Vilfred & Winifred [Papa Bannerman]

17 Novembre 2010, Chambre privée de l’hôpital Saint-Mangouste, service Maternité...

"Mouiiiin, Mouiiiiin, Mouiiiiiiin!!! " vociféra le petit Vilfred à l'oreille de sa sœur. "Mouiiiin, Mouiiiiin, Mouiiiiiiin!!!" lui répondit en écho la petite Winifred. Aussi braillard que complice, les deux adorables petits jumeaux chouinaient en concert afin de réclamer une attention maternelle qui ne venait désespérément pas. En effet, à quelques mètres de là, Mildred Magpie demeurait prostrée sur son lit d’hôpital, refusant encore d'affronter l'ignoble vérité et sa terrible condition de mère de famille.

"Mais vous allez finir par la boucler à la fin? BANDE de petits moOonstres! "

Spectacle d'une maman en plein désarroi, Mildred n'en pouvait plus de cette complainte perpétuelle qui l'excluait de tout repos. Quelle horreur! Mains plaquées sur les oreilles, paupières closes, visage crispé ; La romancière était l'incarnation parfaite des singes de la sagesse... à l'exception près, que toute sagesse avait disparu, tant elle ne voulait simultanément ni voir, ni entendre, ni parler aux deux petits mollusques qui s'égosillaient depuis les tréfonds du berceau.

Mildred Magpie était-elle encore dans le déni? Essayait-elle encore de s'extirper de cet odieux cauchemar qui lui avait laissé autant de traumatismes que de vergetures? Quelle que soit sa volonté pour l'effacer, l'ignoble réalité finissait toujours par la rattraper à grands cris. En effet, cela faisait déjà trois jours ferme qu'elle endurait les caprices de sa progéniture braillarde. Que ce soit pour manger, déféquer mollement, ou réclamer de l'attention ; Vilfred et Winifred ne lui laissait aucune forme de répit. La très superficielle et égocentrique Mildred Magpie était devenue ce qu'elle avait toujours abhorré : Une vieille "maman" ramollie, aussi glamour qu'une grosse vache laitière dans un champs de colza bourré de pesticide. Quelle pire malédiction pouvait-il bien exister?

Soulevant péniblement ses paupières, le regard horrifié de la multimillionnaire se posa immédiatement sur son corps et les ravages corporels laissés par l'immonde mise à bas. Comment ne pas se souvenir de cette nuit funeste? Comment se laver de l'humiliation infligée par l'extraction des deux parasites? Du tréfonds de sa boite crânienne, Mildred entendait encore résonner la voix de l'urgentiste magique qui lui intimait l'ordre de "pousser, pousser, pousser encore plus fort!". La diva de Bristol se voyait encore, baignée de sueur et hurlant à la mort, alors qu'elle peinait à expulser les deux affreux têtard indésirables qui lui labouraient les entrailles. Elle pouvait encore entendre son souffle frénétique et pathétique, alors qu'une pétasse de d'aide-soignante magique l'incitait à haleter honteusement comme un petit chien. Jamais elle ne pourrait oublier l'instant, où se croyant enfin libérée de son fardeau ; L'urgentiste prononça cette terrible sentence : "Le travail n'est pas terminé... Pousser encore. Toujours plus fort!". Elle qui détestait par dessus tout au monde les chiards, la voilà qui se retrouvait avec deux petites crottes nommés respectivement Vilfred et Winifred.

Car oui, le corps médical avait osé lui infliger l'immonde tâche de trouver un nom à crotte n°1 et crotte n°2. Plus pour se libérer du monde agglutiné autour de sa silhouette flasque, Mildred avait alors jeté aux ordures qui l'encerclaient, les noms de deux de ses personnages d'un roman en préparation. Quand à l'identité du géniteur, Mildred s'était jurée de se murer dans un silence protecteur. Pourquoi devrait-elle s'infliger un troisième boulet? A en juger par leurs faciès hideux et si caractéristiques, il ne faisait pratiquement aucun doute que le bedonnant Bannerman avait planté son odieuse petite graine en elle. Honteux! Comment avait-elle pu laissé une telle hérésie se produire? Pourquoi ne s'était-elle pas protégée du pire? Comment avait-elle pu ignorer ces neufs mois de grossesse, et passer à coté d'un avortement salvateur autant pour sa carrière que dans sa quête de l'époux idéal? En se remémorant les conditions du naufrage de la dernière Saint-Valentin, Mildred Magpie ne pouvait que se maudire intérieurement. Que de faiblesse! Que de mauvaises décisions! Avec du recul et la vision de ce berceau assourdissant ; Il aurait été préférable qu'elle gèle dans ce maudit lac, plutôt que ce répugnant Bannerman la foute en cloque! Comment avait-elle pu tomber si bas? Comment avait-elle pu prendre du plaisir avec un être aussi grotesque?

Alors qu'elle avait tout fait pour les édulcorer de sa mémoire, les odieux et torrides souvenirs de ses galipettes tumultueuses dans la cabane d'Hagrid refirent peu à peu surface... Telle une poupée de chair, esclave du désir, Mildred se revoyait en train de rebondir avec allégresse sur la bedaine proéminente de l'insignifiant chargé en communication du ministère. Elle se revoyait se tordre de plaisir, s'accrocher au lustre en corne d'auroch, ou encore dévaster la cabane sous l'emprise d'un désir aussi inépuisable que partagé. Bien plus qu'une bêtise, cet instant d'égarement allait sérieusement compromettre sa vie et sa carrière. Comment ses fans allaient-ils la juger? Comment allait-elle concilier les multiples facettes de sa vie professionnelle si ses jumeaux lui pompaient toute son énergie? Comment plaire aux hommes et trouver son prince de toujours avec deux affreux rejetons sur les bras? Comment se débarrasser des bébés avec l'eau du bain? Autant de "comment" auxquels elle n'arrivait point à répondre. Ses longs ongles manucurés pianotant frénétiquement sur le clavier magique de son Pear, Mildred cherchait conseil auprès de son fidèle et loyal conseiller financier : Ronald Klump. Coincé au fin fond du triangle de Bermudes, où il s'occupait gracieusement de ces précieux bébés Gallions dissimulés aux yeux des créanciers et de la justice fiscale ; Ronald Klump lui suggérait malicieusement de faire un coup marketing de ses bébés, de surfer sue le scoop, et d'en faire des tonnes pour séduire le public. Bref, faire ce qu'elle savait le mieux faire : Raconter une belle histoire. C'était pas dénué d'intérêt, quand on savait que Vargas Corp plaçait la requête "bébé câlin" en seconde position dans son moteur de recherche magique, juste derrière "chatons mignons". Et cela couperait court, à toutes les rumeurs nauséabondes que cherchaient à véhiculer la revenante Rita Skeeter et son maudit sorcière-hebdo.  

Le souci étant que malgré ses talents inné de comédienne, Mildred éprouvait encore toutes les difficultés du monde à se rapprocher de sa marmaille. Bref la question du comment faire semblant d'aimer sa progéniture s'imposait à son esprit calculateur, alors que ceux-ci pleuraient en chœur. Nul doute que les deux petites crapules réclamaient encore et toujours leur lait, mais Mildred Magpie n'étaient pas prête à partager ses pics jumeaux avec ses jumeaux. Car il n'y avait pas plus horrible sensation que celle de ses deux petites ventouses venant la traire comme une vulgaire vache laitière! Soucieuse de couper courts aux rumeurs qui enflaient sur la toile, Mildred éprouvait toutes les peines du monde à se concentrer dans sa recherche de faire-part magique digne de son incroyable personne. Il faut dire que les deux maudits oisillons piaillaient et réclamaient leur becquée de plus bel.

"Mouiiin, Mouiiiiin, Mouiiiiiiiin! "
"Mouiiin, Mouiiiiin, Mouiiiiiiiin! "

S'en était trop pour une maman Mildred au bord de la crise de nerf...

"Mais taisez-voOous!!!Silence petits moOorveux!!! Sinon je vous jure que j'en prends un pour taper sur l'autre!!! C'est bien clair? "

"Mouiiin, Mouiiiiin, Mouiiiiiiiin! "
"Mouiiin, Mouiiiiin, Mouiiiiiiiin! "

Mais que ce soit Vilfred ou Winifred, aucun des deux petits têtards n'étaient prêts à lâcher l'affaire. Si bien que Mildred excédée, voulut presser la poire magique qui reposait sur sa table de chevet afin de réclamer l'intervention d'une médicomage. Elle n'eut pas le temps de faire que déjà trois coups résonnaient sur la porte. Alléluia quelqu'un venait à son secours!

"Faites quelque chose, je n'en peux plus! C'est hoOorible! Ils n'arrêtent pas de brailler depuis des heures et je ne sais plus quoi faire pour qu'ils se tiennent tranquilles! "

Mais quand un individu corpulent et facilement reconnaissable pénétra dans sa chambre d'amour, la mâchoire de la mère indigne chuta d'un étage. Bannerman!

"VOUS! VOUS, ICI??? Comment osez-vous venir? Qu'est-ce que vous ne comprenez pas dans le message : "Visite interdite! Dégagez, ou j'appelle la sécurité!!! "

En effet que pouvait bien venir faire l'immonde géniteur, dans la chambre de ses deux beaux jumeaux? Si ce n'est semer encore davantage le chaos dans la vie de Mildred. La romancière se jura intérieurement de ne jamais divulguer la vérité de cette paternité honteuse. Car Bannerman était tout sauf digne d'être le père de ses enfants...