24 décembre

Ce n'est pas que Franck Callum n'aimait pas travailler. C'est que Franck Callum n'aimait pas se lever tôt le matin, rentrer chez lui après dix-sept heures, avoir des réunions, des collègues et des papiers à remplir. Si on exceptait cela, Franck Callum aimait bien travailler. Il avait un fauteuil confortable et un tampon-encreur avec son nom dessus. Il avait fait toute sa carrière au Département de Régulation des Créatures Magiques et après trente ans de bons et loyaux service, il avait son tampon-encreur personnel, qu'il montrait fièrement à tous les petits nouveaux. « Tu vois gamin » marmonnait-il de sa voix grave « Si tu travailles dur toute ta vie, tu seras récompensé à ta juste valeur : comme moi. » Pour ses cinquante ans, il espérait recevoir une plaque à mettre sur son bureau, une belle plaque gravée, dorée, qu'il astiquerait avec patience et attention tous les matins. Frank Callum, décréatisateur. Ou bestioles-buster, comme il aimait s'appeler en privé. Depuis des années, il faisait partie de l'équipe qui s'occupait d'identifier, de répertorier et surtout, de chasser les créatures de niveau un à trois qui embêtaient les sorciers dans leur vie quotidienne. Un Niffleur qui s'en prenait à votre maison ? Ils étaient là. Un Boursouf devenu agressif ? Ils avaient leur filet spécial. La plupart de ses collègues n'aspiraient qu'à passer dans l'équipe supérieure, celle qui gérait les animaux vraiment dangereux, comme les Trolls et les Cerbères mais lui se contentait très bien des jardins sorciers détruits par des Botrucs.

Assis à son bureau, justement, son derrière épais engoncé dans sa chaise confortable, il regardait le Père Noël qui tournait autour du sapin du service, le même depuis 1978. Encore une fois, ce n'est pas que Franck n'aimait pas travailler. C'est que Franck n'aimait pas être de garde le soir du réveillon de Noël. Il aurait dû être chez lui, à manger la dinde aux groseilles que sa femme Marge faisait tous les ans, avec des pommes de terre fondantes et la sauce forestière. Puis il se serait installé dans son fauteuil face à la cheminée, celui qui était marqué par la forme de son corps depuis des années, avant de déguster un bon verre de Whisky-pur-feu que son beau-frère lui ramenait des États-Unis. Il aurait mis ses chaussons préférés et les grosses chaussettes que lui tricotaient sa tante, celles qui grattaient un peu le mollet mais qui tenaient bien chaud. A la place de cela, il était engoncé dans sa robe de travail, les boutons tendus sur son ventre. Soupirant, il tourna la tête vers la bouteille de lait de poule qui trônait sur son bureau, offerte par un stagiaire un peu étrange, qui parlait de "nouvelles technomagies" de "pear one" quelque chose et utilisait des mots étranges comme "swag". Ce n'était pas très raisonnable de consommer ça en service mais qui irait appeler ? Tout le monde était occupé avec le dîner du réveillon et à moins qu'un chapon ne prenne vie quelque part, il devrait être tranquille. Tout content de ses nouvelles résolutions, les poils du nez frissonnant légèrement d'impatience, il ouvrit le quatrième tiroir de son bureau pour y trouver des verres. Il déboucha le lait de poule dans un "pop" annonciateur s'en versa une bonne lampée. Cela aurait pu être le moment sauveur de sa soirée mais la Cheminette choisit évidemment ce moment pour s'illuminer de vert.

Grommelant, Franck se leva cahin-caha pour aller répondre, s'agenouillant sur le sol froid. Le visage d'un membre de la Police Magique dont il avait oublié le nom était en relief dans les cendres - McMachin ; McWawan ; McGovin ? - et n'avait pas non plus l'air très content d'être de garde le soir de Noël. Il aurait dû boire du lait de poule, cela aurait eu le mérite de le détendre ! Franck retint judicieusement cette remarque pour lui et écouta religieusement les raisons de l'appel de McWawan. Apparemment, une créature étrange sèmerait le trouble à Loutry Ste Chaspoule et nécessiterait une intervention de décréatisateur. L'idée de sortir dans le froid et la neige était loin de ravir Franck mais il savait qu'il devait faire son devoir et aller sauver cette famille et son réveillon. Quand on y pensait bien, songeait-il, alors qu'il traversait l'Atrium vide du Ministère, il était en quelque sorte un soldat de Noël. Un soldat de l'hiver. Tout requinqué par cette idée, il fixa sa cape avec majesté sur ses épaules - même si elle manqua de se prendre dans ses pieds - et lança courageusement une poignée de poudre de Cheminette pour rejoindre le lieu de l'intervention.

Loutry Ste Chaspoule, comme la moitié du pays, était presque intégralement recouverte de neige épaisse qui craquait sous les pas lourds de Franck. C'était la famille Faucett qui avait demandé une intervention à domicile, il distinguait leur maison illuminée près de la colline Tétafouine. Dans son dos, Le Terrier, la maison des Weasley semblait tanguer sous le vent : il la connaissait pour y avoir fait une intervention il y a deux ans, au sujet d'une goule au grenier. Il abattit son gros poing sur la porte en bois épais et cette dernière s'ouvrit presque instantanément sur le visage d'un sorcière à l'air paniqué qui s'empressa de le faire entrer dans la maison surchauffée.

- Heureusement que vous êtes arrivés, nous ne savions plus quoi faire ! Aucun sortilège ne fonctionne !
- Calmez-vous, Mrs Faucett, fit Franck de son ton de personne importante. Je suis là pour vous aider.

En guise de preuve, il secoua légèrement sa mallette de bois qui laissa entendre un étrange son d'horloge.

- Que s'est-il passé ?
- Ma fille Séraphine a joué dans le jardin tout à l'heure et a ramené un Boursouf orphelin, ou ce que je pensais être un Boursouf du moins. C'est vrai qu'il avait une drôle de couleur mais je n'aurais jamais pensé que... Enfin, venez voir, lança-t-elle en le tirant par la manche.

Franck remonta le couloir, tracté par Mrs Faucett qui avait décidément beaucoup de poigne pour une si petite personne. Il se retrouva bien vite dans une salle à manger où un spectacle déroutant se tenait. La table du réveillon était garnie de mets plus savoureux les uns que les autres mais plus aucun convive n'était à table : ils lévitaient tous au niveau du plafond, un sourire béat aux lèvres.

- Je suis un vivet doré, clama brusquement un vieux monsieur en battant des bras, passant doucement près du lustre.

Au milieu des corps en lévitation, une petite masse pelucheuse d'un bleu électrique volait à toute vitesse, avec des mouvements d'ailes saccadés et un léger petit bruit.

- Ah oui, c'est problématique, constata Franck en se grattant le crâne, constatant le désastre.
- C'est tout ce que vous avez à dire ? s'emporta Mrs Faucett. Aidez-les, voyons !
- Les sorciers ne relèvent pas de ma compétence, Mrs, je vous conseille d'appeler la Brigade de Réparation des Accidents de Sorcellerie mais elle est toujours chargée le soir de Noël. Vous savez, toutes les duels autour de la dinde, ou bien un cadeau qui dégénère...

Mrs Faucett sembla justement sur le point de lui lancer un sort, excédée par sa réponse mais elle finit par tourner les talons, après avoir jeté un regard inquiet à sa famille en lévitation, pour rejoindre sa Cheminette et appeler le Ministère une nouvelle fois. Franck, quant à lui, entreprit de faire ce pourquoi il avait reçu un tampon-encreur à son nom : son travail. Il ouvrit d'un geste expert sa mallette en en sortit un grand filet, qui n'aurait jamais pu rentrer dedans sans l'aide de la famille. Méthodiquement, il le déplia, ajusta sa prise et entreprit de capturer la petite bestiole bleue. Cette dernière était d'une rapidité extrême et il dû s'y reprendre une vingtaine de fois - cassant au passage huit verres, cinq assiettes, deux vases et piétinant une plante - pour s'en emparer. Une fois que ce fut fait, il était en nage, son souffle était court et son visage était aussi rouge que la sauce groseille de Marge. Mrs Faucett avait observé la scène avec inquiétude, poussant un petit cri à chaque fois que le filet manquait de faucher un membre de sa famille qui nageaient toujours au plafond, visiblement béats de bonheur et inconscients de ce qui se passaient sous eux. La gorge sèche, Franck ramena le filet verrouillé vers lui pour observer la petite chose qui s'y trouvait.

C'était une boule de fourrure bleue électrique avec de grands yeux ronds d'une douceur infinie. Le pelage semblait doux et n'était percé que de deux grandes ailes irisées, très fines, qui se ralentissaient alors que la bestiole était prise dans le filet. Deux grandes antennes fines, légèrement violettes, se trouvaient sur le haut du crâne de l'animal. En le voyant, on avait qu'une envie : lui faire des bisous sur son petit nez rond et noir. Voyant qu'elle ne pouvait plus voler, l'animal finit par ranger ses ailes, reprenant alors l'apparence d'un simple Boursouf. Pas étonnant que Mrs Faucett et sa fille n'aient rien vu : si on exceptait la couleur particulière, on aurait effectivement dit un Boursouf. Mais l'oeil d'expert de Franck, même s'il ne semblait pas bien vif, savait parfaitement reconnaître un croisement illégal de créatures quand il en voyait un. Quelqu'un avait fait des expériences sur cette petite bête qui avait finit par s'enfuir pour trouver un foyer aimant et avait réussi à se faire recueillir par la petite Séraphine, sûrement attendrie par la bouille de la chose. Si on demandait son avis à Franck, il s'agissait d'un croisement pour le moins inhabituel : celui d'un Boursouf et d'un Billywig. C'était un insecte originaire d'Australie, aux propriétés hallucinogènes quand il piquait : il déclenchait également une lévitation, qui pouvait durer plusieurs jours dans les cas les plus graves. Voire même toute la vie, si on était allergique. Il espérait que ce n'était pas le cas des Faucett, même si le grand-père semblait très heureux de son nouvel environnement plafonnier.

Ce qui était étrange, songeait Franck en sortant une cage métallique de sa mallette, c'est que ce Boursouf-Billywig ne semblait pas avoir de dard, à moins que ce dernier ne soit caché dans ses poils abondants... Quoi qu'il en soit, ce n'était pas son travail d'étudier l'animal en profondeur, il n'était pas Magizoologiste. Il devait répertorier le croisement, l'endroit où l'animal avait été trouvé et les enquêteurs du Département feraient leur travail à ce sujet. Il plaça le filet à l'intérieur de la cage et appuya sur le bouton pour le rouvrir, s'empressant de refermer la porte. Il rangea la cage dans sa mallette et se redressa, lançant un regard à Mrs Faucett. Il n'aurait pas dit non à un petit verre, lui ! Cette dernière semblait néanmoins toujours contrariée de voir sa famille léviter et lui retourna un regard mauvais.

- Vous êtes certain que vous ne pouvez rien faire pour eux ?
- Non Mrs : la BRAS va arriver bientôt et s'occupera sûrement de les envoyer vers Sainte-Mangouste. Si c'est ce que je pense, c'est assez bénin.

Son interlocutrice ne semblait pas convaincue et Franck s'en vexa un peu : après tout, il savait de quoi il parlait, il était un expert ! Mais puisque que Mrs Faucett ne semblait pas très désireuse de le voir rester, il prit congé d'elle, affirmant qu'il transmettrait son rapport à la Brigade de Réparation des Accidents de Sorcellerie sous peu. Il sortit sous la neige et transplana jusqu'à la Cheminette communautaire pour rejoindre le Ministère. Une fois là-bas, il remonta dans son bureau, manipulant sa mallette avec précaution. Il n'était pas censé garder une bête comme ça avec lui, il devait la confier à des gens plus compétents qui sauraient l'examiner et en prendre soin. Il sortit la cage de la mallette et observa le spécimen avec intérêt. Le premier mot qui venait à l'esprit quand on le contemplait ne pouvait être que adorable. Plus on la regardait dans les yeux, plus on s'attendrissait, plus on avait envie de la serrer dans ses bras et de caresser son petit pelage tout doux, si doux, si mignon...

Il secoua brusquement la tête et se redressa, jetant un regard méfiant à la cage. Il faudrait qu'il précise dans son rapport que ce dernier semblait agir sur l'esprit pour influencer les sorciers autour de lui, un peu comme les sirènes. Décidément, cette nouvelle espèce était pleine de mystères et de pouvoirs. Il sortit du premier tiroir de son bureau la liste des Magizoologistes agréés par le Ministère et fit défiler son doigt sur la liste, s'arrêtant au hasard. Zephyr von Scha... Swcha... Schwarberk... Quelque chose. Il nota son numéro de Cheminette et se redressa pour passer son appel.

- Allô, Monsieur Von Sch... Monsieur le Magizoologiste ? Excusez-moi de vous déranger si tardivement, c'est le Service de Décréatisation du Ministère. Nous avons un cadeau de Noël pour vous : ça vous dirait un nouveau pensionnaire ? Oui... Il s'appelle Billy.

Un bon pour un rp de ton choix, avec le personnage de ton choix, sur la situation de ton choix

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