Ados des gradins [PV Oscar]

C’était une journée parfaite pour un match de Quidditch. Le ciel d’un bleu azur était parfaitement dégagé. Il faisait encore chaud, mais la température était plus supportable qu’au milieu du mois d’août. Une légère brise soufflait sur le stade de Flaquemare. Une journée idéale pour assister à une rencontre sportive…à condition d’être un fan de Quidditch, ce qui n’était pas le cas de Lou. Elle ne s’était jamais trouvé un grand intérêt pour ce sport. Elle assistait à la plupart des matchs de Poufsouffle, pour ne pas passer pour une paria, mais s’en désintéressait assez vite. Elle-même n’avait jamais été particulièrement douée sur un balai. Elle avait un petit peu peur du vide et préférait de loin garder ses deux pieds au sol. Là où ils étaient censés être, en fait.

Assister à un match de Quidditch professionnel dans les loges VIP de Flaquemare était certainement un samedi après-midi rêvé pour de nombreux sorciers, mais pas pour elle. Elle était forcée d’admettre que les loges étaient plutôt confortables. Ils étaient parfaitement bien placés, avec un buffet généreusement fourni et un bar dont elle aurait bien aimé pouvoir profiter -mais c’était sans compter sur la présence de Maeva à ses côtés.

C’était évidemment sa sœur qui l’avait trainée ici, arguant que c’était une « si belle journée » et qu’elle avait besoin de « prendre l’air ». Lou était convaincue que l’air qui entrait par la fenêtre de sa chambre à Léopoldgrad était d’une qualité tout à fait équivalente à celui qu’elle respirait ici, et qu’elle expira bruyamment en se laissant tomber sur son siège. Elle n’avait absolument aucune envie de passer les prochaines heures ici et pria intérieurement pour que le match soit rapide.

Elle avait manqué le cours d’étude des runes hier à cause d’une violente crise de migraine qui l’avait obligée à rester allongée dans le noir complet de son dortoir, et avait emmené son manuel avec elle au cas où la rencontre s’éterniserait -autant rentabiliser le temps perdu ici en rattrapant son travail scolaire en retard.

Lou était sujette aux migraines depuis toujours, ou du moins depuis aussi loin que ses souvenirs remontaient. Elle avait consulté plusieurs spécialistes et essayé différents traitements, sans succès. Elle avait d’ailleurs hésité à prétexter une migraine pour échapper à cette sortie mais était persuadée que Maeva serait restée à la maison avec elle, ce qui l’aurait empêché de faire quoi que ce soit de son après-midi.

Elle se retrouvait donc assise en plein soleil, une mine boudeuse sur le visage et une casquette ridicule aux couleurs de Flaquemare enfoncée sur ses cheveux blonds emmêlés. Elle avait la peau particulièrement blanche et une fâcheuse tendance à rougir dès qu’elle passait plus de dix minutes au soleil -et elle ne comptait pas risquer sa vie pour un stupide match de Quidditch !

Le coup d’envoi n’était pas encore lancé, et Maeva discutait un peu plus loin avec quelqu’un que Lou ne connaissait pas. Déjà ennuyée, l’adolescente soupira et étira ses jambes devant elle avant de se lever pour s’approcher du bar d’un pas traînant. Elle était assez tentée de prendre une bière – et s’imaginait bien que l’on ne contrôlait pas l’âge des invités dans une tribune VIP– mais avait l’impression que sa sœur la surveillait du coin de l’œil et commanda donc un soda.

On lui tendit sa boisson dans un gobelet en carton avec une paille et une demi-tonnes de glaçons et elle s’apprêtait à opérer un demi-tour pour retourner à sa place quand un visage familier se présenta au bar, juste à côté d’elle.

"Salut, lança-t-elle à Oscar, qu’elle était un peu surprise de trouver ici. Je savais pas que t’étais fan de Quidditch."

Elle ne connaissait pas très bien son camarade mais elle l’avait toujours catalogué davantage comme un rat de bibliothèque que comme un sportif arrogant et m’as-tu-vu.

« Viens prendre un peu l’air », « Tu verras du monde comme ça », « On ira manger une gaufre après. » C’était bien évidemment le dernier argument qui avait emporté l’adhésion d’Oscar car il lui semblait que la qualité de l’air était la même ici que dans leur maison à deux kilomètres. Ensuite, il voyait certes du monde mais était-ce des personnes qu’il avait véritablement envie de voir ? Les loges VIP de Flaquemare étaient toujours remplies de familles et d’amis de joueurs, les enfants qu’on y trouvait étaient souvent plus jeunes que lui. Ce n’était pas forcément sa compagnie idéale. Sa mère était là mais elle était toujours occupée à être en grande discussion avec des amies ou bien à applaudir pour Flaquemare. Oscar lui avait déjà signalé que ce n’était techniquement pas Olivier qui gagnait quand ses joueurs gagnaient mais elle lui avait dit qu’il faisait un peu preuve de mauvaise foi, en mettant une petite pichenette sur sa casquette rouge (car il n’en n’était pas encore réduit à porter les couleurs du club.)

Il avait laissé les sièges les plus en amont aux fanatiques du Quidditch et s’était mis à l’ombre dans les salons ombragés, calé dans un canapé. Au dessus du bar, qui servait gracieusement à boire, on retrouvait un écran qui diffusait chaque minute du match, pour ne pas prendre le risque de manquer une action si on venait à tourner la tête. Ses écouteurs dans les oreilles pour ne pas prêter attention aux cris de joie et aux remarques des commentateurs, il regardait des bandes-annonces sur son Pear. Ils allaient sortir The Marvels au cinéma moldu, peut-être qu’il pourrait y aller avec son père le dernier week-end d’octobre, la prochaine fois qu’il le verrait...

Comme beaucoup d’enfants de parents divorcés, Oscar quittait l’école à chaque week-end d’ouverture, pour pouvoir voir ses deux parents. En réalité, il voyait un peu plus souvent sa maman. Pourtant, normalement, ils avaient la garde partagée mais son père avait plus souvent des imprévus. Par exemple, il ne pouvait pas le week-end dans deux semaines alors que c’était normalement leur créneau. Il allait à une convention, avec sa femme Katy. C’était exceptionnel, lui avait-il assuré, ils n’avaient pas pu choisir les dates du festival et Katy lui avait fait la surprise. Il lui avait proposé d’aller passer le week-end chez ses grands-parents, avec Lucas et Libby, son demi-frère et sa demi-soeur, mais Oscar avait décliné. Il préférait autant rester chez sa mère... Pendant les vacances de Noël, il passerait deux jours de moins aussi chez son père. Il revenait à Flaquemare le 25 au lieu du 27 parce qu’ils allaient voir la famille de Katy et il n’y avait pas vraiment de place pour le loger, avec tous les cousins qui venaient. Puis ça n’était pas vraiment sa famille à lui, non ? Son père n’avait pas dit cela. Mais lui l’avait pris comme ça. C’était toujours comme ça, de toute manière. Il n’était pas de la famille de Katy. Il n’était pas de la famille d’Olivier. Il était là, quoi.

Sa vidéo s’était terminée sans qu’il ne réalise, trop absorbé dans ses pensées. De toute manière, le film avait l’air nul, décréta-t-il avec mauvaise humeur. Sans se relever, il tourna la tête vers les tribunes et le terrain. Sa mère était de dos, accoudée à la balustrade. Il soupira. Bascula sa tête de l’autre côté. Il y avait une fille au bar, aux longs cheveux blonds et à la silhouette familière. Quand il aperçut son profil, il réalisa que c’était Lou Virtanen. C’était la première fois qu’il la voyait ici, il l’aurait remarquée sinon. Est-ce qu’il pouvait aller lui parler ? Il pouvait, ils étaient dans la même année après tout mais est-ce qu’il devait ? Ils ne parlaient pas vraiment, à Poudlard. Mais ils n’étaient pas fâchés non plus. Il réfléchit quelques secondes avant de se décider. Il allait aller chercher quelque chose au bar et il verrait bien si elle lui parlait aussi.

Verrouillant son Pear, il le rangea dans la poche de son jean et se redressa pour se diriger à peu près normalement vers le bar. Lou tourna immédiatement la tête vers lui, le saluant.

- Salut, répondit-il. Euh ouais. Mon beau-père c’est Olivier Dubois, en fait. L’entraîneur, précisa-t-elle au cas où Lou ferait partie de ce quelques personnes - qu’il appréciait beaucoup - qui ne connaissaient pas son beau-père. Alors voilà, j’suis là.

Il espérait que son ton laissait assez transparaître qu’il subissait plus qu’autre chose.

- Et toi ? Je ne savais pas que t’étais fan de Flaquemare, ajouta-t-il en désignant sa casquette floquée d’un coup de menton. Je peux t’avoir un autographe, si tu veux... proposa-t-il en haussant les épaules.

C’était souvent ce qu’on lui demandait de toute manière. Il ne comptait plus le nombre de fois où on était venu le voir à Poudlard, en faisant mine de lui faire la conversation au début, de s’intéresser un peu à lui, avant de poser une question sur son frère, souvent. Une question, une demande d’autographe, de rencontre, un conseil de Quidditch. Quand ça n’était pas son frère, c’était son beau-père ou bien des places à Flaquemare ou pour le Barqua ou pour il ne savait quelle compétition. Et quand il refusait, à chaque fois, les gens s’agaçaient. « Vas-y, fais pas le mec en fait, tu te prends pour qui toi ? »  Ce qui était une très bonne question, d’ailleurs.

Lou hocha lentement la tête quand Oscar lui expliqua que son beau-père était Olivier Dubois. Etant donné la façon dont il le disait, elle devinait qu'elle était censée connaitre ce nom. Et il lui était effectivement vaguement familier. Elle l'avait surement déjà entendu quelque part, mais elle était bien incapable de se souvenir où. Etant donné le contexte, elle se doutait bien qu'il devait s'agir d'un joueur de Quidditch, mais elle n'y connaissait rien. Il aurait aussi bien pu s'agir de l'attrapeur de l'équipe nationale d'Angleterre que d'un remplaçant chez les Canons de Chudley.

Elle fut reconnaissante à son camarde de préciser qu'il s'agissait en fait de l'entraineur de l'équipe de Flaquemare. Lou avait déjà du mal à retenir les noms des joueurs, elle n'allait pas non plus retenir celui des entraineurs !

"Cool" répondit-elle simplement, sans grand enthousiasme.

Etonnement, Oscar ne semblait pas non plus ravi d'être ici. Il était peut-être blasé, il devait venir ici tous les week-end si son beau-père était l'entraineur de l'équipe. Il vivait certainement dans une de ces familles où le Quidditch était une religion, et aurait peut-être fait une syncope s'il avait su que Lou n'avait jamais assisté à un match autre que ceux de l'école.

Elle laissa échapper un bref éclat de rire quand il s'étonna de la découvrir fan de Flaquemare, en référence à la casquette aux couleurs du club qu'elle avait enfoncée sur ses cheveux blonds. Il poursuivit en ajoutant qu'il pouvait lui avoir un autographe, si elle le voulait. Elle le dévisagea un instant en silence en se demandant de quoi il parlait avant de se rappeler du beau-père soit-disant célèbre.

"Euh...c'est gentil, mais c'est bon t'inquiète !"

Elle n'avait pas envie de refuser trop brusquement sa proposition pour ne pas le vexer, mais elle avait autant envie d'avoir un autographe d'Olivier Dubois que de passer quatre heures sous le soleil à regarder des sportifs faire des acrobaties sur un balais à trente mètre au dessus du sol. Très peu, donc.

"En fait c'est pas vraiment mon truc, avoua-t-elle avec une grimace. Le Quidditch, précisa-t-elle. Elle n'avait rien contre son beau-père en particulier. C'est pas qu'je déteste ça, mais ça m'intéresse pas tellement...Désolée."

Elle se sentait toujours un peu obligée de se justifier quand elle disait qu'elle n'aimait pas le Quidditch. Elle ne comptait plus les fois où on l'avait traitée de rabat-joie parce qu'elle avait refusé d'assister à un match de l'école. Elle se déplaçait pour sa maison, en général, mais seulement quand il faisait beau. Elle n'était pas solidaire avec Poufousffe au point de passer ses samedi après-midi sous la pluie, à plisser les yeux pour tenter d'apercevoir les joueurs à travers les gouttes. Sauf q'à Poudlard, refuser d'assister à un match pour cause de mauvais temps revenait plus ou moins à signer l'arrêt de mort de sa vie sociale. Ce qui ne dérangeait pas tellement Lou, dans le fond. Elle aimait bien avoir le dortoir pour elle toute seule quand tous les autres étaient au stade.  

A la manière dont Lou répondit « cool » avec son ton qui disait que ça n’était pas cool, Oscar songea qu’il avait peut-être eu une mauvaise lecture des choses. Elle ne semblait pas forcément ravie d’être ici alors que la plupart des gens qui étaient dans les tribunes ViP était plutôt contents d’être là : si ça n’était pas pour le Quidditch, ça l’était au moins pour le bar et les petits fours. D’ailleurs, Lou et Lou faisaient partie des quelques rares personnes à l’intérieur. Le reste des convives occupaient plutôt les tribunes, profitant des rayons du soleil et du spectacle qui se jouait à leur hauteur. Eux étaient plutôt à l’ombre, bien dissimulés derrière sous leurs casquettes. Et même si la sienne était aux couleurs de Flaquemare, elle ne semblait pas non plus très enthousiaste à sa proposition d’un autographe. Elle eut même un rire quand il demanda si elle était fan et il eut un petit mouvement de surprise. Il songea que c’était peut-être la première fois qu’il l’entendait faire ce son. Il était vrai qu’il ne faisait pas forcément très attention à elle mais elle ne faisait pas partie de ces personnes qui éclataient de rire à gorge déployée dans les couloirs, avec leurs amis.

- Oh, ouais, ok, répondit-il en haussant les épaules, toujours un peu surpris.

Elle n’était donc pas contente d’être ici mais comment avait-elle atterri ici, justement, elle ? Lui, c’était facile. Sa mère l’avait traîné. Mais elle ? Elle n’était pas la fille d’un joueur ou d’une joueuse, il le savait. Son père, c’était l’ancien directeur, le Professeur Virtanen, et il était décédé quand ils étaient en deuxième année, il lui semblait. Malgré lui, il connaissait plutôt bien tout les joueurs de l’équipe, les remplaçants, et puis toutes les informations sur leur vie parce que Olivier en parlait beaucoup. Des fois, quand il était lancé dans une longue tirade où rien ne pouvait l’arrêter, sa mère et lui échangeaient un regard. Elle faisait mine de s’endormir puis de se réveiller brusquement. Cela le faisait toujours sourire. Olivier ne percutait jamais rien.

Quand elle finit par dire que le Quidditch ça n’était pas trop son truc, qu’elle ne s’y intéressait pas, il haussa les sourcils. Elle ajouta même un « Désolée » qui lui fit secouer la tête. Elle n’avait pas vraiment à présenter ses excuses, il y avait des gens qui n’aimaient pas ce sport et d’ailleurs ils étaient un peu vite stigmatisés. Oscar n’en connaissait pas beaucoup mais il venait d’un milieu plutôt biaisé.

- T’excuse pas, répondit-il. C’est pas trop mon truc non plus... Enfin, ajouta-t-il, comme s’il commettait un crime de lèse-Majesté. C’est pas que j’aime pas, en soi, mais juste... trop, ça me soule.

Et à la maison, on était vite dans le « Trop. » Déjà c’était le métier d’Olivier (ou plutôt, la vie d’Olivier.) Ensuite, ils vivaient à Flaquemare, une ville qui vivait du Quidditch et du tourisme. De plus, Andrew y jouait aussi, professionnellement. Susan et Grace aimaient beaucoup, Grace avait joué pour Gryffondor quand elle était à Poudlard. Les amis de son beau-père étaient tous des joueurs ou d’anciens joueurs ou bien des gens du milieu. Partout où il mettait les pieds à la maison, c’était du Quidditch. Il en faisait une overdose, parfois. En plus, par principe, il aimait bien dire à Olivier qu’il détestait ça. L’autre avait toujours l’air d’avoir avalé une Bavboule qui lui restait coincée dans la gorge. Avant, il se lançait dans de grandes protestations pour le convaincre. C’était sa mère - qui voyait clair dans son petit jeu - qui lui avait dit de lâcher l’affaire.

Avec sa mère, ils ne parlaient jamais de sport. Ils parlaient de musique, de piano, de livres, des films qu’elle aimait bien. Ils s’installaient ensemble au piano ensemble, des fois, et ils jouaient un peu. C’était souvent quand Olivier était en déplacement. Sinon, il venait les voir et Oscar n’avait soudainement plus envie de faire de musique.

- Mais du coup, reprit-il, qu’est-ce que, euh, enfin tu es venue pourquoi ? 

"Ah, cool ! répondit-elle en apprenant qu’Oscar n’aimait pas le Quidditch non plus, avec plus d’enthousiasme qu’elle ne l’avait fait en apprenant l’existence de son beau-père soi-disant célèbre. Enfin, dommage pour toi j’imagine, se reprit-elle. Ça doit être chiant de vivre avec un joueur pro, si le Quidditch te saoule."

C'était chiant de vivre avec des adultes, déjà. Alors elle n’aurait pas supporté d’entendre en plus parler de Quidditch à longueur de temps. Et elle s’imaginait que cela devait être le cas, dans les familles des sportifs professionnels, dont toute la vie était construite autour de leurs carrières.

Lou était agréablement surprise de découvrir qu’Oscar, malgré son statut de beau-fils d’un joueur célèbre, n’était donc pas un fan de Quidditch. Cela témoignait d’une certaine aptitude à la rébellion qu’elle n’aurait pas soupçonné chez lui. A vrai dire, elle connaissait assez mal son camarade. Elle savait qu’il était préfet, à Serdaigle, et qu’il avait continué l’étude des runes en Aspic. Cela suffisait à ses yeux pour le cataloguer comme un premier de la classe, respectueux des règles et obéissant face à l’autorité. Elle était contente de découvrir qu’il semblait malgré tout capable de s’opposer au dictat familial de l’amour pour le Quidditch.

"C’est ma sœur qui m’a emmenée. Trainée aurait certainement été un terme plus exact. Elle est là-bas. Elle se retourna pour pointer Maeva du doigt. La brune en blanc."

Cette dernière était en pleine discussion avec un homme que Lou ne reconnaissait pas. Elle était, comme souvent, super bien habillée -même si Lou jugeait son look un peu trop classique- portait un chapeau bien plus élégant que la casquette aux couleurs de Flaquemare qu'elle avait refilé à Lou, et sa peau halée semblait presque scintiller au soleil. Oscar la trouverait certainement super cool. Tout le monde trouvait Maeva super cool, parce qu’elle était magnifique, qu’elle n’avait que trente ans, une super vie et un super appartement.

Il n'était pas rare qu'on lui dise qu'elle avait de la chance, de vivre avec sa soeur de trente ans. Lou n'était pas certaine que le fait que ses deux parents soient morts avant son quatorzième anniversaire puisse être considérée comme une "chance" mais elle était forcée d'admettre que Maeva pouvait être cool, parfois. Elle pouvait aussi être pas cool du tout, quand elle se prenait pour sa mère ou quand elle la forçait à venir assister à des matchs de Quidditch, par exemple.

"Elle dit que j’ai besoin de prendre l’air et de profiter du soleil, ajouta-t-elle en levant les yeux au ciel comme si cette idée était parfaitement absurde. Du coup je profite un peu de mon futur cancer de la peau. Et toi ? On te traite aussi comme une plante verte ou tu es là par soutient familiale ?"

Il n’aimait pas le Quidditch, mais peut-être aimai-il suffisamment son beau-père pour venir voir les matchs de son équipe ? Lou avait deux exemples radicalement opposés sur cette question. Maeva, qui avait été très porte de Peter au point qu'il l'avait même adopté à la mort de son père -ce qui faisait qu'elle était biologiquement demi-soeurs, mais légalement soeurs-en-entier (ce qui, dans l'esprit de Lou, la plaçait devant Felicity). Et Taron, qui détestait le copain de sa mère.

Elle se demandait à quelle catégorie appartenait Oscar.

Si c’était pénible de vivre avec un professionnel du Quidditch au quotidien quand on n’avait qu’un attrait très limité pour ce sport ?

- Ouais, confirma Oscar, c’est chiant.

Leur vie à la maison s’articulait autour de ça, les saisons, les matches, les déplacements. Olivier parlait principalement de cela, même si sa mère réussissait par miracle à le faire discuter d’autres sujets. Il y avait les soirs de grand match, où ils devaient aller au stade pour le soutenir. Il y avait les grandes compétitions où son beau-père était tendu, ce qui le rendait parfois (encore plus) désagréable pour Oscar. Et quand ça n’était pas Olivier et Flaquemare, c’était Andrew et le Barqua ou les All-Stars ou l’équipe pour laquelle il jouait en ce moment. Et des fois, c’était même les deux quand on parlait de compétitions internationales ! Il ne comprenait pas comment sa mère faisait pour supporter tout ça. Alors elle faisait plein d’efforts pour lui, il le savait. Elle n’allait pas à tous les matches joués par Flaquemare, loin de là, et ils passaient ces soirées-là à faire des choses qu’ils aimaient faire ensemble. Ils allaient voir des films au cinéma ou bien, quand Oscar avait envie de juste rester tranquille dans sa chambre, ils commandaient des trucs à manger avec plein de fromage fondu. Mais malgré tout ça, ils baignaient dans cet univers, aux yeux d’Oscar, ils le subissaient plus qu’autre chose...

Comme Lou aujourd’hui, qui avait été traînée par sa soeur, apparemment. Il tourna la tête dans la direction qu’elle lui désignait et plissa les yeux, cherchant un instant où il l’avait déjà vue... Elle bougea légèrement, lui apparaissant plus clairement, et la lumière se fit.

- Ah mais oui, t’es la soeur de Maeva, j’avais oublié...

Il le savait parce que Andrew le lui avait dit, une fois. « Vous êtes dans la même année, vous vous connaissez ? » Il ne savait plus trop ce qu’il avait répondu. Sûrement qu’il ne pouvait pas connaître tout Poudlard, alors qu’il voyait très bien qui était Lou. La question l’avait agacé, il ne savait même plus pourquoi.

- C’est une pote de mon frère.

Parce que Andrew avait tellement d’amis qu’ils étaient obligés d’être partout, même quand il n’était pas là. Oscar détourna la tête de la silhouette de Maeva, comme si elle l’avait personnellement offensé. Ses yeux s’écarquillèrent lorsque Lou expliqua que sa soeur l’avait emmenée ici pour qu’elle « prenne l’air » : c’était exactement ce que sa mère avait dit également pour le sortir de la maison ! Et c’était parfaitement stupide, parce qu’il y avait exactement le même air ici que dans leur maison à quelques kilomètres. À la grande limite, sa mère aurait pu le faire sortir dans le jardin. Il rit légèrement lorsque Lou déclara qu’elle profitait de son cancer de la peau. C’était exactement ce qu’il avait pensé aussi ! Ses yeux clairs contemplèrent un instant sa camarade, son humeur soudainement allégée de découvrir qu’ils partageaient quelque chose. C’est avec un peu plus d’entrain qu’il lui répondit :

- Team plante verte ici. Ma mère voulait aussi que je vienne « prendre l’air » ici. Donc me voilà... Mais elle a dit qu’on irait manger une gaufre après, alors... 

Il s’interrompît un instant. Est-ce qu’il aurait dû dire ça ? Est-ce que Lou allait le prendre pour un gamin d’aller prendre quelque chose à goûter avec sa mère, à son âge ? Il eut brusquement la crainte d’avoir brisé ce ténu lien de complicité qui avait semblé se nouer entre eux. Il haussa les épaules, comme pour annuler ce qu’il venait de dire.

- Mais ça me gave quand même d’être là. J’ai pris une BD avec moi, du coup...

Il tourna la tête vers le canapé où il avait abandonné le dernier volume de Loki : Journey into mystery.

"Ouai, répondit Lou sans enthousiasme quand Oscar se rappela qu'elle était la soeur de Maeva, qui était une pote de son frère. Sa soeur, parfois sa fille, souvent son fardeau. Leur relation était un peu compliquée à résumer. J'ai même cru qu'ils étaient ensemble, à une époque, renchérit-elle en se souvenant des week-end assez fréquents que sa soeur semblait passer à Barcelone. Ton frère a quelqu'un en ce moment ?"

Lou aurait préféré assister à un match de Quidditch de plus de dix heures, sous la pluie, plutôt que d'interroger directement sa soeur sur sa vie sentimentale, par peur qu'elle lui retourne ses questions. Elles n'avaient jamais parler de ça toutes les deux. Et Lou tenait à ce que cela reste le cas. Mais elle devait admettre qu'elle était un peu curieuse de savoir si Maeva fréquentait quelqu'un en ce moment. Si elle fréquentait Andrew Dubois, elle le faisait de façon assez discrète, puisque cela n'avait apparement pas fait la une des journaux. Cela faisait en tout cas très longtemps que son ainée ne lui avait pas présenté un ou une petite-amie. La dernière fois que Lou avait rencontré officiellement une copine de Maeva, elle avait à peine six ou sept ans.

Elle se demandait parfois si c'était parce que Maeva n'avait pas envie de lui présenter ses relations, ou si c'était parce qu'elle était célibataire depuis plusieurs années. Elle se demandait aussi si ce célibat était choisi, ou s'il avait quelque chose à voir avec le fait que, depuis plus de trois ans, Maeva se concentrait davantage sur son rôle de soeur plutôt que sur sa vie sentimentale. Lou chassa cette pointe de culpabilité en se rappelant que son horrible soeur l'avait trainée ici de force et reporta son attention sur son camarade, qui semblait lui aussi être là contre sa volonté.

Elle esquissa un bref sourire quand Oscar expliqua que sa mère l'avait convaincu d'assister au match en lui promettant une gaufre après. Il semblait un peu embarrassé d'avoir partagé cette anecdote, et Lou l'aurait peut-être été aussi à sa place, alors qu'il n'y avait franchement rien de honteux à aimer les gaufres.

"J'aurais du négocier une gaufre aussi, se lamenta-t-elle. Bien joué."

Visiblement désireux de faire oublier sa confidence au sujet de son goûter, Oscar enchaina en expliquant qu'il avait emmené une BD pour s'occuper pendant le match. Lou suivit son regard et avisa un album intitulé "Loki : Journey into mystery" abandonné sur un canapé aux couleurs de Flaquemare. Elle avait un à priori plutôt négatif sur ce genre de bande-dessinée consacrée aux super-héros, mais elle ne pouvait pas se permettre d'émettre un jugement : elle n'en avait jamais lu.

Lou ne lisait pas beaucoup, de manière générale. Les trois mêmes livres trainaient sur sa table de chevet depuis des années. Un polar d'un auteur finlandais, en langue originale, offert par son père pour l'aider à pratiquer son finnois, et dont elle n'avait jamais dépassé le premier chapitre. Un roman de fantasy qu'elle avait acheté l'été dernier parce qu'elle avait trouvé la gravure sur la couverture magnifique. Et un livre de développement personnel, "Les sept clés du bonheur" offert par Eden pour son dernier anniversaire, et qu'elle utilisait pour écraser les moustiques pendant l'été.

"Tu sais que c'est hyper offensant pour les peuples nordiques ce genre de littérature ? répliqua-t-elle en se retournant vers son camarade, en jetant son regard le plus noir en direction de la bande-dessinée. C'est une vraie religion, c'est pas des blagues."

Elle essaya de garder son sérieux le plus longtemps possible et résista pendant de longues secondes avant de se fendre d'un bref sourire un peu moqueur.

"Nan c'était une blague désolée, plus personne croit à ces trucs mythologiques."

Oscar l'avait surprise en se révélant moins premier-de-la-classe qu'elle ne s'y était attendue. Elle se demandait s'il la surprendrait également avec un sens de l'humour insoupçonné. Etait-il le genre de personnes avec qui on pouvait faire des blagues au sujet des parents morts ?

Oscar ne savait pas trop quels étaient les liens entre Lou et sa soeur, mais en tout cas son « Ouais » ne débordait pas trop d’enthousiasme. Ce qu’il savait, en revanche, c’était qu’elle vivait chez Maeva parce que son père, le professeur Virtanen, était mort il y a quelques années et apparemment sa mère aussi. Ça ne devait pas être simple, déjà parce qu’elle était littéralement orpheline et ensuite parce que ça devait brouiller les pistes de vivre chez sa soeur, qui du coup devenait un peu le parent. Il ne s’imaginait pas du tout vivre définitivement avec son frère, pour qu’il s’occupe de lui. D’ailleurs, il était certain que Andrew n’en n’avait pas envie non plus, trop occupé à vivre à Barcelone et à faire plein de trucs... comme passer du temps avec la soeur de Lou, d’ailleurs.

- Moi aussi, renchérit Oscar lorsqu’elle déclara qu’elle avait pensé qu’ils étaient ensemble. Je les ai vus à la soirée après la Coupe d’Europe, en juillet là, ‘fin on aurait vraiment dit... Mais peut-être qu’ils étaient juste vraiment amis, il n’était pas allé poser la question. Il savait que son frère lui aurait répondu mais lui aurait sûrement posé la même en retour et il n’avait pas envie d’y répondre. Pas qu’il y ait quoi que ce soit à y répondre, d’ailleurs mais... Andrew s’empresserait sûrement de lui donner des conseils que Oscar n’avait pas envie d’entendre. Il haussa donc les épaules quand Lou demanda si son frère avait quelqu’un en ce moment. Pas que je sache, mais c’est possible. Il est un peu secret avec ça.
 
Depuis Aimee, surtout. Elle avait été la préférée d’Oscar, dans toutes les petites-copines de son frère. Elle était gentille avec lui, elle s’était vraiment intéressée à lui. Il était beaucoup plus petit, il avait sept ou huit ans quand elle était arrivée, il ne savait plus vraiment, mais elle était restée jusqu’à ses treize ans. Elle jouait de la musique, elle aussi, et ils en avaient beaucoup fait ensemble quand elle venait à la maison. Elle se mettait toujours dans son équipe aux jeux de société et elle lui disait qu’ils avaient un seul objectif : battre Andrew et Olivier. C’était toujours drôle. Elle lui envoyait toujours un message sur Instagram pour lui souhaiter son anniversaire, même depuis qu’elle n’était plus avec Andrew. L’année dernière, elle lui avait offert une guitare, en cadeau, pour le changer du piano, avait-elle dit. Il aurait bien aimé qu’elle revienne. Les autres, il les avait à peine connues. Si maintenant ça devait être Maeva et bien... au moins, il pourrait discuter avec Lou. Cela lui semblait être déjà un progrès par rapport aux précédentes.

Parce que leur discussion se passait étonnamment bien, pour deux personnes qui n’avaient jamais vraiment pris le temps de discuter avant. Lou n’était pas aussi distante qu’elle en avait l’air ou pas aussi moqueuse. Il avait craint avoir fait une gaffe avec cette histoire de gaufre, mais elle ne s’en formalisa pas, allant même jusqu’à déclarer qu’il avait « bien joué » et qu’elle aurait dû en négocier une aussi. Si Taron Atwell avait été là, Oscar était certain qu’il en aurait pris plein la tête, à base de « Le fifils à sa maman. »

- Ils ont des sortes de bols de mini-pancakes ici, si tu veux, proposa-t-il en haussant les épaules.

À force de fréquenter la loge VIP, il en connaissait bien le menu. Ils étaient servi avec du chocolat noir ou des fruits, et ça se négociait de pouvoir avoir les deux. C’était souvent ce qu’il faisait et il les mangeait avachi dans le canapé, ses écouteurs dans les oreilles et le nez dans son Pear ou une bande-dessinée. Ça rendait la sortie au stade à peu près tolérable et comme ça, tout le monde comprenait qu’il n’avait pas envie d’être dérangé pour aller célébrer le dernier but de Juliet Wilson. Il venait d’ailleurs de désigner du menton la BD qu’il avait abandonnée, sur Loki. Ça n’était pas sa série préférée mais c’était assez cool, à ses yeux, puis il aimait bien le personnage. Tout le monde parlait de Thor comme le plus cool et le plus impressionnant, parce qu’il en faisait des tonnes  et sauvait le monde, mais dans le fond, c’était Loki qui avait le plus de connaissances et de pouvoirs magiques et qui oeuvrait dans l’ombre (parfois pour faire le Mal mais c’était globalement un incompris.) Sauf que visiblement, Lou était loin d’apprécier ce genre de comics, au vu de la tête qu’elle fit.

Oscar comprit qu’il avait fait un écart et s’en voulut immédiatement. Il aurait pu réfléchir, au fait que Lou Virtanen pourrait ne pas apprécier ça. Il ressentit une pointe de déception. Ça se passait bien, ils discutaient bien et il venait de tout gâcher bêtement. C’était toujours comme ça de toute manière, il finissait toujours par commettre un impair chelou et les gens ne revenaient pas forcément lui parler, ou alors de loin.

- Ah euh j’savais pas, balbutia-t-il lorsqu’elle lui demanda s’il réalisait que c’était offensant pour les communautés nordiques.

Elle avait l’air très sérieux et il sentait son coeur battre fort dans sa poitrine... jusqu’à ce qu’elle se fende d’un sourire en déclarant que c’était une blague.

Les yeux d’Oscar s’écarquillèrent.

Lou Virtanen venait de le... vanner ?

Improbable. Et amusant ! Un sourire soulagé vint éclairer son visage. Il ne savait pas qu’elle faisait des blagues, surtout pas à lui, quoi.

- ’tain, tu m’as fait peur... déclara-t-il sans se départir de son sourire. J’étais en panique. Son coeur battait encore un peu fort. J’ai cru que j’allais devoir aller voir le match en punition... ajouta-t-il, pour tenter une petite blague lui aussi.

Il frotta un peu nerveusement l’arrière de son bras.

- Après, c’est pas de la grande littérature tu vois, mais y’a des trucs un peu cool dedans, sur les runes et la magie des runes, tout ça. Je sais pas ce que ça vaut hein, mais c’est cool.

Lou grimaça en entendant Oscar évoquer les bols de mini-pancakes disponibles au buffet, comme si cela pouvait compenser l'absence de gaufres.

"Je comprends pas le délire avec les mini-trucs, répondit-elle avec une moue dubitative. J'veux dire, laissez-nous manger une montagne de pancakes de taille normale."

De toute façon, elle préférait manger ses pancakes salés, avec du fromage frais et du saumon ou du hareng fumé. Elle en avait gouté la première fois qu'elle était partie en vacances en Finlande avec son père, quand elle était petite, et elle les mangeaient ainsi depuis. C'était probablement le seul lien qu'elle entretenait encore avec la gastronomie finlandaise, qui n'était pas particulièrement à son goût. Elle appréciait la soupe de saumon et la sauce aux airelles, mais elle ne s'était toujours pas remise du jour où son père lui avait fait gouté des bonbons de réglisse salés.

Maintenant qu'ils s'étaient rapprochés grâce à leur amour pour les gaufres et leur désamour pour le Quidditch, Lou se permit une petite blague qui plongea momentanément son camarade dans la panique. Elle ne put retenir longtemps son sourire face à l'angoisse visible sur son visage, à laquelle succéda une véritable surprise quand il réalisa qu'elle était en train de se payer sa tête.

Les gens étaient souvent surpris quand elle faisait de l'humour. Ce n'était pourtant pas si rare que ça ! D'accord, elle ne passait pas sa journée à raconter des blagues qu'on trouvait à l'intérieur des emballages de Fizwizbiz. Elle ne riait pas non plus aux blagues beauf de Gavin. Mais elle était drôle, parfois ! Elle se trouvait drôle en tout cas, même si son humour était peut-être un peu sombre pour certains.

S'il avait été étonné, Oscar ne fut en tout cas pas vexé par sa vanne, et répondit lui-même par une plaisanterie qui arracha un sourire à Lou. Aucune offense ne méritait d'être punie par l'obligation de regarder un match de Quidditch. C'était trop cruel.

"Tu es trop dur avec toi-même ! répliqua-t-elle sur un ton théâtral. Rien ne mérite un tel châtiment !"

Elle hocha la tête quand il lui expliqua les "trucs cool" qu'on pouvait trouver dans sa bande-dessinée. Elle pouvait voir qu'il se contenait et qu'il faisait exprès de paraitre mesuré alors qu'il raffolait certainement de ces albums, et elle trouvait ça un peu mignon. Elle ne savait pas exactement qui avait décidé qu'être fan de quelque chose n'était pas cool. On se moquait souvent de ceux qui étaient obsédés par un groupe de musique, ou complètement accro à une saga littéraire, et elle ne comprenait pas trop pourquoi. Elle préférait de loin les gens qui avaient une passion plutôt que les indifférents que rien ne semblait pouvoir atteindre, alors même qu'on la rangeait certainement dans cette deuxième catégorie. Et qu'elle ne faisait rien pour contredire cette image d'éternelle indifférente. Elle s'y était habituée, elle l'entretenait même. C'était devenu un peu comme une carapace.

"Ça a l'air cool, concéda-t-elle toutefois. Tu t'intéresses vraiment aux runes ?"

Il faisait partie des rares élèves à poursuivre cette matière en ASPIC, comme elle, mais elle s'était imaginé que c'était pour parfaire son dossier scolaire, plus que par réel intérêt pour la matière. C'était une matière qu'on conseillait souvent aux très bons élèves, parce que c'était une discipline exigeante qui pouvait "faire la différence" dans une candidature pour des études supérieures. Lou détonait un peu, au milieu des petits génies, mais c'était la seule matière dans laquelle elle était vraiment douée.

"Tu veux faire quoi, après Poudlard ?"

Elle était de plus en plus convaincue que cette année à Poudlard serait la dernière pour elle, et réfléchissait souvent à ce qu'elle pourrait faire ensuite, si elle ne parvenait pas à se faire recruter dans un salon de tatouage. Elle était terriblement en manque d'inspiration, si bien qu'elle était curieuse de savoir ce que ses camarades avaient en tête, même si son dossier scolaire ne lui ouvrirait certainement pas autant de portes que celui d'Oscar.

À la remarque de Lou, Oscar réalisa qu’il n’avait pas d’avis sur les mini-pancakes et prit donc quelques secondes pour y réfléchir, les yeux dans le vague. Ils avaient des avantages : c’était bon à manger et c’était pratique car cela tenait dans un bol et une petite cuillère, ce qui était donc une nourriture facile à déguster ailleurs qu’à table, comme c’était le cas dans un stade. Mais ils avaient aussi des inconvénients, car on était plus vite frustré et il n’y avait pas le côté moelleux des grands pancakes. Il se demanda ce qui était le plus économique à faire pour le stade, entre les grands pancakes et les mini-pancakes. Peut-être que les petits pancakes coûtaient moins cher à la réalisation car leur disposition dans un bol accompagné de fruits frais donnait une impression de volume alors que la quantité était réduite. Peut-être que Lou avait raison et que les mini-pancakes étaient une concrète illustration du capitalisme. Alors il hocha la tête.

- C’est vrai, c’est un peu des rats franchement.

En tout cas, il aurait été très frustré si on lui avait servi des mini-gaufres. Il se demanda un instant si utiliser un sortilège d’expansion sur un petit item de nourriture pourrait être intéressant, si cela conservait le même goût et les mêmes propriétés nutritionnelles. Il devait sûrement y avoir des recherches sur le sujet, il ferait des recherches à la bibliothèque. Il se garda bien de partager ses pensées avec Lou, de peur de faire trop Serdaigle. Il savait déjà qu’il avait une image de premier de la classe - alors qu’il n’était même pas premier, il y avait d’autres excellents élèves, comme Mirabel (qui serait d’ailleurs sûrement intéressée par sa question même s’il l’imaginait bien lui répondre d’un ton d’évidence qu’il n’avait pas inventé l’eau chaude et qu’il y avait déjà plusieurs thèses sur le sujet.) Mais aujourd’hui, il passait un moment plutôt agréable, Lou l’avait vanné et elle avait même souri à sa plaisanterie. Il n’avait pas envie de tout gâcher. Elle répliqua avec emphase qu’il était trop dur avec lui-même et il secoua la tête.

- Imagine alors ce que je vais subir avec la Coupe du monde, déclara-t-il avec fatalisme.

S’il trouvait déjà que le Quidditch était trop envahissant dans sa vie, cette compétition-là n’allait qu’aggraver le problème. Heureusement, il serait à Poudlard quasiment pour l’intégralité. Il ne reviendrait à la maison que quelques jours avant la finale. Si l’Angleterre avait été sortie avant, peut-être qu’il pourrait éviter le voyage en Australie... Il avait tenté de le dire à sa mère mais elle avait eu l’air surpris, comme si c’était complètement saugrenu de ne pas avoir envie d’être embarqué pour deux jours seulement là-bas, juste pour aller voir un match. Car contrairement au reste de sa famille, il n’aurait pas le loisir de visiter et de profiter puisque les cours de Poudlard se terminaient le 20, avec un trajet du Poudlard Express le 21, et qu’il était attendu chez son père dès le 24. Cela ne valait pas le coup de prendre le Portoloin pour ça... Il se sentit un peu coupable d’avoir souhaité l’échec de l’Angleterre, pas tant par patriotisme que parce qu’il savait à quel point c’était important pour Andrew (et Olivier mais ça le dérangeait moins pour ce dernier.) Son frère ne parlait plus que de ça depuis la fin de l’été. Il se raisonna en se disant qu’il n’avait pas la pensée magique (même si, avec des informulés... haha, blague de sortilèges) et certainement pas le pouvoir d’influencer sur les résultats de matches de Quidditch.

Une raison de plus de ne pas se précipiter en Australie pour deux jours étaient ses devoirs : depuis le début de la sixième année, les professeurs n’arrêtaient plus. La cinquième avait déjà été chargée mais depuis qu’ils avaient commencé la préparation des ASPICS, ils n’arrêtaient plus. Pour la semaine prochaine, il avait cinquante centimètres à rendre en potion, un exposé en sortilèges, soixante centimètres en DCFM, ses cours à relire, ses fiches à faire, ses cahiers à mettre au propre... En plus, comme le mentionnait Lou, il devait encore terminer un truc pour les Runes.

- Ouais, j’aime bien, confirma-t-il. J’aime bien parce que... Il prit une seconde pour choisir ses mots, son regard se portant au plafond. Ça a un côté archéologue. On te donne un texte et tu dois te débrouiller pour le traduire et ça fait toujours référence à des notions anciennes ou mystiques et... J’sais pas, je m’imagine un peu comme Indiana Jones, tu trouves un vieil artefact poussiéreux chelou et tu dois le traduire pour en découvrir les secrets.

Il reposa les yeux sur Lou, réalisant qu’il triturait un peu nerveusement ses mains. Il cessa.

- Je sais pas si tu connais Indiana Jones, c’est moldu, c’est un scientifique qui part à l’aventure pour trouver des ruines et des reliques style en Egypte ou des trucs comme ça, et il lui arrive toujours plein de choses. Bons films, ajouta-t-il en hochant la tête.

Il les avait vus plusieurs fois, avec son père notamment et après il les avait montrés à Andrew. Lucas et Libby trouvaient ça nul, ils disaient que c’était vieux mais Oscar trouvait que ça n’avait pas mal si mal vieilli, un peu mieux que les Aventuriers de l’Arche Perdue en tout cas... La question de Lou le prit un peu au dépourvu et il écarquilla ses paupières. Woua, même sa mère ne le prenait pas à revers comme ça.

- Euuuh.... j’sais pas.

Ce n’était pas faute d’y penser pourtant, il avait bien toutes les brochures que donnait le professeur Witherington. Il n’était pas parti en apprentissage cette année parce qu’il n’avait pas l’impression d’avoir trouvé sa voie. Il avait envie de faire mille choses et en même temps, aucune.

- Pas archéologue avec les trucs poussiéreux en tout cas, j’suis asthmatique. Haha.

Il scruta avec un peu d’anxiété le visage de Lou pour voir les effets de sa blague et s’empressa d’ajouter.

- En vrai je sais pas, j’ai pas trouvé encore... Je change d’avis selon les périodes. C’est pas facile en vrai de se dire qu’on va décider d’un truc à faire et que ça nous plaira une fois dedans... Et toi ?

Si elle posait la question, c’était qu’elle avait sûrement la réponse. Elle voulait sûrement faire un truc cool genre... Il n’avait pas vraiment de métier cool en tête. Guitariste électrique. Eleveuse de dragons (ça semblait plus dangereux que cool mais si on écoutait les Gryffondor...)

Lou hocha silencieusement la tête alors qu’Oscar lui expliquait les raisons de son intérêt pour les runes. Elle aimait aussi déchiffrer des textes anciens, mais ce n’était pas ce qui lui plaisait vraiment dans cette matière. Elle aimait la magie runique pour sa pratique particulière, plus lente et plus calme que la magie occidentale traditionnelle. Il n’était pas question de réciter des formules en agitant sa baguette, mais plutôt de tracer lentement les runes dans les airs, ou de les graver sur des matériaux conducteurs comme certaines roches ou certains bois. L’exercice se rapprochait un peu de la calligraphie, ce qui lui plaisait beaucoup, passionnée de dessin qu’elle était. Il fallait répéter le geste de nombreuses fois, et combiner plusieurs runes, pour produire des effets durables. Elle aimait que ce soit une magie silencieuse, presque une magie d'arrière plan.

Elle se garda bien évidement de partager ses réflexions avec son camarade, histoire de ne pas passer pour une illuminée. Ce dernier faisait d’ailleurs très bien la conversation tout seul, puisqu’il enchaina en lui parlant d’un certain Indiana Jones, un archéologue fictif à qui il arrivait plein d’aventures. Lou n’aimait pas particulièrement les moulins à paroles, et ceux qui parlaient pour ne rien dire. Elle n’était pas très douée pour faire la conversation et préférait généralement le silence et la solitude aux échanges de banalités. Mais lorsqu’elle devait parler avec quelqu’un, elle aimait autant que cette personne prenne la responsabilité d’alimenter la conversation, et le fasse de façon intéressante. Oscar jouait ce rôle à la perfection pour le moment, ce qui lui convenait très bien. Elle préférait poser les questions, et le laisser développer de longues réponses.

“Je connais pas, admit-elle. Ses deux parents étaient sorciers, et elle n’avait personne dans son entourage pour lui faire visionner de vieux films moldus. Elle n’avait pas grand monde dans son entourage, de manière générale. Mais ça a l’air cool.”

Contrairement à elle, Oscar n’était pas seulement doué en runes. Ils n’avaient plus beaucoup de cours en commun, parce que Lou ne suivait plus beaucoup de matières, mais aussi loin qu’elle se souvienne il avait toujours été excellent partout. Elle se demandait ce qu’il envisageait de faire après Poudlard, lui qui avait toutes les possibilités, et se permit de lui poser la question. Elle réfléchissait beaucoup à son orientation ces derniers temps. Elle savait ce qu’elle voulait faire depuis longtemps, mais maintenant qu’elle devait mettre ce projet en oeuvre, elle était un peu perdue.

Elle se fendit d’un sourire quand le Serdaigle lui répondit qu’il ne serait certainement pas archéologue car il était asthmathique. Elle nota mentalement de ne pas lui propose de cigarette si l’envie la prenait d’en fumer une plus tard, ce qui était fort probable, à condition qu’elle réussisse à échapper à la surveillance de Maeva.

“Donc ce n’est pas à toi que je peux demander où est la zone fumeurs ?” Idéalement, le plus loin possible de sa soeur.

Lou fut assez surprise d’apprendre qu’Oscar n’avait pas encore décidé de ce qu’il voulait faire après l’école. En soit il avait encore le temps, ils venaient seulement d’entamer leur sixième année, mais elle s’était attendue à ce qu’il lui explique qu’il se préparait à des études de méciomagie depuis qu’il avait huit ans, ou un truc dans le genre.

“On a encore le temps, répondit-elle pour le rassurer, même s’il n’était peut-être pas inquiet. Et puis t’as un bon dossier, tu pourras faire ce que tu veux.”

Ce qui était loin d’être son cas à elle. Récemment, elle avait réalisé qu’elle aurait beaucoup aimé intégré l’Académie des Arts Magiques. Une ou deux années là-bas lui auraient certainement permis d’affiner son style et de se sentir plus légitime à postuler dans des studios de tatouage. Malheureusement, il était un peu trop tard pour rattraper son dossier scolaire plutôt médiocre. Elle allait devoir démarrer tout en bas de l’échelle, et apprendre sur le terrain. Elle se disait que c’était peut-être ainsi, qu’elle serait directement au contact du métier, mais en vérité elle avait un peu peur de ne pas trouver de studio qui veuille bien l’acceuillir.

“J’aimerais bien faire du tatouage, répondit-elle sur un ton déisnvolte, comme si c’était une idée qui lui était venue hier et non pas un projet qu’elle nourrissait depuis plusieurs années. Tatouer des runes, en fait, en utilisant la magie runique. Un peu comme pour faire des talismans.”

En expliquant son ambition avec Oscar, elle réalisa qu’elle n’avait partagé ce projet qu’avec très peu de personnes. Maeva était au courant, Taron aussi, et c’était à peu près tout. Mettre dans la confidence quelqu’un dont elle n’était pas vraiment proche rendait cette idée soudainement très concrète, comme si elle avait désormais pris une forme d’engagement. Elle savait pourtant qu’elle n’avait aucun compte à rendre à son camarade, et qu’il se fichait très certainement de la réussite ou non de son projet, mais elle trouvait que cela devenait très réel, d’un seul coup. Instinctivement, elle se mit à ronger nerveusement l’ongle de son pouce, et dut se faire violence pour arrêter.

“Mais bon, c’est pas sûr que ça fonctionne…” tempéra-t-elle aussitôt.

Elle était certaine que les tatouages runiques fonctionnent, c’était une pratique très répandue en Scandinavie. Mais elle n’était pas certaine d’y arriver, elle, ni de trouver quelqu’un qui lui donnerait une chance d’essayer.

Quand Lou répondit qu’elle ne connaissait pas Indiana Jones, Oscar se sentit l’espace d’un instant un peu bête de lui en avoir parlé. Elle avait dû le trouver un peu débile, avec son film... Il peinait toujours à placer le curseur avec les gens qu’il ne connaissait pas bien. Il ne voulait pas trop en faire et en même temps, tisser des liens. Alors quand elle déclara que ça avait l’air cool, il ressentit un peu de soulagement.

- Ça l’est franchement, si tu as l’occasion...

Il n’allait pas l’inviter à les voir à la maison, ça aurait été trop bizarre, ils ne se connaissaient pas assez et elle l’aurait trouvé étrange. Ou bien elle aurait cru qu’il l’invitait à sortir, ce qui n’était pas le cas. Déjà parce que jamais une fille comme Lou ne voudrait sortir avec lui, il n’était pas son style, c’était évident. Ensuite parce qu’il ne savait pas si Lou serait son style, il n’avait jamais réfléchi en profondeur à son style de filles. Les gentilles. Ça semblait être un bon critère. Si elles aimaient les livres c’était bien aussi. Il n’avait encore jamais rencontré de fille qui lui plaisait vraiment, il ne pensait pas en tout cas. Il y avait des camarades de sa promo qu’il trouvait sympas mais pas au point de sortir avec elles. Mais il avait largement le temps et puis ça ne lui manquait pas particulièrement, il avait plein de choses à faire (comme étudier et ça prenait du temps qu’il ne pouvait pas consacrer à sa copine.) Commencer par se trouver de vrais amis cela pourrait déjà être un bon début. Peut-être qu’il pourrait rencontrer quelqu’un comme ça, quelqu’un qu’il connaissait bien, avec qui il était ami et après, un jour, peut-être, ils se plaisaient. Ça semblait bien plus normal que d’aller embrasser quelqu’un qu’on ne connaissait pas en soirée, comme ça. Il n’avait pas très envie d’embrasser une fille inconnue ou qu’une fille inconnue l’embrasse. C’était bizarre comme idée.

- Euh, non, répondit-il quand Lou lui demanda s’il savait où était la zone fumeurs. Peut-être sur le parvis...

Il ne fumait pas et personne dans sa famille le faisait. Olivier avait un avis très arrêté sur la cigarette et les effets que ça faisait aux poumons et au coeur, les risques pour la santé. Oscar songea un instant que cela aurait été drôle de fumer devant lui juste pour lui prouver qu’il avait tort (même s’il n’avait statistiquement absolument pas tort sur cette question précise.) S’il n’avait pas eu si peur d’avoir un cancer ou bien de mourir d’une crise d’asthme il aurait presque pu essayer, juste pour voir la tête de son beau-père... Le problème étant que sa mère allait également réagir et il allait tout de suite trouver ça moins drôle. Son espérance de vie serait drastiquement réduite et pas uniquement à cause de la nicotine. Même s’il n’avait pas encore trouvé son projet d’orientation, ça n’était pas une raison.

- Ouais... répondit-il lorsque Lou lança qu’avec son bon dossier, il pourrait faire ce qu’il voulait. Il était vrai qu’il avait été vigilant à ne pas se fermer des portes en réussissant ses BUSES mais ça n’avait pas été très difficile, il aimait l’école et apprendre des choses. Il avait toujours appris facilement. Mais d’un autre côté, il était intéressé par plusieurs domaines et cela lui semblait difficile de choisir quelque chose qu’il voudrait faire pour toute sa vie, ou presque. Après j’aurai bien aimé avoir... Il hésita un instant. Je sais pas, une vocation. Un truc que tu veux vraiment faire et du coup tu n’as aucune hésitation. Genre... tu vois Mirabel ? Bah elle veut être vétérimage. Depuis toujours. Alors c’est facile quand tu sais ça, t’as l’impression que les gens n’ont aucune inquiétude.

Lui, le futur, cela l’angoissait un peu. Pas forcément de façon drastique parce qu’il savait qu’il avait encore un peu de temps et de bons résultats mais cela le stressait de se dire qu’il devrait choisir des études l’année prochaine. En plus... Il n’allait pas le dire à Lou mais derrière sa famille, il se sentait un peu nul. Andrew avait toujours su qu’il voulait devenir joueur professionnel et il avait réussi, dans de grandes équipes en plus. Susan travaillait en tant que cheffe de projet communication à la Ligue de Quidditch, ce qui, selon les critères, faisait d’elle une bonne Dubois. « Ma fille, qui travaille à la Ligue... » comme disait Olivier. Grace aussi avait su tôt ce qu’elle voulait faire. Il se rappelait que l’été après ses BUSES, elle avait choisi kinémagie et s’y était préparée pendant deux ans. Elle était en stage à Flaquemare, elle. Encore une bonne Dubois, une vraie Dubois. Lui... Il était Oscar. Pas un Dubois. Il n’aimait même pas assez le Quidditch pour être un faux-Dubois.
Et que faisaient les Gardner-Cavill ? Son père et son grand-père étaient profs, son père enseignait la physique-chimie. Il ne se voyait pas vraiment pas prof. Déjà parce que les adolescents étaient super méchants et s’il quittait Poudlard, ce n’était pas pour revenir se faire insulter par des gens nés en 2020. Ensuite, prof de quoi ? De potions ? Les vapeurs de chaudron ne réussiraient pas à ses poumons. Sa mère, elle, donnait désormais des cours particuliers de musique mais elle avait longtemps tenu la librairie, à Tintagel. Elle l’avait vendue il y a quelques années. Oscar aimait la musique mais pas au point de l’enseigner... Et il n’avait pas non plus de gérer un magasin. Retour à la case départ.

Lou, elle, avait déjà une idée précise de ce qu’elle voulait faire. Du tatouage. Oscar écarquilla les yeux. Cela lui allait bien. Il pouvait l’imaginer, dans un salon (dans sa tête, c’était un endroit très rock avec beaucoup de cuir, de têtes de mort et de la musique métal) penchée sur quelqu’un avec le bruit des aiguilles, comme dans les films.

- C’est trop cool, déclara-t-il, sincère.

Lorsqu’elle ajouta qu’elle voulait tatouer des runes pour incorporer de la magie runique dans les tatouages il écarquilla encore plus les paupières. Il n’avait jamais entendu ça.

- Mais attends, c’est encore plus cool ! Mais comment c’est censé marcher ? Est-ce que ce sont des sorts permanents comme, euh, je ne sais pas, un sort de défense, par exemple ? Et comme la rune est ancrée dans ta chair, tu es tout le temps protégé ? Ou bien est-ce que tu choisis d’activer la rune ? Et est-ce que c’est le tatouage qui est magique ou bien le fait que la personne est sorcière et que sa magie personnelle entre en contact de la rune, ce qui cause une réaction ?

Réalisant qu’il l’avait un peu noyée sous les questions, il coinça ses deux mains sous ses cuisses.

- Excuse, juste... je sais pas, c’est hyper intéressant.

Lorsqu’elle répondit qu’elle n’était pas certaine que ça fonctionne, il rentra un peu la tête dans les épaules.

- Pourquoi pas ? Ok, c’est pas dans les brochures de l’école mais tous les métiers ne sont pas dans les brochures de l’école... Regarde, t’as pas de brochure « joueur de Quidditch professionnel » et pourtant ça existe bien. Ou bien de brochure « concierge de Poudlard » et ça existe bien. Je dis pas que concierge et tatoueur c’est la même chose, s’empressa-t-il d’ajouter. Mais c’est pas parce que t’as pas un chemin prédéfini avec un Brevet de Technicien Sorcier dédié et tout que ça ne fonctionne pas. C’est peut-être un peu plus dur parce que faut trouver le chemin seul mais... C’est cool, au moins.

Il lui adressa un sourire un peu timide.
 

Lou n’avait parlé de son projet de faire carrière dans le tatouage qu’à deux personnes. Taron, qui avait trouvé l’idée “super stylée”, et Maeva. Elle partageait également ses dessins de tatouage et ses inspirations sur son compte Instamag, mais elle avait un total de 27 abonnés, donc on ne pouvait pas vraiment dire qu’elle soit très visible.

Partager cette ambition avec Oscar, qu’elle ne connaissait pas très bien, la rendait soudainement très réelle, et elle sentit naitre en elle une nouvelle forme de stress. Le Serdaigle était pourtant plein d’enthousiasme et fit preuve d’un vif intérêt pour son idée. Trop d’intérêt, peut-être. Elle se retrouva bientôt noyée sous une avalanche de questions et se mit à ronger machinalement l’ongle de son pouce, comme elle le faisait chaque fois qu’elle était nerveuse. Elle avait réfléchi à toutes ces questions, évidement. Elle était passionnée par le sujet, elle s’était beaucoup renseigné, et pourtant elle avait peur de répondre, comme si elle craignait qu’Oscar balaye toutes ces idées d’un seul contre-argument. Elle savait son rêve fragile, et elle était parfaitement consciente qu’il suffirait que quelqu’un souffle un peu trop fort dessus pour qu’il s’effondre. C’était principalement pour cette raison qu’elle avait tendance à le garder pour elle. Tant que son projet n’était connu que d’elle-même, personne ne pouvait essayer de la décourager. Elle craignait par dessus tout qu’on la mette face à ses propres faiblesses et qu’elle soit forcée de réaliser qu’elle n’était pas à la hauteur.

Sauf qu’il était un peu trop tard pour faire marche arrière, maintenant. Oscar parut toutefois se rendre compte qu’il avait posé beaucoup de questions et s’excusa en expliquant qu’il trouvait le sujet très intéressant. Etrangement, cette confession et cet instant de vulnérabilité permirent à Lou de reprendre un peu contenance. Elle se força à laisser ses ongles tranquilles et adressa un bref sourire à son camarade.

“T’excuse pas, commença-t-elle. Je savais pas que ça t’intéresserait autant, ajouta-t-elle pour justifier son manque de réaction sur le moment. Et pour te répondre, ça fonctionne plutôt comme un sort permanent. Un peu comme si tu portais une pierre gravée d’une rune, sauf que la rune est gravée dans ta peau…Tu vois ? Le sort est moins puissant, et sa force diminue avec le temps. Pour avoir des effets durables je pense qu’il faudrait faire des retouches régulièrement, réfléchit-elle à voix haute. C’est le tatouage qui est magique, mais ça doit mieux marcher sur des sorciers ouai… Comme les runes qui sont plus forte quand on les grave sur certains bois par rapport à d’autres. Mais en théorie ça devrait pouvoir fonctionner sur des moldus aussi, faudrait essayer ! Mais je suis pas sûre que le Minsitère soit d’accord…”

Lou n’était pas connue pour obéir aux règles, mais elle était à peu près certaine que cela constituait une violation du secret magique et que c’était un petit peu plus grave que de fumer dans l’enceinte de Poudlard. Ce qui lui faisait penser qu’elle avait besoin de fumer une cigarette avant le début du match. Question de survie.

“Tu m’accompagnes sur le parvis ? proposa-t-elle en se levant. Je vais chercher la zone fumeurs" expliqua-t-elle bien que ce soit certainement prévisible de sa part.

Elle jeta un regard en arrière en direction de Maeva, estima que sa soeur ne s’inquiéterait pas de la voir disparaitre quelques minutes, et s’éloigna du bar en compagnie d’Oscar.

“J’aimerais bien trouver un apprentissage, reprit-elle alors qu’ils descendaient les escaliers des gradins pour rejoindre le parvis du stade. Mais je pense qu’il faudra que j’attende d’avoir dix-sept ans, avant je pourrai pas faire grand-chose… Un salon de tatouage n’avait aucun intérêt à la recruter alors qu’elle n’avait pas le droit d’utiliser la magie. Et toi ? Tu voudrais faire de l’apprentissage aussi ? De plus en plus d’élèves de sixième ous eptième année profitaient de cette possibilité, qui leur offrait la chance de pouvoir sortir de l’école un ou deux jours par semaine. Ca peut être l’occasion de tester un truc, voir si ça te plait !”

Elle ne savait pas quel “truc” pourrait bien plaire à Oscar, mais il semblait être capable de s’intéresser à beaucoup de choses, elle était certaine qu’il trouverait quelque chose.

“T’en veux une ?” proposa-t-elle pour la forme en sortant son paquet de cigarettes de sa poche, une fois qu’ils se retrouvèrent à l’extérieur du stade.

Elle était absolument persuadée qu’il allait lui répondre non, mais ça ne se faisait pas de ne pas proposer.