Le Deal du moment :
Pokémon EV06 : où acheter le Bundle Lot ...
Voir le deal

Baby, try to understand [Roy & Avalon]

Avalon Calder
Avalon CalderChef de la milice
Messages : 693
Profil Académie Waverly
Baby, try to understand [Roy & Avalon] Icon_minitimeLun 19 Oct 2020 - 19:01
20 avril 2011

Avalon avait quitté le ministère sur les coups de quinze heures, après une énième réunion avec d’énièmes politiciens à l’esprit aussi aiguisé qu’un galet. Danielle l’avait prévenu, pourtant, lorsqu’elle avait nommé chef des Renseignements : la politique faisait désormais entièrement partie de son métier, et elle ne pouvait pas y couper. Elle devait batailler bec et ongle pour obtenir la moindre subvention supplémentaire pour son service et ne comptait plus le nombre de fois où on avait souligné le budget exorbitant injecté dans les Renseignements alors qu’aucun résultat n’était rendu public, donc visible. La jeune femme avait eu beau expliquer que tout l’intérêt de son service était de maintenir un certain secret sur les informations qui s’y traitaient, certains avis restaient similaires : pas de résultat tangible, palpable signifiait donc pas d’utilité, et donc pas de budget supplémentaire à allouer à ce service. Et, si Danielle affichait dans ces réunions une détermination froide, celle d’Avalon – si elle était toute aussi implacable – était également bien plus farouche. Or, les hommes politiques âgés d’une soixantaine d’années – ceux qui, au pire refusaient tout bonnement l’utilisation de n’importe quelle nouvelle technomagie, au mieux écrivait chaque message comme une véritable petite lettre – n’appréciaient que très moyennement de traiter avec elle, jeune femme – née-moldue de surcroît, donc étrangère à toutes les coutumes magiques – à la volonté sans faille. En d’autres termes, Avalon ne se faisait pas beaucoup d’amis parmi les hautes sphères du ministère.

En étant profondément honnête, cet aspect de son métier était profondément déplaisant, et elle comprenait bien mieux pourquoi Danielle entrait parfois dans des colères noires envers l’administration du ministère. Cette impression d’avoir à négocier chaque mornille et chaque poste supplémentaire était particulièrement épuisante et surtout très chronophage. Avalon avait cependant l’immense chance de pouvoir compter sur Danielle qui, du haut de son poste de directrice de la justice magique, gardait toujours un œil sur la milice et appuyait quasiment immédiatement ses demandes. Parfois, Avalon et Danielle quittaient de longues réunions budgétaires ensemble ; Avalon fulminait, râlait au détour d’un couloir. « Je ne comprends pas pourquoi ils persistent à faire des réunions pour nous parler des mêmes choses, alors qu’on défend les mêmes positions depuis des mois ? » Danielle esquissait un sourire qui ne se voyait qu’à peine sur ses lèvres. « C’est leur métier, de brasser de l’air. »

Avalon était donc heureuse d’avoir libérer la fin de son après-midi pour se rendre aux Folies Sorcières car si, pour une fois, elle n’y allait pas pour boire un verre avec ses plus proches amis, elle doutait que sa rencontre avec Roy puisse être aussi insupportable. Ses pas habitués l’avaient conduit jusqu’à l’immense casino qui surplombait la mer. Elle avait salué le vigil à l’entrée, avait étreint Finn qu’elle avait croisé dans le hall, et s’était dirigé vers le bureau de son ami, qui l’avait reçu avec une ponctualité qui ne l’étonnait même plus – car, pour le coup, Avalon était sérieusement adepte du quart d’heure de politesse (qu’elle pratique même lorsqu’elle recevait des gens chez elle, ce qui était véritablement problématique lorsqu’ils arrivaient à l’heure, et qu’elle était encore en train de s’habiller).

Avalon et Roy s’étaient salués d’un sourire qu’elle avait trouvé éteint chez son ami – chose qu’elle avait remarqué plusieurs fois ces derniers jours – et s’étaient assis d’une part et d’autre du large bureau du mafieux pour évoquer les accords qui liaient la milice aux Veilleurs. Avalon avait récupéré cet épais dossier avec sa nomination aux Renseignements et, mis à part cet épisode d’agression qui l’avait conduit à envoyer Declan Doherty à Azkaban, les relations entre les deux groupes n’avaient jamais été aussi fluides. L’œil que les Veilleurs gardaient sur le marché noir était particulièrement utile à Avalon, qui tentait en ce moment de remonter la piste des résistants qui s’y fournissaient.

Lorsqu’ils étaient arrivés au bout des points qu’ils avaient à aborder ensemble, leur conversation avait naturellement dérivée sur des sujets plus personnels, et Roy avait fini par leur verser deux verres, qui étaient à ce stade toujours remplis. Une remarque son ami lui tira un sourire, et elle posa sur lui un regard amusé, croisant ses yeux qui, s’ils s’étaient éclairés, semblaient teintés par une préoccupation qui ne le quittait plus depuis quelques semaines et qu’elle ne comprenait pas. Difficile de ne pas constater que Roy était moins présent, qu’il se laissait moins aller à un éclat de rire, comme s’il était sur une réserve que personne ne lui connaissait. Avalon l’avait interrogé à ce propos quelques jours plus tôt, lorsqu’ils s’étaient croisés. Elle lui avait demandé, le regard soucieux, si tout allait bien. Il avait vaguement évoqué sa famille, et elle n’avait pas insisté. Leur discussion tournait autour d’un sujet plus simple, sur lequel elle s’empressa de rebondir :

« C’est hors de question que j’accepte de monter derrière Toni sur son balai. Je sais déjà de quoi il est capable lorsque son véhicule touche la terre alors je ne veux même pas imaginer ce qu’il peut faire dans les airs. » Elle secoua la tête. « Plutôt mourir avant. »

Ou plutôt mourir que d’admettre qu’elle détestait voler sur un balai – en même temps, elle avait passé dix ans de sa vie à utiliser des balais pour, hé bien, balayer le sol. Son cerveau n’avait pas du tout intégré qu’elle pouvait désormais voler avec.

Elle s’apprêtait à ajouter quelque chose, lorsque son téléphone – qu’elle avait laissé allumer pour pouvoir être joignable par ses agents – s’éclaira. Un coup d’œil vers ce dernier lui indiqua qu’elle recevait un appel de sa sœur, Célice, qu’Avalon rejeta. Evidemment, il en fallait bien plus pour décourager sa petite-sœur, qui la rappela immédiatement. Avalon soupira, saisit son téléphone et lança un « J’en ai pour deux minutes, attends. » à Roy, avant de se lever pour décrocher.

« Oui ? » fit-elle.
« Pourquoi t’as pas décroché la première fois ? » demanda immédiatement Célice – charmante, comme toujours.
Parce que je suis au travail ? » Demi-mensonge, mais aussi demi-vérité.
« Ah. » Célice garda le silence un instant. « Ouais bah tiens justement je t’appelle pour ça. »
« Mon travail ? »
« Nan, le mien. Mon patron me fait bosser demain soir. »
« Et ? » Avalon voyait parfaitement où elle voulait en venir.
« Eeeet j’ai personne pour garder Elio. » Un court silence passa. « Tu peux le prendre chez toi ? »
« Ben voyons. » Avalon soupira. « Il t’a dit quand ton patron que tu devais bosser demain soir ? »
« Y a pas longtemps ! » Avalon secoua la tête et ne répondit rien. « Lundi peut-être. »
« Mais jamais tu veux me prévenir de ça avant ? Hé je suis pas ta baby-sitter Célice, tu fatigues. »
« Ohh, c’est bon ! C’est toi qui dis toujours qu’on peut compter sur toi hein. Puis tu sais que c’est difficile de m’organiser pour faire garder Elio avec mes horaires ! Alleeeez, je te le dépose demain soir et je le récupère le lendemain matin… »
« Ouais, ouais, ok. » Avalon, de toute façon, finissait toujours par céder. « Tu seras là vers quelle heure ? »
« Dix-neuf heures max’ ! » Célice se fendit d’un rare : « Merci Av’, tu me sauves la vie. » Et raccrocha.

Evidemment. Célice ne l’appelait que pour lui demander de s’occuper de son fils – âgé de trois ans – parce qu’elle avait de véritables difficultés à jongler entre son travail de danseuse dans un strip-club et sa vie de maman d’un petit garçon qui était, de surcroît, un peu turbulant.

Avalon se laissa tomber sur le fauteuil qu’elle occupait quelques secondes auparavant, et lâcha, avec un sourire d’excuse :

« Excuse-moi, c’était ma sœur qui me prend pour sa baby-sitter attitrée depuis la naissance de son fils. »


Avalon Calder

It's your love that's weighted in gold

KoalaVolant
Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
Messages : 2891
Profil Académie Waverly
Baby, try to understand [Roy & Avalon] Icon_minitimeLun 19 Oct 2020 - 23:21
Roy avait décidé de ne parler de son petit problème qu’à très peu de personnes. Il était petit en cela qu’à trois mois de grossesse, il ne mesurait même pas dix centimètres pour trente grammes, mais très bientôt, il allait être un gros problème de quatre kilos et sortir du vagin de Joséphine Lavespère dans beaucoup de cris et de sang. Exposer ce problème à Jayce en premier avait été un réflexe. En discuter avec Fergus avait été un choix tout aussi logique, un peu plus stratégique compte tenu des points communs que les situations à tous les deux présentaient. Assez naturellement, Roy avait fini par en parler avec Toni, de manière plus évasive, plus pour lui expliquer le changement de son humeur et de sa concentration et obtenir un peu de réconfort, que réellement pour avoir des conseils de paternité de sa part : s’il y avait bien un sujet totalement étranger à Toni, c’était celui-ci.

Isobel était l'autre personne à qui Roy avait parlé, assez longuement et il sentait qu’ils en reparleraient certainement dans les jours à venir. Si Fergus pouvait l’éclairer sur le rôle et le ressenti d’un père, Isobel, elle, était la seule à pouvoir lui parler de Joséphine et l’informer sur ce que cela signifiait de grandir à la Nouvelle-Orléans, dans un coven de sorcières, parmi les Lavespère. Il sentait que cet environnement pouvait influencer beaucoup de choses et n’était pas négligeable dans la vie de ce futur bébé qu’il avait encore du mal à appréhender comme le sien, véritablement. Pour l’instant, ce cadre n’était pas trop de nature à le rassurer.

Mais rien n’était rassurant dans cette histoire. Plus Roy y réfléchissait, plus il avait l’impression de cerner de nouvelles dimensions à ce rôle qui se présentait à lui. Dans ce magma d’informations, il peinait encore à faire le tri entre ce qui lui déplaisait parce qu’il n’en avait pas envie et ce qui l’inquiétait parce qu’il ne s’en sentait pas capable. Il s’efforçait de faire cette introspection, quand il n’était pas occupé à faire semblant que tout allait bien face aux autres, exercice dans lequel il n’était visiblement pas parfait puisqu’il avait récolté quelques remarques. Un « t’as l’air d’avoir vu un fantôme » de la part de sa soeur. Un « tout va bien ? » de la part d’Avalon.

Roy gardait le silence, pas persuadé que c’était une bonne idée de parler d’un enfant qui n’allait peut-être jamais exister dans sa vie à sa famille ou à la femme qu’il… qu’il ne savait pas trop ce qu’il essayait de faire avec elle mais l’idée d’annoncer à Avalon qu’il avait mis enceinte une amante ne lui paraissait vraiment pas arriver dans un bon timing. Il avait l’étrange impression que cela risquait de faire éclater la petite bulle dans laquelle ils étaient tous les deux et plus que jamais, Roy avait plutôt besoin de s’accrocher à ce qui lui procurait du réconfort dans sa vie : ses moments avec Avalon en faisaient partie.

Son entrevue avec elle, d’abord professionnelle, glissa donc assez facilement et naturellement vers des sujets plus anodins et personnels, qui alimentèrent une conversation sans prise de tête, distrayante, parfaite pour changer les idées noires du mafieux. Il s’amusait de la répartie d’Avalon, profitant pleinement des quelques minutes qu’elle lui accordait avant de devoir retourner travailler.

« Ecoute, ton instinct est bon, Toni est dix fois pire sur un balai. Je veux dire, il a littéralement un espace infini pour faire des folies. »

Roy n’était pas quelqu’un qui avait le mal de l’air ou un inconfort physique à l’idée de faire des frasques, c’était même plutôt le contraire : amoureux de l’adrénaline, il avait déjà cherché à s'en procurer par tous les moyens, et cela avait déjà inclus des choses aussi folles que des sauts en parachute avec Irina -qui était tout autant en quête de sensations fortes, si ce n’était plus. Mais vraiment, il y avait des choses qui lui rappelaient que peut-être il pouvait mourir, et voir Toni voler sur un balai en faisait partie.

Il n’avait donc aucun mal à comprendre les réticences d’Avalon et il s’en amusa un instant avec elle, jusqu’à ce qu’ils soient interrompus par un appel insistant. Cette scène où elle recevait un coup de fil de la part d’un de ses frères et soeurs quémandant un service était si fréquente, qu’elle commençait presque à être un running gag. Roy ne s’en étonna pas outre mesure et la laissa passer son appel, sans pouvoir s’empêcher d’être attentif à ce qu’elle disait. Quand elle revint avec un commentaire ironique, il sut qu’il avait à peu près deviné ce qui se passait. Sans montrer que le sujet enfant résonnait désormais chez lui d’une manière bien particulière, il passa outre ce petit pincement dans son ventre et réagit avec l’humour qu’on attendait de lui :

« Je peux configurer ta messagerie vocale pour eux, si tu veux. Avalon Davies, services en tout genre, baby-sitting, conseillère en amour, prêts banquiers… énuméra t-il en souriant, le regard néanmoins sérieux. Ça te fatigue pas, à force ? »


Roy Calder

Walking on the sunny side

KoalaVolant
Avalon Calder
Avalon CalderChef de la milice
Messages : 693
Profil Académie Waverly
Baby, try to understand [Roy & Avalon] Icon_minitimeMar 20 Oct 2020 - 10:51
De façon récurrente, l’écran du Pear One d’Avalon s’éclairait, signe qu’elle recevait un appel. Souvent, son regard croisait le nom de l’un de ses nombreux frères ou de l’une de ses nombreuses sœurs. Avec le temps, Avalon avait appris à distinguer les différents motifs qui poussaient sa fratrie à l’appeler, si bien qu’elle parvenait à les déceler avant même de décrocher. Néro était souvent en garde-à-vue, Célice cherchait désespérément quelqu’un pour garder son fils, Yvain avait besoin d’argent, Morgane vivait une énième peine de cœur et cherchait à s’épancher auprès d’elle. Avalon avait beau leur faire remarquer, à plusieurs reprises, qu’elle ne pouvait pas se tenir à leur disposition, les enfants Davies avaient cela en commun qu’ils étaient tous particulièrement butés – elle la première – et ne se laissait que très peu impressionnés par de tels commentaires. L’appel de Célice en était le parfait exemple : elle aurait pu l’appeler six fois de suite, jusqu’à ce qu’elle se décide à lui répondre.

Malgré cela, au fil des années, Avalon avait aussi appris à faire le tri dans ces appels impromptus, et surtout à les hiérarchiser par ordre de priorité. Elle n’avait plus aucun contact avec Néro depuis ce violent conflit qui les avait opposé quelques mois plus tôt – elle avait eu quelques nouvelles par Galaad, mais à part cela, les deux aînés s’ignoraient superbement. Par principe, elle répondait toujours à ses frères et sœurs qui étaient encore mineurs – surtout Morgane donc, parce que Garlan ne l’appelait jamais et que Vivianne ne pouvait la contacter que lorsqu’elle utilisait le téléphone de leurs parents, ou lorsqu’elle subtilisait celui de son frère aîné. Yseut ne la contactait que très rarement – parce qu’elle avait toujours peur de déranger – et quant à Yvain, elle filtrait généralement ses appels qui étaient toujours plus ou moins intéressés. Restait donc Galaad – avec qui elle avait des contacts réguliers – et Célice.

Dire qu’Avalon et Célice ne s’étaient jamais vraiment entendues n’était pas tout-à-fait vrai ; leurs caractères respectifs étaient tout simplement incompatibles. A part ce trait commun à la plupart des enfants Davies qui leur conférait un tempérament fort et obstiné, les deux sœurs se ressemblaient comme le jour et la nuit. Là où Avalon était très entière, Célice était beaucoup plus à même de dissimuler ses émotions face aux autres. Quand l’aînée était très franche, la cadette, à l’inverse, avait rapidement compris que la ruse la mènerait bien plus loin, et bien plus facilement. Ces différences menaient généralement à des incompréhensions mutuelles. Avalon avait toujours considéré Célice comme une véritable peste, quand cette dernière songeait à sa sœur aînée comme une personne impulsive, incapable de faire preuve de mesure, et profondément égoïste.

Elles s’étaient rapprochées lorsque Célice, trois ans plus tôt – alors âgée de vingt-trois ans – était tombée enceinte d’un homme avec qui elle avait connu des relations tumultueuses pendant plusieurs mois. Avalon ne l’avait jamais rencontré, savait simplement qu’il était italien, ne parlait que quelques mots d’anglais, et avait rencontré sa sœur dans le club où elle dansait, en périphérie de Londres. Ils avaient vécu une relation placée sous le signe d’une jalousie maladive autant de la part de sa sœur que de celle de son compagnon, qui s’était terminée le jour où Célice lui avait annoncé sa grossesse. A peine entrée dans l’âge adulte, Célice s’était retrouvée, seule, face à une décision qui lui était à ce jour imposée, puisqu’elle s’était rendue compte bien trop tard de sa grossesse pour envisager un avortement. Elle avait longtemps émis le souhait d’accoucher son X, avant de se raviser lors de son huitième mois de grossesse : cet enfant, le sien, elle le garderait. Pendant ces quelques mois, les relations entre Avalon et sa sœur s’étaient drastiquement apaisées. Célice avait raison ; Avalon lui avait répété, plusieurs fois, qu’elle pourrait compter sur elle quelle que soit sa décision finale. Lorsqu’Elio était né, la jeune femme avait réitéré cette promesse – maligne comme elle l’était, ne l’avait jamais oublié, et se chargeait de le lui rappeler.

Difficile, dans ce cas, d’ignorer les appels de sa sœur. Ses horaires de travail étaient en effet difficilement compatibles avec une vie de famille, et Célice n’avait pas les moyens de rémunérer une baby-sitter. Elle avait récemment quitté l’appartement familial dans lequel elle avait emménagé après la naissance d’Elio, et tout son salaire passait dans les paiements de son loyer. Elle demandait parfois de l’aide à une amie dont elle était très proche, à Galaad qui gardait parfois son neveu, mais c’était souvent vers Avalon qu’elle se tournait. Il était délicat, pour cette dernière, de refuser la garde de son neveu de la même manière qu’elle refusait de prêter de l’argent à son petit-frère ; il y avait de toute évidence un être humain en jeu. Un être humain âgé de trois ans, d’une innocence encore touchante, qui n’avait rien demandé à personne. Alors, de façon plus ou moins régulière, Avalon recevait chez elle Elio, un petit-garçon très – trop ? – éveillé aux boucles brunes et aux grands yeux noirs.

Le commentaire de Roy sur sa fratrie lui tira un sourire, et la ramena fugacement à cette nuit où elle s’était ouverte à lui sur ce sujet. Sa question, quant à elle, lui fit hausser les épaules.

« Si. » admit-elle, avant d’ajouter : « Après, en vérité, ça fait bien longtemps que j’ai arrêté de leur répondre à chaque fois. » A vrai dire, elle s’était même drastiquement éloignée de sa famille ces dernières années, encore plus depuis qu’elle avait pris la tête de la milice. Si elle rendait quelques services à ses frères et à ses sœurs, il y avait bien longtemps qu’elle n’avait pas passé avec eux de véritables moments familiaux. La dernière fois où elle avait mis les pieds dans l’appartement de ses parents, c’était lorsqu’elle avait été récupérée Vivianne, deux semaines plus tôt. « Mais Célice, ce n’est pas vraiment la même chose. » finit par confesser Avalon. « Elle est tombée enceinte quand elle avait vingt-trois ans et le mec s’est barré quand il a su donc… » La jeune femme secoua la tête. « Elle est toute seule avec Elio, elle bosse de nuit, alors quand elle est en galère, je le prends chez moi une nuit. » Avalon reposa son Pear sur le bureau de Roy, en attrapa le verre qu’il lui avait servi : « C’est pas l’idéal mais bon, je crois qu’elle fait du mieux qu’elle peut. Et puis, » conclut-elle, sourcils haussés par le dédain, « elle a pas été vraiment aidée non plus. »




Avalon Calder

It's your love that's weighted in gold

KoalaVolant
Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
Messages : 2891
Profil Académie Waverly
Baby, try to understand [Roy & Avalon] Icon_minitimeMer 21 Oct 2020 - 21:53
« En même temps avec huit frères et soeurs qui comptent sur toi pour les sortir de leurs galères, si tu te mettais à répondre à chaque fois, je pense que tu deviendrais folle » commenta t-il, en jouant distraitement avec le verre qu’il tenait à la main.

Roy concevait parfaitement l’espèce de gratification qu’on pouvait ressentir à rendre service à son plus jeune frère ou sa soeur, ou les tirer d’un mauvais pas, pour l’éprouver lui-même quand cela lui arrivait. Les choses avaient changé depuis qu’il s’était éloigné de sa famille pour mener ses affaires clandestines, mais plus jeune, il se souvenait avoir recherché cette place auprès d’eux. Il pouvait à peu près comprendre et deviner ce qu’Avalon tirait de cette implication auprès de sa fratrie, qui ne cessait de la solliciter, parfois abusivement : l’impression d’être utile, d’être présente, malgré tout ce dont elle pouvait se sentir coupable par ailleurs.

Il garda ses pensées pour lui, préférant écouter ce qu’elle avait à lui dire sur sa soeur qu’elle venait d’avoir au téléphone. Très vite, contrairement à toutes les précédentes fois où Avalon lui avait raconté des choses sur sa famille, Roy sentit une espèce de malaise s’insinuer en lui, dont il devinait très bien l’origine. Cela n’avait rien à voir avec son amie, ou cette pauvre Célice qui semblait vivre une situation difficile. Malgré lui, ce récit faisait écho chez lui à la situation qu’il vivait lui même actuellement, dans un relatif secret connu de seulement quelques personnes. Mais Avalon n’en savait rien, et c’était mieux qu’elle ne sache pas, se répéta t-il. Il s’écoula un certain silence, le temps que Roy eut besoin pour enfouir les émotions un peu désagréables qu’il sentait se manifester chez lui et répondre avec la neutralité qui s’imposait :

« Elle est toute seule avec le gamin, t’es la seule à l’aider ? »


Roy Calder

Walking on the sunny side

KoalaVolant
Avalon Calder
Avalon CalderChef de la milice
Messages : 693
Profil Académie Waverly
Baby, try to understand [Roy & Avalon] Icon_minitimeJeu 22 Oct 2020 - 0:29
Il y avait quelques sujets particulièrement sensibles chez Avalon parce qu’ils résonnaient fortement en elle, tant et si bien qu’elle avait des difficultés à les traiter avec un recul suffisant. Des sujets qui, forcément, faisaient écho à des éléments douloureux de sa vie qui n’étaient peut-être pas tout à fait cicatrisés ou qui, pour le moins, avaient laissé en elle des traces indélébiles. La parentalité – sans surprise – en était un majeur.

Avalon avait eu – avait toujours – des parents hautement défaillants qui, non contents d’avoir un enfant dont ils ne savaient pas s’occuper, en avaient fait neuf. A vrai dire, la plupart des enfants Davies n’avaient pas été désirés : ils étaient arrivés dans un foyer qui n’avait jamais été prêt à les accueillir, tant financièrement qu’émotionnellement. Avalon ne se souvenait pas que ses parents aient un jour revêtu, à ses yeux, cette image protectrice et rassurante qu’elle aurait aimée s’en faire. Ils avaient toujours eu ce rôle un peu ambivalent d’adultes à la fois très présents et terriblement absents. Présents car l’intimité de leur appartement était tellement réduite que tous les membres de la famille Davies se fréquentaient sans cesse, et, par conséquent, se voyaient à longueur de journée. Absents parce que, malgré tout, Edith et Dwight n’étaient jamais mentalement disponibles pour leurs enfants.

Ils avaient toujours mieux à faire : des amis à aller voir ou à inviter, de la drogue à vendre ou à consommer, des rêves à réaliser qui n’incluaient pas un ou plusieurs bambins qui tanguaient encore lorsqu’ils essayaient de se mettre debout. Dwight et Edith n’étaient pas intéressés par leurs rôles de parents ; et, à ses yeux, ils n’avaient jamais fait en sorte de pouvoir l’être. Avalon ne se souvenait pas d’un moment pris avec son père ou avec sa mère qui aurait l’aurait significativement marqué. Ils avaient pourtant parfois, pour eux, des gestes tendres qui perturbaient et ravissaient ces enfants qui connaissaient de larges carences affectives. Edith se précipitait vers Avalon, l’appelait « ma princesse » ou « mon ange », la serrait dans ses bras, l’embrassait, caressait ses cheveux. Puis, tout redevenait comme avant et Avalon, âgée de cinq ans, observait sa mère, confuse.

Et c’était avec un tel désintérêt qu’Avalon avait grandi – et peut-être cela expliquait aussi pourquoi elle avait tant de mal à repousser les demandes parfois trop nombreuses de ses frères et sœurs. Parce qu’un tel aveu de désamour parental marquait au fer rouge une existence entière et qu’Avalon ne concevait pas de l’imposer à ceux qui, plus jeunes, l’avaient prise comme modèle. Voilà ce qu’elle disait inconsciemment à Morgane lorsqu’elle l’écoutait lui raconter ses déboires à amoureux jusqu’à une heure avancée de la nuit : « tu existes pour moi. »

Elle n’avait jamais eu l’impression d’exister pour ses parents – ou tout du moins d’exister à part entière de cette cellule familiale confuse et chaotique, jusqu’au jour où elle était partie. A partir de là, elle était devenue l’ingrate, elle était devenue l’égoïste, elle était devenue celle qu’on pointait du doigt et dont on se méfiait. Ce sentiment d’exclusion, alors qu’elle n’avait pourtant jamais eu l’impression d’être inclue quelque part dans cette unité familiale dysfonctionnelle, avait été un énième déchirement pour l’enfant qui avait toujours recherché, malgré elle, l’approbation de deux parents qui avaient été incapables de la lui donner.

Avalon ne s’était pour autant pas construite seule. Il y avait, autour d’elle, des personnes qui avaient marqué très fortement sa vie et à qui elle devait l’adulte qu’elle était devenue aujourd’hui. Ses frères et ses sœurs, évidemment. Fergus, sans aucun doute. Toni, sans hésiter. Elle se savait entourée, elle se savait aussi aimée, tout autant qu’elle savait qu’elle aimait en retour. Mais ses parents étaient exclus de cette équation depuis longtemps. Pire encore ; à ses yeux, ils n’avaient jamais cherché à en faire partie.

Aussi, la question de Roy remua quelque chose chez Avalon qui était chargé de sentiments complexes, d’autant plus fort aujourd’hui que la question de la garde de sa plus jeune sœur se posait plus que jamais et la mettait face à des questionnements auxquels elle peinait à répondre.

« Ouais elle est toute seule. » confirma-t-elle. « Quand elle avait vingt-deux ans, elle était plus ou moins en couple avec un italien qui venait d’arriver en Angleterre. Le genre « grand brun ténébreux », plus con qu’autre chose. » indiqua-t-elle en levant les yeux au ciel. « Elle s’est un peu éloignée de tout lorsqu’elle était avec lui, et donc elle est tombée enceinte, ne pouvait plus avorter et évidemment le mec s’est barré quand elle lui a dit. Elle s’est retrouvée plus ou moins isolée de tout, toute seule, et t’imagines bien que c’est pas mes parents qui allaient l’aider. » fit Avalon en haussant les épaules. « Donc oui, je l’aide quand je peux. Et, compte tenu des circonstances, elle s’en sort pas trop mal. » avoua-t-elle, malgré l’animosité qui avait toujours existé entre elles.  Elle saisit son verre entre ses mains pour les occuper : « J’ai toujours senti que son mec était un connard, de toute façon, dès qu’elle a commencé à m’en parler. Mais vraiment, la laisser se débrouiller toute seule, enceinte, alors qu’elle avait pas de revenus et pas de logement, pour juste disparaître de la surface du monde… C’est d’un tout autre niveau. »



Avalon Calder

It's your love that's weighted in gold

KoalaVolant
Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
Messages : 2891
Profil Académie Waverly
Baby, try to understand [Roy & Avalon] Icon_minitimeSam 24 Oct 2020 - 0:28
Roy connaissait assez Avalon pour percevoir que cette discussion créait une tension chez elle. Ses émotions étaient de toute manière limpides : impossible de rater son mépris pour l’ex-copain de sa soeur qu’elle décrivait avec la manière dont elle levait les yeux au ciel, facile de deviner de la contrariété dans le ton de sa voix. Le jugement qu’elle portait à la situation était aussi clair que l’expression de son visage, elle condamnait cet homme qui avait disparu, laissant toute seule, avec un bébé à élever sur les bras, coupée de tout.

Au fond, c’était une tragique histoire, dont la première victime était Célice, ainsi que son fils qui n’avait rien demandé et devait évoluer dans un milieu difficile. Dans d’autres circonstances, Roy aurait probablement abondé dans le sens d’Avalon. Dans d’autres circonstances qui n’impliquaient notamment pas le fait qu’il soit en mesure de s’identifier parfaitement à cet homme qui avait préféré disparaître plutôt que d’assumer les conséquences d’une grossesse imprévue. Ce n’était pas lui, pourtant. Ce n’était même pas la même situation : Roy n’était aucunement engagé envers Joséphine, qui n’avait été rien d’autre dans sa vie qu’une amante de passage. Joséphine n’était pas isolée, sans le sou, quelque part à dépendre de l’aide de quelqu’un pour s’en sortir, c’était tout le contraire. Quoiqu’il décide de son côté, au sujet de ce bébé à venir, Roy n’allait pas « laisser se débrouiller une femme seule, enceinte, sans revenus et sans logement ».

Pourtant, les dernières paroles d’Avalon lui firent l’effet d’une piqûre qu’il était difficile d’ignorer. Il n’était pas neutre sur cette histoire, il ne pouvait plus l’être. Le plus sage aurait peut-être été de faire en sorte de mener la conversation vers des eaux moins dangereuses, mais Roy se laissa porter par son impulsivité qui le poussa à répondre :

« En même temps, si ce mec voulait pas de ce gosse… C’était sa seule option. » Se rendant compte que sa réponse n’était pas la plus délicate à donner après un tel récit qui impliquait tout de même la soeur d’Avalon, il reprit, en s’efforçant de ne pas laisser voir ses émois intérieurs. « C’est super injuste pour ta soeur qui s’est retrouvée à devoir gérer seule mais… Je sais pas, pour l’enfant au final, est-ce qu’il vaut mieux un père absent ou un père qui veut clairement pas de lui ? »


Roy Calder

Walking on the sunny side

KoalaVolant
Avalon Calder
Avalon CalderChef de la milice
Messages : 693
Profil Académie Waverly
Baby, try to understand [Roy & Avalon] Icon_minitimeSam 24 Oct 2020 - 21:18
Ce n’était pas un sujet sur lequel Avalon avait l’habitude de débattre. Une fois la situation exposée, il n’y avait, de toute façon, plus grand-chose à dire : sa sœur élevait son fils seule depuis trois ans, parce que son ex-compagnon avait été incapable d’assumer sa venue au monde et avait préféré prendre la fuite devant cette responsabilité. Lorsqu’Avalon abordait le sujet – assez rarement, en réalité – les réactions étaient généralement unanimes : il était aisé de critiquer cet homme qui était parti, bien plus que de tenter de comprendre les raisons qui avaient motivé ce choix. Ces dernières, Avalon ne les connaissait pas et n’avait franchement pas très envie de les connaître, notamment parce qu’elle les condamnait déjà.

Alors, la remarque de Roy la heurta profondément, et elle posa sur lui un regard un peu confus, qui trahissait ce sentiment. « Ce gosse » disait-il pour désigner un enfant qui avait un prénom – Elio – un âge – trois ans – et un statut tout particulier à ses yeux – son neveu. Il disait « ce gosse » et, brusquement, l’abandon d’Elio par son père était expliqué simplement parce qu’il s’agissait de « sa seule option. » Pire encore, réalisa-t-elle en fronçant les sourcils, il avançait même qu’il s’agissait peut-être de la meilleure chose pour l’enfant. Qu’au moins, ce dernier ne grandirait pas avec un père qui n’avait, de toute façon, jamais désiré sa venue au monde. Un peu comme son père à elle.

Difficile de dire quel sentiment étreignit son cœur avec force : une indignation certaine – parce qu’elle n’était absolument pas d’accord avec ce discours – ou une tristesse douloureuse, parce que les propos de Roy la renvoyaient cruellement à son propre vécu, et qu’il était difficile d’en démêler le général du personnel.

L’absence était un sentiment insupportable, tout comme le manque. Manquait-on plus d’un père qu’on ne connaissait pas, ou d’un père qui était là sans l’être ? Aurait-elle moins souffert de ne pas connaître le sien ? Avalon n’en n’était pas certaine car, contrairement à ce que Roy soulevait, la question était toute autre. Son père avait été autant démissionnaire que l’était celui d’Elio, ou que l’était Néro avec sa fille. La douleur liée au manque aurait peut-être été présente de la même façon s’il avait été totalement absent de sa vie, car elle avait déjà marqué profondément son existence.

Roy ne semblait soulever que deux cas de figures : fuir ou rester auprès de l’enfant dans une attitude de rejet qui nourrirait un manque certain. Et rester ? songea Avalon, les épaules légèrement tendues par cette discussion qui soulevait chez elle des questions très personnelles. Et rester, et essayer ? Et accepter les responsabilités qui allaient de pair avec la venue d’un enfant que ces hommes avaient contribué à mettre au monde ? Néro n’avait jamais essayé d’être un père pour Aimee. Parfois, il lui semblait qu’il le regrettait, mais il n’essayait jamais. L’ex compagnon de Célice n’avait même pas envisagé devenir le père d’Elio ; il était parti bien avant sa naissance. Dwight Davies n’avait jamais tenté d’adopter cette figure de père que ses neuf enfants auraient voulu le voir revêtir. Et Avalon voyait dans ces différents refus une lâcheté dont plusieurs enfants se retrouvaient obligés de payer le prix.

« « Ce gosse », c’est mon neveu. » souligna-t-elle un peu sèchement. « Et son père ne s’est même pas donné la peine de savoir s’il était né. » fit-elle remarquer. Elle laissa passer un silence, les doigts un peu crispés sur son verre. « Il est parti le lendemain de l’annonce de la grossesse de ma sœur. Il n’a jamais pris de nouvelles d’elle ou du bébé, il ne sait pas comment il s’appelle, il ne sait pas comment il va. C’est même pas une question de fuir ou de rester et de montrer tous les jours à Elio à quel point il regrette sa naissance, c’est une question de vouloir essayer de devenir son père. » fit remarquer Avalon. « C’est trop facile de flipper et de se barrer pour pas assumer un enfant qu’on a contribué à mettre au monde, avant même d’avoir essayé d’être présent pour lui. Et ça, ça vaut pour tous les pères hein, ceux qui fuient et ceux qui restent sans être là. » Son regard s’était assombri. « Ce qu’a fait l’ex de ma sœur, c’est juste lâche, et c’est son fils qui en paye le prix maintenant. Pas lui. »  


Avalon Calder

It's your love that's weighted in gold

KoalaVolant
Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
Messages : 2891
Profil Académie Waverly
Baby, try to understand [Roy & Avalon] Icon_minitimeDim 25 Oct 2020 - 1:20
Avant même qu’Avalon n’ouvre la bouche, Roy pressentit l’impair qu’il venait de commettre en réagissant un peu abruptement, sans mesurer l’impact de ses mots. Le regard heurté qu’elle lui renvoyait, comme s’il venait de l’offusquer, la trahit. Fidèle à elle-même, Avalon ne manqua pas de le rabrouer avec la franchise qui la caractérisait. Si Roy se sentit un peu coupable en la voyant réagir sèchement, il ne trouva pas les mots pour admettre l’indélicatesse de ses propos. Ce sujet semblait déclencher chez Avalon une vive contrariété. Son ton s’était durci, son regard assombri alors qu’elle faisait le procès de cet homme qui avait abandonné son fils avant même sa naissance.

« C’est une question de vouloir essayer de devenir père » disait-elle. Parce que Roy était en plein dans ce processus, il se sentit à son tour assez heurté de la désinvolture avec laquelle Avalon résumait le problème, comme s’il était aussi simple. Il suffit de le vouloir, affirmait t-elle, comme si élever un enfant pour le restant de sa vie n’était au fond qu’une histoire de bonne volonté. Elle ne semblait pas du tout mesurer à quel point cette perspective pouvait être terrifiante quand on n’y était pas préparé, qu’on ne l’avait pas voulu, qu’on ne l’avait pas choisi.

Plus aberrante encore fut la suite de son discours, qui réveilla réellement des points sensibles chez Roy. A travers ces paroles qu’Avalon prononçait sans connaître la situation dans laquelle il était, il eut l’impression d’accéder à son opinion sincère, dénuée de toute retenue hypocrite et cette opinion lui fit mal. « Ça vaut pour tous les pères » assénait t-elle durement. Il se sentit automatiquement inclus dans ce groupe d’hommes lâches et apeurés qu’elle regroupait dans un même sac, sous le sceau de la condamnation de n’avoir pas fait l’effort d’essayer d’être père. Il eut l’impression qu’à ses yeux de femme, tous ces dilemmes qui lui torturaient l’esprit à chaque minute de temps libre depuis le jour du huit avril n’étaient que les égarements d’une lâcheté qui l’empêchait de prendre ses responsabilités.

Et ce discours moralisateur qui dominait assez largement dans la société mais qu’il recevait de plein fouet pour la première fois d’un proche, car ni Jayce, ni Fergus, ni Toni, ni Isobel ne l’avaient tenu, Roy se rendit compte qu’il ne l’acceptait pas du tout. Face à ce rejet, sa réaction fut violente.

« C’est facile de flipper et se barrer… ? » répéta t-il, sans réussir à contenir le sentiment de révolte que lui inspirait cette remarque. Comme à chaque fois qu’il se sentait piqué, sa première réaction fut de se défendre derrière un sarcasme. « Ouais, c’est sûr que la perspective de savoir qu’un enfant que t’as pas désiré va naître et grandir quelque part sans que t’aies aucun contrôle là-dessus, ça te fait bien dormir la nuit. »

En ce qui le concernait, cette idée lui donnait plutôt des vertiges dans les moments où, comme le père de cet Elio, il songeait à céder à ses craintes intérieures et laisser ce bébé qui arrivait à grands pas hors de sa vie. Il voulait bien admettre qu’il y avait de la lâcheté là-dessous, puisqu’il sentait bien que ce qui le motivait dans cette voie, c’était une profonde peur face aux responsabilités et au rôle de père, une peur qui lui donnait effectivement envie de tourner les talons pour échapper à cette finalité.

En revanche, il n’acceptait pas l’idée que ce soit facile. Il n’y avait rien de facile dans la résolution du problème qui se présentait à lui. Pour commencer, il n’avait eu aucun rôle, aucune place dans la définition du problème en question : il n’avait pas choisi l’existence de ce bébé, on ne lui avait pas demandé s’il souhaitait le garder ou non, il était là et il devait faire avec. Or, face à cette situation, il n’avait que deux choix possibles : être un père présent ou disparaître.

Du début à la fin, Roy avait l’impression de se retrouver enfermé dans un piège où la seule issue acceptable était de trouver la royale voie de l’acceptation de sa paternité et de son sain développement. Le problème était qu’il n’avait aucune idée d’où ce putain de chemin se situait, car trouver un désir de paternité qu’il n’avait pas cultivé ne lui apparaissait pas d’une évidence folle. Et le fait qu’il s’agisse de son seul chemin véritablement valable l’emplissait d’une espèce de sentiment d’injustice qui le rendait amer, voire désespéré, quand il s’y penchait.  

« Devenir parent, c’est pas l’aspiration de tout le monde et ça se commande pas d’un claquement de doigts, répliqua t-il, le regard sombre d’émotions qui commençaient à bouillonner en lui. Un mec qui veut pas être père, il peut faire quoi face à une grossesse non désirée, à part fuir, en fait ? Il peut pas avorter, il peut pas accoucher sous X. Bah super, il a le choix entre accepter qu’on lui impose un bébé dans sa vie ou refuser et être un immense connard lâche, visiblement. A quel moment c'est facile ? »


Roy Calder

Walking on the sunny side

KoalaVolant
Avalon Calder
Avalon CalderChef de la milice
Messages : 693
Profil Académie Waverly
Baby, try to understand [Roy & Avalon] Icon_minitimeDim 25 Oct 2020 - 13:12
La violence qu’Avalon perçut dans les propos de Roy la frappa de plein fouet et créa chez elle une profonde indignation, ainsi qu’une incompréhension certaine. Cette discussion soulevait chez elle beaucoup de questions douloureuses, car très présentes dans son quotidien depuis le début du mois d’avril. Il ne se passait pas une nuit sans qu’Avalon ne se remémore la conversation qu’elle avait eu avec Fergus au sujet de sa petite-sœur Vivianne et sans qu’elle ne songe aux conséquences de la décision qu’elle s’apprêtait à prendre. Le sujet des parents démissionnaires n’avait jamais été aussi sensible chez elle que depuis qu’elle envisageait – enfin – de parer aux dégâts qu’avaient commis les siens.

Evidemment, qu’Avalon pouvait concevoir que la parentalité était terrifiante, angoissante, anxiogène, le genre à apporter son lot d’interrogations et d’insomnies, et que la réponse humaine, presque instinctive, à ce genre de peur était la fuite la plus pure et simple. Mais c’était un privilège d’homme de pouvoir fuir devant une grossesse désirée – pas celui des femmes. Roy évoquait l’avortement, il évoquait l’accouchement sous X, sans même prendre en compte toutes ces situations où ces éventualités n’étaient pas envisageables : lorsque la grossesse était trop avancée, lorsque la femme ne pouvait recourir à l’avortement en raison de ses croyances ou des pressions exercées par son entourage, lorsqu’elle en avait peur. Dans des cas comme ceux-ci, la femme vivait – parfois seule – neuf mois de grossesse en composant avec ses peurs et ses angoisses. Elle ne pouvait pas fuir, elle ne pouvait pas partir – l’homme, oui. Célice n’avait pas eu d’autres choix que de poursuivre sa grossesse, de voir son corps se transformer, se modifier, au fur et à mesure que les mois passaient et que son enfant se développait. Son ex compagnon, en revanche, avait pu faire le choix de la quitter pour ne rien avoir à faire avec cette grossesse qu’il n’avait – en effet – pas plus choisie qu’elle.

« C’est plus facile que pour ceux qui restent. » rétorqua Avalon, butée, à sa dernière question, les sourcils froncés, les traits du visage définitivement tirés qui semblaient répondre à ce regard orageux que Roy posait sur elle.

Parce qu’il fallait bien parer à ces pères démissionnaires, à ceux qui ne restaient pas, ou à ceux qui étaient là sans jamais l’être. Il fallait bien s’assurer que les enfants qu’ils avaient contribué à mettre au monde ne manquaient de rien, grandissaient correctement, étaient en sécurité dans ce foyer parfois instable. Néro, Galaad, Avalon et Célice avaient eu leurs grands-parents pour prendre soin d’eux pendant leurs premières années de vie. Yseut, Yvain et Morgane avaient souvent été accueillis par une éducatrice qui avait suivi leur famille pendant quelques années. Garlan et Vivianne avaient leurs aînés pour s’occuper d’eux. Aimee, la fille de Néro, avait sa mère et ses grands-parents maternelles pour veiller sur elle. Elio avait sa mère, sa tante, et sa marraine pour s’occuper de lui. Vivianne avait Avalon.

Devenir parent ne se commandait pas d’un claquement de doigt ; et, pour y réfléchir depuis plusieurs semaines désormais, Avalon le concevait totalement. Elle non plus n’avait jamais demandé à adopter un rôle quasiment parental pour sa petite-sœur – elle y avait été plus ou moins obligée, pour parer à l’absence de ses parents et leurs cruels manquements. Et, si Avalon avait mis plusieurs mois – voire années – avant d’envisager de demander la garde de sa plus jeune sœur, ce n’était pas pour rien. Elle non plus n’était pas certaine d’être capable d’adopter un tel statut pour elle : elle ne savait pas si elle avait les ressources nécessaires ou une réelle légitimité pour assumer une telle responsabilité. Mais finalement, ces peurs étaient aussi rapidement contrecarrées par l’urgence d’une situation qui ne cessait de se détériorer. Car finalement, voilà où menait les fuites de ces pères démissionnaires : à faire peser sur les épaules de tierces personnes une responsabilité qui était la leur.

Et oui, Roy avait raison sur un point : en son père et en son frère, Avalon voyait une forme de lâcheté qui la rendait souvent folle de rage. Parce qu’ils n’avaient jamais essayé, parce qu’ils avaient préféré se débarrasser de leurs responsabilités de pères qui, de toute évidence, les ennuyaient profondément. Avalon avait subi un abandon douloureux, et avait autour d’elle plusieurs exemples similaires ; à partir de là, il était aisé de construire une opinion parfaitement subjective sur une question aussi sensible.

« Devenir parent, c’est pas plus facile pour une femme hein, on n’a pas un gène qui se déclenche à ce moment-là. » Encore moins lorsqu’il s’agissait d’une procédure d’adoption pour sa petite-sœur. « Et dans pleins de situations, on n’a pas le choix de se barrer, nous. Et qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ? Bah on reste, et on assume pour deux. » Avalon secoua la tête, avant de darder sur Roy un regard teinté d’incompréhension : « En fait, à quel moment on commence à faire le procès des femmes qui décident de garder leur enfant et on prend la défense de tous les hommes qui préfèrent se barrer plutôt que d’essayer de faire partie de leur vie ? » Elle dévisagea Roy un bref instant, prise entre la colère et une certaine forme de tristesse indignée, qui s’étaya dans ses paroles sous une ironie piquante : « Mais surtout excuse-moi de pas en être capable et d’avoir plusieurs exemples d’immenses connards lâches autour de moi, comme tu dis. »


Avalon Calder

It's your love that's weighted in gold

KoalaVolant
Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
Messages : 2891
Profil Académie Waverly
Baby, try to understand [Roy & Avalon] Icon_minitimeDim 25 Oct 2020 - 15:06
Roy sentait bien que cette conversation était en train de leur échapper à tous les deux. Il sentait bien que cet échange prenait les atours d’un débat polémique, qui réveillait des émotions douloureuses chez lui et peut-être même chez Avalon. Il eut l’impression de voir son regard changer, s’assombrir et peut-être cela aurait-il pu suffire de signal d’alarme s’il n’avait pas été lui-même aussi buté. Fidèles à eux-mêmes, ils se mirent plutôt à tenir leurs positions fermement, sur un ton qui laissait voir à quel point le sujet leur tenait à coeur. Et si Roy n’avait pas été aussi tourné vers lui-même à cet instant, il aurait pu mesurer à quels endroits de son discours il pouvait toucher Avalon et son vécu personnel.

Mais pour le moment, il était surtout obsédé par l’idée de faire entendre sa voix dans ce débat qui commençait à sérieusement s’éloigner de la situation première dont ils parlaient au départ : Roy ne parlait plus du tout d’Elio et de son père et même Avalon avait commencé à opter pour des expressions généralisantes. Ses répliques partirent très vite à l’instant où il se sentit visé par un procès d’intention :

« Mais j’ai pas dit que c’était plus facile pour vous ! Mais jamais personne ne va nier les difficultés que vous traversez dans ce genre de situation ! »

Roy sentait un paradoxe terrible et difficile à décrire dans la manière dont les questions de parentalité étaient traitées à l’échelle de la société où il avait l’impression que tout tournait autour de la mère, qui faisait ses choix parce que c’était son corps, qui expérimentait une parentalité très différente, très prégnante, qui prenait une place beaucoup plus centrale que celle du père, c’était ce qu’il avait très bien senti à travers le discours de Joséphine qui lui avait dit ni plus ni moins qu’il n’était pas du tout indispensable, et que quelque part, qu’il soit présent ou non, cela ne changeait rien. Et face à cela, Roy faisait face à cette injonction qui voulait qu’il assume son rôle de père, que c’était le seul choix décent à faire, alors qu’on ne faisait pas ce procès à une femme qui choisissait d’avorter parce qu’elle ne se sentait pas en capacité d’assumer son rôle de mère. Il avait l’impression que les mêmes motivations ne donnaient ni les mêmes actes ni les mêmes perceptions, selon que c'était un homme ou une femme qui en soit à l’origine.

« Mais vous avez des choix que nous, on n’a pas, tu peux pas dire le contraire » protesta t-il à ce sujet.

Ce débat commençait sérieusement à être un dialogue de sourds auquel il aurait été plus prudent de mettre fin puisque, de toute évidence, Roy et Avalon se préoccupaient de justifier leurs situations personnelles plutôt que d’essayer de se mettre à la place l’un de l’autre. Mais comment auraient-il pu le faire ? Aucun ne savait dans quoi l’autre était engagé de son côté. Cette incompréhension éclata à l’instant où Avalon s’écria en lançant à Roy un regard qui lui vrilla le coeur :

« En fait, à quel moment on commence à faire le procès des femmes qui décident de garder leur enfant et on prend la défense de tous les hommes qui préfèrent se barrer plutôt que d’essayer de faire partie de leur vie ? »

Au moment où c’était lui qui se retrouvait dans cette situation et qu’il se rendait compte que le problème n’était pas si simple, si manichéen, aurait pu répondre à Roy s’il n’eut pas le réflexe de retenir sa langue qui lui brûlait. Mais cet heureux réflexe ne dura malheureusement que quelques secondes, le temps qu’il fallut à Avalon pour prononcer l’accusation qui l’impacta très personnellement. Il n’en fallut pas plus pour que le sang monte à la tête de Roy et que tout ce qu’il avait essayé de contenir finisse par lui échapper :

« Ah oui bah écoute, t’as qu’à me compter dans le lot de ces immenses connards lâches aussi hein ! »

Sur cette exclamation qui était un demi aveu, un lourd silence tomba. Roy se tut, choqué par lui-même, déstabilisé par le regard qu’Avalon posait sur lui. Il ne lui avait rien dit, en sachant très bien qu’il lui cachait une information importante, alors que, paradoxalement, il se rapprochait d’elle de jour en jour. Cette relation avec elle, tendre, sentimentale, amoureuse même, lui faisait du bien. Il aimait ses sourires, ses regards, ses mots affectueux, ses étreintes, il aimait passer du temps avec elle, explorer une forme de relation intime avec elle. Or il pressentait bien quel genre d’effet dévastateur sur elle et sur leur relation ferait une telle annonce, celle qu’il avait mis enceinte une femme, une autre femme qui allait peut-être faire partie de sa vie pour toujours s’il décidait d’élever un enfant avec elle.  

D’un geste brusque, Roy posa sur la table le verre qu’il tenait toujours, libérant ses mains dans lesquelles il enfouit son visage, pris d’un instant de confusion et de désarroi. Il venait de laisser échapper l’information de la pire des manières et il se sentait désormais profondément idiot mais surtout, obligé de s’expliquer.

C’était trop tard.

Ses mots s’emmêlèrent avec ses émotions alors qu’il avouait, sans regarder Avalon :

« Ecoute, je… Une femme m’a rappelé pour me dire qu’elle était enceinte de moi. Il n'y a rien entre nous, je ne l’ai pas vue depuis des mois, dit t-il en sentant que cette précision avait son importance. Mais voilà, elle est enceinte et… J’ai pas pris de décision, encore. »


Roy Calder

Walking on the sunny side

KoalaVolant
Avalon Calder
Avalon CalderChef de la milice
Messages : 693
Profil Académie Waverly
Baby, try to understand [Roy & Avalon] Icon_minitimeDim 25 Oct 2020 - 19:36
Cette conversation devenait aberrante. Roy et Avalon ne s’écoutaient pas et, chose qui était assez rare ces derniers temps pour être noté, ils ne se comprenaient pas. Ce différend semblait irréconciliable, comme si aucun des deux ne pouvait concevoir de faire le premier pas vers l’autre. Pourtant, Avalon entendait les remarques de Roy. Elle entendait la difficulté à adopter le rôle de père lorsque ce dernier n’avait pas été choisi, elle entendait que cette décision n’était pas facile à accepter pour un homme qui n’avait jamais envisagé d’accueillir un enfant dans sa vie auparavant. Elle voulait bien concevoir que son frère aîné avait été terrifié à l’idée de voir naître sa fille – mais, à son sens, la peur n’excusait pas tous les maux de l’univers. On pouvait avoir peur et décider d’essayer de faire une place à cet enfant qui n’avait pas demandé de grandir sans père. On pouvait avoir peur et vouloir faire au mieux, malgré l’angoisse générée par une telle situation.

Or, aux yeux – certes sévères – d’Avalon, ni Néro ni son propre père n’avaient jamais cherché à faire « au mieux. » Au contraire, ils avaient fait au plus facile. Avalon n’avait jamais demandé à son père d’être ce modèle parfait – cet homme qui serait venu la chercher après l’école, l’aurait aidé à faire ses devoirs, et lui aurait préparé son goûter préféré. Elle aurait simplement voulu exister à ses yeux, éveiller chez lui une curiosité, un intérêt qui aurait apporté des questions, des conversations qu’ils n’avaient jamais eues ensemble. Voilà où se trouvait le point majeur qui semblait ternir d’incompréhension toute leur discussion, et sur lequel ni Avalon ni Roy ne s’arrêta : là où Roy évoquait une présence auprès de l’enfant qui devait être parfaite ou ne pas exister du tout, Avalon évoquait une présence qui, si elle ne devait – et ne pouvait – pas être parfaite, se devait au moins d’exister.

« Mais je dis pas le contraire ! » rétorqua Avalon, le regard flamboyant. « Mais une fois qu’on a reconnu ça, qu’est-ce que tu veux qu’on en fasse ? Dire que c’est injuste ? Ok. » lança-t-elle, un peu sèchement. « En attendant, c’est sur ma sœur et mon neveu qu’elle pèse maintenant, cette injustice. »

Et pas sur celui qui était parti. Avalon ne savait pas s’il regrettait ce départ, s’il songeait parfois ce garçon qui était né et qu’il ne connaissait pas. Elle jugeait cependant sur les actes qui ressortaient de cette terrible situation : il était parti, n’était jamais revenu. Célice, elle, était restée.

Le discours d’Avalon était de toute manière teinté de son vécu personnel, marqué par tous ces hommes qui n’étaient pas stables, par tous ces hommes qui fuyaient, qui ne restaient jamais. Son père. Néro. Le père d’Elio. Mais aussi tous ces compagnons dont elle avait un jour entendu le nom – suivi d’une insulte – parce qu’ils étaient défaillants, parce qu’il refusait la charge de la parentalité, parce qu’ils étaient partis, parce qu’ils n’étaient jamais là. Dans le milieu dans lequel Avalon avait grandi, l’absence d’un père frôlait souvent l’évidence.

Alors non, comme elle signifiait à Roy, elle ne prendrait pas la défense de ces hommes, parce qu’elle avait trop souvent souffert par leur faute, et parce qu’elle ne pouvait s’empêcher de ressentir, par empathie, cette souffrance chez tous ces autres enfants qui avaient été victimes d’un abandon plus ou moins évident par leurs parents. Aussi, il lui semblait facile de trouver des excuses à ces pères, quand on n’avait pas été soi-même victime d’un départ cruel, ou d’un désintérêt total de la part du sien. Et c’était sûrement ce dernier aspect qui motivait le regard interrogateur qu’elle posait à présent sur Roy : parler d’une telle situation sans y être réellement confronté teintait ses propos d’une ironie qu’Avalon relevait, parce qu’elle était à des années de se douter que des questions très personnelles motivaient aussi ses paroles.

Puis, brusquement, Roy explosa.

« Ah oui bah écoute, t’as qu’à me compter dans le lot de ces immenses connards lâches aussi hein ! »

Et l’explosion la rendit muette. Pas seulement muette ; immobile aussi, figée dans cette révélation finale, ultime, qui éclairait toute cette conversation sourde qu’ils avaient eu tous les deux. Avalon posa sur Roy un regard confus, un regard perdu, un regard incertain. Que voulait-il dire par là ? Que sous-entendait-il brusquement, en s’incluant parmi tous ces hommes qu’elle condamnait sévèrement ?

Il ne sous-entendait rien du tout, comprit Avalon au fur et à mesure qu’il reprenait la parole : il disait. Il disait ce qu’elle n’avait pas été capable de voir, ce qu’il ne lui avait pas laissé voir, ce qu’il ne lui avait jamais dit. « Une femme m’a rappelé pour me dire qu’elle était enceinte de moi » disait-il.

Cela ne faisait aucun sens.

Et, parce que cela ne faisait aucun sens, Avalon ne réagit pas immédiatement. Son trouble, pourtant, était visible sur son visage qui était devenu plus blanc, et sur ses doigts qui s’étaient crispés sur son verre. Un enfant allait venir monde, devinait-elle, avec ou sans la présence de Roy dans sa vie. « Je n’ai pas pris pas ma décision, encore » disait-il.

Cela ne faisait aucun sens.

Il sembla pourtant à Avalon que ce non-sens créa chez elle un lourd poids qui tomba à la fois sur son cœur et au creux de son estomac. Rendue muette par la surprise, elle reposa aussi son verre sur le bureau qui les séparait, les yeux posés sur Roy qui fuyait son regard. Les émotions occasionnées par cette annonce étaient si nombreuses qu’elles s’emmêlèrent dans son esprit, se confondirent dans sa bouche, se déposèrent avec amertume sur ses lèvres qui refusaient de s’ouvrir pour les laisser s’échapper.

L’incompréhension arriva – logiquement – la première et se traduisit dans ce regard troublé qu’elle lui offrait. Jamais Avalon ne s’était attendu à une telle nouvelle, jamais elle n’avait ne serait-ce qu’envisagé que Roy puisse être confronté à une situation comme celle-ci. Il n’avait rien laissé paraître de ce dilemme qui semblait occuper toutes ses pensées.

Après l’incompréhension vint une certaine forme de malaise lorsqu’Avalon repassa en silence les propos qu’elle venait de lui tenir, teintés d’une violence certaine pour celui qui était, elle le devinait, tenté par cette envie de fuite qu’elle condamnait si fermement. Elle avait dit « connard » et elle avait dit « lâche » en songeant à son père et à son frère. Pas à Roy. Ce malaise la saisit violemment ; elle eut envie de dire « pardon », de s’expliquer, d’expliciter ces phrases si dures qu’elle avait eues.

Mais cette fois-ci, ce fut l’indignation qui retint ses mots. Elle ne savait pas. Elle n’avait jamais su. Roy ne lui avait jamais rien dit. Pas alors qu’ils communiquaient quotidiennement depuis deux semaines, pas alors qu’ils se voyaient presque tout aussi régulièrement, pas alors qu’ils avaient multiplié les tête-à-tête. Pas alors que leur relation avait pris – et ils le savaient tous les deux – une dimension romantique. Amoureuse. Ce fut un sentiment de trahison qui lui étreignit finalement le cœur, parce qu’Avalon ne pouvait pas s’empêcher d’observer avec un tout autre regard ces multiples moments qu’ils avaient passé ensemble ces derniers temps.

Roy et Avalon s’étaient longtemps cherchés et il lui avait semblé qu’ils avaient enfin fini par se trouver. Outre ces peurs primaires qui retenaient parfois Avalon de faire le premier pas vers cet homme pour qui elle avait développé des sentiments qu’elle sentait assez forts, il n’y avait en réalité plus rien – de son côté, du moins – qui l’empêchait d’envisager, et même de souhaiter, l’évolution de leur relation. Ils s’étaient parlé, longuement, ils s’étaient touchés, autant par leurs gestes que par leurs regards, et Avalon avait eu, à plusieurs reprises, cette douce et étrange sensation que leur lien, particulièrement fort, était aussi très sincère.

La chute, quant à elle, fut plutôt rude.

Rude, car Avalon ne comprenait absolument plus les intentions de Roy. Rude, car elle avait l’impression d’avoir été pour lui une échappatoire dans une période troublée de sa vie.

« Je… » commença-t-elle, sans pourtant savoir quoi dire. « Je ne savais pas. » fit-elle, constatant finalement simplement un fait évident, qu’elle associa à un regard un peu troublé. Je n’aurais jamais évoqué les choses de cette manière, si j’avais su, semblait dire son regard – ce que sa bouche, elle, n’exprima pas tout de suite.

« Tu le sais depuis quand ? » demanda-t-elle alors, en brisant le silence lourd de la pièce, dans lequel ils s’empêtraient. « C’est qui ? » ajouta-t-elle ensuite, les sourcils légèrement froncés, comme si elle se raccrochait aux faits tangibles, objectifs, pour ne pas se laisser submerger par ses émotions.



Avalon Calder

It's your love that's weighted in gold

KoalaVolant
Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
Messages : 2891
Profil Académie Waverly
Baby, try to understand [Roy & Avalon] Icon_minitimeDim 25 Oct 2020 - 21:03
Il sembla à Roy qu’il n’avait rarement été aussi nerveux de sa vie. Il s’étonnait lui-même de cette importance qu’il accordait à la réaction d’Avalon face à cette révélation qui lui échappait. Ses yeux, d’abord baissés, se mirent à chercher ses traits, ses attitudes, son regard, tout ce qui chez elle pouvait trahir ce qu’elle ressentait. Le coeur de Roy battait de cette brusque adrénaline qui retombait, après avoir atteint son paroxysme quelques secondes plus tôt, quand il avait explosé. Il battait également de la crainte qu’après cet aveu, Avalon n’explose à son tour. Il s’inquiétait vivement de la manière dont elle allait interpréter son silence des derniers jours, ce mensonge par omission qu’il maintenait face à elle, chaque jour qui passait où ils se parlaient pourtant beaucoup.

Parmi la palette d’émotions qu’il imaginait pouvoir ressentir à sa place si leurs positions avaient été inversées, Roy pouvait gérer le choc, l’inquiétude mais il craignait la colère. Il redoutait qu’elle se mette à requestionner les moments qu’ils avaient pu passer ensemble, l’intimité qu’ils avaient développé ces derniers jours, à l’aune de cette nouvelle information qu’elle recevait. « Depuis quand ? » demandait t-elle en premier lieu. Le fait que ce soit la première question qui franchisse ses lèvres fit bien pressentir à Roy que cette question de timing avait son importance. Il s’obligea à être honnête, le coeur noué d’appréhension :

« Depuis douze jours. »

Il ne savait pas si cette information serait de nature à l’apaiser ou à l’agiter un peu plus, si elle trouverait que c’était beaucoup ou raisonnable. Le timing n’avait pas joué en la faveur d’Avalon. La nouvelle était arrivée trop tôt dans l’évolution de leur relation pour que Roy ne puisse pas considérer que cette décision qu’il avait à prendre sur sa future paternité ne regardait que lui et qu’elle n’avait pas à le savoir tant qu’il n’avait pas tranché. Mais elle était arrivée trop tard pour qu’il ne ressente pas un certain malaise à l’idée de ne rien dire du tout. Il avait malgré tout opté pour cette position.

La conscience de Roy n’était pas totalement tranquille avec ce silence qu’il avait adopté, au fond. Une part de lui admettait qu’il aurait pu lui en parler, par honnêteté, face aux changements qui s’opéraient dans leur lien. Une autre part arguait que cette relation était encore toute naissante, qu’ils ne s’étaient rien promis, qu’ils n’avaient même pas mis de mots là-dessus, ni sur ce qu’ils ressentaient, ni sur ce qu’ils étaient ou désiraient être l’un pour l’autre. Cette étape lui faisait encore peur et il ne se sentait pas en état de la gérer, actuellement. Cette histoire de paternité imprévue occupait déjà toute son anxiété, toutes ses capacités de projection. Ajouter une autre prise de décision à ce dilemme déjà complexe lui semblait trop difficile à gérer.

Alors il avait décidé de ne pas décider, tout simplement. Il s’était laissé totalement porter dans ce rapprochement avec Avalon, en refusant d’officialiser quoi que ce soit, et cette liberté avait été délicieuse. Cette nouvelle intimité avec elle avait été délicieuse.

Il craignait désormais que cette bulle qu’ils avaient fabriquée à deux ne soit définitivement brisée par ce qu’il venait de révéler et au fond, c'était aussi un peu égoïstement pour préserver cet îlot de bonheur que Roy n'avait rien dit jusqu'à maintenant.

« Joséphine Lavespère… La cousine d’Isobel. Elle était venue en janvier pour passer des vacances et… »

Et voilà, dit son silence équivoque. Son regard, lui, interrogea Avalon sans que les mots ne puissent franchir ses lèvres. A quoi pensait-elle ?


Roy Calder

Walking on the sunny side

KoalaVolant
Avalon Calder
Avalon CalderChef de la milice
Messages : 693
Profil Académie Waverly
Baby, try to understand [Roy & Avalon] Icon_minitimeLun 26 Oct 2020 - 10:31
Avalon ne savait pas bien quand elle avait accepté ses sentiments amoureux pour Roy Calder. Elle ne parvenait pas à définir cet instant exact où elle avait cessé de les masquer sous une simple attirance, et où elle avait laissé son cœur s’exprimer. Peut-être s’était-elle un soir simplement endormie, le ventre noué par l’amour, le sourire aux lèvres, et qu’elle avait su : elle l’aimait.

Cette vérité était aussi douce que terrifiante ; et c’était cette peur qui avait bloqué chaque mot dans sa gorge qui aurait été capable de le lui exprimer. Cette appréhension ne venait pas de nulle part ; les relations sentimentales d’Avalon, dans sa vie d’adulte, avaient été largement plus catastrophiques qu’épanouissantes. Après une année entière passer aux côtés d’un homme qu’elle pensait aimer éperdument et qui s’était révélé être profondément mauvais, Avalon avait enchaîné les relations qui avaient toutes en commun le fait qu’elles ne pourraient jamais se concrétiser. L’homme qui vivait sur un autre continent ou l’homme marié et père de famille ; le dénominateur commun restait qu’une distance était immédiatement imposée dans chacune de ces relations, sans qu’Avalon n’en soit à l’origine puisqu’elle avait l’impression de s’y investir totalement. En réalité, cet investissement n’était permis que par le fait qu’elle savait, inconsciemment, qu’elle ne s’engageait pas dans quelque chose de durable, mais dans quelque chose qui finirait inévitablement par prendre fin. Elle se préparait à la séparation bien avant que celle-ci ne survienne réellement, et lorsque c’était le cas, cette dernière n’avait que de peu d’impact sur sa vie quotidienne, puisque l’homme en question n’y était que rarement inclus.

Roy, lui, faisait partie de sa vie depuis dix ans. Il était terriblement ancré dans sa réalité et dans son quotidien – et peut-être était-ce aussi une des raisons pour laquelle les sentiments qu’elle ressentait pour lui étaient aussi profonds. Mais, paradoxalement, c’était cette présence très forte dans plusieurs pans de son existence qui retenait Avalon de déclarer ce qui, à présent, était évident à ses yeux. Elle s’était laissée porter par cette relation changeante, qui se teintait de sentiments de son côté et à laquelle elle sentait Roy plus que réceptif.

Finalement, peut-être pas autant qu’elle se l’était imaginée.

Douze jours, disait-il en l’observant. Douze jours, se répéta-t-elle intérieurement. Le calcul était plutôt rapide à faire : il s’agissait exactement du laps de temps pendant lequel Roy et elle s’étaient particulièrement rapprochés, allant jusqu’à échanger tous les jours et se voir à plusieurs reprises en tête-à-tête. Douze jours pendant lesquels ils avaient cultivé une relation qui n’était définitivement plus amicale, parce qu’ils l’avaient fait évoluer vers quelque chose de beaucoup plus intime, de beaucoup plus fort aussi. Oui, mais. Mais pendant douze jours, Roy avait gardé un secret d’une telle importance qu’Avalon avait du mal à ne pas requestionner tous ces moments qu’ils avaient passé ensemble et pendant lesquels Roy était là, sans l’être. Elle l’avait senti, en plus. Elle l’avait senti maussade, elle l’avait vu préoccupé. « Un truc de famille » avait-il prétexté quelques jours plus tôt. Avalon n’avait pas cherché à le questionner davantage, et ils s’étaient tous les deux enfermés dans une bulle qui, de toute évidence, lui avait aussi servi d’échappatoire.

Silencieuse, Avalon écouta Roy évoquer Joséphine Lavespère, les yeux encore remplis d’une incompréhension qui se transformait peu à peu en un sentiment douloureux qu’Avalon détestait ressentir : de la déception. Et il n’était pas évident de décevoir Avalon Davies, parce que cela faisait bien longtemps qu’elle avait réussi à s’en prémunir ; elle attendait peu des autres, donc ils ne pouvaient pas la décevoir. Or, dans cette relation changeante, elle avait placé et des attentes, et un espoir qu’il avait été difficile de refréner. S’apercevoir qu’elle avait été la seule à le faire créait chez elle un douloureux décalage.

Ce secret, ce mensonge par omission, lui donnait l’impression qu’on l’avait fait avancer jusqu’à un mur qu’elle se recevait à présent en pleine face, sans avoir été prévenue à l’avance de l’impact. Au fond, c’était le manque de considération qu’elle percevait dans l’attitude de Roy qui était à la fois une souffrance et source de déception. Elle sentait bien, dans la façon dont il avait explosé tout à l’heure après ses propos, qu’il n’avait absolument pas prévu cette annonce et, que sans cette confrontation qu’ils avaient eue, ce secret aurait pu perdurer encore longtemps. Parce que c’était le genre de chose qu’on confiait aux personnes importantes, à celles qui comptaient, à celles dont on se souciaient de l’avis, de l’opinion. Pas aux autres.

La violence de cette pensée heurta profondément les sentiments d’Avalon, si bien qu’elle finit par fuir le regard interrogateur de Roy, qui semblait la questionner sur les pensées qui se bousculaient dans sa tête et qu’elle ne parvenait pas à ordonner.

« Douze jours. » répéta-t-elle dans un souffle. Elle secoua la tête, finit par poser ses yeux bruns sur son ami qui lui faisait face. Elle ne ressentit pas le besoin d’expliciter tout ce qui pesait dans ces deux mots qu’elle avait soufflé, parce qu’il lui semblait que ce silence était déjà largement évocateur à la fois de son incompréhension et de sa déception. « Je pensait qu’on était… » Aucun mot ne suivit cette déclaration, qu’elle corrigea finalement : « Je pensais que ça voulait dire quelque chose pour toi. » Un sourire ironique étira ses lèvres. « Visiblement pas, pour qu’en douze jours et il y ait eu aucun moment où tu te sois dit que c’était, je sais pas, peut-être quelque chose dont tu pouvais me parler. »

La fierté blessée et le cœur meurtri, Avalon saisit son téléphone qui était posé, face retournée, contre le bureau de Roy. L’heure qu’il affichait lui donna le prétexte parfait pour lancer :

« Il faut que j’y aille. » Ses yeux rencontrèrent ceux de Roy, et elle laissa s’écouler un silence entre eux, juste avant qu’elle ne se lève et récupère sa longue cape violette, posée sur le dossier de son fauteuil.

« Je te dirais bien que je suis là si tu as besoin d’en parler, mais comme vraiment ça n’a jamais été dans tes plans de le faire… » Elle secoua la tête, eut un sourire sans joie.

Quelques secondes plus tard, elle refermait la porte du bureau de Roy derrière elle.

FIN POUR AVALON.




Avalon Calder

It's your love that's weighted in gold

KoalaVolant
Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
Messages : 2891
Profil Académie Waverly
Baby, try to understand [Roy & Avalon] Icon_minitimeMer 28 Oct 2020 - 23:05
Roy avait toujours aimé la franchise et la transparence d’Avalon, il l’avait d’abord appréciée dans leurs rapports amicaux et depuis quelques temps, il se prenait à se sentir conquis de cette manière qu’elle avait d’offrir toute sa joie dans ses sourires, toute son affection dans ses regards, sans réserve. C’était une qualité qu’il aimait, admirait chez elle mais cette fois-ci, cette honnêteté brute lui fendit le coeur, parce qu’elle s’exprima à travers un regard où il décela un sentiment qu’il encaissa très difficilement.

« Je pensais qu’on était… Je pensais que ça voulait dire quelque chose pour toi. »

Elle était déçue. Cette réalisation frappa Roy alors qu’il l’écoutait protéger sa fierté blessée derrière un sarcasme grinçant. Il l’avait déçue, parce qu’il n’avait pas su lui parler, parce qu’il n’avait pas voulu le faire, parce qu’il avait eu peur, parce qu’il n’avait pas estimé cela nécessaire. Il l’avait déçue en lui donnant l’impression que leur relation n’était pas importante. Cet état lisible chez elle éveilla un malaise familier, profondément ancré chez lui, qui écrasa sa voix, éreinta son coeur, l’empêcha de répondre vraiment :

« C’est pas ça… »

Elle était importante, voulait-il dire. Mais ses mots se bloquèrent dans sa gorge, parce qu’il était pétrifié par la réaction d’Avalon, parce qu’il aurait mille fois préféré recevoir sa colère plutôt que sa déception. Il fut incapable de préciser sa pensée, parce qu’au fond, il n’avait pas voulu y réfléchir. Cela faisait désormais un mois jour pour jour qu’ils avaient reconnu une attirance réciproque et qu’ils s’étaient accordés pour ne pas y donner suite. Et pourtant, ils n’avaient jamais été aussi proches que ces deux dernières semaines où ils avaient pris un tournant indéniable que Roy ne voulait pas nommer.

Malheureux hasard, il avait fallu que par-dessus ce changement déjà délicat, incertain, cette progression balbutiante vers une forme de relation de couple, ne s’ajoute un nouveau problème existentiel, une autre perspective qui bouleversait encore plus profondément son avenir et qu’il appréhendait toujours difficilement.

C’était beaucoup. Beaucoup à gérer d’un coup et beaucoup d’éléments qui appuyaient douloureusement sur des points sensibles chez Roy. S’il n’en cernait pas encore très bien les tenants et les aboutissants, il ressentait parfaitement le noeud qui lui serrait l’estomac quand il s’imaginait de nouveau engagé avec une femme dans une relation de couple officiel. Il ressentait aussi très bien un douloureux sentiment d’illégitimité peser sur son coeur lorsqu’il se projetait en tant que père.

S’il avait été bon quand il s’agissait de mener sa propre introspection, il aurait pu démêler petit à petit toutes ces émotions difficiles, aussi nombreuses soient-elles, pour parvenir à faire des bons choix pour lui-même. Mais puisqu’il était plutôt homme à enterrer ses traumatismes pour faire mine qu’ils n’existaient pas ou ne faisaient pas si mal, qu’il gérait pour reprendre son expression favorite, Roy était à ce moment de sa vie où toutes ces choses qu’il avait enfouies rejaillissaient et l’agitaient profondément et brusquement, au point qu’il en soit paralysé et se réfugie derrière une forme d’inertie.

C’était ce que ce mensonge par omission incarnait : une forme d’inertie. Ce qui se passait avec Avalon, Roy le contrôlait encore à peu près. En revanche, les impacts de son éventuelle paternité sur cette relation qui n’était qu’au début de son éclosion, il était incapable de les prédire, de les mesurer. Dans une situation où tout n’était qu’hypothétique, Roy avait préféré garder la maîtrise de son secret tant qu'il ne savait pas quoi en faire. Ne rien dire pour ne pas risquer de tout briser. Mais aussi, ne rien dire pour ne pas donner d’ores et déjà à Avalon une place unique, parce qu’il était évident que s’il lui en parlait, ce n’était pas en sa qualité d’amie pour lui : c’était parce qu’elle était plus proche que jamais d’être sa future compagne.

Il l’avait pressenti, au fond de lui, que s’il lui en parlait, ce ne serait pas dans la même optique que ce qui l’avait amené à parler avec Fergus, Jayce, ou Isobel, pour bénéficier de leur écoute et leurs conseils amicaux : il savait que cette discussion serait teintée de beaucoup d’autres questions qui allaient au-delà de cette histoire de bébé. Il savait que ce ne serait pas seulement une discussion pour savoir s’il voulait élever d’un enfant ou non. Il savait qu’ils allaient forcément finir par discuter de ce que cela voulait dire pour eux deux,  Il savait que, là où il était seul avec cette charge de parentalité quand il parlait avec ses amis, là où cette charge n’avait aucun impact sur ses liens avec eux, avec Avalon à l’inverse se dessinait l’esquisse d’un chemin à accepter de prendre à deux, avec cette nouvelle donnée dans sa vie.

Et c’était exactement cette discussion qu’il avait voulu éviter, au fond, en ne disant rien.  

Mais il ne trouva aucun mot pour expliquer cette confusion qui s’agitait en lui. Il resta muet face à Avalon dont le regard déçu lui brisait le coeur et dont la froideur nouvelle le figeait sur place. Il la vit se lever, enfiler sa cape, il la vit prête à partir et seule sa dernière réplique accusatrice le tira -trop tard- de son immobilisme :

« Attends, Av’, ne… »

Pars pas comme ça. Mais la porte se referma derrière elle, laissant Roy dans le désarroi le plus total.

FIN DU RP


Roy Calder

Walking on the sunny side

KoalaVolant
Contenu sponsorisé
Profil Académie Waverly
Baby, try to understand [Roy & Avalon] Icon_minitime