Message from Home [Emily & Benedict]

6 juillet 2011

Le petit écureuil sauta de toit en toit, se faufilant discrètement entre les cheminées des immeubles, l'œil vif et l'oreille tendue. Il avançait précautionneusement, fixant la rue en contrebas avec attention. La foule était dense mais il ne perdait pas de vue son objectif. Il se glissa à l'intérieur d'un immeuble délabré par une fenêtre cassée et descendit les étages jusqu'à ce qui ressemblait à une boutique abandonnée. Il pouvait apercevoir un comptoir dans le fond de la pièce et au milieu plusieurs caisses en bois. Le rongeur se tapit dans l'ombre, s'avançant prudemment dans la pièce à la recherche d'une présence humaine ou animale mais l'endroit était parfaitement vide. Aucune odeur suspecte ou particulière. L'endroit était safe. Caché derrière le comptoir, son corps se mit à grossir, son poil se résorba et prit progressivement forme humaine.

Benedict se dépêcha de sortir l'araignée robotique signée Vargas de sa poche et la cacha dans un coin de la pièce. Totalement indétectable, résistante aux sorts, cette caméra magique était la pointe de la nouvelle technologie. Munie de pattes tel une vraie araignée, elle se déplaça dans la pièce et alla se positionner dans un angle obscur du local. Ben leva un pouce dans sa direction et reprit sa forme animagus sans traîner plus longtemps. Il sortit avec autant de précaution qu'il était entré et rejoignit le toit. Il resta immobile un instant, fixant la rue en contrebas avant de grimper sur un câble suspendu pour rejoindre l'immeuble d'en face. Il longea le rebord et rejoignit la silhouette tapis dans l'ombre d'une cheminée qui observait les allées et venues des passants.

"Yo", lâcha-t-il en reprenant sa forme humaine alors qu'il s'approchait d'Emily après s'être désillusionné. "La caméra est en place. Rien de neuf ?"

Le milicien esquissa un sourire chaleureux en direction de sa coéquipière du jour. Il ne connaissait pas beaucoup l'agent Rozenski, elle ne parlait pas beaucoup, n'était pas vraiment voir pas du tout, présente sur la conversation de groupe Milice Forever . Il n'avait jamais vraiment eu l'occasion de discuter avec elle sauf pour échanger des banalités. Il avait bien tenté de briser la glace avec une blague un peu nulle sur le temps mais elle n'avait pas accroché alors il avait un peu laissé tomber. L'attente allait être trèèèès longue. Il espérait que les trafiquants de baguettes allaient bientôt se pointer qu'ils puissent rentrer au plus vite. Il avait une blague à raconter à Angus et il n'avait pas eu l'occasion de le croiser pour la lui soumettre.

Il allait tenter d'engager la conversation quand son Pear se mit à vibrer dans sa poche. Il fronça les sourcils et activa son oreillette pour prendre l'appel. Peut-être que c'était Emrys qui voulait leur fournir des informations sur le dossier. Il écarquilla donc les yeux de surprise quand la voix de Capucine emplit son oreille. Il se décala de quelques pas pour s'éloigner et prendre la communication. Pourquoi est-ce que la directrice de la crèche l'appelait ? Il avait pourtant insisté pour qu'ils ne le contactent qu'en cas d'extrême urgence. Plusieurs scénarios commencèrent à germer dans son esprit et la panique s'insinua doucement en lui.

"Monsieur Young ?"

"Oui ?"

"Navrée de vous appeler, j'espère que je ne vous dérange pas."

Ben haussa un sourcil et retint une remarque cinglante. Et bien si, elle le dérangeait un peu, si. Il était un peu occupé là, c'était d'ailleurs pour cette raison qu'il mettait ses enfants à la crèche. Il jeta un léger coup d'œil vers Emily et lui adressa un sourire désolé.

"Et bien... si un peu pour être honnête."

Capucine ne sembla pas s'attendre à autant de franchise et un blanc se fit entendre de l'autre côté de la ligne. Le milicien se racla la gorge et la directrice sembla reprendre ses esprits.

"Il faudrait que vous veniez chercher vos enfants, Rowena et Godric ne sont pas bien du tout. Je pense qu'ils ont de la température. Ils dorment pour le moment mais je pense qu'il serait judicieux de les emmener voir un médicomage."

Un soupir échappa à Benedict alors qu'il fermait les paupières.

"Vous ne pouvez vraiment pas les garder ? S'ils dorment ? Je vais avoir du mal à me libérer..."

"Non", claqua sèchement la voix. "Nous ne pouvons pas faire de favoritisme sous prétexte que vous êtes milicien. La politique est la même pour tout le monde. On ne s'en sortirait pas autrement. Les enfants sont malades, ils doivent rentrer chez eux. Nous n'avons pas la capacité de les accueillir."

Les lèvres de Ben se pincèrent d'agacement et il soupira une nouvelle fois, embêté.

"Je vais faire au mieux."

"Parfait !"

Le silence se fit dans son oreille et il revint vers Emily, soucieux. Il avait bien vu que Rowena avait eu plus de mal à se réveiller que les autres matins et que Godric était anormalement grincheux, mais il s'était dit que ça allait passer. Visiblement, ce n'était pas passé. Pas du tout même. Il jeta un coup d'œil à la rue passante, remerciant le ciel que tout soit calme et osa poser le regard vers Emily vraiment embêté par la situation.

"C'était la crèche", commença-t-il en désignant son Pear. "Les petits sont malades et ils veulent que j'aille les chercher. Est-ce que ça t'embête si je te laisse seule une petite demi-heure ? Le temps de les déposer chez ma mère. Je fais au plus vite. Je suis vraiment désolé de te demander ça, Emily."

Il détestait se trouver en défaut et devoir mettre sa coéquipière dans une situation peu confortable. S'ils étaient en binôme à la base, c'était qu'il y avait une raison et l'idée de la laisser seule ne serait-ce que quelques minutes le gênait. Ce n'était absolument pas professionnel. D'un autre côté, il n'y avait personne d'autre qui pouvait aller les récupérer pour lui. La crèche était très stricte, seuls les parents avaient le droit de déposer ou de récupérer les enfants, sauf autorisation exceptionnelle qui devait être remise la veille au plus tard. Or, il n'avait pas pu prévoir que les enfants tomberaient malades, il était donc dans l'obligation de les récupérer en personne.

C'était une de ses missions qui aurait été particulièrement désagréable en plein mois de novembre sous une plue battante, mais qui était plutôt bienvenue en cette chaude journée de juillet. Le soleil avait déjà entamé sa course dans le ciel et ses rayons venaient réchauffer les toits des immeubles du Chemin de Traverse. Dissimulée dans l'ombre d'une cheminée, invisible depuis l'artère commerçante, Emily guettait l'écran de son Pear. Elle était censée y voir d'ici peu les images captées par la caméra que son binôme était chargé d'installer dans une boutique désaffectée, juste en face de l'immeuble sur lequel elle était postée. Ils essayaient de remonter à la source de ce trafic de baguettes depuis des semaines, et une transaction devait avoir lieu dans l'après-midi, d'après leurs informateurs. Grâce à la caméra, ils pourraient obtenir tous les renseignements dont ils avaient besoin, et intercepter les deux individus dès qu'ils sortiraient de la boutique.

La milicienne esquissa un bref sourire satisfait quand l'intérieur de la boutique apparut finalement sur son écran. La pièce semblait pour le moment uniquement occupée par son jeune collègue, qui leva un pouce en direction de l'araignée-caméra, dont les images étaient également envoyées en direct à l'unité de renseignements de la Milice. Emily le vit reprendre sa forme animagus et quitter les lieux, et guetta son arrivée sur le toit en suivant des yeux le petit écureuil roux. Elle avait été impressionnée par cette faculté de Benedict, très utile dans leur métier, et avait noté avec amusement la forme de son animagi, qui était également celle de son propre patronus.

Elle accueillit son collègue avec un signe de tête alors qu'il la rejoignait après avoir repris forme humaine et s'être désillusionné. Elle ne connaissait pas très bien le jeune milicien et avait simplement pu constater qu'il était plutôt du genre bavard, et du genre à partager l'humour d'Angus. Ce n'était pas exactement des qualités qu'elle appréciait, mais elle ne voulait pas le juger trop vite. En ce qui la concernait, Benedict pouvait se révéler être un collègue aussi professionnel et discret que cette mission de surveillance l'exigeait.

Elle tourna toutefois la tête vers le jeune homme en fronçant les sourcils quand son Pear se mit à vibrer -pour la discrétion, on repasserait- et l'observa s'éloigner pour prendre l'appel, qui venait peut-être du bureau, avant de reporter son attention sur la rue en contrebas. Il ne se passa qu'une minute avant que son jeune collègue ne revienne vers elle, l'air embêté. Ce n'était pas le bureau mais la crèche qui venait de l'appeler. Ses enfants étaient malades et il devait aller les chercher. Emily soupira, elle avait connu ce genre de situation et elle savait à quel point cela pouvait être pénible. Et encore, elle avait toujours plus ou moins pu compter sur Richard pour la relayer de temps de temps dans ces cas là. Elle avait appris que la femme de Benedict était dans le comas depuis l'attentat de la Marchebank et ne pouvait pas imaginer à quel point cela devait être difficile pour lui de gérer cette situation, et de s'occuper seul de ses deux enfants.

Emily fut prise de compassion pour son coéquipier en imaginant sans mal la culpabilité qu'il pouvait ressentir. S'il mettait trop longtemps à aller chercher ses enfants malades, il était un mauvais parent et s'il la plantait là il passait pour un mauvais officier. Pourtant il n'y avait qu'une seule bonne réponse face à ce genre de situation et elle tenait à rassurer son collègue sur le fait qu'il n'avait pas à être embarrassé de faire passer ses enfants avant son boulot.

"T'en fais pas pour ça, vas-y, l'encouragea-t-elle. Il ne devrait rien se passer dans la prochaine demi-heure, ajouta-t-elle en baissant les yeux vers la rue commerçante, encore calme. Les trafiquants font encore la grasse matinée à cette heure-ci, ajouta-t-elle avec un sourire tranquille. Je peux gérer."

Elle était confiante quant au fait que la transaction n'aurait certainement pas lieu tout de suite et, dans le pire des cas, elle se savait capable d'interpeler les deux individus, d'autant plus qu'elle pourrait compter sur l'effet de surprise.

La réponse favorable d'Emily lui tira un sourire de soulagement et de gratitude, il se doutait parfaitement qu'elle était capable de gérer la situation seule mais il espérait sincèrement qu'elle n'aurait pas à le faire. Surtout parce qu'il ne voulait pas avoir à répondre de son absence devant ses supérieurs si la question venait à être posée mais aussi parce qu'il n'était pas du genre à abandonner ses coéquipiers dans les moments critiques.

"Je fais au plus vite", conclut-il en commençant déjà à reculer de quelques pas, prêt à partir. "Merci énormément, Emily. Je te revaudrais ça."

Il lui adressa un dernier sourire désolé et reconnaissant à la fois avant de disparaître, transplanant au milieu du hall bondé du Ministère de la Magie. Il traversa au pas de course jusqu'à la crèche, composant le numéro de sa mère en même temps. Elle décrocha à la première tonalité et il souffla de soulagement, elle était chez elle. Il expliqua en deux mots la situation tout en lui demandant si elle pouvait accueillir les jumeaux pour lui. Il raccrocha alors qu'elle acceptait sa requête et c'est légèrement essoufflé qu'il passa les portes de l'endroit surchauffé et remplit de voix d'enfants. Son regard parcourut la pièce à la recherche du visage de ses enfants mais il ne trouva que Capucine en grande conversation avec petit garçon et son doudou licorne. Benedict se racla la gorge et esquissa un sourire poli avant de s'avancer vers la directrice.

"Je viens chercher Rowena et Godric."

Les mains dans le dos, il attendit patiemment que la femme se tourne vers lui.

"Ravie que vous ayez pu vous libérer, Monsieur Young", s'exclama-t-elle cynique. "Les enfants sont dans le dortoir."

Elle lui fit signe de la suivre jusqu'à une pièce plongée dans l'obscurité, elle alluma une petite veilleuse en forme de luciole et l'invita à aller réveiller ses enfants endormis. Ben s'accroupit et caressa tendrement les boucles châtains de sa fille.

"Ma puce ?", appela-t-il doucement. "Réveille-toi, chérie. Papa est là."

Un sourire tendre se dessina sur ses lèvres devant l'air endormi de Rowena et l'aida à se redresser pour lui enfiler son manteau. Il se tourna ensuite vers Godric profondément endormi, il passa une main dans les cheveux de son fils et entreprit de le réveiller en douceur comme pour sa sœur. L'opération s'avéra plus fastidieuse au moment de lui enfiler son manteau, le petit garçon étant grincheux et totalement réfractaire à l'idée de mettre son vêtement.

"Veux pas !", chouina-t-il en le repoussant de ses petites mains de bébé. "Ayête !"

Mais Benedict ne prit pas les protestations de son fils en compte et lui mit son manteau de force. Il le prit ensuite dans ses bras, craignant dans un premier qu'il se débatte mais Drichou était visiblement trop faible pour faire autre chose que gémir de mécontentement. Il le cala donc contre son épaule gauche et réceptionna Rowy contre son épaule droite lorsque Constantine lui tendit la petite. Elle lui adressa un faible sourire d'excuse et le suivit jusqu'à la sortie. Il ne mit pas longtemps à retourner dans le hall du ministère et transplana juste devant la porte de la maison de son enfance. Il n'eut pas besoin de frapper à la porte que Martha lui ouvrait un sourire doux.

"J'ai fait leurs lits là-haut si tu veux", indiqua-t-elle. "Je les emmènerais chez le pédiamage dans l'après-midi"

"Merci, maman", remercia-t-il tout en conduisant ses enfants à l'étage. "Je passerai les récupérer ce soir."

Il coucha les jumeaux dans leurs petits lits après leur avoir retiré leurs manteaux et embrassa leurs fronts brûlants de fièvre. Il descendit l'escalier quatre à quatre et embrassa sa mère sur la joue avant de quitter la maison, légèrement rassuré. Les petits étaient entre de bonnes mains, il allait pouvoir se concentrer pleinement sur sa mission du jour. Il transplana aux abords de l'immeuble qu'il avait quitté un peu plus tôt et se désillusionna avant de rejoindre Emily qui ne semblait pas avoir bougée depuis qu'il était parti.

"Je suis de retour", souffla-t-il en se positionnant à ses côtés. "Encore merci, Emily. Et désolé d'avoir dû partir comme ça au milieu de l'opération.", s'excusa-t-il une nouvelle fois avec une moue désolée. "Du mouvement pendant mon absence ?"

Ben espérait sincèrement que la réponse de sa coéquipière serait négative. Il culpabilisait déjà assez comme ça d'avoir dû la laisser seule.

Il se passa plusieurs minutes avant qu'un premier individu ne s'approche de la boutique désaffectée d'une façon qu'il espérait certainement discrète -vêtement sombre, pas pressé, tête baissée. De son poste d'observation, Emily put le voir jeter un rapide regard autours de lui avant de se glisser agilement par une fenêtre du bâtiment. Elle le vit alors apparaitre sur l'écran de son Pear et s'empressa de zoomer sur sa tête pour tenter de le reconnaitre, sans succès. Elle prit plusieurs photos qu'elle envoya aussitôt aux renseignements afin qu'ils puissent lancer les recherches. L'individu tournait en rond, les mains enfoncées dans les poches de son sweat. Il semblait attendre quelqu'un et n'avait visiblement pas repéré l'araignée-caméra lors de son inspection sommaire de la pièce.

Concentrée sur l'écran de son Pear, Emily jetait de fréquents regards en contrebas pour surveiller une éventuelle autre arrivée. Elle avait affirmé qu'elle saurait gérer la situation, et elle s'en pensait toujours capable, mais elle aurait toutefois préféré que son collègue revienne avant le début de l'intervention.

Concentrée sur ce qui se passait en bas et à l'intérieur de la boutique, la milicienne sursauta et manqua de lâcher son Pear en entendant des bruits de pas sur la toiture derrière elle. Elle pivota sur ses talons, sa baguette à la main et son regard distingua une légère variation dans le paysage qui ne pouvait venir que d'une silhouette désillusionnée. En l'occurence celle de Benedict, qui lui annonça être de retour. Il lui avait fait peur, alors qu'elle avait sa baguette à la main et son arme à feu coincée à l'arrière de sa ceinture. C' était un jeu dangereux. Elle souffla et ses muscles se relâchèrent face à l'absence manifeste de danger alors qu'elle baissait sa baguette.

"T'es pas passé loin d'un Stupéfix, tu sais ? lâcha-t-elle en remarquant malgré elle que si Benedict avait été un adversaire, il aurait largement eu le temps de l'attaquer avant qu'elle ne se retourne. Pas grand chose, répondit-elle quand il l'interroge sur l'évolution de la situation. Un premier gars est arrivé. Elle lui tendit son Pear pour lui montrer les images captées par la caméra. Il a l'air d'attendre quelqu'un mais aucun signe d'une deuxième personne pour l'instant. T'inquiète, répéta-t-elle quand il s'excusa à nouveau d'avoir du quitter son poste. Les enfants avant le boulot, récita-t-elle comme un mantra, qu'elle savait ne pas avoir toujours suivi. Ils ont quel âge ?"

Ils étaient encore à la crèche donc vraisemblablement en bas âge. Emily questionnait rarement ses collègues sur leur vie privée -en grande partie parce qu'elle n'avait pas envie d'être interrogée en retour, mais celle de Benedict venait de faire irruption dans leur mission, aussi estima-t-elle qu'il ne jugerait pas sa question déplacée. Et puis ils semblaient partis pour attendre un petit moment sur ce toit, alors autant discuter un peu, d'autant plus qu'ils avaient au moins un point commun : des enfants qui avaient un don pour tomber malades au pire moment.