Situation de crise #2 (et c'est pas la dernière) [Peter & Chloé]

Avec un profond soupir, Peter referma d'un geste un peu brusque le tiroir supérieur de son bureau. Tiroir qui deviendrait bientôt trop petit si son père continuait de le harceler de lettres. Ne pouvait-il pas cesser de lui écrire ? Ou mourir, tiens. Non seulement Peter n'avait aucune envie de reprendre contact avec son géniteur, mais en plus cette correspondance le mettait constamment en danger. Quand le hiboux arrivait à son appartement cela allait, mais quand il recevait une de ces fichues lettres lors des repas, il avait toujours peur que quelqu'un ne reconnaisse le cachet de cire noire de la prison d'Azkaban. Jusqu'alors il avait toujours réussi à enfouir enveloppe sous sa veste rapidement, mais savait qu'il n'aurait pas toujours tant de chance. Il ferma le tiroir avec une clé qu'il coinça entre deux livres de sa bibliothèque.

Le professeur de runes se laissa tomber sur un fauteuil et passa une main sur son visage. Il faudrait absolument qu'il mette fin à cette correspondance, et vite. Sinon Chloé allait finir par s'en apercevoir. Depuis que les deux enseignants se fréquentaient, Peter s'était plusieurs fois demandé s'il ne devrait pas être honnête avec la jeune femme. Elle aurait mérité qu'il le soit. Mais le courage de la maison dont elle était directrice manquait à son compagnon, qui ne pouvait se résoudre à lui dire la vérité. Cela changerait trop de choses. Même si elle ne le détestait pas, même si elle ne le faisait pas renvoyer, leur relation ne serait plus la même. Et il aimait les choses comme elles étaient. Une relation secrète, libre, sans engagement, deux adultes qui s'entendent bien et passent de bon moments ensemble, ça lui convenait parfaitement.

Quoiqu'il en dise, Peter avait finit par s'attacher à Chloé. Il n'aurait pas du, il tenait à sa liberté et à son indépendance, mais ça s'était fait sans qu'il ne s'en rende compte. Maintenant une de ses craintes était de la perdre, et ça ne manquerait pas d'arriver si elle venait à apprendre certaines choses le concernant. Il était condamné à vivre dans le secret, mais il avait l'habitude.

Il sursauta quand on frappa à la porte, et pria pour que ce ne soit pas Rusard qui avait besoin d'aide pour quelque tâche que ce soit. D'un autre coté, à part le vieux concierge, il n'y avait pas grand monde à Poudlard ces temps-ci. Il hésitait presque à ouvrir la porte, il pouvait toujours faire croire qu'il n'était pas là. Finalement, le professeur se résolut à se lever et fut stupéfait, mais ravi, de constater que son visiteur n'était pas Rusard mais Chloé. Il lui adressa un sourire qui fana bien vite quand il la vit passer devant lui sans même le saluer. Un peu déstabilisé, il referma la porte et se tourna vers la jeune femme, qui faisait les cent pas dans son appartement.

Quelque chose n'allait pas, c'était évident. Elle avait des cernes presque aussi foncées que les siennes, les cheveux décoiffés, et l'air préoccupé. Peter s'approcha d'elle et passa doucement une main dans son dos.

"Tout va bien ?"

Elle ne sembla même pas entendre sa question et lança d'une voix mal assurée qu'elle avait quelque chose à lui dire. Et que c'était grave. Peter se raidit et son visage blêmit. Elle savait, forcément. Elle avait tout découvert, et elle attendait qu'il confirme ses soupçons avant de le quitter, ou de tout dévoiler au reste de l'école, ou de le tuer. Il était toujours temps de prétexter quelque chose d'important à faire et de remettre leur discussion à plus tard, mais ça ne ferait pas perdre la mémoire à l’enseignante. Il était coincé. Un nœud se forma au creux de son ventre et il serra le poing pour empêcher ses doigts de trembler. Il avait envie de café, il en avait besoin même, mais ce n'était pas le moment.

Peter fit quelque pas, le visage fermé, se préparant au pire, et se retourna vers Chloé.

"Assied toi", proposa-t-il calmement, autant pour s'apaiser que pour calmer la jeune femme.

Ce n'était qu'un mauvais moment à passer, finalement. Elle allait sans doute lui hurler la vérité au visage, il n'aurait ni la force ni les arguments pour nier, il serait renvoyé avant la rentrée prochaine et n'aurait plus qu'à fuir. Il faisait ça très bien, fuir. Un mauvais, et douloureux moment. Parce que même si ça n'aurait pas du être le cas, il savait qu'il souffrirait de cette séparation. Mais il s'en remettrai, il avait survécu à bien pire. Le professeur finit par s'asseoir sur le table du salon, juste en face de Chloé, assez près pour pouvoir lui prendre la main. Il hésita un instant, mais plaça finalement ses mains autours de celles de l'enseignante avant de poser sur elle un regard clair, d'apparence sereine.

Il bouillait intérieurement, mais prenait sur lui pour masquer son trouble. Il avait peur, et était en colère contre lui même, il était même fou de rage. Mais il fallait absolument qu'il garde le contrôle de la situation, il était du genre à s'enflammer et il ne tenait pas à effrayer Chloé, ou à lui faire le moindre mal.

"Je t'écoute..." lança-t-il d'une voix trop hésitante à son goût.

A vrai dire il n'avait même pas besoin d'écouter pour savoir ce qu'elle avait à dire. Il redoutait ce moment depuis des mois et la scène s'était déjà joué des dizaines de fois dans ses cauchemars. Il avait craint ce jours en sachant pertinemment qu'il finirait par arriver, et il était là.

Peter, qui faisait tout son possible pour conserver son calme, eut du mal à réfréner une envie de s'enfuir en sautant par la fenêtre quand il vit Chloé verrouiller d'un coup de baguette la porte de son appartement. Plus question de prendre la fuite maintenant, elle le voulait prisonnier au moment où il devrait répondre de ses actes. Allait-elle lui cracher toute la vérité au visage ou lui demanderait-elle de lui expliquer tout lui-même ? Comment l'avait-elle appris ? Peter s'efforça de ne pas trop se torturer avec ces questions, dont les réponses viendraient suffisamment vite.

Chloé se leva, dégageant définitivement ses mains de celles de Peter. Il n'aimait pas vraiment l'idée de la voir ainsi dominer la situation, debout et sa baguette à la main, alors que lui-même était assis et que sa baguette était posée sur son bureau. Et si jamais elle était énervée au point de l'attaquer ? Non, c'était ridicule...Quoique...Tendu, le professeur serra la main sur son genoux et soutint le regard de Chloé qui finit par lancer :

"Tu vas être papa."

Complètement abasourdi, le cerveau de Peter mit un moment à digérer l'information qui n'avait rien à voir avec un meurtre ou un procès. "Papa", c'était un mot qu'il n'avait plus prononcé depuis ses neuf ans, âge ou son père avait jugé qu'il était trop vieux pour ce genre de babillages et avait exigé que son fils l'appelle "Père" ou "Monsieur". Peter avait bien vite compris de toute façon que c'était un terme bien trop affectueux pour le traitre qu'était son géniteur, et avait banni ce mot de son vocabulaire.

Pourquoi Chloé lui parlait-elle de Papa tout à coup ? Et pourquoi tiendrait-il ce rôle ? Au moment où il se posait toute ces questions, Peter connaissait parfaitement la réponse, mais en cherchait vainement une autre. Il y avait forcément une autre explication. Il n'allait pas avoir d'enfant, c'était impossible, il n'en voulait pas. Il n'en avait jamais voulu. C'était trop dangereux, c'était insensé. Si il avait un enfant, il risquait d'être comme lui, lui-même avait bien fini par ressembler à ce père qu'il détestait tant. Et si il se faisait arrêté un jour, l'enfant en question grandirait avec un père en prison, c'était loin d'être le vie dont on rêvait pour sa progéniture.

Peter, emporté par ses doutes et ses questions, avait presque oublié la présence de Chloé et jugea qu'il était silencieux, et immobile, depuis un peu trop longtemps. Il fallait qu'il dise quelque chose, et rapidement. Quelque chose de censé de préférence. Mais il ne pouvait se résoudre à parler de ça, avoir une conversation concernant cet enfant c'était le rendre réel. Mais il devait de toute évidence s'y résoudre...

"Que...Quand tu dis "Tu vas", tu veux dire prochainement ?" demanda-t-il finalement.

Évidement qu'elle voulait dire prochainement, on ne disait pas "Tu vas être Papa" à quelqu'un avec qui on envisageait éventuellement d'avoir un enfant dans un futur lointain. Mais ça ne coutait rien de vérifier, et puis ça lui laissait du temps pour réfléchir. Il n'avait aucune idée de la façon dont il était censé réagir. Peut-être devait-il la serrer dans ses bras et lui dire à quel point il était content ? Si c'était le cas, alors c'était au dessus de ses forces.

Le professeur de runes attrapa sa tête entre ses mains et posa ses coudes sur ses genoux. Au fond, il savait quelle était la meilleure des réactions. Il devait partir. Dans n'importe quel autre cas prendre la fuite aurait fait de lui le pire des pères ou des amants, mais là c'était la meilleure chose à faire. Il ne serait jamais "Papa", Chloé se trompait. Il pouvait être père, et visiblement il l'était déjà, mais ne mériterait jamais d'être appelé "Papa". Il n'avait que des mauvaises choses à apporter à cet enfant et plus loin il s'en tiendrait mieux ce serait.

Seulement, il ne pouvait pas partir. Non seulement la porte était verrouillée, et ils étaient bien trop haut pour qu'il envisage sérieusement de sauter par la fenêtre, mais en plus il refusait d'abandonner Chloé. Peut-être qu'il y a quelques mois il n'aurait pas hésiter, il aurait pris la fuite en laissant derrière lui maitresse et enfant, mais les choses avaient changé. Il savait qu'en partant il lui ferait du mal, et il ne pouvait s'y résoudre. Il se força à inspirer profondément avant de relever les yeux vers elle et de de demander sur un ton plus assuré.

"Tu le sais depuis quand ?"

Il se torturerait plus tard, pour le moment il souhaitait juste rassurer Chloé, et lui faire comprendre qu'il resterait avec elle. Même si c'était la pire des décisions qu'il aurait pu prendre. Au prix de tous les efforts du monde, il réussit même à esquisser un sourire.

Peter avait apparemment mal choisi sa question, très mal même. Chloé sembla littéralement exploser de colère, réaction à laquelle il ne s'était pas préparé. Il savait sa réaction maladroite, peut-être pas commune, mais n'avait pas eu le sentiment de faire une si grave erreur. Elle lui reprocha de n'avoir rien d'autre à dire, quelque chose d'intelligent, comme son avis par exemple. Il le lui aurait bien donné son avis, s'il en avait eu un. Mais il n'arrivait même plus à penser. Les seuls mots qui se formaient dans son esprit était "Tu vas être Papa". Cette même phrase tournait en boucle dans sa tête et il ne savait pas quoi en penser à part : Olemme syvästi paskaa !*

Le professeur eut un mouvement de recul quand Chloé, folle de rage, jeta sa baguette à travers la pièce. Il ne l'avait jamais vu comme ça et se sentait complètement désemparé. Il n'avait aucune idée de ce qu'elle voulait qu'il dise : il ne se sentait pas de jouer les futurs-papa comblés, si bon menteur qu'il était il n'arriverait jamais à lui faire avaler ça. Cependant, reconnaitre qu'il était complètement effrayé, et pas tellement emballé par cette nouvelle n'aiderait pas non plus. Le mal était fait, comme on disait. Il n'eut pas le temps de trouver quelque chose "d'intelligent" à dire, car Chloé enchainait déjà.

Elle assurait qu'elle n'était même pas surprise qu'il s'en foute à ce point, et lui demanda ce qu'il faisait d'habitude dans ce genre de cas, si il prenait la fuite sans laisser de traces par exemple, ce qui ravirait Edmund, d'ailleurs. Mieux valait lui répondre honnêtement "Oui exactement, et je change de pays aussi en général", ou assurer qu'il ne s'était jamais trouvé dans "ce genre de cas". Ne sachant pas laquelle de ces options Chloé préférerait, il n'en choisit aucune et décida de faire plutôt ce qu'elle semblait attendre de lui : lui donner son avis.

Pendant des années, il avait pensé que son flegme légendaire le protégerait des prises de becs. Il n'accordait d'importance à rien, meilleur moyen de ne pas s'attacher, et ne répondait à aucune provocation. Mais visiblement, c'était exactement cette attitude que Chloé lui reprochait. Ça valait peut-être le coup d'être honnête, pour une fois...

Peter se leva et arpenta un peu le salon, en évitant de regarder Chloé dans les yeux. Il se passa une main sur le visage et soupira.

"Tu veux mon avis ?" demanda-t-il en essayant de ne pas s'emporter à son tour.

C'était un problème ça aussi : son tempérament. Tant qu'il continuait à jouer le "Monsieur je me fou de tout", tout allait bien. Mais de nature il était colérique, voire violent. Et même si il n'avait aucune raison d'en vouloir à Chloé, il devrait faire des efforts pour ne pas s'emporter.

"Ce que j'en pense : pas grand chose. Je ne réalise même pas, je...j'ai besoin de temps. Je n'ai jamais voulu d'enfant, et pourtant je me dis : "Pourquoi pas ?" *On avait parlé d'être honnête non ? Tant pis.* Mais moi aussi j'ai besoin de savoir ce que tu en penses, tu ne m'as pas donné ton avis non plus, et je tiens à le connaitre..."

Inspiration. Petite Pause. Il fit quelques pas pour s'approcher de Chloé et l’attrapa, avec un peu d'hésitation, par les épaules pour la tourner face à lui.

"...Parce que qu'elle qu'il soit, je le respecterai. Et si tu veux élever cet enfant je...Je le ferai avec toi."

Mais qu'est ce qu'il venait de dire ? Il ne se reconnaissait même pas ! Il avait suffit d'une grande paire de beaux yeux bleus et il avait perdu ses valeurs les plus élémentaires : pas d'attaches. Donc, pas d'enfants. C'était loupé, visiblement. Il ne croyait pas une seule seconde à ses paroles, mais espérait que Chloé le ferait. Il avait besoin d'un peu de temps pour réfléchir.

*"On est vraiment dans la merde !"

Si la réponse de Peter sembla calmer Chloé, elle ne parut pas pour autant la satisfaire, mais c'était déjà ça. Elle assura que ce n'était pas ce qu'elle voulait de lui maintenant, elle lui demandait un avis, pas de mettre sa vie entre parenthèse pendant vingt ans. Le professeur de runes s'efforça de ne pas tiquer sur le "vingt ans". C'était affreusement long ! Et puis, ce n'était pas dix-sept ans la majorité chez les sorciers ? Pourrait-il vraiment s'engager sur une si longue durée ? Rien n'était moins sur. C'était vingt ans sans prendre la fuite, vingt ans sans changer de pays, mais aussi vingt ans sans trouver de nouvelles preuves contre lui, et ça il ne pouvait pas le garantir. Il s'élançait dans la mauvaise direction, il en était conscient. Il serait un bien plus mauvais père en élevant cet enfant qu'en l'abandonnant. Mais le courage qui caractérisait la maison dont Chloé était directrice faisait défaut à son amant, et il ne pouvait se résoudre à la laisser.

Il tenait à elle, malgré tous ses efforts pour ne pas s'attacher, et il n'avait pas le courage de partir. Son père avait été un lâche, et il en était un aussi. Jonhatna Carrow avait été un parent horrible et déloyable, et son fils s’apprêtait à marcher dans ses traces. Finalement, il lui ressemblait bien plus qu'il ne l'aurait souhaité. Chloé le sortit de cette triste constatation en exprimant son propre avis. Elle lui expliqua qu'elle avait toujours voulut un deuxième enfant. Deuxième ? Ah oui, Maëva ! Elle garderait donc le bébé et l’élèverai avec ou sans lui. Elle rajouta qu'elle préfererait même l'élever seule qu'avec un homme qui prenait ça comme un fardeau, elle avait déjà vécu ça avec sa fille.

Peter ne considérait pas vraiment l'enfant à naitre comme un fardeau. C'était juste quelque chose qu'il s'était toujours interdit, et qui lui tombait dessus sans prévenir. Les gens comme lui ne devraient pas avoir d'enfants, il ne s'était même jamais poser la question de savoir s'il en voudrait ou pas car la question était claire pour lui depuis des années : il n'en aurait pas. Sauf que si, il allait en avoir un. Chloé ajouta d'ailleurs que, même si il choississait de ne pas l'élever, cet enfant connaitrait le nom de son père.

"Quel nom ?" ne put-il s’empêcher de demander, à voix basse.

Peter avait été habitué, à la suite de son procès, à sentir le regard dégouté des gens se poser sur lui dans la rue. Lui même avait encore du mal à se regarder dans une glace sans avoir honte de ce qu'il était. Mais supporterait-il de voir ce dégout dans les yeux de son propre enfant ? Son fils ou sa fille pourrait-il aimer un père ayant fait des choses si atroces ? Il était prêt à changer, et commençait à croire qu'il pouvait être capable d'élever un enfant, mais jamais il n'aurait la force de lui avouer qui il était vraiment, ce qui comprenait son véritable nom de famille.

"Réfléchis-y" lui lança Chloé en ramassant sa baguette.

C'était en effet la meilleure des choses. De toute façon, à partir de maintenant il savait que la pensée de l'enfant à naitre ne le quitterait plus. Il se torturerait avec à ça à longueur de journée, et de nuit aussi. Ça ne le changerait pas beaucoup.

"J'y réfléchirai, répondit-il avec sincérité, pour une fois. On en reparle dans quelques jours ?"

Pour le moment, mieux valait laisser ce sujet de coté. Ils avaient tous les deux besoin de réfléchir de leur coté, surtout lui. Mais l'ambiance était encore un peu tendue et il ne souhaitait pas quitter Chloé dans de telles dispositions, aussi décida-t-il de changer de sujet.

"Je te fais une tasse de thé ? Je crois que je m'améliore ! lança-t-il avec un sourire. L'autre jour j'en ai servi un à Edmund et il a juste dit que c'était "intéressant" et un truc du genre "Vous, les Finlandais faites le thé avec une pointe d'exotisme, cela change", mais je crois l'avoir vu changer le gout avec sa baguette..." ajouta-t-il avec une parfaite imitation du professeur de sortilèges.