Collision dans un wagon [PV Nathan]

1er Septembre 2006

Joy jeta un dernier regard sur sa mère. Cette dernière était seule car son mari n'avait pas daigné accompagner sa fille à la gare, mais Joy n'en avait rien à faire. Elle observait cette posture guindée, ces mains d'aristocrate baguées, ce chignon serré donc aucune mèche ne dépassait, ce visage qui, malgré sa jeunesse, semblait si vieux. Le visage de sa mère, si conventionnelle et soumise à son mari. Joy se demandait si elle se rapprocherait d'elle un jour. Si elle la comprendrait. La mère et la fille ne se parlaient que pour échanger des banalités, et chacune de leurs paroles sonnaient creux. Faux. Le relation était fausse. Pourquoi le nier ?

« Bon courage, » lui dit simplement sa mère.

Joy leva les yeux vers elle. Elle voyait bien que sa mère n'osait pas. Et pourtant, comme elle aurait aimé avoir une mère sans gène qui ne lui aurait pas dit ce "bonne chance" guindé, mais un "tu vas me manquer ma chérie !". Mais non. Joy se sentait bien bête que ses plus grandes espérances soient celles-ci ; elle devait se contenter de ce qu'elle avait, une mère, c'était déjà bien. Elle ouvrit la bouche dans l'intention de dire quelque chose puis la referma. Non, elle ne pouvait pas. Elle ne serait jamais à l'aise avec sa mère, et c'était tout autant sa faute que la sienne. Chassant sa culpabilité d'une claque mentale, la jeune fille jeta un oeil autour d'elle pour vérifier qu'aucun Moldu indésirable ne les regardait et franchit le mur de brique qui la mena au quai. Sans un au revoir.

La brune serra plus fort la poignée de sa valise et se fraya un passage parmi les adieux déchirants des élèves et de leurs parents. Comme toujours, le quai était bondé. En voyant une fille d'à peu près son âge serrer ses parents dans ses bras, Joy se surprit à la jalouser. Deuxième claque mentale. Elle regarda l'heure sur la grosse horloge qui ornait l'un des piliers : il était presque onze heure, le train partirait incessamment sous peu. Elle se hâta vers le train dont la locomotive fumait déjà. Soudain, elle se sentit trébucher contre une anse de sac. *Non !* Durant le quart de seconde qui suivit, elle supplia Merlin mais en vain. Elle se sentit lâcher sa valise, buta contre quelqu'un et vint se rattraper au bras d'un autre.

« Hé ! Non mais ça va pas ? Tu pourrais faire un peu attention, tu as failli m'arracher le bras ! »

Le petit garçon (qui était trop jeune pour entrer à Poudlard) devait sans doute exagérer un peu, mais peu importe : la valise de Joy n'était plus en vue. Maudissant l'infortuné qui avait accaparé son attention et elle-même par la même occasion, elle fouilla le quai du regard ; entre les parents qui agitaient le bras et les derniers enfants qui montaient dans le train, pas de valise beige en vue. *Douce Morgane, faites que je la retrouve !* Elle vit alors une petite fille montant dans le train avec une valise beige. Prise d'un doute - et si c'était la sienne ? - Joy courut dans la cohue, mais quelqu'un lui tapota l'épaule. C'était le petit garçon. Il demanda poliment :

« Cette valise est à toi ? C'est mon père qui l'a trouvée ! »

Éberluée, Joy saisit la poignée de sa valise, marmonna un merci et se retourna pour voir... le train qui démarrait. Mue par la crainte qu'il parte sans elle, Joy courut à perdre haleine, bouscula, sauta sur le marchepied et rentra avant que la porte ne se ferme. Par chance, le départ du train était lent. La gorge en feu, Joy essuya la sueur qui perlait sur son front et s'appuya contre la paroi, essoufflée. ne croyant pas à sa chance, elle se mit en quête d'un compartiment. Les premiers étaient complets. La Serpentard marcha dans le petit couloir ; par les fenêtre, on voyait la gare qui s'éloignait. Le train fit une violente embardée et Joy qui ne s'y attendait pas - le Poudlard Express est plutôt stable en général - fut projetée contre la fenêtre, cognant brusquement au passage un garçon brun de sa taille.

Nathan se dirigeait vers la gare en traînant les pieds. Il n’avait pas envie de reprendre les cours, de retourner à Poudlard. Il n’aimait pas ça. Complètement inutile, mais bon, il était obligé. Nathan était accompagné de sa mère, mais cette dernière ne pouvait pas l’accompagner jusque devant le Poudlard Express. C’était dommage, il aurait bien aimé qu’elle voit à quel point c’était impressionnant. Tant pis, il prendrait une photo peut-être que ça marchera. Même qu’il prendra une photo sorcière ; au moins, elle pourra voir le mouvement et tout ! Nathan se promit donc de prendre une photo pour sa mère, et il la joindrait dans sa prochaine lettre (qu’il lui enverrait ce soir).

Arrivé devant le mur qui les séparait du quai 9 ¾ , sa mère l’embrassa et lui dit :

« Prends bien soin de toi mon chéri, on se revoit à Noel ! Et je compte sur toi pour m’écrire régulièrement ! »

Nathan sourit, il aimait beaucoup sa mère. Il lui répondit :

« Promis je t’écrirai toutes les semaines ! Et peut-être même que tu auras une surprise dans ma première lettre ! »

Il embrassa sa mère, et lui dit :

« Gros bisous maman, on se revoit à Noel ! »

Et il s’élança vers la barrière. Bien sur qu’il n’allait pas crier à sa mère qu’il l’aimait devant tout le monde. Cela ne se faisait pas. Enfin si, mais pas les garçons comme lui. Quand il arriva sur le quai, il prit son appareil photo (parce que oui, il se baladait avec un appareil photo, mais personne ne devait le savoir ), il prit vite fait une photo du train, rangea discrètement son appareil et se dirigea vers le bord du quai.

Nathan avait beaucoup de mal à se faufiler entre les nombreuses familles, si bien qu’il ne crut jamais arriver à temps dans le train. Une fois arrivé sur le bord, il hissa sa valise et partit en quête d’un compartiment. Bien évidemment, il était en retard, il n’y avait donc pas de places disponibles à l’avant du train. Il continua sa route jusqu’à ce que le train fasse une embardée. Nathan se rattrapa en collant ses mains sur la vitre, mais apparemment, une jeune fille brune n’avait pas eu le même réflexe et l’avait brusquement cogné. Inquiet, Nathan demanda :

« Ca va ? Tu ne t’es pas fait mal au moins ? »

La jeune fille devait avoir son âge, un an de plus au maximum. Nathan se remémora sa rencontre avec Nora Weaver, l’année dernière. Il pensa qu’il devait être vachement attirant pour que toutes les filles le bousculent. Ou pas d’ailleurs, mais il aimait bien rêver.

Le premier réflexe de Joy fut de tâter son bras endolori. Par chance, il semblait en état de marche, et la Serpentard ressentit un immense soulagement. Et si elle s'était vraiment fait mal ? Elle ne pourrait pas intégrer l'équipe de Quidditch, sa seule consolation de l'année scolaire ! Elle devait absolument être présente aux sélections ; Swann Twilfit comptait sur elle - enfin elle en avait eu l'impression. Cette perspective effrayait tout de même Joy : serait-elle à la hauteur de ce qu'on attendait d'elle ? Elle ignorait si elle avait le niveau d'une attrapeuse comme Weaver ou Wright ; certes, elle s'était entraînée dans les champs durant ses mornes vacances, mais toute seule. Une pensée terrifiante s'empara alors d'elle. Et si elle était nommée capitaine ? C'était certes peu plausible, mais elle était justement en sixième année. Et si c'était le cas et que Serpentard perdait après trois années de suite victorieuse, elle en mourrait de honte.

La jeune fille leva alors les yeux vers le jeune garçon qui lui demandait si elle avait mal et l'évalua du regard. D'un oeil désapprobateur, elle reconnut un certain Dale, cancre de son état et l'air un peu benêt, qu'elle avait déjà croisé dans son observation de la nature humaine sans pour autant en connaître beaucoup sur lui. Agacée, elle répondit évasivement en parlant comme à un demeuré :

« Non, je vais bien, mais qu'est-ce que ça peut te faire ? »

Cette question n'attendait pas de réponse : elle avait d'autres hippogriffes à fouetter. Il faut bien avouer que Joy avait des sérieux préjugés et surveillait attentivement ses fréquentations. Dès qu'il s'agissait d'un Gryffondor, inconsciemment, elle se montrait peu aimable et de très mauvaise foi, bien que la rivalité ancestrale entre les deux maisons soit pratiquement éteinte. Le Gryffondor avait justement pris une attitude dévoilant un excès de fierté incommensurable, tout en la regardant. Qu'avait-il donc ? Il croyait qu'elle l'avait bousculé exprès ? Il n'était pourtant pas un dieu humain, loin de là. Ou alors quelque chose clochait chez elle. Joy vérifia furtivement qu'elle portait tous ses habits - dont un superbe haut flambant neuf qu'elle avait acheté chez T&T à la fin des vacances - mais ne trouva rien d'anormal.

« Un problème ? »

Lorsqu’il lui demanda si tout allait bien, la jeune fille releva la tête et le regarda d’un air assez spécial. Il reconnut Joy, la poursuiveuse de l’équipe de Serpentard. S’il ne se trompait pas, elle avait un an de plus que lui. Cette Joy était une très jolie fille ... Mais elle ne devait pas savoir ce que sourire voulait dire. D’ailleurs, Nathan songeait qu’il devait s’en aller au plus vite s’il ne voulait pas avoir le tête arrachée. Puis s’il se faisait arracher la tête, ça serait très dommage, il ne pourrait pas envoyer la photo à sa mère. Il avait toujours eu le sens des priorités, ce n’était pas aujourd’hui que ça changerait.

Puis, Joy s’adressa à lui comme s’il était le dernier des imbéciles. Nathan fut un peu surpris et lui répondit :

« Bah ça serait embêtant que tu te fasses mal le jour de la rentrée. »

Nathan, ou comment avoir un sens de la répartie extraordinaire. D’un autre côté, cette espèce de chose hautaine qui avait quelque chose qui ressemblait vaguement à un brin d’humanité était assez déconcertante. Nathan ne savait pas quoi dire, et quand elle lui demanda s’il avait un problème sur un ton glacial, il fut encore plus surpris que lorsqu’elle parla pour la première fois. Il essaya de paraître hautain comme elle, et le résultat était assez réussi.

« Non, il n’y a aucun problème. Je ne vois pas pourquoi il y en aurait un de toute manière. Tu t’es écrasée comme une mouche sur la fenêtre, je voulais juste savoir si tu allais bien. Mais bon, tu as l’air d’aller bien, alors tant mieux pour toi. »

Et lorsqu’il acheva sa phrase, Nathan tenta de rester impassible. Il l’observa un instant et tourna ses talons. Il était sur le point de partir quand il se rendit compte qu’il avait oublié sa valise. Du coup, son plan d’homme fatal et puissant tombait à l’eau. Il retourna sur le lieu de la collision moins de trente secondes après être parti. Il récupéra sa valise et tenta de garder la haute. Il lança à l’autre peste :

« Bah quoi ? Je vois pas où est le problème, on a tous eu des trous de mémoire un jour ou l’autre hein ! Je suis sur que même toi tu en as déjà eu ! »

Le Gryffondor lui affirma que ça aurait été dommage qu'elle se fasse mal le jour de la rentrée, et Joy était tout à fait d'accord avec lui bien qu'elle se garda bien de le dire, et même de se l'avouer. La Serpentard n'assumait que rarement ses opinions. Son interlocuteur prit soudain un air hautain - ce qui lui allait très mal - et lui affirma qu'elle s'était écrasée comme une mouche sur la fenêtre. Joy rougit fortement - elle détestait qu'on lui parle sur ce ton, bien qu'elle le faisait volontiers à autrui - et chassant de son esprit l'idée qu'elle envenimait les choses, elle persifla :

« Si un stupide Gryffondor n'avait pas bouché le passage du couloir avec son imposante personne, je ne me serais pas écrasée comme une mouche sur ladite fenêtre ! »

Elle avait parfaitement conscience qu'elle l'accusait injustement sur le coup de la colère car elle refusait de reconnaître ses torts, mais elle ne pouvait pas s'en empêcher ; elle ne supportait pas qu'on se moque d'elle. Le jeune garçon partit théâtralement mais tout l'effet fut tourné au ridicule quand il se rendit compte qu'il avait oublié la valise et revint sur ses pas pour la récupérer en disant qu'elle aussi, elle avait déjà eu des trous de mémoire. C'était sûrement par fort esprit de contradiction et volonté de tête de mule à obtenir le dernier mot que Joy rétorqua, sans se rendre compte de la puérilité de sa riposte :

« Qu'est-ce que tu en sais ? Tu me connais peut-être ? Peut-être que je n'ai jamais de trous de mémoire ! »

C'était bien entendu totalement faux, excepté le fait qu'il ne la connaissait pas - et qu'il n'aurait sûrement pas envie de la connaître après cette discussion houleuse. Joy se planta face à lui, les jambes bien campées sur leurs positions en cas d'imprévu, les bras croisés et les yeux lançant des éclairs, le mettant au défi de répliquer. Elle était sûrement ridicule, mais elle s'en fichait : ce jour-là, l'atmosphère se prêtait particulièrement bien aux joutes verbales.

La jeune fille qui se tenait en face de lui semblait ... assez étrange. Mais Nathan était sur que c’était une gentille fille. Enfin non, pas gentille, disons juste une fille avec un brin de gentillesse qui sommeillait au fin fond de son être. Et encore ! La petite peste se mit d’une manière bizarre. Un peu comme les enfants de cinq ans qui détestent avoir tort, et qui se mettent dans cette position pour se rebeller contre leurs parents qui leur demandent de manger des brocolis. Nathan , sans s’en rendre compte, se mit comme Joy et la regarda. Il évita de faire l’homme fatal cette fois-ci, ça ne lui réussissait pas et dit :

« Non je ne te connais pas, et heureusement d’ailleurs ! Mais tout le monde a des trous de mémoire miss Parfaite ! »

Nathan rigola intérieurement de sa phrase débile. Ils avaient l’air d’être deux gamins de trois ans dans une cour de récréation, mais c’était mignon. Enfin, la situation était mignonne, parce que la fille qui se tenait en face de lui était plus un pitbull qu’autre chose. Mais d’un côté, Nathan aimerait bien faire connaissance avec elle pour voir si elle était vraiment hautaine comme ça tout le temps, ou si c’était juste pour faire genre « Je suis une puissante Serpentard ». C’était un joli défi. Mais ce n’est pas pour autant que Nathan allait se laisser marcher sur les pieds. Il ajouta donc :

« Puis regarde, j’ai la preuve que tu as des trous de mémoire ! J’ai vu que tu as failli oublier ta valise sur le quai tout à l’heure ! Alors bon, à moins d’avoir une soudaine envie de voyager léger, tu as des trous de mémoire et ne va pas me faire croire le contraire ! »

Le jeune homme était assez fier de sa réplique et se planta devant Joy et songea qu’il ne valait mieux pas faire une sortie théâtrale. Ca finissait toujours en fiasco ces choses là. Et puis il se remémora de ce que Joy avait dit un peu plus tôt dans la « conversation ».

« Et puis ma personne n’est pas imposante d’abord ! »

On avait atteint le summum de la puérilité, mais c’était pas grave, Nathan se sentait obligé de faire cette précision.

Le garçon se planta face à elle et la regarda d'une façon qui déplut beaucoup à Joy. Comme si elle était sa petite soeur. Peut-être qu'elle en avait le comportement, après tout. Elle était tout bonnement ridicule mais ne baissa pas le regard ; elle était trop fière pour cela. Elle savait qu'un jour son amour-propre démesuré la perdrait, mais ce n'était pas son sujet de réflexion du moment. Le Gryffondor lui assura qu'elle avait des trous de mémoire comme tout le monde. Joy allait répliquer quand il ajouta qu'elle avait failli oublier sa valise sur le quai à l'instant, dans une répartie assez bien formulée, il fallait bien l'avouer. Butée, elle répliqua :

« Je ne l'avais pas oubliée, je l'avais perdue, nuance. »

Elle réalisa que ce n'était pas plus glorieux, loin de là. Mais elle s'obstinait, et quelque soient les paroles de ce Nathan, elle affirmerait le contraire. Bien sûr qu'elle avait déjà eu des oublis. Comme la fois où petite, elle jouait à cache-cache avec son cousin Burt et qu'après avoir fureté un moment, elle avait oublié ce qu'elle cherchait. Elle était donc rentrée au chaud (il neigeait cet hiver là) et avait vaqué à ses occupations de petite fille. Quelques heures plus tard, elle était retournée faire un tour dehors et avait remarqué un petit amas de neige derrière un arbre. Surprise, elle avait donné un coup de pied dedans et la neige était tombée, révélant son cousin immobile complètement gelé. Elle se souvenait parfaitement de Burt, une fois décongelé près de la cheminée, le nez tout rouge, lui disant : "Je ne jouerai plus jamais à cache-cache avec toi !" et elle avait répondu : "Quoi, ça arrive à tout le monde d'avoir des trous de mémoire !"

Elle sourit mentalement en pensant que cette phrase qu'elle avait elle-même déjà dite était prononcée contre elle par ce garçon, des années plus tard. Celui-ci affirma justement avec ferveur qu'il n'était pas imposant. Après cette phrase, Joy le regarda, et une envie irrépressible de rire la parcourut... c'était si comique de l'entendre dire ça ! Mais non, elle ne devait pas rire, ça casserait absolument toute son image. Elle se força à garder un visage neutre, se mordit les lèvres avec force, mais ça montait, ça montait et ça ne voulait pas s'arrêter... *Ne pas craquer, ne pas craquer, ne pas craquer, ne pas craquer...* Et elle explosa de rire. *J'ai craqué.*

Ce fou rire lui ressemblait tellement peu, mais elle ne pouvait plus s'arrêter ! C'était comme à la soirée mousse quand elle s'était mise à pleurer comme une madeleine... Pleurer et rire, elle ne le faisait jamais, et dieu sait combien ça faisait du bien ! Hoquetant, elle s'appuya sur la vitre pour ne pas tomber, et elle se rendit compte qu'elle était toujours dans le couloir du wagon. si ça continuait, elle allait passer le voyage entier ici, il fallait donc trouver un compartiment. Mais avant cela, arrêter de rire.

Joy précisa qu’elle ne l’avait pas oubliée mais juste perdue. C’était pire, ça voulait dire que tellement qu’elle était douée, elle avait lâché sa valise et en l’espace d’une fraction de seconde elle l’avait perdue de vue. Hum, elle devrait faire un tour chez l’ophtalmo, ça lui ferait le plus grand bien.

Nathan repensa encore à ce qu’elle avait dit, et non, il ne se trouvait pas « imposant ». Il se sentait bien. Il se sentait beau. Un peu comme un homme puissant et fatal. Enfin, en théorie il était un homme fatal, parce qu’en pratique c’était autre chose. Mais Nathan était sur qu’avec un peu de pratique il finira par y arriver, ce n’était qu’une question d’entraînement. La personne rigide et puérile qui se trouvait en face de lui éclata de rire sans prévenir. Nathan la regarda avec des yeux qui ressemblaient vaguement à des soucoupes. Elle semblait nettement plus humaine, avec un sourire collée sur la figure. Puis elle était jolie, finalement. Enfin, elle était déjà jolie quand elle faisait sa Madame-je-sais-tout mais encore plus quand elle souriait.

Malgré ce brusque changement de situation, Nathan fut quand même un poil vexé qu’elle se moque de lui. Même s’il était vexé, Nathan ne put s’empêcher de rire avec sa ... Camarade ? Il rit un instant à côté d’elle, et entre deux hoquets, il dit :

« Hé ... Fais attention ... A ne pas tomber ... Encore ! »

Et bim ! Non mais voilà, c’était assez drôle. Nathan s’arrêta un instant pour observer la réaction de Joy et reprit de plus belle. Il n’allait pas se laisser faire quand même. Elle était bien mignonne la petite, mais fallait pas abuser non plus. Quand il fut calmé, Nathan remarqua qu’ils étaient les deux seuls plantés comme des imbéciles dans le couloir.

Même si elle avait un caractère fort déplaisant, Nathan aimerait bien la connaître. Juste un tout petit peu. Un petit peu beaucoup. Il réfléchit à comment faire pour la faire venir avec elle dans un compartiment (vide de préférence). Il proposa donc :

« Bon, ça te dit qu’on aille chercher un compartiment ? Enfin, je me doute bien que tu ne veuilles pas venir avec moi mais il vaudrait mieux que tu t’assois, tu risques de te faire mal, à trop rester debout ! »

Invitation plus ou moins implicite. Plus ou moins, bien sur. Nathan ne savait pas faire dans la subtilité, il avait fini par l’admettre au fil du temps !

Alors qu'elle hurlait de rire, le jeune garçon se joignit à elle, mais elle voyait bien qu'il était un peu vexé. Il lui lança d'ailleurs quelque chose, mais elle ne l'entendit même pas. Au bout d'un petit moment, elle parvint enfin à calmer son rire car elle avait trop mal au côtes. Un peu honteuse de sa conduite, elle sourit - tout de même, qu'est ce que ça faisait du bien - mais son sourire s'effaça très rapidement quand Nathan lui proposa de l'accompagner dans un compartiment.

Un orage grondait en elle. Pour qui se prenait-il ? Et surtout, que s'imaginait-il ? La lueur étrange qui brilla un instant dans ses yeux l'effraya. Non, elle ne terminerait pas le voyage en sa compagnie - pour tout avouer, il lui faisait un peu peur. Que pensait-il au juste ? Que voulait-il ? Quels étaient ces sous-entendus douteux ? Même si elle était souvent en désaccord avec eux, ses parents n'auraient pas apprécié qu'elle voyage en compagnie d'un garçon inconnu qui voulait faire sa connaissance. Né-moldu de surcroît : ça se devinait à ses manières. Joy ne voulait pas faire sa connaissance, oh non, elle était bien plus tranquille livrée à elle-même.

Elle persifla sèchement :

« Oh là, c'est pas parce qu'on s'est tapé une barre ensemble qu'on est meilleurs amis ! Je me trouverai bien un compartiment toute seule. »

Elle fit demi-tour avec détermination, et pour la première fois depuis son entrée à Poudlard, elle chercha un compartiment occupé. D'ordinaire, la solitude était sa seule compagne, mais pour se débarrasser du Gryffondor, elle aurait soudain aimé avoir des amis. Amis... Mot bien amer, en particulier quand on n'en a pas. Joy secoua la tête pour chasser ses pensées mélancoliques et se retourna pour voir où était Nathan. Elle ne se demanda même pas pourquoi, et pourtant, elle aurait dû.

Quand il lui a proposé d’aller chercher un compartiment, Joy changea soudainement d’attitude. Nathan ne compris pas vraiment. C’est pas comme s’il lui avait demandé de s’enfermer dans les toilettes avec elle. Juste aller chercher un compartiment en tout bien tout honneur, sans arrière pensées. Cette fille devait vraiment avoir des troubles mentaux. Elle dit quelque chose de méchant à Nathan. En fait, elle devait être mauvaise, pour réagir comme ça. Tellement qie sa phrase était inuyile, il ne répondit pas et le regarda s’en aller.

Elle fit quelques pas et s’arrêta un moment pour le regarder. Il voulut lancer un truc de méchant, histoire de lui renvoyer l’ascenseur. Il l’observa un moment. C’était con de se disputer pour ça. En plus c’était de sa faute et un peu de celle de Nathan, mais il préférait croire que c’était la faute de Joy.

Le jeune homme se dirigea alors vers Joy et lui dit gentiment :

« Pourquoi tu réagis comme ça ? Je t’ai rien dit. Je t’ai rien fait même. En plus, c’est pour éviter que tu te casses la figure à force de rester debout que je t’ai demandé d’aller chercher un compartiment. Je vois pas pourquoi tu commences à devenir méchante. »

Il voulait pas être cassant comme Joy. Puis il voulait même pas de disputer avec elle. Il patienta un moment, et dit :

« Bon, moi je vais me chercher un wagon. Si tu veux venir, tu peux. »

Il prit soin de ne pas oublier sa valise cette fois. Et il se dirigea vers le fond du wagon. Lorsqu’il aperçut un compartiment vide, il s’y engouffra et attendit patiemment. Au fond, il espérait bien qu’elle vienne le voir. Ils pourraient faire connaissance. Cette Joy l’envoyait balader alors qu’ils ne se connaissaient pas. C’était pas très poli. Nathan s’assit et regarda par la fenêtre, en espérant bien que la petite peste daigne pointer son nez.

Le jeune garçon se mit à lui parler calmement. Il lui demandait pourquoi elle réagissait de cette manière et encore beaucoup d'autres choses, mais Joy ne l'écoutait pas. Elle était totalement déconcertée face à cette paisible franchise dont le Gryffondor faisait preuve ; c'était tout le contraire de ce qu'elle était, hypocrite et agressive. Une petite voix dans sa tête la sermonna : *C'est parce qu'il vaut bien mieux que toi.* Joy essayait de se convaincre du contraire. Elle était rudement mal tombée dans ce train (sans mauvais jeu de mot). Elle aurait presque préféré qu'il s'énerve, ou encore qu'il l'insulte, pour qu'elle ait l'impression de valoir quelque chose et non celle d'être une petite fille.

Nathan lui tourna le dos en lui refaisant sa proposition, et Joy lutta contre sa conscience abîmée pour ne pas le suivre. Elle se força à hausser les épaules, et partit elle-même dans la direction opposée. Après deux minutes de vaines recherches, elle réalisa que de ce côté, tous les compartiments étaient pleins et que la seule solution aurait été de le suivre. Surmontant une bouffée d'orgueil indésirable, elle se dirigea d'un pas lent et chancelant dans la direction qu'il avait prise quelques minutes plus tôt. Une fois près du compartiment où il était entré, la brune hésita. Ce serait une blessure à son amour-propre si elle se résignait ainsi, mais elle n'allait pas passer le reste du voyage debout non plus.

Deux parties d'elle-même s'opposaient. *Alors maintenant, tu te disputes avec toi-même !* continua la petit voix mentale. Pour la faire taire, elle colla son front à la vitre derrière laquelle le paysage campagnard défilait à une vitesse vertigineuse. Elle ravala sa fierté mal placée, déglutit difficilement, prit une grande inspiration, se retourna et poussa la porte. Jamais elle ne s'était sentie aussi ridicule. *Il faudra t'y habituer si tu deviens attrapeuse, tu le seras à chaque fois que ton équipe perdra un match à cause de toi !* La voix lui donnait constamment un complexe d'infériorité. Elle demanda d'une voix cassée :

« Je peux m'asseoir ? »

Le ridicule de sa personne semblait s'accentuer avec cette phrase. Pourquoi faisait-elle comme si rien ne s'était passé ? Comme s'ils ne s'étaient jamais rencontrés ? Toujours ce stupide sentiment de culpabilité ? *Haha, Joy Highlands se sent bête !* Ce que la Serpentard ignorait, c'est que cette petite voix, c'était juste ses propres pensées.

Nathan attendait. Il attendait encore. Il attendait un peu plus. Il voyait les arbres défiler, et il attendait que la petite brune de tout à l’heure se pointe. Peut-être qu’elle ne viendrait pas finalement. Elle ne l’appréciait pas. Il n’avait pas été méchant, ou blessant pourtant. Il lui avait juste expliqué gentiment ce qu’il pensait. Cette Joy devait apprécier les garçons pas tellement fins et assez agressifs. C’était bête, Nathan n’était vraiment pas comme ça.

Il s’avachit un peu plus sur sa banquette et observa les arbres qui défilaient. Ils défilaient vite. Tellement vite que Nathan en eût la nausée et détourna la tête. Il préféra contempler la banquette d’en face. C’était tellement plus statique. Il la regardait avec tellement d’intensité qu’il crut voir la forme du visage de Joy dessinée dans dossier. C’était étrange, qu’il pense autant à cette fille. Il fallait dire que leur échange était pour le moins singulier. Mais Nathan n’arrivait pas à s’enlever de la tête l’image de Joy dans le couloir. Ses parents avaient mal choisi son prénom. Bah Joy, ça voulait dire « Joie » non ? Et cette fille là était tout sauf joyeuse. Ils auraient du l’appeler « Sadness », tellement plus approprié au personnage. Mais quand elle rigolait ... Elle était tellement belle. Nathan sourit comme un benêt à l’idée d’une Joy souriante.

Tellement absorbé dans ses pensées, il ne vit même pas que l’objet de ces dernières se trouvait devant lui. Il se redressa vivement, et quand elle lui demanda si elle pouvait s’asseoir, Nathan ne put que bredouiller :

« Heu .. Oui, je t’en prie ... Fais comme chez toi ! »

Nathan la contempla s’asseoir. Il n’avait pas encore pris conscience de la chance qu’il avait. Il resta là un moment, les yeux grands ouverts. *Dis quelque chose*

« Heu ... »

Pour le quarante sixième fois de la journée, il avait encore eu l’air ridicule. Il finira par s’y habituer. Bien évidemment, il se prendra encore un joli râteau par la jolie fille en face de lui qui trouvera une jolie remarque acide à lui lancer. [i]*Dis quelque chose, n’importe quoi, mais trouve quelque chose*

« Heu ... Sinon ... Tu aimes le ... Les chocogrenouilles ? »

Pathétique. Il se vexa tout seul. D’un autre côté, on pouvait le pardonner, il n’avait jamais tenté d’approcher une fille. Encore moins une fille froide comme celle là. Bon tant pis, il tenta une dernière approche, après, promis, il se tait.

« Et ... Tu veux une patacitrouille ? »

Il irait prendre des cours de drague à la rentrée. Peut-être qu’il ira voir cette Juliet, une septième année de sa maison, elle semblait avoir du succès avec les garçons. Ou alors peut-être qu’il ira voir la meilleure amie de Juliet, Olivia, elle sortait avec le même garçon depuis un moment, et ça semblait être parti pour durer entre eux. Elles sauraient surement le conseiller.

Le jeune garçon lui dit de faire comme chez elle (comme si ce compartiment lui appartenait) et Joy s'assit à l'opposé de la place qu'il occupait, sans prendre en considération le fait que c'était totalement ridicule. Très mal à l'aise, elle aurait préféré regarder le paysage campagnard sans trace de civilisation défiler par la fenêtre. Mais le Gryffondor en avait décidé tout autrement car il engagea malhabilement la conversation. Il bredouilla mais rien ne sortit, et Joy ne fit rien non plus pour l'aider. Il n'était apparemment pas plus doué qu'elle pour aborder les filles ; ce n'était pas une critique, simplement une constatation.

Il lui demanda soudain si elle aimait les Chocogrenouilles. Surprise par cette question, plusieurs souvenirs lui revinrent à la mémoire... C'était Noël, elle devait être en première année, et elle et son cousin Burt avaient découvert ce que leurs parents cachaient en haut des étagères : une grosse boîte de Chocogrenouilles. Gourmand et impatients, ils étaient descendus une nuit en cachette. Ils s'étaient bourrés de friandises chocolatées et au petit matin, ils étaient malades comme des chiens. Pour couvrir les vomissements de son cousin, Joy avait testé un sortilège d'insonorisation sur la chambre pour éviter l'humiliation et surtout la colère et l'indignation de leurs parents. Depuis, les Chocogrenouilles la rendaient malade. Joy répondit sans exaspération excessive :

« Non. »

Elle espérait que le ton de sa réponse n'avait pas dévoilé son irritation. Sans en dire davantage, son regard divergea vers la fenêtre et elle laissa voguer son imagination. Dale tenta une dernière approche, sans plus de succès, et Joy répondit avec machination :

« Non merci. »

Elle n'avait pas faim, et se mura dans son silence. Après quelques minutes, un sentiment de culpabilisation s'insinua dans son esprit. Encore une fois, elle avait été désagréable, et elle s'en voulait. Que lui avait-il fait au juste ? Poussée par elle ne saurait dire quoi, elle pensa à faire des excuses, mais n'osa pas immédiatement car pour elle, excuses voulait dire capitulation. Au vu de cette équation, elle eut quelques instants encore d'hésitation et se décida. Les mots ne voulaient pas sortir de sa gorge, alors elle se força à respirer calmement. Inspiration, expiration...

« Je m'excuse pour tout à l'heure. »

Voilà, le plus dur était fait. Un surplus d'informations affluaient de son cerveau à sa bouche, elle perdit sa concentration et s'embrouilla :

« Euh... je veux dire... je n'ai pas voulu t'offenser... désolée si j'ai réagi avec exagération. »

Une bonne fois pour toute, elle se tut, avec une sensation étrange qui faisait tout chaud dans le ventre. En fait, c'était plutôt agréable d'être gentille, même dans ce genre de situation embarrassante. Elle se demanda si son père accepterait ce genre de fréquentation. Oh et puis, elle n'avait pas besoin de toujours avoir son autorisation ! Elle se mit à somnoler tout en se cherchant une vocation (occupation courante quand elle n'avait rien à faire).

Nathan l’observa s’installer et se dit qu’il avait eu l’air bien bête avec ses propositions étranges. C’est vrai qu’il ne connaissait pas beaucoup de personnes qui demandaient à des jolies filles si elles aimaient les chocogrenouilles, c’était assez étrange comme technique d’approche. Mais il ne releva pas les réponses négatives de Joy. Nathan se contenta de murmurer :

« D’accord ... C’est ... Pas grave. »

Il tourna ensuite la tête vers la fenêtre et ne daigna plus regarder Joy en face, tant il avait honte d’avoir essuyé autant de refus en si peu de temps. Il laissa vagabonder son regard sur le paysage qui défilait à toute vitesse et réfléchit à ce qu’il venait de se passer.

Tout d’abord, une jeune fille lui tombe dessus, elle l’accuse d’être imposant. Au moment où la collision eût lieu, il n’avait rien fait, il lui avait juste demandé si elle allait bien. Pourtant, elle lui avait si mal parlé, qu’il en avait été affecté. Mais il ne dit rien. Il lui proposa de chercher un compartiment avec lui, et Nathan essuya un énième râteau. Il ne se découragea pas pour autant. Lorsqu’il lui proposa de venir avec lui, il savait qu’elle allait dire non. Mais pourtant, lorsqu’il la vit se pointer devant lui, il ressentit un fourmillement au fond de lui, une sensation de chaud au fond de son ventre. Inconsciemment, il commença à parler, comme il savait si bien le faire ... Mais elle n’était pas réceptive.

C’était bizarre, de voir qu’une personne qu’on ne connaît pas vraiment nous juge. Nathan n’avait jamais vraiment eu affaire à ce genre de personne, et ça l’attristait. Il se demandait vraiment pourquoi elle était si froide, et si hautaine. C’est alors qu’elle parla ... Non, qu’elle s’excusa.

Sur le coup de la surprise, Nathan tourna vivement la tête vers elle, avec les yeux écarquillés. Elle s’était ... excusée ? Etait-ce possible ? Il s’empressa de répondre :

« Ce n’est rien ! Bien évidemment, je comprends que tu sois un peu ... Comment dire ? Un peu ... Distante mais ce n’est rien. C’est normal. Enfin, je crois ! »

Et il lui lança son plus beau sourire.

Le jeune homme avait le cerveau en ébullition et des millions de papillons qui volaient dans son ventre. Il la regarda un instant, et lorsqu’il se retourna vers la vitre, il put apercevoir son reflet. C’est vrai qu’il avait l’air un peu benêt, avec ce sourire niais collé à sa figure.

[RP TERMINE]