Dissimulant ses émotions derrière un masque de tranquillité absolue, la Directrice de Skye n'en était pas pour autant fort contrariée à l'idée d'affrontée cette matinée pluvieuse de Septembre. Aussi chargée que le ciel écossais, la journée de travail de Meredith Kane ne s'annonçait pas de tout repos, et se devait d'être abordée avec sérieux et grande détermination. La veille, un hibou en provenance du Ministère était venu ajouté un peu plus de pression sur les épaules de la Milice, quand à la disparition inexpliquée de l'ancien numéro deux du FREE. Dans sa missive, Leopold Marchebank faisait de cette affaire une priorité absolue, et exigeait des résultats concrets dans cette enquête qui traînait beaucoup trop en longueur. En effet, cela faisait désormais près de six mois que Jacob Dalhiatus s'était évaporé comme par enchantement, sans que quiconque ne puisse apporter le moindre indice tangible à même de soulever le voile de mystère qui reposait sur cette sombre affaire. Comme une tache indélébile sur un curriculum vitae, cette disparition ternissait sérieusement la réputation de la Milice qui se voulait pourtant infaillible. Perfectionniste dans l'âme, Meredith Kane ne pouvait supporter davantage cette absence de réponse sur le mystère Dalhiatus. Comment être crédible si les services de sécurité de ce pays n'étaient point capable de garantir la sécurité de ses propres leaders politiques? La Milice devait redorer son blason et trouver ce qui était réellement arrivé à Jacob Dalhiatus lors de cette étrange nuit du 25 au 26 Mars 2009...
Danielle Coleman et ses Miliciens œuvraient toujours sur le terrain, examinant scrupuleusement chaque millimètre carré autours du dernier endroit où Jacob avait été aperçu vivant. Pour une raison encore inexpliquée, le chef du département avait trébuché dans des poubelles situées à quelques longueurs de l'auberge de la Tête de Sanglier. Etait-il ivre? Etait-ce le résultat d'une rixe? L'absence de réponses concrètes dans ce périmètre avait poussé la Milice à élargir encore davantage son rayon d'investigation. Meredith Kane, quant à elle, cherchait à déceler le moindre embryon de preuve dans l'esprit du dernier témoin à avoir vu le directeur du département en vie. Et celui-ci n'était pas n'importe qui, puisqu'il s'agissait d'Abelforth Dumbledore, le gérant légendaire de l'Auberge de la Tête de Sanglier. Dans l'affaire Dalhiatus, il était devenu le principal suspect, tant son récit s'embrouillait et sonnait faux. Pour ne pas faciliter la tâche, la lecture de ses souvenirs se révélait des plus complexes, car le vieillard souffrait d'une forme d'amnésie sénile, proche de la Maladie d'Alzheimer. Pour la directrice de Skye, il s'agissait d'un véritable sacerdoce que de se faufiler dans ce labyrinthe de pensées, tant la mémoire du suspect jonglait entre les différentes époques et se déformait au fil de sa captivité.
Tel un sphinx veillant à sa pyramide, Meredith Kane demeura assise sur le canapé de son bureau, cherchant une solution qui puisse contourner les défaillances amnésiques d'Abelforth Dumbledore. Le temps jouait en sa défaveur, et comme par hasard, toutes les traces de cette nuit fatidique étaient floues dans l'esprit du vieil homme, qui se retrouvait dans la position bien inconfortable de suspect numéro 1. Comment faire pour décrypter un puzzle auquel il manquait la plupart des pièces? Meredith se dirigea vers la pensine numéro 447, dans laquelle elle avait recueilli certains des souvenirs lisibles du prisonnier. Ses pensées ne respectaient aucune chronologie, et la plupart étaient profondément répétitives. La psychomage cherchait à ranger chaque élément dans le bon ordre, supprimant les trop nombreux souvenirs inutiles qui jonchaient l'esprit ravagé par les années du gérant de l'auberge de la Tête de Sanglier. En agissant de la sorte, Meredith savait qu'elle violait en toute impunité l'intimité d'un homme qui se révélerait peut-être innocent; Mais avait-elle le choix? Fallait-il se soucier de la morale quand la vie d'un homme était en jeu? Au moins avec elle le jardin secret d'Abelforth serait bien gardé, et puis franchement qui se souciait - à part Mildred Magpie et son journal racoleur - de savoir que le gérant de la Tête de Sanglier s'adonnait en cachette à d'étranges rituels où il
stupéfixait des chèvres; Ou qu'il connaissait certaine vérité sur le
penchant sexuel de son défunt frère. Meredith ne suivait qu'un objectif : Retrouver Jacob Dalhiatus, qu'il soit vivant ou mort...
D'un mouvement gracieux de sa baguette en direction de la pensine, la Directrice de Skye retira un à un les souvenirs qui lui semblait insignifiant pour l'avancé de l'enquête. Pêle-mêle, elle découvrit toute sorte de choses dans le magma mémoriel d'Abelforth : Comme des extraits de la
Grande Guerre, des souvenirs de sa sœur
Ariana, ainsi qu'un moment de franche complicité avec
Minerva McGonagall. Mais même si fouiner dans le jardin secret des autres procurait une sensation d'omnipotence, la psychomage ne faisait qu'un tri entre ce qui lui serait utile ou non dans la résolution de l'enquête sur la disparition de Dalhiatus. Meredith s'apprêtait à jeter aux oubliettes un énième souvenir, quand elle arrêta brusquement son geste. Ses sourcils se froncèrent, tandis qu'une lueur d'espoir éclaira son froid regard. Venait-elle de dénicher une piste? Meredith prit soin d'extirper un
souvenir fugitif dans lequel une main de femme déposait un trousseau de clef sur le comptoir de l'auberge de la Tête de Sanglier. Aussi anodine soit-elle, cette séquence mémorielle venait d'apporter une réponse claire et précise à la question de savoir si l'auberge de la Tête de Sanglier comptait oui ou non un autre résident, lors de la soirée où Jacob Dalhiatus se volatilisa. En juxtaposant avec un autre souvenir flou de cette mystérieuse soirée dans lequel Abelforth conversait librement avec Jacob, la psychomage s'attacha à comparer deux éléments du décor: Celui de la disposition d'un vulgaire service en porcelaine et d'un trousseau de clefs déposé sur le comptoir de l'auberge. Que ce soit dans l'un ou l'autre des deux souvenirs, la tasse et la théière étaient disposées de la même manière; Il ne manquait que le trousseau de clefs que venait rajouter la mystérieuse inconnue...
Pour Meredith Kane, il ne faisait pas l'ombre d'un doute qu'une personne séjournait à l'auberge de la Tête de Sanglier la nuit de la disparition du numéro deux du Free, et que celle-ci ne s'était pas présentée lors du vaste appel à témoin lancé sur le territoire magique. Etrange et suspect, n'est-ce pas? La psychomage était persuadée qu'elle tenait la clef du mystère, mais il lui manquait encore la temporalité et surtout l'identité de cette personne. En effet, le souvenir recueillit dans le subconscient d'Abelforth ne se concentrait que sur le trousseau de clef rendu et non sur le visage de la suspecte. Pour une raison encore inconnue, cette dernière avait peut-être prit en filature le politicien. Etait-ce une terroriste? La Directrice de Skye comprit qu'elle ne démêlerait pas cette énigme à la seule lecture des souvenirs confus du prisonnier. Il lui fallait une aide extérieure. Elle appuya alors sur un petit mécanisme de son bureau, avant de parler dans une sorte de réceptacle en forme de corne dorée. De sa voix douce comme le miel, elle lança alors un message dans le porte-voix magique à l'intention d'un membre du personnel de Skye.
"
Monsieur Morgenstein est demandé de toute urgence au Niveau -4. Je répète. Monsieur Morgenstein est demandé de toute urgence au Niveau -4. " Meredith Kane marqua une courte pause dans son intervention avant d'ajouter un second message, qui résonna lui aussi dans les entrailles de l'Île de Skye. "
Message au personnel pénitentiaire du niveau -3 : Veuillez transférer immédiatement le détenu 447 en salle d'interrogatoire! Je répète : Message au personnel pénitentiaire du niveau -3 : Veuillez transférer immédiatement le détenu 447 en salle d'interrogatoire! "
Quittant son siège de bureau, la Directrice de Skye se dirigea vers un mur qui dissimulait lui aussi un étrange mécanisme d'ouverture. Meredith actionna un faux chandelier, et la paroi pivota pour délivrer un passage conduisant à un ascenseur magique. Même si elle préférait largement mieux rester dans ses quartiers plutôt que d'avoir à affronter le sinistre spectacle des détenus dans leur cellule; Il fallait parfois savoir se faire violence, surtout lorsque l'on était si proche de découvrir la vérité. Elle appuya alors sur le bouton -4, qui la conduisait directement vers la salle d'interrogatoire, que l'on désignait plutôt sous le petit nom de "Hurleuse de Vérité". Meredith arrangea une mèche de sa coiffure avant de s'engager dans le corridor obscur qui aboutissait devant la porte, derrière laquelle se retrouverait bientôt Abelforth Dumbledore. Un léger sourire étira ses lèvres quand elle découvrit le fameux Nathanaël Morgenstern déjà présent sur les lieux. A ses talents de légilimens s'ajoutait un grand sens de la ponctualité, ce qui n'était pas pour déplaire à la Directrice. Dans un esprit de franche convivialité, cette dernière le salua à la française, en déposant une bise sur chacune des joues de son employé. En tant que Directrice, Meredith n'était pas de ceux qui prenaient de haut ses employés, bien au contraire elle favorisait l'échange et le travail d'équipe.
"
Nathanaël, il faudra que vous m'expliquiez comme vous faites pour être toujours aussi rapide. Auriez-vous pressenti mon message avant même que je ne vous l'envoie? "
Après un dernier sourire discret, Meredith ne tarda pas à entrer rapidement dans le vif du sujet.
"
Trêve de plaisanterie, sachez que si je vous ai fait venir ici, c'est pour accomplir un prodige d'une importance capitale. J'aurai besoin de vos talents en légilimancie, et j'ose espérer que ceux-ci réussiront à contourner les défaillances de l'esprit d'un vieillard sénile. Derrière cette porte se trouve Abelforth Dumbledore, un témoin essentiel dans une affaire classée Top-Priorité par le Ministre lui-même. Il se pourrait que ce prisonnier détienne un indice clé dans la résolution de l'enquête sur la disparition de Jacob Dalhiatus. Vous sentez-vous en mesure d'affronter ce dossier brulant? "
Meredith Kane n'avait aucun doute de la réponse, tant elle portait en estime les qualités de son fidèle employé.