Emportée par la foule [Grady/Priya]

« Avec le Switch, vous pourrez communiquer avec tous vos amis, qu’ils soient moldus ou sorciers ! Grand sourire figé. Téléchargez le Switch et soyez libre de parler à qui vous voulez ! »

Priya abandonna son sourire hypocrite et poussa un long soupir face à son reflet dans le miroir, qui affichait une moue de découragement.

La Vargas Corporation avait loué un immense stand à la Muggle Convention et elle avait été désignée pour s’en occuper tout l’après-midi. Tous les employés y passaient -apparemment c’était bon pour faciliter leur intégration et encourager l’esprit « corporate »- mais certains étaient plus doués que d’autres. Et Priya appartenait très clairement à ces « autres ». Elle n’arrivait pas à vendre les projets de l’entreprise, alors même qu’elle était convaincue de leur utilité. Soit elle se perdait dans des explications techniques qui n’intéressaient personne, soit elle bafouillait quelques formules d'accroche pondues par le service communication, sans aucune conviction. Dans les deux cas, elle perdait en général l’attention de ses potentiels clients en quelques secondes. Elle n’était tout simplement pas faite pour ça.

La jeune femme s’était réfugiée dans les toilettes pour femmes du centre de convention, et avait tenté de s’entrainer un peu face au miroir, mais plus elle s’essayait aux slogans publicitaires, plus ils étaient mauvais. Résignée, elle abandonna tout espoir de se transformer en reine du marketing et se contenta de ramener tous ses cheveux sur son épaule droite pour en faire une longue tresse, qui aurait au moins le mérite de l’empêcher de jouer avec ses cheveux pendant qu’elle parlait.

Priya repoussa ses lunettes sur le haut de son nez, souffla un grand coup et poussa la porte des toilettes pour regagner le stand de Vargas.

*Plus que deux heures * songea-t-elle avec découragement.

Cent-vingt minutes, et elle serait libre. En estimant qu’ils aient un visiteur toutes les trois à quatre minutes, cela signifiait qu’elle avait encore une bonne trentaine de clients potentiels à faire fuir avec sa nervosité et son discours mal assuré.

Elle aurait largement préféré rester au labo pour finaliser les derniers essais sur le Switch, justement. L’application était presque au point, et serait commercialisée dès la fin de l’année, juste à temps pour noël. La partie logicielle était terminée depuis des semaines mais elle était encore trop gourmande en énergie. Il fallait ré-enchanter son Pear entre chaque message lorsque le Switch était actif, ce qui était assez pénible. Une résistance magique et un sortilège d’inertie perpétuelle devraient suffire à diminuer sérieusement la consommation de l’application, mais il fallait encore faire quelques tests pour vérifier les chiffres. Tests qu’elle aurait pu mener cet après-midi si elle n’avait pas été occupée à se ridiculiser auprès de la clientèle de Vargas Corp.

Le stand se trouvait de l’autre côté du hall mais Priya renonça à l’idée de couper à travers la foule et préféra longer sagement les murs, loin des visiteurs qui se pressaient les uns contre les autres. La Muggle Convention avait été ouverte la veille et avait attiré beaucoup de curieux, ce qui n’arrangeait pas du tout la jeune ingénieure. Elle avait une peur panique des mouvements de foule, et de la foule en général, et fuyait ce genre de rassemblements autant que possible. Elle faisait donc particulièrement attention à rester éloignée des divers attroupements et n’empruntait que les chemins les plus dégagés, quitte à mettre deux fois plus de temps pour regagner le stand.

« Pardon » souffla-t-elle en baissant les yeux quand une grande blonde la bouscula d’un coup d’épaule.

Avisant un groupe de personnes âgées qui arrivait en face d’elle, Priya voulu tourner à droite pour changer d’itinéraire mais se retrouva nez-à-nez avec une mère de famille accompagnée de trois enfants en bas-âge qui courraient dans tous les sens. En moins de trente secondes, son petit coin tranquille se retrouva envahi par une trentaine de visiteur. D’où venaient tous ces gens ? Et pourquoi passaient-ils tous par ici ? Elle avait l’impression que tout le monde convergeait vers l’endroit exact où elle se tenait. Elle se sentait oppressée. Elle avait du mal à respirer.

Reconnaissant aussitôt des symptômes auxquels elle était désormais habituée, elle se força à prendre de grandes inspirations et essaya de fixer son regard sur un point en hauteur. Regarder au-dessus de la foule. Inspirer. Expirer. Elle avait les jambes en coton. Elle s’arrêta, incapable de continuer à avancer. Inspirer. Expirer. Elle repéra un adolescent, juste devant elle, qui dépassait tout le monde d’une dizaine de centimètre et se concentra sur le sommet de son crâne. Inspirer. Expirer. On la bouscula une nouvelle fois, puis encore une autre. Elle se sentait écrasée. Elle manquait d’air. Elle avait trop chaud. Inspirer. Expirer. Elle réussit à faire quelques pas, pressée de tous les côtés par des gens qui lui coupaient la route, mais sa tête se mit aussitôt à tourner. Sentant qu’elle pouvait perdre connaissance à tout instant, elle tendit la main et attrapa le bras du grand brun qu’elle avait repéré un instant plus tôt.

« Je ne me sens pas bien… parvint-elle à articuler entre deux respirations sifflantes. Il faut que je sorte… »

Grady était un peu vexé qu'aucun de ses copains n'ait voulu l'accompagner à la Muggle Convention. Ou n'ait pu. Mais il préférait la première version parce qu'il avait pu s'en plaindre à sa maman quand elle lui avait téléphoné tout à l'heure. Elle lui avait promis de lui envoyer des cookies pour compenser et forcément, tout allait mieux depuis. Il comptait bien les cacher dans sa chambre pour que James ne les mange pas tous. Oui, il était un meilleur ami déloyal. Mais il y avait des choses sacrées, comme les rasoirs et les cookies de sa mère. Comme il était un vrai adulte maintenant, il avait eu dix-neuf ans il y a une semaine, il avait décidé d'y aller seul, pour découvrir tous les stands.

Cela lui faisait du bien de se changer les idées sur ses jours de congé, plutôt que de rester à la maison à glander sur le canapé. Pour son anniversaire, il avait reçu un jeu vidéo qui était censé fonctionner sur une certaine console magique, la WIIZ, sauf que... Il ne possédait pas ladite console. Il espérait qu'il allait pouvoir la trouver ici - ça c'était à peu près certain - et surtout, pour pas trop cher. Cela lui avait fait un peu étrange de fêter cet anniversaire car il avait beaucoup pensé à Samantha, toute la journée. Ils étaient nés le même jour... C'était aussi son anniversaire à elle. Quand ils étaient gosses, à la Cité, c'était toujours un jour de fête. C'était aussi le dernier instant de vacances avant la rentrée scolaire : il avait de nombreux souvenirs de ces soirées-là au goût d'été, quand ils installaient des piscines gonflables dans les jardins, qui finissaient à moitié crevées à la fin de la journée à force d'être écrasées par des ados qui se jetaient dedans. Sauf que cette fois-ci, Sam n'avait pas pu fêter son anniversaire. Cela avait été la première pensée de Grady au réveil et même s'il avait essayé de la chasser pour profiter de sa journée avec sa famille, de sa soirée au restaurant le soir avec ses potes, il n'avait pas pu y arriver complètement. En fin d'après-midi, avant de quitter Nimbus, il était passé voir le père adoptif de Sam pour lui toucher un petit mot, pour lui montrer que personne ne l'oubliait même si elle n'était plus là. Il lui avait même consacrée l'une des bougies qu'il avait soufflé. C'était quand même son anniversaire à elle.

La plupart du temps - comme avec tout ce qui pouvait le tracasser - il essayait de ne pas trop y penser pour pouvoir continuer de vivre sa vie. Il essayait de cumuler les choses chouettes, comme les repas "escalope à la chip et frites" avec James, les moments qu'il passait avec ses licornes au travail et les jeux-vidéos, si du moins il trouvait la WIIZ. Il y avait pas mal de monde au salon et il essayait de ne rentrer dans personne avec ses techniques de ninja (ce qui ratait une fois sur trois). Tel un Niffleur d'un mètre quatre-vingt-six, il était attiré par les enseignes qui brillaient et furetait un peu partout à la recherche de son Précieux. Comme il était un homme qui savait se concentrer, il avait perdu vingt-minutes à observer la démonstration de balais pour personnes âgées, censés garantir leur autonomie dans les moments du quotidien : monter un escalier, aller à l'épicerie... Il avait été vachement convaincu. Dommage qu'il puisse marcher, par contre, parce que cela n'allait pas beaucoup lui servir mais... Il n'était pas certain que son père soit ravi s'il lui en offrait un, alors il s'était juste abstenu de vider sa bourse. Il était reparti à la recherche de son stand, profitant de sa grande hauteur pour dominer la foule, quand on lui attrapa le bras.

Surpris, il retint son premier réflexe qui aurait été de secouer de toute ses forces pour qu'on le lâche et baissa les yeux sur une fille qui devait avoir son âge et qui avait l'air... En fait il ne savait pas très bien mais elle n'avait pas l'air bien, quoi. Elle avait une respiration un peu étrange, comme Dark Vador au sauna, et Grady ne savait pas vraiment quoi faire. Il n'était pas très doué pour aider les gens, contrairement à James. Les licornes, ça allait. Besoin qu'on fasse les sabots en urgence ? Il était là. Mais gérer les émotions des gens, cela le mettait toujours mal à l'aise. La fille demanda à sortir et il eut donc une réaction tout à fait appropriée.

- Ah euh ah.

Il regarda autour d'eux comme si quelqu'un allait débarquer et lui donner les consignes pour aider les demoiselles en détresse qu'il trouvait sur son chemin mais tout le monde semblait indifférent. Elle voulait sortir, d'accord. Il n'y avait donc qu'une seule chose à faire et c'était maintenant sa responsabilité. Il pouvait le faire.

- Alors euh la sortie c'est par là en fait, vous contournez le stand bleu là et vous continuez tout droit !

 

La petite partie de son cerveau qui était encore lucide et qui n'avait pas complètement cédé à la panique pure commença à s'inquiéter en voyant l'air carrément perdu qu'affichait le jeune homme qu'elle avait désigné d'office comme son sauveur. Elle avait connu plus réactif. Si elle n'avait pas été sur le point de perdre connaissance, elle aurait certainement répondu avec cynisme à sa réplique pleine de bon sens, à savoir "ah euh ah", mais elle n'était pas vraiment en état de plaisanter pour le moment et se contenta de fixer son interlocuteur avec un regard désespéré qui hurlait "aide-moi par pitié".

Pendant une fraction de seconde, Priya crut qu'elle allait éclater de rire quand le jeune homme lui indiqua le chemin de la sortie. Il se payait sa tête ? Il voyait bien qu'elle était en train de faire un malaise ! Cette brève envie de rire fut rapidement chassée par un terrible constat. Il n'allait pas l'aider. Il aurait dû l'attraper par le bras et l'attirer loin de la foule, mais il restait planté là comme un imbécile, aussi immobile qu'elle.
Elle allait mourir parce qu'un idiot n'avait pas su lui venir en aide. Génial.

"Mais. Je..."

Elle s'étrangla sur la fin de sa phrase, incapable de formuler sa requête à voix haute. Elle était complètement paralysée par la peur. Elle n'arrivait plus à respirer, comme si ses poumons s'étaient bloqués, et elle avait l'impression que la foule autour d'eux était de plus en plus dense. Au fond d'elle, derrière cette peur panique qui l'empêchait de bouger ou même de respirer, elle se détestait pour ça, pour cette phobie ridicule. Elle était une personne éduquée et intelligente, elle était une adulte presque mature, elle avait des responsabilités professionnelles, et elle se retrouvait incapable de seulement demander de l'aide.

Elle avait des sueurs froides dans le dos, et trouva qu'il faisait soudainement beaucoup trop chaud. Elle étouffait. Sa vision se troubla, elle raffermit sa prise autour de la manche du son sauveur inutile, comme pour s'obliger à rester consciente. Elle battit des cils, essaya d'accrocher son regard à un point fixe et remarqua que le jeune homme portait un sweat à l'effigie des Niffleurs Crétins -ce qui était très cool. Elle essaya de se concentrer sur le dessin des personnages, qui essayaient bêtement de détruire la pile de galion sur laquelle ils étaient assis, mais elle n'arrivait pas à fixer on regard. Le centre de convention tournait autour d'elle, et tout devenait flou. Prise de vertiges, elle sentit son genoux gauche flancher, immédiatement suivi par le droit, et elle s'effondra sur le sol, relâchant enfin la manche du sweat de Grady.

Priya reprit connaissance à peine une seconde après que sa tête eut touché le sol et ouvrit aussitôt les yeux, qu'elle cligna plusieurs fois sans parvenir à dissiper le flou autour d'elle. Elle devinait un visage penché au dessus d'elle mais n'arrivait pas à en distinguer les traits. Ses lunettes avaient glissé de son nez pendant sa chute mais elle ne s'en inquiéta pas, tout son cerveau paraissait fonctionner au ralenti. Son instinct de survie et le peu de fierté qui lui restait lui hurlaient de se relever mais elle n'arrivait pas à bouger. La moindre pensée semblait mettre une éternité à voyager jusqu'à ses muscles et maintenir les yeux ouverts lui demandait déjà beaucoup d'efforts. A mesure qu'elle reprenait lentement conscience de la situation -le centre de convention, l'exposition, la foule- elle sentit la peur revenir en elle, prête à la glacer à nouveau.

Une voix lui parvint alors, un peu étouffée par le bourdonnement de son esprit et Priya s'efforça de se concentrer sur ce que la personne floue au dessus d'elle essayait de lui dire.

Grady n'était vraiment pas bon pour gérer les situations de crise. Il avait une théorie sur ça, d'ailleurs : il était lui même une situation de crise permanente. Alors quand une fille venait l'agripper parce qu'elle semblait très bizarre (c'était peut-être une agression sexuelle comme dans #balancetapie ? Peut-être même qu'elle en voulait à son summer body ?), il ne savait pas vraiment comment réagir. Elle voulait sortir mais il lui avait dit où était la sortie mais elle restait accrochée à sa manche comme un surimi à sa branche (si, c'était une vraie expression) et il regardait autour de lui avec l'air perdu, dans l'espoir que quelqu'un vienne lui dire quoi faire ou mieux : le fasse à sa place. Malheureusement, la foule autour d'eux ne faisait pas attention à eux, tout le monde était bien trop occupé. La fille bizarre, à la respiration sifflante, se contentait de fixer son torse. C'était sans doute vrai alors. Elle en voulait à son corps ! Quand il allait raconter ça à James... Heureusement pour Priya, le cerveau de Grady sembla se mettre en marche à cet instant précis et un éclair sembla illuminer son visage. Aaaaaaah ! Quand elle parlait de la sortie, peut-être qu'elle voulait sortir dehors ? Parce qu'elle avait trop chaud ? Ah mais il fallait être plus claire aussi. Tout refait d'avoir éventuellement trouvé une solution tout seul, il s'apprêtait à lui proposer de l'accompagner prendre l'air quand elle s'effondra sur le sol comme une poupée de chiffon.

Ah.

Ah.


Grady avait posé de grands yeux effarouchés sur le corps inerte de la jeune fille et il s'accroupit, alors qu'un léger attroupement se formait autour d'eux. Les gens murmuraient mais personne ne faisait un pas vers eux. Ah bah merci, songea Grady, merci du soutien. Merci beaucoup, super société, société de l'individualisme et du mépris pour les autres, chacun son balai et les Scroutt à Pétard seront bien gardés, tout le monde était prêt à balancer son voisin à la copropriété pour des gnomes de jardin pas réglementaires et on laissait les vampires mourir de faim sous prétexte qu'on ne voulait pas être mordu à la carotide AH BAH BRAVO. Il eut le réflexe de s'agenouiller près d'elle, se demandant s'il était censé lui mettre une claque. Alors on lui avait déjà dit de ne pas frapper les filles mais de un, c'était une claque médicale du coup, peut-être que cela passait et ensuite, il prônait l'égalité entre les hommes et les femmes, du coup, techniquement, il avait le droit de les frapper... ? Il n'était pas certain de cette dernière démonstration et il n'eut heureusement pas à prendre de décisions. Il vit très clairement les yeux de Priya papillonner et se pencha un peu plus vers elle.

- Hé oh, fit-il sans trop de grâce. Madame. Madame. Réveillez-vous madame. Vous êtes, euh, vous êtes par terre. Hé oh Madame. Madame. Madame. Madaaaaaaame.

- Hé oh Madame. Madame. Madame. Madaaaaaaame.

Priya mit un instant à comprendre que ce n'était pas son esprit qui lui jouait des tours, mais bien le jeune homme flou penché au dessus d'elle qui répétait inlassablement "madame". Si elle en avait encore eu la force, elle lui aurait probablement lancé un regard outré. Premièrement, elle était beaucoup trop jeune pour être appelée madame. Deuxièmement, ce n'était pas en répétant "madame" qu'il allait l'aider à se relever. Agacée mais trop fatiguée et trop fébrile pour faire la moindre remarque, elle se redressa sur ses coudes en grimaçant. Heureusement pour elle, une mère de famille sortit du cercle qui s'était formé autour d'eux et s'avança pour s'agenouiller à côté d'elle.

"Vous allez bien Miss ? Vous voulez qu'on vous emmène à l'infirmerie ?"

Priya sentit ses joues s'embraser alors qu'elle prenait conscience de tous les regards posés sur elle. Les gens s'étaient arrêtés et l'observait avec inquiétude, sans intervenir. "Circulez, il n'y a rien à voir !" songea-telle avec une pointe d'agressivité. Elle détestait être le centre de l'attention. Elle préférait encore être noyée dans la foule que seule au milieu de tous ces murmures curieux. Enfin, peut-être pas. Elle préférait être isolée, mais invisible.

"Non, non, ça va, répondit-elle en secouant la tête. Merci, souffla-t-elle quand la mère de famille lui tendit ses lunettes. Je, j'ai juste besoin de prendre l'air...
- Tenez. L'inconnue lui tendit sa main et Priya s'y accrocha pour se relever, un peu chancelante. Doucement, la sermonna la sorcière. Vous devriez emmener votre amie dehors, ajouta-t-elle à l'intention de Grady. Et vous, mangez du sucre ! Et allongez-vous ! ordonna-t-elle à Priya. Ça va aller ?"

Priya hocha la tête, pressée de se débarrasser de cette inconnue dévouée, et la mère de famille s'éloigna en direction de ses deux enfants qui l'attendaient avec impatience. Ils n'avaient pas l'air ravi d'avoir été interrompus en pleine visite de la Muggle Convention et observaient avec désespoir la file d'attente qui s'allongeait devant la démonstration du dernier jeu des Niffleurs Crétins. Priya leur adressa une grimace d'excuses et reporta son attention sur le jeune homme auquel elle s'était accrochée, un peu honteuse de la façon dont elle s'était imposée auprès de lui.

"Je suis désolée... souffla-t-elle avec un sourire gêné. Je...Je vais sortir..."

Elle était une femme forte et indépendante. Elle allait réussir à se débrouiller toute seule. Elle pouvait le faire...ou pas. En promenant son regard autours d'elle, elle avisa la foule de plus en plus compacte et fut à nouveau prise de vertiges.

"Ce...ça va... assura-t-elle, plus pour elle-même que pour le jeune homme. Elle n'avait toujours pas fait un pas en direction de la sortie. Je crois..."

Peut-être qu'elle était morte. Peut-être qu'elle était décédée. Peut-être qu'elle était décédée et qu'on allait dire que c'était sa faute et même que la PM allait venir et l'arrêter. Ça serait enquiquinant. Rapport au fait qu'il n'était pas super chaud pour être arrêté. Peut-être que c'était les Aurors qui allaient venir et donc son père et il espérait bien que son père n'allait pas le mettre en prison. Oh non le pire c'est si c'était la Milice parce que là, il allait avoir de sacrés problèmes. Mais pourquoi est-ce qu'il fallait que les filles meurent comme ça, face à des garçons qui ne les connaissaient pas ? C'était super mal élevé ! Lui, il ne mourait pas avant le troisième rendez-vous !

Heureusement, Helga Poufsouffle avait entendu ses prières et quelqu'un se décida à intervenir, une mère de famille. C'était bien les mères de famille, c'était génial, elles étaient là pour faire des bisous et consoler les gens et intervenir quand des filles mouraient dans ses bras. Vive les mamans. Son intervention tira un profond soupir de soulagement à Grady, soupir qui se multiplia quand il réalisa que la fille n'était pas vraiment morte morte mais genre juste un peu morte. Morte évanouie quoi. Elle se redressa en grimaçant alors que Grady restait à genoux à côté d'elle, à la surveiller comme du lait sur le feu. La foule avait formé un cercle autour d'eux et les fixait alors que les joues de la fille s'embrasaient. Ah, elle voulait sortir prendre l'air. Bah il fallait le dire plus tôt ! Avant de s'évanouir, par exemple. En plus, puisqu'on parlait de cela, Grady n'avait jamais compris cette expression "prendre l'air" que sa mère lui servait tout le temps lorsqu'il restait enfermé à jouer aux jeux vidéos dans sa chambre. Comme s'il n'y avait pas d'air à l'intérieur ! La maman qui s'était approchée lui donna un ordre d'une voix tellement ferme - pas qu'à lui d'ailleurs - qu'il eut presque envie de répondre "Oui, madame", à la manière d'un jeune soldat. C'était souvent la même envie qui lui prenait face au père de James d'ailleurs mais c'était un peu plus cohérent pour le coup. Comme si le spectacle était terminé avec le départ de la mère de famille, la foule commença à se disperser, sûrement déçue que personne ne soit mort comme dans le dernier épisode de Game of Brooms où Dae... Nope. What do we say to spoilers ?

- Je vais t'aider ! proposa Grady, toujours prêt à secourir les gens en détresse (si si), en lui tendant une main pour l'aider à se relever, glissant la seconde sous son coude. T'as l'air supra pâle en plus. Il avait adopté le tutoiement comme ils avaient l'air d'avoir dans les mêmes tranches d'âge, même s'il n'avait pas de souvenir d'elle à Poudlard. Allez hop ! lança-t-il en accompagnant son mouvement pour se relever.

Il constata qu'elle n'était pas bien grande - enfin, par rapport à lui, beaucoup semblaient petits (surtout Nora) - et lança, sans y réfléchir :

- Oh bah je pourrais même te porter si tu ne peux pas marcher !

Après tout, la sortie n'était pas si loin et il faisait de la muscu. Il portait les packs d'eau à l'appartement sans magie. Enfin, cela lui arrivait des fois. Quand il croisait un voisin.

Priya attrappa la main que lui tendait le jeune homme et le remercia d'un sourire un peu vacillant en se relevant tant bien que mal. La foule autour d'eux s'était dissipé mais les visiteurs de la Muggle Convention gardaient encore leur distance avec eux, comme s'ils avaient peur de se retrouver malgré eux mêlés à cet incident. Cela arrangeait bien la jeune ingénieure, qui pouvait de nouveau respirer à peu près normalement.

"Ce...ça va, répondit-elle, un peu embarrassée, quand il s'exclama qu'elle était très pâle. Ça va passer."

Elle avait juste besoin de retrouver l'extérieur et de se calmer. Peut-être d'avaler quelque chose de sucré aussi. Son visage déjà pâle perdit toute trace de couleur quand le jeune homme offrit de la porter jusqu'à la sortie. Elle était déjà suffisamment gênée comme ça, il était hors de question qu'un parfait inconnu la prenne dans ses bras, elle était tout à fait capable de marcher ! Enfin, à peu près capable. En se tenant aux murs elle devrait y arriver.

"Non ! C'est gentil mais ça ira ! Je... Je peux marcher, je vais...ça va le faire ! répondit-elle précipitamment. Mais est-ce que tu peux... Est-ce que tu veux bien m'accompagner ?"

Puisqu'ils semblaient avoir à peu près le même âge, elle avait imité le jeune homme et adopté le tutoiement à son tour. Les deux adolescent progressèrent doucement jusqu'à la sortie la plus proche et Priya s'efforça tant bien que mal de faire abstraction de la foule qui se densifiait autour d'eux. Ils finirent par pousser la porte d'une issue de secours -elle ne se sentait pas le courage d'avancer jusqu'à la sortie principale et estimait qu'il s'agissait d'une situation d'urgence.

Ils se retrouvèrent derrière le chapiteau de la Muggle Convention et Priya prit une profonde inspiration en savourant le calme et le silence autours d'eux. Elle se sentit immédiatement libérée et son visage commença à reprendre un peu de couleurs. Ses jambes étaient encore un flageolantes mais elle pouvait de nouveau tourner la tête sans être prise d'horribles vertiges, et sa respiration s'apaisait doucement.

"Merci beaucoup, souffla-t-elle en s'asseyant sur un petit muret qui délimitait l'espace de l'exposition. Et désolée, je suis un peu agoraphobe. Beaucoup, admit-elle après un bref silence. J'espère que je ne t'ai rien fait manqué, poursuivit-elle en essayant de se remémorer le planning des différentes animations de la journée. Je...J'ai un coupe-file pour le stand de VargasCorp, si jamais tu veux jeter un oeil à la nouvelle WIIZ ?"

Elle avait conscience que c'était une maigre consolation pour quelqu'un qui venait de perdre dix minutes de l'exposition la plus fréquentée de Grande-Bretagne, mais elle n'avait pas grand-chose d'autre à lui proposer.

"Chouette t-shirt, d'ailleurs !" ajouta-t-elle avec un sourire en désignant les Niffleurs Crétins dessinés sur le vêtement.

Ça va, ça va, disait-elle mais en attendant, ce n'était pas lui qui s'était évanoui en plein milieu de la Muggle Convention. Grady surveillait la jeune fille en face de lui comme du lait sur le feu (en plus c'était assorti à sa pâleur, héhé) de peur qu'elle s'évanouisse encore. Il n'était pas sûr de bien gérer si cela arrivait une seconde fois (car oui, il avait bien évidemment très bien géré la première.) Il n'était pas Médicomage après tout, ou ambulancier, comme James. James il aurait su faire. James il savait souvent faire de toute manière, songea Grady. Son bro gérait la fougère. Lui, il avait souvent une approche un peu plus... artistique des choses. De la vie. Heureusement, la jeune femme en face de lui lui demandait quelque de tout à fait réalisable. L'accompagner dehors. Ça, il savait bien faire. Il était un accompagnateur de qualité et, sans se vanter, il savait marcher depuis des années et était donc plutôt faire à ce petit jeu là (quand il ne s'emmêlait pas les jambes.) Il hésita à lui proposer son bras tel un galant chevalier, mais s'abstint, par féminisme, on va dire. Ou bien parce qu'il avait déjà tendu son bras et que Priya ne l'avait pas vu et qu'il s'était donc pris un vent. Une des deux solutions.

Ils remontèrent la foule ensemble jusqu'à une sortie de secours, Grady jetant des regards réguliers à Priya qui avait réussi à ne pas s'évanouir de nouveau. Ils franchirent une issue de secours, Grady avec un peu plus de réticence, comme si la sécurité allait leur tomber dessus. C'était le fait d'avoir été élevé par un père Auror, ça. On avait toujours l'impression que la Loi allait vous fondre dessus puisque, la Loi, c'était papa. Heureusement, personne ne leur chercha des noises et ils se retrouvèrent derrière le chapiteau blanc. La différence de température frappa Grady. Ah oui, il faisait si chaud que cela dans le chapiteau... Pas étonnant que des gens fassent des malaises. Lui, il se sentait plutôt très bien mais c'est parce qu'il était entrainé. Il faisait des bains de vapeur dans sa salle de bain, apparement, ça donnait du muscle. Il l'avait lu dans Cosmowitch. Mais c'était un secret, évidemment. Personne ne le savait.

La fille s'assit sur le rebord d'un muret tandis que Grady s'appuyait sur de la toile tendue - n'importe qui aurait dit que l'idée était stupide car elle pouvait s'affaisser à n'importe quel moment et ce n'importe qui aurait eu parfaitement raison - observant qu'elle avait l'air effectivement mieux. Comme un poisson hors de son bocal, elle se sentait mieux en retrouvant l'eau. Enfin, l'oxygène. L'oxygène dans l'eau. Et elle avait eu besoin de sortir du bocal. Il se comprenait. Elle lui fournit une explication en déclarant qu'elle était agoraphobe. Ah. D'accord. Cela l'aidait beaucoup. Évidemment. Parce qu'il comprenait parfaitement le sens de ce mot. Totalement.

- Ah. Ouais. Ouais. C'est chiant l'agrogra... Bref. Tant mieux si ça va mieux.

Il eut un mouvement de la main quand elle demanda si elle ne lui avait rien fait rater. Bah, ce n'était pas grave, il allait recommencer à faire la queue. Il pouvait être patient dans la vie. Enfin, il pouvait également être tout à fait impatient quand on lui proposait des coupe-files ! Ses yeux s'arrondirent d'enthousiasme et il décolla son dos de la toile pour faire un pas.

- Je venais justement pour ça ! s'exclama-t-il avec un grand sourire. On m'a offert un jeu pour mon anniv, y'a une semaine, mais j'ai pas la console. J'ai qu'une Ninspelldo DS chez moi. Ça serait super cool, merci !

Héhé, comme ça, sa visite serait encore plus efficace. C'était cool finalement, les filles qui s'évanouissaient devant lui. Elle complimenta en plus son t-shirt - mais quelle personne de qualité ! - et son sourire s'agrandit encore plus.

- Merci ! Je fais super bien leur cri, tu veux entendre ?

Peut-être pas Grady. Peut-être pas. Il tendit sa grande main à son interlocutrice pour se présenter.

- Je m'appelle Grady, au fait. Il ne précisa pas McNeil, se méfiant toujours un peu désormais. Le nom avait acquis une réputation un tantinet particulière grâce à Julia, sans vouloir l'offenser. Et toi ? Tu étais à Poudlard ?

Parce qu'il n'arrivait pas du tout à la replacer.

Priya sentit sa culpabilité s'alléger un peu en observant la réaction enthousiaste du jeune homme à la mention des coupes-file qu'elle venait de lui proposer. Elle avait le sentiment qu'elle commençait à se racheter, peut-être qu'il ne la maudirait pas de l'avoir obligé à quitter l'exposition. La jeune femme avait horreur de l'idée de pouvoir être un problème pour les autres, elle avait tendance à toujours vouloir se faire oublier, à ne pas déranger, et elle était persuadé que son interlocuteur devait la détester intérieurement de lui faire ainsi perdre son temps. Le sourire du jeune homme la rassura sur ce point et elle se détendit un peu.

"Avec plaisir ! répondit-elle en lui renvoyant son sourire. Quoi, comme jeu ? s'enquit-elle avec curiosité. Et joyeux anniversaire, au fait ! s'empressa-t-elle d'ajouter en se rappelant qu'il avait mentionné ce dernier et qu'elle n'avait pas réagi. La Ninspelldo DS est pas mal, mais elle a vraiment du mal à faire tourner les jeux qui utilisent des hologrammes, la qualité des projections est pas terrible. Mais il y a des classiques qui fonctionnent encore bien dessus, j'utilise encore la mienne pour jouer à Magic Zelda !"

La WIIZ avait des fonctionnalités de détection de mouvements et de projections d'hologrammes qui offraient des possibilités très intéressantes, mais cela demandait un peu d'espace, et la motivation nécessaire pour se lever de son canapé et s'agiter devant les capteurs magiques. La Ninspelldo avait l'énorme avantage de pouvoir être utilisée en étant allongée au fond de son lit, ce qui en faisait un incontournable du point de vue de Priya.

Le jeune homme semblait partager son intérêt pour les jeux-vidéos, aussi Priya se permit-elle de le complimenter pour son t-shirt des Niffleurs Crétins, qui était plutôt cool. Elle fut un peu surprise par la proposition qu'elle reçu en réponse et laissa échapper un éclat de rire.

"Euh...oui, pourquoi pas ! Ils cherchent toujours du monde pour faire les voix dans les jeux, tu devrais tenter ta chance !"

Elle ne ratait jamais une occasion de faire un tour du côté du service de doublage de le section jeu-vidéo de Vargas quand elle savait qu'un enregistrement était en cours, c'était toujours assez drôle de voir des adultes doubler des voix de Niffleurs Crétins, de Troll menaçants ou d'Elfe des forêts.

"Priya ! répondit-elle en attrapant la main qu'il lui tendait pour la serrer. Ouai, ancienne Serdaigle, j'ai passé mes ASPIC il y a trois ans, ajouta-t-elle quand il lui demanda si elle avait été à Poudlard. Et toi ?"

Elle devinait de sa question qu'il avait lui aussi fréquenté l'école de magie, mais elle n'arrivait pas à se rappeler de lui, peut-être avaient-ils quelques promotions d'écart. Elle avait beau ne jamais avoir été une élève très populaire, elle se souvenait à peu près de tous les élèves de son année -et de celle du dessus puisqu'ils s'étaient retrouvés mélangés en dernière année. Elle n'était pas certaine de pouvoir retrouver le nom de tous ses anciens camarades, mais elle espérait être encore capable de les reconnaitre si elle venait à les croiser dans la rue, et Grady ne semblait pas faire partie de ceux-là.

Héhé, en fait, sauver des filles qui s'évanouissaient, c'était le meilleur plan. Il comprenait totalement les chevaliers du Moyen-Âge : ça permettait d'avoir des places coupe-files dans les conventions ! Bon, certes, les chevaliers n'avaient pas vraiment de conventions à proprement dit mais peut-être qu'ils pouvaient avoir de meilleures places dans les tournois de chevalerie, hé, on sait pas. Il était content comme un niffleur de trois jours (il pensait d'ailleurs que le niffleur était son animal spirituel, son animal totem, la digne représentation de son âme. Sauf qu'à la place de l'or et de tout ce qui valait cher, il fallait remplacer par de la nourriture.) Grady adressa un sourire ravi à son interlocutrice.

- Mario Balai Brosse ! répondit-il avec enthousiasme quand elle lui demanda ce qu'il avait pu recevoir comme jeu pour son anniversaire. Il préférait Mario Kart, mais bon. Merci ! J'ai eu 19 ans, héhé. Il commençait à être un vrai adulte, dis donc. La mention de Magic Zelda lui fit hausser le sourcils et il tapa dans ses mains. Je suis un champion à ça, sans vouloir me vanter !

Des heures et des heures d'entraînement, tapi sous sa couette. Pourtant il vivait seul, désormais - enfin avec son poto James mais sans ses parents quoi - et il n'avait de comptes à rendre à personne sur l'heure à laquelle il se levait (enfin, son patron, quand même, il fallait être sérieux) mais lorsqu'il se couchait tard, il avait toujours l'impression de faire quelque chose d'interdit. Alors il se faisait une cabane avec sa couette et jouait discrètement, coupant le son lorsqu'il entendait les pas de James dans le couloir. Grady aimait vivre dangereusement. Le matin, il n'assumait pas son manque de sommeil et poussait des cris déchirants, à moitié vautré sur la table du petit déjeuner, son plaid par dessus sa tête comme une cape. Il ressemblait à un Jedi échoué.  

Lorsque la jeune femme en face de lui lui annonça qu'on recherchait toujours du monde pour faire les voix dans les jeux, les yeux de Grady s'agrandirent comme des Bavboules. Mais c'était ça, sa vraie carrière en fait. Exit les licornes, ces petits animaux trop mignons, il était tant de suivre une carrière artistique. Car c'est ce qu'il était, dans le fond, sûrement, peut-être, un artiste incompris ! Il se voyait déjà mener une grande carrière de voix, à faire des doublages plus importants les uns que les autres entre la voix des Niffleurs crétins et celle du dragon dans l'émission radiophonique éponyme. Alors certes, le dragon n'avait pas vraiment de lignes en dehors de "Brrrr" ; "Bwaaaaah" et "Frrfrfrfrfrfr" (quand il crachait du feu) mais il était certain d'arriver à le faire avec brio. Il faisait aussi très bien le Chewbacca, dans ce film moldu qu'ils avaient vu avec James une fois. Alors il n'avait pas très bien retenu l'histoire, c'est un complexe d'Oedipe géant, mais il avait accroché avec ce formidable personnage auquel il s'identifiait très bien. Il était juste un peu moins poilu. Bien déterminé à se lancer dans son nouveau métier, il racla sa gorge et se lança dans une splendide compilation de sons de Niffleurs devant Priya :

- Bwaaaaah, bwaaaaah, bwaaaarg, bouarbouarg !

Un Oscar. Cette performance valait un Oscar. Peut-être que les gens à l'intérieur de la convention, de l'autre côté de la toile du pavillon, avaient l'impression qu'on étouffait un Boursouflet mais lui, il était très fier de lui. Il espérait quand même qu'il ne lui avait pas fait trop peur... Sa prestation avait été assez intense. Il serra la main qu'elle lui tendait, notant son prénom. C'était joli, il aimait bien. Pas commun. Il aurait pu lui dire cela, cela aurait été un joli compliment. À la place, il prononça la première chose qui lui passait par la tête alors qu'elle annonçait avoir passé ses ASPICS il y a trois ans.

- Aaaah mais t'es vieille !

Réalisant la portée de son propos, il s'empressa d'ajouter :

- Enfin, pas vieille vieille hein. Juste plus vieille que moi. Et je suis pas très vieux. Donc t'es moyen vieille. Enfin, t'es pas une vieille dame, c'est juste que tu as plus de jours. Ça se voit que tu n'es pas une vieille dame parce que tu as la peau lisse. Enfin, j'ai pas regardé ta peau en détails, prévint-il pour qu'elle ne le prenne pas pour une sorte de psychopathe de l'épiderme, t'as peut-être des boutons ou des points noirs, je sais pas, enfin, je dis pas que tu en as non plus hein ! Enfin c'est pas grave d'en avoir, tout le monde en a, mais c'est pas ce que je voulais dire, en fait, ce que je voulais dire c'est que, euh...

Elle allait le prendre pour un psychopathe. Elle allait fuir. Bravo Grady. Même lui avait envie de fuir très loin de lui-même à cet instant précis. Il baissa les yeux.

- J'ai eu mes ASPICS y'a un an, du coup. Voilà. Pardon. Tu peux fuir si tu veux, y'a pas de soucis.