Bring on all the pretenders [Adèle, Elio et les Poufsouffle]

Merlin ce qu’elle était bien. Un sourire de contentement éclairait le visage de Megan. Elle tourna dans son lit chaud et entrouvrit lentement les yeux avant de sursauter littéralement dans ses draps. Adèle était  assise sur le bord de son lit situé juste à coté du sien. Les deux mains posées sur ses genoux nus, la jeune fille avait le regard fixe et semblait en proie à d’intenses réflexions.

« Putain meuf ! Chuchota Megan en remontant son drap sous son menton, Mais ça va pas de me faire des frayeurs pareilles ! »

Leur dortoir était plongé dans la pénombre et on pouvait entendre la lente respiration de Lou et des autres filles - signe qu’il était encore tôt- même si on devinait les premières lueurs du jour entre les épais rideaux en velours.
« Je vais postuler. » souffla Adèle en regardant toujours droit devant elle.
« Hein ? Mais qu’est-ce que tu dis ? »
Le regard d’Adèle croisa celui de son amie. « Aux sélections. Je vais postuler aux sélections. »
La bouche de Megan s’arrondit en un O parfait.
« Toi, moi, salle de bains. » articula-t-elle en désignant la porte de leur salle d’eau.


Adèle ne s’attendait pas à une rentrée facile et force était d’admettre qu’elle ne s’était pas trompée.  Les cours lui plaisaient pourtant, son emploi du temps était génial –elle avait même son vendredi après-midi- mais sa relation avec Gavin pesait encore lourdement sur son quotidien.

Elle aurait aimé pouvoir tourner la page, et laisser leur histoire derrière elle, mais elle se rendait compte que le chemin était encore long pour pouvoir clore définitivement ce chapitre de sa vie.
Toutes les situations qu’elle vivait la ramenaient sans cesse à Gavin. Les premiers jours, elle avait été au centre des commérages. Elle n’avait surpris aucune conversation en ce sens mais elle l’avait ressenti. Elle avait vu des camarades chuchoter sur son passage et des regards différents posés sur elle. Elle avait fini par apprendre que Gavin avait menti sur la fin de leur histoire arguant qu’il l’avait larguée. Elle n’avait même pas cherché à démentir, préférant  concentrer ses efforts sur d’autres points plus personnels : Il lui fallait maintenant exister au sein de Poudlard indépendamment de lui. Ne pas lui laisser toute la place dans l’école. Elle était tentée le soir de rester dans le confort douillet de sa salle commune mais elle faisait l’effort de se rendre dans la salle des quatre maisons où elle était pourtant sûre de l’y croiser.  Cet endroit  avait accueilli une grande partie de leur histoire commune, comme le parc ou encore les escaliers de la volière, mais elle ne voulait pas s’effacer du paysage qui avait été le leur. Il n’attendait sûrement que ça : qu’elle se fasse petite, qu’elle rase les murs, qu’elle disparaisse, trop content de remporter la victoire géographique sur elle.

Puisqu’elle n’existait pas avec lui, elle n’avait pas le droit d’exister tout court.
 Adèle ne cherchait pas à s’affirmer dans le bruit ou avec des éclats de voix,  elle résistait en silence, à sa manière, même si cela lui coutait certain soir quand elle l’entendait parler fort depuis l’autre bout de la salle des quatre maisons.
Mais le moment le plus compliqué de cette rentrée avait été ses retrouvailles avec le professeur Zabini. Adèle patientait dans le couloir avant un cours avec ses autres camarades de sixième année et elle avait croisé son enseignante de Métamorphoses. Arienne Zabini s’était étonnée de  ses résultats catastrophiques aux BUSES – un Piètre- alors qu’elle avait excellé toute l’année dans sa matière.  

Sans même se retourner, Adèle avait senti le poids invisible du regard de Gavin posé sur sa nuque tandis qu’elle expliquait à son professeur avoir perdu ses moyens à cause du stress. C’était faux, ils le savaient tous les deux. Ils s’étaient disputés assez violement juste avant le passage d’Adèle. Elle était arrivée toute chamboulée devant les examinateurs et était ressortie de la salle en pleurant.

Sûrement  son pire souvenir à Poudlard.

Elle s’en voulait de ressentir encore si fortement l’emprise de Gavin mais fort heureusement Adèle pouvait compter sur le soutien réel de ses amies. Megan lui avait dit de ne pas être trop dure avec elle-même. Elle ne pouvait pas tout changer, d’un coup, en claquant des doigts. Il s’agissait d’un processus lent et Adèle devait être indulgente envers sa propre personne. Son amie l’encourageait dans ses choix et dans son désir d’émancipation. Adèle lui était tellement reconnaissante d’être présente quant  sa volonté vacillait quelque peu. Elle s’était aussi rapprochée de Liv Milburn ces dernières semaines. La Serdaigle lui avait conseillé plusieurs lectures et des comptes d’influenceuses bien-être pour prendre soin de soi en toute bienveillance.

Adèle devait se recentrer sur elle-même : ses envies, ses désirs, ses projets.

Et il y avait bien un projet qu’elle nourrissait depuis pas mal de temps maintenant. Gavin l’avait dissuadée l’année dernière «  Je ne peux pas jouer contre toi. » lui avait-il dit avec son regard de chaton. Il avait suffit qu’il la sert dans ses bras amoureusement pour qu’elle renonce sans la moindre objection. Elle avait regardé les sélections dans l’équipe de quidditch de Poufsouffle depuis le banc sans avoir conscience du discret déséquilibre qui venait de s’opérer dans sa relation avec son petit ami, déséquilibre qui allait s’accroitre, de jour en jour, jusqu’à devenir inacceptable.


Megan referma la porte de la salle de bains derrière elles et tendit les bras en l’air en se retournant.

« Mais meuf, c’est trop bien ! » Les deux amies tombèrent dans les bras l’une de l’autre et une grande partie des doutes d’Adèle s’envolèrent dans cette étreinte. « Je ne pensais pas que tu te lancerais cette année, je suis si fière de toi ! »
Adèle rit dans les cheveux de Megan.
« Tu ne penses pas que je fais une erreur ? »
« Bien sûr que non ! »
L’enthousiasme de Megan invita Adèle à la confidence.
« J’ai peur que tout le monde pense que je fais ça pour faire chier Gavin. » Les commérages sur leur relation commençaient tout juste à se calmer, Adèle craignait de relancer la machine.
« Adèle. Megan recula légèrement le visage pour voir son amie. Qu’est ce qu’on a dit ? »
« On s’en fout de ce que pensent les autres. »
« Voiiilà. » Elle hocha la tête. « Tu as envie d’intégrer l’équipe ? »
« Oui, enfin, j’ai envie de passer les essais, rectifia-t-elle,pour voir si je suis capable.»

Pouvait-elle prétendre à un poste dans l’équipe des titulaires ? Rien n’était moins sûr mais Adèle avait décidé de se challenger. Elle jouait beaucoup au quidditch l’été avec ses frères et ses cousins et elle avait bien vu que tous les Dameski se battaient pour l’avoir comme attrapeuse dans leur équipe.  Elle devait admettre qu’il n’y avait pas beaucoup de concurrence en face mais elle n’était pas si mauvaise. Elle se savait habile en vol et surtout très rapide mais était-ce suffisant ? Quoiqu’il en soit le simple fait qu’elle se rende aux sélections était une victoire pour elle alors elle avait décidé de ne pas se mettre trop de pression.

« Bon, tu ne vas pas y aller habillée comme ça ! –Vêtue d’un simple tee-shirt et d’une culotte – Allez prépare-toi. On va aller prendre un bon petit dej pour te mettre en condition. »


***

Dix minutes plus tard les deux filles étaient installées à la table des Poufsouffle en compagnie d’une dizaine d’élève en tenue de sports.  
-Elio  veut remettre en jeu tous les postes, souffla Florence qui était bien informée.
- Il ne pourra pas trouver un meilleur poursuiveur que Derek, gronda Jacob,  Si on commence à se priver de nos meilleurs éléments c’est mort.
- individuellement Derek est un excellent joueur, c’est vrai, analysa Flo, mais il n’a pas le sens du collectif.
-S’il veut jouer tout seul il n’a qu’à faire attrapeur, plaisanta Jamal en se resservant un grand verre de jus de citrouille.
- Moi ça ne me dérange pas que Derek ne soit pas sélectionnable. Je vais peut-être avoir ma chance cette année ! Gus avait un grand sourire.
-Et vous les filles, lança Jacob en se tournant vers Adèle et Megan, vous venez nous encourager ? » Le septième année bomba légèrement le torse.
- Je viens juste encourager Adèle, elle passe les essais. répondit Megan tout à fait innocemment.
Plusieurs visages étonnés se tournèrent vers elle.
-Tu joues au quiddicth Dameski ?
Adèle finit sa bouchée de céréales avant de tourner la tête vers Jacob et de répondre par l’affirmative. Elle fit mine de ne pas remarquer le regard sans équivoque échangé entre Jamal et Flo.
-Eh ben ! C’est Gavin qui va être content !
D’un regard Adèle contraignit Megan au silence. Jacob ne valait pas la peine qu’on use de la salive pour lui répondre. Elle termina rapidement son bol et se leva pour prendre congé du petit groupe.
« A tout de suite ! » lança-t-elle en s’éclipsant avec Megan.


***

« Quel cognard ce Jacob. »
Les deux amies descendaient en direction du terrain. Adèle avait posé son balai sur l’épaule et elle marchait d’un pas rapide.
-Moi je le trouve plutôt mignon, souffla-t-elle en contenant un sourire.
-HEIN ?
Incapable de tenir la blague plus longtemps – sinon Megan allait faire un arrêt cardiaque- elle s’empressa d’ajouter.
-Je plaisante, c’est une vraie plaie.
-Ah ! Putain meuf tu m’as fait peur ! Megan avait sa main posé sur le cœur, visiblement soulagée, C’est pas drôle du tout. Je me disais, ça y est, elle s’est encore fait matrixer !

Adèle estimait qu’il valait mieux rire de ses mauvais choix en matière de garçons plutôt que de s’apitoyer sur son sort. Elle faisait contre mauvaise fortune bon cœur. Les deux adolescentes échangèrent encore quelques mots avant de débarquer sur le bord du terrain quelques instants plus tard. Elio et Billie étaient occupés à installer un parcours de vol au dessus d’eux. Adèle positionna sa main en casquette et observa les différents obstacles tandis que Megan allait à la rencontre de Clifford, assis sur un carrée d’herbe ensoleillé au bord  du terrain, son livre de DCFM posé ouvert sur ses genoux. Un verre de jus de fruit et les restes d’un pancake entamé trônaient dans un équilibre précaire sur son sac.

Il releva les yeux dans leur direction et grimaca à cause du soleil levant qu’il avait en pleine face.
« Vous venez passer les essais ? » demanda-t-il le nez froncé.
-Nan, seulement Adèle, Megan s’assit par terre à côté de Cliff. Elle étendit les jambes et offrit son décolleté au soleil matinal, moi je viens que pour le drama ! Tu sais si Derek va se pointer ?
-Il a pas trop intérêt après ce qu’il a dit à Elio dans la salle commune…
-Comment ça Elio n’a pas apprécié d’être traité de fils de pute ? je ne comprends pas….

Adèle s’éloigna de la conversation de ses deux camardes pour aller s’échauffer. Elle fit d’abord quelques tours de terrain à petite foulée et termina par des étirements sur la barrière en bas du stade avant de rejoindre le petit attroupement qui s’était formé devant les vestiaires. Elle se cala dans un carrée de soleil plutôt que dans l’ombre immense des tribunes et attendit le discours du capitaine qui ne tarda pas à arriver.

Ils allaient donc passer une série d’épreuves afin d’évaluer leurs différentes compétences. Adèle hocha la tête mais ses lèvres esquissèrent un imperceptible sourire lorsqu’Elio féminisa les appellations de tous les postes. Attrapeureuse. Le style était vraiment différent de celui de Gavin, c’était certain. Toutefois toute forme d’amusement disparut de son  visage à la mention de l’entretien de motivation. Elle espérait devoir compter uniquement sur ses propres capacités physiques et ne pas avoir à justifier sa présence ici. Elle jeta un regard sûrement un peu inquiet en direction de Megan puisque cette dernière l’encouragea avec son pouce levé.

Bon, quoiqu’il en soit Adèle devait rester focus et donner le meilleur d’elle-même. Elle ne voulait rien avoir à regretter si bien qu’elle s’élança dans les airs avec force et volonté dès le top départ donné.
Voler lui avait toujours procuré beaucoup de sérénité. Elle avait l’impression de laisser ses problèmes au sol quand elle était dans les airs. Elle ressentait exactement les mêmes sensations sur un mur d’escalade, cette impression de prendre de la distance – au sens propre et au sens figuré- avec sa petite vie de terrienne et ses petits problèmes.

Elle prit donc rapidement de la hauteur et observa les silhouettes de Megan et Clifford en contrebas. Deux petits points colorés sur l’herbe grasse. Cette vision lui tira un sourire puis elle redescendit d’un pallier pour venir se poster juste à côté d’Hilda.

« Salut ! dit-elle, je passe aussi les essais pour devenir attrapeuse, Hilda avait déjà postulé l’année dernière pour intégrer l’équipe à ce poste. Adèle tendit la main vers elle, bonne chance ! »
« Merci. Hilda saisit la main tenue, Toi aussi. »

Les deux jeunes filles échangèrent un sourire avant de se séparer. Adèle n’avait pas vraiment l’impression d’être en concurrence aujourd’hui. Elle voulait juste se faire plaisir et profiter.  Elle alla donc se positionner dans la file d’attente du parcours d’obstacle chronométré. Elle ajusta ses gants, son bandeau sur ses oreilles et ses lunettes de protection sur ses yeux. Elle resserra son col – elle ne supportait pas l’idée qu’un petit filet d’air puisse se glisser sous ses vêtements – et se mit en position aérodynamique en attendant le top  d’Elio situé à l’autre bout du parcours.

Focus.

Au coup de sifflet, elle partit comme une bombe et négocia une succession de virages serrés –gauche, droite, droite, gauche- toujours sur le fil. Elle manqua de peu de toucher la dernière balise qu’elle esquiva en se plaquant contre le manche de son Oakshaft 23, puis ce fut la descente en piqué. Comme dans un manège moldu Adèle sentit son cœur remonter dans sa poitrine mais elle accéléra d’un cran vers le sol. Droit vers le sol. Ne pas avoir peur. Rester concentrée, en phase avec les éléments. Le vent sifflait fort dans ses oreilles lorsqu’elle passa la balise signifiant qu’elle pouvait enfin remonter. Elle négocia son changement de trajectoire avec une vrille et entendit à peine Megan et Clifford crier sur son passage alors qu’elle remontait déjà en chandelle. Elle pouvait sentir son sang pulser dans ses veines, mais elle ne devait pas se laisser griser par la vitesse et par cette sensation de liberté : Elle avait les tubes à passer. Large, étroit, épingle à gauche ascendante, étroit. Elle avait mémorisé le parcours en s’échauffant. La jeune femme poussa son balai à pleine vitesse et pénétra dans le premier tube puis dans le second, elle amorça son virage dès la sortie et remonta le long des gradins pour récupérer le dernier tube qu’elle passa sens encombre. L’arrivée se situait à l’extrémité d’une ligne droite descendante où elle s’élança droit sur Elio qu’elle esquiva au dernier moment. Juste pour le style.

Adèle explosa de joie un peu plus bas. « Wahou ! » Merlin quel pied ! Elle négocia un virage pour passer au dessus de Megan à qui elle décocha un immense sourire.

« Mais meuf ! » Megan écartait les bras, les deux paumes vers le ciel. Visiblement son amie était impressionnée.

Adèle laissa échapper un éclat de rire et remonta doucement vers Elio. Honnêtement elle s’en fichait de connaitre son chrono, elle était juste super contente d’avoir réussi à négocier tout le parcours sans rater la moindre balise. Arrivant à sa hauteur, elle remonta ses lunettes sur son front.
« C’était cool ! » lui lança-t-elle, radieuse,  avant de s’éloigner en direction du deuxième atelier.

Clifford était installé sur l’herbe grasse dans un rayon de soleil matinal. Il avait longuement tâté le sol avant de s’asseoir – histoire d’être sûre de ne pas se relever avec une tache d’humidité sur les fesses- mais fort heureusement  l’été semblait vouloir se prolonger sur septembre et il n’avait pas plu une goutte depuis la rentrée. Cliff avait donc pris place à même le sol pour suivre les sélections. Enfin suivre était un bien grand mot. Le quidditch ne l’avait jamais vraiment intéressé. Bien sûr il connaissait les noms de quelques joueurs emblématiques au niveau national -comme Wilson ou Dubois, le demi-frère d’Oscar- mais le jeu en lui-même était loin de le passionner.   S’il était présent  aujourd’hui, ce n’était pas pour analyser les qualités en vol de chaque candidat mais pour soutenir Elio. Non pas que son ami ait réellement besoin de lui mais Cliff savait que ces sélections étaient importantes à bien des égards.

Elio avait décidé de remettre en jeu tous les postes contrairement à l’année dernière où il avait laissé sa chance aux titulaires de l’année précédente. Il s’agissait d’une décision forte qui marquait un virage dans son capitanat, une volonté de s’affirmer. Elio voulait façonner une équipe à son image… et sa décision ne plaisait pas à tout le monde. Des tensions étaient nées entre les anciens cadres de l’équipe et Elio qui devait sans cesse réaffirmer son autorité de capitaine auprès d’eux. En bon Poufsouffle, Clifford tenait à montrer son soutien indéfectible et sa confiance en son ami par sa simple présence.

Megan était venue s’installer à côté de lui pour écouter le discours de bienvenue d’Elio. Elle avait lâché un « Il me tue ce boug. » amusé en l’entendant féminiser tous les postes puis les candidats avaient pris leur envol et Clifford avait replongé le nez dans ses bouquins. Il tenait à prendre un peu d’avance sur les chapitres du premier semestre histoire de se tranquilliser.

« Mais, gars. T’es sérieux là ? » Il releva la tête de son livre à la remarque de Megan «  Tu vas vraiment bosser un dimanche matin ? »
«  Ben, oui," il haussa légèrement les épaules comme s’il s’agissait d’une évidence. Bien sûr, évidemment, il travaillait tous les dimanches matin, quelle question ! Le repos n’était toléré qu’à partir de 15h, si et seulement si, il avait terminé toutes les tâches qu’il s’était fixées dans son agenda personnel.
« Mais je pensais que tu faisais semblant, genre, une petite mise en scène pour ton insta, Megan fit mine de cadrer un plan avec ses doigts, un bouquin ouvert posé sur l’herbe fraiche avec en arrière plan un lever de soleil sur le stade. Magnifique.  #Sundaymorning #rentrée #bonnesrésolutions. »
« Qui fait ça ? »
« Bah, moi. » Elle sortit son Pear et immortalisa la scène qu’elle venait de décrire pour la poster directement  sur son instamag. «  Ma mère va liker, obligé. » Elle se mit alors à scroller son téléphone et laissa échapper un petit rire avant de commenter à voix haute. «  Nelly Horrocks elle est trop goleri avec ses memes sur la coupe du monde là, Elle appréciait tout particulièrement  celui sur les petits culs des joueurs de quidditch, Same here, girrrrl ! » claironna-t-elle en appuyant son pouce manucuré sur le cœur situé sous la publication.

Clifford appréciait sa camarade mais il comptait vraiment travailler, lui. Il ne rebondit pas sur ses dires dans l’espoir qu’elle se taise mais c’était mal connaitre Megan qui était au moins aussi bavarde que lui.

« C’est à Adèle ! VAZY MEUF ! WHOOOOUUUU ! » Clifford fronça le nez. Trop d’enthousiasme près de son oreille, beaucoup trop. Mais c’est qu’elle gère en plus ! WHOOOOOUUUUUUUUUUUU ! VAZYYYYYYYYYYY ! »

Cliff fut quelque peu contraint de délaisser son manuel pour regarder la fin du parcours de Dameski. Il ne s’y connaissait pas assez pour apprécier la justesse de ses trajectoires et il trouva simplement qu’elle avait l’air d’aller vite.

Une analyse fine et précise digne de ses connaissances en quidditch.

« THAT’S MY GRRRRL !!! » s’exclama Megan avant de changer de ton brutalement « Oh bordel ! » elle  donna un léger coup de coude à Clifford, « Regarde qui arrive ! Le DRAMA ! »

En effet, Derek Robinson descendait du château en tenue de sport, son balai posé sur son épaule. Clifford fronça les sourcils. Il trouvait Derek bien culotté de se présenter aux sélections après sa scène dans la salle commune de Poufsouffle. Megan à coté de lui affichait un grand sourire : Elle ne regrettait pas d’avoir fait l’impasse sur sa grasse matinée. Cliff jeta un regard en l’air, Elio était trop occupé pour avoir remarqué l’arrivée imminente de  Derek qui s’arrêta à leur hauteur pour finir d’enfiler ses équipements de protection.

« Tu fais quoi là ? demanda Clifford en le jugeant de haut en bas de son regard le plus méprisant, digne d’une bitch de la téléréalité sorcière.

Megan serra les lèvres pour contenir son sourire.

« Occupe-toi de ton chaudron Fairfax. » Derek enfilait ses gants. Il ne le regardait même pas.
« Tu penses vraiment qu’Elio va te sélectionner après ce que tu lui as dit ? Non mais allo ! Atterrît Derek. Descend de ton balai !»

Clifford était peut-être d’un naturel angoissé mais il se sentait pousser des ailes quand il s’agissait de défendre son meilleur ami.  Robinson  braqua ses yeux sombres dans les siens comme pour l’impressionner d’un regard mais Cliff ne scia pas.

« Sois gentil, retourne mettre de la crème sur ta sale gueule Fairfax. »

Clifford se redressa très lentement et très dignement sur son séant.

«  Ce n’est pas de la crème, c’est de la lotion pour éviter la dilatation des pores. Et je ne suis pas le seul ici  à en avoir besoin. » Il arqua un sourcil en signe de dédain. Non mais. Il n’allait pas se laisser impressionner  par un adolescent à la peau mixte !

Insensible aux arguments pourtant très percutants de Clifford, Derek alpagua directement Elio dans les airs…

Adèle se sentait incroyablement bien. Ce parcours venait de la galvaniser et elle avait l’impression de pouvoir déplacer des montagnes maintenant. Cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas sentie autant en phase avec elle-même.  Voler lui faisait un bien fou et lui offrait une bulle d’oxygène dans son quotidien quelque peu anxiogène.  Elle se rendait compte seulement à cet instant qu’elle venait de passer une semaine complète en apnée. Elle avait contrôlé le moindre de ses faits et gestes dès qu’elle quittait le cocon réconfortant de son dortoir. Elle savait qu’elle allait retrouver cette sensation oppressante dès qu’elle remettrait un pied au sol – on n’oubliait pas Gavin Turner comme ça- mais elle chérissait ce bref moment de plénitude, d’autant plus qu’elle n’était pas la seule à être fière de sa prestation. Elio se fendit d’un compliment à son égard. Alors certes, elle savait qu’Elio manageait avec bienveillance – ce qui le différenciait totalement de Gavin. Il cherchait toujours à mettre en avant le positif chez ses potentiels coéquipiers, ce n’était pas nouveau, mais la remarque sur son supposé talent lui fit plaisir même si elle ne trouva rien à répondre sur le coup.

Ou le cachait-elle, ce talent ? Dans les bras de Gavin Turner, très clairement.  Bras dans lesquels elle s’était laissée enfermer de son plein gré l’année dernière quand elle aurait pu prétendre au poste après le départ de Wendy.

« Je suis arrivée tôt, j’ai eu le temps de mémoriser le parcours. » préféra-t-elle admettre avec un sourire. Les autres aussi avait eu le temps de s’imprégner du tracé et pourtant ils n’avaient pas fait trois minutes quarante-six, lui souffla toutefois une petite voix agréable dans son esprit.

Elle s’éloigna finalement d’Elio –il avait d’autres candidats à chronométrer - et rejoignit le petit attroupement d’élèves qui s’était formé dans les airs. Jamal fut le premier à venir à sa rencontre pour examiner son balai d’un œil mi-suspect mi-intéressé.
« Tu voles sur quoi ? »
« Un Oakshaft 23, elle se redressa légèrement pour qu’il apprécie les lignes élancées et le design effilé de sa monture. Les Oakshaft étaient spécialisés  pour les vols d'endurance et réputés pour leur résistance aux vents violents. En tant qu’adepte des longues randonnées en balai, Adèle appréciait la fiabilité de la marque, l’entreprise a sorti le modèle 23 en janvier, il est plus maniable et rapide que les autres balais de la gamme. » Un bon compromis entre résistance et performance estimait Adèle qui se l’était vu offrir suite à sa réussite au BUSES.

Elle s’apprêtait à questionner Jamal sur son Swiftstick lorsque Billie attira leur attention pour la deuxième phase des sélections, les tirs au but. Adèle savait qu’elle n’était pas à l’aise dans cette discipline.  Elle passait pourtant beaucoup de temps l’été avec ses frères à simplement se faire des passes quand leurs cousins n’étaient pas disponibles pour jouer où lorsqu’ils n’étaient pas assez nombreux pour monter deux équipes complètes. Stanislaw et Tomasz, ses frères,  jouaient tous les deux poursuiveurs à Durmstrang et elle n’hésitait pas à compléter le duo réputé qu’il formait à l’école le temps d’un été. Par contre elle ne tirait jamais au but. Elle les secondait parfaitement dans la construction du jeu mais elle laissait toujours le soin à ses frères de conclure l’action.  Elle était donc vraiment nulle à ce poste, faute de puissance et d’entrainement.

Toutefois, elle ne comptait pas se défiler pour autant.  Elle ne voulait rien avoir à regretter alors elle allait donner le meilleur d’elle-même. L’exercice s’apprêtait à commencer lorsqu’une voix au sol perturba l’organisation d’Elio et Billie. Derek semblait bien décidé à venir passer les essais. Adèle entendit très distinctement Jamal souffler.

Elle n’avait suivi que de loin les tribulations de son équipe l’année dernière – trop occupée qu’elle était à contenter le moindre désir de Gavin- mais elle savait que l’ambiance dans le vestiaire n’avait pas été au beau fixe, notamment à cause du comportement solo de Derek.
Adèle se décala légèrement pour observer Elio envoyer paitre Robinson.

« Tu préfères que j’invite notre cher directeur à cette discussion ? »
« Mais la lourdeur de ce gars. » râla Flo qui était venue se positionner à côté d’elle.
« Quoi. Il a le droit de passer les essais, c’est ouvert à tous, non ? » le défendit Jacob.

Adèle les regarda tour à tour et décida de rester en marge de cette conversation. Elle trainait déjà son propre boulet – un an de relation avec le capitaine de l’équipe adverse- alors elle ne tenait pas particulièrement à se faire de nouveaux ennemis aujourd’hui. Elle avait bien vu que certains élèves étaient un peu sceptiques à l’idée de la voir passer les essais. Comment leur en vouloir ? Elle aurait sûrement réagi de la même manière à leur place...

Son seul moyen de gagner en légitimité était de prouver sa valeur par ses actes.

Elle s’installa donc derrière le premier tireur et repositionna ses lunettes sur ses yeux pour se concentrer sur les anneaux, fin  prête pour la suite des sélections qui ne tardèrent pas à reprendre.
Le quatrième année situé devant elle ne parvint pas à tromper Billie. La gardienne arrêta le souaffle d’une seule main et le jeta à Elio afin de relancer rapidement le jeu.

Adèle mobilisa un instant ses souvenirs des conversations quidditch de l’année précédente. Elle avait entendu Gavin dire que Billie était en difficulté sur son coté gauche. Adèle n’avait aucune chance de passer en force elle  décida donc  d’opter pour une tentative de lobe sur l’anneau le plus à droite. Billie était un peu avancée par rapport aux buts, elle avait une petite chance.

Adèle s’élança donc avec ce projet en tête, elle passa à proximité d’Elio qui jeta le souaffle dans sa direction. La Poufsouffle s’apprêtait à le rattraper au vol mais elle fut violement bousculée par une silhouette qui s’interposa entre elle et le souaffle : Derek venait de passer en trombe pour attraper la balle sous son nez.

Un puissant sentiment de colère s’empara immédiatement d’Adèle. Non seulement elle se sentait humiliée de ne pas l’avoir entendu arriver mais en plus elle en avait plus qu’assez de subir ces comportements. Ce genre de mec se croyait tout permis ! Ils pensaient pouvoir négliger les autres, les ignorer, dicter leur propre loi. Les agissements de Derek réveillaient en elle de douloureux souvenirs.   Il aurait sans doute mieux valut qu’elle laisse Elio et Billie gérer cette situation mais elle ne put s’empêcher de rejoindre Derek à sa hauteur pour venir se positionner juste à côté de lui.
« Si tu veux tant participer aux sélections tu fais la queue comme tout le monde ! » gronda-t-elle d’un air mauvais.

« Oh ça va Dameski, va pas me faire croire que tu vises le poste de Poursuiveuse. »
« C’est pas la question ! Je te parle juste de respect, là ! » gronda Adèle.
« Ou alors c’est un moyen de te retrouver en face-à-face avec ton chéri ? »

La remarque et le culot de Derek lui coupèrent le souffle. Adèle tiqua, estomaquée.  Elle n’avait évoqué sa rupture avec personne – si ce n’est Liv et Megan – et aucun autre élève de l’école ne s’était aventuré à lui parler de Gavin depuis la rentrée. Tout le monde savait qu’ils n’étaient plus ensemble, et d’après les rumeurs, Adèle était l’amoureuse éconduite de cette histoire.
Et pourtant, Derek osait lui sortir une remarque pareille ?

Dans sa cruauté, il visait particulièrement juste. Adèle craignait qu’on ne la catégorise que comme l’ex de Gavin. Celle qui cherche à se faire remarquer auprès de lui en passant les sélections de son équipe, équipe qu’elle avait négligée jusqu’alors. Elle se faisait peut-être des idées mais elle était persuadée que Derek n’était pas le seul à penser ça d’elle.

Comme si elle ne pouvait pas postuler au poste d’attrapeuse simplement pour elle-même.
Pourtant, elle ne trouva rien de percutant à répondre à son camarade de maison. Il n’y avait rien d’étonnant à cela, Adèle n’était pas connue pour avoir la répartie d’une Billie ou d’une Megan. Et puis ce n’était pas la première fois qu’on lui parlait mal et qu’elle ne se rebiffait pas : Ceux qui l’avaient côtoyée à la fin de sa relation avec Gavin l’avaient déjà vu encaisser en silence des remarques intolérables.

Si de l’extérieur son silence ne surprenait sans doute  personne, Adèle était pleinement consciente du changement intérieur qui s’opérait en elle. Elle se taisait non pas parce qu’elle était intimidée par Derek comme elle avait pu l’être avec Gavin,  au contraire,  elle ressentait une forme de colère froide pour ce garçon cruel, colère qui, elle le sentait dans ses entrailles, renforçait  sa détermination. Bien sûr, elle bouillonnait intérieurement, elle avait envie de hurler, de l’insulter, de le gifler même, mais elle n’en fit rien elle se contenta de braquer son regard  dans le sien : Elle ne voulait plus baisser les yeux devant ce genre de comportement.

Elio et Billie débarquèrent à cet instant afin de tenter de mettre fin à cette mascarade. Adèle recula légèrement pour les laisser gérer cette situation qui n’avait que trop durée.
Elle retrouvait tellement  les travers de Gavin à travers Derek qu’elle ne pouvait pas les ignorer : Sous entendu sexiste, tentative de déstabilisation et d’intimidation, rapport de force, mais sa remarque mesquine sur Ayesha Deen finit de la révulser. Derek lui donnait envie de vomir, littéralement. Si Flo et Jamal quittèrent le groupe de candidats pour empêcher l’altercation qui se profilait, Adèle fit le chemin inverse et rejoignit Ayesha qui venait de baisser les yeux baissés sur son balai.

Ayesha était un an plus jeune qu’elle. Adèle ne lui avait jamais parlé avant aujourd’hui mais à cet instant, elle avait l’impression d’être totalement en phase avec les émotions de sa cadette. Elle ressentait une empathie si forte pour cette jeune fille et une aversion tellement puissante pour Derek qu’elle s’approcha d’elle:

« S’il te plait Ayesha, ne lui fais pas ce plaisir, la cinquième année releva le regard vers elle, Tu peux garder le menton haut, c’est lui le cognard qui devrait baisser les yeux. » Adèle tremblait un peu en disant ses mots peut-être parce qu’elle aurait aimé les entendre à son encontre.

Elle tourna la tête par-dessus son épaule afin de surveiller la situation du coin de l’œil : Flo et Jamal s’étaient interposés mais Adèle se sentait comme une louve prête à protéger son petit si Derek essayait de nouveau d’humilier Ayesha.

« Tu es au moins aussi légitime que lui –si ce n’est plus -pour prétendre au poste de poursuiveur. » reprit-elle en se retournant vers Ayesha -En sous entendu : fais lui fermer sa grande gueule de con.

Adèle esquissa un sourire et s’éloigna sans attendre une réponse de sa jeune camarade puis elle expira  doucement pour se forcer à se calmer. Les sélections allaient visiblement reprendre puisque Derek venait d’amorcer un virage vers le bas. La pression opérée par Flo, Jamal, Billie et Elio avait porté ses fruits. Ces quatre là formaient sans nul doute le noyau dur de la future équipe de leur maison.

Adèle se racla la gorge et détendit ses bras et ses jambes l’un après l’autre – sans qu’elle s’en rende compte, tous ses muscles s’étaient contractés. Elle desserra la mâchoire et roula des épaules pour se décrisper.

« Bah voilà, c’était l’bon exemple de pourquoi cette année on fait attention aux personnalités qu’on recrute dans l’équipe. » Adèle sourit mais son expression se figea quelque peu à la remarque de Jamal sur Gavin.

Même s’il l’avait dite à voix basse – pour éviter qu’une certaine personne ne l’entende visiblement- elle avait parfaitement perçu chaque mot. Honnêtement, elle aurait préféré qu’il assume pleinement ses propos. Elle était persuadée que si elle n’avait pas été là, il aurait fait cette remarque à voix haute, histoire de détendre l’atmosphère par un chambrage en règle de leurs ennemis jurés, les Gryffondor. Adèle ne manqua pas non plus le rictus  d’Elio qui la déstabilisa quelque peu.
Même si elle partageait le point de vue de Jamal – Gavin était un gros cognard- elle avait l’impression que les insultes qui étaient destinées à son ex l’éclaboussaient elle aussi. Elle avait été trop proche de lui, trop longtemps, pour ne pas être indirectement associée à son comportement néfaste. La remarque de Derek avait renforcé sa détermination car elle méprisait le Poufsouffle et ce qu’il représentait. Les mots de Jamal et le sourire contenu d’Elio la chamboulaient davantage car elle ressentait ce besoin d’être acceptée dans leur cercle. Elle voulait leurs plaire – non pas au sens romantique du terme- mais simplement être estimée et respectée pour ce qu’elle était réellement.  
Elle n’avait pas envie qu’ils prennent des pincettes aujourd’hui juste parce qu’elle était là.

Adèle  était donc un peu contrariée lorsqu’elle s’élança face aux buts. Pourtant elle savait qu’elle devait être en mesure de transformer cette  émotion en quelque chose de positif. Il s’agissait d’un bon entrainement psychologique pour gérer la pression de la future rencontre Poufsouffle / Gryffondor. Si au final elle parvenait à intégrer l’équipe  elle serait très attendue sur ce match en particulier. Elle devait être en capacité de se mobiliser et de nourrir sa détermination par ce genre de frustrations. Elle prit donc une grande bouffée d’air frais et se saisit du souaffle qu’Elio venait de lui envoyer, déterminée à l’idée d’exécuter le tir qu’elle envisageait un peu plus tôt avant l’interruption de Derek : Un lob du côté droit.

Billie était légèrement avancée sur sa ligne. Comme tout à l’heure, constata Adèle en fronçant imperceptiblement les sourcils. Et si Billie n’attendait que ça justement : Qu’elle tire une balle en cloche sur la droite. Adèle avait déjà le bras en l’air pour finaliser cette action mais elle se ravisa au dernier moment. Elle vrilla et opéra un tir à la hanche, rapide et précis sur l’extrémité extérieure de l’anneau de gauche. Bille s’étendit de tout son long et sortit le souaffle du cadre d’une claquette.
Si seulement elle avait tiré un peu plus fort ! songea Adèle  tout en descendant pour aller récupérer la balle qui filait droit vers le sol. Son tir avait manqué de puissance, analysa-t-elle, même s’il était parfaitement cadré et qu’elle avait réussi  à surprendre un peu Billie, cela n’avait pas suffit pour tromper la gardienne.

Adèle attrapa la balle et remonta au niveau du jeu pour la passer à Elio avant de le contourner.
Elle rejoignit le groupe et s’arrêta entre Flo et Hilda. C’était au tour d’Ayesha Deen de tirer. Instinctivement Adèle chercha Derek en contrebas. Il avait rejoint le sol et se trouvait à mi chemin entre le stade et le château. Elle le distinguait à peine mais il s’était arrêté et semblait suivre les sélections de loin.

« Allez Ayesha ! » s’exclama Adèle tandis que sa camarade s’élançait. Elle voulait que elle réussisse et mette ce but. La cinquième année vrilla du côté gauche puis changea brusquement de trajectoire pour terminer son action par un tir puissant qui transperça l’anneau du milieu. Une frappe chirurgicale qui fut accueillit par quelques applaudissements et des exclamations appréciatrices. Adèle arborait pour sa part un grand sourire. Elle fut surprise de voir Ayesha voler dans sa direction et tendre la main pour la checker en passant rejoindre ses camarades de son année situés un peu plus loin.

Adèle ne regrettait pas d’être venue, ne serait-ce que pour ce bref instant.

Elle tourna la tête en direction de Poudlard juste à temps pour voir Derek passer les larges portes du château.

Les sélections physiques et techniques étaient officiellement terminées. Adèle avait passé une bonne partie de la matinée à tester ses aptitudes sur les différents postes et elle était globalement satisfaite d’elle-même : Mise à part sa piètre performance en tant que batteuse –elle avait tenté une reprise liftée qui avait manqué de tuer un pigeon situé à trois bons mètres du mannequin qu’elle visait- les autres essais avaient été plutôt positifs. Lors du match d’entrainement, elle avait réussi à ravir le vif d’or avant Hilda en esquissant une manœuvre un peu périlleuse à moins d’un mètre du sol.

Mais ce qui l’avait le plus agréablement surpris restait la qualité de sa forme physique. Quand certains élèves accusaient de la fatigue au terme des 3h d’entrainement, Adèle se sentait pour sa part incroyablement bien. Elle avait conscience d’être un peu grisée par ces sélections et par l’enthousiasme qu’elles suscitaient chez elle mais elle constatait surtout que ses deux mois d’été passés à entrainer ses frères l’avaient très bien conditionnée pour ces essais.
Si jamais elle intégrait l’équipe, elle serait prête dès le début de saison, se dit-elle. Et ce n’était pas un fantasme irraisonné : elle sentait qu’elle avait ses chances. Florence et Jamal étaient venus lui parler équipements –l’air de rien - et elle avait longuement échangé avec Ayesha et Hilda à propos de techniques de vol. Les trois jeunes filles avaient même croisés leurs emplois du temps respectifs pour se trouver un créneau d’entrainement supplémentaire commun, quelle que soit leur réussite à ses sélections.

Adèle avait passé un an dans une bulle avec Gavin, ses potes et Megan pour seule amie. Cette simple matinée où elle côtoyait de nouvelles têtes, échangeait librement sans crainte du jugement de son ex-petit ami lui faisaient incroyablement de bien.

Il lui restait toutefois un dernier test à passer, celui de l’entretien. Ayesha était justement occupée à répondre aux questions de Billie et Elio installés sur la pelouse verte du terrain. Adèle patientait non loin des vestiaires avec le reste des candidats, les avants bras appuyés sur la barrière, dos au soleil pour se chauffer les omoplates.

« Qu’est-ce qu’ils vous ont posé comme questions ? » s’enquit-elle en observant Elio de loin, les paupières plissées par la luminosité presque estivale de ce début septembre.
« Billie m’a demandée ce que je pensais pouvoir apporter à l’équipe. » révéla Hilda, assise en équilibre sur la clôture juste à côté d’elle.
« Et moi ils vont surement me dire «  Qu’est ce que tu as pensé de l’intervention de Derek tout à l’heure ? » grommela Jacob en grattant les graviers de la pointe de sa basket.
« Avoue qu’il n’a pas été des plus inspiré ! » argua Florence, mais pour toute réponse, Jacob se fendit d’un simple haussement d’épaule. Pourquoi les mecs n’admettaient jamais leurs erreurs ? Pourquoi être solidaire d’une telle connerie ? Adèle voulait bien mettre ce comportement sur le compte de la loyauté légendaire des Poufsouffles, mais tout de même, il y avait des limites.
« Ayesha a terminé visiblement… C’est à toi Adèle ! »
Adèle releva les yeux sur la silhouette de sa camarade avant de passer sous la barrière pour la croiser à mi chemin.
« Alors ? » dit-elle tout en avançant vers elle.
« Je suis pressentie pour être poursuiveuse. »
« Vraiment ?! Adèle trouvait qu’il s’agissait d’un choix plutôt  judicieux au vu du but magnifique que la cinquième année avait marqué  mais Aleysha avait postulé pour le poste de batteuse «  C’est ce que tu voulais ? »
« Je n’osais l’espérer ! » répondit brièvement la jeune fille lorsqu’elles se croisèrent.

Adèle esquissa un sourire : elle était particulièrement satisfaite de la tournure des événements. Même si elle ne devait rester qu’une simple supportrice de l’équipe de sa maison elle préférait voir Ayesha compléter le duo Jamal/Florence plutôt que Derek ou Jacob.

La jeune femme arriva finalement à la hauteur d’Elio et Billie et s’assit en tailleur pile en face d’eux. Ils formaient un duo assez étonnant tous les deux mais visiblement complémentaires.

« T’as fait de sacrés bons essais » commenta le capitaine, en guise d’amorce.
« Merci. Répondit Adèle avec un léger sourire, Je suis sûre que Dominic s’inquiète de me voir lui chiper le poste de batteur, ajouta-t-elle pour tempérer quelque peu les louanges d’Elio.
Elle ne trouva rien à objecter cette fois lorsqu’ils complimentèrent  la rapidité de son vol. Elle se contenta d’un sourire contenu et d’un bref remerciement  en attendant que les choses sérieuses commencent : ils n’allaient surement pas la féliciter pendant tout l’entretien s’ils voulaient se faire une idée de son état d’esprit et de sa motivation.
Ce fut finalement Elio qui lança vraiment la conversation en lui demandant si elle avait songé à passer les essais avant cette année.
« Jamais du temps de Wendy. » répondit-elle tout à fait sincèrement en secouant la tête négativement. Wendy Reiner l’ancienne attrapeuse de Pousouffle officiait maintenant pour une équipe de la ligue anglaise. Elle avait toujours été une joueuse  au dessus du lot, même à Poudlard, Et l’année dernière j’avoue que ça m’a traversé l’esprit… , mais elle s’était laissée influencer par Gavin qui préférait la voir dans les tribunes  plutôt qu’en joueuse adverse. Il n’avait même pas eu à insister, Adèle était déjà un peu hésitante et, au lieu de l’encourager, il avait juste eu à actionner quelques leviers pour la faire adopter son point de vue. Elle n’aimait pas repenser à cette période et à tous les mauvais choix qu’elle avait fait et qui l’avaient conduit à accepter l’inacceptable si bien qu'aujourd'hui elle ne tenait pas particulièrement à expliquer cet aspect là de sa vie privée à Elio et Billie. Elle s’appuya donc sur les raisons qui avaient participé à faire pencher la balance du côté de Gavin pour argumenter son choix :

… mais je me suis ravisée. C’était l’année des BUSES et je voulais m’assurer d’excellents résultats afin de décrocher ma place dans les matières indispensables à la poursuite d’études que j’envisage.  – Botanique – Potions – Soin aux créatures magiques – Sortilèges, les quatre enseignements incontournables pour intégrer l’ESAH - l'Ecole Supérieure  d’Apothicaire Herboriste.
« Cette année j’ai un emploi du temps plus léger qui devrait me laisser davantage de temps libre- quoi que avec le couple Witherington, rien n’était moins sûr – ou, du moins, plus de  flexibilité, tempera-t-elle.  Et puis ça fait longtemps que je joue au quidditch pour le loisir, j’ai envie de me challenger sur le terrain de la compétition. »

Adèle hocha la tête lorsqu’Elio expliqua qu’il n’attendait pas de ses coéquipiers qu’ils mettent leur vie entre parenthèse pour l’équipe. Parfait. Elle était bien évidemment disposée à s’investir pleinement mais pas au point de négliger les autres aspects de sa vie privée. Adèle sentait justement qu’elle devait rééquilibrer son quotidien pour se sentir pleinement épanouie : Une vie sociale plus diversifiée, des activités variées et stimulantes, un travail scolaire plus qualitatif.  Elle ressentait le besoin de reprendre sa vie en main et sa candidature au poste d’attrapeuse était seulement un pan visible de la grande remise en question qu’elle entamait tout juste en cette rentrée scolaire.

Si elle était prise pour intégrer l’équipe, elle interpréterait cela comme un signe du destin. Il lui faudrait suivre cette voie et ne pas perdre de vue ses nouveaux objectifs.  Les deux capitaines étaient loin d’imaginer l’importance que revêtait cette candidature pour elle.  Ils étaient occupés à compléter leurs explications en détaillant les modalités de préparation de l’équipe : Deux entrainements collectifs par semaine et chaque membre avait la charge d’assurer seul le bon maintien de sa propre forme physique. Encore une fois, Adèle opina du chef. Elle avait prévu de continuer l’escalade le dimanche matin – c’était bon pour le gainage- et elle cherchait actuellement un cours de danse à pratiquer en dehors de l’école une semaine sur deux le samedi avec Megan. Elle avait d’ailleurs enregistré une publication du studio LPG Pole Art qui présentait dans un post instamag la carte de ses cours pour la saison 2023-24. Si on ajoutait à cela la séance programmée avec Hilda et Ayesha le vendredi entre midi et deux, elle estimait remplir largement sa part du contrat. Peut-être qu’elle rajouterait un peu de cardio de temps en temps en fonction des disponibilités des autres membres de l’équipe, si toutefois elle était sélectionnée.

- Voilà. Ça t’irait comme fonctionnement,  si on te prend dans l’équipe ? » lui lança justement Elio.
Evidemment que cela lui convenait ! Oh Merlin ! pensa-t-elle en contenant toutefois son sourire.
« Oui bien sûr. C’est parfait. »
Est-ce que l’entretien était terminé ? Etait-elle officiellement la nouvelle attrapeuse titulaire ?
« Bon, il y a un autre sujet qu’on voulait évoquer avec toi »
« Lequel ? » demanda-t-elle tout à fait innocemment loin d’imaginer ce qui allait suivre.
« C’est par rapport à ton lien avec Gavin. »
L’expression d’Adèle se figea.  Elle croisa le regard d’Elio avant de revenir rapidement  sur Billie qui évoquait sa relation et sa séparation avec le capitaine de l’équipe adverse. Quelque peu mal à l’aise, Adèle changea de position er rabattit ses cuisses contre sa poitrine. Elle enserra ses jambes avec ses bras et ne lâcha pas Billie des yeux alors qu’elle lui demandait si elle se sentait prête à affronter Gavin sur le terrain.

« Je pensais que ma simple présence aux sélections répondait déjà à cette question, dit-elle d’un ton plus froid qu’elle ne l’aurait voulu, Je veux dire, ce n’est pas comme si j’avais un doute sur le fait que Gavin soit sélectionné ou pas dans l’équipe adverse. Il était capitaine, le seul et unique joueur certain d’intégrer l’équipe de sa maison. Je sais que je vais devoir jouer contre lui. Je ne vous aurais pas fait perdre votre temps si je ne m’en sentais pas capable. » Assura-t-elle en se tournant cette fois vers Elio.

Elle trouvait cette question limite insultante pour le coup. Adèle avait mûrement réfléchi sa décision. Elle avait passé des semaines à envisager cette candidature, à peser les pours et les contres, à s’interroger sur sa force mentale pour gérer cette situation au mieux. Son choix n’avait rien d’un caprice.

« Et je ne candidate pas non plus pour embêter Gavin. » Ajouta-t-elle, même si cette question ne lui était pas directement posée «  Nous deux c’est de l’histoire ancienne. Je postule juste… pour moi, en fait. » Elle haussa les épaules. Elle se sentait contrariée d’avoir à se justifier même si elle comprenait la volonté des deux capitaines de ne rien laisser au hasard.

Ils enchainèrent d’ailleurs sur sa capacité à gérer la pression du public et notamment les éventuelles chants grivois ou rumeurs des supporters adverses. Sans le savoir, ils s’adressaient à une fille qui s’était déjà fait qualifier de salope par son propre petit-ami dont elle était amoureuse. On pouvait difficilement faire pire en matière d’insulte.

Toutefois Adèle se garda bien d’argumenter en ce sens.  Elle supportait assez facilement  les actes malveillants à son encontre, cela avait été un problème dans sa vie personnelle -où elle était un peu trop prompte à passer l’éponge et à relativiser - mais peut-être un avantage dans la pratique de quidditch en compétition : Il lui en faudrait beaucoup pour la faire dégoupiller.

« Je sais que ça fait partie des risques, répondit-elle aux deux capitaines, je ne vais pas dire que je suis hyper à l’aise avec ça parce que ce serait faux mais je pense qu’avec une bonne préparation mentale, je peux gérer.  Elle s’était surprise elle-même plusieurs fois depuis sa séparation avec Gavin : Elle se trouvait plus forte que ce qu’elle avait imaginé,  je comprends que si vous m’en parlez c’est aussi pour que je me sente libre d’aborder ce sujet avec vous si la pression devient trop forte mais ce qui m’aiderait vraiment c’est que vous ne preniez plus de pincettes pour parler de Gavin en ma présence, elle se tourna vers Billie, Je sais que tu le détestes, généralement Billie appelait plus facilement Gavin « L’AUTRE CONNARD »que par son prénom, Tu n'as jamais été aussi polie pour parler de lui, elle esquissa un léger sourire avant de se tourner vers Elio,  et toi, tu n’as pas osé rire à la blague de Jamal tout à l’heure. – celle ou leur coéquipier avait dit que Turner était un gros con-  Alors qu'objectivement: c'était plutôt drôle. Ce genre de détail me perturbe davantage qu’une pancarte insultante, je vous le garantis. »

Après s’être assuré du retour de  Derek au château, Clifford avait replongé dans son travail et Megan dans les tréfonds d’instamag. Les deux camarades avaient vaqué à leurs occupations respectives tout en levant  de temps en temps les yeux pour observer le déroulé des sélections jusqu’à ce que Cliff termine son devoir. Ils avaient ensuite échangé quelques bons plans – Megan lui avait parlé d’un pop up store, Jackmus à Leopoldgrad- puis ils avaient écouté de loin  l’annonce des résultats des sélections. Cliff n’était pas en mesure de déterminer si la nouvelle équipe était compétente sur un terrain mais elle lui parraissait nettement plus sympathique que celle de l’année dernière.
Adèle était venue leur annoncer sa titularisation au poste d’attrapeuse  avant de s’éclipser un peu à l’écart sous un arbre pour annoncer la nouvelle à sa famille par appel visio. De là où il était, Clifford pouvait l’entendre parler polonais avec un certain enthousiasme alors qu’il s’occupait avec Megan en attendant Elio.

La jeune femme avant le nez rivé sur son pear et Clifford était penché au dessus de son épaule pour lire les questions  d’un  test en même temps qu’elle les lui posait.

« Serais-tu prêt à voler un million de dollars si tu savais que tu avais 99% de chance de ne pas te faire prendre ? »
« Même s’il y a 100% de chance que je ne me fasse pas prendre je ne vole pas. C’est quoi ces questions ? Ou sont les valeurs de Poufsouffle ? »
« Donc c’est "non, pas du tout". » souffla Megan en cliquant sur le bouton le plus à gauche.« Es-tu ambitieux et déterminé à gagner ? »
Clifford dodelina. «  ça dépend. »
Megan bascula la tête en arrière et laissa échapper un râle. Ce test de masculinité aurait du prendre 10 secondes mais c’était sans compter sur les réponses alambiquées de Clifford.
« Tu peux juste répondre "non pas du tout", "plutôt non", "neutre", " plutôt oui" ou "oui, tout à fait" ! Pas "ça dépend !" »
« Excuse moi mais la question est très  mal posée : Etes vous ambitieux ? Oui je le suis : je veux réussir ma vie, être heureux avoir un bon emploi. Etes-vous déterminé à gagner ? Non, pas systématiquement. »
« On va mettre "neutre". » conclut Megan dans un souffle. « Dernière question : Peut-on facilement te faire sentir anxieux  ?» Les deux Poufsouffles échangèrent un regard lourd de sens et Megan cliqua sans plus de cérémonie sur le bouton le plus à droite, "oui tout à fait".

« Tu es donc…  à 59.89% Omega, Megan afficha une grimace et gratifia son camarade d’un regard désolé avant de lui lire les caractéristiques notées sous le résultat, les mâles oméga sont les rejetons de la hiérarchie masculine. Les omegas ont tendances à manquer d’aptitudes sociales, d’argent, d’apparence, et de compétences. »
« Quoi ? Clifford posa une main sur son torse dans un geste parfaitement  théâtral,  Manquer d’aptitudes sociales ? Moi ? Il était offusqué,  Je ne crois pas, non,  j'ai pleins d'amis et je suis quand même le meilleur pote du gars le plus populaire de Poudlard –si ce n’est pas un signe ! Quand au fait de manquer d’apparence, il s’interrompit au milieu de sa phrase et se désigna lui-même comme s’il s’agissait d’une évidence. Il est vrai que Cliff n'était pas un pur beau gosse mais il faisait très attention à son look – même le dimanche matin- et que les pièces qu’il portait étaient généralement assez couteuses, Quant au fait de manquer de compétences, je vais leur envoyer mon bulletin de notes des BUSES, ils vont voir si je manque de compétences ! » Peu de personne pouvait se targuer de tels résultats.

« Etre un Omega est souvent stressant et blessant. » insista Megan.

Hum. Cliff afficha une petite moue. Il ne trouvait rien à redire sur ce dernier point.
Trop accaparé qu’il était par son test de hiérarchie masculine, il ne vit pas Elio arriver dans son dos et ne remarqua son ami que lorsqu’il s’assit à côté de lui pour lui demander s’il avait pu réviser. Clifford s’apprêtait à répondre mais c’était sans compter sur Megan qui posa ses deux mains sur sa cuisse tout en faisant mine de souffrir le martyr.

“Ahh une craaaampe !!!  Je savais que j'aurai pas dû sortir de mon lit ce matin ! Et maintenant ça... »
Alerter par les cris de son amie, Adèle abrégea sa conversation familiale pour revenir vers le petit groupe.
« ça va pas ? » lui demanda-t-elle sans avoir suivi le début de la conversation.
« Ohlala je sens plus ma jambe. Et si je la perds ? Qu'est-ce que je vais devenir ? Reprit Megan en parfaite comédienne qui ne trompait personne. Elle posa le revers de sa main sur son front,  Heureusement qu’il  y a encore des gentils garçons bien bâtis pour aider des pauvres filles comme moi… » Megan papillonna des paupières tout en observant Elio, C’est de toi que je parle Davies. Reprit-elle d’un ton redevenu parfaitement normal. Elle savait qu’il n’était pas réceptif aux sous entendus alors autant employer le chemin le plus direct.

Adèle se mit à rire et s’assit à côté de son amie pour passer un bras autour de ses épaules.
« Tu veux qu’il se rapproche pour que tu puisses lui tâter le biceps ? »
Megan posa sa tête dans le creux du cou de sa camarade et se laissa bercer doucement « Oui. » murmura-t-elle.
« Tu sais que nous sommes en 2023 et qu’on ne touche pas les gens comme ça, sans leur consentement ? »
« Oui, je sais » pleurnicha Megan «  parfois j’aimerai être une boomer comme Nat la déprime et  m’affranchir de toutes ces conneries. Donnez-moi des muscles à tâter. »
Clifford poussa un soupir bruyant.
« Ok je me dévoue. » Il tendit mollement son bras en direction de Megan, vas-y, tu as mon autorisation.  Je suis sûr que tu as toujours rêvé de tâter de l’oméga.» Il se tourna alors vers Elio, « Tu noteras que je donne de ma personne pour t’éviter des moments embarrassants. »
« J’avoue. Clifford a même rabroué Derek ! reprit Megan en se redressant vivement. D’ailleurs, Elle regarda tour à tour Adèle et Elio, j’entendais rien d’ici ! Il vous a dit quoi là-haut ?"

Même si elle rêvait d’une douche – elle n’avait pas pensé pouvoir bénéficier de l’accès au vestiaire en tant que membre de l’équipe si bien qu’elle n’avait pas prévue de vêtement de rechange-Adèle se sentait particulièrement bien. Elle venait d’avoir toute sa famille en visio et ses parents l’avaient longuement félicité pour sa nomination quand ses frères avaient préféré s’octroyer une partie de son succès individuel :

« On t’a très bien entrainé cet été ! » Mais bien sûr !

Tout le monde semblait ravi de sa promotion au poste d’attrapeuse titulaire de son équipe. Attrapeuse titulaire. Elle avait encore un peu de mal à réaliser songea-t-elle en posant sa joue sur le sommet du crâne de Megan qui venait de se blottir contre elle, faussement déprimée à l’idée d’être éconduite par Elio. Adèle savait qu’elle devait beaucoup à son amie. Elle avait été la première à l’alerter sur le fait qu’elle s’oubliait un peu trop dans sa relation avec Gavin  et qu’elle était passée à  côté de sa propre vie pendant près d’un an.  Si Adèle était resté très (trop ?) longtemps dans le déni, elle avait fini par ouvrir les yeux sur sa propre existence et accepté l’idée de faire des choses pour elle-même : Pour son propre plaisir et non pas pour aider quelqu’un ou plaire à d’autres personnes. Sa candidature et cette sélection en découlant  ouvrait maintenant le champ des possibles : Elle était capable de réussir, elle pouvait donc  s’autoriser à rêver plus fort, plus haut.  Elle esquissa un léger sourire à cette idée avant de se reconcentrer sur la situation  qui animait les quatre Poufsouffle :

A en juger par son air penaud, Elio ne semblait pas particulièrement à l’aise avec les avances peu subtiles de Megan.  Il retrouva toutefois de sa volubilité habituelle à l’évocation des sélections qu’ils venaient de partager. Il faut dire que Megan et Clifford semblaient très avides de savoir ce qu’avait dit Derek quand il était dans les airs avec eux.

« Comment ça insulté tout le monde ? » demanda Megan en cherchant le regard d’Adèle.
« En gros il a dit que si je postulais pour attirer l’attention de Gavin, qu’Elio s’était fait couper les couilles par Billie et il a terminé par surnommer Ayesha « Bouboule ».
Adèle ponctua sa phrase d’un large sourire et d’un geste de la main, comme si elle portait un plateau invisible supportant toute la débilité profonde de Derek Robinson. Ce gars ne méritait pas son respect.
]« Mais quel charmant personnage. »
« N’est-ce pas ? »
« J’ai comme une envie de l’inviter à ma prochaine lapidation-party. »
« Non mais pardon ? Il a osé dire ça ? Clifford semblait particulièrement remonté, son front reflète autant la lumière du soleil qu’un miroir et il se permet des remarques sur le physique des gens ? J’ai failli  me bruler la rétine en le regardant tout à l’heure. »
Adèle s’esclaffa avant de croiser le regard d’Elio qui s’adressait à elle :
-La tête qu’il va faire quand il verra qui j’ai recruté à sa place.
-On a sûrement raté ce spectacle, dit-elle d’un air désolée, Je suis sûre que Jacob a déjà vendue la mèche. T’as pas les oreilles qui sifflent ? demanda-elle à Elio, consciente que le capitaine devait faire l’objet des médisances de leurs deux autres camarades de maison.
« Soi-disant personne d’autre que lui peut mettre des buts à Turner… C’est Turner qui est pas prêt pour notre équipe, c’est ça la vérité. » assura Elio.
« En voila un autre dont j’aimerai voir la tête à la découverte de la composition de votre équipe ! » surenchérit Megan en se tournant vers Adèle.
Cette dernière haussa les épaules. Elle venait d’assurer à Elio et Billie que sa candidature n’avait rien avoir avec Gavin, ce n’était pas pour semer le trouble dans l’esprit de son capitaine maintenant.
« Je m’en fous de sa tête. » assura-t-elle en attrapant un brin d’herbe
Megan lui donna un bref coup de coude « Meuf, fais pas genre ! On sait très bien la tête qu’il va faire ! » d’un geste du menton elle invita Adèle à l’imiter. Oh merlin, ce que Megan pouvait être gênante des fois.  « Allez ! » Insista son amie si bien qu’Adèle planta son regard bleu dans celui de Megan et contracta la mâchoire pour faire ressortir ses maxillaires dans une attitude mi-contrariée mi-menaçante…mais qui –singée par Adèle- s’apparentait davantage à l’expression d’une personne constipée.

Megan se mit à rire doucement.

En vérité, Adèle avait longtemps craint cette expression. A chaque fois qu’elle voyait Gavin l’arborer, elle ne pouvait pas s’empêcher de se remettre en question : qu’avait-elle fait de mal pour le contrarier ? Devait-elle craindre une nouvelle crise à venir ?

Megan l’aidait chaque jour à prendre du recul sur  tous ces signaux de violence non verbale auxquels elle s’était conformée. Se moquer de Gavin participait à dédramatiser quelque peu la situation et à amoindrir l’emprise qu’il avait longtemps eue sur elle.

« Il fait cette tête quand il n’est pas content. » expliqua-t-elle alors à Cliff et Elio en retrouvant son expression normale. Enfin, j’imagine que tu le sais déjà. » Reprit-elle à l’attention d’Elio.  Aux vues de l’inimité entre les deux garçons, il devait déjà être au courant.
« Trop hâte qu’il fasse cette tête en découvrant ma première vidéo promotionnelle de l’équipe. »
Adèle tourna la tête pour observer Megan. Mais enfin de quoi parlait-elle ?
«  Ah oui Elio je ne t’ais pas dit mais je suis la nouvelle Community Manager de l’équipe de Poufsouffle. J’vous ais créée un profil instamag et knock-knock. Dit-elle en tournant son écran face à Elio. Pour le moment vous avez un follower, moi, mais tout va changer d’ici peu, assura-t-elle en reprenant son Pear. Si je veux pouvoir décrocher un apprentissage en journalisme je dois commencer à me faire connaitre sur les réseaux et quoi de mieux que de devenir le CM de l’équipe de quidditch de sa maison, n’est-ce pas ? »
« Honnêtement c’est une super idée mais … tu hais le quidditch, non ? »
« C’est un détail. J’aime les gens, c’est ça qui est important. » Assura Megan. Adèle réfléchit un instant à cette réponse qui finit par la convaincre. Elle était sûre que Megan trouverait le bon ton pour évoquer l'équipe et la rendre sympathique,  Il faut vraiment que je décroche une alternance pour ma septième année, j’ai trop besoin de thunes. »
Adèle roula des yeux «  A qui le dis-tu ! »
Elle ne serait pas contre une petite rentrée d’argent régulière elle aussi…

Megan, nouvelle community manager de l’équipe de quidditch de Poufsouffle. Visiblement l’idée emballait Elio qui s’enthousiasma d’emblée pour ce nouveau projet. Adèle savait que son camarade était plutôt actif sur les réseaux et qu’il se prêtait facilement au jeu des challenges et des contenus humoristiques. Elle figurait parmi ses abonnés depuis plusieurs années maintenant  et elle se souvenait avoir beaucoup ri en visionnant l’une de ses vidéos sur le ship Forbes+ Carter. Elle faisait depuis partie des « Forterers », les fans du ship iconique #Forter. Pourtant, elle n’avait ni liké, ni commenté la publication qu’elle avait pourtant regardé des dizaines de fois depuis le compte de Megan.

Pourquoi  une telle discrétion ?

Elle connaissait bien évidemment la réponse : parce que Gavin l’aurait su. Parce qu’il n’aurait pas été content et qu’il lui aurait probablement fait une scène.
Adèle appuya son menton sur son genou et resta un instant silencieuse. Elle n’en était pas à sa première prise de conscience de ce genre. A vrai dire, il ne se passait pas une journée sans qu’un événement lui fasse remarquer à quel point elle s’était oubliée pour plaire à son ex-petit ami. Il avait influé sur chacun de ses choix, chacune de ses interactions sociales et ce constat lui donnait le tournis.

En se séparant de lui, Adèle avait pensé pouvoir se libérer de cette emprise mais force était d’admettre qu’elle était toujours irrémédiablement associée à Gavin Turner. Elle avait beau essayer de s’émanciper, en affirmant ses propres choix ou en se moquant un peu,  il planait encore au dessus d’elle : Derek , Elio et même Billie le lui avaient rappelé en l’évoquant lui pour parler d’elle. Comme s’ils étaient encore indissociables l’un de l’autre.

Et même elle, elle s’en voulait de penser «  que va penser Gavin de ma sélection ? » alors qu’elle aurait juste voulu s’en foutre et qu’il ne soit plus autant présent dans ses pensées. Gavin par-ci, Gavin par-là. Stop. Elle avait besoin de projets, besoin d’exister indépendamment de lui. Besoin qu’on ne le voit plus comme l’ex de Turner et qu’elle arrête, elle aussi, de se voir comme telle.
Aussi quand Elio évoqua ses activités en dehors de Poudlard, Adèle y vit immédiatement un double intérêt : l’occasion de se faire de l’argent tout en sortant du vase clos de l’école où elle avait du mal à exister et à se définir par elle-même.

Elle sortit son Pear de sa poche et pianota les informations qu’Elio venait de leur communiquer. -Club enfant quidditch Flaquemare samedi - et elle ne tarda pas à tomber sur le site de la Maison des Jeunes Sorciers de la ville côtière.

« Meg, écoute ça ! dit-elle avant de lire l’annonce clignotante sur le site : « Job étudiant à pourvoir contrat d’animateurs, un samedi sur deux et la moitié des vacances scolaires. »

Après tout, pourquoi pas ? songea Adèle. Cela sous entendait un léger aménagement de son emploi du temps en révisant  davantage la semaine mais ce n’était pas impossible. Elle  entrevoyait déjà  tous les aspects positifs de cette activité : On allait lui confier des responsabilités valorisantes pour elle-même, elle allait pouvoir rencontrer de nouvelles personnes  tout en gagnant un peu d’argent. Elle était gagnante sur toute la ligne.

D’autant plus que les tâches confiées aux animateurs ne semblaient pas trop compliquées, aux dires d’Elio. Elle avait déjà appris à ses frères et sœur (et la moitié de ses petits cousins !) à tenir sur un balai : Le job était clairement dans ses cordes !

« On fait aussi des activités manuelles, ajouta Elio, C’est pas mon point fort, mais j’suis super fort en bracelet de l’amitié depuis l’été dernier. »
« Tututut’, intervint Clifford, comment se fait-il que je n’ai reçu aucun bracelet dans ce cas ?!  J’attends moi !» dit-il en brandissant son poignet nu sous les yeux de son ami.

Adèle esquissa un sourire -elle les trouvait chou tous les deux- avant de se reconcentrer sur les dires d’Elio. Elles ne devaient pas trop compter sur le fait de gagner beaucoup d’argent mais l’expérience restait très formatrice.

« Franchement moi ça me dit bien, souffla Adèle en se tournant vers Megan,  Et puis on correspond parfaitement à la fiche de poste, elle lut , Recherche animateur.trice  motivé.e et dynamique de plus de 16 ans pour organiser et encadrer des activités sportives, culturelles et artistiques auprès d’enfants de 6 à 10 ans inscrits à la MJS de Flaquemare. Megan semblait dubitative. Adèle devinait que la faible paye la faisait hésiter. Tu ne te vois pas inventer des chorégraphies ou initier les gamins à la photo ? Meg dodelina de la tête, Ok ça pouvait l’intéresser. Eventuellement. Il en fallait peu pour la faire changer d’avis, se dit Adèle qui connaissait bien son amie. Elle poursuivit en faisant mine de lire sur son pear: Vous passerez un samedi sur deux en compagnie de votre crush impossible qui sauve des vieilles dames, s’occupe d’enfants et qui trouve que votre idée de devenir Community Manager de son équipe de quidditch est absolument géniale. »
« Ok c’est bon tu m’as eue. »
Adèle laissa échapper une brève exclamation enthousiaste avant de se tourner vers Elio en entremêlant ses doigts en prière devant son menton.
« Pardon d’utiliser éhontément  ton ex-appeal, Elle voyait bien que Davies n’était pas très à l’aise avec son indéniable pouvoir d’attraction,  mais c’est pour la bonne cause : Tu vas peut-être gagner deux super collègues de boulot … Et peut-être même trois ! » surenchérit-elle en se tournant vers Clifford.
Ce dernier resta quelques instants interdits avant de comprendre qu’Adèle faisait allusion à lui.
« Quoi ? Moi ? Jamais de la vie. »
« Allez quoi ! Surenchérit Megan, Tu n’as pas besoin d’un peu d’argent ?»
« Je prends le risque de passer pour un méprisable fils à papa mais clairement, non, je n’ai pas besoin d’argent. » asura-t-il. Il est vrai que Clifford ne semblait pas être dans le besoin financièrement parlant. Et puis je ne vois pas comment je pourrai caller ça dans mon emploi du temps. » Il secoua la tête négativement pour clore le débat mais c’était sans compter sur l’insistance des deux jeunes filles.
« Il y a un programme d’aide au devoir de 16h à 17h30 le samedi, lut Adèle en scrollant le site de la MJS, Ils recherchent des étudiants pour tutorer des enfants scolarisés en  primaire. 1h30 le samedi, franchement ça se tente. »
« Je me fais déjà bolosser par la moitié de Poudlard, personne ne me respecte en tant que préfet et vous voulez que je me fasse victimiser par des enfants de 8 ans ? Mais vous n’avez pas de cœur ! » dit-il en posant sa main sur son torse.
Il y avait un fond de vérité dans cette tirade mais l’autodérision de Clifford prêtait à rire.
« Personne ne va te victimiser Cliff. Les enfants sont adorables. »
« Non, les enfants sont méchants. Et cruels. »
Adèle observa Clifford – Elle n’était pas sûre mais elle avait l’impression que l’atmosphère venait de changer – elle jeta un regard en direction d’Elio pour guetter sa réaction tandis que Megan ne semblait rien avoir remarqué pour sa part.
« Ni plus méchants, ni plus cruels que certains imbéciles qui nous servent de camarades de promotion… » dit-elle en haussant les épaules. «  Moi je te verrai bien tuteur. »
« En tout cas tu as les compétences… » ajouta Adèle, désireuse de ne pas se montrer trop insistante tant qu’Elio n’abondait pas dans leur sens…

Pour être honnête, Clifford ne se sentait pas du tout concerné par cette conversation.  Il n’avait pas besoin d’un job étudiant, lui, ses parents lui versaient tous les mois de l’argent de poche sur son compte à Gringotts. Il pouvait payer ses achats depuis son Pear et il gérait son budget efficacement. Il avait réussi à mettre un peu d’argent de côté tout en se faisant de petits plaisirs de temps en temps. Des gros plaisirs même, s’il était tout à fait honnête avec lui-même. Sa dernière folie en date était sa platine de mixage qu’il pouvait brancher directement sur son clavier. Il voyait bien que la plupart de ses camarades n’avaient pas son train de vie – Elio pour commencer- et qu’ils étaient plusieurs à travailler à côté de leurs études, essentiellement pendant les vacances. Megan et Adèle faisaient visiblement partie de cette catégorie de personne.
Cliff était donc tout à ses pensées – il avait oublié une remarque sur les sortilèges de protection dans son devoir qu’il avait rédigé- lorsqu’Adèle tenta de le convaincre de rejoindre leur petit groupe d’animateurs.

Lui ? Animateur ? Mais quelle blague ! Il n’avait ni le besoin, ni l’envie, ni le temps pour ce genre d’activité et il ne tarda pas à le faire savoir au petit groupe de Poufsouffle
Les enfants le mettaient mal à l’aise, à vrai dire. Il gardait de mauvais souvenir de cette période là.  Il s’était « un peu fait embêté, petit, » disait-il, sans admettre que certains faits relevaient carrément du harcèlement. Il n’avait pas non plus d’enfant dans son entourage, si ce n’est le fils de sa sœur qui n’était encore qu’un bébé.

Sur ce point, il n’avait rien à voir avec  Elio qui était habitué aux enfants : s’occuper d’eux était totalement naturel et inné chez lui. Il suffisait de voir comment il avait voulu protéger sa cousine lors de l’accident du Poudlard Express pour comprendre qu’il n’avait pas besoin de forcer sa nature. Alma était la première personne à qui il avait pensé après le déraillement du train… Alors que Cliff avait pensé à son sweat tout neuf tâché de sauce de salade.
Honnêtement, Clifford se sentait toujours un peu empoté quand il s’agissait d’interagir avec des petits. Il ne savait pas quel vocabulaire employer, ni quoi leur dire. Et c’était sans compter sur le fait que ses « charmantes têtes blondes » pouvaient se montrer vraiment malfaisantes parfois…  
Tout le monde ventait l’innocence et la gentillesse des enfants  mais Cliff estimait que les adultes se voilaient complètement la face.  Personne n’avait envie d’admettre qu’à cet âge là, on pouvait se montrer franchement cruel et sans pitié.

Il verbalisa ce constat et il fut satisfait de voir qu’Elio partageait son avis sur la méchanceté de certains petits. Il s’était fait embêter lui aussi, enfant, à cause de sa dyslexie.  Pourtant son ami ajouta qu’il avait justement un rôle éducatif à jouer auprès d’eux (Enfin, punitif puisqu’il  sanctionnait certains comportements de trois tours de terrain) mais il tentait de lutter contre ces mauvais comportements, à son niveau et avec ses armes.

Ce constat laissa Clifford pensif. De toute évidence, au club enfant de Flaquemare, Elio incarnait une figure d’autorité. Il était ce qui se rapprochait le plus d’un adulte, et sûrement que les petits le voyaient comme tel. En s’investissant auprès des plus jeunes, il pouvait œuvrer pour éviter que les mauvais comportements se répètent encore et toujours…

Etait-ce un argument suffisant pour convaincre Clifford ? Clairement non…mais Elio avait éveillé l’intérêt de Cliff et il s’engouffra insidieusement dans la brèche.

« Puis, ça ferait bien sur ton CV, nan ?»

« Comment-ça, ça ferait bien sur mon CV ? » demanda Clifford en se redressant légèrement.
Disposer d’un excellent CV à sa sortie de Poudlard faisait partie de ses principales préoccupations. Comme il n’avait aucune idée de sa poursuite d’études, il tenait à se façonner un excellent dossier qui lui ouvrirait toutes les portes.
« C’est un truc qui plaît, ça, d’aider les gamins avec leurs devoirs. Puis ça montre que t’as déjà un pied dans le monde pro… »
«  Mais oui, c’est vrai, tu développes plein de softskills hyper recherchées par les entreprises, abonda Adèle, capacité à s’adapter, esprit d’équipe, entraide… »
« Carrément, poursuivit Megan, imagine une école sélective dispose de ton CV et de celui d’Oscar. Sur le papier vous avez obtenu exactement les mêmes notes aux ASPICS, qu’est-ce qui va vous départager aux yeux du recruteur ? »

Il est vrai qu’Oscar et lui avait des profils similaires : Tous les deux bons élèves, promus préfets. Ils avaient mêmes des centres d’intérêt communs : Cliff avait entendu son camarade jouer du piano dans la salle des arts …

«  Il va forcément choisir l’élève qui aura choisi d’aider des enfants sur son temps libre tout en maintenant ses résultats au plus haut niveau. »
« Surtout que ce jeune homme  n’a pas besoin d’argent car son père est le putain de directeur de St-Mangouste. »
Clifford dodelina de la tête.
« Dis comme ça on dirait que vous parler d’un saint alors que cette manœuvre est uniquement stratégique et digne de Serpentard. »
«  On s’en fout ! Nous on vend l’histoire de Saint Clifford. »

Cliff devait admettre qu’Elio avait fait mouche en évoquant son profil professionnel et que les arguments des filles étaient convaincants ( et aussi que le surnom de Saint Clifford lui allait très bien). Il jeta un regard à son ami avant de déverrouiller son Pear pour scruter son emploi du temps. Megan se pencha sur le côté et Adèle se déplaça pour venir observer le planning au dessus de son épaule.

« Merlin mais tu dors quand Cliff ? » souffla Megan en observant les nombreuses cases de couleurs de son agenda personnel. Elle pointa du doigt la journée du vendredi, C’est quoi ce réveil à 5h30 là. Quid du sommeil ? Mais t’es un grand malade ! »
« Je suis de ronde la veille au soir, je n’ai pas le temps de relire mes cours alors je le fais le matin, expliqua-t-il en se concentrant sur la journée du samedi… Il faudrait que je décale mes révisions du samedi aprem au dimanche aprem » souffla-t-il pour lui-même. C’était possible mais cela réduisait considérablement son seul temps libre de la semaine…
Adèle s’appuya d’une main sur l’épaule de Cliff pour poursuivre :
« Je suis dispo le lundi en fin de journée si tu veux qu’on bosse ensemble, dit-elle en pointant de l’index une plage de 2h intitulée « révision bota », franchement, à deux on peut les plier en 1h et ça te permet de décaler des révisions du dimanche au lundi... » proposa-t-elle.
« ça se tente… » Adèle se défendait en botanique. Il y avait moyen pour que leur travail collaboratif soit efficace. «  Faut que je regarde mais pourquoi pas… »
« Je prends ça pour un oui ! »
« Peut-être. »
« Saint Clifford aime se faire prier. »
« Non, il faut que j’étudie le truc. » Il devait tout réorganiser son emploi du temps mais la perspective de rendre son profil  plus attrayant aux regards d’éventuels recruteurs avait réussi à le convaincre.

Alors après tout, pourquoi pas ?

Clifford semblait sur le point de céder, se dit Adèle en le voyant réorganiser les blocs colorés de son agenda personnel sur son Pear.  Elle devait admettre que c’était rassurant de ne pas se retrouver seule dans cette aventure et de pouvoir la partager cette opportunité avec des camarades de classe. Elle n’avait pas vraiment d’expérience avec les enfants si ce n’est la gestion de ses frères et sœurs et de ses cousins l’été. Elle pouvait mettre en avant quelques séances de babysitting et c’était à peu près tout mais elle comptait tout de même candidater.

«  Bon, dit-elle à se relevant,  je vous aime bien mais j’ai un CV à rédiger … »
« Et des expériences professionnelles à inventer ! » surenchérit Megan en emboitant le pas de son amie, d’ailleurs  Elio si tu as envie d’appuyer d’une quelconque manière nos candidatures auprès de tes supérieurs ne te gènes surtout pas ! »
Adèle laissa échapper un bref rire et attrapa son balai qu’elle posa sur son épaule.
« A + » dit elle en faisant un petit geste de la main en direction des deux garçons avant de remonter en direction du château en compagnie de Megan.
Cette dernière attendit d’être assez loin pour demander à sa camarade :
«  Alors, comment ça s’est passé l’entretien, t’avais l’air contrariée en sortant ? »
«  Billie et Elio m’ont parlé de Gavin, ça m’a un peu saoulé, révéla Adèle. Pour ne pas dire beaucoup. Elle chassa toutefois cette vague contrariété pour se concentrer sur le positif,  mais bon ce qui compte c’est que j’ai quand même réussi à décrocher le poste, elle chercha le regard de sa copine et laissa fleurir un immense sourire sur ses lèvres. Elle n’était pas peu fière,  Tu te rends compte ! »
-Meuf, je savais que t’allais gérer, avoua Megan avant d’ajouter, par contre moi j’ai trop le seum. »
-Pourquoi ? S’enquit Adèle soudainement soucieuse.
- Ne me dis pas que tu n’as pas remarqué !
- Quoi ?
-T’as pas remarqué.
-Mais quoi !
-Bah Elio et Clifford ! Chuchotta Megan en pointant son index par-dessus son épaule pour désigner les garçons qu’elles venaient de laisser près du stade. Adèle se retourna pour observer leurs deux silhouettes. Ils étaient assis dans l’herbe, dos à elles et semblaient converser tranquillement. Adèle ne comprenait pas vraiment ce qu’il y avait d’étrange si bien qu’elle jeta un regard interrogateur à son amie.

Megan se rapprocha alors  tout près d’elle pour articuler sa révélation : « Ils sont en couple. »
Adèle avait bien du mal à intégrer cette information. Si elle avait toujours eu des doutes concernant les préférences de Clifford elle n’imaginait pas Elio homosexuel.
« C’est Cliff qui te l’a dit ? »
« Non, il n’a pas eu besoin de le faire. J’ai deviné. Crois en mon gaydard, Tu aurais du voir Clifford voler au secours d’Elio quand Derek est arrivé. Et là, Elio qui trouve pile le bon argument pour passer son samedi en compagnie de Cliff… »
Adèle observa une nouvelle fois les deux garçons.
« Ils sont juste bons copains… »
«  C’est ce qu’ils veulent nous faire croire mais est-ce que t’as déjà vu Cliff avec une meuf ? »
-Non.
-Et Elio ?
- Non plus.

Si le célibat de Clifford n’était pas très étonnant –pardon Cliff- , celui d’Elio Davies  faisait figure d’anomalie : le gars était sympa, carrément beau gosse, respectueux des femmes, inclusif…

- C’est vrai que … ça se pourrait, murmura Adèle. Un mec hétéro ne possédait pas  toutes ces qualités, si ? Et quel adolescent était en mesure résister au charme de Megan ? clairement personne, Elio, gay ? A bien y réfléchir c’était franchement plausible. Au même moment Clifford esquissa un geste pour poser une main sur l’épaule de son ami. Adèle afficha une petite moue,  Pourquoi je suis un peu déçue ? » s’étonna-t-elle.
- Bah t’es comme moi meuf, t’as le seum d’apprendre qu’il joue pas dans notre team, ma belle. »
Megan avait peut-être raison mais Adèle envisageait pour la première fois l’éventualité d’une relation amoureuse entre Clifford et Elio : Ils passaient énormément de temps ensemble et même s’ils ne partageaient pas les mêmes passions, ils semblaient toujours présents l’un pour l’autre.
-Si tu dis vrai, ils sont un peu cute tous les deux, non ? souffla Adèle en inclinant la tête sur le côté.
- Je les trouverai cute quand j’aurais fait le deuil de ma potentielle relation passionnée avec Elio.
- Ouai, dans deux heures quoi …
- Excuse moi meuf  de ne pas rester québlo pendant un an sur un vieux gars qui me parle mal !
-Je ne vois pas du tout à quoi tu fais allusion ! répondit Adèle innocemment en se remettant en marche.
-Oh que si tu vois très bien…