L’alcool c’est toujours pas LOL [James]

Jane Mason n’avait jamais eu la réputation d’être la sorcière la plus désopilante de leur promotion de Poudlard (point bonus quand elle avait traité Irving Whitaker de pervers lors du séjour en Laponie alors que ce dernier cherchait juste sa petite-amie) mais les choses ne s’étaient pas améliorées au moment de leur entrée dans la vie active. Elle avait organisé une soirée avec pas mal de gens d’anciens camarades, James et Marlene faisant partie des convives. Les choses avaient plutôt bien commencé, elle avait retrouvé Beth et Wendy, les soeurs de Jane, avec qui elle s’entendait bien à l’école. Elles avaient papoté, Beth était serveuse dans un restaurant, Wendy était graphiste dans une entreprise sorcière de Londres.

Jane louait une maison dans un quartier résidentiel dans le Surrey et avertissait chaque personne qui passait sa porte : pas trop de bruit dans le jardin. Quiconque transgressait cette règle voyait apparaître immédiatement l’ancienne Poufsouffle, qui ne manquait jamais de se fendre d’un « ChuUUteuUUh » réprobateur. Les discussions animées qui prenaient un peu d’ampleur étaient vite réprimées - souvent en leur proposant de manger quelque chose ou de rentrer. A l’intérieur, interdiction de marcher en chaussures sur le tapis. Jane passait régulièrement pour tapoter ses petits coussins, vider des bols ou épousseter la table. En somme, elle avait l’art et la manière de venir les tendre à la seconde où ils commençaient à se relaxer. Grady, qui était initialement à la soirée avec eux, avait fini par déclarer à voix basse qu’il « n’était pas venu pour souffrir » et était rentré tôt.

James et elle avaient tenu un peu plus longtemps... surtout aidés par Beth. Alors qu’ils étaient en train de discuter dans un coin du jardin - dans l’espoir d’échapper un peu à Jane - son ancienne camarade de dortoir était venue les trouver avec une bouteille de vin des Elfes particulièrement moelleuse. C’était le petit point faible de Marlene... Et il s’avérait que Beth en avait une autre dans son sac. Ils les avaient siroté tous les trois, en commentant de vieilles rumeurs de l’école (Etait-il vrai que Grady et Ashley Reynolds ne se supportaient pas ? Clara Guipure avait-elle vraiment fait un plan à trois à la soirée des Saint-Valentin des populaires en septième année ? Perséphone Harrington était-elle vraiment devenue nonne ? Les préfets en chefs avaient-ils vraiment fricoté en secret pendant des mois ?) Au final, lorsqu’ils avaient dit au revoir à Jane (en la remerciant évidemment pour cette super soirée), elle avait eu l’impression que le sol n’était pas extrêmement droit (et ce n’était pas dû aux impeccables pavés de l’allée de Miss Mason.)

Ils étaient revenus chez James et avaient convenu de ne pas faire trop de bruit, au cas où Grady serait couché. Plantée derrière son petit-ami sur le pallier, elle attendait qu’il ouvre la porte en lui passant une main dans le dos.

- Peut-être que Grady est chez Priya, suggéra-t-elle à voix basse alors que le battant pivotait.

Ils pénétrèrent dans l'appartement et elle entreprit d’enlever ses talons hauts sans s’assoir, ce qui impliquait de faire un peu de cloche-pied. Piètre idée en temps normal, piètre idée quand on avait eu la main un peu lourde sur une cuvée de vin des elfes. Elle manqua de perdre l’équilibre et se rattrapa de justesse au petit meuble de l’entrée. La gourde en métal qui y était posée bascula sur le parquet dans un bruit fracassant qui résonna dans tout l’appartement. Les yeux bruns de Marlene s’écarquillèrent et elle se figea, les mains en l’air. Lorsque le bruit se calma enfin, elle ne put s’empêcher d’avoir un léger rire nerveux, qu’elle cacha derrière ses mains.

- ChUuuUUUteuh, fit-elle, dans sa meilleure imitation de Jane Mason.

James avait partagé sa salle commune avec Jane Mason pendant sept longues années et il ne gardait pas que de bons souvenirs de cette expérience. Cependant, la mémoire humaine étant bien faite, il oubliait régulièrement pourquoi la présence de Jane générait souvent chez lui une tension désagréable. Ce soir, il lui avait fallu environ huit minutes pour remettre le doigt dessus ; ses yeux désapprouvaient presque tout ce qu'ils effleuraient. Tout avait commencé lorsque Grady, Marlene et lui étaient arrivés et qu'ils lui avaient tendu une bouteille de vodka bon marché et un paquet de chips. Jane avait froncé le nez et ses yeux s'étaient recouverts de ce voile désapprobateur. « Ça ne vient pas de la cave de votre bar, ça. » avait-elle commenté avec un sourire un peu figé. Grady et lui avait échangé un regard mi-outré, mi-résigné. « Ça se garde pas dans une cave, la vodka. » avait simplement répondu James en lui tapotant l’épaule.

Le reste de la soirée avait été à l’image de l’hôte : crispante. Grady avait fini par s’éclipser relativement tôt, après avoir été réprimandé pour avoir osé rire un peu trop fort dans le jardin. James et Marlene s’étaient attardés plus longtemps ; l’alcool aidant, ils avaient transformé les interdictions de Miss Mason comme de potentiels défis à relever. Le dernier d’entre eux consistait à déterminer qui parviendrait à rester le plus longtemps en chaussures sur le tapis du salon, sans s’attirer les foudres de Jane. Ils avaient fini par sortir en trombe de la maison en se retenant difficilement de rire et avaient retrouvé Beth Mason dans le jardin. A partir de là, les souvenirs de James étaient peu moins nets – la faute aux deux bouteilles de vin qu’ils avaient descendu tous les trois. Ils avaient fini par quitter la soirée un peu après trois heures du matin et étaient sagement rentrés en Magicobus jusqu’à l’appartement que James et Grady louaient sur le Chemin de Traverse.

La discrétion et la subtilité de leur arrivée dans l’entrée plongée dans la pénombre fut mise à mal par le bruit fracassant d’une gourde en inox qui s’écrasa au sol et roula sur quelques mètres. James la suivit du regard, les yeux légèrement écarquillés et les mains posées sur les oreilles, comme si cela pouvait atténuer le bruit produit par la chute. Lorsque le calme revint, l’imitation de Marlene lui tira un rire qu’il étouffa en se mordant la lèvre.

« Les voisins !! » compléta James en imitant à son tour leur ancienne camarade et sa voix réprobatrice.

Il s’approcha de Marlene pour la soutenir tandis qu’elle retirait ses chaussures et enleva les siennes par la même occasion. Il les poussa distraitement du pied pour les « ranger » sous le meuble de l’entrée et baissa les yeux vers sa petite-amie.

« Waouh, j’avais oublié à quel point t’es petite. » la taquina-t-il en effleurant son front d’un baiser. « Est-ce que tu vas réussir à marcher sans tomber ou est-ce qu’il faut que je te porte ? » s’enquit-il avec un sourire un peu moqueur, en désignant du menton la gourde qui s’était immobilisé à quelques mètres d’eux.

Lorsque le bruit de l’inox cessa de retentir dans l’appartement, Marlene tendit l’oreille en direction de la chambre de Grady pour guetter d'éventuels signes de réveil. Après quelques secondes de silence, le colocataire de James ne sembla pas émerger : il était réputé pour avoir le sommeil assez lourd. L’imitation de Jane par son petit-ami lui tira un gloussement qu’elle s’empressa de dissimuler derrière ses mains. Son sourire s’accentua alors que James s’approchait d’elle pour qu’elle puisse s’appuyer sur lui alors qu’elle terminait de se débarrasser de ses talons hauts, qu’elle abandonna près du meuble de l’entrée. Il y avait déjà une paire de tennis lui appartenant.

- C’est toi qui est grand, répondit-elle puérilement alors qu’il déposait un baiser sur son front.

Elle releva les yeux vers lui, glissant ses bras autour de sa taille. Elle s’apprêtait à quémander un vrai baiser lorsqu’il lui fit une proposition qu’elle ne pouvait pas refuser. Elle s’appuya de façon dramatique contre lui, comme une demoiselle évanouie.

- Je peux marcher ! Mais puisque tu proposes si gentiment... lança-t-elle avec une innocence feinte, ses pieds nus commençant à glisser légèrement sur le parquet.

Les bras passés autour de Marlene pour la soutenir, James étouffa un rire en la sentant s’appuyer contre lui.

« Tu dis ça, rétorqua-t-il d’un ton moqueur, et après tu finis par terre dans la cuisine, comme quand on est rentrés de soirée la dernière fois. »

Il choisit sagement de ne pas lui rappeler le moment où il avait raté une marche dans l’escalier qui menait à son appartement et où il s’était étalé de tout son long sur le palier. Sa chute avait été tellement bruyante qu’un voisin était sorti en peignoir pour les sommer de se taire. Ils en avaient beaucoup ri – et s’étaient aussi beaucoup chamaillés pour savoir si James avait un centre de gravité plus réduit que Marlene (puisqu’il était plus grand) ou s’il était simplement ivre.

« Accroche-toi. » lui lança-t-il en se baissant pour la laisser passer ses bras autour de son cou. Il la souleva en glissant un bras dans son dos et un derrière ses genoux. « Quel Gryffondor je fais, à sauver toutes les demoiselles en détresse du coin. » commenta-t-il en se mettant en marche.

Il pénétra dans le salon, vaguement éclairé par la lumière d’un lampadaire qui se trouvait en face de la fenêtre. James évita habilement la table basse mais ne fut pas aussi adroit avec la console qui trônait à côté du canapé. Son pied cogna violemment dans le pied du meuble, lui arracha un cri plaintif.

« Ahh putain ! » jura-t-il à voix basse en se mettant à sautiller, en secouant Marlene qu’il tenait toujours contre lui. Il finit par la lâcher sur le canapé. « Pause, pause dans le sauvetage. » annonça-t-il avant de s’y effondrer à sa suite, le visage crispé dans une expression de douleur. « Je me meurs. » souffla-t-il finalement en levant les yeux vers Marlene.