On fait ce qu'on peut [Marlène & Dave]

Le jardin du manoir était un vrai havre de paix dans cette période de l’année où les jours ensoleillés se succédaient. Dave avait pris quelques jours de congé, plus parce qu’il était obligé d’en prendre que parce qu’il en avait réellement envie. Il se sentait désoeuvré et n’aimait pas beaucoup ces moments où son esprit avait toute la latitude de vagabonder, généralement vers des idées noires. Alors il saisissait les moindres occasions de s’occuper, même celles qui consistaient à surveiller Nicholas. Son demi petit-frère marchait, maintenant, et comme cette nouvelle compétence lui offrait tout un champ de possibles qu’il ne pouvait pas s’empêcher d’explorer, il était plus sujet à faire des bêtises. Rosaleen ne pouvait pas toujours garder un oeil sur lui, même en cette période de vacances où elle n’était pas à Lycaon. Elle avait quelques obligations de première dame et c’était justement les moments de l’année où elle pouvait s’y consacrer pleinement.

Elle accompagnait Leopold dans une visite diplomatique dans les Hébrides qui devait occuper toute leur après-midi et Dave se retrouvait donc chargé de veiller sur Nicholas. Ce n’était pas une tâche trop pénible, Nicholas était un enfant plutôt calme, bien que ronchon à ses heures. Il ne fallait pas trop l’embêter en somme. Il s’accommodait assez bien de jouer tout seul, il pouvait ainsi faire ce qui lui plaisait et cela convenait très bien à Dave qui se contentait de vérifier ce qu’il faisait de temps en temps et d’accepter les babioles que le petit lui ramenait parfois. Maintenant qu’il marchait et qu’il pouvait partir à l’exploration de tout le jardin, Nicholas avait attrapé cette manie de ramasser tout ce qui lui semblait à peu près plaisant -un caillou, une fleur sauvage, une poignée de terre- et de le rapporter avec empressement à son frère. Pourquoi pas. Dave gardait un oeil sur son article du Gringotts Time et l’autre sur le petit qui gambadait entre les haies soigneusement taillées du jardin.

Mais cette demi-surveillance n’était pas toujours suffisante et le drame finit par se produire. Quand des pleurs retentissants déchirèrent le calme du jardin, Dave sursauta et laissa glisser son journal sur ses genoux. Il prit une allée sur sa gauche, en poussant son fauteuil avec empressement. Les buissons l’empêchait de voir Nicholas mais il l’avait vu quelques secondes plus tôt s’engouffrer de ce côté-là… Il le vit à genoux sur le sol, pleurant à chaudes larmes et Dave eut le plus grand mal à se placer de façon à ne pas l’écraser avec son fauteuil tout en le rendant accessible pour ses bras. Non sans un certain effort, il se plia en deux et souleva le garçon pour l’amener sur ses genoux. Oh la, du sang. Du sang partout sur un côté de son visage. Dave prit entre ses mains le visage de Nicholas pour voir de plus près la plaie sur son arcade sourcilière qui saignait un peu trop pour qu’il ne s’agisse que d’une égratignure.

« Oooh mais tu t’es ouvert ! Comment tu as fait ça ? »

C’était une question rhétorique plus qu’autre chose, parce que Nicholas ne pouvait pas encore formuler des phrases, en tout cas, pas dans un langage intelligible pour les autres. Il avait dû tomber sur un caillou. Dave installa Nicholas qui pleurnichait comme il put sur ses genoux de façon à revenir dans l’allée. Mercy avait suivi Rosaleen et Leopold dans leur voyage pour s’occuper de leurs effets personnels. Il était seul dans la maison et n’était pas certain de savoir désinfecter correctement cette plaie… Et s’il s’y prenait mal ? Il n’avait jamais fait des choses comme ça, on s’était toujours occupé de lui. Et s’il fallait lui faire des points de suture ? Il n’avait pas l’oeil d’un médecin pour le déterminer. Un peu fébrile mais l’esprit clair, malgré tout, il sortit sa baguette pour appeler son Patronus.

Quelques minutes plus tard, le véhicule de son chauffeur s’était frayé un passage dans la circulation londonienne, tel un Magicobus fou, déposant Dave et Nicholas devant la façade de Sainte Mangouste. Cela faisait un moment qu’il n’était pas venu, tiens, songea Dave avec aucune espèce de regret. Il connaissait bien l’hôpital mais n’avait jamais eu l’occasion d’atterrir dans les urgences pédiatriques. Avec sa baguette, il activa son fauteuil de façon à ce qu’il avance doucement, sans qu’il n’ait besoin de pousser avec ses bras. Nicholas gigotait sur ses genoux en chouinant « Maman », or la dernière chose dont Dave avait envie c’était qu’il tombe encore. Il l’encercla d’un bras pour le maintenir en place en chuchotant pour le rassurer :

« Elle n’est pas là ta maman mais on va aller voir un médicomage pour te soigner, tout va bien… »  

Il avait voulu mettre un peu d’alcool sur la plaie de Nicholas avant de partir tout à l’heure mais ce dernier avait tellement hurlé en essayant qu’il s’était contenté de plaquer un mouchoir sur son front pour absorber les saignements avant de l’embarquer dans la voiture. Soins de fortune. Quand la standardiste l'assura qu'on les prendrait rapidement en charge, il s'installa dans un coin de la salle d'attente.

« Arrête de bouger, tu vas tomber » somma Dave, sur une voix plus autoritaire à son petit frère.

C’était assez difficile de le gérer avec seulement une moitié de corps valide sans qu’il n’ajoute de la difficulté.  

Marlene en était à son deuxième changement de blouse en treize heures de garde. Un bon quota selon sa titulaire, le docteur Delaware, quand on travaillait en pédiatrie. Les études de Médicomagie étaient intenses et prenantes, elle avait l'impression d'être partout à la fois, de passer de service en service. Et c'était le cas. Pendant l'été, chaque semaine, les élèves de première année découvraient un service différent afin de se familiariser, en plus de leurs cours. Ils alternaient entre gardes et classe, devoirs à rendre et adaptations dans les services. C'était épuisant. Intéressant, stimulant mais épuisant. Quand elle rentrait chez elle, elle s'endormait en cinq minutes. Mais elle était contente de son choix jusqu'à présent, elle s'était fait des copines, la promo était encore agréable (cela se corserait sûrement avec l'approche des examens...) et elle aimait ce qu'elle apprenait. Cette semaine, elle travaillait en pédiatrie et elle était plutôt contente de retrouver des enfants même si elle avait vu plusieurs cas difficiles avec sa titulaire. Les enfants malades, c'était loin d'être simple. Aujourd'hui, elle faisait les urgences et c'était plutôt passionnant. Ils avaient de tout : du petit qui avait avalé un bouchon en liège qui servait à fermer les fioles de potions à celui qui avait carrément descendu une potion dangereuse. Puisque sa titulaire courait partout, accompagnée par des étudiants d'années supérieures, Marlene avait été chargée de faire l'évaluation de cas qui semblaient assez simples.

Un troisième année, qui voulait se spécialiser en pédiatrie mais dont elle avait oublié le nom, Alex quelque chose, lui avait mis un dossier entre les mains sans qu'elle n'ait vraiment le temps de comprendre ce qui se passait. Elle s'avança dans la salle d'attente en tentant de déchiffrer les pattes de mouche d'Alex sur le nom du patient. Elle finit par prononcer d'une voix un peu hésitante :

- Nic... holas ? Merchebek ?

C'était vraiment mal écrit. Elle releva les yeux pour voir si son interpellation avait attiré quelqu'un, autre que le bébé de six mois qui voletait au plafond et que sa mère tentait de rattraper, et aperçut Dave, avec un bébé dans les bras. Ah. Marchebank. Elle écarquilla les yeux, perturbée par plusieurs pensées. Tout d'abord parce qu'elle n'avait pas revu son camarade de classe depuis son accident et que cela lui faisait étrange de le voir dans son fauteuil. Ils avaient passé sept ans ensemble, c'était vraiment un peu bizarre. En second lieu parce qu'on lui donnait à examiner Nicholas Marchebank, le fils du Ministre de la Magie, et que sa titulaire n'était pas là. Et si elle faisait une bêtise ? Elle eut vraiment un instant d'arrêt avant de se reprendre. Elle serra le dossier contre elle et s'efforça d'avoir un sourire, son cerveau moulinant dans tous les sens. Est-ce qu'elle devait aller chercher sa titulaire pour ce cas ? Après tout elle devait juste l'évaluer, elle pouvait le faire, même si c'était le bébé du Ministre, c'était un bébé... Est-ce qu'elle devait tutoyer Dave ? Ils se connaissaient mais tout de même, cela manquait peut-être de professionnalisme. Est-ce qu'elle devait l'aider à porter le bébé ? Non, sûrement pas, il était arrivé jusque là sans qu'elle l'aide... Elle avait chaud soudain, de stress, et des plaques rouges sur les joues. Elle souffla pour dissiper les picotements d'angoisse qui parcouraient sa peau et avança vers Dave.

- Tu peux me suivre, si tu veux, on va aller au box numéro 3.

Elle s'y dirigea, tout en cherchant du regard Alex ou sa titulaire, sans les trouver. Super. Elle tira le rideau et s'effaça pour laisser passer Dave. Normalement, elle était censée se présenter mais il se connaissaient déjà. Elle avait envie de sortir sa fiche de notes pour bien vérifier ce qu'elle devait faire alors qu'elle avait réalisé des évaluations toute la journée, elle connaissait la procédure. Elle tenta de se concentrer de nouveau et se racla la gorge. Elle n'allait quand même pas lui dire "Bonjour, je suis Marlene, je suis externe et je suis chargée de faire le premier entretien", non ? Non, elle ne pouvait pas.

- Bonjour, commença-t-elle tout de même. Je suis chargée de faire le premier entretien...