Le calendrier de l’Avent : un jour, une surprise [James]

Les lumières festives du Chemin de Traverse se réfléchissaient à l’intérieur de l’appartement de James et Grady, au dessus du Hufflepub. Il était tard, deux heures trente du matin, et le bar avait fermé une demie heure auparavant. Marlene était fatiguée, enchaînait les bâillements, et pourtant elle n’allait pas se coucher. Recroquevillée sur le canapé, son pied battait nerveusement la mesure, alors qu’elle ne cessait de jeter des coups d’oeil à son PearOne en voyant les minutes qui défilaient. Des pas retentirent dans l’escalier et elle releva brusquement la tête, seulement pour voir la porte s’ouvrir sur Grady, dans un grand bâillement. Les yeux bruns du meilleur ami de James se posèrent sur elle, sûrement un peu surpris de la trouver là à cette heure de la nuit.

- Oh bah salut Marlene, lança-t-il en se déchaussant, envoyant ses baskets voler un peu plus loin. James ne va pas tarder. Ça va ?
- Oui, répondit-elle un peu vite, sans lui retourner la question.

Sans y prêter attention, Grady se dirigea vers le comptoir de la cuisine en émettant un son digne d’un Niffleur.

- C’est l’heure du calendrier de l’Aveeeeent.

Il souleva à bout de bras un assemblage de carton en forme de chocogrenouille géante.

- Mon précieux.

Il chercha du doigt la bonne case, un sourire un peu fou sur le visage.

- Cite-moi une meilleure invention humaine, Marlene, je te jure, lança-t-il en ouvrant sa case.
- La pénicilline.

Grady se retourna vers elle, la bouche pleine de chocolat.

- T’es vraiment pas drôle, hein.

Marlene leva les yeux au ciel au moment où la porte du salon s’ouvrait de nouveau sur James, qui devait avoir éteint les dernières lumières du pub. Comme un ressort, elle bondit du canapé et se précipita vers lui, le tirant légèrement par la main, sans le saluer.

- Il fallait que je te vois. Viens.

Elle l’entraîna vers le couloir qui menait aux chambres, passant devant Grady qui tenait son calendrier serré contre son coeur.

- N’oubliez pas le sortilège d’insonorisation cette fois-ci, il y a des âmes INNOCENTES dans cet appartement !

L’ignorant, Marlene tira James vers sa chambre, refermant la porte au moment où Grady ajoutait.

- Et je parle évidemment de Gradouble !

Elle fit tourner le verrou de la pièce, les enfermant avant de se tourner vers son petit-ami.

- Il faut qu’on parle.

Le samedi, le bar ne fermait jamais avant deux heures du matin – voire quatre heures, lorsqu’ils organisaient des animations particulières ou qu’un groupe venait donner un concert. Sans surprise, avec le vendredi, c’était le jour où ils faisaient leur meilleur chiffre d’affaires, alors ils n’avaient pas intérêt à chasser leurs clients trop tôt. Le dernier groupe avait quitté les lieux une demi-heure plus tôt, ainsi James et Grady avaient pu s’atteler au ménage de la salle. Heureusement, la magie les aidait bien et ils n’avaient pas à récurer les toilettes à la main. Cependant, le jeune homme ne cacha pas sa fatigue en agitant sa baguette pour aligner les tables et les chaises dans la salle : il était épuisé. Depuis qu’il avait commencé à travailler à mi-temps à Poudlard – plus de ses services au Hufflepub – il avait l’impression de vivre avec une fatigue permanente. Comme il était généralement plongé dans son travail, il parvenait à la mettre de côté mais, dès que les derniers clients partaient, il la sentait s’abattre sur ses épaules.

Il n’avait guère le choix ; le complément de salaire qu’il touchait à Poudlard lui permettait de subsister à ses besoins et d’aider à rembourser les différents prêts qu’ils avaient sollicité avec Grady pour monter le Hufflepub. Malheureusement, les bénéfices engendrés par le bar n’étaient pas encore assez grands pour qu’ils puissent en tirer un réel salaire – notamment parce qu’ils payaient toujours des frais liés à leur installation. Cette seconde activité professionnelle était donc essentielle et James tentait tant bien que de mal de faire bonne figure auprès de ses proches.

En grimpant les escaliers qui menaient à l’appartement que Grady et lui louaient au-dessus, il s’étira avec une grimace. Son corps était un peu fourbu et il n’avait qu’une hâte : s’écrouler dans son lit. D’abord une douche, puis son lit, songea-t-il en poussant la porte en bois. Mais avant d’avoir fait un seul pas dans le salon, une tornade brune s’élança vers lui. Il constata avec surprise que Marlene l’attendait – et, surtout, qu’elle était encore éveillée. Il lui arrivait parfois de venir dormir chez lui quand il travaillait mais, généralement, il la retrouvait profondément endormie. Un peu surpris, il se laissa entraîner derrière elle sans opposer de résistance et n’esquissa qu’un sourire au commentaire salace de Grady. Marlene le poussa dans sa chambre et verrouilla la porte.

- Il faut qu’on parle.

Ce fut sûrement la fatigue, tant nerveuse que physique, qui poussa James à répondre en se frottant les yeux pour tenter de rester éveillé :

« Oula, quoi, t’es enceinte ? »

Il glissa une main dans sa nuque endolorie pour la masser légèrement, avant de baisser les yeux vers sa petite-amie, qui ne paraissait visiblement pas dans son assiette.

« Il y a quelque chose qui ne va pas ? » l’interrogea-t-il en se dirigeant vers son lit pour s’asseoir et retirer ses chaussures.

James avait les yeux cernés et était visiblement épuisé. Il était tard, il venait de faire un long service et Marlene savait que ce n’était pas le meilleur moment pour avoir une discussion avec lui. Il tenta ce qui était, dans son esprit, une plaisanterie pour détendre l’atmosphère avant de s’assoir sur son lit pour se déchausser. Lorsqu’il posa de nouveau le regard sur elle, les yeux de Marlene étaient remplis de larmes. Incapable d’ouvrir la bouche, elle se contenta de hocher la tête trois fois, les larmes basculant sur ses joues.

Evidemment que la phrase de James tenait bien plus de la plaisanterie que d’une véritable question. Il ne savait même pas pourquoi il avait dit ça – pour détendre l’atmosphère sans doute – mais il ne comprit que trop tard que le silence qui suivit était lourd de sens. L’esprit encore pris par les bruits, les demandes, les sollicitations des dernières heures, il ne perçut pas immédiatement le malaise qu’il avait créé chez Marlene. Il retira ses chaussures et ce ne fut que lorsqu’il releva la tête qu’il put contempler les conséquences de sa boutade.

Marlene paraissait au bord des larmes. Elle était pâle et affichait cette expression qui tordait ses traits lorsque quelque chose n’allait vraiment pas. Elle se contenta d’hocher la tête à plusieurs reprises, avant de se mettre véritablement à pleurer. James, lui, se figea.

Il n’était pas certain de comprendre la scène qui était en train de se dérouler sous ses yeux. C’était évident que quelque chose n’allait pas, mais sa petite-amie sanglotait, sans lui expliquer les raisons de sa détresse. Ce ne fut pas sa petite plaisanterie qui lui vint immédiatement à l’esprit pour trouver des clés de compréhension, mais uniquement la question qui lui avait posée dans un second temps. Est-ce qu’il s’était passé quelque chose de grave ? Est-ce qu’elle avait fait une mauvaise rencontre ce soir, en venant chez lui ? Est-ce que l’un de ses proches était souffrant ?

En se penchant vers l’avant, James attrapa ses mains dans les siennes et l’attira vers lui, les sourcils froncés par l’inquiétude.

« Marly ? Qu’est-ce qui se passe ? »

James attrapa ses mains dans les siennes pour la rapprocher de lui mais ce geste tendre ne suffit pas à apaiser Marlene. Il lui demanda une nouvelle fois ce qui se passait et elle tenta de prendre une grande inspiration pour se calmer, pour pouvoir exprimer les mots qui se bousculaient dans son esprit. Elle n’y parvint pas et s’étouffa dans un sanglot, reniflant, les larmes coulant toujours sur ses joues. Elle finit par reprendre ses mains pour essuyer ses joues, résolue à prendre sur elle. Elle souffla, une fois, deux fois, les yeux cachés par ses paumes. Allez, elle était une adulte maintenant, elle était une future médicomage, elle pouvait le faire. Les mots se bousculèrent dans sa bouche en même temps que de nouvelles larmes sur ses joues.

- éféeunestgrositif.

Consciente que rien n’avait été clair dans ce qu’elle venait de dire, elle s’efforça de reprendre, reniflant toujours.

- J’ai fait un test de grossesse positif.

James sentait que Marlene cherchait à prendre sur elle pour parler, mais plusieurs de ses tentatives furent avortées presque immédiatement. Elle ouvrait la bouche pour parler, la refermait, sanglotait, essayait de prendre une longue inspiration sans succès… Son état ne fit qu’accentuer l’anxiété de James, qui l’observait sans comprendre en serrant doucement ses mains dans les siennes. Il chercha à l’encourager du regard, mais elle cacha son visage entre ses paumes, visiblement bouleversée. Lorsqu’enfin elle put prendre la parole, les mots se bousculèrent si vite sur sa langue que James peina à saisir les premières syllabes.

« Hein ? » fit-il, les sourcils toujours froncés.
« J’ai fait un test de grossesse positif. »
« Attends, quoi ? »

Ce fut comme si un énorme poids tombait au creux de son estomac. James écarquilla les yeux, les mains de Marlene toujours entre les siennes. L’annonce le figea sur place, sans qu’il puisse articuler le moindre son. Marlene avait fait un test de grossesse positif.

Cela signifiait qu’elle était enceinte.

De justesse, James retint un juron, vaguement conscient que ce n’était pas forcément la réaction attendue dans cette situation. Il se sentait complètement dépassé et cela se traduisait par son immobilisme qui l’empêchait de faire le moindre mouvement ou de formuler la moindre phrase. Pourtant, les questions fusaient dans son esprit, se chevauchaient et venaient heurter la réalité à un endroit qu’il n’avait jamais considéré auparavant.

Marlene et lui avaient déjà parlé d’enfant, évidemment, comme tous les jeunes couples qui peuvent décrire leur famille idéale avec des étoiles dans les yeux, tant que ce vœu ne se réalise pas. Ils voulaient une grande famille – trois ou quatre enfants (surtout des filles) – qu’ils aimeraient élever dans une belle maison avec un jardin. Ils s’étaient déjà disputés sur des prénoms (et sur le fait que Grady serait forcément le parrain de leur aîné) mais, bien sûr, tout cela était uniquement théorique. Un fantasme de jeunes adultes qui n’auraient jamais manifesté un désir réel de parentalité aussi tôt dans leur vie.

Aussi, l’annonce de Marlene ne vint pas conforter James dans une envie de paternité déjà présente. Elle ne lui tira pas de grands sourires réjouis ou un immense bonheur comme on pouvait le voir dans d’autres couples. Elle le laissa seulement silencieux.

Et désemparé.

« Tu as… » James chercha le regard de Marlene. « Tu as fait ce test quand ? Tu… Enfin, tu sais de combien de temps ça date ? »

Ça y est, c’était dit. Ces mots qu’elle retenait depuis des heures étaient enfin sortis mais Marlene n’en ressentait pas le moindre soulagement. Au contraire, une pierre venait de tomber sur son estomac. Le visage de James s’était décomposé alors qu’il assimilait la nouvelle. Soufflant doucement, elle essaya d’essuyer les larmes qui dévalaient son visage mais elles étaient aussitôt remplacées par d’autres. Un silence pesant s’était installé dans la pièce, uniquement troublé par ses reniflements et ses légers hoquètements. Il finit par reprendre la parole, pour lui poser quelques questions.

- Je l’ai fait tout à l’heure, en sortant du boulot... Et la ligne est apparue presque immédiatement, elle était franche.

Et dire qu’elle avait fait ce test juste pour se rassurer... Elle s’était dit qu’elle était parano, qu’elle avait déjà eu du retard, qu’elle était stressée en plus avec les examens du premier semestre qui arrivaient. Elle ne s’était pas attendue à la catastrophe qui lui était tombée sur la tête. Parce que c’était une véritable catastrophe, ce n’était pas une bonne nouvelle. Pourtant, elle voulait des enfants. Elle en avait toujours voulu, elle se voyait avec des enfants dans sa vie. Elle se voyait même avec des enfants avec James. Ils en avaient déjà parlé, quand ils rêvaient leur vie, leur vie lointaine. Car tout cela, ils le rêvaient plus tard, un jour. Pas maintenant. Surtout pas maintenant.

- Je ne sais pas, six ou sept semaines... Je n’ai pas encore fait de prise de sang encore.

Essuyant ses joues, elle se laissa tomber sur le lit à côté de James.

- Je n’ai pas envie d’avoir un enfant maintenant, finit-elle par murmurer.
 

James hocha la tête, le regard un peu absent, tandis que Marlene répondait à ses questions. Il avait l’impression d’être projeté dans une réalité parallèle, une réalité qu’il n’avait jamais envisagée jusque-là. Evidemment qu’il savait, en théorie, que Marlene pouvait tomber enceinte puisqu’ils avaient des rapports sexuels depuis quelques années tous les deux. Mais ils avaient toujours fait très attention, d’abord à Poudlard en utilisant des sortilèges, puis plus tard en ayant recours aux potions contraceptives. Quand bien même James et Marlene avaient déjà formulé le souhait d’avoir des enfants, ils n’étaient que bien trop conscients que leur situation actuelle ne leur permettait pas du tout d’envisager d’accueillir un bébé dans leur foyer (qu’ils ne partageaient même pas, d’ailleurs.)

Ce n’était pas du tout une heureuse nouvelle. C’était une catastrophe.

Marlene faisait des études longues, prenantes. Elle révisait plusieurs heures par jour, quand elle n’était pas en cours ou en stage. Quant à lui, il travaillait littéralement nuit et jour, entre Poudlard et le bar. Il peinait déjà à joindre les deux bouts de cette manière, alors avec un enfant ? Ce n’était pas possible, il faudrait qu’il prenne un autre emploi, qu’il abandonne le Hufflepub pour trouver un travail mieux rémunéré, plus stable… James tordit nerveusement ses mains tandis que, sans y prendre garde, son esprit traçait les lignes d’un avenir complexe.

Ce n’était pas qu’il n’en voulait pas, de cet avenir, c’était juste qu’il n’en voulait pas maintenant. Il avait vingt-et-un ans, il peinait parfois encore à s’occuper correctement de lui, alors être responsable d’un enfant… ! Cette idée lui nouait le ventre. Pourtant, il était impossible pour lui de ne pas l’envisager. James n’avait pas été élevé par n’importe qui il avait été élevé par le colonel Henry Carter, dont le mot préféré « responsabilité ». Si Marlene voulait qu’ils aient cet enfant… Alors il deviendrait père. Il trouverait des solutions, quitte à changer de travail ou à demander de l’aide à des amis. Cette perspective paraissait immensément lourde sur ses épaules, mais James savait que, dans une telle situation, ce serait la seule avec laquelle il pourrait vivre.

Même s’il n’en n’avait pas envie.

La gorge nouée, il observa Marlene sans répondre aux informations qu’elle venait de lui donner. Il ne savait pas quoi dire et, pour l’instant, le silence était la seule chose qu’il maîtrisait à peu près. Seul son murmure le sortit de ce brouillard intense. Elle non plus n’avait pas envie d’avoir un enfant.

Se sentant brusquement moins seul, et moins coupable de formuler de telles pensées, James lui attrapa à nouveau la main. Il caressa sa paume avec l’arrondi de son pouce.

« Moi non plus. » souffla-t-il en retour, un peu soulagé de pouvoir exprimer cela. Un instant de silence passa avant qu’il ne poursuive : « On n’est pas obligés, Marly. »

L’angoisse avait envahi chaque fibre du corps de Marlene. Elle avait l’impression d’avoir la tête dans du coton depuis qu’elle avait vu que le test était positif. Elle n’arrivait pas à réaliser que c’était véritablement en train d’arriver, qu’ils étaient en train de vivre ce cauchemar. Pourtant, elle avait toujours eu des rêves de maternité, elle s’était toujours imaginé mère, un jour. Elle avait toujours pensé qu’un test positif serait une bonne chose, qu’elle en serait heureuse. Elle n’avait pas imaginé que cela serait dans ces conditions et que cela serait une telle catastrophe.

Car si Marlene se rêvait mère un jour, elle ne se rêvait pas mère aujourd’hui. Elle s’imaginait médicomage, elle rêvait sa carrière, sa réussite, ses prochaines vacances avec James, leur mariage, plus tard. Elle avait un plan. Et aujourd’hui, tout était bouleversé. Elle n’en n’était pas heureuse. Elle avait envie de pleurer et que tout ça ne soit pas en train d’arriver. Elle le souffla à James en s’asseyant à ses côtés, leurs mains se trouvant.

Il lui murmura qu’il n’avait pas envie d’avoir un enfant non plus et elle s’en sentit brièvement soulagée. Il voulait être père, un jour. Elle le savait. Et s’il avait voulu l’être maintenant, s’il avait voulu... Elle ne sait pas ce qu’elle aurait dit. Ce qu’elle aurait fait. Lorsqu’il ajouta qu’ils n’étaient pas obligés, elle sentit de nouveau les larmes lui monter aux yeux. Des sentiments complexes se bousculaient en elle. La reconnaissance, la peur, l’envie de se blottir dans ses bras et de tout oublier. Ce fut cette dernière émotion qui la domina. Se tournant vers lui, elle passa ses bras autour de sa nuque et enfouit son visage dans son cou, fermant les yeux.

- Je sais, finit-elle par murmurer. Mais je n’arrive pas à croire que ce soit en train d’arriver...

Lorsque Marlene se réfugia contre lui, James referma ses bras dans son dos et ferma les yeux. Il se laissa aller dans cette étreinte réconfortante qui lui apportait une maigre sérénité au milieu de la tornade qui bouleversait actuellement leurs vies. L’odeur familière de Marlene, ses cheveux qui tombaient en cascade sur ses épaules, la sensation de son visage enfouit dans son cou ; tout cela lui permettait d’éloigner un peu l’angoisse qui s’était brutalement abattue sur ses épaules.

Tout paraissait être trop rapide, trop intense. Quelques minutes plus tôt, il remontait du bar, exténué, prêt à dormir quelques heures avant de transplaner pour Poudlard. Désormais, sa charge professionnelle lui semblait bien faible par rapport à la nouvelle que Marlene venait de lui annoncer.

« Moi non plus… » souffla-t-il lorsque sa petite-amie lui témoigna son désarroi. Il raffermit son étreinte dans un maigre espoir de contenir le désespoir qu’elle semblait ressentir et qui se décelait notamment dans les larmes qui coulaient sur ses joues. De sa main, il caressa doucement son dos. « Ça va aller. » dit-il pour la réconforter. « On n’est pas obligés de prendre une décision tout de suite… » Bien qu’il lui semblait qu’ils avaient déjà tous les deux émis le souhait de ne pas accueillir d’enfant. « Mais hé, je suis là, on va trouver une solution ensemble, ça va aller… »

Les bras de James autour d’elle l’apaisaient peu à peu. Le visage enfoui dans son cou, elle avait fermé les yeux, se laissant bercer par son étreinte. Il lui murmurait des mots réconfortants et l’espace d’un instant, Marlene se sentit envahie par un sentiment de reconnaissance infinie. Il était là. Et il serait là, elle le savait. Il ne s’était pas énervé, il ne l’avait pas repoussée à cette annonce qui leur tombait dessus. Il l’avait prise dans ses bras, l’avait rassurée et était là pour elle. Se détachant de lui, elle prit quelques secondes pour essuyer ses joues mouillées de larmes et ses yeux rouges. Elle devait avoir une petite mine. Prenant une inspiration pour se calmer, elle souffla doucement, avant de poser sa main sur la joue de James. Elle se pencha pour déposer un léger baiser sur ses lèvres, son pouce caressant quelques secondes sa pommette.

- Je t’aime, James. Et j’ai vraiment envie d’avoir des enfants avec toi un jour... mais quand on l’aura choisi.

Elle renifla légèrement, prenant quelques secondes pour consolider sa voix encore fragile.

- Il y a plein de choses que je veux vivre avant de me consacrer à un bébé...

Lorsque Marlene se défit de leur étreinte pour s’essuyer les joues, James prit lui-même le temps de cligner plusieurs fois des yeux pour y chasser les larmes qui y avaient élu domicile. Le moment était chargé d’émotion et de sentiments contradictoires. Malgré le choc causé par cette annonce, James était soulagé de le vivre avec Marlene. Ils avaient leurs défauts, tous les deux et leur couple n’était pas forcément le plus harmonieux mais, dans les moments comme celui-ci, ils savaient qu’ils pouvaient compter l’un sur l’autre. Ils n’étaient pas du genre à se déchirer autour d’une épreuve commune mais, au contraire, avaient davantage tendance à se souder face à l’adversité. La manière dont ils géraient actuellement les choses le prouvait : ils se parlaient doucement, prenaient le temps de se rassurer et, surtout, avaient l’espace nécessaire pour exprimer leurs envies, leurs doutes et leurs craintes.

« Je sais, Marly. » souffla James lorsqu’elle lui assura son amour et son envie d’avoir des enfants de lui dans le futur. Il lui caressa doucement la joue alors qu’elle cherchait encore ses mots.
« Il y a plein de choses que je veux vivre avant de me consacrer à un bébé... »

Il hocha la tête, comme pour lui dire qu’il comprenait. Lui aussi ne se voyait pas accueillir un enfant dans sa vie immédiatement. Il ne se sentait pas prêt, pas capable de faire tous les sacrifices nécessaires pour s’occuper d’un bébé. Il était trop jeune, trop inexpérimenté. Bien sûr, il aimait les enfants, il adorait sa filleule April et la gardait volontiers… Mais seulement un après-midi, avant que sa mère ne vienne la récupérer pour le reste de la semaine. C’était différent de devenir père ; de devenir, pour un minuscule être humain, une des personnes les plus importantes au monde. A cette pensée, James sentit une montagne d’angoisse gronder en lui. Il n’avait pas envie d’affronter une telle responsabilité aujourd’hui. Il n’était pas prêt.

« Moi aussi… » James garda le silence encore quelques secondes. « Je veux dire, théoriquement, si on avait envie d’avoir un enfant, on pourrait sûrement trouver des solutions, trouver des emplois plus stables pour mieux gagner notre vie et tout mais… J’ai pas envie de ça. » avoua-t-il en regardant Marlene. « J’ai l’impression que c’est trop tôt, trop vite… Tu es à peine au début de ton cursus en médicomagie ! » ajouta-t-il. Or, il lui paraissait complexe de mener de front une grossesse puis une maternité et des études aussi exigeantes que celles-ci. Conscient d’avoir été un peu véhément, James temporisa ses propos : « Pardon, c’est une perspective qui me fait un peu flipper. » Il eut un rire nerveux. « Je veux juste dire qu’on n’est pas obligés d’avoir un enfant maintenant, si on ne le veut pas. Mais je sais que c’est une décision qui peut être difficile à prendre donc on n’a pas à la prendre maintenant et… » Il eut du mal à trouver ses mots. Finalement, il se contenta d’une formule simple, sa main nouée à celle de Marlene : « Enfin, tu sais bien que, quoiqu’on choisisse, je serais là. »

James comprenait. Il partageait le même point de vue qu’elle. Il n’avait pas envie d’avoir de bébé maintenant, bébé qui d’ailleurs était censé grandir, devenir un enfant, puis un adolescent, qu’ils devraient encore gérer. Ce n’était pas juste potentiellement quelque chose de mignon qui restait dans un cosy. Non, c’était un être humain à nourrir, soigner, élever, éduquer, pendant au moins dix-huit ans. Ils n’en n’avaient pas envie. Pas maintenant, pas alors qu’ils n’avaient pas eux-même fini de grandir. Marlene le ressentait comme ça. Elle ne se sentait pas finie. Elle ne se sentait pas adulte, pas vraiment, pas encore, pas assez. Elle était encore en plein dans ses études, elle n’était pas du tout indépendante financièrement. Elle ne savait pas faire de soupe ! Elle ne pouvait pas être mère maintenant.

Alors oui, comme James le soulignait, il y avait des contre-arguments à tout ce qu’elle disait. Ils auraient pu trouver d’autres emplois, elle aurait pu renoncer à ses études pour pouvoir travailler comme infirmière, peut-être, retourner à un cursus plus court. James aurait pu trouver quelque chose de plus rémunérateur. Prendre un appartement ensemble, s’appuyer sur leurs familles, sacrifier leur temps, leurs envies, leurs rêves d’avenir, pour élever un enfant ensemble. Théoriquement, ils auraient pu. Mais cet avenir paraissait d’une tristesse à Marlene... Ce n’était pas ce qu’elle voulait. Elle voulait étudier, continuer d’être libre, continuer de vivre sa vie pour elle, pas pour un enfant. Pas maintenant. Elle voulait devenir mère un jour, plus tard, en le voulant, avec enthousiasme et impatience. Elle voulait en avoir d’envie, elle voulait avoir construit sa vie, elle voulait l’avoir vécue avant d’accueillir un enfant dans cette vie.

- Je sais, murmura-t-elle lorsque James s’emportait un peu, rappelant qu’elle n’en n’était qu’au début de ses études. Elle lui fit un sourire lorsqu’il s’excusa, bien consciente qu’il était encore sous le choc de la nouvelle. Elle attrapa sa main dans la sienne, hochant la tête à ses propos.

Non, ils n’avaient pas à prendre de décision maintenant. Ils pouvaient attendre, en discuter encore. Mais elle savait qu’elle ne changerait pas d’avis. Sa décision était prête. Et elle sentait que celle de James aussi : il disait les mots. Il n’en n’avait pas envie, pas maintenant. Il disait qu’ils n’étaient pas obligés. Et qu’il serait là, quoi qu’il arrive.

- Je sais, souffla-t-elle une nouvelle fois. Mais... je sais déjà ce que je veux.

Elle plongea ses yeux dans les siens.

- Je... je ne veux pas le garder, James. Et je ne veux pas attendre, je veux que... que tout ça soit derrière nous, au plus vite. Je ne veux pas attendre pour voir, je... Je suis sûre de moi.

Hochant la tête plusieurs fois, elle inspira un grand coup.

- Je veux prendre rendez-vous pour... le mot « avortement » buta sur le bout de sa langue. Pour une interruption.

James avançait à tâtons dans cette discussion, incertain de ce qu’il pouvait dire, affirmer ou faire. Il pensait avoir été clair avec ses envies – il ne souhaitait pas accueillir un enfant dès aujourd’hui – mais, en même temps, il ne voulait pas faire pression sur Marlene pour qu’elle prenne une décision rapidement alors qu’elle était… Qu’elle était celle qui allait vraiment devoir subir la décision. Il lui semblait cependant qu’ils parvenaient aux mêmes conclusions, tous les deux. A aucun moment ils n'avaient réellement envisagé la possibilité de poursuivre cette grossesse inattendue. Ils savaient tous les deux que c’était théoriquement possible mais ils savaient surtout tout ce qu’ils auraient à sacrifier pour y parvenir. Leurs passions, leurs rêves, leurs métiers, leurs projets, leur jeunesse. S’ils décidaient de devenir parents aujourd’hui alors tout changerait, forcément.

Et ils n’avaient pas envie de ça, cela se voyait dans les regards qu’ils se lançaient et dans la façon dont ils hochaient la tête à chaque fois que l’autre énumérait les raisons pour lesquelles ils feraient mieux d’interrompre cette grossesse. Lorsque Marlene lui confia savoir déjà ce qu’elle voulait, la gorge de James se noua… Juste avant que le poids qui reposait sur ses épaules ne soit allégé par la vague de soulagement qui déferla sur lui. Il hocha la tête avec douceur, serrant les doigts de la jeune femme dans les siens.

« Ok. » souffla-t-il à son tour. « Je pense aussi que c’est la meilleure décision. On n’est pas prêts pour avoir un enfant maintenant… »

Ils avaient encore tellement de choses à découvrir, à vivre… Leur couple n’était pas si récent que ça mais ils avaient tellement changé depuis le jour où ils s’étaient mis ensemble que tout paraissait encore neuf.

D’un geste doux, il caressa les cheveux bruns de Marlene. Il ne pouvait pas dire que cette décision le laissait indifférent non plus mais il sentait que c’était la bonne et que, malgré la peur qu’il ressentait, il ne la regretterait pas.

« On peut faire ça demain. On peut aller à Ste Mangouste ou, » ajouta-t-il en voyant la grimace de Marlene, « dans une clinique moldue, à Londres. » Il comprenait qu’elle n’ait pas envie d’être reçue par des camarades et des collègues. « Ce sera bientôt derrière nous. » lui promit-il en l’attirant une nouvelle fois dans ses bras.

Marlene contemplait James avec inquiétude, comme s’il allait brusquement changer d’avis suite à ses mots et dire que peut-être, ils pourraient envisager de devenir parents dans quelques mois... Mais ce fut le soulagement qui apparut sur ses traits au fil de ses phrases. En miroir, elle sentit la peur qui reposait sur ses épaules s’alléger un petit peu. Ils étaient d’accord. Elle n’avait pas envie de lutter contre lui dans cette situation, elle avait besoin de lui à ses côtés. Elle avait besoin qu’ils fassent cela ensemble. Elle hocha la tête lorsqu’il affirma à voix haute qu’ils n’étaient pas prêts à avoir un enfant maintenant. Pas prêts, pas désireux... Tout en elle repoussait cette idée.

Pourtant, elle avait un peu peur de cet avortement qui se profilait. Peur d’avoir mal, peur de se sentir coupable, peur de regretter un jour. Elle n’en n’avait pas envie. Mais toute cette appréhension n’était rien face à l’angoisse terrible qui la saisissait lorsqu’elle essayait d’intégrer qu’elle était enceinte, vraiment enceinte, qu’elle pouvait avoir un enfant là, dans moins d’un an. C’était elle, l’idée qui la rendait malade d’effarement. Elle avait envie que rien ne soit jamais arrivé. Malheureusement, elle n’avait pas de contrôle là-dessus, elle n’avait pas sous la main un Retourneur de Temps pour empêcher cette catastrophe. Tout ce qu’ils pouvaient faire, c’était avancer pour mettre tout cela derrière eux, au plus vite.

James semblait partager cette envie-là aussi : il lui suggéra de prendre rendez-vous à Sainte-Mangouste dès le lendemain, ce qui lui tira une grimace. Elle n’avait pas envie de faire cela sur son lieu de travail, avec ses collègues... Elle avait travaillé en tant que sage-femme. Elle savait bien que le secret professionnel la protégeait mais elle ne pouvait pas s’y résoudre. L’idée d’une clinique moldue, anonyme, loin de son quotidien, était bien plus séduisante. James et elle étaient nés-moldus, ils avaient confiance en la science et en la médecine.

- Je dirais que je suis malade, pour demain - c’était mercredi et, heureusement, elle n’avait que des cours, pas de stage - et on ira... Il y a une clinique des femmes à Manchester, je suis déjà passée devant... Tu peux... Tu penses que tu peux sécher le travail demain ?

Elle ne pensait pas au Hufflepub, que Grady pourrait assurer, mais à son poste à Poudlard. Son petit-ami était sur tous les fronts ces derniers temps, elle savait que la pression lui pesait. Cet évènement... c’était un poids supplémentaire dans un quotidien déjà difficile.