle!"

C'était la fin de l'après-midi en cette froide journée du novembre laponien et c'était une Chloé Hellsoft livide et à la limite de l'hystérie qui frappait à la porte du professeur Adamson. Lorsque celle-ci lui ouvrit enfin, elle s'engagea sans attendre sa permission dans la pièce.

"Je... c'est... C'est Peter... il... il a tué quelqu'un!"

Elle tournait en rond dans la pièce sans savoir par ou commencer pour expliquer la situation. Du point de vue du narrateur, tout était pourtant simple. Deux jours après leur arrivée en Laponie, Chloé avait réussi à convaincre Peter de lui présenter sa mère. Elle qui avait toujours vécu dans une famille proche pensait que c'était important, crucial, et de toute façon inévitable de rencontrer sa future belle-mère, d'autant plus que celle-ci allait être grand-mère. Elle estimait que Mrs Virtanen avait tous les droits de connaître son petit-enfant.

Mais Peter n'avait pas semblé ravi et il avait fallu qu'elle use de tous ses arguments pour le convaincre. Elle l'avait probablement eu à l'usure, vu qu'elle lui en parlait depuis que Crispin avait prononcé le mot "Laponie" en début d'année. Ils étaient donc allé voir la père de Peter le mardi soir. La soirée avait été très agréable, même si elle avait senti un étrange malaise entre la mère et le fils. On comprenait vite que Peter et elle n'étaient pas aussi proches qu'elle-même et sa propre mère.
Mrs Virtanen était une femme un peu froide, mais polie et gentille. Elle avait semblée heureuse de la nouvelle, bien que très surprise. Mais on sentait chez elle, derrière sa retenue, une tristesse amère que Chloé ne s'expliquait pas. Peut-être était-ce ce à quoi ressemblaient que toutes les femmes de Mangemorts emprisonnés ou morts en tant que tels. Et le fait que Peter vive à l'étranger ne devait qu'accroître sa solitude.

Malgré ces tristes constatations, la soirée s'était bien passée, et Chloé était revenue très contente. Peter, pour une fois, avait semblé heureux aussi, mais maintenant qu'elle savait, Chloé savait que cette bonne humeur n'avait été en réalité que du soulagement. Oh, comment avait-elle fait pour ne se rendre compte de rien plus tôt?

Cet après-midi, Chloé était retournée seule et sans prévenir chez Irina Virtanen. Peter avait un module alors que le sien avait eu lieu le matin. Elle voulait parler de femme à femme à sa belle-mère. Lui assurer que malgré la distance, elle pourrait voir le petit, savoir ce qu'elle pensait d'elle, peut-être, et apprendre quelques menus secrets que Peter lui aurait caché. Pour ça, elle avait été servie. Elle qui s'attendait à entendre raconter des histoires d'enfance sans importance était tombé sur bien plus gros. Très gros. Trop gros pour elle.

"Je vois bien que vous ne savez pas tout, Chloé." lui avait soudainement dit Irina. Et puis, sans un mot, elle s'était levé et avait sorti de vieilles coupures de journal et les lui avait tendues. "Sachez que je ne fais pas ça pour vous blesser. Mais si vous allez passer le reste de votre vie avec mon fils, vous devez savoir. Les mensonges n'apportent jamais rien de bon et je refuse que mon petit-fils en fasse les frais quand il sera assez grand pour tout comprendre."

Et Chloé avait lu les articles. Elle avait d'abord refusé d'y croire, fermé l'ouvrage, puis l'avait rouvert, crispée, pâle comme la mort, alors que l'idée de l'horrible mensonge de Peter se frayait un chemin dans son esprit.  Elle avait quitté la maison d'Irina dans un état second, n'emportant qu'une coupure avec elle, ne sachant que faire. Son cerveau était à la fois paralysé, ne sachant que faire, et en pleine ébullition. Le poids du savoir lui enserrait la tête et tout ce qu'elle trouva à faire, lorsqu'elle réagit enfin, fut d'aller frapper frénétiquement à la porte de Margot.

"Je... tiens... il faut que tu lises ça!"

Elle tendit à sa collègue l'article. On y voyait un jeune Peter, face à une réplique de lui-même singulièrement plus vieille, dans le box des accusés.

"Mangemort libre, honte à la cour!

Le fils de Jack Carrow, cousin des Mangemorts anglais Alecto et Amycus Carrow, est ressorti libre du procès pour le meurtre d'un né-moldu. La cour l'a déclaré innocent, entendant l'avocat de la défense qui expliquait que seul le père Carrow avait frappé et tué, et que le fils n'avait été que le spectateur impuissant de la scène. Cette décision scandaleuse a fait perdre conscience à la femme malheureuse de la victime. En effet, le procureur avait un nombre de preuves acablantes contre le jeune Carrow que la cour a sciemment ignoré. Cela est sans doute du aux accointances de la famille avec la justice finlandaise, qui..."

L'article détaillait ensuite l'affaire en long en large et en travers. Chloé ne pouvait pas le relire. Cela semblerait encore plsu réel, et ça l'était déjà trop.

Allongée dans son lit de la chambre de cristal, Margot dormait comme une bienheureuse. Le voyage en Laponie était commencé depuis plusieurs jours maintenant et elle avait largement de quoi s'occuper, aussi avait-elle décidé de profiter de ce petit moment de tranquillité pour faire une courte sieste... Qui s'avéra plus longue que prévu. Il fallait dire que Margot était plongée dans un rêve plutôt agréable, le genre dont on n'a pas envie de se réveiller. C'était Noël, et au pied du sapin, Margot trouvait...

Toc Toc Toc !

*Hmmmnoooon laissez-moi dormir...Au pied du sapin, Margot trouvait...*

TOC TOC TOC !

"Margot ! Ouvre ! Il faut que je te parle !"

Reconnaissant la voix mélodieuse de Chloé, Margot ouvrit les yeux à contre-coeur et se précipita hors des couvertures, abandonnant l'idée de poursuivre son doux rêve. Pour que son amie se montre aussi agressive envers la porte de sa chambre, il devait visiblement s'être passé quelque chose. A tous les coups, Danny Sneals avait provoqué un incident diplomatique en tentant d'approcher une fille de l'académie, ou alors un Gryffondor quelconque s'était cassé une jambe sur la glace en faisant une de leurs stupidités habituelles... Poussant un long soupir de lassitude à l'idée de retrouver déjà ses fonctions d'enseignante, Margot renfila rapidement sa robe émeraude, tenta vaguement de discipliner sa chevelure puis fila ouvrir la porte.

Sous ses yeux ébahis, elle vit son amie entrer précipitamment dans la pièce, visiblement dans tous ses états. Alors que Margot s'attendait à un problème lié à leur voyage et à la gravité relative, il s'avéra que la raison de la visite de Chloé était toute autre...

"Je... c'est... C'est Peter... il... il a tué quelqu'un!"

"Pardon ?!", s'exclama Margot, tandis que ses yeux s'arrondissaient. Pendant une seconde, elle crut que Chloé plaisantait mais à en juger par la façon donc elle tournait dans la pièce comme un lion en cage, elle était sérieuse... Margot réalisa avec effarement que sa collègue pensait réellement ce qu'elle venait de dire, à savoir que Peter avait tué quelqu'un. Ce qui était impossible, enfin, voyons !

"Qu'est-ce que tu veux dire ?", finit par demander Margot, perplexe.

"Je... tiens... il faut que tu lises ça!"

Margot attrapa la coupure de journal que lui tendait Chloé et commença sa lecture. Une vieille histoire du procès de deux cousins des Carrow, le père étant un mangemort, et s'étant opposé avec son fils durant un procès au sujet de la mort d'un né-moldu... S'arrêtant après trois phrases, elle leva la tête vers Chloé, fronçant les sourcils.

"Carrow... Mais que...enfin, quel rapport avec Peter ?"

Sans attendre de réponse, elle reporta son attention sur l'article. Au fil de sa lecture, Margot sentit une angoisse diffuse s'insinuer en elle. Ce fils Carrow qui était accusé s'appelait Peter, et ressemblait étonnamment à leur Peter, à en juger par la photo. De plus, toute cette histoire sordide se déroulait en Finlande. La voix de Crispin raisonna à ses oreilles, "l'enfant du pays"... Posant un regard horrifié sur sa collègue, elle murmura d'une voix blanche :

"Je ne suis pas sure de comprendre..."

Elle avait surtout peur de comprendre. Ce que suggérait cet article était effarant, elle ne voulait même pas l'envisager. Pourtant, elle avait beau vouloir repousser de toutes ses forces cette idée horrible qui s'insinuait dans son esprit, Margot ne pouvait s'empêcher d'additionner deux plus deux, et de formuler des hypothèses, de se poser des questions. Tout semblait soudain prendre sens. Pourquoi Peter était toujours si discret au sujet de son passé. Pourquoi il n'avait pas l'air si enthousiaste à l'idée de retourner dans son pays natal. Pourquoi il savait si bien se battre contre les punks aux concerts de rock...

"Peter serait un Carrow ? C'est lui, cet homme qui a été jugé ? Il aurait caché tout ça pendant toutes ces années ? Mais...Pourquoi ?"

Mais la réponse à cette dernière question était évidente. Qui aurait voulu être connu comme Peter Carrow, le fils de mangemort qui a été jugé innocent d'un meurtre uniquement à cause des "accointances de la famille avec la justice finlandaise" ? Par les slips kangourous de Crispin, et qu'allait faire Chloé si tout cela s'avérait être vrai ? Reprenant peu à peu ses esprits, Margot posa un regard angoissé sur le ventre arrondi de Chloé.

*Merlin, faites que tout ceci ne soit qu'un gigantesque malentendu.*

Oubliant pour un instant ses propres interrogations, Margot saisit Chloé par le bras et l'attira vers le lit, où elles s'assirent côte-à-côte.

"Et si tu m'expliquais tout du début", suggéra-t-elle d'une voix ferme.

Toute à son agitation, Chloé ne prêta pas attention à la tenue négligée de Margot. Elle lui tendait la fiche, attendant fébrilement qu'elle la prenne. Elle souhaitait quelque part que Margot réagisse pour calquer son attitude sur la sienne, car à part paniquer et hurler "on va tous mourir", elle ne savait pas quel comportement adopter. Elle savait qu'elle devait se calmer, respirer, prendre le temps de réfléchir, mais elle n'y arrivait pas. Son cerveau était comme un chaudron en ébullition, toutes sonnettes d'alarmes tirées et elle était incapable de les arrêter.

Cependant, la lecture de l'article par Margot semblait apporter plus de questions que de réponses. Bien sûr, comment avait-elle pu ne pas y penser. Margot ne connaissait pas le véritable nom de Peter, seuls elle et Minerva étaient au courant... mais Minerva l'était-elle vraiment? Après tout, Peter avait menti au sujet de son nom, il pouvait avoir menti sur autre chose. Non, non, une chose à la fois. Bien sûr que Minerva ne savait rien, bien sûr. Et ce n'était pas l'important.

"Oui, oui, Peter est un Carrow", souffla-t-elle en réponse à la première question de son amie. "Continue de lire."

Mais Margot n'avait pas l'air de comprendre. Son visage trahissait sa perplexité et sa difficulté à croire l'évidence, même avec la preuve que Chloé lui donnait. Hésitations et questions se succédèrent, sans que Chloé ne puisse y répondre. Elle finit par s'arrêter de marcher, continuant à se tordre les mains, et fixa sa collègue. Il fallait qu'elle fasse quelque chose. Margot avait de la distance par rapport à tout ça, elle saurait quoi faire, comment agir, quelle était la bonne solution. Il fallait qu'elle entende le ton posé de sa voix lui indiquer une direction à laquelle elle puisse se raccrocher et se tenir, avant qu'elle ne fasse une bêtise comme... aller confronter son meurtrier de compagnon qui la tuerait probablement dans la seconde ou elle lui demanderait des explications! Non, non, Peter n'était pas comme ça. C'était un malentendu, il était innocent, il avait été blanchi...

Comme Chloé l'espérait, Margot réagit avec plus de bon sens qu'elle. L'entraînant vers le lit, elle la fit asseoir et lui demanda simplement de tout lui raconter depuis le début. "D'accord", balbutia-t-elle, ne sachant par où commencer. Le calme de Margot la rassura et elle se força à inspirer calmement plusieurs fois. Elle ferma les yeux. C'était bon, elle n'était pas toute seule dans cette affaire. Quelqu'un d'autre savait, elle avait quelqu'un sur qui compter. Ce simple fait la calma suffisamment pour qu'elle puisse rouvrir les yeux et réfléchir (un peu plus) correctement.

"Je... c'a..." Stop. Par où commencer? Raconter le coup de la fausse prophétie ne s'avérerait pas très utile. Ce n'était qu'un jeu qui ne lui avait donné qu'un indice de plus. Et elle allait paraître encore plus bête qu'elle ne l'était déjà. Elle était tombée dans le panneau, avait cru aux mensonges de Peter comme une adolescente de 14 ans. Elle ne pouvait pas en rajouter une couche.

"C'a commencé l'année dernière" réussit-elle finalement à dire. "J'avais remarqué que Peter s'embrouillait souvent lorsqu'on parlait de sa famille. Parfois il disait n'avoir pas connu son père, parfois il disait qu'il était parti quand il était enfant... Et il évitait toujours les questions à ce propos. Et puis, un jour, je suis allée au Ministère et j'ai rencontré un finlandais. Il... Il connaissait Peter. Sous un autre nom. Peter Carrow."

Chloé fit une pause et déglutit plusieurs fois. Jusque là, l'histoire n'avait rien de personnel. Rien de méchant, d'humiliant. Mais à partir de ce point, elle devenait une femme crédule, naïve, immature. Trompée, blessée, et finalement enceinte d'un meurtrier. La belle vie, le bel exemple. Maeva, James, ils avaient raison, elle gâchait tout. Et raconter son erreur, sa déchéance... ça blessait, ça n'arrangeait rien. Prenant tout son courage de Gryffondor à deux mains, elle se passa une main sur le visage et continua:

"J'ai fini par demander des explications à Peter. Il m'a avoué que son père était un Mangemort enfermé à Azkaban. Qu'il n'avait rien à voir avec ça, qu'il ne l'avait jamais connu. Il a dit aussi que Minerva était au courant. Qu'elle lui avait demandé d'enseigner sous le nom de sa mère pour... enfin, tu vois."

Oui, ça, il n'y avait pas besoin de l'expliquer. Un Carrow à Poudlard, ça parlait à tout le monde, c'était la seule partie claire dans cette histoire.

"Il m'a aussi expliqué qu'il avait quitté la Finlande car son nom était trop connu, que personne ne voulait de lui. Je savais comment on traitait les enfants de Mangemort à l'école, alors je n'ai pas réfléchis. J'ai pensé que c'était pareil là-bas, enfin, ici. Mais bien sûr que non! Tu-Sais-Qui n'a pas fait la guerre en Finlande, ils s'en fichent de lui! Ce n'est pas pour ça qu'ils le haïssent! Comment ai-je pu être aussi stupide?!"

Sous le coup de la colère, elle se leva et recommença à faire les cents pas. Oui, stupide, elle l'avait été. Et maintenant, elle portait l'enfant d'un menteur. Elle passa une main sur son ventre, retenant les sanglots qui menaçaient. Elle avait été naïve, elle avait voulu croire que tout serait simple. Au début, la présence ou l'absence de Peter n'était pas importante pour son bébé. Il était à elle. Mais elle s'était laissée abuser par un meurtrier. Son enfant, son bébé, le frère de sa fille, allait porter ce poids toute sa vie. Elle ne pouvait pas supporter l'idée. Elle ne pouvait supporter aucune des conséquences de cette révélation.

Tandis que Chloé s'asseyait et cherchait ses mots, Margot tenta de rassembler ses pensées éparses et de calmer son rythme cardiaque affolé. Cela ne servait à rien de perdre son calme avant d'avoir tous les éléments en main. Pour l'instant, tout ce qu'elle savait, c'était le contenu de cet article de journal qui semblait plutôt orienté... Margot avait appris depuis longtemps qu'il ne fallait pas se fier aux apparences, même quand tous les éléments semblaient jouer contre quelqu'un, et espérait de tout son coeur qu'une bonne explication pouvait être fournie à cette affaire sordide.

Malheureusement, ce que Chloé lui expliqua ne jouait pas vraiment en faveur de monsieur Peter Carrow. Chloé lui expliquait qu'elle connaissait déjà le véritable nom de Peter, mais que celui-ci lui avait dissimulé la partie "meurtre" de son histoire... Le mensonge en lui-même, si elle pouvait le comprendre, était presque plus effarant que le meurtre. L'Angleterre, avec deux guerres sorcières dans son histoire, était peuplée de sorciers qui avaient du sang sur les mains. Si un meurtre issu d'une bagarre alcoolisée était nettement moins reluisante qu'un acte héroïque contre les forces du mal, il restait cependant excusable, surtout si la justice avait suivi son cours mais...Le mensonge, la dissimulation ? Comment Chloé pouvait-elle pardonner cela ? Que Peter le dissimule à ses collègues et à ses élèves était une chose - quoi que l'enseignante espérait fortement que la directrice soit au courant - mais qu'il cache une chose pareille à la mère de son futur enfant... C'était d'une telle lâcheté !

"Comment ai-je pu être aussi stupide?!"

Face à la détresse évidente de son amie, Margot tenta d'éteindre le vent d'indignation qui soufflait dans sa poitrine. Si elle s'écoutait, Margot irait bien pourchasser Peter dans les couloirs glacés de l'académie pour lui lancer quelques maléfices bien sentis... Mais pour l'instant, ce n'était pas la priorité. Le problème, c'était Chloé qui se retrouvait dans une situation telle qu'il devait être bien difficile de ne pas paniquer.

"Ne culpabilise pas trop, Chloé. N'importe qui aurait tiré les même conclusions à ta place, je ne connais pas un seul enfant de mangemort qui n'ait rêvé de changer de nom, qu'il soit anglais ou pas... Et je pense que Peter est habitué à...arranger la vérité."

Elle grimaça légèrement à cette remarque, serrant les poings de fureur à la pensée qu'il les avait tous trompés. Voilà le genre de personnes qui enseignait à de jeunes adolescents et qui dirigeait la maison des justes...

"Evidemment, les choses auraient été plus simples si tu avais découvert ça avant...Ou s'il te l'avait confié, surtout."

Margot avait beau vouloir aider son amie, elle ne pouvait dissimuler complètement sa colère. Elle ne pouvait pas le défendre, mais elle devait aider Chloé à trouver la meilleure solution pour elle et pour son enfant.

"Mais ce qui est fait est fait, inutile de ressasser le passé.", ajouta-t-elle d'un ton ferme. C'était le moment d'être pragmatique et de rechercher des solutions, car le bébé dans le ventre de Chloé grandissait de jours en jours. "Je pense que nous manquons d'informations. Cet article dit suggère que Peter était coupable et que la justice l'a laissé filer à cause d'accointances avec sa famille, mais... Accointances ou pas, son père a été emprisonné tandis que lui a été jugé innocent."

Elle s'interrompit le temps de faire du tri dans ses pensées, et reprit :

"Résumons, Peter est un fils de mangemort mais n'est visiblement pas un mangemort lui-même."

Un problème d'écarté, car Margot se doutait que Chloé aurait découvert une marque des ténèbres sur son bras ou des penchants idéologiques dans ses paroles si tel était le cas. Un doute persistait cependant dans son esprit, car elle savait à quel point Peter pouvait être secret et car sa relation avec Chloé ne datait jamais que de quelques mois... Mais ce n'était pas son problème immédiat.

"Je crois qu'il faut lui parler, Chloé. Il faut obtenir sa version des faits, afin de savoir si oui ou non il est responsable de ce meurtre. Et une fois que tu auras toutes les clefs en main, il va falloir prendre le temps de réfléchir calmement à ce que tu veux faire. Est-ce que tu es capable de le pardonner ou non, est-ce que tu veux qu'il fasse partie de ta vie et de celle de son enfant."

Margot se leva pour rejoindre la jeune femme qui faisait les cent pas. Elle posa une main réconfortante sur son épaule et croisa son regard, puis ajouta d'une voix douce :

"Ca va aller, Chloé. C'est une situation très difficile, et c'est très dur de se dire que Peter a trompé son monde. J'ai encore du mal à le croire moi-même... Mais quoi que tu décides, ça ira, tu ne seras pas toute seule."

Margot avait beau apprécier Peter, éprouver de la sympathie pour les enfants de mangemort et être globalement capable de pardonner un certain nombre de choses, elle ne pouvait accepter le fait qu'il ait mis son amie dans une telle situation. Aussi, elle serait du côté de Chloé quoi qu'elle décide, et était prête à utiliser son influence de sous-directrice auprès de Minerva le cas échéant.

Margot rationalisait la situation, ce que Chloé était incapable de faire, se sentant trop petite face à l'énormité de sa découverte. Elle avait raison, bien sûr. Il n'y avait rien de plaisant à porter un nom aussi marqué que celui des Carrow. Elle-même l'avait entièrement compris le jour où elle avait mis Peter face à ce premier mensonge. Elle ne lui en avait d'ailleurs pas voulu longtemps... pas voulu du tout, une fois qu'il lui avait donné un semblant d'explication. Après tout, n'avait-elle pas elle-même été témoin des difficultés rencontrés par ses élèves dont les parents étaient à Azkaban? Tous n'étaient pas pourris jusqu'à la moëlle. Sauf que.

"Evidemment, les choses auraient été plus simples si tu avais découvert ça avant...Ou s'il te l'avait confié, surtout."

Sauf que ça, oui. C'avait été plus que la honte d'un nom de famille. Les élèves qu'elle voyait tous les jours ne mentaient pas et portaient leur fardeau aux yeux de tous, alors qu'ils n'avaient tué personne! Peter mentait, manipulait, manigançait, et vivait dans la plus parfaite impunité. Il se permettait même d'avoir un enfant et de continuer à mentir! Ce devait être horrible pour la famille de celui qu'il avait tué. De savoir qu'un meurtrier menait une vie parfaitement normale. Heureusement qu'elle avait découvert la vérité. Elle ne le laisserait pas s'en tirer comme ça.

"Oui c'est... enfin je comprends qu'il ne veuille pas le dire mais, on va avoir un enfant... ce n'est pas rien! Il n'avait pas le droit de me le cacher, de se permettre de faire comme si de rien n'était. Il va gâcher la vie du petit, la mienne! Je ne veux pas qu'on regarde mon enfant de cette manière."

Non, elle ne voulait pas voir le dégoût dans les yeux des autres. Pour le bonheur de son bébé, elle ne pourrait jamais rien dire sur Peter. Elle ne voulait pas qu'il subisse ce que d'autres avaient subis. Oh, si Minerva découvrait la vérité! Elle espérait que Margot ne dirait rien aussi, mais elle ne pouvait pas le lui demander. Chloé était coincée, condamnée à gérer presque seule cette situation qui la dépassait, parce que Peter avait osé mettre une autre vie en jeu que la sienne. Elle ne lui avait pas laissé le choix sur sa grossesse, parce qu'il ne lui avait rien dit... et maintenant, il était trop tard. Aurait-elle changé d'avis? Peut-être que...

Mais Margot l'arrêta sur sa lancée, lui disant qu'il ne servait à rien de ressasser. Elle trouva même des points positifs dans ce capharnaüm qu'était la situation. Peter avait été jugé innocent, il ne portait pas la marque des Ténèbres. Oh, ça, au moins, elle en était sûre. La marque des ténèbres ne se cachait pas, c'était de la magie trop noire. Elle avait travaillé suffisamment longtemps au Département des Mystères pour le savoir. Mais... brusquement, un autre détail bien moins réjouissant lui revint en mémoire.

"Oh... on ne sait pas s'il est un Mangemort. La marque ne peut pas être cachée par un Sortilège, mais elle est devenue quasiment blanche depuis que Tu-Sais-Qui a disparu... je n'ai jamais fait attention!"

Non, non, il fallait qu'elle se calme. Si Peter avait été un Mangemort, son père l'aurait dénoncé pour ça, au lieu d'ajouter une charge à son casier, non? Oh, on ne pouvait jamais savoir avec ces raclures! Mais Peter ne se comportait pas comme un Mangemort, et puis, personne d'autre à part son père ne l'avait dénoncé. Tous ceux qui avaient été arrêtés étaient connus du cercle. Peter aurait été arrêté, s'il avait porté la Marque. Forcément. Oui, forcément, mieux valait penser à cela.

"Je crois qu'il faut lui parler, Chloé. Il faut obtenir sa version des faits, afin de savoir si oui ou non il est responsable de ce meurtre. Et une fois que tu auras toutes les clefs en main, il va falloir prendre le temps de réfléchir calmement à ce que tu veux faire. Est-ce que tu es capable de le pardonner ou non, est-ce que tu veux qu'il fasse partie de ta vie et de celle de son enfant."

Margot avait mis le doigt sur le problème. Ce que Peter avait pu cacher restait accessoire, finalement. C'était le mensonge en lui-même qui la déstabilisait, par sa taille, par l'intention qu'il y avait derrière. Pardonner? Elle ne savait pas si elle en était capable. Pour le moment en tout cas, elle n'en avait ni l'envie, ni la volonté, ni la force. Pour ce qui la concernait, Peter pouvait aller brûler en enfer. Vouloir de lui pour son enfant? Elle ne savait pas, c'était voir trop loin. Mais ce qu'elle savait à cet instant, c'est que ce serait elle qui déciderait. Le mensonge de Peter lui avait fait perdre tout droit. Chloé ne pensait pas à autre chose. Cela suffisait pour l'instant.

Elle se retourna vers Margot qui s'était approchée pour l'assurer de son soutien. Esquissant un faible sourire, elle répondit:

"Merci Margot. Je ne sais pas ce que j'aurai fait sans toi, une bêtise sans doute. Je... je vais aller lui parler, tu as raison. Il ne rentre que ce soir, j'aurai le temps de... de faire le tri. Mais il a menti. Menti à tout le monde. Je ne sais pas ce qu'il dira pour sa défense, mais pour l'instant, je n'en veux pas dans ma vie. Je vais demander un autre chambre à Ludmilla, je crois."

Margot hocha la tête avec compréhension lorsque Chloé affirma ne pas vouloir que l'on regarde son enfant de cette manière. Elle ne savait que trop bien ce que cela faisait, les regards dégoûtés et méprisants à cause des frasques meurtrières de son père. Et encore, elle était presque adulte lorsque cela lui était arrivée, tandis que l'enfant de Chloé devrait connaître ça toute sa vie... D'un autre côté, l'analogie avec sa propre vie la fit réfléchir un peu plus. Elle savait aussi comme il était facile de se réfugier dans un autre pays pour tenter d'oublier un passé trop douloureux, dans un endroit où son nom n'avait aucune signification. Elle pouvait comprendre Peter, même si elle le trouvait profondément lâche de ne pas avoir assumé au moins avec la femme dont il partageait la vie. Qui plus est, ce n'était pas parce que Chloé était au courant que toute l'école devait l'apprendre.

Margot se demanda comment elle allait gérer ça si elle devenait directrice l'an prochain et que Chloé souhaitait conserver Peter à l'école. Le garder comme enseignant en connaissant la vérité serait difficile, sans parler de son poste de directeur de Serdaigle. Enfin, il n'était pas encore temps de penser à cela, se morigéna-t-elle en rapportant son attention sur Chloé. Ils verraient ça à tête reposée. Margot comptait bien avoir une discussion privée avec Peter elle aussi, mais plus tard, lorsque Chloé aurait éclairci la situation.

Celle-ci la remercia justement et annonça qu'elle allait lui parler, et demander une autre chambre à Ludmilla.

"Bonne idée. Envoie-le dormir avec Crispin, ça lui fera les pieds."

Les pieds, c'était le cas de le dire, si elle en croyait les récits peu ragoutants de Samuel... Margot esquissa un sourire amusé à la pensée de la punition qu'allait recevoir Peter : une nuit avec son astronome préféré ! Puis elle retrouva son sérieux et, prise d'un élan de compassion pour son amie, serra brièvement Chloé contre elle.

"Courage, Chloé. Et rappelle-toi que je suis là pour t'aider, de quelque façon que ce soit."

Comme, par exemple, en mettant des coups de pied dans le derrière finlandais de leur collègue... Chloé prit ensuite congé de Margot, voulant réfléchir avant de confronter Peter. Une fois seule, Margot se laissa tomber un instant sur son lit, étant toujours en train d'encaisser la nouvelle. Elle avait encore du mal à croire que Peter les aient tous dupés ainsi... Au bout d'un moment, elle se leva en soupirant, arrangea sa tenue et sortit de sa chambre. Même si elle aurait voulu profiter d'un plus long moment de solitude pour réfléchir à tout ça, elle devait retourner à ses obligations. Il fallait commencer à voir les détails pour le bal de fin de semaine...