Robin ne manqua pas la soudaine agitation d’Ignacio lorsque Janet fit état de ses relations au NYPMD. Qu’avait-il à cacher à New York ? Un passé sulfureux ? Très certainement. Comme la plupart des Veilleurs, Ignacio ne s’était pas improvisé truand en arrivant à Bristol. Il avait certainement un passif dans le milieu du banditisme comme la plupart des recrues de Roy qui ne s’encombrait que rarement de débutants. Toutefois, la jeune femme ne chercha pas à en savoir davantage auprès du principal intéressé –il n’allait rien lui dire de toute façon- mais elle ne manqua rien de la conversation entre Janet et la fameuse Carol, récemment promue au sein de la PM New-Yorkaise…
Robin était justement occupée à détailler Janet lorsqu’une nouvelle milicienne rentra dans le QG. Il ne lui fallut pas plus de quelques secondes pour identifier Danielle Coleman, la chef de la Milice en personne. Si quelqu’un pouvait les faire sortir d’ici, c’était elle. Ignacio arriva visiblement à cette même conclusion puisqu’il se leva prestement pour suivre l’échange entre les deux agents et leurs supérieure hiérarchique… Echange qui tourna vite à l’avantage des deux Veilleurs. Lorsqu’Danielle Coleman fit léviter une liste de noms depuis son bureau, Robin sut que c’était dans la poche. Elle croisa le regard d’Ignacio et reporta son attention sur Janet qui semblait particulièrement contrariée à l’idée d’avoir à les laisser sortir indemnes.
« Chef, Je savais qu’ils étaient sur la liste, j’avoue, dit-elle en se tordant les mains, mais,
vous non plus vous n’auriez pas aimé leur comportement. Surtout celui de Walker qui se moquait ouvertement de la Mili…« Vous allez me libérer ces deux-là immédiatement. ».Janet parut hésiter un instant –comme si remettre en cause l’ordre de sa supérieure lui avait traversé l’esprit fugacement- mais elle se ravisa et souffla son sempiternel :
Ok »La tête basse, elle traina ostensiblement les pieds jusqu’à la cellule pour ouvrir aux deux prisonniers. Robin sortit la première flanquée d’Ignacio que Janet fusilla littéralement du regard.
« Merci Mme Coleman pour votre intervention et votre professionnalisme. » souffla Robin d’un ton reconnaissant. Mieux valait rester en bon terme avec la patronne des miliciens. Sans plus de cérémonie, la danseuse attrapa les affaires qu’elle avait déposé dans un bac avant d’entrer en cellule. Elle enfila son perfecto, noua son keffieh autour de son cou et fit ressortir sa longue crinière du col de sa veste avant de reporter ses grands yeux expressifs sur Anthony Martin. Elle était un peu plus grande que lui dorénavant -maintenant qu’elle était debout et non plus à genoux au sol- et elle éprouva un puissant sentiment de satisfaction et de toute puissance en s’approchant de lui pour récupérer ses papiers et sa baguette.
« Je peux ? » dit-elle en esquissant un geste en direction du bureau où ses effets personnels étaient posés. Elle attrapa ce qui lui était dû et d’un geste faussement emprunté elle fit tomber au sol le cadre photo initialement posé sur le bureau d’Anthony.
« Que je suis maladroite ! » souffla-t-elle en se baissant pour ramasser le cadre qui renfermait, comme elle s’y attendait, une photographie de mariage.
« Anthony & Alice, Just Married » disait la banderole dans le dos des deux amoureux. Robin observa un moment le cliché, caressa de son pouce la belle jeune femme en robe blanche et tendit innocemment la photographie à Anthony.
*Pauvre merde.*Puis, elle rejoignit la sortie sans attendre son reste.
Non. Non, non, non et non. Walker ne pouvait pas s’en tirer à si bon compte ! Il ne pouvait pas l’humilier de la sorte ! C’était inconcevable. Janet avait comme une furieuse envie de lui exploser le nez à main nue juste pour qu’il abandonne ce petit rictus victorieux accroché à ses lèvres. Elle allait vomir.
La milicienne retint d'ailleurs un haut le cœur en se dirigeant vers son propre bureau pour rassembler les papiers de l’américain. Elle était sûr d’avoir visé juste en appelant Carol. Elle l’avait vu se redresser sur sa couchette d’un air inquiet. Qu’avait-il à cacher ? Qu’allait découvrir sa copine technicienne de surface dans les fichiers de la PM new-yorkaise ? Janet le saurait bien assez tôt car elle ne comptait pas lâcher l’affaire, ça non. Même si Coleman les enjoignait à boucler le dossier, elle en faisait dorénavant une affaire personnelle et elle comptait bien remuer ciel et terre pour découvrir le passé trouble de cet ignoble fier-à-bras.
La milicienne tendit ses papiers et sa baguette à Ignacio sans parvenir à les lâcher lorsqu’il les attrapa. Elle n’arrivait pas à se résoudre à capituler de la sorte –c’était tellement injuste !- mais un regard vers sa supérieure la fit céder.
Aaaargh ! songea-t-elle en se détournant. Elle attrapa les dossiers qui trainait sur son bureau et rejoignit le fond de l’Open Space pour les ranger à leurs places.
Elle ne voulait pas voir Walker quitter le poste de sa démarche suffisante ! Tout mais pas ça !
Le soleil brillait déjà dans les rues lorsque Robin et Ignacio sortirent des locaux de la Milice. La jeune femme plissa les yeux et déposa sa main en casquette pour se protéger des rayons matinaux avant de se tourner vers son collègue :
« Promets moi qu’on ne revivra jamais une nuit comme celle là. » souffla-t-elle à son attention en poussant un profond soupir. Subir l’assaut de voyous puis de miliciens, on pouvait difficilement faire pire… Quoique. Robin avait vécu récemment des situations nettement moins plaisantes . En comparaison, ces dernières heures paraissaient même tout à fait supportables :
… un boursouflet enragé… répéta-t-elle alors en secouant la tête, un vague sourire au lèvres. Au moins, ils avaient un peu ri.
La jeune femme regarda un instant autour d’elle et posa finalement sa main sur le torse du barman
« Je sais qu’on avait prévu autre chose mais là, franchement, je rêve juste de rentrer prendre une douche et de dormir jusqu’à ce soir… avoua-t-elle avec un sourire d’excuse,
On remet ça à une prochaine fois ? » s'enquit-elle alors.