Grattons un peu sous le vernissage [Nelly + Special Guests à venir]

Vendredi 17 Décembre 2010, au-dessus de l'école de Poudlard...

Jonglant entre ses nombreuses activités et son infâme rôle de mère nourricière, Mildred Magpie ne savait plus vraiment où donner de la tête. La Diva de Bristol était même éreintée par le rythme infernal que lui imposait son double rang de businesswoman & mère célibataire. Comment pourrait-il en être autrement? Dès les premières lueurs de l'aube, Mildred avait été contrainte et forcée de se lever pour laisser ses maudits jumeaux braillards lui aspirer tout son lait et toute son énergie. Vilfred et Winifred semblaient s'être donné le mot pour lui pourrir ses nuitées. Une fois ceux-ci rassasier, elle avait été obligé de se rendre en toute hâte au Paradis d'Eden pour supplier et confier la garde de ses maudits marmots à leur si charitable marraine. Même débordée, Eden était si brave qu'elle n'avait point osé se soustraire à son rôle de nourrice. N'ayant ingurgité qu'un malheureux cupcake à la vanille en guise de petit-déjeuner, Mildred s'était rendue par la suite dans l'aile Ouest des Folies, afin d'y tester la nouvelle carte des prestations sexuelles. Dans un souci de répondre aux plaisir de ses clients et sans doute par excès de professionnalisme, la Diva des Folies avait donné de son corps pour tester la qualité des services proposés par ses gigolos de service. Même si ses miaulements de plaisir s'entremêlaient encore sauvagement dans son esprit ; La vicieuse maquerelle se rappelait avoir débuté par un délicat doigt de fée, ponctué d'un délicieux Slyter In, avant de molester le docile Volderêve dans un cuisant dirty-talk, pour être finalement châtiée comme il se doit par une meute d'hommes en rut et masqués dans une extravagante belle à trique de l'étrange. Tout cela étant naturellement offert par la maison. Après un tel feu d'artifesses, Mildred avait bel et bien dû enchainer les bains parfumés pour se débarrasser entièrement de la moiteur de ses ébats endiablés.

La fin des ébats sulfureux de la femme d'affaire nymphomane, signifiait qu'elle avait une autre affaire juteuse à mener, mais cette fois-ci à Leopoldgrad. En effet un vernissage magique placée sous le signe de la peinture magique, se tenait dans les hautes sphères VIP du K-KLUB, et pour rien au monde, elle n'aurait manqué ce rendez-vous à la fois historique et lucratif. Historique, car elle pouvait laisser à tout jamais son empreinte éternelle, et devenir la nouvelle Joconde du Monde Magique. Lucratif parce que son divin portrait pouvait lui rapporter très très gros, tant la journaliste à scandale s'était affairée à faire le buzz auprès des collectionneurs d'art et des grands artistes de ce monde magique. Toute la responsabilité de ce prodige artistique reposait sur les frêles épaules d'une jeune sorcière encore méconnue ; La très douée Nelly Horrocks. Une petite pépite dont l'avide multimillionnaire avait perçu et misé sur l'immense potentiel artistique, et qu'elle devait à présent façonner pour en faire un diamant pur auprès des grands de ce monde. Le fabuleux destin de Nelly Horrocks était en marche, et quid de plus merveilleux? Qui eût cru qu'une vulgaire et insignifiante gamine allait peindre un portrait traversant les époques, et faire de la richissime Mildred Magpie une légende intemporelle?    

Voila pourquoi, Mildred avait enfilé sa plus belle robe de soirée hivernale, avant de s'engouffrer dans un carrosse doré digne d'un conte de fée, afin de rejoindre son K-Klub, et la Salle Céleste où se tenait l'illustre vernissage magique. Mais avant cela, elle se devait de faire un ultime crochet par Poudlard, afin de cueillir sa petite protégée qui finissait tout juste son premier semestre avant de rejoindre les fastes des vacances de Noël. Et quoi de plus merveilleux en cette période magique, que de quitter cette école austère en véritable princesse, et ce à bord d'un carrosse volant? La serpentard n'avait encore aucune idée à quel point sa vie allait être chamboulée après cet évènement mondain ; Encore fallait-il que sa toile remporte un franc succès et affole les enchères magiques? Pour l'heure personne d'autre que sa créatrice n'avait vu l’œuvre finale... Même pas l'intéressée, Mildred Magpie, qui avait pourtant servit de modèle à maintes reprises.

Friande de surprise, Mildred n'avait pas point voulu lever le voile de mystère qui entourait encore le cadre de la toile magique que lui avait expédié quelques jours auparavant par Nelly Horrocks. Pourquoi faudrait-il briser si rapidement le charme et l'émotion provoquée par la prouesse technique de cet jeune artiste en devenir? Pourquoi devrait-elle se priver de cet instant orgasmique où la foule des enchères découvrirait dans un cri de communion admiratif, toute la beauté de cet œuvre prodigieuse? Pour l'heure Mildred avait réussit à résister à son infinie curiosité, et à la tentation de se spoiler SON tableau. Mais sa volonté était soumise à rude épreuve, alors que son carrosse volant n'était plus qu'à quelques lieux de la prestigieuse école magique. Jetant toute une série de petits coups d’œil furtif en direction du tableau enveloppé dans un voile, et dont la beauté se dérobait encore à elle sur le siège en face de son carrosse ; Mildred comprit qu'il allait être impossible de pouvoir résister à cette obsédante pulsion de lever le mystère. Alors qu'elle se maquillait dans l'urgence malgré son carrosse doré qui tanguait dans la brise hivernale ; Mildred Magpie cessa tout à coup de se poudrer les pommettes, et reposa délicatement son baume à lèvre. La même petite voix vile et malicieuse qui l'incitait toujours à prendre un dernier cupcake, finit par résonner à nouveau dans sa boite crânienne. Point d'incitation à la boulimie cette fois-ci, il s'agissait juste de briser un suspense devenu subitement insoutenable.

* Allez! Juste un bref coup d’œil... Un petit regard de rien du tout... Et hop je remets le voile comme si de rien n'était... Juste histoire de se donner une vague idée du prodige réalisé... *

Mildred Magpie qui avait osée sacrifier des heures entières dans son emploi du temps démentiel, pour servir de modèle et tenir la pose face au pinceau de Nelly ; N'imaginait rien d'autre qu'une œuvre mirifique rendant grâce à ses courbes et sa beauté époustouflante. Comment pourrait-il en être autrement, après tout? Quand le modèle est superbe, il en va de même de la peinture. L'impudique romancière se souvenait encore des poses digne d'une Déesse de l'antiquité, qu'elle avait arboré à demi-nue dans la salle de bain des Prefets. Nul doute que le pinceau de la jeune Nelly avait saisit pour l'éternité cet instant de graisse grâce! Poudlard était tout proche, et Mildred Magpie finit par succomber à la tentation ; Se mordillant les lèvres, la Diva de Bristol saisit un coin du voile qui recouvrait le tableau mystérieux, avant de prendre une longue inspiration... Nul doute que le spectacle serait aussi merveilleux que l'était une éclipse solaire.

En un éclair, elle souleva l'étoffe du tableau, pour le laisser choir aussi rapidement...

Un long silence glacial s'imposa dans le carrosse, tandis que la sorcière rousse n'arrivait pas à mettre des mots sur ce qu'elle venait d’apercevoir subrepticement. Bouche pincée, regard amer ; Mildred Magpie resta pétrifiée comme si elle avait croisé le regard d'une Gorgone. Dans le déni total de ce qu'elle venait de voir, Mildred secoua la tête avec obstination, et releva de nouveau le voile pour observer plus longuement l’œuvre soi-disant prodigieuse de Nelly. Le résultat de cette nouvelle tentative fut encore plus choquante que la précédente... et la laissa sans voix, alors que les hautes tours de Poudlard se dessinaient à l'horizon. Le carrosse doré amorça alors une descente prodigieuse, pour atterrir au plus près de l'entrée principale de l’école Magique... Manquant au passage écraser plusieurs élèves qui se tenaient devant la porte et jouaient bêtement aux boules de neige. Cet grandiloquente arrivée n'avait pour but que de rejoindre le lieu, où Mildred avait donné rendez-vous à sa jeune protégée. La porte du carrosse doré finit par s'ouvrir toute seule comme par enchantement, bientôt suivi par un marche-pied venant s'échouer sur le pavé gelé.


Sans même se donner la peine de descendre de son carrosse, Mildred ne fit qu'étendre sa longue main manucurée dans le froid glacial, avant d'imposer un ordre d'un mouvement rapide de l'index.

"Montez Miss Horrocks! Nous n'avons guère de temps à perdre, si nous ne voulons pas être en retard! " se contenta-t-elle de dire sur un ton aussi tranchant que peu accueillant. L'hospitalité n'était pas de mise, alors que Mildred Magpie indiqua d'un geste tendu du menton la banquette où siégeait le mystérieux portrait emmitouflé.

"Je vous en prie. Asseyez-vous près de votre... chef-d’œuvre. " cracha-t-elle entre ses mâchoires serrées sous le poids d'un dépit indicible. Visage émaciée, Mildred toisa d'un regard sévère la tenue de Nelly, avant de lever les yeux en direction du plafond de son carrosse. "Encore heureuse de vous avoir précisé de bien vous vêtir... J'espère que vous n'êtes pas sans ignorer que Leopoldgrad et mon K-Klub sont des lieux réservés à l'élite de la Nation Sorcière."

Mine boudeuse, Mildred croisa les bras sur son imposante poitrine, alors que la vision de son portrait ne cessait de tourner en boucle dans son esprit courroucé. La Diva de Bristol écoutait à peine Nelly, quand tout à coup, elle posa une question aussi étrange que abrupte.

"Est-ce ce que vous me trouvez belle, Miss Horrocks? "

Le regard figé sur Nelly, la bouche crispée ; Mildred laissa planer un silence pesant. Cela ne dura peut-être que dix secondes tout au plus avant qu'elle ne finisse par se justifier sur l'origine de cette troublante question. D'un coup sec et volontaire, elle tira alors sur le voile qui dissimulait son portrait, avant d'éructer sa déception :

"Car voyez-vous, jeune fille. Ceci n'est pas vraiment la définition que je me fais de la beauté!!! "


Nul doute à présent que ce covoiturage magique allait être long jusqu'à Leopoldgrad, et placé sous le sceau de l'inconfort et du malaise.

"De quoi j'ai l'air ?"

Nelly venait tout juste de regagner son dortoir et se tenait devant la porte, face à ses camarades qui, contrairement à elle, étaient toujours en uniforme pour certaines ou en pyjama pour d'autres. Presque toutes les filles rentraient chez elles pour les vacances de Noël et s'affairaient donc à faire leurs bagages, desquels elles levèrent les yeux pour contempler la tenue de leur camarade. Un peu mal à l'aise d'être au centre de l'attention mais pourtant parfaitement mise en valeur dans une longue robe bleue nuit, la préfète baissa les yeux et croisa ses mains devant elle, un sourire timide aux lèvres. Elle savait que, ce soir, on ne lui ferait pas de cadeaux et que rien ne serait laissé au hasard, que tout serait calculé. En connaissant Mildred Magpie, elle se doutait que tout devait être parfait et à la hauteur de Leopoldgard ou encore du K-Klub où allait se dérouler le vernissage... A commencer par sa tenue qui était la première chose que l'on verrait et que l'on jugerait. L'image qu'elle renverrait passait beaucoup - si ce n'est essentiellement - par son apparence alors elle se devait d'être sous son meilleur jour. Passer sous le regard critique de ses camarades était la première étape à franchir, et le verdict était nécessaire pour calmer ou non le trac qui lui nouait les entrailles.

" - On dirait une bourgeoise, ricana Suzie.
- Plutôt une princesse Disney, corrigea Laetitia en penchant la tête sur le côté.
- Pour moi, tu as l'air d'une actrice prête à monter les marches pour la cérémonie des Oscars. Chloe s'était levée pour la rejoindre, un sourire encourageant étirait ses lèvres. Tu es très belle, lui souffla-t-elle en lui prenant les mains.
- Et ma coiffure ça va ?
- Ouiii très bien ! Relax, tu es tendue comme un string.
- Oui bah merci c'est un peu stressant comme situation figures toi, lui fit remarquer la préfète en s'avançant vers son lit où était posée la cape d'hiver assortie à sa robe.
- De quoi ? Le vernissage du portrait de la romancière la plus connue du pays sur lequel tu as travaillé pendant des mois et qui va être exposé en public pour la première fois ce soir ?
- Oui. Précisément, soupira Nelly en se débattant un peu avec sa cape avec des gestes fébriles.
- Tout va bien se passer, on en est sûres, lança Laetitia qui était assise sur le sol devant sa valise.
- Et si jamais personne n'aime ? Même Magpie ne l'a pas vu ! Vous imaginez si ça flop complètement ?
- Non mais écoute, tu n'es même pas encore là-bas. Ça ne sert à rien d'appréhender comme ça et de te faire un sang d'encre. Relax, je serai avec toi en plus, ça va être cool !
- Ça se voit que ce n'est pas vos tableaux qui vont être exposés au K-Klub...
- Justement, c'est ça ! Nous, on aura jamais rien à exposer à K-Klub pendant une soirée pareille. Contrairement à toi ! A nos yeux, tu es déjà une star, tu as déjà tout gagné ! Tu devrais dans un premier temps te concentrer là-dessus : à la chance que tu as, à ce que tu vas vivre ce soir... Et ne pas t'arracher les cheveux dans des considérations inutiles. Tu as déjà fait beaucoup et tu vas être là où certaines personnes rêveraient d’être. Pense à ça."

Chloe lui sourit avec bienveillance, une lueur d'émotion brillant au fond des yeux. Touchée par les mots de son amie, Nelly ne sut quoi répondre et hésita quelques secondes avant de s'avancer pour serrer la jeune femme dans ses bras.

" - Tais toi tu vas me faire pleurer, lui souffla-t-elle alors qu'un poids s’envolait déjà de ses épaules.
- On est fières de toi, répéta Chloe en passant ses mains dans son dos. Et je serai là, je ne te laisserai pas dans la gage aux lions toute seule.
- Oooooh câlin collectiiiif !" Ses autres camarades de dortoir se joignirent à l’étreinte, le sourire aux lèvres, ce qui arracha un éclat de rire à Nelly. Visiblement, elle ne les avait pas si agacées que ça en leur confiant ses doutes quant à la réalisation de ce projet, certains soirs, alors qu'elles étaient toutes bien au chaud dans leur lit.

" - Doucement, c'est bon stop ça suffit ! articula Nelly entre deux éclats de rire, la voix étouffée. Vous allez froisser ma robe !
- Ah oui, non ce serait bête après le temps qu'on a passé dans cette boutique, ricana Chloe en s'écartant pour la laisser respirer.
- Elle est pas un peu trop décolletée cette robe, d’ailleurs ? fit remarquer Laetita.
- Mais non. La vendeuse a dit que j’étais un H et que « Mini poitrine… Maxi décolleté ! », lui répondit la préfète en utilisant les arguments de la vendeuse qu’elle n’avait pas entièrement comprise.
- Et puis, si tu montres le haut sans montrer le bas, ce n’est pas vulgaire, ajouta Chloe d’un air expert. Ça l’est à partir du moment où tout est court partout.
- Oui voilà, merci. Écoutez l’experte, reprit Nelly. C’est vrai que tu t’y connais en vulgarité toi, glissa-t-elle ensuite à son amie.
- Oh c’était facile ! Elle était toute faite ! Nelly lui envoya un baiser avec sa main, les yeux brillant de malice, et enroula sa cape d’hiver autour de ses épaules.
- J’y vais, je veux pas être en retard.
- Fonce ma petite star ! A tout à l’heure !
- Bisouuus ! Bon couraaaage !"

Nelly regagna la salle commune qu’elle traversa sous les regards interrogateurs de certains élèves puis sortit dans les couloirs frais et humides des cachots. Un frisson remonta la long de son dos alors qu’elle avançait vers les escaliers principaux ; un frisson tout autant provoqué par le froid que par le trac qui la gagnait à nouveau maintenant qu’elle était seule. L’échéance approchait et elle aurait aimé arrêter ou ralentir le temps à cet instant. C’était plus fort qu’elle, le jeune femme avait l’impression qu’un tournant important de sa vie se jouait ce soir et, forcément, quand on voyait les choses sous cet angle, l’avenir faisait peur. Elle savait que, quoi qu’il arrive, le vernissage de ce soir ne resterait pas sans répercussions. Seraient-elles positives ou négatives ? Seul Merlin savait.
Heureusement, elle pouvait compter sur Chloe pour la calmer et lui redonner confiance. Les filles du dortoir avaient été adorables avec elle. La jeune femme reconnaissait qu’elle avait des amis géniaux qui savaient quoi dire et quoi faire lorsqu’elle en avait besoin. Elle aurait aimé pouvoir en parler à ses amis moldus, également, ils l’auraient très certainement soutenue mais c’était sa vie et son futur de sorcière qui était concernés. Un voile de tristesse passa sur son visage à cette pensée. Ça, s’il y avait bien quelqu’un qui ne le comprenait pas, c’était Virgil. Il n’avait pas l’air d’avoir compris que c’était sa vie et que cet événement était important pour elle. Il s’arrêtait au fait qu’elle travaillait avec Mildred Magpie, avec qui il avait un passif houleux, et était incapable de se réjouir pour elle... Bien qu’elle l’aurait voulu. La préfète chassa ses pensées, les sourcils froncés. Ce n’était pas le moment de se polluer l’esprit avec des réflexions parasites. Elle faisait ça pour elle et pour personne d’autre. Elle ne voulait pas penser à Virgil qui avait le don de la déconcentrer, aussi bien pour les bonnes que les mauvaises raisons.

Après quelques minutes d’attente devant les grandes portes du château, un carrosse doré, tiré par des chevaux ailés à l’allure majestueuse, fendit les nuages et descendit rapidement pour venir s’arrêter devant Nelly, manquant d’écraser des élèves au passage. OK. La préfète resta immobile quelques secondes, bouche bée, incapable de savoir si elle était gênée ou impressionnée que Mildred Magpie vienne la chercher dans un tel carrosse. C’était… voyant. Un peu trop même. On ne risquait pas de rater leur arrivée. Elles ne pouvaient pas transplaner comme tout le monde ? Ou emprunter un Portoloin ? Ce serait, en plus, certainement plus rapide que ce moyen de transport bien trop pimpant à son goût.
Les portes s’ouvrirent et Mildred l’invita à entrer, un certain empressement dans la voix. Soucieuse que son taxi du soir reparte au plus vite avant d’attirer tous les regards, Nelly monta dans le carrosse dont l’intérieur était tout aussi somptueux que l’extérieur.

"Bonsoir Miss Mag…"

Ses salutations furent coupées par la romancière qui jugea sévèrement sa tenue, visiblement quelque peu sur les nerfs. La préfète en chef sourcilla un peu, prise de court par l’humeur de Mildred, et s’assit silencieusement sur la banquette face à elle, à côté de son portrait recouvert d’un voile.

"Excusez moi, mais j’estime que c’est une tenue tout à fait convenable," se défendit-elle calmement en prenant garde à ne pas froisser sa robe sous ses jambes.

"Est-ce ce que vous me trouvez belle, Miss Horrocks ?"

Nelly fronça les sourcils, décontenancée par une telle question piège. Que répondre ? Généralement, les gens qui la posaient attendaient une réponse positive, même si ce n’était pas la vérité.

"… Oui, bien sûr !" répondit-elle comme si la réponse était évidente sans se départir de son expression soucieuse. Quelque chose clochait, elle le sentait. Il lui manquait un élément pour comprendre entièrement cette situation gênante.

La raison de l’humeur étrange de la romancière ne tarda pas à se dévoiler, littéralement, quand celle ci tira d’un geste colérique le voile satinée qui recouvrait son portrait en lui crachant sa déception à la figure. Le voile qui, jusqu’ici, masquait le tableau que seule sa créatrice connaissait tomba au sol et un silence pesant s’installa dans l’habitacle. Le regard de Nelly passa de la toile à Mildred plusieurs fois de suite alors qu’elle cherchait ses mots. Que dire ? Que faire ? Le portrait était fait. S’il ne plaisait pas à la principale concernée, il était trop tard pour faire machine arrière. Magpie n’avait pas voulu le voir ou suivre son avancée, préférant faire confiance à son « génie créateur ». Nelly avait toutes les clés en main, Mildred lui avait dit de faire ce qu’elle voulait comme elle l’entendait, elle lui avait fait confiance. Si la toile ne lui plaisait pas, elle avait sa part de responsabilité. C’était le risque à prendre quand on confiait son image à un dessinateur ou un peintre. Chaque artiste avait son coup de pinceau, son style et sa manière de voir le monde.
Oui, Nelly avait fait des croquis des poses de « déesses » tout aussi suggestives et gênantes les unes après les autres qu’avait pris l’écrivaine, mais non, elle n’avait pas peint cela pour le tableau final, car elle le préférait comme cela. Parce que, dans toutes les différentes poses et les différents angles qu’elles avaient essayés ensemble, c’était un gros plan qu’elle avait préféré, celui où, finalement, elle avait pris le plus de plaisir à le faire. Peut-être que le résultat final ne plaisait pas à Mildred, mais il lui plaisait à elle et elle en était fière, c’était l’essentiel.

C’était bien beau de prendre intérieurement la défense de sa toile, mais il lui fallait, maintenant, tenter d’apaiser la colère de Mildred à laquelle elle était confrontée. Car la jeune femme avait beau être, au fond, fière d’elle, extérieurement, avec l’anxiété qui montait, elle n’en menait pas large.

"Miss Magpie, commença-t-elle prudemment. Pour moi, cette toile vous représente parfaitement. Personnellement, je l’aime beaucoup, je suis fière du résultat et vous êtes très belle dessus. Elle se tourna quelques secondes vers le tableau pour l’observer. Pourquoi je ne vous ai pas peinte comme une déesse grecque à moitié nue ? Parce que, répondit simplement la préfète, le ton aussi doux qu’elle le pouvait. Avez vous envie que votre portrait soit comparé à une vieille antiquité ? Voulez-vous ressembler à tous ces tableaux que l’on voit partout et que les gens ne regardent même plus tellement il y en a ? Elle espérait calmer la romancière en la glorifiant, en la plaçant au dessus de tout et de tout le monde comme elle aimait l’être, comme une personne exceptionnelle. Croyez-moi, ce tableau sort de l’ordinaire. Regardez tous ces tableaux dans Poudlard au style ancien et aux toiles vieillies qui se ressemblent tous entre eux. On ne les regarde même plus, ils font juste partie du décor comme de vieilles nature morte démodées. Vous ne voulez pas être démodée, Miss Magpie ? Nelly prit une pause pour adresser un petit sourire à la concernée et pour mettre de l’ordre dans son esprit de Serpentard en ébullition. En plus, coupez moi si je me trompe mais vos fans ont l’habitude de vous voir dans des poses langoureuses devant des décors grandioses. La nouveauté ne fait pas de mal dans ce monde où les gens se lassent et demandent toujours plus. Ils veulent des choses différentes, ils veulent de la simplicité, de l’authenticité, ils veulent être touchés. Ses doigts vinrent jouer avec son collier brillant qui mettait en valeur son décolleté. Je pense qu’ils seront touchés. Pourquoi ne le seraient-ils pas ? Ce tableau est simple, il est positif, il véhicule de l’amour, on ne s’ennuie pas en le regardant. Je peux vous dire que j’ai pris plaisir à le travailler. J’espère qu’il saura toucher les gens et provoquer quelque chose chez eux."

Sa plaidoirie terminée, les épaules de la préfète retombèrent un peu. Soulagée, elle s’était étonnée elle-même avec son discours.