Drinking wine and judging people [Maeva & Nelly]

31 octobre 2023


Il faisait nuit, un peu froid. Vêtue d'un long manteau noir et d'une écharpe remontée sur le menton, Nelly marchait d'un bon pas dans les rues de Leopoldgrad, entraînée par le rythme de la musique qu'elle écoutait dans ses airpears. L'air de la ville magique itinérante était nettement plus frais et piquant que celui de Londres qu'elle venait de quitter. Cela n'arrêtait pourtant pas l'effervescence de la grande ville sorcière en ce soir d'Halloween où les passants se mêlaient avec des enfants, et même des plus grands, déguisés. Certains avaient visiblement usé de la magie pour se créer des apparences réellement monstrueuses et Nelly s'amusait à observer les visages qu'elle croisait. Ici un clown tueur, là Michael Myers, ici un groupe d'enfants maquillés en squelette fluorescent... Ici encore un... Ah non ce gars était juste moche. Elle masqua son sourire nerveux sous son écharpe et pressa légèrement le pas pour dépasser un couple qui flânait.

Un mélange d'émotions la traversait chaque fois qu'elle venait à Leopoldgrad. Elle aimait bien retrouver cette ville où elle avait habité pendant quelques années et arpenter les rues familières lui rappelait toujours de bons souvenirs. Elle gardait par exemple d'excellents souvenirs de soirées passées avec ses collègues de Skye dans leurs bars et restaurants fétiches. Et au contraire, cette ville lui rappelait aussi le long processus dans lequel elle s'était engagé dès lors qu'elle avait débuté une psycho thérapie. Tous les états qu'elle avait traversés et les douleureuses émotions auxquelles elle avait dû alors faire face c'était ici, à Leopoldgrad, qu'elle avait dû les gérer. Cette ville lui rappelait donc aussi bien les meilleurs instants de son existence de ces dernières années mais aussi les pires. Les pires qu'elle avait traversé, seule, dans son appartement ou assise face à sa psy. Changer d'environnement était donc aussi ce qui l'avait poussée à s'installer à Londres, plus que pour retrouver la diversité culturelle et le monde moldu qui lui manquait tant à Leopoldgrad. Nelly se refusait néanmoins de fuir ce lieu, chargé aussi de souvenirs qu'elle cherissait, et préférait se confronter à ses démons en y revenant souvent. D'autant plus que certains de ses proches vivaient ici et elle aimait bien leur rendre visite. Elle se rendait d'ailleurs chez Maeva et elle était trop attachée à leurs soirées potins qu'elles faisaient tantôt chez l'une tantôt chez l'autre pour y renoncer.

Les deux anciennes préfètes en chef s'étaient quelque peu perdues de vue à leur sortie de Poudlard, trop occupées par leur entrée dans la vie active. En se suivant mutuellement sur les réseaux sociaux, elles avaient suivi de loin la vie de l'autre mais sans garder plus de contact ce qui, au début, avait fait un peu de peine à Nelly qui s'était beaucoup attachée à Maeva au cours de leur dernière année à l'école. Puis, alors que Nelly avait fait le choix de retourner travailler à Poudlard pour un an avec James Carter, les deux jeunes femmes s'étaient recroisées dans les couloirs où elles avaient tant gossipé patrouillé. Maeva rendait souvent visite à Peter Virtanen et revoir Nelly à l'école lui avait tiré une exclamation du genre "Mais meuuuf, tu veux pas lâcher ton badge c'est abusé". Nelly avait ri car oui, c'était un peu vrai, et elles s'étaient donné rendez vous à la fin du service de Nelly pour aller boire un verre aux trois balais, comme au bon vieux temps - comme genre deux ans auparavant.

Depuis, Maeva et Nelly ne s'étaient plus vraiment lâchées, se donnaient régulièrement des nouvelles et passaient beaucoup de soirées comme celle ci, ensemble, pour principalement partager les derniers potins de leur vie respective. Nelly - tout comme Maeva, elle en était certaine - était très attachée à ces moments en dehors de son quotidien surchargé de jeune cadre dynamique, aussi arrivait elle toujours en bas de l'immeuble de son amie avec le sourire aux lèvres.

Comme à son habitude, juste pour être pénible, elle enfonca le bouton de l'interphone de Maeva pour faire hurler la sonnette dans son appartement jusqu'à ce qu'elle lui ouvre et sauta dans l'ascenseur, qu'elle n'eut pas besoin d'attendre pour une fois, qui l'emmena dans les hauteurs de l'immeuble. Maeva avait déjà entrouvert sa porte d'entrée et Nelly pénétra dans son appartement avec un "Coucouuuu" sonore. Après avoir quitté ses bottes fourrées - des pantoufles ce genre de chaussures - elle sortit du sac pendu à son épaule une bonne bouteille de vin qu'elle présenta à Maeva comme l'influenceuse qu'elle était.

"Pour égayer notre soirée, dit elle avec un sourire de connivence. Je sais pas ce que c'est, pour être honnête, mais apparemment il est bon."

Nelly se débarrassa de sa veste et de son écharpe avant de s'avancer dans l'appartement de Maeva. Son outfit pour la soirée - jogging confortable et sweat tout doux - ne laissait aucun doute sur ses intentions de la soirée : chiller.

"Alors, est ce que l'ado terrible qui te sert de sœur s'est faite exclure définitivement de Poudlard ou pas encore ?"

Le jour déclinait de plus en plus rapidement et la nuit s’installait déjà lorsque Maeva pénétra dans son appartement, les doigts refermés autour d’un sac en carton qu’elle alla immédiatement déposer au réfrigérateur. Elle s’était un peu attardée à l’agence ce soir et avait fait un détour sur le chemin du retour pour récupérer sa commande dans un restaurant de la place Merlin. Sur le chemin, elle avait croisé plusieurs enfants déguisés – certains mieux que d’autres – et armés de grands sceaux à remplir de bonbons, ainsi que quelques adultes transportant des bouteilles qui s’entrechoquaient joyeusement dans des sacs. L’ambiance était assez festive même si, au détour d’une rue, elle avait entraperçu une conversation animée entre un jeune homme grimé en fantôme et un vrai fantôme qui ne semblait pas du tout apprécier d’être caricaturé de la sorte. “C’est offensant !” avait-il grondé. “Est-ce que je m’amuse à me déguiser en grand adolescent boutonneux, moi, pour effrayer les passants ! Non ! Alors que ça, ce serait réellement terrifiant !” #ghostshavefeelings.

Désormais au chaud dans son appartement, Maeva abandonna la tenue qu’elle avait porté toute la journée – un tailleur fluide d’un ton pastel – pour se glisser sous la douche et revêtir un legging noir et un sweat aux couleurs de l’équipe nationale d’Angleterre qu’elle avait acheté lors du lancement du merchandising pour le mondial qui débuterait dans une vingtaine de jours. Elle finissait de disposer le contenu du plateau de sushis qu’elle avait acheté un peu plus tôt sur une assiette – elle faisait un effort de présentation, à défaut d’avoir fait un effort de cuisine – lorsqu’une sonnerie stridente retentit dans son appartement. Quelques secondes plus tard, Nelly s’avançait dans son entrée, un large sourire étirant ses lèvres.

“Il a une étiquette de bon vin, en tout cas” commenta Maeva en réceptionnant la bouteille que son amie lui tendait. A défaut de s’y connaitre réellement en œnologie, on pouvait repérer les bons vins aux étiquettes (et au prix. Le prix était une excellente indication.) “Moi j’ai pris de quoi manger” indiqua-t-elle à Nelly en désignant l’assiette garnie qui les attendait sur la table basse du salon, à côté de plusieurs bols remplis de tomates cerises (ce n’était pas la saison, elle s’était excusée intérieurement en les achetant hier) et gâteaux apéritifs.

Maeva appréciait toujours les moments qu’elle passait avec Nelly. Elles essayaient de se voir assez régulièrement, malgré leurs emplois du temps respectifs bien chargés et c’était toujours une grande bouffée d’air frais dans son quotidien. Quand Maeva sortait avec ses amis architectes, ils parlaient toujours d’architecture à un moment de la soirée : des projets qu’ils avaient en cours ou des souvenirs liés à leurs études... Elle aimait beaucoup ces temps-là parce qu’ils lui permettaient aussi de décharger une part de la tension qu’elle ressentait au travail mais ses soirées avec Nelly lui sortaient réellement la tête de tout ça. Elles passaient des heures à décortiquer la vie sentimentale l’une de l’autre autour de plusieurs verres de vin (qui n’étaient décidemment pas de trop pour cette tâche ardue.)

La question de son amie sur Lou lui tira un vague rire et elle répondit :

“Une semaine, pour l’instant.” Elle poursuivit, devant son regard interrogateur : “Parce qu’elle a tatoué un mec de sa promo. Ce qui est – pour te citer Forbes – “une première dans l’histoire de Poudlard”. Avant ça, c’était plutôt insolence en cours et clopes dans les toilettes alors bon, j’imagine qu’on peut lui accorder un point d’originalité ?” Maeva s’éloigna brièvement vers la cuisine pour attraper deux verres de vin et les remplir. Elle en tendit un à Nelly et se laissa tomber dans le canapé du salon. “Et du coup, j’ai passé une heure face à ton pote là. Le professeur Carter. En sortant, je lui ai dit qu’il te manquait beaucoup et qu’il fallait qu’il t’appelle si ça se passait mal avec sa femme...” Son sourire se fondit contre son verre de vin alors qu’elle en avalait une première gorgée.

« Elle a tatoué son pote ?? s’exclama Nelly, réellement surprise, lorsque Maeva lui révéla les raisons de l’exclusion de sa sœur Lou. Elle s’assit sur le canapé de son amie et reprit : Non mais toujours plus. Ils ne savent plus quoi inventer ces gosses… Oh mon dieu, je deviens une boomer à dire ce genre de choses ! » réalisa-t-elle en posant ses doigts sur sa bouche.

En plus de gérer son propre quotidien bien chargé, Maeva devait aussi s’occuper de l’éducation de Lou dont elle était désormais la responsable légale et Nelly la plaignait sincèrement. Elle la trouvait très courageuse pour mener tout cela de front et d’autant plus que sa petite sœur n’était pas un ange. Heureusement que cette dernière avait au moins l’âge d’être un minimum autonome et que Maeva ne devait pas genre lui changer ses couches… A sa place, Nelly se serait sentie bien dépassée. Elle devait déjà s’occuper d’elle-même, de son chat et de ses plantes. Elle avait déjà du mal à gérer ses propres états d’esprit parfois alors faire face à ceux d’un adolescent lui paraissait impossible.

Un sourire amusé se dessina sur ses lèvres au nom de James Carter et elle coula un regard brillant de malice vers Maeva.

« Tu forces... Je suis passée à autre chose tu sais ! Ca fait des années que je l’ai pas vu… Elle avait bien eu un petit crush sur James lorsqu’ils avaient travaillé ensemble à Poudlard – qui n’en aurait pas eu ? – et elle s’était empressée de le révéler à Maeva autour d’une table des Trois Balais, le fameux jour où elles s’étaient croisées à Poudlard. Il est toujours aussi beau ? s’enquit-elle néanmoins derrière le verre de vin que lui avait servi son amie. Un petit rire la traversa et elle changea de position sur le canapé pour faire face à Maeva. Et puis professeur Carter quoi, ça donne tout de suite un truc en plus tu trouves pas ? Nelly se mordit la lèvre inférieure en souriant. Vous avez parlé un peu ou pas du tout ? Il a un gosse maintenant non ? Elle se pencha pour attraper une tomate cerise. En vrai, ça abaisse un peu son charme je trouve… Un enfant ? Genre, ew, fit-elle en croquant la tomate cerise. Avec Marlene en plus… Bon c’était évident qu’ils allaient finir vieux ensemble eux. »

Nelly se demandait quel genre de mère pouvait être Marlène. Sûrement une maman aimante et disponible qui faisait tout pour offrir un cadre serein à son enfant mais elle ne pouvait s’empêcher de l’imaginer aussi assez psycho-rigide… Du genre à s’agacer si les jouets de son fils n’étaient pas bien rangés par exemple.

Le commentaire horrifié de Nelly tira un rire à Maeva qui se transforma en grimace lorsqu’elle avoua :

“Mais si tu savais le nombre de phrases de boomer que je sors à Lou... La dernière fois, j’ai dit un truc comme : “ça va pas se ranger tout seul, tu sais” et j’ai eu envie de me gifler.” Et en même temps, la veste de Lou, roulée en boule sur un fauteuil du salon depuis trois jours n’allait effectivement pas se ranger toute seule. Elle eut un soupir. “Bienvenue dans ma vie.”

Parfois, elle avait l’impression d’entendre sa propre mère et cela lui laissait toujours un goût amer dans la bouche. Elle avait l’impression de ne jamais dire les bonnes choses, de ne jamais poser les bonnes règles. Les choses étaient un peu plus simples au début, lorsque Lou était plus jeune et moins inaccessible ; maintenant, Maeva avait souvent l’impression de se retrouver face à un mur. Les choses s’étaient un peu apaisées entre elles au moment de l’exclusion de Lou mais on ne pouvait pas vraiment parler d’une quelconque amélioration ; sa sœur avait passé la semaine à s’enfermer dans sa chambre dès l’instant où elle n’était pas en stage avec Eden. Parfois, Maeva lui proposait une sortie mais ne récoltait qu’un intérêt très vague de la part de Lou. Quelques semaines plus tôt, elle avait voulu l’emmener à Flaquemare pour assister à un match. Elle savait bien que sa sœur n’était pas une mordue de Quidditch mais elle avait eu envie de partager ça avec elle, de lui montrer l’endroit où elle avait passé autant de temps lorsqu’elle était petite. Elle avait un peu insisté, elle s’était braquée, elles s’étaient disputées et n’avaient pas vraiment échangé de tout le match.

Maeva préféra orienter leur conversation sur un sujet qui générait moins de frustration chez elle que l’attitude de sa petite sœur. Elle eut un rire en entendant Nelly affirmer qu’elle était “passée à autre chose”, juste avant de lui demander si James Carter était toujours aussi beau (surtout maintenant qu’on l’appelait professeur.)

“Après, souligna Maeva. Il est professeur de divination. Concrètement, le gars boit du thé à longueur de journée et te dirait sûrement que si t’as envie d’égorger ton mec, c’était parce que Mercure rétrograde en Vénus.” Elle n’était pas très sensible à tout ça. “Mais oui, il est toujours beau. J’avoue.” Elle reprit une gorgée de vin puis secoua la tête : “Non, on n’a pas parlé, il était trop occupé à dire à Lou qu’elle avait été irresponsable, tout ça... Mais ouais, il a un enfant.” L’air un peu dégoûté qui passa sur le visage de Nelly la fit sourire. Son amie avait une aversion pour les enfants (Maeva, elle, trouvait seulement qu’ils ressemblaient à des petits aliens lorsqu’ils venaient au monde.) “Mais t’imagines, ils sont ensemble depuis Poudlard ? Genre, depuis qu’ils ont été préfets-en-chef ? Honnêtement, je pensais pas que ça tiendrait entre eux. C’est comme si... Comme si j’étais toujours avec Noah et toi avec Virgil.” Ew. Un léger silence passa, leur permettant à toutes les deux d’imaginer ce futur alternatif. Ew, bis. “Tu sais qu’il s’est marié ?” lança Maeva en attrapant une tomate. “Noah, pas Virgil” précisa-t-elle. Le contraire aurait été encore plus étonnant.

Nelly rit franchement lorsque Maeva précisa que James était professeur de divination.

« J’avoue que… ça a tout de suite moins de charme. Surtout que, qui se sert de ce qu’il a appris en divination dans sa vie d’adulte ? Personne. En plus c’était un moyen pour voir des présages partout et dans n’importe quoi et pour devenir parano. Et puis ça doit être chelou de sortir avec un mec qui fait de la divination ? Genre, tu l’embrouilles comment déjà ? Le mec voit arriver les disputes avant même qu’elles commencent et il prépare ses arguments, c’est la triche. Du coup je suis sûre que Marlene doit pas pouvoir lui sortir « Oui bah tu te souviens le mardi 17 novembre 2015 à 18h30 quand t’as souri à cette fille ?? » parce que lui peut-être qu’il sait qu’un jour elle va le tromper et il s’en sert comme moyen de pression… »

Maeva lui confirma ensuite que James était bien père d’un enfant et la grimace de dégoût de Nelly s’accentua. Professeur de divination et papa d’un gosse. Non vraiment, sans façon. Elle venait de tirer définitivement un trait sur James Carter qui n’était qu’un physique finalement. Et un esprit. Et une intelligence. Et une bienveillance. Et… Bref. Il était mieux avec Marlène pour fonder une belle famille aimante et épanouie. Ew.

« Mais oui… souffla-t-elle quand Maeva souligna que Marlene et James étaient ensemble depuis Poudlard. C’est beau en vrai ! Mais… Je sais pas, ça m’angoisse. Moi non plus ! Je pensais qu’après Poudlard ils se seraient séparés… »

Nelly se fendit alors d’un sourire à l’évocation de Noah et Virgil. Comme si Maeva était toujours avec Noah et elle toujours avec Virgil ? Ses yeux se perdirent un instant dans la contemplation de la décoration de l’appartement alors que son esprit conceptualisait cette idée. Virgil était le premier garçon qu’elle avait réellement aimé – aujourd’hui encore elle ne savait pas trop pourquoi – mais de là à faire sa vie avec lui ? Il ne lui semblait pas que l’idée lui ait traversé l’esprit à l’époque. Et encore moins celui de Virgil, elle en était certaine. Néanmoins, Nelly pensait à lui parfois et se demandait ce qu’il devenait. Cela avait été d’autant plus le cas au début de sa carrière à Skye quand certains de ses collègues lui avaient demandé où était passé « le grand échalas cerné ». Elle savait qu’il vivait désormais en Australie mais n’avait guère plus de nouvelles, sans en prendre ou en donner de son côté non plus. Probablement qu’il devait être constamment drogué. Non vraiment, no thank you, conclut-elle dans sa tête avec une grimace. Où qu’il soit, Virgil partageait sûrement sa pensée… Maeva, qui s’était murée elle aussi dans un court silence, la ramena à la réalité avec une information majeure qui lui tira un exclamation.

« Paaaaardon ! fit-elle en portant une main à sa poitrine. Noah marié ? Mais avec qui ? Elle a quoi toute votre promo de Gryffondor à se marier là ? Déjà Kassya et Phill – entre nous, un autre exemple d’un couple improbable ensemble depuis Poudlard – et maintenant Noah ? Nelly imita Maeva et prit une autre tomate cerise. T’as raté ta chance meuf… »

Elle accompagna sa remarque d’un petit sourire malicieux, sachant pertinemment que, à l’époque, s’unir avec Noah n’avait pas été dans les plans d’avenir de son amie.

« Mmh, d’ailleurs, pause, fit-elle la bouche pleine. En parlant de Virgil et tout là, clairement on avait pas fait les bons choix. Nelly attrapa son Pear qu’elle avait posé à côté d’elle sur le canapé. Parmi les frères Forbes, on est toutes les deux sorties avec Virgil… Tout en parlant elle fit une recherche rapide sur les réseaux sociaux. Mais on a pas misé sur le bon en fait. Une photo de Gabriel Forbes se matérialisa entre les deux amies. Voici Gabriel Forbes, 25 ans, kinémage du sport, sexy as hell et il était à Serpentard donc c’est forcément une bonne personne… Mais il a eu la merveilleuse idée d’avoir genre 12 ans quand on en avait 17. Et on a loupé ça, » dit-elle en pointant la photo du doigt.

Les couples qui restaient ensemble à la sortie de Poudlard n’étaient pas si nombreux. Maeva n’en connaissait que deux : Marlene et James (qui avaient déjoué tous les pronostics) ainsi que Kasya et Phil qui s’étaient mariés quelques années plus tôt et étaient les heureux parents de deux enfants. Ils semblaient filer le parfait amour – et avaient, eux aussi, déjoué tous les pronostics – que Maeva constatait surtout sur les réseaux sociaux où Kasya postait souvent des photos de leur petite famille. A la plage, au restaurant pour les deux ans du petit, en forêt... Ils avaient l’air très heureux. Elles prenaient parfois des nouvelles l’une de l’autre, entretenaient une discussion que l’une ou l’autre finissait toujours par délaisser au bout de quelques jours et se voyaient à l’occasion des mariages, des baptêmes ou de certains anniversaires. Aujourd’hui, Maeva était plus proche de certains de ses collègues qui avaient un rythme de vie similaire au sien, ou alors de ses anciens camarades de l’école d’archimagie, avec qui elle avait – littéralement – traversé l’enfer pendant plusieurs années. De Poudlard, Maeva avait gardé un réel contact avec Nelly et avec Lisa – même si cette dernière avait récemment rejoint le cercle des personnes heureuses en mariage.

Comme Noah.

Le commentaire de Noah lui tira un rire.

“Je sais pas, une meuf... Attends, Lisa m’a envoyé une photo.” Elle attrapa son téléphone pour la retrouver. “Ouais bah, il paraît qu’on a trente ans et qu’on sera bientôt moins nombreux à être célibataires qu’eux à être mariés voire parents. Prépare-toi à être invitée à des goûters plutôt qu’à des apéros, maintenant” glissa-t-elle avec un sourire en coin sur les lèvres.

Maeva ne releva les yeux de son téléphone que lorsque son amie l’interpella à nouveau. Devant ses yeux se matérialisa une photo et elle eut un sourire.

“Oui, je sais. Il bosse à Flaquemare, expliqua-t-elle, je l’ai vu la dernière fois que j’y étais. Franchement, j’ai mis cinq minutes à le reconnaître. Je veux dire, le petit Gaby Forbes, quoi.” Elle croqua à son tour dans une tomate cerise. “Il est moins beau que Dean, cela dit.” Mais c’était Dean Forbes. “Mais on peut lui accorder une solide deuxième place, je trouve. Mention spéciale parce qu’en plus, il est vraiment sympa.” Ils avaient rapidement échangé lorsqu’ils s’étaient croisés. “Mais qu’est-ce que tu veux, Nel’, nous on était plus sensibles à la vibe “grosses cernes sous les yeux” et “odeur de mandragore”.” Elles échangèrent un regard lourd de sens. “Ouais mais, à 17 ans, ça avait son charme aussi.”

Elle finit par retrouver la photo dans sa conversation avec Lisa et elle s’afficha entre les deux amies.

“Tiens, voilà, c’est la femme de Noah. Je crois qu’ils bossent ensemble à l’hôpital.” précisa-t-elle.

« Arrête meuf je vais faire une crise d’angoisse je crois, fit Nelly en s’éventant dramatiquement avec sa main lorsque Maeva souligna qu’elles commençaient à être les rares célibataires sans enfants de leur ancien groupe d’amis. Encore se marier, ça doit être cool. Et en vrai, je les envie un peu je t’avoue. Mais avoir des enfants ? Flemme. Déjà que je dors pas beaucoup. »

Même en ayant passé la barre des trente ans, Nelly ne se sentait pour le moment pas prête à assumer la responsabilité de donner la vie à un petit être et de l’élever. Au fond, elle savait que ce sentiment venait d’une crainte bien enfouie d’être une terrible mère, comme avait pu l’être sa propre mère, mais avoir un enfant ce n’était pas rien et cela chamboulait toute une vie. Elle le voyait bien avec ses proches qui accueillaient un enfant dans leur vie, toute celle-ci ne tournait plus qu’autour de leur progéniture. Elle l’avait d’autant plus perçu chez sa grande sœur Eline qui était l’heureuse mère d’une petite fille de 4 ans : la vie de sa sœur avait nécessairement changé du tout au tout et, les premières années, elle avait partagé avec Nelly non plus des soirées Netflix and chill mais Biberons and couches. Cette vie de maman était devenue encore plus difficile pour Eline à sa séparation avec le père de sa fille, survenu quelques mois plus tôt et quelques semaines après l’anniversaire de leur fille, aussi Nelly avait-elle dû embrasser son rôle de tata riche et cool pour venir de temps en temps en aide à sa sœur. Et, pour être honnête, ce rôle lui plaisait. Elle n’aimait pas les enfants… sauf sa nièce.

La conversation des deux amies s’orienta vers Gabriel Forbes dont Nelly avait trouvé une photo sur les réseaux sociaux. Maintenant qu’elle l’avait stalké, elle espérait un peu que l’algorithme d’Instamag propose son profil à Gabriel dans les prochains jours, l’air de rien. Elle avait déjà vu le profil de Damon Drop comme ça, qui était apparu sous une suggestion « Peut-être connaissez-vous ?... ». Elle avait eu un peu envie de vomir en voyant les photos de l’ancien Gryffondor.

« Eh mais t’as de la chance toi ! Comment ça tu as pu parler avec lui en plus ? Il est vrai que Maeva allait souvent à Flaquemare faire des soirées avec Andrew Dubois qu’elle avait très certainement pécho au passage. Ecoute la prochaine fois, tu lui parleras de moi. Dis-lui que ça ne me dérange pas de sortir avec le petit frère de mon ex, elle marqua une pause pour se fendre d’un sourire malicieux. Non ne lui dis pas ça. »

La jeune femme se pencha ensuite sur la photo de la femme de Noah que lui présenta Maeva.

«  Elle est mignonne en vrai, admit-elle en inspectant attentivement la photo. A mon avis, elle est à un bon 7.5 – sur une échelle élaborée par les deux amies qui allait de 0 pour le pire plan de Maeva à 10 pour Marlene mais sans enfant. T’as plus du tout de nouvelles de lui ? »

La discussion tourna quelques instants autour de Noah avant que Nelly ne se penche vers la table basse pour récupérer une paire de baguettes qu’elle sépara afin de se saisir d’un sushi qu’elle trempa dans le petit pot de sauce soja – salée, bien sûr – et tourna un regard rieur vers Maeva.

« Et toi alors, quelles sont les dernières nouvelles du côté de ton petit cœur de business woman qui n’a pas le temps pour l’amour ? »