Wannabe |Madison|

11 Octobre 2009

C'était la deuxième fois en deux semaines que Isobel venait à l'AIRPUS (Aire Internationale de Réception des Portoloins Universels Sorciers) mais cette fois-ci, ce n'était pas pour elle. Il était dix heures cinquante et le Portoloin de Madison, en provenance de Californie devait arriver dans cinq minutes. Elle avait pris quelques heures au boulot histoire d'avoir une plus grande pause déjeuner et ainsi accueillir son amie et de lui souhaiter la bienvenue. Cette dernière lui avait envoyé il y a une dizaine de jours un hibou désespéré où elle lui expliquait qu'elle venait de perdre son boulot, qu'elle était perdue, avait absolument besoin d'un break : lui proposer de venir la voir au Royaume-Uni pour se ressourcer s'était imposé. Après tout, son canapé-lit était très confortable et elle ne tournait pas le dos à ses amis. Il est vrai qu'elle avait beaucoup de travail mais elle était certaine que Madison saurait s'occuper tout le temps qu'elle serait là. En plus, il n'y avait pas que Isobel en Angleterre, il y avait aussi Logan !

Vers onze heures, une petite dizaine de personnes émergea du terminal des États-Unis et Isy guetta la tête rousse de son amie. Lorsque cette dernière apparu, elle eut un grand sourire et se dirigea vers elle, leur différence de taille accentuée par ses hauts escarpins de travail - oui, c'était un concept - et serra son amie dans ses bras. Elle était vraiment désolée pour elle, tout semblait lui tomber un peu sur la tête en ce moment et elle comprenait parfaitement la sensation. Elle espérait qu'être ici aiderait Madison à se sentir un peu mieux ou du moins, à se changer les idées !

- Coucou ! Tu vas bien, tu as fais bon voyage ? Bienvenue en Angleterre : pour t'accueillir, il pleut !

Comme toujours, il faisait chaud à Los Angeles, elle venait de transplaner de Carmel et attendait avec quelques sorciers le Portoloin pour l’Angleterre. Pendu à son épaule, un sac de voyage en toile qu’elle avait rempli grâce à un sort d’extension. Néanmoins, son humeur n’était pas aussi joyeuse que celle de la petite famille à ses côtés. Les enfants piaillaient leur bonheur d’aller voir leurs grands-parents et les parents ne savaient que faire pour calmer leur enthousiasme, au grand damne d’un sorcier en robe noire très stricte, tenant une petite mallette de travail à la main.

Observer les autres voyageurs lui permettait de ne pas penser à sa situation. Elle aurait aimé être pétillante, ravie à l’idée de passer quelques temps chez Isobel, de pouvoir revoir Logan et découvrir leur nouvelle vie. Au lieu de ça, elle ne pouvait se détacher de l’angoisse qui la taraudait alors qu’elle voyait sa vie s’effondrer. L’activation du Portoloin interrompit à temps ses pensées sombres et elle se retrouva brutalement à l’AIRPUS londonien.

Un instant désorientée, elle ne vit pas tout de suite Isobel venir vers elle. Comme elle l’avait espéré, le sourire de son amie lui mit du baume au cœur et c’est avec plus de plaisir qu’elle n’en avait ressenti depuis deux semaines qu’elle la prit dans ses bras.

« Isobel ! Ca me fait de bien de te voir ! Le voyage s’est bien passé mais je pense que je vais avoir du mal à m’accoutumer au temps anglais, il fait humide même à l’intérieur ! »

Un rapide coup d’œil dans la salle lui fit entrevoir les jeunes enfants accrochés au cou de leurs grands-parents et le bonheur de la famille lui fit comprendre que le plus important dans la vie était d’être bien entouré.

- Crois-moi, tu n'as encore rien vu ! En hiver, c'est horrible, je ne m'y ferais jamais. Mon manteau est hyper-épais et je congèle !

Passer sa vie en jupe ou en robe n'était peut-être pas non plus le meilleur moyen de lutter contre le froid. Elle resserra les pans de son trench autour d'elle alors que les deux amies prenaient le chemin de la sortie, débouchant sur le Chemin de Traverse. Isobel sortit de son sac un petit parapluie qu'elle déplia au dessus d'elles.

- Il est encore un peu tôt pour déjeuner alors qu'est-ce que tu veux faire ? Visiter un peu le Chemin ? Ou bien déposer tes affaires à la maison ? C'est comme tu veux !

Elle songeait à ce petit restaurant bolivien dans le monde moldu, du côté de Covent Garden, que Madison adorerait.

« J’ai prévu le coup ! J’ai rassemblé tous les vêtements un peu chauds que j’ai à la maison pour venir ! Je ne sais pas comment font les moldus, sans sort de réchauffement, ils doivent mourir de froid… »

Comme pour confirmer ses paroles, Madison sortit un petit pull dont elle renforça l’effet avec un sortilège, se préparant à quitter l’atmosphère protectrice de l’AIRPUS. C’est avec un regard un peu émerveillé, il faut l’avouer, que Madison observa le Chemin de Traverse.

« J’aimerais bien découvrir le Chemin de Traverse, c’est impressionnant, tout à fait dans l’image que je me faisais de la vieille Angleterre ! Et puis on pourra aller manger un morceau ensuite, j’avoue que j’ai déjà un peu faim avec le décalage horaire. »

Elle faisait confiance à Isobel pour lui dégotter un restaurant sympathique et si une petite visite touristique était plaisante c’était surtout de la présence de son amie dont elle avait besoin.

- Les moldus sont malins, ils se débrouillent. Puis les gens qui sont nés ici sont persuadés que c'est un temps acceptable et qu'il ne fait pas froid. Ils disent que je suis frileuse.

Elle n'était pas frileuse, elle estimait juste qu'il faisait froid en dessous de vingt degrés. Et encore, elle avait changé son échelle d'appréhension en quittant le sud des États-Unis ! Elle espérait que Madison serait de son avis, qu'on arrête de la mettre en cause. Après tout, elle vivait en Californie et le temps était bien différent d'ici.

- Alors c'est parti pour le Chemin ! J'espère que tes chaussures sont faites pour les pavés parce que les miennes, pas du tout !

Il y avait peu de monde en pleine journée sur le Chemin de Traverse ce qui leur permettait d'avancer facilement. Gringott's se dressait à quelques mètres, projetant son ombre sur le miroir d'eau. Isobel parlait vivement, donnant plein de détails sur tout, des Gobelins à la March'Bank qui leur faisait concurrence, en passant par le miroir d'eau qui était en réalité un moyen de transport. Elle guida son amie devant les boutiques, s'arrêtant pour la première fois devant Weasley&Weasley, connue à l'internationale, et son Weasley géant.

- Si tu veux acheter des trucs pour faire un mauvais tour à tes ex-patrons, c'est ici ! Elle eut un instant de silence, n'osant pas trop demander. Qu'est-ce qui s'est passé pour qu'ils prennent cette décision ? C'était économique ou personnel ?

« Les gens d’ici sont fous ! Il fait froid ! Je n’ose pas imaginer la température au mois de janvier… »

Madison était un peu de mauvaise foi, elle avait grandi à New-York où les hivers étaient plutôt rigoureux mais elle se plaisait de plus en plus à laisser penser qu’elle était une Californienne pur jus.

Ses petites baskets étaient bien plus pratiques que les escarpins d’Isobel, Madison était impressionnée par la classe que dégageait Isobel, on sentait rien qu’à son apparence qu’elle avait un poste à responsabilité. Avec son jean troué et son pull confortable, Madison avait l’impression de faire tâche à côté de son amie. Un moment gênée, elle oublia vite cette sensation en écoutant Isobel lui présenter la vie Londonienne. Qui aurait cru qu’Isobel pouvait être aussi enthousiaste en parlant de l’Angleterre ?

Alors qu’elles se trouvaient face au magasin originel de Weasley&Weasley, Isobel se lança finalement sur le sujet qui fâchait.

« Je ne suis pas très rancunière mais l’idée de leur donner une pastille de gerbe est tentante ! »

Le silence plana quelques instants, le temps que Madison ressasse ses idées noires.

« Economique majoritairement, je ne pense pas qu’ils aient eu quelque chose contre moi. MLA Records a décidé que l’économie ne permettait pas de folie et que Wiz Music n’était plus dans l’air du temps. Pourtant on faisait du bon boulot, on bossait dur et on commençait à décoller mais rien ne va assez vite pour ces grosses machines à sous ! »

La colère que Madison pouvait avoir pour l’industrie musicale semblait augmenter à chaque fois qu’elle abordait le sujet.

Isy eut une mine désolée à l'égard de Madison lorsqu'elles évoquèrent son renvoi. Elle se souvenait encore de leur après-midi de janvier où son amie s'était montrée si enthousiaste à l'égard de son poste et de son label... Et quelques mois après, elle se retrouvait au chômage. Les choses changeaient très vite dans ce genre de milieux, malheureusement en l’occurrence.

- Je te servirai d'alibi si tu tentes de les empoisonner avec des farces et attrape, et Jack sera ton avocat !

Elle-même avait connu des périodes difficiles pour trouver un emploi, en arrivant à Dublin par exemple, mais elle avait toujours eu la chance de retomber sur ses pieds. Elle espérait qu'il en serait de même pour Madison, qui méritait vraiment de travailler dans un domaine qui la passionnait comme la musique...

- Tu as pu obtenir une lettre de recommandation, au moins ? Histoire d'avoir quelque chose à présenter... Mais je suis sûre que tu retrouveras ! Tu peux essayer de décrocher quelque chose ici, peut-être ? Ca te ferait une expérience à l'internationale. Il y a Leopoldgrad, très dynamique, qui embauche beaucoup en ce moment ! Sinon, je te pistonne pour le Ministère si tu veux devenir anglaise... dit-elle avec malice.

Madison rit de bon cœur en s’imaginant à la cour défendue par Jack et ayant Isobel arborant sa mine d’ange comme alibi. Ils seraient sans doute plutôt convainquant ! D’autant plus qu’elle était certaine de pouvoir jouer à merveille la jeune femme désemparée attirant la pitié des jurés.

« J’aimerais vous y voir ! L’équipe de choc ! »

Elle resserra son bras autour des épaules d’Isobel tentant par ce geste de la remercier pour ses efforts visant à lui changer les idées.

« J’ai bien eu une lettre de recommandation mais je ne suis pas sûre qu’elle me sera utile. Je suis lasse de ce métier de fou ! J’ai trimé depuis la fin de mes études chez MLA Records dans l’espoir de pouvoir faire ce dont je rêve, de faire partager la musique qui me plait au plus grand monde… Résultat, je n’ai jamais eu aucun pouvoir de décision, je n’ai fait découvrir aucun groupe et maintenant je suis virée ! Je ne crois pas que j’aurai le courage de recommencer de zéro. Je devrais sans doute songer à me reconvertir… Je pourrais être fleuriste par exemple… Ou vendeuse de cupcakes ! T’en penses quoi ? »

Un petit sourire triste ornait ses lèvres, elle ne blaguait qu’à moitié tant le désarroi face à sa situation professionnelle la faisait se remettre en question.

« Leopolgrad pourquoi pas, Logan semble s’y plaire mais par pitié Isy, ne me fait pas devenir anglaise ! Il ne manquerait plus que ça. », conclut-elle en forçant son accent américain

Isobel adressa un sourire à son amie lorsque cette dernière passa son bras autour de ses épaules, comme pour la remercier. Elle avait bien l'intention de la requinquer et de la voir repartir d'ici toute pimpante ! Après tout, quand on cherchait bien, l'Angleterre avait quelques charmes efficaces.

- Fleuriste, c'est un truc à attraper le tétanos, répliqua Isobel. Vendeuse de cupcakes... Je te vois bien ! Il y a un truc ici qui s'appelle Le Paradis d'Eden, c'est un peu plus loin sur le Chemin. On y vend des pâtisseries, tu devrais essayer de postuler ! fit-elle avec malice. Elle essayait de la faire rire pour lui remonter le moral et faire disparaître cette mine triste de ses traits. Oh, ce n'est pas si mal d'être anglaise, je ne m'en porte pas plus mal. Bon, il faut tolérer des trucs comme la pluie, le thé en intraveineuse ou la jelly mais ce n'est pas si mal. Peut-être que tu rencontreras un bel anglais et tu ne voudras plus jamais repartir... affirma-t-elle d'un ton mystérieux.

Isobel avait une philosophie : quand tout allait mal, deux choses pouvaient vous remonter le moral. Un, une virée chez Harrods et deux, un joli garçon. Elle en connaissait plein, Madison était vive et jolie comme un cœur alors elle saurait arranger les choses ! Les deux filles avançaient sur le Chemin de Traverse, passant désormais devant Fleury&Botts.

- Tu vois, c'est mignon, très traditionnel ! Tous les quartiers magiques anciens sont un peu comme ça, tu verras, c'est le cas chez moi aussi. Ce n'est pas Carmel mais c'est mignon ! Tu peux rester aussi longtemps que tu le veux, tu le sais, n'est-ce pas ? Je ne serai pas là tout le temps mais...

Elle sortit de la poche de son trench un porte-clé.

- Tu pourras faire ta vie quand même ! C'est le double de la porte d'entrée.