Sweet sixteen [OS]

La fête battait son plein. Les basses de la musique semblaient faire vibrer les larges baies vitrées de la maison. Toutes les lumières étaient allumées, illuminant en partie le jardin qui s’étendait jusqu’à la falaise, complètement plongée dans le noir. C’était l’anniversaire d’Andrew, ses seize ans, et il avait invité une petite trentaine de personne pour les célébrer. Certains profitaient de la piscine et chahutaient joyeusement dedans, envoyant de l’eau un peu partout, tandis que d’autres étaient confortablement installés dans les canapés de la terrasse, de nombreuses bouteilles et verres vides devant eux.

Andrew faisait partie d’un troisième groupe, debout pas très loin de la table qui servait de buffet. Lorsqu’il avait fait les courses pour la soirée avec sa belle-mère (les courses alimentaires, évidemment, il s’était abstenu d’acheter de l’alcool devant elle) cette dernière avait véritablement parlé de « buffet », comme si Andrew allait s’embêter à faire des petits amuse-bouche. Il y avait des bols de diverses chips, des cacahuètes, des pistaches, de la charcuterie, du melon, des tomates cerise, du pain avec des choses à mettre dessus et trois gros saladiers de salade composée, qu’Amanda avait gentiment préparés pour eux. Dans la cuisine, deux gâteaux de chez le pâtissier attendaient sagement d’être dégustés. Des dizaines de bouteilles ponctuaient la table et la terrasse, disséminées au gré des envies.

- Du coup je pars vendredi prochain, expliquait Benjamin Eriksen au sujet de son stage de surf à venir.
- Et c’est où ? s’enquit Andrew en prenant une gorgée de son verre bien rempli.
- Vers Brighton ! Je ne connais pas trop, mais Violette si et elle a dit que c’était plutôt cool comme coin…

La Violette en question hocha la tête et glissa ses bras autour du torse de Benjamin.

- Ça l’est, mais c’est trop loin, tu seras trop loin…

Benjamin se pencha pour l’embrasser, un peu trop longtemps, ce qui établit un silence mi-gêné mi-amusé dans le petit groupe. Claire finit par reprendre la parole, en mettant un petit coup dans le bras de Violette.

- Hé, faites ça ailleurs au pire, prenez une chambre, lança-t-elle en ricanant.
- Ouais, faites pas ça devant les yeux innocents de Claire, ajouta-t-il en faisant mine de lui cacher la vue de leurs deux amis.

Cette dernière se débattit en riant alors que Benjamin et Violette se séparaient, l’air amusé. Andrew eut un sourire lui-même, avant de reprendre une gorgée de sa boisson. Il essayait de donner le change, parce que c’était sa fête, son anniversaire, parce que tous ses amis et ses copains étaient réunis, mais il était préoccupé. Sasha était absente ce soir et ce n’était pas faute de l’avoir invitée. Ils n’avaient pas vraiment reparlé depuis ce qui s’était passé à la soirée de fin d’année, il y a un peu moins de deux semaines. Elle était partie contrariée et il ne l’avait pas retenue. Le lendemain, dans le Poudlard Express, il n’avait pas osé aller la voir, en se disant un peu lâchement qu’il lui laissait un peu d’espace. Quand il était revenu chez son père, comme tous les mois de juillet, il avait songé plusieurs fois à lui écrire, sans jamais envoyer de message. Alors il avait tenté de lui faire comprendre des choses de manière détournée : il avait lancé un groupe de discussion pour son anniversaire et il l’avait mise dedans. Mais elle n’avait jamais répondu. Il avait encore eu de l’espoir tout le début de soirée, alors que tout le monde arrivait, mais pas de trace de Sasha.

- Hé, Andrew !

Il sortit de ses pensées pour tourner la tête vers Paul Tremblay, accoudé sur le rebord de la piscine, les cheveux trempés. Il avait dans la main une bouteille de rhum, visiblement vide.

- On est à sec.

Henry, qui se tenait silencieusement à côté d’Andrew, profita de ce moment pour prendre la parole.

- En réalité, tu es plutôt mouillé.

Un silence s’établit de nouveau, ce qui fit rougir largement Henry alors que sa blague… tombait à l’eau.

- Parce que tu es dans la piscine donc pas à sec… marmonna-t-il en contemplant brusquement ses pieds.

Andrew tapota l’épaule de son ami avec un sourire compatissant.

- On a compris Henry, on a compris. C’est juste que c’est nul.

Henry hocha la tête avant d’enfourner une poignée de chips dans sa bouche. Volant au secours de son ami – en effet, Hallchurch s’entendait particulièrement bien avec les Serdaigle – Claire proposa un beer-pong, le perdant devant plonger habillé dans la piscine. Andrew, lui, se rapprocha de Paul pour récupérer la bouteille vide et la poser un peu plus loin. Au moment où il passait, une gerbe d’eau l’éclaboussa et il se retourna, en partie trempé, pour faire face au regard amusé de Katrina.

- Et elle trouve ça drôle en plus, répondit-il avec un large sourire. T’as intérêt à dormir que d’une oreille, toi, dit-il d’un ton pseudo-menaçant.
- Sinon quoi ?

Andrew haussa les sourcils d’un air équivoque avant de donner un coup de pied dans un ballon qui flottait sur le rebord. Il atterrit juste à côté de Kat, l’éclaboussant au passage. Elle eut un rire alors qu’Andrew s’éloignait en souriant, pour rejoindre la cuisine. Les lumières du salon étaient toutes allumées, illuminant la pièce d’un halo orangé. Sur les larges canapés de cuir, Cindy et Mandy MacAfee papotaient, à moitié allongées. Il laissa derrière lui un peu d’eau sur le parquet alors qu’il traversait la salle à manger pour pousser les doubles portes de la cuisine. Il s’attendait à moitié à trouver la pièce vide, mais pas du tout : des éclats de voix retentissaient.

Son arrivée sembla interrompre quelque chose. Clayton, Adarsh, James et Baen étaient rassemblés et se turent brusquement. Andrew vit que Clayton refermait son Pear pour le mettre dans sa poche. Andrew haussa les sourcils en s’approchant.

- Je vous dérange ? Sans attendre la réponse, il enchaîna. Les bouteilles de mon père ne sont pas ici, il les a descendues à la cave.

Olivier avait une belle collection de liqueurs et de whisky, qu’il rangeait traditionnellement dans un beau meuble vitré dans la cuisine. En prévision de l’anniversaire de son fils, ces dernières avaient mystérieusement migré vers la cave.

- Et y’a pas moyen d’y accéder ? rebondit James, en se retournant pour attraper sa bouteille de gobière, posée sur le marbre du comptoir.

Andrew secoua la tête en attrapant une bouteille de rhum neuve, posée derrière des paquets de chips. Il en profita pour avaler deux tomates cerise.

- Non, j’ai essayé, la porte est ensorcelée. J’ai tenté ce matin, après leur départ, et figure toi que mon père est averti de chaque tentative d’ouverture. Je le sais parce qu’il m’a appelé direct en me demandant si je cherchais quelque chose.

Baen ricana.

- Il est chaud ton père, hein. T’as répondu quoi ?
- Que je voulais les vieux cognards qu’il garde stockés dedans. J’ai pas le droit de m’en servir parce qu’ils ne sont plus très bien réglés, donc j’ai dit que je voulais les utiliser en leur absence.
- Et tu t’es fait défoncer ?
- Nan. Pour l’alcool, oui, il aurait vrillé, mais que je veuille m’assommer avec de vieilles balles en cuir devenues complètement folles, ça le rend plutôt fier. Il a dit qu’on verrait ça à son retour.
- Bah ouais, normal, je vois pas le problème hein, fit Baen en secouant la tête, amusé.

Andrew reposa temporairement la bouteille qu’il tenait pour se diriger vers le réfrigérateur, dont il ouvrit la première porte. Plusieurs packs de gobière y étaient stockés. Il en attrapa une pour la décapsuler avant d’en prendre une gorgée. D’un geste de la tête, il désigna Clayton.

- Vous faisiez quoi avant que j’arrive ?

Le jeune Serpentard se mit immédiatement sur la défensive.

- Rien.

Peu convaincu, Andrew ne la lâcha pas du regard, plutôt amusé. Si Clayton avait un secret, il était bien curieux de le connaître (afin de mieux le charrier avec, évidemment.) Ce fut Adarsh qui intervint.

- Clayton nous montrait la fille qu’il a pecho.
- Mais ta gueule toi !

Insensible à la brusque agressivité de son ami, Adarsh poursuivit.

- Tu sais, quand il avait disparu et qu’on se demandait s’il s’était en train de se faire défoncer par Londubat ou Forbes. Bah en fait c’est plutôt lui qui était occupé à défoncer Sa…
- Mais qu’est-ce que vous foutez ?

Les portes de la cuisine venaient de s’ouvrir sur Gowan, en maillot de bain, visiblement un peu bourré.

- C’est pas là la soirée, hein !

Andrew baissa les yeux pour contempler le sol et constater que son meilleur ami était déjà de faire une flaque sur le parquet.

- Putain t’es relou, tu mets de l’eau partout, tu pourrais faire gaffe, c’est moi qui nettoie après hein.
- Roooh. Gowan passa un bras trempé autour des épaules d’Andrew pour le secouer un peu. On s’en fout, détends-toi, c’est parce que Sasha n’est pas là que tu fais la gueule ?
- Mais je fais pas la gueule, répondit Andrew en se dégageant, piqué au vif. C’est juste que c’est chiant quand c’est trempé, c’est tout.

Sa récrimination n’eut que peu d’effet. Gowan fit une grimace pour indiquer que Andrew était pénible avant d’attraper la bouteille de rhum, qu’il déboucha pour s’en verser un verre plutôt conséquent.

- Bon, vous bougez ou vous restez là à faire votre contre-soirée ? Toi, tu bouges, ordonna-t-il en abattant sa main sur l’épaule de son meilleur ami, tu vas aller fêter ton anniversaire correctement même sans Benson.

Andrew s’agaça et retourna un regard noir à Gowan. Il était le seul au courant de ce qui s’était passé à la soirée de fin d’année, il lui en avait parlé il y a quelques jours, quand ils s’étaient vus pour faire les courses d’alcool. Evidemment, il n’était pas rentré dans les détails de pourquoi il n’était pas allé jusqu’au bout avec elle. Il avait juste dit qu’il ne l’avait pas senti, qu’ils étaient au milieu de la soirée et voilà tout. Il lui avait confié qu’il espérait la voir ce soir afin qu’ils puissent parler et arranger les choses. Gowan-sobre avait assuré qu’il ne dirait rien. Gowan-ivre avait manifestement le secret sur le bout de la langue.

- C’est sûr que Benson sait s’amuser, hein… fit James, d’un ton équivoque.

Andrew fronça les sourcils. L’espace d’un instant, il eut l’impression que Gowan avait révélé ce qui s’était passé entre Sasha et lui à la soirée. Mais son meilleur ami avait l’air aussi surpris. Il coula un regard vers lui, comme pour estimer si James avait aussi été mis dans la confidence. Andrew eut un infime mouvement de tête pour faire signe que non.

- De quoi tu parles ? interrogea donc Gowan.
- Bah vas-y, dis-lui Clayton, s’exclama James en lui mettant un coup de coude.
- Ouais, raconte, relança Baen.

Clayton avait un petit sourire en coin. Il semblait à la fois hésitant et en même temps content de l’attention que ses amis portaient sur lui. Il avait croisé les bras sur son torse et haussa les épaules, presque nonchalant.

- Non mais c’est rien, fit-il, modeste.
- Quand même !
- Bon, tu parles ou quoi ? s’agaça Gowan.

Clayton releva les yeux et prit quelques secondes avant de répondre, manageant son petit effet.

- Je l’ai pécho à la soirée de fin d’année.

Andrew fronça les sourcils.

- C’est pas vrai, répondit-il immédiatement.

Ce ne pouvait pas être vrai, tout simplement parce que Sasha et lui s’étaient embrassés et que, après cela, elle était rentrée directement. Clayton parut contrarié d’être ainsi traité de menteur.

- Bah si c’est vrai. Je l’ai pécho, je l’ai croisée en remontant vers le château, on est allé à la Salle Commune ensemble et…
- Et là tu t’es réveillé pour découvrir que tu roulais une pelle à ton oreiller, c’est ça ?

Baen ricana et Clayton vit rouge.

- Ta gueule, je dis la vérité, elle s’est jetée sur moi et…
- Jetée sur toi ? Carrément ? le tança Gowan. Benson ? Ouais, on te croit mon gars.

Andrew restait silencieux, contrarié. Il avait envie de faire comme Gowan et de ne pas croire Clayton, qui racontait toujours des trucs de ce genre. A l’écouter, il passait sa vie à rencontrer des filles superbes qui se jetaient sur lui. Etonnamment, cela n’arrivait jamais à Poudlard, c’était toujours l’été, des moldues qu’on ne rencontrait jamais. Alors oui, ils l’avaient déjà vu avec une fille de Poufsouffle à une soirée il y a quelques mois mais il était ensuite rentré bien sagement dans son dortoir avec James. Mais d’un autre côté… Clayton sembla très sûr de ce qu’il affirmait et pour une fois, il mentionnait une fille que tout le monde connaissait, qu’Andrew connaissait bien même. Prendrait-il le risque de mentir en sachant que l’information pouvait être vérifiée si facilement ? De plus, il est vrai que Clayton avait mystérieusement disparu de la soirée, après avoir affirmé qu’il partait récupérer Adarsh.

- Bah ouais, elle s’est jetée sur moi, complètement en manque la meuf, dans le couloir devant la Salle Commune. Puis on est monté dans son dortoir et je me la suis tapée toute la nuit.

Andrew eut l’impression de se prendre un cognard derrière le crâne. Il prit une très très longue gorgée de gobière pour masquer son malaise. Donc Clayton et Sasha avaient couché ensemble. D’accord. Très bien. Il ne savait pas vraiment quoi penser de cette affirmation. Ce qu’il savait en revanche, c’est que cela le mettait brusquement très mal. Il était difficile de faire le tri dans les brusques ressentiments qui l’assaillaient, même s’il perçut relativement rapidement une dose de jalousie, une grosse contrariété et une gêne encore plus immense. Incapable d’articuler un mot, même alors qu’il croisait le regard de Baen, il se contenta de déglutir, la gorge brusquement un peu serrée. Il recula d’un pas pour s’appuyer contre l’îlot central de la cuisine.

- Clayton, on en a déjà parlé. Il faut que tu arrêtes d’appeler ta main droite comme les filles de l’école, ce n’est pas très sain.

Des éclats de rire retentirent dans la pièce. Clayton se redressa brusquement, contrarié. Andrew s’enfonça dans le silence, le cœur battant.

- Mais ferme ta gueule, putain ! Je te dis que c’est vrai, je l’ai baisée !
- Pour le coup, intervint James, il dit vrai.
- Ah parce que t’étais là, toi ? Vous avez fait un plan à trois ou comment ça se passe ?
- Non mais y’a une vidéo.

Ce fut assez pour que Gowan se taise brusquement. Andrew suspendit ses gestes, abasourdi.

- Une vidéo ? répéta-t-il.
- Ouais. Vas-y Clayton, montre-leur.

Clayton sembla hésiter quelques secondes puis sortit son Pear One de sa poche. Il pianota dessus avant de tourner l’écran dans leur direction. Sur l’écran, on voyait Sasha nue, de dos, effectivement en train de coucher avec Clayton, dont on n’apercevait que la main. La vidéo ne durait qu’une petite dizaine de secondes mais ne laissait rien à l’imagination, que ce soit sur le plan de la bande-son ou des images. Lorsqu’elle termina, un silence plana un instant sur la cuisine, rompu par Clayton qui referma son Pear.

- Vous voyez bien que c’est vrai.

Gowan ne répondit rien. Il avait encore les yeux écarquillés. Baen reprit la parole, prenant une poignée de chips dans un paquet au passage.

- Franchement, j’aurai pas cru que Benson était ce genre de f…
- Tu l’as filmée ?

La voix d’Andrew avait claqué dans la cuisine, coupant brusquement la conversation. Clayton donna l’impression, quelques secondes, de se ratatiner un peu avant de se reprendre.

- Oui enfin je…
- Tu l’as filmée ?! Le ton d’Andrew s’était un peu plus durci. Mais faut être quel genre de déchet pour faire ça ?
- Ça va, c’est pas si… tenta d’intervenir James.
- Ta gueule toi, je te parle pas là, coupa Andrew en faisant un pas vers Clayton. Mais t’es une vraie pourriture en fait ? Un silence. Clayton soutint son regard. Mais réponds quand je te parle putain !

L’ambiance dans la cuisine s’était brusquement tendue. Adarsh et Baen s’étaient écartés d’un pas, comme pour montrer qu’ils n’étaient pas impliqués dans cette histoire. James avait les bras croisés sur le torse et la mâchoire tendue. Juste derrière Andrew, Gowan laissait son regard aller de lui à Clayton.

- J’ai pas l’intention d’en faire quoi que ce soit, finit par dire ce dernier. Mais vous ne me croyez jamais, Gowan passe sa vie à dire que...
- Wo, se défendit immédiatement le Gryffondor. Je t’ai rien demandé moi !
- Tu vas la supprimer, asséna Andrew avec colère, tu supprimes maintenant.
- Tu me dis pas quoi faire par contre Dubois, tenta de se défendre Clayton, je suis pas ton…
- Tu supprimes ! ordonna Andrew, sans tenir compte des récriminations de son ami. Tu supprimes ou je te jure que je te vais te le faire faire. Tu m’entends ? Je te jure, je te défonce si tu le fais pas. Tu effaces ce truc et tu le fais maintenant.

Les deux garçons s’affrontèrent du regard quelques secondes. Andrew ne plaisantait pas du tout. S’il fallait coller un poing dans la figure de Clayton pour le forcer à effacer cette vidéo, il le ferait de gaieté de cœur. Beaucoup de sentiments brusques se bousculaient en lui et il ne demandait qu’à les sortir. Voir cette vidéo l’avait mis extrêmement mal à l’aise et il avait l’impression que ces images allaient rester gravées dans son esprit. Son sérieux devait se lire sur son visage puisque Clayton finit par céder.

- Ok, je supprime. Il sortit de nouveau son Pear, l’ouvrit sur la vidéo et cliqua ostensiblement sur l’option de suppression. Elle s’effaça immédiatement de son écran. Voilà. T’es content, c’est bon ?

Andrew ne décoléra pas.

- T’es vraiment qu’un gros cognard.

Clayton prit la mouche, n’appréciant pas d’être pris à parti comme ça.

- Hé, tu me parles pas comme ça, c’est pas ma faute si toi t’as pas réussi à conclure avec elle à la soirée !

Le geste partit tout seul. Andrew repoussa Clayton avec toute sa force et ce dernier fut projeté en arrière, son dos rencontrant brusquement le comptoir de marbre. La montée en pression soudaine entre les deux jeunes hommes firent réagir leurs amis qui s’interposèrent.

- Oh, doucement, fit James en levant les mains. Calme-toi, sérieux.

Gowan, quant à lui, posa ses mains sur les épaules d’Andrew pour le faire reculer. Ce dernier se dégagea avec brusquerie, furieux.

- T’es qu’un enfoiré Clayton, et vous aussi pour trouver ça normal ! s’emporta Andrew en tournant un regard flamboyant sur James, Baen et Adarsh. Allez bien vous faire foutre, sérieux.

Andrew se détourna, poussant avec force les double-portes de la cuisine. Alors qu’il sortait, il entendit Adarsh marmonner :

- Faut qu’il se détende, hein…

Sans y prêter attention – parce que sinon, il allait vraiment devenir violent – il se dirigea vers le hall d’entrée. Il n’avait pas envie de retourner à la soirée, pour tomber sur ses potes ou pour qu’on lui demande ce qui n’allait pas. Il claqua derrière lui la porte de la maison et remonta l’allée jusqu’au portail, qui était ouvert. Une fois dans la rue, il commença à la descendre sans regarder où il allait, aussi furieux que troublé. La vidéo de Sasha tournait en boucle dans son esprit alors qu’il aurait voulu l’effacer aussi facilement que Clayton de son Pear. Qu’était-il censé faire ? En parler à Sasha ? L’appeler, là, pour lui dire qu’elle avait été filmée ? Et que Clayton leur avait montré la vidéo ?

Elle allait être bouleversée. Et furieuse. Et humiliée. Andrew n’avait pas envie qu’elle apprenne ce qui était arrivé. C’était trop horrible. En plus, la vidéo n’existait plus maintenant. Pourquoi la blesser pour quelque chose qui n’existait plus ? Dans le fond, Andrew savait qu’il n’avait pas le bon raisonnement. Mais beaucoup de sentiments contradictoires se bousculaient en lui, il n’arrivait pas vraiment à faire le point. De plus, dans toute cette contrariété qu’il ressentait, il commençait à réaliser qu’une part était destinée à Sasha. Ainsi donc, ils s’embrassaient à la soirée. Ils s’embrassaient pour la première fois. Et comme il ne couchait pas avec elle, elle se précipitait pour le remplacer par Clayton ? Les mots de ce dernier lui revinrent en tête : « complètement en manque, la meuf. »

Donc c’était juste ça ? Elle voulait juste coucher avec quelqu’un à cette soirée et il était là. Comme cela n’avait pas été lui, elle avait juste choisi quelqu’un d’autre. Ce qui était arrivé entre eux n’avait rien de particulier. Contrarié, Andrew accéléra le pas en tournant à droite, sur un petit chemin herbeux qu’il connaissait bien. On entendait les fracas de la mer contre la falaise. Il finit par arriver au bout, sur ce petit promontoire qui surmontait l’eau. Il n’y avait pas beaucoup de vent ce soir, l’air était doux et la lune illuminait la côte. Quand il tournait la tête vers la droite, il pouvait apercevoir entre les arbres les hauts poteaux de Quidditch de son propre jardin. On entendait un peu les basses de la musique qui résonnaient toujours.

Il sentit son Pear vibrer dans sa poche et crut un instant que ses amis se demandaient où il était passé. Mais c’était un message de sa mère « 22 heures 04. Il y a seize ans tout pile tu venais au monde. Joyeux anniversaire mon bébé, hâte de le célébrer avec toi. » Andrew fixa le message quelques secondes. Effectivement, c’était « tout pile » son anniversaire, comme le disait sa mère. Un autre message suivit immédiatement, de son père cette fois-ci. C’était leur coutume à tous les trois, seulement. Ils se souhaitaient toujours leurs anniversaires à l’heure pile. Son père ne le faisait pas avec ses filles ni sa mère avec son autre fils. C’était un truc de la famille Dubois – Cavill. Il prit le temps d’échanger un peu avec ses parents, regrettant pour la première fois depuis quelques années de ne pas fêter son anniversaire avec eux. Il n’avait pas vraiment envie de retourner à la soirée.

Il lui fallut une petite demi-heure pour se convaincre de repartir chez lui. Il avait pesé le pour et le contre de toute cette histoire, avait retourné toute la situation dans sa tête. Il avait également pris le temps de regretter de ne pas maîtriser assez bien le sortilège d’Oubliettes afin d’effacer cette image de Sasha en train de s’envoyer en l’air avec Clayton.

Mais en tout cas, il avait pris une décision : la vidéo n’existait plus donc il n’y avait pas de raison de blesser Sasha avec. Il allait parler à ses potes, leur dire qu’ils avaient intérêt à se taire et voilà, songea-t-il alors qu’il repartait chez lui, se préparant mentalement à donner bonne figure et à profiter de son anniversaire.

L’affaire était réglée.