Wanted [PV Cécilya]

27 novembre 2006

Artémis était rentrée de Laponie la veille. Trop fatiguée pour faire quoi que ce soit, elle s’était affalée sur son lit et avait dormi de tout son saoul. Mais les cours reprenaient dès aujourd’hui et elle avait couru toute la journée sans même croiser son frère. C’était pourquoi elle profitait de la pause méridienne pour le chercher. Elle avait hâte de lui raconter son voyage, notamment la dernière soirée qui avait été riche en émotions. D’ailleurs, elle avait été déçue qu’il ne vienne pas la trouver lui-même. L’histoire du tremblement de terre avait déjà fait le tour de l’école mais Théo ne s’inquiétait visiblement pas pour elle ! Enfin, peut-être avait-il à faire, après tout, il repassait ses ASPICs. D’ailleurs, elle avait entendu dire qu’il s’était passée des choses étranges durant leur semaine d’absence, et elle voulait qu’il lui raconte le détail.

Comme elle entrait dans le Hall, elle aperçu Cécilya Richardson qui s’y trouvait.

« Cécilya ! » appela-t-elle sans réfléchir.

Mais elle avait à peine fini de prononcer le prénom qu’elle le regrettait. Elle n’aimait pas la Serpentard. Celle-ci était sûre d’elle, orgueilleuse et belle. Et surtout, Théo l’adorait. Artémis ne comprenait vraiment pas pourquoi, et elle pensait amèrement qu’il aurait souvent préféré lavoir Cécilya pour petite sœur plutôt qu’elle. Parce que Cécilya brillait, quand personne ne connaissait Artémis.

Assumant néanmoins son cri, la jeune Poufsouffle se dirigea vers sa camarade d’un an de moins.

« Bonjour, j’espère que tu vas bien » dit-elle d’un ton neutre en guise d’introduction formelle. « Tu ne saurais pas où se trouve Théo, par hasard ? Je le cherche. »

Restait à espérer que Cécilya était bien lunée, lui donnerait une réponse (positive) à sa question et qu’elles en resteraient là. Artémis se sentait trop fatiguée pour supporter stoïquement le caractère et l’envie que lui inspirait sa camarade.

Alors qu'elle approchait, Artémis vit Cécilya chasser les pauvres filles qui lui servaient d'amis. Elle-même n'aurait jamais supporté de se faire traiter comme un insecte par cette gamine capricieuse. Elle préférait encore être seule que soumise au bon vouloir de Richardson. Les suivantes devaient vraiment être désespérées pour préférer Cécilya à la solitude. Ou ne pas oser déplaire à leurs parents, ce qui était possible aussi. Artémis n'était pas aveugle; elle savait que certains parents prendraient encore très mal le fait de voir leurs enfants fréquenter qui ils voulaient. Intérieurement, elle remercia sa mère pour sa tolérance, et son père pour ne pas la juger sur ce qu'elle faisait les rares fois ou elle allait le voir à Azkaban.

Lorsqu'elle arriva à la hauteur de la Serpentard, celle-ci la salua. L'une comme l'autre ne semblaient pas enchantées de la conversation et Artémis en conclu avec plaisir que celle-ci se finirait vite. Ou pas. En effet, même si Cécilya faisait toujours preuve de réserve à son encontre, elle ne savait vraiment pas mettre sa langue de vipère dans sa poche.

" Théo ? C'est ton frère, tu devrais le savoir mieux que moi ... non ? As-tu essayé la bibliothèque ?"

"Oui, j'ai essayé" répondit Artémis d'un ton las.

Elle dut réprimer une forte envie de lui lancer un rictusempra, car elle avait touché le coeur du problème. Théo avait beau être un Nott, c'était toujours Richardson qui savait mieux qu'elle ou il était. Comme s'il considérait Cécilya comme une "grande" et Artémis comme une petite. Peut-être devrait-il aller habiter quelques temps chez les Richardson, histoire de voir Cécilya traitée comme une enfant par ses parents. Elle était sûrement moins fière qu'à l'école, si elle avait reçu une éducation "correspondant à son rang". Théo se rendrait alors compte qu'Artémis, à défaut d'être un petit bijou brillant et précieux, avait un cerveau. Elle aurait aimé lancer un "c'est peut-être mon frère, mais je sais marcher toute seule, moi" acide, mais savait qu'elle n'aurait jamais le dessus sur sa camarade. Pourtant, la fatigue et l'envie de répondre eurent le dessus et elle finit par lâcher:

"J'ai cherché partout ou il est d'habitude... C'est peut-être mon frère, mais tu as été plus proche de lui que moi, physiquement parlant, cette semaine."

Ce n'était pas parce qu'elle pensait que Théo préférait Cécilya qu'elle allait le reconnaître. Au contraire, tout poussait la Poufsouffle à faire comprendre à sa camarade qu'elle n'avait rien à faire avec Théo. Elle ne savait pas trop pourquoi elle appréciait l'aîné Nott et espérait que ses parents ne lui avaient jamais mis des idées de mariage en tête.

"Tu as probablement eu l'occasion de parler avec lui ou de le croiser, c'est pourquoi je te demande ou il est."

"Que suis-je censée comprendre, dis-moi ? Serais-tu en train de me comparer à Lorgan ? Théo est mon second frère. Nous ne partageons pas le même sang mais c'est pareil que si ça l'eut été. Je suis aussi complice avec lui qu'avec Duncan. Oups ... désolée. Néanmoins, je ne remets pas en question votre ... fraternité."

Cécilya continua à parler, enfonçant le clou. Elle savait frapper là ou ça faisait mal, songea Artémis en serrant les poings. Chaque parole de la Serpentard s'enfonçait dans son coeur, l'affaiblissant, lui nouant la gorge. Elle serra les lèvres pour retenir les sanglots qui menaçaient. Non, elle ne pouvait pas perdre la face devant elle. Elle ne devait pas. Sinon, elle se moquerait encore d'elle et tout ce qu'elle avait fait depuis le début de l'année pour se sortir du cercle vicieux des moqueries aurait été en vain. Ne pas pleurer... ne pas pleurer... mais ses efforts furent vains. Les larmes finirent par rouler sur ses joues et elle se courba, les mains sur le visage pour masquer ses sanglots, tandis que Cécilya la fixait d'un air supérieur.

"COUPEZ!" lança le réalisateur en s'extirpant de derrière la caméra. "Ca ne va pas Artémis. Pas du tout. Tu es un personnage fort, d'accord, même si tu ne le montres pas. Il ne faut pas t'effondrer comme ça, ça ne colle pas avec la scène, elle est trop tard dans l'histoire. Tu ne dois pas rester au début, tu as évolué depuis. Tu dois rester digne, tu comprends? Oh, et tu as gâché ton maquillage, maquilleuse! Tout de suite!"

La jeune fille se contenta d'acquiescer aux paroles de son supérieur, gardant un visage fermé pour ne pas nuire à sa concentration. Face à elle, Cécilya s'était détendue et marmonnait ses répliques, car elle avait tendance à s'embrouiller sur le "Théo est mon second frère", ce qui leur avait valu plusieurs fous rires en début de matinée. Mais il était temps de rattraper le retard et de réussir la prise, aussi les deux actrices ne perdirent pas de temps en futilité et se replacèrent dès le raccord terminé.

"Et... ACTION!"


"Que suis-je censée comprendre, dis-moi ? Serais-tu en train de me comparer à Lorgan ? Théo est mon second frère. Nous ne partageons pas le même sang mais c'est pareil que si ça l'eut été. Je suis aussi complice avec lui qu'avec Duncan. Oups ... désolée. Néanmoins, je ne remets pas en question votre ... fraternité."

Oh, visiblement, elle avait vexé mademoiselle la princesse. Artémis considéra son vis-à-vis avec mépris, et comme celle-ci s'arrêtait pour réfléchir, elle contrattaqua sans mal:

"Oh, je n'avais pas pensé à Lorgan, mais maintenant que tu le dis... Tu es comme elle, tellement sans amis que tu en es réduite à être la putain d'un Sang-Pur pour espérer avoir un avenir. Oups... désolée. Néanmoins, je ne remets pas en question votre... amitié."

"COUPEZ!" Artémis grogna intérieurement lorsque monsieur le metteur en scène se permis d'intervenir. Il n'était jamais content celui-là. Allons donc, qu'allait-il lui reprocher, cette fois-ci?

"Bon, tout à l'heure tu étais en retard, maintenant tu es en avance! Tu vas finir par trouver le bon tempo, oui? On n'en est que dans le second quart de l'histoire, tu ne peux pas avoir autant de morgue. Tu me rappelles une petite jeunette que j'ai dirigé, Cassie Harper, insupportable, mais elle collait bien au personnage. Mais Artémis n'a rien à voir, ok? Elle n'a pas encore cette force, faut que tu le comprennes. Pour l'instant, elle réponds avec ses tripes, garde ça en tête. Allez, allez, on se replace et... ACTION!"



"Que suis-je censée comprendre, dis-moi ? Serais-tu en train de me comparer à Lorgan ? Théo est mon... frère. Aah, non, c'est pas ça, je recommence... ... Que suis-je censée comprendre, dis-moi ? Serais-tu en train de me comparer à Lorgan ? Théo est mon con de frère... Quoi, qu'est-ce que j'ai dit?"

Artémis n'était pas la seule à retenir vainement un éclat de rire après les paroles de sa collègue. Le perchiste tremblait et la scripte serrait convulsivement ses papiers. Finalement, ce fut la brunette qui céda et fut suivie par cinq ou six personnes. Mais le chef Harris était un perfectionniste et détestais qu'on lui fasse perdre son temps. Aussi, cinq secondes ne s'étaient pas écoulées que sa douce voie mélodieuse résonna à nouveau.

"Ah non, ça suffit! Cécilya, si toi aussi tu t'y mets, on ne va pas s'en sortir! Alors concentre toi pour une fois, et fait un effort. Silence! Silence, tout le monde! Et... ACTION!"



"Que suis-je censée comprendre, dis-moi ? Serais-tu en train de me comparer à Lorgan ? Théo est mon second frère. Nous ne partageons pas le même sang mais c'est pareil que si ça l'eut été. Je suis aussi complice avec lui qu'avec Duncan. Oups ... désolée. Néanmoins, je ne remets pas en question votre ... fraternité."

CHBAM ! Artémis n'avait pas pu se retenir. La gifle était partie toute seule, avec une telle force que Cécilya chancela.

"Oups... désolée, je ne voulais pas frapper aussi fort!"

Artémis adressa un regard contris à Cécilya qui se relevait, plus étonnée que sonnée.

"COUPEZ!" Harris semblait furieux. "Artémis, tu es plus mesurée d'habitude! Fais plus attention, j'espère que tu n'as pas abîmé Cécilya, sinon on va encore prendre du retard et on ne peut pas se le permettre!"

"Non ça va, je n'ai rien" dit la concernée en se relevant. "Je devrais m'en sortir avec un raccord maquillage!" Parfaitement d'accord, la maquilleuse s'agitait déjà devant elle, replaçant les boucles blondes sur ses épaules et vérifiant son fond de teint. "Heureusement que tu n'as pas d'ongles, quand même!"

"Oui, heureusement... Encore désolée, je ne pensais pas aller si vite, je croyais que tu aurais le temps d'esquiver. Je ferai mieux à la prochaine."

"Tu as intérêt, ma fille, parce que là, tu es désespérante! Faut-il être une Gryffondor pour ne rien comprendre à mes directives, franchement!"

"Eh, vous m'avez dit de jouer avec mes tripes, je joue avec mes tripes! Si j'avais une petite mijaurée de ce style qui se fiche de ma tête en face de moi, je ne lui mettrai pas qu'une baffe, croyez-moi!"

Surtout si elle venait de passer la matinée à supporter sans broncher un vieux tordu qui ne digérait toujours pas sa paternité... comme quoi, les magasines people pouvaient parfois vous apporter des informations utiles sur vos relations professionnelles. Coupant Harris qui allait encore s'énerver, elle ajouta:

"Et puis ça serait plus simple si vous m'aviez donné un script, au lieu d'écrire simplement 'brillante inspiration à venir' !"

Et elle se tourna résolument vers le plateau, ignorant son supérieur qui retourna à sa caméra en grommelant des choses à propos des erreurs de répartition. Artémis s'efforça de se calmer, espérant réussir la scène à la prochaine prise, et adressa un regard désolé à Cécilya qui avait pris à la place de l'homme. Heureusement, elle croyait saisir ce qu'il voulait, enfin...

"Allez tout le monde en place... Et... ACTION!"


"Que suis-je censée comprendre, dis-moi ? Serais-tu en train de me comparer à Lorgan ? Théo est mon second frère. Nous ne partageons pas le même sang mais c'est pareil que si ça l'eut été. Je suis aussi complice avec lui qu'avec Duncan. Oups ... désolée. Néanmoins, je ne remets pas en question votre ... fraternité."

La première réaction d'Artémis à l'entente de ces paroles empoisonnées furent de la peine, de la douleur. Cécilya touchait là ou cela faisait mal, et cette garce le savait. Elle était pleinement consciente des faiblesses de sa rivale et en profitait. Mais, sans qu'elle ne sache pourquoi, Artémis ne pleura pas. Elle serra les poings et considéra Cécilya, luttant contre les sanglots alors que celle-ci parlait. Non, elle ne pleurerait pas, non, elle ne pleurerait pas... et elle ne pleura pas. Au lieu de cela, elle pensa à combien c'était mesquin de la part de la blonde de se moquer d'elle, de l'attaquer sur un terrain facile, et cela la mis en colère. Elle eut envie de la frapper, de la griffer, de lui arracher sa bouille d'ange et ses robes hors de prix.

Mais elle ne pouvait pas le faire. Pas ici du moins. Elle aurait probablement la supériorité physique sur la fragile poupée qui lui faisait face, mais celle-ci s'empresserait de retourner la situation à son avantage, pleurnichant dès qu'un professeur apparaîtrait et la faisant passer pour la méchante. Non, frapper n'était pas une option. Artémis voulait lui lancer à son tour des remarques blessantes à la figure. Elle sentait l'envie qui la tiraillait, mais les mots se bousculaient dans son cerveau et si elle ouvrait la bouche, elle ne réussirait qu'à éructer des paroles incompréhensibles qui la rendraient ridicule.

Et ridicule, elle ne l'était pas encore. Et elle ne le deviendrait pas. Elle avait fait du chemin, depuis l'année dernière. Elle s'était présentée aux sélections, elle avait eu le poste, elle avait gagné un match. Elle avait rassuré Nora, était partie en Laponie, avait affronté le froid glacial du pays nordique et avait passé la soirée du bal avec Danny Sneals sans rougir (ou presque). Elle avait même reçu deux invitations de garçons lapons et avait même brillé par ses connaissances en danse durant le bal (même si elle avait été la première surprise que les cours de sa mère lui soient finalement utiles). Elle ne se laisserait pas faire.

Peut-être n'aurait-elle jamais la verve de Cassandre Harper ni la hargne de la Harpie. Après tout, les langues de vipères ne semblaient pas être nombreuses à Poufsouffle. Mais il lui restait un échappatoire, une issue que Cécilya et son petit jeu de petite fille adorable venaient de lui offrir sur un plateau. Elle aussi pouvait prendre les choses au mot et jouer l'ingénue. C'est ce qu'elle fit, tandis que la Serpentard semblait réfléchir.

"Oh, Cécilya, je suis désolée que tu aies pris ça comme ça!" dit-elle en affichant une moue confuse des plus convaincantes. "Je n'avais même pas pensé à Lorgan, vois-tu, ce n'est pas le genre de personnes que je fréquente!"

Et oui, il y avait bien un sous-entendu, disait son regard. L'accentuation sur le je était imperceptible, et Artémis doutait de l'avoir mise, mais elle l'avait en tout cas pensé très fort. Cependant, comme il fallait s'y attendre, la joute n'était pas terminée. Artémis se doutait qu'elle n'arriverait pas à bout de Cécilya aussi facilement que d'Ahren Keller. Cécilya partait avec des longueurs d'avance, et la seule chose qui l'intéressait, ce n'était pas de gagner, elle ne pouvait pas. Elle voulait juste ne pas perdre la face. Elle se le devait à elle-même.

"Effectivement, Théo et moi nous sommes bien amusés la semaine dernière. Le bord du lac, des discussions dans la bibliothèque et la vue sur les étoiles depuis la tour d'astronomie. C'était vraiment cool. Cela dit, comme tu sembles penser que je ne suis pas si complice que ça avec notre frère, je ne suis pas sûre d'être la plus appropriée pour savoir où il se trouve. Le lac, as-tu essayé ?"

L'envie de frapper revint à nouveau, mais Artémis se maîtrisa. Cécilya faisait des montagnes des quelques mots qu'elle avait prononcé, alors qu'elle se savait parfaitement capable de déstabiliser Artémis d'un seul regard. Cela lui apprenait quelque chose... Théo n'était pas que son point faible à elle, il était aussi celui de la Serpentard. C'était une bonne chose à savoir. Théo préférait peut-être la blonde pour l'instant, mais Artémis serait toujours sa soeur, et elle savait que son frère accordait de l'importance à la famille. Le lien du sang, au moins, était indestructible.

Cependant, l'agitation de Cécilya lui fit penser à autre chose. Elle avait souvent eu cette hypothèse en tête, sans l'envisager sérieusement. C'était facile de parler de mariage quand elle savait pertinemment que son frère n'était pas fan de gamines de leur âge, mais elle n'avait pas pensé à ce que Cécilya pouvait ressentir. Nul doute qu'elle devait éprouver une sorte de fascination pour l'ainé des Nott. Et plus, si elle s'agitait ainsi de la sorte... Artémis voulu en avoir le coeur net, aussi continua-t-elle son jeu, affichant toujours un regard teinté d'inquiétude.

"Je suis vraiment navrée que tu te sentes obligée de dire tant de méchancetés pour quelques mots maladroits. Je n'insinuais rien du tout, je pensais que tu comprendrais... Mais tu étais trop occupée devant ton miroir pour remarquer que j'étais en Laponie, je pense. Ce n'est pas grave, j'ai l'habitude. Je vais aller voir près du lac, comme tu m'as dit."

Elle fit mine de faire demi-tour, puis stoppa net et se retourna lentement, comme si elle venait de réaliser quelque chose. Abandonnant l'air de chaton blessé, Artémis choisit une mine préoccupée et revint sur ses pas.

"Attends, je viens de réaliser quelque chose... Ta réaction disproportionnée... serais-tu en train de dire que toi et Théo...? Oh, j'espère que cela veut dire que l'on aura la joie de t'accueillir dans la famille d'ici quelques années! Même si, à ton âge... J'espère quand même que tu n'es pas aussi complice que ça avec ton frère, sinon c'est un peu... glauque. Enfin, cela ne me regarde pas."

Cracher son venin procurait à Artémis une joie malsaine. Ce n'était pas souvent qu'elle en avait l'occasion. Elle avait conscience que sa mine défaite et soumise devaient procurer un sentiment de victoire à Cécilya, mais elle s'en fichait. Ce qui comptait, à cet instant, c'était elle-même. Elle, et rien d'autre.

Vipère, peste, garce, pétasse... les mots ne manquaient pas à Artémis pour décrire Cécilya. Celle-ci avait apparemment compris qu'elle cherchait à la déstabiliser, et répondit de la plus violente des manières. Artémis ne saisit pas comment elle l'avait percée à jour. Elle avait tout fait pour paraître docile et humiliée, et elle était certaine qu'elle y était parfaitement arrivée, ne serait-ce que parce qu'elle savait parfaitement comment se comporter dans ce genre de situation, ces moments qu'elle avait vécu trop souvent. Elle n'avait jamais joué à ce petit jeu avant, alors pourquoi Cécilya était-elle aussi méchante en répondant? Elle aurait dû exulter et partir en se sentant vainqueure, pas continuer le duel. Peut-être qu'elle était paranoïaque et croyait que tout le monde était comme elle. Oui, ce devait être ça. C'était logique, après tout, elle était tellement méchante et égocentrique qu'elle devait s'imaginer que tout le monde complotait pour prendre sa place.

Mais réduire Cécilya à cela n'aidait pas Artémis. Elle entendit les mots plein de venin de sa camarade. Oh, une partie de son discours était tout bonnement ridicule et incroyable. Richardson, ne jamais se regarder dans un miroir? Ca revenait à demander à Fitcher de faire un discours d'une heure trente. Mais le reste, le reste était atroce.

Elle pouvait affronter la partie sur Théo. Si les premiers "Mon second frère... Théo étant mon frère... les chouettes moments que j'ai passé avec Théo..." la secouèrent, sa colère remplaça bien vite sa faiblesse. Cécilya en faisait trop. Elle ne voulait que la blesser en lui faisant croire que Théo ne vivait que pour elle. Artémis ne pouvait pas marcher, c'était trop facile, trop humiliant, trop énorme. Théo avait dix huit ans, Cécilya n'en avait que quatorze, et même si l'ainé Nott l'appréciait, il devait la trouver immature et ridicule par moment. Il n'aurait jamais passé ses journées entières à écouter son babillage incessant. Après tout, il ne le faisait pas en temps normal, pourquoi aurait-il changé ses habitudes? Elle n'avait jamais douté que Théo l'aimait. Ce qui la tuait, c'était que Théo semblait plus intéressé par la vie de Cécilya que par la sienne et qu'elle ne comprenait pas. Si encore, il s'était entiché d'une fille sympathique, comme Blackbonnes ou Guipure, elle aurait pu comprendre, et peut-être accepter. Mais Cécilya était une petite quatrième année, immature et impérieuse, et à part prôner les mêmes idéaux dépassés que leur père, elle n'avait rien d'intéressant. Artémis pensa furtivement que Cécilya était consciente de cet état de fait, et que les tonnes de sur-entendu dans son discours avait autant pour but de blesser Artémis que de se convaincre elle-même. Artémis ferma les yeux et se répéta mentalement ces phrases, sans s'arrêter, pour s'en persuader.

C'aurait pu marcher si cette saleté de Serpentard n'avait pas saupoudré son discours farfelu de mots pires encore. "Naïve et crédule, ma chérie..." Non mais pour qui la prenait-elle? Jusqu'à preuve du contraire, c'était elle qui n'était qu'en quatrième année. Et s'il y avait une chose dont elle était sûre, c'était de lire parfaitement le petit jeu malsain de Richardson. "tu es importante, dans une moindre mesure... Oublié que tu étais en Laponie". Elle s'amusait. Cette garce s'amusait. Et elle n'arrivait pas à rester froide en face d'elle, elle n'arrivait pas à ignorer ses piques. Elle avait mal, elle se sentait humiliée, elle voulait la frapper et pleurer... Mais elle ne avait pas comment elle arrivait à retenir ses larmes et sa rage. Face à Cécilya, elle se contenta de blêmir et de se renfermer.

Jusqu'à ce que celle-ci, après un ultime 'ma chérie', se permette de lui tapoter la joue. Le corps d'Artémis réagit sans qu'elle n'en ai vraiment conscience. Sa main jailli et, avant qu'elle ou Cécilya n'ait pu comprendre ce qu'elle faisait, elle avait fait une clé au bras de sa rivale et serrait, serrait son poignet. Cécilya ne pouvait pas se dégager. Artémis était plus grande, plus forte, plus en colère. Elle voulait lui faire mal et n'avait pas peur, elle, de se casser un ongle.

La Poufsouffle avait compris qu'au jeu des sous-entendu, elle ne pourrait pas gagner. Aussi décida-t-elle d'être honnête et, sans vraiment y penser, libéra sa rage. C'était la première fois que la colère prenait autant le pas sur l'humiliation. C'était la première fois qu'elle se sentait aussi sûre d'elle.

"Ne t'avises plus jamais de me toucher, Richardson, sinon je t'avertis que ta petite face de poupée en porcelaine va rencontrer ma batte."

C'était une menace et elle l'assuma pleinement. De toute façon, Cécilya ne pouvait rien faire contre ça, c'était sa parole contre celle d'Artémis. Et qui irait croire cette petite peste quand elle affirmerait que la gentille fille de Poufsouffle lui avait promis de lui refaire le portrait? Personne. De cela au moins, Artémis avait la certitude. Mais elle enchaîna immédiatement, trop furieuse pour prendre le temps de penser.

"Ensuite, tu vas arrêter ton petit jeu de garce avec moi, parce que ça ne marche pas. Je n'ai pas d'ordres à recevoir d'une gamine en crise parce que son vrai frère se fout d'elle. Après tout, pourquoi serais-tu jalouse que Théo ne soit pas ton frère, sinon? Duncan doit en avoir marre de tes caprices, parce que sinon, tu ne crèverais pas d'envie de partager le sang de Théo. Sauf que sa vraie soeur, c'est moi. Et ça, ton petit ego de princesse ne le supporte pas."

Elle lâcha brutalement sa cadette en la poussant vers l'avant, et lui lança:

"J'aurai toujours une longueur d'avance sur toi de ce côté-là et tu le sais. Admire Théo autant que tu veux, mais ne me traite plus jamais ainsi sinon je te jure que tu peux lui dire adieu."

Et elle croyait ce qu'elle disait. Si Cécilya se permettait de la traiter une fois encore comme une moins que rien, elle forcerait Théo à s'éloigner d'elle. Elle passerait par sa mère, par son père, par tous les amis de Théo qui ne juraient que par le sang et la famille s'il le fallait. Cela lui prendrait le temps qu'il faudrait, mais elle savait qu'à la fin, Richardson perdrait la partie. Parce que Théo était son frère, à elle, et même s'il l'avait voulu, il n'aurait pu changer ça.