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"The belly and guts of the Nation" [Roy & Leopold]

Leopold Marchebank
Leopold MarchebankMinistre de la Magie
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"The belly and guts of the Nation"  [Roy & Leopold] Icon_minitimeDim 4 Juin 2017 - 14:40
"Manchester is the belly and guts of the Nation", George Orwell


12 décembre 2009

Précédé par un mafieux à l'air patibulaire, Leopold déambulait dans les couloirs des Folies Sorcières. Comme souvent, il n'avait pas pris la peine de s'annoncer, car il savait que Roy prendrait la peine de le recevoir s'il était présent. Alan l'accompagnait discrètement, comme à son habitude, car on ne savait jamais ce qui pouvait se passer dans le fief d'un gang, même allié. Alors qu'ils approchaient du bureau des deux chefs, Leopold reconnut la silhouette chamarrée de Sofya Belinski. L'actrice avançait vers eux de sa démarche souple, ses bouclettes bondissant sur ses épaules, et Leopold prit le temps de lui adresser un sourire charmeur.

"Bonjour, miss Belinski."

"Bonjour, monsieur le ministre", le salua-t-elle avant de poursuivre sa route, non sans glisser un regard à Alan au passage.

Leopold s'immobilisa devant la belle porte de bois sombre du bureau de Roy et attendit patiemment que son guide l'annonce. Bientôt, il pénétra dans la pièce familière, et avisa Roy qui semblait affairé à son bureau. Une longue plume d'oie à la main, il griffonnait sur un parchemin d'un air appliqué.

"Roy ! Comment vas-tu, mon cher ami ?", lança le ministre en se dirigeant vers lui, tandis que Roy redressait le nez de son parchemin pour le saluer. Ils échangèrent une poignée de main virile et le ministre s'enquit : "Tu aurais un petit verre de Ragnarov pour moi ? J'aurais bien besoin d'un remontant."

La journée avait été particulièrement longue et pénible au Ministère. Depuis l'attaque de Leopoldgrad, chacun de ses conseillers, et chaque membre de son administration depuis le guichetier jusqu'au directeur de département semblait avoir une idée de la façon dont il fallait s'y prendre pour contrer la menace terroriste. Ce qui se faisait rare, en revanche, c'était de bonnes idées, des moyens efficaces, rapides et constructifs d'empêcher de nouvelle horreur comme celle de novembre et surtout de démanteler les réseaux. Il voulait attraper les responsables et en faire des exemples. McNeil et Hudson n'avaient pas suffi à étancher la soif immense de justice et de vengeance qu'il ressentait, que toute une partie du pays ressentait d'ailleurs. Ils s'en étaient trop bien sortis, avec une mort rapide, anonyme, sans souffrance. Les prochains résistants n'auraient pas cette chance.

Alors passé ses longues journées de travail et lorsque son temps le lui permettait, Leopold se plongeait dans de longues réflexions et plans d'attaque, faisant le tour de chacun de ses alliés et conseillers de confiance pour échafauder des stratégies. La guerre contre la résistance se ferait aussi dans l'ombre, surtout dans l'ombre. C'était là qu'il avait toujours été le meilleur, dans ce monde souterrain dont il maîtrisait les codes et les ficelles comme un marionnettiste maître, et là qu'il comptait agir aujourd'hui, en parallèle de l'action de son administration.  

Et pour cela, il avait besoin de Roy. Comme souvent, Leopold savait qu'il ne serait jamais mieux servi que par lui-même... Et par les Veilleurs.
Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
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"The belly and guts of the Nation"  [Roy & Leopold] Icon_minitimeDim 4 Juin 2017 - 21:11
Il suffisait d’observer le ton que prenaient ses hommes avec lui pour deviner quand Roy était d’une humeur massacrante. Le Veilleur qui pénétra dans son bureau pour lui annoncer la venue de Leopold parla avec l’air de marcher sur des oeufs. Il fallait dire que la veille encore, Roy avait piqué une énième mémorable crise de colère face à la négligence d’un de ses vigiles, qu’il avait licencié au passage. C’était à cause de ce genre d’incapables que des gens indésirables pénétraient dans son cabaret et pouvaient torturer en paix une de ses danseuses. Sous son propre toit. Sans qu’aucun de ses hommes ne repère les intrus. C’était un euphémisme de dire que Roy avait ce malencontreux évènement en travers de la gorge, et la pilule était difficile à faire passer.

La chasse aux sorcières était évidemment lancée, car il ne voyait diable pas comment une telle opération aurait pu arriver, sans qu'il n’y ait une taupe parmi ses employés. Sur les aguets, Roy comme Jayce, surveillaient du coin de l’oeil chacun de leurs hommes, à l’affût du moindre comportement suspect, comptant sur leurs espions de confiance comme Evan et Sofya pour leur rapporter ce qu’ils manquaient. En parallèle, ils veillaient à riposter, et rattraper les pertes que cette attaque avait porté sur leur gang. Roy était justement en train de d’éplucher les derniers comptes qui concernaient leurs trafics de baguettes quand Leopold décida de le gratifier d’une visite surprise.

Ami ou pas, on ne mettait pas à la porte le ministre de la magie, alors Roy s’efforça de mettre momentanément de côté sa paperasse. Il en profiterait pour faire une pause. Il se leva de son fauteuil pour saisir la main que Leopold lui tendait par dessus son bureau, répondant avec un sourire cynique :

« Ah, ne m’en parle pas. C’est pas que d’un remontant dont j’ai besoin, moi. »

Il contourna son bureau pour ouvrir la porte de son armoire pleine de substances plus ou moins louches que Leopold connaissait bien. Tout en débouchant une bouteille, il le laissa s’installer à sa guise sur ses fauteuils en cuir. Roy n’avait jamais compris comment Leopold faisait pour boire un alcool au goût aussi particulier et fort que celui du Ragnarov, mais depuis qu’ils se côtoyaient, il en gardait toujours une bouteille pour ses visites. Une fois n’était pas coutume, cette fois, il se servit un verre pour lui aussi plutôt que choisir un autre alcool, puis s’assit face au ministre. La sensation fut assez désagréable, mais elle eut le mérite de replacer un peu les idées des Roy.

« Mmh. Je t’avoue que ça me dépasse que t’aimes ce truc, on dirait un acide qui te décrasse l’estomac. »

Il termina toutefois son verre, avant de sortir ses fidèles joints de la poche de sa chemise. Chacun son addiction, pour sa part, il commençait à fumer un peu trop souvent. Son regard glissa sur Leopold qui lui avait offert des salutations vigoureuses, malgré sa journée débordante à en croire ses dires. Il prit alors sur lui pour ne pas trop montrer sa mauvaise humeur et retrouver ses bonnes habitudes :

« T’as plutôt bonne mine pour un ministre en pleine chasse à l’homme, dis donc, lança t-il avant d’ajouter avec un sourire à la fois charmeur et narquois. Je t’ai dit que ça t’allait comme un gant, la cicatrice ? Ca te donne le petit côté mafieux qui te manquait. Bon, alors, qu’est-ce que je peux faire pour toi ? »


Roy Calder

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Leopold Marchebank
Leopold MarchebankMinistre de la Magie
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"The belly and guts of the Nation"  [Roy & Leopold] Icon_minitimeDim 4 Juin 2017 - 23:31
S'il avait été honnête, Leopold aurait dû reconnaître qu'il avait bien vu les signes de la mauvaise humeur de Roy. Même s'il faisait certainement un effort pour son prestigieux invité, Roy était assez transparent et il était visible dans sa posture qu'il était tendu et fatigué. En temps normal, Leopold aurait prêté attention à ces signes, mais il n'avait pas le luxe de ménager ses collaborateurs en ce moment. Lui aussi était dans un mauvais jour, ou peut-être devrait-il mauvais mois, et n'avait d'ailleurs pas connu un seul bon jour depuis sa sortie du coma. C'était sa détermination à toute épreuve, couplée à une hygiène de vie déplorable, qui le survoltait et le poussait à aller au-delà de ses forces. Ce qui passait pour de l'énergie et de la bonne humeur témoignait en réalité de l'état second dans lequel se trouvait régulièrement le ministre ces derniers temps. Entre le manque de sommeil, les médicaments qu'on lui imposait depuis sa sortie de l'hôpital, le stress et l'alcool qui aidait à rendre le tout plus supportable, il ne tenait debout que grâce à sa constitution physique extraordinaire, héritée de sa regrettée mamie Griselda.

Alors il ne prit pas la peine de se demander s'il dérangeait Roy ni de s'enquérir de ses soucis, préférant plutôt le laisser noyer cela dans le Ragnarov. Un petit sourire suffisant étira ses lèvres en voyant Roy grimacer en buvant son verre.

"Les autres alcools me font à peu près autant d'effet qu'un verre d'eau", répondit-il en haussant les épaules. Lui avait développé une véritable addiction à la liqueur des gobelins, qui lui procurait le même effet que les joints de Roy, pour lesquels il n'éprouvait guère d'affection. Leopold porta la main à son visage quand Roy mentionna sa bonne mine et dessina le tracé de sa cicatrice du bout du doigt. Peu à peu elle perdait sa boursouflure et sa couleur vermeil, pour laisser place à une fine ligne blanche, qu'il pouvait porter comme une blessure de guerre. Leopold avait failli y laisser son oeil, ce qui n'aurait été qu'un moindre mal considérant le fait qu'il était passé à deux doigts de la mort. Malheureusement pour la résistance, l'attaque n'avait fait que le rendre plus énervé que jamais. Attaquer la March Bank avait produit le même effet que de donner un coup de pied dans une ruche bourdonnante.

"C'était ce qui manquait à ma panoplie de ministre. Je maîtrise bien le regard noir maintenant", répondit-il avec un sourire froid. "Et c'est bon pour la côte de popularité aussi, ce petit côté blessure de guerre. Potter n'a qu'à bien se tenir..."

Trêves de plaisanteries, il n'était pas venu là pour échanger des amabilités avec Roy. Leopold en vint donc rapidement aux faits :

"Je pense que le ministère va avoir besoin de l'aide des Veilleurs. J'aurais besoin que tu actives tes réseaux et que tu envoies tes espions en quête d'information sur le marché noir mancunien. Les derniers rapports du Renseignement semblent indiquer des activités suspectes sur le secteur de Manchester, et il ne serait pas étonnant que la résistance soit en train de se repositionner sur le territoire, après l'attaque de novembre... On soupçonne qu'une cellule active est en train de se former là-bas, peut-être de la Salamandre, et que la cible de la prochaine attaque d'ampleur pourrait s'y trouver. La milice enquête sur place bien sûr mais je pense que les Veilleurs pourraient accéder à des sources d'information plus... souterraines. Et utiliser des méthodes d'enquêtes plus directes, rapides et efficaces. Cela nous permettrait de voir s'il y a vraiment matière à s'inquiéter ou pas."

Il considéra Roy en attendant sa réponse, tout en réfléchissant aux moyens dont cette collaboration pourrait s'arranger entre la mafia et la milice. Le mélange des genres pouvait faire des miracles, il en était persuadé, et avait déjà pu le constater à plusieurs reprises.
Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
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"The belly and guts of the Nation"  [Roy & Leopold] Icon_minitimeSam 17 Juin 2017 - 15:02
« Oh, tu le maîtrisais déjà avant, mais ça te rend plus effrayant, je parie que plus personne n’ose te contrarier au Ministère » ricana Roy, en tirant une nouvelle bouffée de sa cigarette.

Et il imaginait sans mal combien l’attitude et les idées du ministre s’étaient durcies, après un tel attentat qui l’avait atteint personnellement. Cette cicatrice à l’oeil n’était pas grand-chose, à côté du décès d’un membre de sa famille et l’accident irréversible qui était arrivé à son fils. Roy avait ressenti une peine plutôt sincère pour lui, en apprenant ces nouvelles, difficiles à vivre pour n’importe quel homme, même pour quelqu’un d’aussi déterminé et solide que Leopold. Il voyait combien son regard s’était assombri, Roy y reconnaissait la lueur dévorante de vengeance et de justice, pour l’avoir lui-même expérimentée. Personne ne pouvait s’en prendre à sa famille puis en ressortir indemnes. Leopold semblait partager le même point de vue, car depuis sa sortie de l’hôpital, il mettait tout en oeuvre pour traquer les coupables.

En tant qu’ami, Roy était prêt à l’aider à mettre sa vengeance en place, il s’était même attendu à ce qu’il vienne un jour lui demander ce service. Mais à l’instant où Leopold prononça le nom de Manchester, le sang de Roy se figea, bien que rien de particulier ne se lût sur sa figure. Il se contenta d’écouter attentivement les informations que lui donnait le ministre, pour en tirer toutes les déductions à la question qui l’intéressait : non pas comment il allait coincer cette cellule résistante, mais bien à quel point Juliana et son groupe devaient s’inquiéter ?

Il avait appréhendé ce moment, qu’il savait devoir venir, un jour ou l’autre. Dès le moment où il s’était lié à Juliana sans quitter sa position de mafieux collaborateur avec le régime, il avait compris qu’il se mettait dans une posture très délicate de double jeu, et qu’il ne pouvait pas le faire qu’à moitié. Quelques situations complexes s’étaient chargées de bien le lui faire comprendre, notamment ce fameux soir où Juliana avait tué un des Veilleurs, attirant tous les feux des projecteurs sur elle. Roy n’avait eu d’autre choix que de donner satisfaction au désir de vengeance de ses hommes en faisant brûler son restaurant, puis de divulguer son identité à Leopold et sa Milice, afin de se constituer une solide couverture. Si l’affiche de Juliana McNeil, la terroriste du Kraken, avait occupé les murs de Bristol un long moment, avant d’être remplacée par celle de sa -fausse- mort, c’était de son fait.

Mais c’était le seul moyen pour lui de conserver et pérenniser sa position, et donc pouvoir garder ses contacts et ses renseignements dans les hautes sphères du pouvoir, chose indispensable s’il voulait pouvoir protéger Juliana. Il l’avait aidée à s’installer à Manchester, monter sa nouvelle cellule de résistance, prit des risques à chacune des actions qu’il avait entreprises pour elle, et il aurait plus difficilement pu le faire s’il ne s’était pas assuré cette solide couverture d’abord.

Maintenant, il se trouvait de nouveau dans une posture délicate, face à Leopold. Il pouvait accepter, pour n’éveiller aucun soupçon, et faire en sorte que les recherches qu’il ferait pour lui n’aboutisse à rien et détourne les suspicions de la Milice de cet endroit. Oui, mais… Un élément le retenait. Un risque qu’il n’était pas sûr d’être prêt à prendre. Envoyer ses hommes mener des recherches à Manchester, c’était prendre le risque qu’ils y découvrent la présence de Juliana. Chose qui pouvait avoir de graves conséquences, pour la simple et bonne raison que les Veilleurs n’hésiteraient pas à l’attraper sans même attendre ses ordres, si cela arrivait. Elle était dans leur liste noire, et Roy savait que ses espions étaient très bons, même, excellents. Alors, il n’était pas impossible qu’ils viennent à bout de toutes les précautions qu’il avait prises pour fabriquer une fausse identité à sa compagne…

Gardant ses réflexions secrètes, il prit la décision d’avancer prudemment et faire appel à ses talents d’acteur, pour le moment. Il prit une expression étonnée, après que Leopold eut terminé son explication :

« Manchester ? C’est étonnant, ce n’est pas vraiment une ville de frondeurs, ils sont même plutôt acquis à ta cause… Tes renseignements ont repéré des têtes connues là-bas ? » S’il pouvait au passage avoir plus d’éléments sur les vagues soupçons que Leopold lui décrivait… « Ce que j’ai entendu, c’est que c’est surtout à Cosmos que ça s’agite pas mal, en souterrain, en ce moment. »

Et ce n’était pas une fausse information que Roy donnait, il avait effectivement quelques contacts dans le pays qui lui avaient confirmé une discrète reprise des réseaux de résistance dans cette ville surveillée, connue pour son indiscipline, mais pas aussi étouffée que Bristol. Si cela pouvait un peu détourner les efforts de la Milice sur Manchester…



Roy Calder

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"The belly and guts of the Nation"  [Roy & Leopold] Icon_minitimeDim 3 Sep 2017 - 15:17
Les sourcils du ministre se froncèrent face à la réserve de Roy. Il ne lui demandait pas de remettre son diagnostic en cause, mais de s'exécuter. Pensait-il réellement être mieux informé que lui sur les activités de la résistance au sein du pays ? Leopold avait accès à un réseau d'espions sans nul autre pareil, entre ses informateurs de la mafia et les espions du régime, dont la réputation était connue dans le monde entier.

"Il n'existe plus une seule ville réellement acquise à ma cause, y compris Londres", contra Leopold en ponctuant ses propos d'un geste définitif. "La population est fragmentée, la résistance étend ses réseaux partout. A Cosmos, certainement, mais cette ville là est sous notre supervision - contrairement à Manchester. Et la situation socio-économique de la ville s'y dégrade. De nombreux réfugiés bristoliens sont d'ailleurs allés s'y terrer..."

Car ils avaient été chassés de Londres, ville qui se devait de garder son standing de capitale. Le charme folkolique du Chemin de Traverse ne supportait guère les mendiants et les miséreux.

"C'est justement parce que ce n'est pas cette ville qu'on regarde que c'est un lieu d'installation logique pour la résistance. Réfléchis, si tu devais lancer un groupe de résistance, est-ce que tu le ferais à Bristol, à Cosmos ? Je ne crois pas. Tu le ferais ailleurs, où les regards du gouvernement ne se portent pas, où ton action passerait plus facilement inaperçue."

C'était en tout cas ce que Leopold ferait, s'il était du genre à entrer en résistance. En réalité, sa méthode d'action à lui aurait plutôt consisté à assassiner par le poison l'homme d'Etat indésirable - pour mieux prendre sa place. Ce n'était tout-de-même pas sa faute si la résistance était incapable d'orchestrer son assassinat convenablement.

Bien décidé à obtenir ce qu'il souhaitait, Leopold chercha le regard de son interlocuteur et poursuivit :

"Et puis même si nous nous trompons, ça ne coûte rien d'envoyer quelqu'uns de tes hommes fouiner un peu, non ? Crois-moi, les Veilleurs sauraient y trouver leur avantage. Si c'est une question d'argent..."

Il haussa les épaules d'un air entendu. Cela ne serait pas la première fois que des gallions changeraient de main entre Roy et lui.
Roy Calder
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"The belly and guts of the Nation"  [Roy & Leopold] Icon_minitimeDim 10 Sep 2017 - 23:33
Dès sa première phrase, Roy put mesurer l’impact qu’avait eu l’attentat sur Leopold. Son ton n’admettait aucune contradiction, tandis qu’il affirmait qu’il ne pouvait compter se considérer en territoire conquis nulle part. Il voyait désormais des ennemis partout, et il avait probablement raison. La Milice avait concentré ses efforts sur les gros réseaux, les groupes les plus visibles, sous-estimant l’ampleur de l’ennemi à combattre. C’était sûrement ce qui avait coûté cet attentat, que ni la Salamandre, ni le Kraken, ni même le MDL ne revendiquait. D’autres groupuscules étaient capables de porter de violents coups, l’attentat l’avait démontré. Il fallait avoir des yeux et des oreilles partout, désormais, ils ne pouvaient plus se contenter de surveiller les villes clairement frondeuses.

Roy suivait totalement le raisonnement de Leopold, c’était celui qu’il fallait avoir. Pourtant, il ne pouvait pas aller dans son sens, il ne pouvait plus. Quelque chose en lui frémit lorsqu’il toucha du doigt la vérité. « De nombreux réfugiés bristoliens sont d’ailleurs allés s’y terrer… ». Leopold avait mis la main sur les bonnes informations. Ce n’était pas étonnant, Roy savait qu’il disposait d’un excellent réseau d’informateurs, en étant à la fois chef d’Etat et chef de gang. La Milice se déployait sur tout le territoire en usant d’interrogatoires musclés dès qu’il le fallait, et sa mafia lui chuchotait en souterrain les informations les mieux cachées. Encore une fois, le raisonnement de Leopold était le bon quand il venait demander l’appui des Veilleurs. Si Roy ajoutait les forces de son réseau aux siennes, nul doute qu’en quelques mois, tout le territoire de Manchester serait quadrillé, et les résistants les moins prudents faits comme des rats…

Que faire ? Roy réfléchissait à toute vitesse, tout en écoutant le ministre d’une oreille. Quel était le risque le plus important ? C’était la seule question qu’il devait résoudre. Soit il acceptait la demande de Leopold, et prenait le risque de mettre sa compagne en danger, en comptant sur le fait qu’elle était une résistante aguerrie et qu’il pouvait toujours redoubler d’efforts pour la protéger. Soit il refusait, ce que Leopold recevrait mal s’il ne trouvait pas une excellente justification, et prenait le risque de refroidir leurs relations. Roy se sentait très incertain sur la première option. Les ressources de Juliana et Joel étaient encore maigres, leur réseau commençait juste à se construire, car feindre leur mort et adopter une nouvelle identité avaient concentré tous leurs efforts. Ce n’était clairement pas le bon timing pour les mettre à l’épreuve. Surtout qu’il n’avait aucun doute sur la détermination actuelle du régime à coincer les rebelles, sans faire le moindre cadeau. Pour autant, la deuxième option ne lui plaisait pas non plus. Le ton et l’attitude de Leopold ne ressemblaient pas à celle d’un homme venant demander un service à son ami, qu’il avait donc tout loisir de refuser. Il avait plutôt l’air de considérer comme acquis qu’il allait le faire.

« Non, ce n’est pas une question d’argent. »

Roy s’efforçait de le masquer mais sa demande le contrariait profondément. Bon sang, après tous les efforts qu’ils avaient faits avec Juliana pour l’éloigner de Bristol, de la menace de la Milice et des Veilleurs, Leopold venait exiger qu’il dispose ses hommes à l’endroit exact où elle s’était planquée ? C’était se lancer un sort dans le pied. Il n’avait aucune envie de retourner en arrière, à cette époque où il craignait chaque jour que sa partenaire se fasse attraper par ses propres hommes. S’il acceptait, il prenait le risque de détruire tous leurs efforts. Des réseaux de résistance à Manchester, il n’y en avait pas suffisamment pour parier que celui de Juliana ne serait pas inquiété, surtout s’il ajoutait ses propres espions dans l’histoire.

Inévitablement, son jugement, fortement influencé par l’inquiétude et par ses sentiments personnels, se laissait glisser vers l’option la plus délicate à mettre en oeuvre. Roy s’y risqua malgré tout, sans éviter le regard de Leopold. Il haussa les épaules, comme un geste de regret.

« C’est plutôt une question de ressources. Je surveille déjà cette ville pour toi, rappela t-il avec un geste de la main, pour désigner le lieu où ils étaient. Et il le faisait même plutôt assidument, puisque le Kraken était en guerre ouverte contre son gang, c’était une raison supplémentaire de guetter leurs faits et gestes. Et on a subi une attaque, il y a quelques jours. »

Leopold avait forcément entendu parler de la torture des MacFarlane, car les nouvelles couraient vite dans le monde mafieux. Roy n’avait ni besoin, ni envie de s’étendre sur les détails de cette affaire qui l’occupait nuit et jour en ce moment.

« J’ai un viseur dans le dos, et tant que je ne sais pas qui c’est, ça ne sera sûrement pas la dernière attaque, enchaîna t-il, assombri. Tous mes espions sont mobilisés sur cette mission, je veux régler ça au plus vite. Il évalua du regard la réaction du ministre, cherchant une façon de formuler sa décision. Je comprends bien ton raisonnement pour les cellules de résistance, mais je regrette, je ne peux pas t’aider pour le moment. »


Roy Calder

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Leopold Marchebank
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"The belly and guts of the Nation"  [Roy & Leopold] Icon_minitimeLun 11 Sep 2017 - 21:31
L'agacement de Leopold se transforma en véritable contrariété quand Roy déroula son raisonnement, pour mieux amener un refus. Le ministre ne s'était pas absolument pas attendu à une telle réponse de la part de son allié, et cela lui semblait inimaginable : jamais jusque là il ne lui avait refusé le soutien des Veilleurs. Et voilà qu'il le faisait au plus terrible des moments, alors que son régime, et surtout sa famille, avaient été frappés en plein coeur ! Qu'est-ce que cela signifiait, par Salazar ? Roy serait-il en train d'imaginer qu'il pouvait lui tourner le dos quand cela lui chantait ? Qu'ils étaient égaux, tous les deux ? Peut-être était-il temps de rappeler qui était le patron des deux !

"Tu regrettes ?", gronda-t-il d'un ton ulcéré, l'oeil noir. "Tu regrettes ? Mais tu fais bien de regretter, en me refusant ton aide dans une situation pareille. Tu crois peut-être que je te demandais ton avis ? J'ai besoin de ton gang, pour coincer des résistants et après ce qui est arrivé à Leopoldgrad, je ne pensais pas que tu aurais le culot de refuser."

Leopold ponctua sa réplique d'un claquement de son verre sur la table basse, et bondit nerveusement sur ses pieds. Tout en faisant le tour de la pièce, il examina le bureau luxueux des chefs des Veilleurs, son regard s'attardant sur chaque détail témoignant de la richesse de ses occupants : un tableau, une boîte de cigares, une babiole ouvragée.

"Une question de moyens. Tu comptes vraiment me faire avaler ça ? Tu ne peux pas te passer de deux ou trois hommes sous prétexte que tu as subi une attaque la semaine dernière ?"

Les attaques faisaient partie du quotidien d'un gang, c'était malheureux mais cela faisait partie du jeu, et Roy devait l'accepter. Certes, il n'était encore qu'un jeune chef - jeune chef qui devait apprendre à faire preuve d'esprit tactique et respecter sa place s'il comptait conserver sa position avantageuse sur le marché. Qu'il se soit attiré un ennemi qui en voulait à sa peau n'était pas le problème de Leopold. Ils avaient passé une alliance en vertu de laquelle les Veilleurs devaient leur soutien au régime de temps à autre, or le moment était plus que crucial. Ce n'était pas tant les informations, somme toute lacunaires, en provenance de Manchester qui l'inquiétaient, que la rage de vaincre qui l'animait. Leopold voulait déployer toutes les forces et explorer toutes les pistes nécessaires pour étancher sa soif de réponses, et son désir de vengeance. Que Roy lui résiste dans un tel moment était insupportable.

Cessant ses allez-et-venue, il se figea pour tourner vers Roy un visage plus ouvert, qui trahissait sa fatigue, et son inquiétude.

"Effectivement, tu surveilles Bristol et je t'en remercie. Mais tu en retires largement autant de bénéfices que moi, si ce n'est plus. Politiquement, l'image de Bristol reste très largement dégradée. Maintenant, j'ai besoin de toi à Manchester."

Par ses paroles, le ministre laissait entendre qu'il n'accepterait pas un second refus. Si Roy s'obstinait, cela entacherait la parfaite entente qui régnait jusque-là entre eux. Mais peut-être était-ce un risque que le jeune mafieux était prêt à prendre...
Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
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"The belly and guts of the Nation"  [Roy & Leopold] Icon_minitimeSam 16 Sep 2017 - 22:52
La colère du ministre fournit à Roy une preuve supplémentaire de l’état de nerfs dans lequel il se trouvait. Dans cette situation, il supposait que Leopold aurait en temps normal usé d’habileté pour l’amener là où il le souhaitait. Mais cette fois, il perdit toute patience et monta aussitôt dans les tours. Il n’avait ni le temps ni l’envie d’être contrarié dans ses plans pour venger les coups portés à son régime et à sa propre famille, lors de l’attentat. Avec un peu plus de lucidité, Roy aurait du prendre cette donnée en compte, mais lui-même était enfermé dans sa bulle de problèmes depuis quelques jours, occultant le reste. Il comprit l’erreur de jugement qu’il avait commise en voyant son allié prendre la mouche.

Enfin, son allié… Roy ne s’y trompait pas, avec ce ton, c’était une démonstration de force que le ministre lui faisait, et il n’aimait pas beaucoup ça. « Tu croyais peut-être que je te demandais ton avis ? ». Derrière son ton et cette phrase que Roy ne put avaler, Leopold asseyait clairement son autorité sur lui, il lui rappelait qu’ils n’étaient pas sur un pied d’égalité. C’était vrai mais Roy n’estimait pas pour autant qu’il était forcé d’accepter toutes ses demandes sans broncher. Il n’avait pas signé un contrat de larbin de service, contrairement à ce que les paroles de Leopold laissaient entendre. Il n’était pas dit qu’il allait se laisser marcher sur les pieds, car le temps où il lui léchait les bottes pour monter en grade était révolu. Il n’était peut-être pas son égal, mais il ne se considérait pas assujetti à toutes les volontés du ministre non plus. Le parrain de la mafia qu’il était estimait avoir droit à un peu plus de respect. Fronçant les sourcils, il répondit précisément avec ce culot qu’il lui reprochait :

« Pourquoi tu me proposes de l’argent alors, si tu n’as qu’à ordonner pour que j’exécute ? J’entends que la situation est urgente, mais mon gang n’est pas non plus à ta botte. Notre accord à l’origine concerne Bristol, pas l’Angleterre toute entière… Si tu veux davantage, oui, mon avis est requis. »

Après tout, ils avaient un accord assez clair sur ce que devaient accomplir les Veilleurs pour lui depuis le départ, et Roy s’en était toujours acquitté. Il voyait leur relation comme celle de partenaires du crime, alors il pouvait le suivre quand il venait lui demander un service comme un collaborateur, moyennant avantages supplémentaires. Ou même comme un ami, sans rien attendre en échange, puisqu’ils avaient noué une certaine complicité. Mais Leopold ne se présentait ni comme l’un ni comme l’autre. Il venait dans son cabaret comme en territoire conquis, pour exiger ce qui lui passait par la tête, en attendant obtenir satisfaction sans discuter. Que s’imaginait-il, que le gang des Veilleurs était un sous-gang du sien ? Roy ne comptait pas le laisser croire ça, quand bien même il avait conscience que ce n’était pas judicieux de le contrarier. Mais ça ne l’était pas non plus de la part de Leopold de se montrer si pédant, car il venait clairement de braquer un de ses alliés à un moment où il avait besoin de leurs apports.

L’agacement du ministre monta d’un cran, quand il rejeta son excuse. Cette remarque cinglante remit en tête à Roy les enjeux qui se jouaient dans cette discussion. Cette fois, il ne répliqua pas impulsivement, et s’efforça de faire revenir sa raison avant de finir par se compromettre. La vérité était qu’il ne pouvait pas vraiment se permettre de perdre le soutien de Leopold, en jouant trop avec le feu. Si Roy était aussi tranquille à Bristol et pouvait manigancer tout ce qui lui chantait sans crainte d’être inquiété, c’était bien parce que Leopold l’avait permis au départ, en donnant les ordres qu’il fallait à la Milice. Grâce à ça, le trafiquant avait pu construire son gang, agrandir son trafic et siéger à la table des gros bonnets en un temps record. Il avait pris en puissance, s’était constitué son propre réseau, ce qui lui assurait une relative indépendance maintenant. Il avait envie que Leopold le comprenne et cesse de le considérer comme un simple pion éjectable à tout moment. Mais le chef des Veilleurs pouvait t-il prendre pour autant le risque de se lancer dans un conflit ouvert avec celui qui lui avait donné son premier élan ? Rien n’était moins sûr, et ce n’était pas dans son intérêt. Il avait suffisamment d’ennemis dans son dos en ce moment, s’il commençait à y ajouter Leopold… Non, il devait trouver un moyen de protéger tout à la fois son gang, ses alliances avec le FREE et ses collusions avec la résistance, exercice auquel il était encore novice. Malheureusement, la situation explosive depuis l’attentat lui rajoutait une pression dont il se serait bien passé…

Son double jeu devenait plus dangereux que jamais. Le régime était à cran, comme le montraient les réactions vives de Leopold, prêt à tout pour débusquer ses assaillants. Quant à la résistance, elle se retrouvait à devoir faire face à une grande menace, que Roy craignait. Plus calme en apparence, il regarda son interlocuteur se lever pour faire les cent pas. Il aurait aimé que Leopold ne joue pas la carte de l’autorité sur lui, pas seulement parce que cela froissait son orgueil, mais aussi parce qu’il lui compliquait beaucoup sa tâche. En refusant aujourd’hui, Roy risquait de perdre ses bonnes grâces, et par la même occasion, mettre en danger sa place ô combien pratique pour obtenir des informations essentielles. Mais ce n’était pas un service que Leopold lui demandait, il s’était montré bien clair.

Qu’il était hypocrite et contradictoire d’attendre une attitude amicale de sa part alors qu’il était celui qui s’apprêtait à planter un couteau dans le dos de l’autre… Car Roy commençait déjà à évaluer mentalement de quelle façon il pouvait s’y prendre pour faire mine d’accepter la demande, sans la réaliser. S’il mit de l’eau dans son vin, ce n’était pas pour faire plaisir à Leopold, comme un homme acceptant finalement d’aider un ami pris à la gorge. C’était purement stratégique. Roy en eut pleinement conscience, alors qu’il posait son regard sur son allié, qui s’était adouci. Pour la première fois, il allait réellement agir contre les intérêts de Leopold. Dans son double jeu, il venait de choisir un camp. Et il le regrettait un peu, au fond de lui-même.

« Ecoute, Leopold, commença t-il, en se levant à son tour pour le rejoindre, dans l’intention de calmer le jeu. J’ai compris, tu veux ta revanche dans les plus brefs délais. On peut en… »

Ce qu’il allait dire pour changer sa position fut interrompu par plusieurs coups donnés à la porte, qui s’ouvrit brusquement sans autre forme de procès. Roy tourna la tête vivement, pressentant un problème à venir. Car aucun de ses employés ne se permettait d’entrer de cette façon, à moins d’une sacrée urgence.


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Sofya Belinski
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"The belly and guts of the Nation"  [Roy & Leopold] Icon_minitimeJeu 19 Oct 2017 - 16:57
Le verre tinta doucement lorsque Sofya le reposa sur le comptoir. Il ne comportait plus que quelques glaçons à moitié fondus, des feuilles de menthe et un fond de liquide vert, vestiges du Mojitroll qu'elle venait de boire en un temps record. Elle s'en félicita - il lui faudrait bien ça pour affronter la scène qu'elle s'apprêtait à déclencher. Portant la main à son oreille, elle ôta la perle noire qui l'ornait, et la glissa dans sa pochette. L'objet avait parfaitement accompli son office, il faudrait qu'elle pense à remercier son confectionneur. Elle glissa la bretelle de la pochette autour de son épaule et descendit de son haut tabouret, pour se jucher sur ses talons fins. D'une démarche lente - sa robe de cocktail n'incitant guère aux exploits physiques - elle traversa la salle du casino. Rien dans son attitude ne trahissait son rythme cardiaque qui s'emballait, ni ses pensées qui s'affolaient. Elle peinait à le croire, et pourtant, il n'y avait plus aucun doute.

Sans un bruit, elle se glissa dans le dos d'un homme brun et s'appuya sensuellement contre lui. D'une main, elle enfonça discrètement la pointe de sa baguette magique dans son dos. De l'autre, elle entoura son cou et se pencha pour glisser quelques mots à peine audibles à son oreille :

"Si tu tiens à la vie, tu vas me suivre sans faire d'histoire."

S'écartant légèrement de son oreille, elle observa les deux autres hommes qui l'accompagnaient et leur dit d'un ton enjoué :

"Alors messieurs, on passe une bonne soirée ? Vous permettez que j'emprunte votre ami un instant ? Nous avons quelques petites choses à nous dire..."


Sans attendre de réponse, elle glissa son bras sous celui du sorcier et l'attira à sa suite, tout en coinçant sa baguette magique dans sa ceinture. Elle n'en aurait plus besoin pour le moment, des Veilleurs guettaient de toutes parts et même s'il tentait de s'échapper, il ne s'en sortirait pas vivant. Chose qu'il n'ignorait pas, puisqu'il la suivit sans broncher, le teint pâle. Ses pupilles bleu regardaient fixement devant lui et il semblait concentré sur un moyen de s'en sortir. Mais tout effort était vain, il était fait comme un rat. Sofya avait gagné la partie, pour le plus grand plaisir de la comédienne qui, passé la surprise, esquissa un sourire ravi. Elle aimait quand elle parvenait à boucler une enquête.

"Sofya...", commença-t-il en adoptant le ton conciliant de celui qui allait tenter de l'attendrir. Son sourire s'accentua, et elle le coupa en resserrant son emprise sur son bras :

"Chhh, épargne ta salive, garde tes mots doux pour le patron, d'accord ? C'est dommage, tu sais, je commençais à t'apprécier. Mais c'est le risque du métier, n'est-ce pas ?"

"Comment est-ce que tu m'as trouvé ?"

"Un magicien ne révèle jamais ses secrets."

Lorsqu'ils parvinrent dans les couloirs plus reculés du cabaret, elle saisit de nouveau sa baguette, et s'empara également de celle de son prisonnier. Cette fois, ils étaient seuls et il était hors de question qu'elle le laisse s'échapper. Curieusement, il s'avéra plutôt calme et docile, et la suivit sans plus dire un mot. Peut-être était-il en train de réfléchir à ce qu'il allait négocier... Sofya s'en fichait bien. Elle avait fait sa part du travail, le reste ne regarderait que Jayce et Roy.

Ils parvinrent bientôt devant le bureau des chefs du gang. Sofya frappa énergiquement sur le battant en bois et poussa la porte sans plus de cérémonie. Quoi qu'ils soient en train de faire, cela ne pouvait pas être plus important. Sa baguette pointée contre la jugulaire du prisonnier, elle le tira dans la pièce et referma la porte derrière eux. Son regard tomba alors sur Marchebank, planté au milieu de la pièce, qui les observait d'un air indéfinissable. Sa cicatrice luisait dans la pièce sombre et Sofya retint un frisson de dégoût, puis reporta son attention sur Roy. En toute honnêteté, elle avait oublié la présence du ministre, mais il était désormais trop tard pour reculer. Ils allaient devoir laver leur linge sale en public. Bah ! Marchebank en avait certainement vu d'autres.

"Désolée de vous interrompre", dit-elle d'un ton pas désolé du tout. D'un mouvement brusque, elle poussa son prisonnier en avant dans la pièce, tout en le gardant en joug. "J'ai trouvé l'espion, chef."



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"The belly and guts of the Nation"  [Roy & Leopold] Icon_minitimeMer 27 Déc 2017 - 18:21
Roy fronça les sourcils en voyant Sofya pénétrer dans le bureau, dans une position qui ne laissait aucun place au doute. Elle tenait en joue un de ses hommes, comme s’il agissait de son prisonnier. Roy le connaissait, comme il connaissait chacun de ses hommes. Aucun Veilleur n’était recruté au hasard. Il les connaissait jusqu’au nom de leur plus petit dealer de quartier du bas de l’échelle. Alors il savait parfaitement qui était l’individu que Sofya poussait vers lui. Dimitri Haros, un trafiquant sous les ordres de Toni, qui avait toujours bien fait son travail. Il avait la cinquantaine, il connaissait bien le milieu mafieux, il ne faisait pas de vagues comme ces petits vingtenaires, certes prometteurs, mais arrogants, que Toni recrutait. Bref, un gars sûr, un bon gars. Un homme qui ne s’était jamais fait remarquer et qui entretenait des bonnes relations avec tout le gang.

En une seconde, l’annonce sans appel de Sofya fit s’effondrer aux yeux du chef de gang cette image plutôt positive qu’il avait de cette recrue. En une seconde, le sang de Roy afflua vers son cerveau, et son geste vers sa baguette fut un pur réflexe. Une détonation retentit et le plancher en bois gémit sous le poids de Haros qui tombait à genoux, entraîné par de lourdes menottes qui lui clouèrent les bras au sol. Il lui aurait fallu une force herculéenne pour se redresser, mais c’était de toute façon un mauvais calcul de tenter le moindre geste : Haros était cerné par deux baguettes magiques pointées sur lui.

La présence de Leopold comme spectateur n’avait pas retenu Roy. Il venait d’écarter mentalement la raison de sa venue et reporter leur discussion à plus tard. Ce qu’il avait sous les yeux captait toute son attention, et surtout, toute sa colère. C’était l’espion. C’était lui, l’homme qu’il recherchait avec acharnement depuis quatre jours. C’était lui qui lui avait valu la perte d’un marché prolifique de baguettes contrefaites, et surtout, l’humiliation d’être touché sur son propre territoire. Sofya venait de réussir la mission qu’il lui avait confiée cette fameuse nuit du 8 décembre, en lui apportant sur un plateau celui qui avait permis à trois étrangers de s’introduire dans leur cabaret. Elle n’avait pas besoin de dire davantage que ce qu’elle venait de déclarer. C’était lui, l’espion.

« Bon travail, Sofya. »

C’était la première bonne nouvelle qu’il recevait, depuis cette attaque. Le premier pas significatif pour leur vengeance. Roy était ravi de voir leur taupe démasquée, pas seulement parce qu’ils allaient pouvoir le lui faire payer de la façon la plus douloureuse qui soit, mais parce qu’avec quelques bonnes techniques de persuasion, ils pourraient le faire parler et lui faire révéler l’identité des trois malfaiteurs, dont Evan suivait la piste, avec Robin. Et cette avancée n’avait pas de prix. Elle ne pouvait pas non plus attendre.

« Je suis navré, Leopold, dit t-il, sans quitter Haros des yeux, mais je vais devoir reporter notre discussion. C’est une bonne nouvelle pour toi aussi, plutôt arrangeante, ajouta t-il pour que le ministre ne parte pas complètement bredouille. Il semblerait qu’on ait mis la main sur celui qui mobilisait tous mes espions jusque là. »

Il avait invoqué cette excuse quelques minutes plus tôt pour décliner la demande de Leopold. Elle n’était plus valable maintenant, et il n’en avait de toute façon plus besoin : il avait décidé de se débrouiller autrement pour ne pas faire le travail d’espionnage que Leopold lui demandait, avant que Sofya ne fasse irruption. Il y penserait plus tard, toutefois. A cet instant, seul comptait le traître sous ses yeux, que Roy comptait bien faire parler. Il s’était approché de quelques pas, pour pouvoir toucher de sa baguette le front de Haros : simple moyen de lui signaler qu’il pouvait lui faire sauter la cervelle à tout moment. S’il ne répondait pas correctement à ses questions, notamment.

« Tu avais une dent contre les MacFarlane ? Ou contre moi ? »

La punition qui l’attendait serait la même dans les deux cas, car il avait permis l'attaque de deux Veilleurs dans tous les cas, et il avait été responsable de bien plus que les multiples traumatismes et blessures de Robin et son frère. Il avait porté un coup au gang entier. Mais Roy était curieux de savoir qui ses ennemis inconnus, ceux qui avaient payé Haros pour exploiter les failles de leur sécurité, visaient exactement.


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"The belly and guts of the Nation"  [Roy & Leopold] Icon_minitimeMer 3 Jan 2018 - 14:06
La contrariété du ministre augmenta d'un cran lorsque quelques coups furent frappés à la porte de la pièce, interrompant ainsi le bras de fer qui était en train de se jouer entre les deux chefs. Il darda un regard courroucé sur Sofya, avant de sentir son sang se figer dans ses veines : cet homme, qu'elle tenait prisonnier, n'était nulle autre que son propre espion... *Bordel de troll !* Mobilisant toute sa maîtrise de soi, Leopold parvint de justesse à retenir une exclamation de surprise. Immobile comme une statut, il cessa presque de respirer et détourna aussitôt son attention sur Roy. Son esprit fonctionnait à toute allure, et il tenta de ne pas se laisser gagner par l'affolement. Une toute autre partie d'échec s'apprêtait à se jouer dans ce bureau, et cette fois il risquait bien d'y laisser quelques plumes...

En l'espace de quelques secondes, le rapport de force entre Roy et lui venait de s'inverser. Heureusement, le chef de gang n'en avait peut-être encore aucune idée. Sofya avait-elle découvert à qui Haros était rattaché ? Rien n'était moins sûr, et Leopold prit aussitôt le parti de rester silencieux le plus longtemps possible. Imitant Roy qui portait la main à sa baguette, Leopold posa les deux poings sur ses hanches où son pistolet se trouvait, accroché à sa ceinture. Il espérait bien ne pas avoir à le dégainer, mais l'on n'était jamais trop prudent...

Le visage fermé, il fit quelques pas en direction de l'espion, désormais cloué au sol par de lourdes menottes magiques. Le ministre se posta à distance raisonnable de Roy, qui semblait avoir oublié sa présence - ce qui lui allait très bien. Roy commença par féliciter Sofya, dont le sourire s'agrandit. Loin de prendre congé, l'espionne vint s'adosser tranquillement au dossier d'un fauteuil de cuir, les bras croisés contre sa poitrine. Visiblement, elle ne comptait pas manquer une miette de la scène qui allait suivre. Leopold espéra que Roy la congédierait, mais ce fut plutôt lui qui fut prié de partir.

Fronçant les sourcils quand Roy mentionna "celui qui mobilisait tous ses espions", Leopold baissa la tête vers l'homme cloué au sol. Ses pupilles glacées étaient fixées sur lui, comme pour tenter de lui faire passer un message... Mais lequel ? De toute évidence, Roy prenait Dimitri pour ce qu'il n'était pas. Espion, oui, mais pas coupable de ce qu'il lui reprochait pour autant... Dimitri pouvait décider de conserver ce secret, de l'emporter dans sa tombe s'il le fallait, ou bien il pouvait décider de parler pour tenter de sauver sa peau. Dans les deux cas, il était fait comme un rat. Restait à savoir s'il comptait emporter son patron dans la chute avec lui ou non...

"Bien, si cela me concerne aussi, alors tu ne verras pas d'inconvénient à ce que je reste", répondit Leopold la mine sombre, comme si leur conversation précédente occupait encore toutes ses pensées.

Roy était de toute façon bien trop pressé d'interroger l'espion pour s'intéresser à lui. Il commença aussitôt l'interrogatoire de Dimitri, avec une question qui confirma que les Veilleurs se fourvoyaient. Dans leur grande chasse aux espions, Dimitri n'était qu'une victime collatérale. Jurant intérieurement, Leopold s'empêcha de lancer un regard mauvais à Sofya. Ne pouvait-elle pas se contenter de jouer la dinde sur les planches, celle-là ?

"Contre aucun des deux. Je ne suis pas l'espion que vous cherchez.", répondit Dimitri d'une voix calme, comme si l'extrémité d'une baguette n'était pas pointée sur son front, menaçant de lui faire exploser la cervelle. Son ton se fit caustique lorsqu'il ajouta : "Navré. Bonne prise quand même, Sofya."

L'espionne lui adressa un juron imagé et Leopold fit descendre discrètement ses doigts sur la crosse de son pistolet. Il se tenait prêt à intervenir, droit comme un piquet, ses pensées s'affolant en lui tandis que la scène se déroulait sous ses yeux. Que devait-il faire, par Voldemort ? Protéger Dimitri ? Se tirer d'ici avant qu'il n'ait le temps de l'exposer ? L'achever lui-même ? Rester passif et espérer qu'il se taise ? N'était-il pas dangereux de compter ainsi sur la loyauté d'un homme ? Et si Roy se mettait à fouiller sa mémoire ? Et s'il apprenait qui son patron était, comment réagirait-il ? Les relations qu'ils avaient nouées jusqu'ici étaient-elles suffisamment puissantes pour protéger Leopold de ce coup du sort ?

Les différentes options défilaient dans son esprit, et il n'avait probablement que quelques secondes pour se décider...
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"The belly and guts of the Nation"  [Roy & Leopold] Icon_minitimeSam 15 Déc 2018 - 19:38
Plus Dimitri se montrait calme, plus la fureur de Roy bouillonnait. Pour qui se prenait ce petit merdeux ? A cet instant, il aurait du implorer pour sa vie, et à la place, il choisissait de les ridiculiser. Sofya ne lui manqua pas de lui renvoyer la politesse quand il pointa du doigt son erreur. Quant à Roy, il enfonça un peu plus sa baguette contre le front du trafiquant à terre, pour le forcer à lever la tête vers lui.

« Ne m’oblige pas à te péter la cervelle avant que tu aies parlé. Pour qui tu bosses ? »

Le silence fut sa réponse. Dimitri le fixait avec un calme olympien, de son regard où pointait toutefois une espèce de résignation. Il savait qu’il n’allait pas s’en tirer et il n’avait pas tort. Il était hors de question que Roy laisse filer dans la nature un homme qui avait espionné son gang et pouvait donner les informations qu’il avait recueillies à n’importe qui. A partir de là, quelle raison le traître avait t-il de répondre à ses questions ? Aucune, à première vue. Le chef de gang se décida alors à lui en donner une. Il vrilla son regard pris d’une rage froide dans celui de Dimitri, approchant si près son visage du sien que leurs nez se touchaient presque. Il pouvait sentir la respiration profonde et quelque peu rapide de l’espion, ce qui trahissait les émotions qu’il tentait de ne pas laisser apparaître sur son visage. Sa baguette magique descendit de son front vers sa gorge, s'y enfonça pour rendre encore plus difficile sa respiration. Roy avait presque oublié la présence de Leopold derrière lui. A cet instant, seul comptait ce combat de regards entre lui et Dimitri qu’il cherchait à écraser sous la pression.

« Ecoute. Soit tu me dis la vérité et tu crèves. Soit tu refuses de parler, et je force ton esprit pour avoir ma réponse. Mais dans ce cas-là, non seulement tu crèveras derrière, mais en plus, je prendrai soin d’aller chercher dans ton petit crâne l’identité de toutes les personnes à qui tu tiens et elles payeront à ta place pour m’avoir fait perdre mon temps. »


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"The belly and guts of the Nation"  [Roy & Leopold] Icon_minitimeDim 16 Déc 2018 - 18:10
La situation était clairement en train de lui échapper. La colère de Roy était nettement perceptible, tant dans ses menaces que dans ce délicat teint rouge écrevisse que prenait sa peau, d'autant plus flagrant que Dimitri restait, en comparaison, remarquablement calme. Leopold sentit sa propre tension augmenter d'un cran. Il jeta un rapide coup d'oeil à Sofya et constata avec soulagement que l'espionne était trop absorbée par la scène pour lui prêter la moindre attention. Preuve que sa couverture était parfaitement intacte, personne dans la pièce ne semblait faire le lien entre Dimitri et lui, il était donc parfaitement libre de le laisser mourir.

Et cela, malgré les menaces du chef de gang. Ce ne fut pas tellement sa conscience qui le poussa à réagir, mais bel et bien la peur de perdre l'un de ses espions préférés - et peut-être même quelque chose de plus noble, de l'ordre de la loyauté. Poussant un soupir intérieur, il resserra la main sur la crosse de son pistolet, qu'il sortit et pointa directement sur l'arrière du crâne de Roy.

"Lâche cette baguette tout de suite, Roy", intervint-il d'un ton qui ne souffrait pas la contradiction. Du coin de l’œil, il aperçut Sofya qui esquissait un mouvement, et appuya ostensiblement le doigt sur la gâchette.

"Un geste et je lui fais exploser la cervelle", annonça-t-il tranquillement, et la comédienne baissa lentement la main, son regard passant de Roy à lui comme si elle analysait la situation.

Malgré le calme qu'il affichait, le ministre ne se sentait guère à son aise. Une goutte de sueur froide glissa le long de son dos tandis qu'il réalisait qu'il se trouvait, seul, au plein cœur du QG des Veilleurs, et dont il venait de se mettre le chef à dos. Même avec Alan de l'autre côté de cette porte, la situation n'était pas exactement confortable.

"Dimitri est mon espion, Roy, alors j'apprécierais que tu lui laisses la vie sauve ainsi qu'à sa famille."

La voix étouffée de Dimitri se fit entendre depuis le sol :

"Vous n'auriez pas du, boss, je maîtrise l'occlumancie. Il n'aurait jamais su..."

"Je sais bien, mais figure-toi que les bons espions sont difficiles à trouver. Alors, Roy, tu le lâches qu'on puisse discuter tranquillement ? C'est moi qui ai envoyé Dimitri pour surveiller ton gang, et il n'a rien à voir avec ce qui est arrivé à ta danseuse. Alors on ne va pas en faire toute une histoire, tu ne croyais tout de même pas que j'allais te faire confiance sans assurer mes arrières, si ? Et figure-toi que grâce à Dimitri, je suis désormais rassuré, félicitations !", lança-t-il d'un ton léger, en espérant que son interlocuteur prenne les choses de la même façon que lui : sur le ton de la plaisanterie. Hélas, il ne connaissait que trop bien le tempérament bouillant du jeune Calder...
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"The belly and guts of the Nation"  [Roy & Leopold] Icon_minitimeSam 29 Déc 2018 - 19:47
La sensation d’un métal froid contre sa nuque suspendit momentanément les menaces morbides du chef de gang en pleine démonstration de fureur. Un cliquetis retentit distinctement près de ses oreilles. A cet instant, Roy croisa devant lui le regard de Sofya où s’était allumée une lueur de stupeur et de défiance qui ne laissait plus place au doute. Un désagréable frisson passa dans le dos de Roy qui sentit la menace de mort avant même que Leopold ne la formule dans son dos, avec une grande violence qui lui coupa littéralement le souffle. Son coeur battit plus fort encore, sous le coup d’une brusque montée d’adrénaline. Tous ses membres en tension, Roy écarta lentement ses deux bras, libérant ainsi Dimitri de la menace de sa baguette.

Le rapport de force venait de totalement s’inverser, alors que la lumière se faisait sur la situation. Roy baissa son regard sombre sur l’espion qui était toujours agenouillé, les mains enfermées dans de lourdes chaînes. C’était un homme de Leopold. Roy eut la sensation d’une bouffée d’indignation en lui, comme un départ de flammes qui lui donna une immédiate envie de violence. Mais il ne pouvait guère la satisfaire, parce que Leopold tenait à cet instant sa vie entre ses mains. Il n’avait aucune envie de découvrir si le ministre était prompt à mettre ses menaces à exécution ou s’il s’agissait d’une simple tentative d’intimidation. Alors il garda le silence et l’immobilité pendant que Leopold achevait ses explications, terminant par une plaisanterie cynique qui échauffa un peu plus le fougueux trafiquant. Quel fils de Gobelin…

Le regard orageux de Roy ne lâchait plus celui de Dimitri, comme s’il pouvait sonder par ce simple échange ce que l’espion avait pu amasser comme informations exactement. Il n’était pas quelqu’un de haut placé dans le gang, mais cela ne signifiait pas forcément qu’il n’avait pas pu amasser quelques informations sensibles, surtout s’il était si bon dans son domaine d’espionnage, comme le soulignait Leopold, bon au point qu’il se lance dans une telle entreprise pour sauver sa vie. Une entreprise qui n’était pas sans risque, puisqu’il s’en prenait à un chef de gang sous son toit. Toutefois, c’était toujours moins risqué que si Roy décidait de s’en prendre à Leopold et ce salaud le savait très bien. Il le savait et c’était bien pour cela qu’il se permettait une telle effronterie.

Cette sensation de se retrouver face à quelqu’un qui avait bien plus d’armes que lui pour le mettre à terre jaillit en lui comme un vieux sentiment familier. Il avait toujours haï cela. Il s’était battu pour s’en défaire, pour avoir plus de pouvoir, un contrôle satisfaisant de sa propre vie. Mais ce n’était jamais assez. Roy se heurtait une nouvelle fois à ce mur invisible qui lui rappelait qu’il y avait toujours quelqu’un pour décider à sa place et le forcer à faire quelque chose qu’il allait détester. L’humiliation était comme une brûlure dans sa gorge, alors qu’il tentait de ravaler les insultes qui traversaient son esprit. Il sentait déjà la rancoeur s’épanouir dans son coeur pour cette preuve de pouvoir que Leopold exerçait sur lui en ce moment-même. Pas parce qu’il avait placé un espion dans ses rangs. Roy n’était pas naïf. Qu’il se fasse surveiller par son propre allié était une chose qu’il pouvait considérer comme faisant partie des règles du jeu. Après tout, il n’y avait jamais assez de protection contre la traîtrise dans leur milieu. En revanche, ce qui faisait aussi partie des règles du jeu pour Leopold était d’accepter les conséquences si jamais sa manoeuvre se faisait découvrir. Roy n’avait aucune envie de laisser filer dans la nature un traître qui avait des informations sur son gang. Mais Leopold était en train de lui ôter cette possibilité de réparation, avec une arrogance insupportable, de sa position où il pouvait se sentir en sécurité et au-dessus de tout.

Les mains levées en signe de sa reddition, Roy se redressa lentement sur ses jambes, sans faire de mouvement brusque. Le froid du métal s’enfonçait toujours dans sa peau. Sa voix n’était plus un cri de rage à l’encontre de Dimitri mais sa colère se sentit même dans ce ton bas et lent :

« Et donc, au lieu de me demander de lui faire grâce, tu pointes un pistolet sur moi ? C’est ainsi que tu traites tes alliés, Leopold ? En les menaçant dans le dos sous leur propre toit ? »

C’était le plus intolérable. D’un geste vif, impulsé par sa sourde colère, Roy balança sa baguette au sol, loin de Dimitri.

« Baisse ton pistolet et discutons comme deux hommes. »


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"The belly and guts of the Nation"  [Roy & Leopold] Icon_minitimeVen 4 Jan 2019 - 10:58
Leopold laissa échapper un petit rire amusé face à la réaction colérique de Roy, qui pointait l'irrespect de sa démarche. Bien sûr, à partir du moment où les armes étaient tirées, qu'il n'était plus question de respect entre alliés. Ce qui était amusant, c'était de constater qu'au pied du mur, Roy se raccrochait à des valeurs qui étaient totalement étrangères au ministre : une certaine forme d'honneur. Cette réplique quelque peu désespérée, et la prise de conscience de l’incongruité de la situation, eurent le don de le détendre quelque peu.

Il observa avec satisfaction la baguette magique de Roy qui roulait au sol, et tourna un regard pesant sur son espionne : après un instant d'hésitation, Sofya Belinski laissa tomber sa propre baguette. Alors, satisfait d'avoir repris le contrôle de la situation, Leopold s'écarta de quelques pas et baissa le bras, sans pour autant ôter son doigt de la gâchette.

"Discutons, Roy, discutons, mais ne fait pas l'erreur de croire que le fait d'être alliés t'exonère d'une certaine prudence de ma part. Tu sais que j'assure toujours mes arrières, quitte à, oui, menacer mes alliés sous leur propre toit... Je ne serais jamais devenu ce que je suis aujourd'hui sans m'assurer de maîtriser les risques et tu le sais parfaitement. Inutile de jouer les vierges effarouchées avec moi : c'est de bonne guerre."

Leopold avait conclu un accord avec les chefs des Veilleurs, oui, mais il n'avait jamais prétendu leur faire confiance ni s'accorder à un quelconque code d'honneur entre chefs de gangs. Leur alliance était fondée sur un échange pragmatique de bons procédés, elle n'allait pas au-delà, et le bon sens politique de Leopold primait sur l'amitié qu'il pouvait porter à Roy. Leopold n'avait jamais prétendu qu'il en allait autrement.

S'appuyant sur le dossier d'un fauteuil, il observa son jeune allié, s'attardant sur les expressions de son visage. Il comprenait son sentiment de trahison, bien entendu, et sa surprise, il était malgré tout naturel d'accorder une certaine confiance à un allié, et en particulier lorsque les relations dépassaient un strict cadre professionnel. Pour autant, se faire trahir faisait partie du jeu et c'était, finalement, un bon apprentissage pour Roy. Oui, tout bien réfléchi, il lui rendait service !

"Je suis désolé que tu l'aies appris comme ça", répondit-il avec plus de douceur, malgré la lueur d'amusement qui luisait toujours au fond de son regard. "Lorsque nous avons conclu notre pacte, j'ai simplement demandé à Dimitri de se faire une place au sein de ton gang et de laisser traîner une oreille, pour s'assurer que nos intérêts communs ne se mettent pas à diverger... Une mesure de précaution, disons. Ma position était délicate, elle l'est toujours, et je ne pouvais pas prendre le moindre risque. Evidemment, Dimitri m'est loyal et ne dira rien à quiconque de ce qu'il a pu apprendre pendant son immersion ici."

Toujours agenouillé au sol, le dos raide et les mains derrière la tête, l'espion approuva d'un hochement de tête.
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"The belly and guts of the Nation"  [Roy & Leopold] Icon_minitimeJeu 21 Mar 2019 - 21:07
La sensation froide du métal finit par quitter la nuque de Roy mais l’adrénaline qui tendait tous ses muscles et faisait battre son coeur ne disparut pas pour autant. L’atmosphère de la pièce confinée était sous haute tension, chacun ici pouvait le sentir. Dimitri ne prononçait plus un mot, Sofya observait la scène d’un regard alerte, Roy serrait les mâchoires pour s’empêcher d’exploser. Au milieu de cette scène, il n’y avait que Leopold qui semblait prendre les choses avec légèreté ou tout du moins, le feindre. Il accepta la discussion mais prit un ton qui parut tellement paternaliste à l’oreille de Roy que ce dernier eut du mal à cacher sa colère. Libéré de l’arme moldue du ministre, le chef des Veilleurs fit volte-face, avec un regard profondément noir qui trahissait son agitation intérieure. Le prenait t-il pour un crétin débutant ? A voir le ton de maître d’école que prenait Leopold pour lui expliquer qu’il avait inévitablement fallu oeuvrer de coups bas pour arriver à sa position, il fallait croire que oui.

Roy ne sut ce qui le poussa à laisser Leopold terminer sa tirade, alors que les premières phrases lui faisaient déjà l’effet de piqûres désagréables. Peut-être sa sidération face à la scène qu’il venait de vivre, qui était tout de même, quand on y réfléchissait quelques secondes, irréaliste. Leopold avait eu le culot de sortir une arme pour menacer son propre allié, un chef de gang, dans un territoire qui n’était pas le sien. L’espace d’un bref instant, Roy coula un regard vers Dimitri, toujours agenouillé, qui ne pipait pas un mot. Qu’avait t-il de tellement spécial pour que Leopold prenne à ce point le risque de s’exposer pour lui ? Malgré le respect, et même, l’amitié, qui pouvait exister entre les deux mafieux, Roy avait bien compris la nature de l’homme qu’était Leopold et dans les mots qui pouvaient la qualifier, « compatissant » n’en faisait partie. Il était à peu près certain qu’il n’aurait pas hésité à sacrifier l’un de ses hommes si la situation l’exigeait. Pourquoi pas cette fois ?

Puisque Dimitri avait suffisamment de valeur aux yeux de Leopold pour mériter cette manoeuvre, Roy n’en ressentait que plus de méfiance. L’idée qu’un espion de cette qualité ait pu traîner dans ses rangs le remplissait doucement d’une rage contenue. La dernière réplique de Leopold fut celle de trop et fit enfin réagir Roy. Pensait t-il réellement pouvoir s’en tirer aussi facilement ? Sa réponse jaillit aussitôt, ses yeux plantés dans ceux du ministre, ripostant dans ce bras de fer qui s’installait entre les deux chefs mafieux :

« Là c’est toi qui es naïf. Ce qui serait de bonne guerre, Leopold, c’est que tu cesses d’avoir le culot de penser que tu vas pouvoir récupérer ton espion indemne et que je vais laisser filer dans la nature les informations qu’il a pu récoltées sur mon business. Tu as voulu jouer ? Très bien. Mais là, tu as perdu. »


Roy Calder

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Leopold Marchebank
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"The belly and guts of the Nation"  [Roy & Leopold] Icon_minitimeDim 24 Mar 2019 - 11:51
Un tic secoua à la joue du ministre lorsque son allié le transperça d'un regard noir. De Roy semblait émaner une colère vibrante qui n'avait rien de feinte, et qui le fit tressaillir intérieurement. Il y avait certaines choses qu'il ne pouvait se permettre de perdre, et son alliance avec les Veilleurs en faisait partie. Comme toujours, Roy Calder était semblable à un jeune chien fougueux - une espèce dangereuse. C'était bien parce qu'il se méfiait de sa propension à attaquer le vieux mâle alpha qu'il l'avait fait espionner...

Il y eut un instant de flottement, durant lequel il glissa un regard détaché et calculateur vers son espion. Sa vie suspendue entre deux fils, Dimitri semblait retenir son souffle et lui rendait son regard, comme pour tenter d'anticiper les calculs de son patron. Finalement, l'ombre d'un sourire passa sur le visage de Leopold, qui se détendit et se redressa imperceptiblement. L'espion, lui, se crispa d'une manière inversement proportionnel, conscient que cette attitude était probablement signe d'une mauvaise nouvelle. Une goutte de sueur froide dégoulina le long de son dos mais il ne bougea pas d'un muscle, vif et alerte, conscient qu'il allait peut-être devoir jouer la partie de sa vie. Hélas, si le pistolet du ministre pendait négligemment le long de son bras, Sofya gardait sa baguette et son attention braquées sur lui.

Leopold se rapprocha tranquillement de Roy et de Dimitri.

"Pas encore", rétorqua-t-il en observant Roy avec un air de défi. "J'ai peut-être trouvé le moyen de nous sortir de cette impasse."

C'est-à-dire sans que personne ne perde la face. Roy et lui devaient être en mesure de sortir de cette pièce sans que l'un n'ait pris l'ascendant sur l'autre, sans que leur coopération n'ait été trop ébranlée. Oh, la méfiance réciproque serait indubitablement de mise après cette entrevue. Leopold n'oubliait pas la façon dont son allié l'avait reçu à propos de cette petite affaire de Manchester... et Roy n'oublierait pas non plus ce qui venait de se passer. Mais au moins, l'honneur serait sauf, et dans le monde de la mafia, c'était peut-être ce qui comptait le plus. De toute évidence, s'il devait se sortir de cette situation la tête haute, il devait changer de prisme - ce n'était pas en tant que ministre qu'il devait se positionner.

"Nous nous parlons d'égal à égal, comme deux chefs... Alors réglons ça comme tels..."

Lentement, il leva le canon de son pistolet et le retourna. Sous le regard attentif des trois sorciers, il le vida de toutes ses balles, sauf une, qu'il désigna à Roy avant de faire tourner le barillet et de refermer l'arme.

"... à la moldue", conclut-il. "Roulette russe. Il tire. S'il meurt, l'affaire est réglée. S'il vit, il ressort en homme libre. Cela me paraît être un marché équitable. Qu'en dites-vous, miss Belinski ?"

Une lueur dangereuse luisait au fond de son regard, quelque chose qui évoquait le plaisir et l'anticipation du risque. Il y avait plus qu'un politicard face à elle, et Sofya en avait toujours eu confiance, mais elle entrapercevait seulement à quel point Marchebank était éloigné de l'image publique qu'il s'était donné. A quel point il était l'un des leurs, avant tout autre chose... Lentement, elle hocha la tête, tout en accordant une pensée presque compatissante pour son homologue toujours à terre. La mâchoire serrée, Dimitri semblait résigné à saisir cette chance, probablement sa seule chance de s'en sortir...
Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
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"The belly and guts of the Nation"  [Roy & Leopold] Icon_minitimeDim 31 Mar 2019 - 17:11
« Impasse » était le bon mot pour qualifier la situation dans laquelle ils se trouvaient. Leopold semblait décidé à ne pas laisser son espion entre les mains de Roy qui lui, refusait de céder du terrain face à son allié pris en flagrant délit. Le chef de gang sentait l’autorité du ministre planer entre eux dans cet affrontement et s’il avait pu accepter de courber l’échine à de nombreuses reprises, cette fois, il la rejetait avec force. Leopold avait du pouvoir, beaucoup de pouvoir, bien trop dans un Etat sensé prôner des valeurs de justice, de liberté et d’égalité. Sur le plan politique, le Royaume-Uni était à ses pieds. Pour autant, agir en monarque absolu avec ses propres alliés était une stratégie dangereuse. Il pouvait forcer le passage, il pouvait trouver des menaces pour faire ployer Roy à ses volontés. Il pouvait mettre fin à leurs accords, ici et maintenant, il pouvait déclarer que dorénavant, la Voie des Miracles ne serait plus le paradis des criminels qu’elle était aujourd’hui, exempt de tout contrôle de la Milice, il pouvait menacer de saboter le commerce des Veilleurs pour obliger leur chef à répondre à ses attentes. Mais c’était une erreur tactique de déclarer la guerre au leader d’une mafia puissante comme celle de Bristol. Rien ne disait que Leopold perdrait une telle guerre, il y avait même probablement davantage de chances qu’il la remporte, en revanche, il était certain qu’il y laisserait quelques morceaux. Une chose était sûre, la vie de Dimitri ne valait pas un tel sacrifice.

Leopold parut arriver à cette même conclusion car il fit un pas de côté sur ses déclarations précédentes. En fin stratège qu’il était, il comprit qu’il venait de porter un coup préjudiciable à l’ego de Roy et chercha à l’atténuer. Il se plaça dans la peau du Leopold à qui Roy cherchait à s’adresser, non plus le despote intransigeant mais bien le confrère mafieux prêt à entrer dans les négociations. Ce repositionnement tactique leur permit à tous de respirer plus confortablement dans cette atmosphère chargée de tension, à l’exception de Dimitri qui venait de comprendre que son patron acceptait de mettre sa vie en jeu. Et quel jeu… Sous le regard circonspect de Roy, Leopold ouvrit le barillet de son arme tout en expliquant sa proposition pour le moins risquée. La vie de l’espion découvert tiendrait au fil de sa propre chance. En d’autres termes, le ministre choisissait le hasard pour juge de leur conflit.

Alors que Leopold invitait Sofya à émettre un avis, avec une espèce de complicité qui tenait probablement de l’origine nationale de ce jeu, Roy analysait les implications de cette proposition. Avait t-il une chance de négocier une meilleure fin que celle-ci ? Il aurait voulu obtenir la mort certaine de l’homme qui avait laissé traîner ses yeux et ses oreilles dans son gang pour le compte de quelqu’un d’autre. Mais leur échange précédent avait clairement mis en lumière le fait que Leopold ne voulait pas plus que lui perdre la face. Finalement, cet espèce de marché avec le hasard était peut-être la seule chance que Roy avait de se débarrasser de l’espion, sans trop froisser une alliance dont il avait lui aussi besoin, en dépit des coups bas qu’ils se faisaient…

S’efforçant de calmer ses passions, Roy s’attacha au raisonnement froid qui devait lui permettre de limiter les dommages à sa relation avec Leopold car il n’avait pas le loisir de s’en passer. Il ne l’avait jamais eu. Avant que l’arme ne soit tendue à Dimitri, il eut toutefois une objection :

« Deux balles dans le pistolet. »

Il n’ajouta rien d’autre, donnant par là son assentiment au marché proposé. Il se contenta de planter fermement son regard dans celui de Leopold, pour lui faire comprendre que c’était une condition non négociable. A cet instant, Roy s’aperçut de la discrète lueur de plaisir qui luisait au fond du regard de Leopold et ce constat fit courir un frisson irrépressible le long de son dos. Il réalisa alors que, contrairement à lui, le ministre attachait plus d’importance au jeu stratégique et à l’adrénaline que lui procurait la situation, plutôt qu’à la survie de Dimitri. Son enjeu personnel se trouvait dans le plaisir de dominer et il était prêt à sacrifier l’un de ses hommes pour obtenir la satisfaction et le divertissement qu’il recherchait.

Sans rien dire de ses pensées, Roy reporta son regard sur Dimitri, les muscles tendus. Quoique l’avenir réserve à l’alliance entre les deux chefs, il venait d’apprendre quelque chose qu’il n’oublierait pas, aujourd’hui.


Roy Calder

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"The belly and guts of the Nation"  [Roy & Leopold] Icon_minitimeDim 14 Avr 2019 - 12:05
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Dimitri Haros, espion de Leopold Marchebank


Dimitri déglutit difficilement en voyant Leopold ajouter une seconde balle dans le chargeur de son arme. Il se sentait déjà glacé de l'intérieur, engourdi comme si la mort était déjà venue l'embrasser de son étreinte. Un seul regard à son patron lui apprit ce qu'il savait déjà depuis longtemps : Leopold Marchebank n'était pas seulement dangereux, il était aussi fou à lier. Cette lueur d'anticipation qui luisait au fond de ses pupilles noires n'avaient échappé à personne, et certainement pas à l'espion qui en était à l'origine. Leopold semblait s'être animé d'un plaisir qui confinait au sadisme, et que Dimitri lui déjà connu auparavant, seulement c'était la première fois qu'il risquait d'en être victime. Cette fascination morbide que ressentait son patron, à la simple contemplation du pouvoir échu entre ses mains, il ne la devinait que trop bien. Leopold était rendu ivre par une puissance inaltérée qu'il ne cessait d'accroître, ivre de ce pouvoir de vie et de mort qu'il s'octroyait, sur ses ennemis comme sur ses alliés. Dimitri, Roy, Sofya n'étaient que des pions sur son grand échiquier, des poupées de son, disponibles pour son bon plaisir et malléables selon son bon pouvoir. Alors oui, il proposait une roulette russe, est-ce que cela le surprenait ? Dimitri aurait presque pu s'y attendre. La jouissance que le ministre allait tirer de ce coup de poker valait mille fois le désagrément de perdre un homme, il le savait et, pire, il le lui pardonnait, car c'était peut-être sa seule chance de s'en sortir et il était prêt à tout pour la saisir. Et s'il mourait, ma foi... Dimitri savait ce qu'il risquait en acceptant cette mission, n'est-ce pas ?

C'était un jeu dont il avait accepté les règles depuis de nombreuses années. C'était la vie qu'il avait choisi, au début par facilité, par appât du gain, puis par plaisir, et enfin parce qu'il ne savait plus rien faire d'autre. La mafia était une addiction qui coulait dans leurs veines à tous. C'était une famille, viciée, malsaine, toxique comme bien d'autres, mais une famille si étendue et si puissante qu'il n'y avait qu'une seule façon de la quitter : les deux pieds en avant, ou au fond de l'eau avec les poissons. Dimitri le savait, tous le savaient, qu'ils jouaient ici avec le feu, avec un Feûdémon incontrolable qui finirait tous par les emporter.

Son regard, tranchant et froid comme la glace, vint heurter celui de son patron, puis sans fond de folie furieuse, lorsque celui-ci lui tendit le pistolet par le canon. Péniblement, il se mit sur ses jambes et sentit ses genoux meurtris protester. Mourir, oui, mais mourir debout : il voulait tomber de toute l'ampleur de sa haute stature et sentir le sol sous son crâne éclaté. De l'arrière de la main, il essuya son front sur lequel une sueur froide avait collé quelques mèches brunes. Engourdi par une peur indicible, Dimitri tendit une main tremblante vers l'arme et la saisit entre ses longs doigts. Elle était lourde, froide et métallique contre sa peau. Lui, il pouvait sentir son pouls battre, trop rapide, contre sa tempe, alors qu'il prenait brutalement conscience de toutes ses sensations et ses inconforts, de l'air qui entrait et ressortait de ses poumons, de la puissance de ses muscles et de ses membres. Il avait envie de partir, de courir, de bondir sur un balai et de voler en plein ciel, de s'enfoncer à toute allure dans l'obscurité anonyme de la nuit. L'espace d'une seconde, il se vit relever son arme, la tourner vers Marchebank et tirer trois coups puissants. Peut-être que s'il était assez rapide, avec l'effet de surprise, peut-être avait-il une chance de l'avoir, d'avoir les deux autres dans la foulée, mais...

Mais il y avait Alan de l'autre côté de cette porte, et s'il y avait bien une personne contre laquelle il n'aurait aucune chance arme en main, c'était bien lui. Non, de choix, il n'en avait pas. Les secondes, ses dernières secondes peut-être, s'étiraient, extrêmement lentes et bien trop rapides à la fois, alors qu'il considérait l'arme entre ses doigts. Avec un goût de bile au fond de la gorge, il comprit que son temps s'était écoulé.

Son regard papillonna vers Roy, l'autre parrain fou de la pièce. Lui aussi était dangereux, par son instabilité, par sa jeunesse et son tempérament plus ardent que celui de son patron. S'il était là aujourd'hui, c'était bien pour répondre à cette unique question : puis-je faire confiance à Roy Calder ? Modérément, avait toujours répondu Dimitri. L'homme avait observé et rapporté fidèlement les rapports de force qu'il voyait se dessiner au sein du gang. Les groupes et les alliances intestines, les inimitiés et les jeux de pouvoir qui se nouaient. Il avait observé la mise en retrait de Jayce, la méfiance et l'impatience de certains, tels que Solal, face à l'attitude parfois désinvolte de la hiérarchie. Il avait appris à déceler les désirs et les passions les plus sombres qui sommeillaient dans le coeur des personnalités les plus atypiques du gang. Roy, Toni, Fergus, Sofya, pour ne nommer qu'eux, concentraient à eux seuls un tel degré d'ego et d'ambition dans un si petit espace que cela formait un cocktail extrêmement explosif. Comme une cocotte-minute, il pouvait presque imaginer la tension qui allait monter et monter au fil des mois et des années, jusqu'au jour où... mais il ne serait plus là pour le voir.

Son regard empreint de regrets s'échoua sur l'espionne qui l'avait découverte. Appuyée contre une table, jambes croisées et buste rejeté en arrière, en une attitude indolente de simple spectatrice, la comédienne dissimulait plutôt bien l'agitation intérieure dans laquelle elle était plongée. Mais il la connaissait désormais trop bien pour s'y fier. Observateur discret des coeurs et des passions, Dimitri avait espionné Sofya comme elle l'avait observé lui, et il s'était méfié - mais pas suffisamment, de toute évidence. S'il avait deviné ses accointances avec les Veilleurs, il avait sous-estimé le rôle qu'elle jouait au sein du gang, trop occupée selon lui à s'agiter sur scène et à se donner en spectacle pour représenter une réelle menace. Du spectacle Sofya n'en manquait pas une miette, bien trop consciente de ce qui se jouait entre Calder et Marchebank. Dissimulée derrière un masque de détachement et de loyauté se dissimulait une femme à l'âme capricieuse et à l'ego instable, bien moins inoffensive qu'il n'y paraissait, dont l'ambition était tellement bien cachée qu'elle l'ignorait elle-même.

"A Bristol, les femmes sont plus dangereuses que les sortilèges", commenta-t-il avec un demi-sourire comme elle lui rendait son regard, visiblement impressionnée par l'ampleur de la situation qu'elle avait elle-même déclenchée. *Quand on tire la gobière, il faut la boire, Sofya.* La comédienne prenait-elle seulement conscience de l'ampleur des personnalités avec qui elle frayait ? C'était possible, auquel cas elle était folle et naïve.

Mais ce n'était pas son cas. Si Calder et Marchebank voulaient jouer, alors il jouerait. S'il avait peur, Dimitri avait suffisamment d'honneur pour mener à bien la tâche qu'on lui assignait - et même le faire en conservant un semblant de dignité.

S'il survivait, alors il fuirait Bristol en ployant sous le poids de son déshonneur et de son humiliation, et il accueillerait ces émotions avec le plaisir de se sentir en vie. Il était suffisamment riche pour partir mener une nouvelle vie sous le soleil, à moins que Leopold n'ait d'autres missions à lui confier...

Et s'il mourait, alors ce serait sans regrets - sa mission était accomplie, Leopold connaissait déjà chacune de ses observations et de ses conjectures - qui était loyal et qui l'était moins, quels étaient les points faibles et les points chauds de cette organisation complexe, jeune et tentaculaire qu'était l'organisation criminelle bristolienne. Dimitri n'avait pas de famille, pas d'amis hormis ceux des Doxy Ness et des Veilleurs qui avaient accepté sa compagnie. Sa vie, il l'avait donné à la mafia - peut-être littéralement... les prochaines secondes seraient décisives à cet égard.

Ce fut à son plus fidèle compagnon au sein du gang, Solal que son esprit s'attacha quand il porta le canon du pistolet contre sa tempe. Le temps sembla se suspendre dans la pièce sombre alors que chacun observait la scène en retenant son souffle. Les doigts crispés sur la détente, Dimitri planta fermement son regard dans celui de son patron, comme happé par ce tourbillon d'émotions contradictoires qu'il pouvait y lire. Dimitri haussa légèrement les sourcils, comme pour lui passer un message silencieux.

"Je suis ton poison", murmura-t-il selon la formule consacrée des Doxy Ness. La roulette russe y était une tradition, selon sa version sorcière : trois flacons, deux potions, un poison. L'ombre d'un sourire s'accrocha aux lèvres du dictateur alors qu'il l'observait, approbateur, suspendu au résultat. Dimitri pouvait presque deviner les prières qui se formaient dans son esprit malade. Car c'était la seule option possible, il choisit de croire que Leopold priait pour sa survie. A travers ses lèvres tremblantes, l'espion aspira une dernière bouffée d'air qu'il bloqua dans ses poumons.

D'un coup rapide, il appuya sur la gâchette.


Roulette russe:
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"The belly and guts of the Nation"  [Roy & Leopold] Icon_minitimeDim 14 Avr 2019 - 12:05
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