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Bad liar [Roy & Irina]

Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
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Bad liar [Roy & Irina] Icon_minitimeMer 5 Juil 2023 - 22:44
19 août 2012, à Oxford

Si on avait dit un jour à Roy Calder qu’il se retrouverait à habiter dans une maison d’un quartier résidentiel moldu d’Oxford, il aurait éclaté de rire. Et si on avait ajouté qu’il serait en train changer les couches de son bébé dans cette même maison, il aurait demandé à ce qu’on l’achève.

Pourtant, c’était précisément ce qu’il était en train de faire, dans la grande chambre qu’ils avaient choisie pour Alma. Allongée sur sa table à langer, le bébé se laissait sagement faire par son père qui grimaçait en pliant la couche en deux du bout des doigts.

« T’as de la chance d’être mignonne parce que papa aime toujours pas tes couches, même après six mois, hein. Ouais, c’est à toi que je parle, fais pas l'innocente. » Roy tapota le petit nez rond d’Alma qui lui répondit de grands sourires. « Ah mais qu’est-ce que t’es mignonne, c’est fou ça ! » s’exclama t-il en embrassant sa joue rebondie.

À bientôt six mois, Alma écoutait attentivement les adultes qui se penchaient sur elle, souriait en miroir à eux, reconnaissait la voix de ses parents, poussait des cris pour attirer leur attention, babillait en portant ses jouets à sa bouche. En somme, elle était un bébé absolument adorable qui grandissait bien, ce qui l’excusait d’office pour toutes les couches répugnantes qu’elle était capable de produire, même aux yeux d’un homme aussi maniaque que Roy.

Il referma soigneusement le body de sa fille et replaça son chapeau sur sa petite tête recouverte de cheveux noirs. Le soleil tapait fort en plein mois d’août et même si la terrasse était ombragée, Avalon et Roy construisaient leur parentalité sur la maxime suivante : on n’était jamais trop prudent.

« Bon allez, on retourne dehors » annonça t-il en calant Alma dans ses bras. « On va pas faire attendre tata Irina, elle est venue spécialement pour te voir. »

Il traversa plusieurs pièces jusqu’à parvenir au salon qui donnait sur la grande terrasse extérieure. En refermant la baie vitrée derrière lui, il entendit le son familier de clapotis dans l’eau. Quand Irina  l’avait informé le matin-même qu’elle avait pris une semaine de congé et qu’elle pouvait passer le voir quand il voulait, Roy lui avait répondu qu’il était disponible et seul chez lui ; Avalon passait l’après-midi avec Toni, Elio et Vivianne. Il avait signifié à sa soeur qu’elle pouvait prendre un maillot de bain avec elle si elle voulait profiter de leur piscine. Visiblement, Irina avait appliqué ce conseil à la lettre. Il ne s’était éclipsé que cinq minutes et cela avait suffi à ce qu’elle se lance dans quelques brasses pour rompre l’ennui de l’attente.

« Eh ben, t’as pas perdu de temps, toi ! » l’interpela t-il.

Il s’approcha du rebord, toujours avec sa fille dans les bras. Visiblement très intéressée par la scène, Alma remua ses petites jambes et secoua ses mains en poussant des petits cris, comme pour imiter sa tante qui nageait sous ses yeux.


Roy Calder

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Bad liar [Roy & Irina] Icon_minitimeJeu 6 Juil 2023 - 17:54
Bad liar [Roy & Irina] Irina10
Irina Calder, 27 ans, gynécomage, sœur de Roy.


Le 22 mars 2012, une légère agitation s’était emparée du service de néonatologie de Sainte-Mangouste et n’avait pas tardé à gagner une partie de l’hôpital. Les patients présents n’avaient rien vu, mais les soignants s’étaient mis à parler nerveusement dans les couloirs et à échanger des regards inquiets dans la file de la cafétéria.

En fin de matinée, une pédiatre avait signalé la disparition d’un bébé au sein de son service.

Pas exactement sa disparition avait nuancé Gwladys, en triturant l’étiquette d’une bouteille d’eau qu’elle venait d’acheter. Elle était venue trouver Irina en service d’obstétrique, avec l’air de celle qui ne savait pas exactement si elle avait le droit d’être là. Les deux se connaissaient depuis la première année de médicomagie ; elles avaient fait leur internat ensemble, avant de choisir des spécialités différentes : la pédiatrie pour Gwladys et la gynécomagie pour Irina. Mais ni les heures passées dans leurs services respectifs, ni leurs emplois du temps aussi différents que chargés n’avaient eu raison de leur solide amitié, construite tout au long de leurs études. C’était sûrement cette amitié qui avait poussé Gwladys à venir la voir ce jour-là. Irina l’avait d’abord écouté d’une oreille distraite, occupée à prendre connaissance des résultats que le laboratoire venait de lui transmettre pour l’une de ses patientes. « C’est la fille de ton frère, Irina. » Elle avait relevé la tête, les sourcils froncés dans une expression interloquée. Le cœur battant, elle avait exigé de son amie qu’elle reprenne son récit du début.

Ce n’était pas exactement une disparition, avait donc nuancé Gwladys, visiblement nerveuse. Le docteur Anderson l’attendait en consultation en fin de matinée mais ne l’avait jamais reçu. Pourtant, une infirmière du service – une dénommée Ella – avait assuré que la petite avait été emmenée par l’un de ses collègues. Le collègue en question avait disparu depuis et personne ne parvenait à le joindre. Alma n’avait pas été vue dans le service depuis. Mais, avait-elle ajouté pour se montrer rassurante, les parents n’avaient rien signalé à l’hôpital. Ils étaient rentrés chez eux, probablement avec leur fille qu’ils avaient visiblement récupéré avant son examen. Irina lui avait lancé un regard un peu hagard. Ce n’était sûrement rien, avait conclu son amie. Le service avait seulement vraiment besoin d’avoir la confirmation des parents que leur enfant était bel et bien avec eux.

Et les parents en question étaient injoignables.

Irina ne savait pas combien de fois elle avait essayé d’appeler Roy, ce jour-là. Elle avait passé l’après-midi accrochée à son téléphone, alternant les appels et les messages. Roy, Avalon, puis Jayce à quelques reprises. Personne n'avait répondu. Son frère l'avait rappelé en fin de journée. Tout allait bien, lui avait-il dit. Bien sûr, qu'ils avaient récupéré Alma. Ils étaient rentrés directement chez eux après l'hôpital, délaissant leurs téléphones pour passer ce moment si attendu en famille.

Irina avait senti un poids s'envoler de ses épaules. Elle avait raccroché, soulagée, et avait reçu quelques minutes plus tard une photo de sa nièce, endormie dans la gigoteuse qu'elle lui avait offert à la naissance.

Les scénarios qui s'étaient brièvement esquissés dans son esprit avaient été relégués du côté des cauchemars. Terrifiants, mais irréels.

Sauf que, quelques jours plus tard, Avalon et Roy étaient partis précipitamment aux Etats-Unis. Ils voulaient « passer du temps en famille », « présenter Alma à Teresa », « prendre quelques semaines pour eux, après l'hospitalisation d'Alma et d'Avalon. » Irina n'avait rien dit. Puis, son frère avait annoncé à ses parents qu'il avait fait le choix de quitter la mafia. C'était sa mère qui le lui avait dit, avec cette expression inquiète qu'elle abordait souvent lorsqu'elle évoquait les affaires de Roy. Il resterait à la Nouvelle-Orléans, jusqu'à ce que les choses s'apaisent en Angleterre. Là encore, Irina n'avait rien dit. Lorsque son frère, sa belle-sœur et les enfants étaient revenus en Angleterre, elle n'avait pas mis plus de quelques minutes à percevoir le trouble qui les habitait. C'était visible comme le nez en plein milieu de la figure ; une agitation nerveuse se dégageait d'eux. Ils ne lâchaient pas leur fille des yeux et, quand Irina leur en avait fait la remarque, Roy ne lui avait pas répondu avec sa verve habituelle. Il avait hoché la tête avec raideur, un sourire atrocement faux dessiné sur les lèvres. Et Irina n'avait rien dit. Puis elle avait appris que le dossier médical d'Alma était transféré dans une clinique moldue, où elle serait désormais prise en charge. « On préfère, c'est tout » avait répondu Avalon lorsqu'Elena l'avait questionné à ce sujet.

Chez les Calder, tout le monde s'interrogeait sur l'attitude des nouveaux parents. Elena, comme toujours, était la plus inquiète. Un soir, alors qu'Irina dînait avec ses parents et Jason, elle avait posé un peu brusquement les couverts à salade sur la table. « Peut-être qu'il s'est passé quelque chose de grave. » avait-elle déclaré. « Laisse-les, » avait répondu son mari de son ton un peu bourru. « Ils ont eu des mois pas faciles. » Jason avait acquiescé. S'il partageait l'inquiétude de sa mère, il n'en avait rien dit et avait abondé dans le sens de Victor Calder : « Entre la grossesse compliquée d'Avalon et l'accouchement prématuré, n'importe quel parent serait soucieux. » Elena avait secoué la tête, avant de regarder sa fille d'un air suspicieux : « Tu sais quelque chose, toi ? »

Et Irina n'avait rien dit.

Elle n'avait rien dit même si elle nourrissait ce terrible pressentiment, qui ne cessait de grandir et d'être renforcé par tous les signes que son frère envoyait. Le dernier en date ; leur déménagement précipité vers Oxford, où ils avaient investi une immense maison, dans un quartier résidentiel moldu. Elle n'avait rien dit parce qu'elle attendait que Roy dise quelque chose de cette terreur qui habitait ses gestes. Et évidemment, comme à son habitude, il s'était emmuré derrière un grand silence, aussi gros que le mensonge qui transpirait derrière chacun de ses « Ça va ».

Irina ne savait pas exactement ce qu'elle était venue chercher aujourd'hui à Oxford. Elle s'était rendue chez Roy sur une impulsivité qui l'avait poussé à transplaner quelques minutes après le message qu'il lui avait envoyé. Elle avait retrouvé son frère avec plaisir et sa nièce avec un plaisir encore plus grand. Ces deux-là s'étaient éclipsés quelques minutes - une histoire de couche sale, pas son problème à elle - et revenaient à l'instant. Elle avait profité de leur absence pour se glisser dans la piscine.

« J'ai trop peu de vacances pour perdre du temps. Et je suis trop mal payée pour pas profiter de ta thune. » rétorqua Irina en s'approchant du bord. Elle avisa Alma, qui secouait les bras et les jambes en poussant des petites exclamations. « Tu veux venir nager avec ta tante préférée, c'est ça ? » La petite lui répondit d'un grand sourire. « Merlin, elle est beaucoup trop mignonne pour être ta fille. » commenta Irina en se hissant à l'aide de ses bras hors de la piscine. « T'as une serviette ? J'ai pas pris la mienne. »
Roy Calder
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Bad liar [Roy & Irina] Icon_minitimeJeu 6 Juil 2023 - 18:32
Irina lui répondit avec sa verve habituelle mais la seule chose qui indigna véritablement Roy fut le commentaire qu’elle fit à propos d’Alma. Il répliqua, en portant une main sur son coeur dans un geste dramatique.

« Quoi, mais c’est précisément parce que c’est ma fille qu’elle est aussi mignonne ! Tu peux rien dire là-dessus, t’étais trop petite pour te rappeler de quel enfant mignon j’étais, mais Maman passe son temps à dire qu’elle est mon portrait craché » dit-il en haussant légèrement les sourcils pour appuyer cet argument d’autorité.

Il maintint Alma contre lui qui semblait essayer de s’échapper, attirée par l’eau. A la demande d’Irina, il extirpa sa baguette magique de sa poche pour attirer à elle une serviette soigneusement entreposée dans les tiroirs d’un meuble contre le mur de la terrasse. Pendant qu’elle se séchait, il s’assit sur l’un des transats entourant la piscine. Il prit soin de caler Alma entre ses jambes et de replacer le chapeau sa tête pour lui faire le plus d’ombre possible.

« Ta ta ta, babillait t-elle, attirant un sourire à son père.
« Tata Irina ? C’est tata Irina que t’appelles comme ça ? Mais oui, c’est tata, regarde. » Il leva la tête vers sa soeur qui s’avançait vers eux. « T’as pris combien de jours de vacances du coup ? T’as prévu de partir quelque part ? »

Voyant qu’Irina tendait les bras pour prendre sa nièce contre elle, Roy s’écarta légèrement pour lui faciliter la tâche. Tout en écoutant sa soeur parler, il gardait un oeil sur Alma qui se laissait faire, enfant facile et sociable qu’elle était. L’angle du soleil en cette fin de matinée lui sembla moins favorable, ce qui le poussa à interrompre brièvement leur échange :

« Attends, tu veux pas qu’on échange de transat ? Vous serez mieux. Elle a le soleil dans les yeux, là. »


Roy Calder

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Bad liar [Roy & Irina] Icon_minitimeVen 7 Juil 2023 - 16:36
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Irina Calder, 27 ans, gynécomage, sœur de Roy, suspicieuse mais subtile.

« Oui, oui » fit Irina en balayant les arguments de son frère d'un geste de la main, « et je suis sûre que la famille d'Avalon dit que c'est son portrait craché à elle. »

Elle eut un sourire malicieux et attrapa l’épaisse serviette que son frère lui tendait. Le temps était dégagé mais pas suffisamment chaud en cette fin de matinée pour qu’elle laisse le soleil sécher sa peau. Elle se frictionna quelques instants avec le tissu moelleux – évidemment, c’était ce genre de serviette – avant de l’étendre sur le transat qui faisait face à celui de Roy, où il s’était installé avec Alma. Entendant cette dernière babiller quelques syllabes, Irina s’adressa à elle en priorité :

« Tu veux venir avec tata, ma puce ? Oui ? » Elle tendit les bras pour la soulever et l’installa sur ses genoux. « Coucou toi. » chantonna-t-elle en ajustant sa position et en repositionnant son petit chapeau sur sa tête. Elle fit glisser ses doigts dans les mains d’Alma qui les referma aussitôt autour, lui tirant un petit sourire.

Relevant la tête vers Roy, Irina hocha la tête.

« J’ai pris une semaine. L’hôpital me devait des heures donc j’en profite pour souffler un peu. Mais je reprends lundi prochain et ensuite je bosse jusqu’à septembre. » La pause des congés estivaux était toujours un moment complexe dans les services hospitaliers. Les parents avaient la priorité, ce qui ne dérangeait pas particulièrement Irina ; elle préférait partir hors-saison, quand les prix étaient moins élevés et que les enfants avaient déserté les plages et les hôtels. Qu’on ne se méprenne pas ; elle n’avait rien contre les enfants et elle adorait ses nièces. Mais elle aimait aussi la tranquillité d’une matinée à la plage, pendant laquelle elle pouvait somnoler pour se remettre de sa sortie de la veille. « Je vais peut-être partir quelques jours en Espagne avec Gwladys, on voulait aller du côté de… »

L’interruption de son frère lui fit lever un sourcil, mais Irina acquiesça docilement et changea de place, en veillant à maintenir la tête d’Alma le plus à l’ombre possible.

« Tu veux lui mettre ses petites lunettes ? » lui proposa-t-elle, pour rassurer son frère qui couvait sa fille d’un regard inquiet. Depuis quelques semaines et avec l’arrivée des beaux jours, Alma était régulièrement affublée d’une paire de lunette de soleil ronde, qui lui donnait l’air d’un petit alien.

« On voulait aller du côté de Majorque. On verra si on trouve quelque chose de sympa. » conclut-elle en haussant les épaules. « Ce sera forcément moins sympa qu’ici, cela dit. Je pourrais limite venir passer mes vacances ici. La maison est tellement immense que vous capterez à peine que je suis là. » commenta-t-elle avec un petit sourire. « C’est fou, j’ai l’impression que vous avez déménagé en une semaine » - littéralement – « vous étiez pressés à ce point ? »
Roy Calder
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Bad liar [Roy & Irina] Icon_minitimeLun 10 Juil 2023 - 21:01
Roy appréciait avec une émotion particulière ces petites scènes quotidiennes de vie de famille où tout semblait normal et à sa place. C’était à la fois une sensation de coeur qui se réchauffait et de ventre qui se serrait, parce qu’il y avait toujours une part de lui qui restait consciente que ces doux moments de sourires et d’étreintes partagées auraient pu ne jamais se produire. Même si l’enlèvement semblait loin, désormais, il regardait toujours Alma avec une certaine inquiétude mêlée de soulagement. Elle était là, joyeuse, vivante, éveillée mais elle aurait pu ne pas être ce petit soleil dans leurs vies à tous. Elle aurait pu incarner un manque impossible à combler et parfois, son regard se figeait face à cette réalisation.

Il était donc là sans être tout à fait là, pendant qu’Irina serrait sa nièce dans ses bras et parlait de ses prochaines vacances. Cette part en lui toujours très consciente de sa fille s’inquiéta rapidement de la lumière aveuglante du soleil sur elle que son chapeau ne suffisait pas à masquer.

« Ouais, attends, je lui mets ça. » Un Accio suffit à faire venir les petites lunettes qu’il avait laissées à l’intérieur de la maison. « Et voilà, c’est mieux là » commenta t-il en ajustant leur position sur le petit nez d’Alma.

Elle eut droit à une petite caresse sur sa joue avant que Roy ne revienne sur son transat, prêt à reprendre le fil de sa conversation avec sa soeur. Parce que lui non plus n’était pas en reste quand il s’agissait de la vanner, il répliqua en haussant légèrement ses sourcils :

« Avec le bruit que tu fais pour à peu près tout ce que t'entreprends, j’en doute. » Beaucoup s’imaginaient que Roy avait été l’enfant le plus turbulent de sa fratrie mais la vérité était qu’Irina pouvait largement prétendre à ce titre aussi. En grandissant, elle s’était policée bien évidemment, mais elle avait gardé une forme de brusquerie dans ses gestes, qui lui échappait malgré elle. Le sourire narquois aux lèvres de Roy laissa place à un peu plus de sérieux. Il tempéra ses taquineries du surnom affectueux qu'il lui donnait parfois : « Tu viens quand tu veux, Nina. Y a tout un étage qu’on occupe pas du tout, en plus… Si je mets des boules quiès, je pourrai éventuellement pas t’entendre ronfler la nuit, chanter faux sous la douche ou claquer toutes les portes que tu trouves sur ton chemin » ajouta t-il pour la forme.

Plus détendu, Roy s’allongea sur son transat, les yeux rivés sur la piscine qui scintillait face à eux. Il s’apprêtait à proposer à boire à sa soeur, quand elle l’interrogea sur son déménagement à Oxford. Même si Roy donnait peu de détails à sa famille, il n’était pas aveugle ; il voyait bien que son comportement depuis son départ à la Nouvelle-Orléans les préoccupait beaucoup, au point qu’il avait fini par avouer à ses parents qu’il était en train de se séparer de la mafia. Le lendemain, Roy avait reçu un long appel de sa mère, qui avait tenté de comprendre ce qui se passait exactement, mais il était resté vague dans ses réponses. Plus tard, c’était Jason qui lui avait envoyé un message, assez simple, fidèle à lui-même, pour simplement lui dire que s’il avait besoin de quelque chose, il était là pour lui et Roy avait su qu’il savait. Adrian, lui, avait manifesté son soulagement et son inquiétude à sa manière : à travers de petites blagues et des questions plus ou moins maladroites.

Quant à Irina, elle l’avait appelé, pas tant pour connaître les détails de l’affaire, mais plutôt pour savoir comment qu’il se sentait. De tous les membres de sa famille, elle était celle à qui Roy avait confié le plus de choses sur sa vie de mafieux -même s’il lui en masquait une très grande partie. Elle avait toujours eu ce positionnement qui incitait à la confiance ; ni moralisatrice, ni insistante, elle s’était tenue prête à accueillir ce que son frère avait à lui dire, à des moments où il en avait eu besoin, pour lui offrir ses conseils avisés. De tous les membres de sa fratrie, elle était celle dont Roy se sentait le plus proche. Ils avaient un écart d’âge pas trop important qui le permettait, contrairement à Adrian. Ils avaient des personnalités similaires et il n’y avait pas de sujet de rivalité entre eux, comme c’était le cas avec Jason.

Roy avait bien conscience d’avoir un comportement douteux depuis qu’il était revenu et que sa famille le voyait. Forcément, ce déménagement précipité avait des allures d’une seconde fuite après la Nouvelle-Orléans, surtout venant de lui qui avait toujours été si attaché à Bristol. Il glissa un regard en coin vers sa soeur, conscient qu’elle n’était sans doute pas dupe. Derrière sa question en apparence innocente s’en cachait sûrement une autre, celle qu’il lisait parfois dans le regard inquiet de sa mère.

Roy laissa s’écouler un bref silence.

Il pouvait éviter le sujet et fournir une réponse vague, comme il le faisait beaucoup avec ses parents pour ne pas les préoccuper. Ou alors, il pouvait faire preuve d’une relative sincérité, comme il l’avait plusieurs fois fait avec Irina. Il ne pouvait pas nier que cela le démangeait de le faire, dans cette période où il se sentait assez isolé, loin de tout ce qu’il avait toujours connu, dans cette immense maison et cette nouvelle ville qu’il ne connaissait qu’à peine.

« Bah… C’était compliqué de rester à Bristol. » Roy regardait à nouveau la piscine devant lui, les bras croisés sur son torse, les sourcils légèrement froncés. « C’est… littéralement tout ce que j’essaye de quitter. C’est plus facile à faire en étant loin. Plus on attendait et plus… » On se mettait en danger, souffla une voix dans sa tête. Il fut plus pudique dans sa réponse : « Plus ça devenait compliqué. Après, on a eu la chance de tomber sur cette maison, aussi » précisa t-il en retrouvant le regard de sa soeur. « Comme on a eu un coup de coeur, on voulait pas la laisser filer, on a tout de suite fait une offre. »


Roy Calder

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Bad liar [Roy & Irina] Icon_minitimeMar 18 Juil 2023 - 18:24
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Irina Calder, 27 ans, gynécomage, sœur de Roy.

« Pas ma faute si t’as un sommeil de fragile. » rétorqua Irina, avant d’adoucir sa taquinerie d’un sourire et d’une parole plus douce : « Pourquoi pas, ça me ferait plaisir de passer quelques jours avec vous. »

Irina avait toujours été proche de Roy, même lorsqu’il s’était drastiquement éloigné de leur famille, des années plus tôt. Elle ne pouvait pas dire qu’elle avait compris ses choix de vie, mais elle n’avait jamais laissé son jugement altérer leur relation et détruire peu à peu les liens qui les unissaient. Elle assistait déjà aux premières loges au conflit silencieux entre ses deux frères aînés ainsi qu’à celui qui opposait Roy à leur père depuis des années. Ils pesaient forcément sur ses épaules ; Irina, seule fille de la fratrie Calder, était aussi la seule à savoir créer du lien – et, dans ces cas précis, à savoir comment le préserver. Elle initiait souvent les conversations avec ses trois frères, s’enquérait de savoir comment ils allaient et ce qu’ils faisaient – puisqu’ils étaient capables, tous les trois, de changer radicalement de vie sans prévenir quiconque en amont. Cette capacité à tisser des liens – en réalité, il s’agissait juste d’une capacité à former des mots et à les adresser à une autre personne, mais ses frères semblaient en être dépourvus – lui avait valu de recevoir un rôle de médiatrice au sein de leur fratrie ; rôle qu’elle assumait parfois de mauvaise grâce, mais qu’elle assumait malgré tout.

Au fil des années, elle avait réussi à nouer de jolies relations avec ses frères, même si elle déplorait souvent leur manque d’implication – tout-à-fait masculine, commentait-elle avec des soupirs excédés. Malgré cela, elle savait qu’elle pouvait comptait sur eux, tout comme ils pouvaient compter sur elle.

Aussi, lorsque Roy reprit la parole après un moment de silence qui trahissait l’agitation de ses pensées, Irina se redressa légèrement, sans le lâcher du regard. Ses doigts étaient toujours emprisonnés dans les petites mains d’Alma qui babillait joyeusement sur ses genoux. Le récit que son frère lui faisait ne traduisait qu’une demi-vérité, cela se sentait à ses intonations traînantes et à ses hésitations pudiques. Irina se contenta d’hocher la tête, les sourcils légèrement froncés dans une expression indéchiffrable.

Au fond, elle sentait bien que quelque chose planait au-dessus d’eux. Il y avait trop d’éléments incohérents, trop de changements radicaux, trop de silences et d'omissions. Et pourtant, elle laissa s’écouler un silence un peu trop long, comme si elle avait peur de reprendre la parole. De creuser encore un peu plus. Et de trouver ce qu’elle redoutait de trouver.

Son sourire sonna un peu faux lorsqu’elle acquiesça :

« C’est clair qu’elle valait le coup. » Son regard balaya brièvement la façade de l’immense maison que son frère et sa belle-sœur avaient investi quelques semaines plus tôt. « Même si j’étais pas certaine de voir venir le jour où tu t’installerais à Oxford dans un quartier moldu. » commenta-t-elle sur un ton mi-amusé, mi-sérieux. « Mais c’est vrai que ça a l’air d’être le bon endroit pour… Pour tourner la page, un peu. »

Cette phrase résonna un peu plus longtemps que les autres, alors que les yeux bruns d’Irina demeuraient fixés sur Roy. Elle finit par reprendre :

« Je peux te demander quelque chose ? » Elle attendit que Roy hoche la tête pour enchaîner : « Qu’est-ce qui t’a poussé à quitter la mafia ? Je me doutais qu’avec Alma et Teresa, tu devais y penser mais… Je sais pas, j’ai l’impression que t’es parti du jour au lendemain. »  


Roy Calder
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Bad liar [Roy & Irina] Icon_minitimeVen 21 Juil 2023 - 7:52
Un vague sourire étira les lèvres de Roy au commentaire de sa soeur : lui non plus il n’aurait pas du tout parié sur un déménagement dans cette ville, si on lui avait posé la question même quelques semaines plus tôt. Il se dédouana en répondant avec un haussement d’épaules :

« C’est la faute d’Avalon, ça. Elle m’a retourné le cerveau. »

En vérité, il ne se plaignait pas du tout du lieu qu’ils avaient choisi, bien au contraire ; la maison cochait de nombreux critères pour eux et ils étaient en train de réfléchir à quelques travaux à faire pour l’améliorer. Ce petit projet de réaménagement leur faisait beaucoup de bien, ils pouvaient concentrer leur esprit et leurs efforts sur quelque chose de positif et d’assez prenant à la fois. Ils avaient déjà plein d’idées sur la manière dont ils voulaient réaménager leur suite parentale pour avoir un plus grand dressing, et reconfigurer l’espace entre l’entrée et le salon pour y faire une chambre d’ami.

Irina avait raison : c’était un bel endroit pour tourner la page et ils le faisaient en s’investissant dans des projets agréables.

« Oui, on est très bien ici et on a prévu de faire quelques travaux, pour que ça soit encore mieux. On a un ami qui est archimage, il nous a donné plein d’idées. »

Un autre point positif de ce projet : il leur permettait de se rapprocher d’autres amis, Isobel et Abel, qui restaient assez loin de tout ce qui avait trait avec sa vie de mafieux.

Un silence retomba, un genre de silence pas tout à fait calme, et même plutôt bruyant de pensées qui n’étaient pas dites. De son côté, Roy songeait à ce changement de vie qu’il entamait, il se demandait ce que sa famille en pensait, sans trop oser poser la question, non par crainte de ce qu’ils pouvaient en dire, mais plutôt par appréhension des questions qu’ils pourraient poser en retour. Il y avait beaucoup de choses que Roy avait soigneusement évité de dire à ses proches, à commencer par l’événement qui avait tout bouleversé et failli finir en terrible tragédie, quelques mois plus tôt.

Ce mensonge par omission planait entre Irina et lui, il sentait que c’était exactement ce qui rendait le silence si épais et gluant entre eux. Sa soeur sembla le percevoir aussi, car elle finit par lui poser une question plus frontale, comme si elle avait senti qu’une pièce du puzzle manquait au récit de Roy. Il la regarda en s’efforçant de masquer son trouble. Son coeur battait à toute allure alors qu’il se demandait de quelle manière il allait répondre.

Une part de lui se trouvait tentée par l’appel de la vérité, parce que maintenir un simulacre sur un sujet aussi douloureux et sensible se révélait extrêmement épuisant pour lui. Enfouir un tel traumatisme pour donner le change face à sa famille lui prenait une énergie monstre. Parfois il enviait Avalon, il la voyait se sentir mieux après avoir échangé avec sa soeur Célice ou son frère Galaad, qui lui apportait un soutien total, sans la juger.

« Oui mais… » soufflait la voix en lui qui avait été habituée pendant douze ans à inventer tous les mensonges pour ne pas inquiéter sa famille. Oui mais que dirait Irina si elle apprenait ce qui s’était vraiment passé ? Que penserait-elle de lui si elle savait qu’elle aurait pu ne pas tenir sa nièce dans ses bras, actuellement, et que cela aurait été entièrement de sa faute à lui ? Elle avait toujours été plutôt soutenante avec lui et Roy lui en avait toujours été reconnaissant. Et si cet aveu venait briser quelque chose de cet équilibre et de leur lien ? Cette idée lui écrasait l’estomac. Il était à un moment de sa vie où l’affection et le soutien de ses proches comptaient encore plus que d’habitude. Il ne pouvait pas supporter l’idée que sa famille lui voue de la rancoeur et de la méfiance, alors qu’il peinait encore à se pardonner lui-même.

Pour cette raison, son coeur finit par pencher légèrement d’un côté de son dilemme. Il croisa les bras sur son torse, en laissant son regard s’égarer vers la piscine tandis qu’il donnait une demi-vérité :

« Bah… J’y réfléchissais depuis un moment. Quand Teresa est arrivée, en fait. Mais c’est différent, elle vit avec sa mère, elle est loin d’ici. Alors que Alma… Après toutes les frayeurs qu’on a eues avec Av’ pendant la grossesse, puis la naissance prématurée… Je me suis dit que je pouvais pas continuer à prendre des risques comme ça. »


Roy Calder

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Bad liar [Roy & Irina] Icon_minitimeVen 21 Juil 2023 - 9:50
Bad liar [Roy & Irina] Irina10
Irina Calder, 27 ans, gynécomage, sœur de Roy.

La question d'Irina fuit suivie par un silence lourd, pesant. Paradoxalement, il lui sembla qu'il s'agissait d'un silence sincère, plus sincère que tous les « ça va » et les « tout va bien » qu'il avait pu lui dire jusqu'ici.  Aussi, Irina écouta davantage le bruit de ses pensées et que le vide de ses mots. C'était une impression que Roy lui avait donné à plusieurs reprises dans le passé mais qui, ces derniers temps, était devenue quasi-quotidienne : il parlait sans rien dire. Il disait des mots et formait des phrases qui manquaient cruellement de sens ou de profondeur. Ce n'était pas toujours perceptible mais cela se devinait dans son regard qui s'éteignait parfois, dans ses intonations qui devenaient traînantes ou hésitantes. Il paraissait absent.

Et ce fut cette absence à laquelle Irina fut attentive, même lorsqu'il reprit la parole pour évoquer les raisons de son départ de la mafia. Des raisons légitimes, raisonnables, entendables, mais qui ne sonnaient pas justes. Irina ne savait pas si elle avait cette certitude parce qu'elle avait construit et imaginé un récit complètement faux ou si ce pressentiment qui écrasait son estomac était ancré dans une vérité qu'elle peinait malgré tout à concevoir. Une part d'elle avait envie de croire son frère, d'hocher la tête et de changer de sujet. Mais quelque chose l'en empêchait ; ce savoir, nourri par les informations qu'elle avait recueillies ces dernières semaines, occupait toutes ses pensées.

Il était là, perfide et vicieux, à lui souffler ce qu'elle aurait pu ignorer autrement. Ce que Roy voulait probablement qu'elle ignore. Et ce qu'elle savait quand même. Ou du moins ce qu'elle pensait savoir. Pouvait-elle se tromper ? se demanda-t-elle brièvement en baissant les yeux vers sa nièce. Faire fausse route, avoir cru à un simple bruit de couloir ? Peut-être. Et en même temps, pourquoi un simple bruit de couloir aurait-il généré une telle peur dans le regard de son frère ?

Et si elle avait raison ? se demanda-t-elle ensuite en retrouvant le regard de Roy. Et s'il était plongé dans un abysse infernal depuis des semaines et que - comme à son habitude - il n'en disait rien ? Par peur, par honte, par culpabilité ? Irina se mordilla la lèvre, le cœur écrasé par une émotion qui oscillait entre la crainte de parler et l'impossibilité de former le moindre mot. Dans son esprit, la phrase s'affichait pourtant clairement ; mais impossible de la faire franchir ses lèvres. Elle pesait une tonne ; une tonne de conséquences.

Un babillage d'Alma détourna brièvement ses pensées. Elle baissa les yeux vers sa nièce qui grimaçait, visiblement gênée par ses lunettes. Irina les repositionna sur son nez et ajusta le lien qui entourait sa tête pour les maintenir, avant de changer de position pour caler la petite contre son bras. Cette brève parenthèse suffit à éclaircir ses pensées et elle s'éclaircit la gorge, comme pour décoller les mots de sa bouche.

« Écoute Roy... » commença Irina, le ventre noué par l'appréhension, comme si ses mots avaient le pouvoir de faire advenir cette idée terrible qu'elle s'apprêtait à émettre. « Je vais te poser une question et si je me plante complètement, je suis désolée et on en reparle plus jamais. Mais ça fait des semaines que je dis rien en me disant que tu le feras peut-être et... Bref. » s'interrompit Irina en se redressant légèrement, comme pour mieux voir son frère. « Le 22 mars, le jour où Alma est sortie de l'hôpital, il y a eu une suspicion d'enlèvement dans le service de néonatalogie. Une suspicion d'enlèvement qui la concernait, elle. » Il sembla à Irina que sa voix résonnait contre les grands murs en pierres. « L'hôpital a essayé de vous joindre toute la journée, Av et toi. Est-ce que... » Elle prit une plus longue inspiration. « Est-ce qu'il s'est passé quelque chose, ce jour-là ? »
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Bad liar [Roy & Irina] Icon_minitimeVen 28 Juil 2023 - 21:25
Roy avait déjà plusieurs fois songé au fait qu’il était probable que sa famille se doute de quelque chose. Parfois, il avait l’impression que la vérité était écrite sur son visage car il se voyait en miroir sur celui d’Avalon. Elle couvait Alma d’un regard en permanence inquiet, il y avait une espèce d’ombre dans ses yeux, une tension dans ses épaules qui n’étaient pas tout à fait celles d’un parent lambda. Roy se doutait qu’il devait dégager la même chose. Sa mère se montrait d’ailleurs soupçonneuse, elle lui avait plusieurs fois demandé si quelque chose était arrivé à Alma et il n’était pas certain que démentir ait suffi à lui ôter cette intuition du coeur. Il s’était déjà fait ce scénario dans sa tête où brusquement, un membre de sa famille découvrait la vérité et venait l’interroger.

Mais il y avait une sensible différence entre imaginer une scène douloureuse et la vivre réellement.

Roy n’eut pas du tout la sensation d’avoir été préparé au choc qui le frappa à l’instant où Irina prononça le mot « enlèvement ». Son coeur s’arrêta d’abord de battre avant de décoller sur un rythme furieux. Une ombre passa dans le regard qu’il garda vrillé sur Irina, on aurait presque pu le croire en colère si sa peau n’était pas si livide et s’il n’observait pas un tel silence. Il eut l’impression que son cerveau tournait à vide, comme si le moulin de ses pensées s’était brusquement arrêté.

Pourtant, Roy était réputé pour être un bon menteur mais à cet instant, rien ne lui vint. Aucune excuse, aucun simulacre, aucune astuce pour retourner la situation qu’Irina avait déjà bien saisie. Et ce n’était pas seulement parce qu’elle avait obtenu des informations justes et difficiles à démentir ; il se rendit compte à cet instant qu’il n’avait plus du tout la force de continuer à mentir.

Pour autant, l’éventualité de parler le terrifiait et lui demandait des ressources qu’il n’était pas sûr de détenir. Un tel secret avait entouré sa vie de mafieux pendant plus de dix ans que l’idée de lever le voile sur une part aussi récente et douloureuse, qui exposait toute sa vulnérabilité, lui semblait au-delà de ses forces également. Il entrouvrit légèrement la bouche face à Irina avant de la refermer aussitôt, pendant que sa figure se décomposait à vue d’oeil.

Qu’il s’agisse de vérité ou de mensonge, parler était insupportable.

Le silence se prolongea d’une manière si insoutenable qu’Irina finit par reprendre la parole pour prononcer quelques mots qui semblaient mûrement réfléchis :

« Je m’en doutais. On n’est pas obligés d’en parler si tu veux pas. Mais… Tu sais que si tu as besoin, je suis là. »

Peut-être parce qu’il percevait uniquement de la sincérité et de l’inquiétude dans l’attitude d’Irina, à la place de l’horreur et la colère qu’il s’imaginait trouver, quelque chose se délia chez Roy. Un bref élan, une pointe de soulagement, une petite décharge de reconnaissance qui le poussa à s’imaginer prononcer les mots qu’elle attendait. Il pouvait presque entendre les aveux franchir le bout de ses lèvres et constituer ce récit qu’il n’avait fait à personne. Il n’avait encore eu à expliquer à personne ce qui s’était passé, songea t-il. Ses amis étaient au courant parce qu’ils s’étaient retrouvés directement impliqués dans la situation et qu’ils avaient participé au sauvetage d’Alma. C’était la première fois qu’il devait faire ce récit à tête froide, face à l’un de ses proches qui ne baignait pas du tout dans le même milieu.  

Face à constat, Roy décida de s’octroyer un instant de répit, le temps de retrouver ses esprits. Il se leva de son siège en tendant les bras vers Alma.

« Je vais la nourrir et la coucher pour sa sieste » lança t-il. Quand elle fut bien calée dans ses bras, il ajouta après une brève hésitation, le regard trouble : « Mais… On peut en reparler après. »

Il avait conscience de laisser sa soeur dans une situation difficile, avec un demi-aveu qui ne faisait que créer davantage de questions et d’inquiétude chez elle. Il aurait préféré ne pas avoir à la fuir et se sentir le courage de répondre à ses questions. Mais cette petite heure de répit qui s’écoula et pendant laquelle chacun vaqua à ses occupations fut nécessaire et salvatrice pour lui. Il trouva un certain réconfort dans le fait de voir Alma se nourrir et s’assoupir paisiblement dans ses bras. Et la solitude lui permit de mettre assez d’ordre dans ses pensées et ses émotions pour finir par envoyer un message à sa soeur.

« Je suis dans ma chambre, si tu veux venir. »

Quelques minutes plus tard, la silhouette d’Irina émergeait sur le pas de la porte. Roy ne quitta pas son côté du matelas contre lequel se trouvait le lit en co-dodo d’Alma qu’il surveillait du coin de l’oeil. Il laissa sa soeur s’installer de l'autre côté. Après un moment de silence, les mots qui flottaient dans sa tête finirent par trouver une cohérence :

« On a laissé Alma à un infirmier, le temps de partir signer les papiers de sortie avec Avalon. Ça a duré peut-être dix minutes à peine. Quand on est revenus, il y avait plus personne dans la chambre. » Le même douloureux pincement au coeur se manifesta en lui, comme à chaque fois qu’il convoquait ce souvenir. « Juste un mot dans son berceau. »

Devant ses yeux se jouait encore la scène qui hantait ses cauchemars. Roy ne s’estimait pas du tout encore sorti d’affaire même s’il devait reconnaître qu’il n’avait plus besoin de prendre systématiquement une potion pour s’endormir. Il retrouvait un quotidien plus paisible, plus doux dans cette maison pleine de promesses. Il passait de jolies soirées avec Avalon et Vivianne dans le grand salon. Il parlait de sujets anodins avec ses amis.

Mais il n’oubliait jamais. Parfois, la seule présence d’Alma suffisait à éveiller l’atroce pensée qu’il avait failli la perdre. Roy eut un geste d’excuse, comme un vague haussement d’épaules, pour le trajet qu’il venait de faire faire à Irina jusque sa chambre.

« Maintenant, je peux plus quitter la pièce où elle est, quand elle dort. »


Roy Calder

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Bad liar [Roy & Irina] Icon_minitimeVen 28 Juil 2023 - 23:10
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Face au silence de Roy, Irina s’aperçut qu’elle ne s’était pas préparée à recevoir la réponse dont elle devinait pourtant déjà les contours dans le teint livide de son frère. Une part d’elle le savait, pourtant. Elle voyait bien comment Roy était incapable de lâcher Alma des yeux et comment son regard s’était couvert d’un voile sombre depuis plusieurs semaines. Elle était venue le trouver avec des liens, des idées et une hypothèse pour expliquer tout ce qu’elle percevait de lui. Mais lorsque son silence lui donna cette réponse qu’elle attendait autant qu’elle redoutait, Irina eut l’impression de recevoir un coup dans l’estomac.

Des scénarios défilèrent à toute vitesse devant ses yeux et elle baissa le regard vers Alma, comme pour s’assurer qu’elle était là, bien vivante et en bonne santé entre ses bras. Lorsqu’elle releva la tête vers Roy, elle eut l’impression de faire face à son fantôme. Il semblait tellement bouleversé qu’elle trouva la force de prononcer ces quelques mots qui ne disaient rien de son état d’agitation :

« Je m’en doutais. On n’est pas obligés d’en parler si tu veux pas. Mais… Tu sais que si tu as besoin, je suis là. »

Au fond, le silence de Roy arrangeait aussi Irina ; elle aurait été incapable de trouver quoi dire. Seuls des mots isolés se pressaient contre ses lèvres : Pourquoi ? Comment ? Qui ? Ils habitaient toujours ses pensées lorsque son frère se leva pour regagner la maison avec Alma, après une dernière phrase qui disait tout sans ne rien dire. Seule au bord de la piscine, Irina eut brusquement la sensation que le soleil qui chauffait auparavant sa peau était devenu brûlant et menaçant. Brusquement la lumière fut trop vive, le silence trop bruyant. Elle se leva et se dirigea vers la douche installée à quelques mètres, dans une pièce qui servait également à entreposer les serviettes propres et quelques jouets pour les enfants. Elle se glissa sous le jet d’eau, pas tant par nécessité que pour occuper ce temps et remettre de l’ordre dans ses pensées agitées.

Avec son silence, Roy avait confirmé ce terrible pressentiment qui pesait sur son estomac depuis quelques semaines. Il n’y avait jamais eu de fausse-alarme ; un bébé avait bel et bien été enlevé du service de néonatologie. Sa nièce avait été kidnappée, à quelques mètres de l’endroit où elle travaillait.

Irina s’efforça de repousser cette peur primaire qui l’envahissait dès que cette pensée l’effleurait. Alma était vivante, se répéta-t-elle à plusieurs reprises. Quoiqu’il ait pu se passer ce jour-là, Roy et Avalon avaient fini par la récupérer. Mais à quel prix ?

Ce fut avec cette question qu’elle poussa la porte d’entrée de la maison, son téléphone serré entre ses doigts. Elle avança avec hésitation, ouvrit une porte qui n’était pas celle de la chambre de son frère avant de trouver la bonne. Elle avisa Roy, allongé sur son lit et s’avança vers lui. Plutôt que de s’asseoir à ses côtés, Irina s’installa en tailleur au bout du lit pour lui faire face. Son regard s’était posé sur Alma, endormie dans son berceau, lorsque les premiers mots de son frère s’élevèrent. Des mots qui appelèrent des images. Un infirmier en blouse blanche dont elle connaissait le visage et le nom. Un berceau perché sur des roulettes qui s’éloigne. Et le vide.

« Mon Dieu… » souffla-t-elle en retrouvant le regard de son frère.

Un regard vide.

Et brusquement, tout s’éclaira.

C’était ça. C’était le vide qu’elle percevait dans les mots de son frère, dans les yeux d’Avalon, dans tout ce qu’ils ne disaient pas et dans tout ce qu’ils laissaient paraître malgré eux.

Le vide et la peur du vide.

La confession de Roy lui noua le ventre et Irina jeta un regard vers Alma, comme pour s’assurer à nouveau de sa présence à côté d’eux. Les mots s’étranglèrent dans sa gorge et elle se contenta de poser sa main contre la jambe de son frère, dans un geste de soutien silencieux.

« Comment… Qui… » souffla-t-elle finalement. Elle inspira avant de reprendre : « Qu’est-ce qui s’est passé ? »
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Bad liar [Roy & Irina] Icon_minitimeSam 29 Juil 2023 - 11:28
L’atmosphère se chargeait à nouveau d’une lourde tension mais cette fois-ci, des mots pouvaient s’y déployer. Ils brûlaient la gorge de Roy, tordaient douloureusement son estomac mais il les prononça, parce qu’il n’y avait plus de retour en arrière possible. C’était parler ou laisser Irina dans la terrible angoisse de l’incertitude.

Non. C’était parler ou mourir dans le secret.

Roy s’en rendit compte dès les premiers mots. Malgré toute la douleur que convoquaient son récit et ses souvenirs, son coeur voulait désespérément se libérer d’un trop lourd silence. Il aspirait à se reposer, juste l’espace de quelques minutes, auprès de quelqu’un d’autre qui pourrait prendre le relais pour lui. Il avait moins peur de livrer son honteux secret, cet aveu insoutenable de sa culpabilité, que de le laisser le dévorer de l’intérieur.

Dans sa chance, parmi tous les membres de sa famille, c’était Irina qui était parvenue à recoller les morceaux de son histoire partielle. Même s’il n’avait jamais eu à lui confier quelque chose d’aussi lourd, Roy s’accrocha à l’idée qu’elle lui avait toujours prouvé qu’il pouvait lui faire confiance. Elle sembla le lui signifier à nouveau, en posant sa main sur sa jambe dans un geste de soutien. Il mit quelques instants à trouver le courage de poursuivre, les yeux toujours rivés sur Alma :

« Un… ennemi de longue date -prononcer ces mots lui fit l’effet d’une brûlure acide dans sa gorge- a tenté d’utiliser Alma contre moi. Contre nous, corrigea t-il en songeant à Avalon. Il a essayé de nous faire chanter en échange de… » la vie d’Alma, fut-il incapable de terminer. Cela paraissait insupportable de le dire avec des mots. « On a réussi à déjouer ses plans et à s’en sortir tous sains et saufs mais… »

Comment évoquer ce coût immense de leur survie à tous ? Roy en mesurait encore l’ampleur, tant les conséquences de cet atroce événement se multipliaient et le marquaient au plus profond de sa chair. Il eut l’impression de pouvoir sentir sous sa chemise la trace des longues cicatrices qui barraient son torse et qui ne disparaîtraient jamais complètement. Le noeud dans sa gorge écrasait sa voix qui articula difficilement :

« J’ai cru que j’allais tout perdre ce jour-là. »

Parce que les questions d’Irina se firent de plus en plus pressantes et précises, Roy finit par dérouler au fil de leur conversation un récit complet de cette journée cauchemardesque. D’un geste pudique et craintif, il leva le voile sur un affreux secret. Il le fit sans chercher à adoucir la réalité des faits atroces ni sa responsabilité dans l’histoire, car il trouva un soulagement étrange à abandonner ce rôle factice qu’il jouait face à sa famille et dont il prenait conscience désormais de l’énergie folle que cela lui demandait. Il parla sans s’arrêter, il parla même de choses qu’il pensait incapable de dire à qui que ce soit, encore moins à sa soeur qui n’avait aucune prise dans ce milieu de mafieux. Ce fut comme si un barrage en lui explosait brutalement sous l’effet d’une intense pression contre toutes les fissures qui en avait fragilisé la structure. Il raconta le sort pour localiser Alma, la course-poursuite dans le hangar, les duels, le feu. Du bout des lèvres, il évoqua la torture, la peur, la défaite. Puis les renforts et l’espoir, l’autre course-poursuite. L’obscurité, le dernier piège, le maléfice sanglant en pleine poitrine, les coups de feu.

Le vide.

En voyant des larmes rouler sur les joues d’Irina, Roy prit conscience de ce qu’il était en train de lui raconter. Il s'interrompit brusquement, pris d’une vive émotion qui l’empêcha de poursuivre. Sans dire quoique ce soit de plus, les yeux humides, il enveloppa la main de sa soeur dans la sienne. Il s’offrit un bref répit avant de conclure d’une voix éteinte :

« Quand j’ai repris conscience chez moi, tout était fini. Avalon était là, Alma avec elle. Et le lendemain, on a décidé de partir à la Nouvelle-Orléans. »


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Bad liar [Roy & Irina] Icon_minitimeSam 29 Juil 2023 - 16:22
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Il y avait ses questions pressantes qui trahissaient l’angoisse et l’effroi qu’Irina ressentait. Des questions qui surgissaient parfois sans même qu’elle n’y réfléchisse, comme pour empêcher un silence trop long de s’installer. Avec le silence venait la réflexion et Irina se sentait incapable de penser à ce que son frère lui confiait, la voix écrasée par la détresse. Elle pouvait accueillir, elle pouvait recevoir, mais elle ne pouvait pas encore penser. Penser revenait à accepter ce qui s’était produit.

Ce qui avait failli se produire.

Alors elle questionnait pour ne pas penser. Paradoxalement, chaque nouvelle information rendait le drame encore plus tangible et plus réel. Elle questionnait, Roy répondait et l’histoire s’écrivait entre eux.

« Vous êtes allés là-bas que tous les deux ? réagit-elle, les yeux légèrement écarquillés. Juste Avalon et toi ?
-Oui, on avait pas le choix. Enfin, en apparence en tout cas. Des renforts attendaient plus loin, devant le hangar, à une distance raisonnable pour pas être vus. Ils étaient censés rappliquer à l’instant où Alma serait mise hors de danger. Et Av’ et moi, on devait tout faire pour gagner du temps en attendant. Mais… tout s’est pas passé comme prévu, avoua Roy avec une légère grimace.
-Comment ça ?
-Bah… Au début, on les tenait bien, on les faisait parler pour gagner du temps. Puis à un moment, on a pas trop compris ce qui se passait, mais les gens face à nous ont reçu un message. Là on a su qu’ils savaient qu’on avait envoyé des gars retrouver Alma. » Il marqua une pause, le regard flottant, comme si ses souvenirs s’emmêlaient. « Après ça, c’est devenu un gros bordel. On a tenté de leur échapper mais impossible de trouver une sortie dans ce putain de hangar… Ça s’est terminé en duels dans tous les sens, ils étaient à huit contre nous. A ce moment-là, je savais qu’ils cherchaient pas à nous tuer parce qu’ils avaient besoin de nous. Mais on avait aucun moyen de savoir ce qui se passait du côté d’Alma » dit-il en réprimant un frisson.

Le frisson qui traversa Roy sembla gagner Irina. Elle ne lâchait pas son frère du regard, le visage froissé dans une expression qu’elle ne parvenait pas encore à verbaliser. La peur butait contre ses lèvres, le trouble se lisait dans le vide de ses yeux. Une nouvelle question s’arracha d’elle, comme pour l’ancrer dans une réalité où elle pouvait parler au passé de ce qui semblait encore actuel :

« Huit contre deux mais… Mais comment vous vous en êtes sortis ? »

Un bref silence suivit cette question, teinté d’une hésitation perceptible dans le ton de Roy qui devait faire la balance de ce qu’il voulait dire ou non.

« La configuration des lieux jouait un peu en notre faveur, on a pu se planquer à des moments… Et Av’ est très entraînée aux duels, elle était Auror avant. Je me débrouille bien aussi. Mais… Ouais, c’était chaud. On a foutu le feu à un moment, pour alerter les gars qui nous attendaient dehors. » Une lourdeur pesait dans ses mots, comme un non-dit qui flottait dans ses yeux et traînait dans son ton, poussant Irina à garder le silence. « Elle a pris un Endoloris. Avalon. Au moment où elle a pété la fenêtre du toit pour laisser la fumée sortir, elle a baissé sa garde et… » Un voile était tombé sur le visage de Roy qui semblait revoir une scène atroce devant son regard assombri, fixé dans le vide. Le souvenir d’une douleur marquait ses traits et sa voix quand il tenta de reprendre le fil de son récit. « On avait presque atteint la sortie au moment où ils nous ont rattrapés. Et là on était foutus, ils étaient trop pour qu’on puisse répliquer. »

Endoloris. Le mot flotta un peu longtemps que les autres entre Roy et Irina. A lui seul, il suffisait à dépeindre la violence de l’affrontement. De vieux souvenirs émergèrent de la mémoire d’Irina, des souvenirs qui étaient des cris plaintifs, fous, désespérés, qui provenaient des cachots de Poudlard et résonnait contre les murs du château. Elle avait treize ans lors de l’Année des Ténèbres. Comme chez beaucoup d’enfants, sa mémoire avait occulté des pans entiers de son année scolaire. Mais pas ces cris qui disaient la douleur terrible et l’envie d’en finir.

« Et là… Les autres sont arrivés ? demanda-t-elle finalement, le cœur battant.
-Pas aussitôt, non. Ils nous ont immobilisés pour nous forcer à faire ce qu’ils attendaient de nous. » Sa mâchoire se crispait comme si chaque mot écorchait sa bouche. « Ou plutôt d’Avalon, vu qu’ils voulaient faire sortir des gens de prison et lancer une descente à Bristol. Moi je servais juste un moyen de pression sur elle.
-Est-ce qu’ils t’ont… » Irina bataillait avec les mots. Ils semblaient lourds sur sa langue et dépourvus de sens dans sa bouche. Le terme qu’elle voulait employer, celui qui flottait entre eux refusa de quitter ses pensées pour prendre corps. « Est-ce qu’ils t’ont fait quelque chose ? »

Un épais silence suivit la question. Le regard de Roy s’était perdu quelque part entre les draps froissés par leur présence.

« Pas un Endoloris. Un autre sort de magie noire. » Il laissa cette information flotter entre eux, les yeux hantés par un souvenir trop douloureux pour être davantage détaillé. Puis il eut un geste de la tête, comme s’il se ressaisissait et revenait à la réalité. « Juste après ça, nos renforts ont débarqué. »

Et tout aurait pu s’arrêter là. Les renforts qui arrivent, Roy et Avalon libérés, Alma sauvée. Irina y croyait presque ; une part d’elle avait sans doute besoin d’y croire. Mais le récit de son frère ne s’arrêta pas là. Il lui conta les combats désordonnés, son soulagement en retrouvant sa femme et leurs amis, son angoisse terrible de ne pas savoir où était sa fille. Puis la course désespérée derrière son ennemi qui fuyait, protégé par deux acolytes. Le silence autour d’eux et le cri d’Avalon, qui signait la fin de tout.

« Là, je me rends compte que ce chien utilise Av’ comme bouclier pour se barrer. C’était horrible parce que… je pouvais pas le laisser filer après tout ce qu’il avait fait et ce qu’il risquait de faire encore s’il réussissait à s’enfuir. Et il y avait nos amis à côté qui pouvaient débarquer à tout moment pour nous aider. J’ai hésité une seconde de trop. » Son regard agité et les gestes nerveux de ses mains trahissaient la culpabilité qui se réveillait chez lui. « Il l’a blessée, juste au niveau du ventre, pour me forcer à lâcher ma baguette.
-Oh, Merlin… » lâcha Irina, prise d’un vertige. Son cœur battait fort contre sa poitrine et le nœud de son estomac ne semblait jamais vouloir se défaire. Elle ne savait même plus quoi demander à Roy ; chaque question qu’elle lui posait était suivie d’une réponse qui ne faisait que renforcer son sentiment d’horreur.

Un silence douloureux se maintint quelques instants entre eux deux avant que Roy ne reprenne la parole d’une voix écrasée qui avait changé de tonalité :

« J’ai lâché ma baguette, j’avais plus rien. Aucune défense. Il aurait juste pu s’enfuir à ce moment-là. Mais je pense que lui aussi, il pouvait pas se résoudre à me voir filer alors… Il en a profité pour me lancer un dernier sort. Un Sectumsempra. » Roy effleura son torse de sa paume. « J’ai pas vu ce qui s’est passé mais c’est le moment qu’Av’ a utilisé pour l’abattre. Elle avait caché un pistolet sur elle. » Les coups de feu semblèrent résonner dans le silence. « Toute la suite est floue pour moi. J’étais à peine conscient, j’avais juste l’impression de… partir. »

Irina ne prit conscience des larmes qui roulaient sur ses joues que lorsque Roy s’interrompit, laissant entre eux un silence qui ne fut habité que par ses sanglots étouffés. Elle essuya ses joues avec le revers de sa main libre tandis qu’il enveloppait l’autre dans la sienne. Elle se sentait un peu nauséeuse après ce récit interminable et le bref moment de répit qu’ils s’offrirent fut nécessaire pour qu’elle parvienne à remettre de l’ordre dans ses pensées.

« Quand j’ai repris conscience chez moi, tout était fini. Avalon était là, Alma avec elle. Et le lendemain, on a décidé de partir à la Nouvelle-Orléans. »

Elle hocha la tête, l’esprit encore trop engourdi. Finalement, son premier mouvement vers Roy ne fut pas une parole mais un geste ; Irina se pencha en avant et alla s’échouer dans les bras de son frère aîné, le visage froissé par l’inquiétude, les mains tremblantes de peur.

Il avait failli mourir, réalisait-elle douloureusement, le menton posé dans le creux de son épaule. Il avait failli mourir, tout comme Avalon et Alma. Le vide aurait pu remplacer cette étreinte.

Et brusquement, Irina ressentit au creux de son estomac ce sentiment qu’elle avait saisi dans le regard de son frère quelques minutes plus tôt. Elle ne faisait pourtant que l’effleurer car cette peur de voir son frère mourir était une peur passée, nourrie uniquement par un récit et des images. Roy avait cru perdre sa fille, ce jour-là. Il s’était tenu devant un berceau vide. Il avait vu Avalon se tordre de douleur, il avait vu son ventre s’ouvrir et saigner. Et il avait frôlé la mort. Il s’était évanoui en pensant ne jamais se réveiller.

Cette dernière pensée arracha un hoquet à Irina, qui se mordit violemment la lèvre pour l’étouffer.

Lorsqu’elle se recula, elle garda ses mains dans celle de son frère. Son regard était toujours humide mais les larmes ne coulaient plus sur ses joues. Elle inspira, le souffle un peu tremblant. Son premier réflexe fut professionnel, comme pour se protéger derrière le savoir qu’elle possédait.

« Le sort… Où est-ce qu’il t’a touché ? Est-ce que ça va ? Vous avez vu des médicomages, tous les trois ? » s’enquit-elle en jetant un regard vers Alma, profondément endormie. « Tu as besoin que je vous examine ? »
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Bad liar [Roy & Irina] Icon_minitimeJeu 24 Aoû 2023 - 14:50
Parler coûtait beaucoup à Roy qui avait tenu sa famille à l’écart pendant des années. Dans d’autres circonstances, il aurait certainement retiré d’une manière ou d’une autre ce qu’il venait de dire, il aurait minimisé ses mots d’un geste ou d’une parole, il aurait fait une cynique plaisanterie. En somme, il aurait trouvé un moyen de se soustraire au regard et à l’inquiétude visible que lui témoignait Irina. Mais il en fut cette fois-ci incapable. Pour la première fois, Roy se sentait à un instant de rupture, celui où le prix du silence était plus élevé encore que celui de l’honnêteté. C’était d’une humilité rare chez lui dont il faisait preuve en révélant toute la vérité à Irina. C’était surtout le signe d’un appel à l’aide, après trop d’années passées à encaisser seul de son côté.

Et c’était beaucoup à entendre. Trop, peut-être. Une pointe de culpabilité tordit l’estomac de Roy en voyant sa soeur s’échouer dans ses bras en pleurs, choquée par le récit qu’elle venait d’entendre. Il imaginait bien quelles pensées devaient l’agiter à cet instant, maintenant qu’elle savait quelle tragédie ils avaient évité de justesse, parce que lui aussi, il avait fondu en larmes en retrouvant Avalon et Alma saines et sauves, après leur mission impossible ; comme lui, elle pleurait la peur d’une perte imminente, elle endurait ce cruel rappel que la vie ne pouvait tenir qu’à un fil. Et personne n’y était jamais totalement prêt. Roy lui-même éprouvait encore les douloureuses marques de ce rappel en tenant Irina contre lui. Il pouvait convoquer le souvenir de l’horreur glaçante et l’intensité du regret qui l’avait saisi quand la mort le tenait entre ses griffes.

Le regret terrible de ne pas avoir passé assez de temps avec ses proches et de ne pas leur avoir dit combien ils comptaient pour lui.

Comme pour contrer cet état de faits, Roy serra sa soeur contre lui, il passa une main dans son dos pour lui transmettre le réconfort que la pudeur le retenait d’exprimer par des mots. Et surtout, il partagea sa tristesse et sa peur avec elle. Il pleura lui aussi, un peu, parce que le temps avait malgré tout fait son oeuvre et que la douleur était un peu moins vive même si elle n’avait pas disparu.

Un temps un peu indéfinissable s’écoula entre le frère et la soeur, les laissant partager quelque chose d’à la fois précieux et douloureux. Eux qui étaient pourtant de grands bavards échangèrent plus dans cette étreinte silencieuse qu’en des années de vannes et de conversations légères. Roy mit le doigt dessus au moment où Irina s’écarta de lui pour s’enquérir de sa santé. C’était peut-être un réflexe professionnel chez elle mais pour Roy qui se préparait à des reproches bien mérités, ce fut salvateur. Il perçut dans l’attitude de sa soeur l’amour inconditionnel qu’elle lui témoignait et qui la poussait à se soucier de lui, même quand il commettait les pires erreurs.

Un amour qu’elle lui avait, en vérité, toujours témoigné et pour lequel il ne s’était jamais montré assez reconnaissant.

Pris d’une émotion qu’il eut du mal à maîtriser, il articula une réponse désordonnée :

« Oh euh ça va, t’inquiète. On a vu des médicomages, c’est… Ça va maintenant. Alma va bien et je… Bah c’est juste des cicatrices, ça va. » Il pressa la main de sa soeur dans la sienne, en répétant : « Tout va bien maintenant. »


Roy Calder

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Bad liar [Roy & Irina] Icon_minitimeJeu 28 Déc 2023 - 19:55
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Irina Calder, 27 ans, gynécomage, sœur de Roy.

Irina se sentait fébrile, submergée par des mots douloureux et des images épouvantables contre lesquelles elle ne pouvait rien. Son premier réflexe fut pourtant de proposer son aide à son frère en le couvant d’un regard qui trahissait sa sincère inquiétude. Et évidemment, Roy eut un sourire embarrassé, presque tordu. « Alma va bien » disait-il d’une voix tremblante. « Ce sont juste des cicatrices » affirmait-il en serrant sa main dans la sienne. « Tout va bien, maintenant. »

Irina se redressa vivement et dévisagea son frère avec une expression effarée.

« Mais putain, jura-t-elle à voix basse pour ne pas perturber le sommeil d’Alma, c’est pas possible. »

Il pouvait grandir, changer d’âge, devenir père, se marier, acheter n’importe quelle belle maison dans n’importe quel beau quartier, il ne changerait jamais. Il aurait toujours les mêmes mots en bouche, ces mots creux et vides de sens, ces « ça va » qui ne rassuraient personne sauf celui qui les prononçait. Irina connaissait son frère et les barrières qu’il érigeait autour de lui, ces barrières insupportables qui les tenaient tous à l’écart.

Et parce que Roy avait enfin accepté de la laisser entrer dans sa forteresse de solitude, Irina s’appliqua à en détruire les défenses.

« Mais Roy, évidemment que ça va pas. Comment tu peux dire que ça va, alors que vous avez failli mourir tous les trois il y a moins de six mois ? » Irina secoua la tête avant de retrouver le regard de son frère. « Tout le monde voit que vous n’allez pas bien, Avalon et toi. Vous êtes incapables de lâcher Alma des yeux cinq minutes, vous sursautez dès qu’il y a le moindre bruit autour de vous… Bien sûr que ça va pas. »

L’émotion l’avait rendu un peu brusque et Irina s’efforça d’adoucir sa voix pour poursuivre :

« Et c’est normal, chaton. Vous avez vécu quelque chose de très traumatisant, tous les deux. » Elle serra sa main dans la sienne, dans un geste de soutien. « Mais arrête de t’épuiser à dire que tout va bien, ça va te mener nulle part. »

Sans lâcher la main de son frère, Irina observa un léger silence. Plus elle l’observait et plus elle comprenait les marques de fatigue sur son visage, l’ombre qui ne quittait pas ses yeux, le vide de son regard. Toutes ces traces de souffrance avaient désormais une histoire qu’elle connaissait et qui la confrontaient à une réalité que Roy aurait probablement voulu dissimuler : celle qui disait sa vulnérabilité et ses faiblesses.

Mais cette fois-ci, Irina lutta pour ne pas le laisser s’empêtrer dans sa fierté et son orgueil. Roy avait besoin d’aide ; cela se voyait sans mal sur son visage et dans les mots qu’il employait difficilement pour décrire sa peur.

« Cette peur que tu ressens, là, et qui t’empêche de quitter la chambre d’Alma quand elle dort, elle va pas s’en aller toute seule, tu sais. »
Roy Calder
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Bad liar [Roy & Irina] Icon_minitimeLun 1 Jan 2024 - 1:56
Face à la réaction de sa soeur, Roy eut un léger mouvement de recul. Il savait qu’elle ne donnait pas beaucoup de crédit à ses mots quand il disait qu’il allait bien, qu’il gérait. Il voyait son air suspicieux et quand elle ne faisait pas semblant d’accepter sa réponse, elle insistait un peu. Mais rarement, elle s’insurgeait de cette manière. Roy fronça les sourcils, sans répondre, piqué par la manière dont elle le confrontait à ses contradictions sans prendre de gants.

Irina avait raison. Il n’allait pas bien. Il allait mieux, peut-être, il allait mieux depuis qu’il avait trouvé un refuge ici et qu’il s’éloignait drastiquement de ce monde mafieux qui lui avait tant pris. Mais il n’allait pas bien et c’était si visible que même sa soeur le voyait comme une évidence. Parce que, malgré tous ses efforts pour tenir le coup et faire bonne figure, en vérité, Roy était terrifié.

Il n’avait jamais connu un tel sentiment de faiblesse. Il se demandait comment Fergus et Jayce avaient pu tenir toutes ces années, à faire ce qu’ils faisaient, sans avoir l’impression de devenir fous. Sans craindre à chaque instant de leur vie pour la santé et la sécurité de leurs enfants.

Peut-être précisément parce qu’ils n’avaient jamais connu ce que lui avait traversé, en voyant sa fille se faire enlever. Roy se souvenait encore, quelques jours après la naissance d’Alma, il s’était senti fragilisé, pris de doutes, inquiet, il s’était posé des questions, il avait senti son regard changer comme s’il était soudainement bien plus conscient du poids de ses décisions. Il aurait sans doute pu continuer comme ça, toujours à tremper dans ses sales affaires, avec plus de prudence, et peut-être qu’avec le temps, il se serait écarté petit à petit, comme Jayce le faisait. Une transition lente et progressive. Oui, il aurait certainement continué sa vie de cette manière.

Mais cette possibilité lui avait été ôtée à l’instant où Alma avait disparu. Et parce qu’elle était revenue, saine et sauve, il n’avait eu d’autre choix que de prendre une décision très simple, sans aucune demi-mesure. Il avait approché de trop près la perspective de la perdre pour toujours, pour faire un autre choix.

Il avait coupé les ponts avec la mafia pour se mettre à l’abri, lui et sa famille. Il n’avait pas mis un pied à Bristol depuis des mois, il savait à peine ce qu’il en était de cette chasse à l’homme entreprise par Fergus et Toni pour liquider les derniers soutiens à Norvel.

Ce que Roy commençait juste à comprendre, en revanche, c’était combien cela ne suffisait pas.

Et Irina appuya exactement sur ce point-là avec ces derniers mots. Il allait mieux, oui. Mais il n’allait pas bien. Il avait peur, encore. Une peur qui le suivait comme son ombre et dont il ne parvenait pas à se défaire malgré tous ses efforts.

Un poids tomba dans son estomac. Il détacha sa main de celle d’Irina et la porta à ses yeux, pour cacher les larmes qui commençaient à y apparaître. De cette brusque émotion, il ne laissa voir que ses épaules qui tremblaient légèrement.

« Putain… »

Roy détesta pleurer devant sa soeur. Il ne l’avait jamais fait, pas aussi frontalement et pas depuis des années. Il avait toujours mis un point d’honneur à être le grand frère, celui qui veillait sur elle et sur les autres. Des stratégies pour ne pas montrer qu’il était atteint, il en avait développé des dizaines. Il explosait, il contre-attaquait, il se barricadait derrière une armure, il s’éloignait, il devenait froid.

Tout sauf se montrer vulnérable.

Personne ne lui avait jamais dit à quel point devenir parent signifiait de se rendre vulnérable.

Ses seuls remparts furent ces deux mains qui masquèrent son visage et les larmes qui coulaient sur ses joues. Sa voix tremblait quand il articula les seuls mots qui voulurent bien sortir :

« Je veux juste qu’elle aille bien. Je peux penser à rien d’autre que ça… »

Et c’était tellement épuisant.


Roy Calder

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Bad liar [Roy & Irina] Icon_minitimeLun 1 Jan 2024 - 3:46
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Irina Calder, 27 ans, gynécomage, sœur de Roy.

Les mots brusques d’Irina fissurèrent le visage de Roy. Son menton trembla un peu et ses yeux se remplirent brusquement de larmes. Avant que ces dernières ne s’écoulent sur ses joues, il masqua son visage dans ses mains et laissa échapper une injure qui trahissait toute son impuissance. Le cœur d’Irina se tordit dans sa poitrine face à la détresse que manifestait son frère. Il semblait s’effondrer devant elle, écrasé par la peur et le chagrin.

Elle n’avait jamais vu Roy dans un tel état.

Elle ne se souvenait même pas l’avoir déjà vu pleurer.

Pourtant, elle voyait bien comment l’émotion le prenait à la gorge, parfois. Elle se souvenait du jour où elle l’avait accompagné à l’hôpital car Avalon y avait été admise en urgence ; il lui avait paru sur le point de fondre en larmes mais il s’était retenu, la mâchoire serrée et le regard noir. Voilà comment Roy répondait aux émotions qui le dépassaient ; il se mettait en colère. Il ne laissait jamais rien paraître de sa souffrance ou de son inquiétude, comme si cela n’existait pas chez lui.

Et, si Irina n’était pas dupe, elle évitait généralement de brusquer son frère pour ne pas mettre à mal les barrières qui lui servaient de protection. Mais aujourd’hui, ces barrières ne servaient à rien d’autre qu’à l’isoler encore plus et le priver d’une aide dont il avait désespérément besoin.

Mais face aux sanglots de son frère, Irina se retrouva brusquement muette, comme frappée par la stupeur. La vulnérabilité de son frère la touchait profondément et les larmes ne tardèrent pas à envahir ses yeux à son tour. Ce fut la confession qu’il lui fit, d’une voix écrasée par la tristesse, qui les fit s’écouler sur ses joues.

« Oh, Roy… » souffla-t-elle en essuyant sa peau avec le revers de sa main.

Irina prit une profonde inspiration pour retrouver un état de calme relatif, consciente des enjeux de cette conversation. Elle posa ensuite doucement ses mains sur celles de son frère, comme pour l’inciter à les ôter de son visage. Il opposa une certaine résistance au début puis finit par céder et elle put retrouver son regard. Il avait les yeux rouges et habités de ce même vide immense dans lequel on pouvait se noyer.

« Ta fille va bien. Tu m’entends ? Alma va bien. » Elle se rapprocha de lui et fit glisser ses bras autour de ses épaules pour l’attirer contre elle. « Alma va bien. » répéta-t-elle à son oreille. « Elle est là et elle va bien. » Ils restèrent un peu dans cette position, jusqu’à ce que les larmes de Roy se tarissent. Irina ne prit pas garde aux mots qu’elle lui murmurait comme une litanie pour le calmer alors qu’elle se balançait légèrement d’avant en arrière.

Finalement, elle se recula un peu pour croiser le regard de son frère.

« Mais toi, tu ne vas pas bien. Et c’est tout aussi important, Roy. » Irina hésita sur ses mots puis se lança avec la franchise qui la caractérisait : « Moi, je suis inquiète pour toi. Tu peux pas… Tu peux pas rester avec ça. C’est trop lourd à porter. Et tu vois bien que t’y arrives pas tout seul… T’as besoin d’aide, chouchou. D’une vraie aide, professionnelle. » insista Irina en serrant les mains de son frère dans les siennes.

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Bad liar [Roy & Irina] Icon_minitimeLun 1 Jan 2024 - 5:35
Derrière ses yeux clos, masqués par ses mains, Roy imaginait très bien le spectacle pathétique qu’il offrait. Il devinait Irina émue à son tour, désemparée face à ce débordement d’émotions. Les seules personnes qui l’avaient déjà vu pleurer à plusieurs reprises étaient les plus proches de lui : Avalon et Jayce. Peut-être Fergus et Toni de manière très ponctuelle.

De toute manière, les fois où Roy se laissait aller aux larmes se comptaient sur les doigts de la main. Il y avait eu d’abord l’éducation de ses parents et notamment le modèle de son père, auquel il s’identifiait enfant, qui lui avait montré qu’un homme ne pleurait pas et ne montrait pas ses faiblesses. Sa vie dans la mafia avait validé et entériné cet apprentissage, de la plus violente des manières. Roy avait vu, commis et subi trop de choses terribles pour pouvoir faire autrement que se barricader derrière une armure robuste. C’était une question de survie, la loi impitoyable dans son monde : les plus faibles étaient les premiers à mourir. Il avait fonctionné de cette manière toute sa vie.

Et brusquement, son monde avait basculé.

Ce jour où sa précieuse fille lui avait été enlevé, Roy avait appris la plus dure des leçons. Peu importait son pouvoir, sa force, son argent, sa position, il pouvait tout perdre du jour au lendemain. Il était loin d’être aussi invincible qu’il ne le pensait. Il était aussi faible et mortel que n’importe qui. Il ne pouvait plus ignorer la fragilité de son existence, ni celle de son enfant.

Cinq mois plus tard, Roy encaissait encore le violent contrecoup de ce traumatisme. Il était encore dans une forme de vigilance constante, cette même vigilance qui le poussait à rester près d’Alma quand elle dormait.

Alors évidemment, les mots qu’Irina murmura à son oreille en le prenant dans ses bras avaient un effet rassurant et réconfortant sur lui. Mais il savait aussi que ça ne durerait pas, que ses démons reviendraient très vite. Il laissa ses larmes couler, jusqu’à retrouver un semblant de maîtrise. Il allait mieux et se sentait un peu honteux à la fois, quand Irina relâcha leur étreinte. Ce qu’elle dit sur un ton préoccupé n’arrangea guère ce sentiment vaseux en lui et son premier réflexe fut de le repousser :

« Genre d’aller voir un psy ? » reformula t-il, avec des accents ironiques dans sa voix, en essuyant ses joues. « Je vois pas en quoi le fait de ressasser toute cette merde va m’aider à aller mieux… »

Pour un homme aussi obnubilé par le fait d’agir et d’aller de l’avant que Roy, la parole ressemblait plutôt à un lourd obstacle qui le maintenait dans l’enlisement. Ce n’était pas la première fois qu’Irina l’invitait à consulter, elle avait déjà fait cette proposition quelques mois plus tôt, quand tout allait mal entre Avalon et lui, pendant cette grossesse si compliquée. A l’époque, il avait un peu envisagé de le faire, en se disant qu’il était prêt à tout pour arranger les choses. Et puis, voir un psychomage dans le cadre d’une thérapie de couple avait un peu de sens, parce que sur ce sujet-là, il pouvait à peu près voir à quoi cela pouvait servir d’avoir une tierce personne en rôle de médiateur.

Mais cette fois, Roy ne voyait pas l’utilité. Il lui semblait qu’il n’y avait pas de solution à son problème, mais que si elle existait, elle passerait plutôt par l’action.


Roy Calder

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Bad liar [Roy & Irina] Icon_minitimeLun 1 Jan 2024 - 7:38
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Irina Calder, 27 ans, gynécomage, sœur de Roy.

Ce n’était pas la première fois qu’Irina suggérait à son frère d’aller voir un psychomage. Pendant la grossesse compliquée d’Avalon, alors qu’ils peinaient tous les deux à retrouver le fil de leurs vies après cette découverte bouleversante, elle lui avait donné le même conseil. Roy ne s’y était pas farouchement opposé mais il avait affiché le même air sceptique que celui qui froissait ses traits aujourd’hui.

Ce même air qui le faisait tant ressembler à leur père.

Son commentaire lui fit légèrement hausser les sourcils. Ce fut d’une voix douce mais ferme qu’Irina répondit :

« C’est sûr que quand tu l’étouffes, ça fonctionne mieux. »

Elle non plus n’avait pas été habituée, enfant, à verbaliser ses émotions. A l’image de Roy, Irina avait été une enfant turbulente et brusque, bien décidée à se faire une place parmi ses frères aînés et ses nombreux cousins. Elle avait joué à la guerre, comme eux. Elle s’était battue, comme eux. Elle avait retenu ses larmes, comme eux. Alors elle avait appris, comme eux, à serrer les dents lorsque son ventre se nouait et à ravaler son chagrin lorsqu’il montait dans sa gorge. Ce dur apprentissage avait été entériné par sa rentrée à Poudlard au moment de l’année des Ténèbres. A cette époque, il valait mieux ne pas montrer un signe de faiblesse.

Puis Irina avait grandi. Elle s’était longtemps cherchée et s’était finalement trouvée à mi-chemin entre cette image de la jeune fille parfaite que ses parents avaient façonnée pour elle et cette adolescente désobéissante qu’elle rêvait d’être pour devenir quelqu’un d’autre. Elle avait trouvé son chemin et sa voix. Elle avait découvert d’autres milieux et s’était ouverte à des sujets qui étaient devenus si importants pour elle. Elle avait trouvé des réponses ainsi, des mots sur ce qu’elle ressentait depuis longtemps et une façon, ainsi, de mettre en forme des expériences qui avaient été douloureuses pour elle.

Elle entamait sa troisième année de médicomagie lorsqu’elle avait poussé la porte du cabinet d’une psychomage pour la première fois. Elle était venue deux fois par mois pendant deux ans et cet espace avait été nécessaire pour elle, tant pour la soutenir dans les études difficiles qu’elle menait que pour l’aider à construire la jeune femme qu’elle devenait.

Et, ainsi, Irina avait appris la puissance de la parole.

« Y a rien d’autre à faire, Roy, insista Irina. Tu pourrais mettre tous tes ennemis en prison et enfermer Alma dans la plus haute tour d’un château que ça changerait pas ce que tu ressens-là. » Son regard trouva celui de son frère et elle commença à exposer : « Vous dormez mal, Av’ et toi, pas vrai ? Vous en êtes en hypervigilance tout le temps, vous êtes incapables de lâcher Alma des yeux sans penser à ce qui pourrait lui arriver. Vous évitez certains lieux, sûrement. Sainte-Mangouste, par exemple, souligna Irina qui n’avait pas oublié que son frère et sa femme avaient demandé le transfert du dossier d’Alma dans une clinique moldue. Et ça vous revient, ce qui s’est passé ce jour-là. Dans des cauchemars. Dans des flashbacks. Parfois sans raison ou parce qu’il y a un bruit qui vous ramène là-bas. Je me trompe ? »

Le silence de son frère fut la seule réponse dont elle avait réellement besoin.

« Il y a un nom, pour ça, Roy. Un nom et des traitements. Des méthodes scientifiques qui ont fait leurs preuves. Si j’étais atteinte d’un cancer, lança-t-elle alors, tu supporterais pas que je reste là, à attendre que la tumeur disparaisse d’elle-même, non ? Tu me traînerais voir un médicomage. Bah là, c’est pareil. Exactement pareil. »

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