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At wit's end [Isobel & Roy]

Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
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At wit's end [Isobel & Roy] Icon_minitimeSam 20 Fév 2016 - 1:05
24 août 2009, à Oxford, appartement d’Isobel


« J’ai un gros service à te demander », une phrase que Roy ne disait pas pour la première fois à Isobel, qu’il ne dirait pas pour la dernière fois, et réciproquement. Comme d’habitude, Isobel n’avait pas posé de questions, se contentant de lui répondre quand elle était disponible pour qu’ils puissent en discuter. Pourtant, cette fois, Roy avait longtemps réfléchi avant de se tourner vers elle. Cette fois ce n’était pas pour lui qu’il venait lui demander un service mais pour quelqu’un d’autre, dans l’espoir qu’elle ne poserait pas trop de questions au sujet de son identité…

Il avait hésité aussi parce qu’il avait remarqué qu’Isobel n’était pas vraiment dans son assiette ces derniers temps, sans réussir à lui arracher plus que quelques vagues explications au mieux, le reste du temps un « T’inquiète, ça va, je gère ». Et pourtant, la fatigue et les cernes ne faisaient que se creuser chaque jour un peu plus, ce à quoi Roy avait imputé le travail monstre qui était demandé pour le projet Leopoldgrad, à quelques jours de son ouverture officielle. Il savait qu’Isobel travaillait d’arrache-pied pour ce projet, et s’imaginait sans mal qu’il s’agissait là d’un inédit dans sa carrière, propre à lui donner des insomnies. D’un autre côté, il se disait que si c’était vraiment seulement son travail, elle le lui aurait dit plus clairement.

Quoiqu’il en soit, Roy avait fini par se décider à demander de l’aide malgré tout, parce qu’il savait qu’il pouvait lui faire confiance, et qu’elle lui avait déjà rendu des services bien plus conséquents par le passé. Il n’était pas venu les mains vides pour l’occasion, un petit bourbon bien vieilli aiderait sûrement à lancer la conversations sur de bonnes bases. Lorsque la porte s’ouvrit sur Isobel, il ne put s’empêcher d’aviser son air pincé et ses traits tirés, et de commenter sur un ton de plaisanterie :

« Eh ben, j’ai ramené du bourbon en me disant que ça allait te requinquer, on dirait que j’ai bien fait. »

Ou pas, si c’était l’abus d’alcool qui mettait Isobel dans cet état… Bon, elle avait l’air à peu près clean, évalua Roy, en revanche, elle était vêtue d’un jean et d’un sweat-shirt étudiant, ce qui en disait bien plus long sur son état que s’il y avait eu des bouteilles d’alcool sur sa table basse : après tout, Isobel ivre, on avait souvent vu, Isobel qui tolérait les tenues approximatives, c’était nettement moins fréquent. Au milieu de son salon, Roy lança donc avec le même sourire destiné à détendre un peu la mine morose de son amie :

« On commente ton sweat shirt ou ça se passe comment ? Tapotant son épaule, il ajouta : Sérieusement, c’est même pas dimanche ! J’espère que t’es réactive, quand même, faut qu’on parle de trucs sérieux toi et moi. »


Roy Calder

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Isobel Lavespère
Isobel LavespèreChargée de communication
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At wit's end [Isobel & Roy] Icon_minitimeSam 20 Fév 2016 - 2:22
Cela n'allait plus. Cela faisait un moment que cela couvait, que Isobel sentait le sol se dérober sous ses pieds petit à petit et elle avait fini par glisser. La seule chose qu'elle arrivait à maintenir, c'était son travail en s'y jetant à corps éperdu. C'était bien la seule chose qui arrivait à la tirer de son lit et le matin et à la maintenir debout, à maintenir un semblant d'apparence lorsqu'elle mettait les pieds au boulot. Elle travaillait, encore, encore, sans cesse, jusqu'à ce que la nuit soit profondément tombée sur le Ministère. Elle voulait garder l'esprit occupé à tout prix, ne pas se détacher des dossiers sur lesquels elle s'abîmait les yeux, afin de ne pas penser. De ne pas laisser place à ce bourdonnement permanent dans sa tête, à cette angoisse qui lui étreignait la poitrine, aux images qui apparaissaient derrière ses pupilles. Isobel travaillait comme elle respirait : frénétiquement, en s'y accrochant comme à une bouée de sauvetage. Parce que dès qu'elle abandonnait, qu'elle s'abandonnait à la réflexion, tout lui revenait en plein visage et elle se sentait de nouveau submergée. C'était comme se noyer, encore et encore, sans cesse.

Sa conversation au Ministère avec Abel avait été l'apogée de six mois d'angoisse, de ruminations. L'apogée de seize ans de déni. Tout ce qu'elle avait mis de côté, enterré au plus profond de son esprit, tous ses démons, ses regrets, ses chagrins, ses peurs, tout était revenu au même moment et avait submergé les digues qu'elle avait pu construire, renversant tout sur leur passage. Elle avait passé des heures entières à pleurer, sans même pouvoir s'arrêter, se calmer, respirer. Lorsqu'elle finissait par abandonner le Ministère, elle restait allongée dans son lit pendant des heures, son chat blotti contre elle, les yeux fermés sans trouver le sommeil, la tête aussi endolorie par les larmes que par les pensées qui s'y agitaient. Elle ne savait même pas où elle trouvait le courage de se lever le matin, de faire à peu près bonne figure, elle avait même perdu le compte des jours et des heures. Elle faisait ça machinalement, comme une routine qui lui permettait de ne pas perdre complètement contact avec le monde réel qui semblait s'étirer de manière de plus en plus lointaine. Elle fuyait ses amis, tous les gens qui pouvaient la connaître un peu et sentir la fébrilité dans ses gestes, se contentant, encore et toujours, de son travail. Tout le reste semblait être un puits sans fond et Isobel n'y voyait, pour la première fois de toute sa vie, aucune solution.

La seule chose qui était venue bousculer un peu cela était quand Roy était venu la trouver, pour lui demander un service. Elle l'avait fixé un instant, presque perturbée par le fait que le monde continue sans elle, sans qu'elle ait l'impression d'y participer. Et puis elle avait pris sur elle, comme elle le faisait toujours, et avait acquiescé. Le fait qu'elle sache qu'il devait passer avait été la seule chose qui l'avait poussée à se lever de son lit en cette soirée, passant un peu d'eau fraiche sur son visage pour avoir meilleure mine, en vain. Blottie dans des vêtements confortables - en dehors du travail, elle n'avait plus le courage de faire des efforts - elle poussa un soupir quand des coups à la porte retentirent, glissant sa main sur la poignée pour faire place à son ami. Elle ne rebondit pas à sa remarque, se contenant d'ouvrir un peu plus grand la porte. Elle ne sortait plus et ne buvait donc plus, surtout pas du bourbon qui lui donnait désormais la nausée, sans parler de l'alcool triste qu'elle traînait depuis des mois. Isobel avait la hantise de finir comme sa mère et ouvrir une bouteille seule était une chose à laquelle elle s'était toujours refusé, même si c'était parfois tentant, pour essayer de trouver un peu le sommeil ou un peu d'apaisement. Refermant le battant derrière Roy, elle se tourna vers lui lorsqu'il pointa son vieux sweatshirt de l'université, confortable pull qu'elle n'avait jamais jeté.

- On commente l'arrêt de ta croissance ou ça se passe comment ? répliqua-t-elle immédiatement d'une voix un peu éraillée.

Il ne réalisait pas l'effort qu'elle devait faire ne serait-ce que pour lui faire face donc si elle pouvait se passer de ses considérations niveau mode... Abandonnant la porte, elle vint s'assoir sur son canapé, glissant ses jambes sous elle, une main chassant la mèche de cheveux qui était venu se glisser sur son visage.

- Parlons donc, alors. Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?


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Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
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At wit's end [Isobel & Roy] Icon_minitimeMar 23 Fév 2016 - 15:28
Dans d’autres circonstances, avec une Isobel moins mal en point, Roy aurait volontiers lancé une bataille de piques, si c’était ce qu’elle cherchait. Mais là, rien qu’à son ton, loin d’être moqueur ou taquin, il sentait qu’elle n’était pas dans son état normal. Haussant un sourcil, Roy lança en glissant son regard sur la jeune femme à la mine torve :

« Ok, j’ai réveillé l’ours mal léché, on dirait. »

Et pourtant, il avait déjà vue Isobel de mauvaise humeur, mais là, elle semblait avoir atteint des sommets. Quelque peu inquiet, il la suivit jusque dans son salon, prit place sur un fauteuil face à elle. Sans s’embarrasser des politesses habituelles, Isobel le pressa d’en venir au fait, signe qu’elle n’avait pas vraiment envie de discuter. Elle n’avait même pas esquissé un geste pour servir le bourbon qu’il avait apporté, signe qu’elle n’avait pas envie de boire : ce qui était hautement inquiétant, venant d’elle.

Cessant ses analyses silencieuses, toutefois, Roy décida de faire pour le moment ce qu’elle attendait, comme si de rien n’était : il aurait tout le loisir de la cuisiner au fur et à mesure de la conversation. Et cela ramena ses pensées vers ce qui l’avait amené ici à l’origine.

« J’ai quelque chose d’assez… important à te demander. Je sais que t’as plein de boulot en ce moment, mais c’est plutôt urgent et il n’y a qu’à toi que je peux demander ça. »

Et il pesait ses mots, pour une fois. Roy ne demandait pas de gros services à Isobel tous les jours, le dernier en date remontait à bien une année… Entre temps, c’était plutôt lui qui avait été là pour elle, à la soutenir vis à vis de sa famille qui débarquait en Angleterre, à lui rendre des services aussi : faire tabasser un Abel Laveau, retrouver la trace d’une Sophie Lavespère…  Ils s’étaient toujours rendus disponibles l’un pour l’autre, sans compter, en sachant que tout s’équivalait à un moment ou à un autre. Aujourd’hui, c’était Roy qui avait de nouveau besoin d’Isobel.

Pourtant, il comprendrait qu’elle refuse, surtout maintenant qu’il voyait dans quel état elle se trouvait. Elle n’avait peut-être ni le temps ni l’énergie de se consacrer à satisfaire ses lubies, surtout qu’il s’agissait de quelque chose à garder secret et qui pourrait possiblement lui attirer des ennuis. C’était d’ailleurs pour minimiser les risques qu’il ne comptait pas lui révéler tous les tenants et aboutissants de l’histoire : parfois, il valait mieux ne pas trop en savoir, en l’occurrence, l’identité des deux personnes que Roy cherchait à aider, par exemple. Sans attendre davantage, il dévoila sa demande, vrillant son regard dans celui d’Isobel :

« J’ai besoin de deux objets magiques qui permettent de changer d’apparence. Pas comme le Polynectar, il faudrait quelque chose qui dure plus longtemps, qui n’a pas besoin d’être renouvelé à chaque fois et qui ne nécessite pas de prendre des cheveux ou n’importe quoi d’autre à quelqu’un d’extérieur. Pas comme les objets de métamorphose traditionnels non plus, c’est pas assez fiable, trop facilement détectable… En fait, dans l’idéal, il faudrait quelque chose que notre magie ne connaît pas et ne peut pas déceler, c’est pour ça que j’ai pensé à toi. Tu crois que tu pourrais fabriquer quelque chose comme ça ? »


Roy Calder

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Isobel Lavespère
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At wit's end [Isobel & Roy] Icon_minitimeLun 7 Mar 2016 - 0:48
Isobel répondit par un simple mais évocateur regard noir à la remarque de Roy. Effectivement, elle n'était pas vraiment d'humeur à la plaisanterie et n'avait pas envie de se forcer. Il était presque chanceux qu'elle accepte de le voir, c'était bien le seul à avoir ce privilège : elle s'était entièrement refermée sur elle-même et la joindre relevait du miracle, en dehors du boulot. Elle avait ignoré le dernier hibou de Jessica, n'avait pas répondu à l'appel de Cheminette de Jack et ne comptait rappeler aucun des deux. Elle avait juste besoin d'être seule, pas pour trouver un peu de paix, mais pour gérer le cauchemar. Le seul à qui elle avait parlé en dehors du travail avait été Abel et encore, si elle avait pu éviter cette discussion purement logistique, elle l'aurait fait. Elle commençait sérieusement à se demander - enfin, elle se le demandait depuis le début mais bon - ce qui l'avait poussée à accepter une telle proposition. Elle perdait vraiment la tête, il y avait de moins en moins de doutes sur cet état de faits.

Mais elle s'attarderait sur sa santé mentale plus tard, songea-t-elle en se calant dans son canapé pour écouter Roy. Elle était tellement concentrée sur elle-même ces derniers mois qu'elle ne savait même où lui en était rendu dans sa vie, ce qui lui donna un vague sentiment de culpabilité. Il avait, lui, été très présent pour elle cette année et elle n'avait pas vraiment été la plus agréable des amies, bien au contraire. Cette soirée en était encore la preuve et elle eut brusquement envie d'aller s'enterrer sous sa couette pour en ressortir dans environ mille ans. Elle fut presque soulagée qu'il lui annonce qu'il avait quelque chose à demander : c'était l'occasion de se rattraper un peu pour ces semaines de distance. Pour autant, elle aurait dû se méfier un peu : la dernière fois qu'il lui avait demandé un service important, Bill Griggs était mort. Elle n'était clairement pas en état de prendre de nouveau la vie de quelqu'un, du moins, par la magie. Dans les faits, elle n'était sûrement pas apte à rendre un service à qui que ce soit : comme le faisait remarquer Roy, elle était surchargée de travail avec Leopoldgrad - et cela l'arrangeait car c'était la seule chose qui allait bien dans sa vie et la distrayait - et en plus, elle n'était pas très en forme.

Cela, c'était dans les faits. Mais elle avait été tellement absente ces derniers temps et Roy avait été tellement là pour elle qu'elle se voyait mal fermer la porte à l'ami qui l'avait soutenue à ce point. Surtout si, comme il le disait, elle était la seule à qui il pouvait demander. Et puis peut-être que ce n'était pas magique, si ce n'était pas le cas, cela serait bien plus facile à réaliser. Après tout, elle avait des contacts partout au Ministère et même dans le monde, d'ailleurs. Son mince espoir disparut bien vite lorsque Roy annonça qu'il lui fallait deux objets magiques. C'était tout de suite un peu plus problématique, elle qui n'y touchait plus depuis deux semaines environ, de peur de déclencher... Elle ne savait pas trop quoi. De faire un sort qui serait la goutte d'eau de trop ? Elle sentait sa magie lui brûler les veines parfois, lui étreindre le cœur, lui vriller le crâne et elle s'en méfiait comme d'un feu trop ardent. Lorsqu'il lui exposa sa demande, pourtant, elle ne refusa pas tout de suite comme elle aurait dû le faire. Au contraire, elle hocha doucement la tête tandis que les détails venaient sur le tapis.

Au fil des paroles de Roy, Isobel voyait son enchantement se dessiner dans son esprit. Elle avait toujours été douée dès qu'il s'agitait d'innover et les sorcières étaient d'ailleurs poussées à cela. Contrairement à la magie occidentale, la magie vaudou était loin d'être normée, chaque sorcière faisait un peu à sa manière, chaque famille avait ses secrets, ses façons de faire. Cela donnait une magie variée, vivante, toujours en progrès puisque les sorcières passaient leur temps à créer pour se surpasser, adapter, faire encore mieux. La recherche n'était pas concentrée dans les mains de certains, comme ici, au contraire : chacune devait apporter une nouvelle pierre pour les générations à venir. Des objets magiques qui permettaient de changer d'apparence, cela avait déjà été fait, dans le vaudou. Mais il faudrait que cela échappent aux sorts d'ici, que cela dure plus longtemps que les quelques jours que proposait le vaudou et surtout, qui invente sa propre apparence. Quelque chose comme un bijou que l'on pouvait porter, un bijou qui laissait émaner l'enchantement sur le corps, sans qu'on puisse le distinguer. Elle voyait déjà comment lier le sort, quelles pierres choisir, quels ingrédients magiques glisser en leur sein. Il fallait qu'elle trouve comment le faire durer et comment inventer une apparence... Rien qui ne lui semble en soin insurmontable : avec la magie, elle finissait toujours par trouver, surtout avec le grimoire puissant qu'elle avait volé en quittant la Nouvelle-Orléans.

Pour autant, cela nécessitait du travail, du travail magique et la raison l'appelait à ne pas s'y risquer. Cela allait prendre beaucoup de sorts, pour qu'elle puisse expérimenter et sûrement une puissance considérable qu'elle craignait un peu de mobiliser. Elle n'avait pas peur de ne pas y arriver mais... Une fois convoquée, qu'est-ce que cela ferait sur elle ? Elle savait bien que les choses étaient délicates en ce moment et ce n'était clairement pas une bonne idée. Elle garda le silence, baissant les yeux sur ses genoux l'espace d'un instant, l'esprit agité. Non, elle ne devrait pas le faire. Pas maintenant, peut-être après... Mais c'était urgent, apparemment, et pouvait-elle vraiment le refuser à Roy ? Elle se sentait redevable envers lui et même si cela n'avait pas été le cas, il était son ami et c'était important pour elle. Elle avait arrêté la magie ces deux dernières semaines, peut-être que ce sursis lui suffirait à nouer cet enchantement là, si elle y allait précautionneusement. Et peut-être qu'elle était trop paranoïaque, qu'elle avait trop écouté les contes au sujet de Marie Laveau. Ou qu'elle avait trop écouté un autre Laveau... Quand même bien cela serait vrai, qu'est-ce que cela changerait, qu'elle lance ce sort-là ou bien un autre ? Elle n'allait pas arrêter la magie pour sa vie entière, non ? Si cela devait la tuer, cela finirait par arriver et personne ne pouvait rien contre cela, elle ne croyait pas en la solution d'Abel. Alors autant que cela la tue pour une bonne raison. Elle était fatiguée de tout cela, de toute cette histoire, d'être aux aguets de sa propre magie. Elle ne réfléchissait pas autant d'habitude, elle agissait. Ces derniers mois avait fait d'elle quelqu'un de bien trop vulnérable et elle détestait cela : elle voulait retrouver un peu de témérité. Alors elle tut la raison dans son esprit et se contenta de relever les yeux vers Roy.

- Je peux le faire, oui. Un bijou, je pense, si ça te va. Une bague, je peux y fondre le sortilège, une fois portée, la personne sera sous le coup de l'enchantement, il lui faudra la retirer pour le faire cesser. A moins que l'on procède à des examens approfondis sur le bijou, cela ne sera sûrement pas détectable, les Aurors d'ici ne sont pas assez au fait du vaudou. C'est trop lointain, marginal, pour eux.

Et cela l'arrangeait bien, pour la peine. Cela permettait à ses sorts de passer inaperçus, comme pour celui qui avait tué Bill Griggs. Elle se leva, faisant signe à Roy de la suivre, traversant son salon et la pièce adjacente, uniquement séparée par une arche, avant de se diriger vers le mur contre lequel reposait son lit. Tout à gauche, près de la fenêtre, il y avait la porte qui menait à la salle de bains et à droite, devant elle, la porte d'un placard plutôt grand. Elle l'ouvrit et fit quelques pas à l'intérieur, les étagères et porte-vêtements débordant de chemisiers, de robes de soirées, de jupes, de chaussures et tous les autres vêtements qui peinaient à trouver une place. Sur l'une des étagères, à hauteur de son buste, était posé un miroir et plusieurs boites à bijoux. Son dressing, Roy le connaissait. Ce qu'il cachait, moins. Décalant le miroir, Isobel dévoila un mur nu sur lequel elle passa l'index. Rien ne se produisit pendant quelques secondes jusqu'à le plâtre blanc disparaisse peu à peu, laissant apparaître un trou de la taille du miroir. Sans se retourner vers Roy, elle lança, alors qu'elle plongeait la main dans l'ouverture :

- Je suis sûre que tu croyais qu'il n'y avait que des fringues, là-dedans...

Elle n'était pas bête au point de cacher des ingrédients de magie noire au milieu de sa cuisine alors elle avait installé cette cachette il y a quelques années, protégée par un sort vaudou comme sa famille les affectionnait bien : elle ne s'ouvrait que sous sa main et celles qu'elle autorisait. On y trouvait son grimoire, tous les ingrédients qu'elle pouvait posséder, une boite qui contenait ses objets précieux, comme la médaille de baptême de sa grand-mère, une autre qui contenait toutes les affaires qu'elle avait emmené avec elle de la Nouvelle-Orléans - pas grand-chose en somme mais elle y tenait - et une dernière, en bois sombre, fermée par un petit cadenas, qui contenait une cinquantaine de lettres. Toutes de la même personne. Sans s'y attarder, Isobel referma à tâtons ses doigts sur un petit sachet qui laissa échapper un petit son métallique. Elle l'extirpa de là, passa de nouveau ses doigts sur le mur pour le refermer et se tourna vers Roy, saisissant sa main pour lui mettre la paume vers le haut. Sans un mot, elle renversa le petit sachet en velours, dévoilant sur la peau de son ami trois petites bagues ouvragées et une chaîne en argent.

- Des trucs comme ça, ça irait ? Ils sont déjà formés pour y accueillir des sorts, ça sera plus facile à manipuler.


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Roy Calder
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At wit's end [Isobel & Roy] Icon_minitimeMar 19 Avr 2016 - 21:50
Roy gardait le regard posé sur Isobel, tentant de deviner ce qui lui agitait l’esprit. Il la sentait un peu fébrile, légèrement différente, sans qu’il ne puisse dire quoi exactement, était-ce la fatigue ou l’anxiété qui tirait ses traits ? Sa demande la faisait réfléchir, visiblement, ce que Roy respecta en attendant sa réponse, sans la pousser. Ce n’était pas un mince service qu’il lui demandait. Il le faisait parce qu’il savait qu’il pouvait le faire, ils avaient déjà fait encore plus dangereux et délicat l’un pour l’autre, mais Isobel pouvait tout à fait refuser. Il pouvait toujours chercher une façon de se débrouiller autrement…

Pourtant, au fond de lui, il ne doutait pas qu’elle allait accepter, car il connaissait son tempérament : loyale envers et contre tout pour les quelques personnes qu’elle considérait réellement comme des amis, et Roy savait qu’il en faisait partie. Il lui offrit un sourire à la fois reconnaissant d’accepter sa demande et de ne pas lui poser de question. Hochant la tête à ses propositions, il rebondit :

« Oui c’est ce que je me suis dit, comme c’est une magie mal connue ici, y a plus de chances que ça échappe aux contrôles que les entourloupes classiques. Un bijou comme réceptacle, ça serait parfait, c’est facile à porter sur soi, ça attire pas l’attention… »

Sans broncher, il suivit son amie jusque sa chambre, s’attendant à ce qu’elle lui montre peut-être un objet proche de ce qu’il demandait. Sous son regard intrigué, Isobel se mit à déplacer un miroir dans son armoire, qui n’avait jamais particulièrement attiré l’attention de Roy jusque là. Pour lui, ce dressing contenait tout un tas de trucs de filles qui n’avaient rien d’extraordinaire -à part leur gamme et leur prix, dans le cas précis d’Isobel- et c’était certainement pour cette raison qu’elle avait décidé d’y cacher des choses… Les yeux curieux de Roy ne ratèrent aucun détail de la façon dont elle révéla un trou lié par un enchantement qui reconnaissait son empreinte, visiblement. Le commentaire d’Isobel le tira de son observation silencieuse, pour lui arracher un sourire moqueur.

« Et tu m’as caché ça toutes ces années ! Je vois, je vois, c’est pour ça que tu mets des fringues hors de prix ici, c’est pour détourner l’attention du vrai trésor qui se cache derrière. »

Il plaisantait évidemment, il connaissait la vraie raison de cette collection de vêtements élégants : elle était juste accro à son image impeccable. Roy ne connaissait pas l’existence de cette cachette jusqu’ici, mais il faisait partie des rares personnes à pouvoir deviner ce qu’elle contenait, pour la simple et bonne raison qu’il était son fournisseur. Il ne fut donc pas vraiment surpris d’entrevoir des échantillons, des sachets de poudres et des fioles qu’il reconnaissait bien. Son oeil eut le temps d’attraper quelques autres détails, sur lequel il n’eut pas vraiment l’occasion de s’interroger, car Isobel ne tarda pas à refermer le mur secret, et à lui donner de quoi revenir au centre de leur discussion. Roy examina les bagues une à une, puis déroula la jolie chaîne en argent sous son regard attentif.

« Si tu penses que ça fera l’affaire… Moi ça me va très bien, finit t-il par déclarer. La chaîne et une des bagues… Celle-là, décida t-il, en désignant celle qui était sertie d’une émeraude. Il observa encore quelques secondes les objets sur sa paume, avant de les rendre à sa propriétaire d’un geste précautionneux. Son regard se planta dans le sien, alors qu’il ajoutait, un sentiment d’allègement lisible dans ses prunelles : « Tu déchires Isy, merci, tu m’ôtes vraiment une épine du pied, là. Tu penses que tu peux faire ça en combien de temps, à peu près ? Y a des trucs en particulier que je dois te ramener ? »

Il se souvenait des ingrédients quelque peu morbides qu’il avait dû récolter un an plus tôt, pour mettre au point la mort de Bill Griggs. Il osait espérer qu’un sortilège de métamorphose vaudou ne demandait pas tant de substances suspectes qu’une malédiction mortelle, mais bon, s’il n’y avait pas le choix… Joel et Juliana seraient de toute façon forcément coopératifs, c’était leur seule solution. Songeant aux deux personnes pour qui il demandait ce service, il se rappela d’une autre question qu’il avait à ce sujet, et laissa s’écouler une seconde, le temps de la formuler correctement sans trop en dire :

« L’idéal ça serait que les deux objets permettent de se transformer en deux femmes, mais… Enfin, l’une des personnes qui en aura besoin est un homme à la base. Ca posera pas de souci ? »


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Isobel Lavespère
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At wit's end [Isobel & Roy] Icon_minitimeLun 2 Mai 2016 - 23:51
Si elle avait été d'humeur plus bavarde, Isobel aurait pu renchérir sur à quel point les Occidentaux étaient coincés en matière de magie. Tout leur venait des latins, que ce soit ici en Angleterre ou dans la partie ouest de l'Europe, jusqu'aux États-Unis ! Les normes avaient commencé à être fixées par les grecs - qui se nourrissaient pourtant un peu à l'Orient, chez les Perses notamment - mais les sorciers romains avaient tout codifié, rigidifié, de l'usage de la baguette magique à la formule des sortilèges. Cette vision de la magie avait commencé à écraser les autres, les peuples avaient dû se battre s'ils voulaient conserver leurs usages et encore maintenant, ils étaient marginaux. On pratiquait la même magie en Angleterre, en France, en Allemagne ! Quel était l'intérêt ? Sa propre magie était pointée du doigt, considérée comme inutile ou noire, au choix. Elle ne pouvait néanmoins pas oublier que son peuple avait su faire d'une discrimination une force : la culture du secret, leurs sorts - et contre-sorts - réservés aux initiés étaient ce qui leur permettait de garder une puissance effective dans un monde rempli de baguettes magiques. Mais elle n'avait pas très envie de parler alors elle se tut, se contentant de proposer les réceptacles de magie à Roy, qui s'empressa de les observer.

- Ça fera très bien l'affaire, répondit Isobel. On fait beaucoup dans les bijoux, chez nous.

Il était bien plus facile de canaliser la magie vaudou dans quelque chose de tangible que de la faire tenir dans les airs, puisqu'elle n'était pas canalisée dans une baguette. L'objet l'ancrait dans la réalité et pouvait lui permettre de durer parfois des années. Ils étaient célèbres pour leurs poupées, leurs talismans, leurs grigris, leurs amulettes et ce n'étaient pas des mythes. Chaque famille possédait tout un éventail d'objets divers, souvent anodins, mais contenant de la magie. Miroirs, bijoux, coffrets... Elle avait par exemple hérité de la médaille de baptême de sa grand-mère, qui irradiait de magie, sans que Isy ne puisse trouver le sort caché dedans. Il n'était pas rare que les jeunes filles reçoivent des médaillons contenant des sorts de protection, elle-même avait reçu celui de sa mère il y a vingt-cinq ans maintenant et il était aussi beau qu'au premier jour malgré les années, malgré tout ce temps tout contre sa peau, au creux de sa poitrine. Elle l'avait arraché néanmoins après avoir revu Sophie et il était caché dans sa table de nuit. Elle aurait sûrement dû continuer à le porter mais elle n'arrivait pas à s'y résoudre. Elle hocha la tête devant les bijoux choisis par Roy, les mémorisa, et les rangea de nouveau dans la boite, pour ne pas les perdre. Elle referma le passage derrière elle et fit glisser le miroir pour le dissimuler à nouveau, comme si de rien n'était.

- De rien, murmura-t-elle simplement sans le regarder lorsqu'il la remercia largement.

En réalité, cela lui coûtait quelque chose mais elle n'avait pas envie de s'appesantir dessus et ce n'était même pas la faute de Roy. S'il lui demandait cela, c'était qu'il avait une bonne raison et elle lui faisait confiance, même sans demander les détails. Il ne serait pas venu vers elle si cela n'avait pas été le cas. D'ailleurs, même s'il l'avait fait, elle lui aurait quand même rendu ce service. Isobel avait tendance à être loyale et plutôt dévouée aux rares gens qui arrivaient vraiment à l'atteindre. Glissant une mèche de ses cheveux derrière son oreille, elle réfléchit quelques instants lorsque son meilleur ami lui demanda de quoi elle aurait besoin pour l'enchantement et surtout, combien de temps cela lui prendrait. Elle caressa un instant l'idée de regarder son grimoire devant lui mais se retint, peu désireuse de montrer un objet si précieux à un profane, aussi proche d'elle soit-il.

- Je ne sais pas encore, répondit-elle honnêtement. Du sang des deux personnes qui porteront le bijoux, j'en suis certaine. Au premier abord, je te dirais déjà du sang de licorne pour figer le sort, mais je choisirai peut-être autre chose... Il n'existe pas d'enchantement tout fait pour ce que tu veux, ou dans ma magie en général d'ailleurs, c'est du sur-mesure. Je vais avoir besoin de travailler dessus et d'essayer des trucs. Ça prendra un peu de temps mais j'essayerai de le faire avant que je...

Que je parte, avait-elle failli dire, mais c'était quelque chose qu'elle voulait garder pour elle pour le moment. Elle avait accepté de rentrer à la Nouvelle-Orléans avec Abel mais n'en n'avait encore parlé à personne et ne savait même pas si elle aurait le courage de le faire ou fuirait avant.

- Je vais essayer de faire ça au plus vite, je te tiendrais au courant. Par contre, je dois faire des tests donc...

Elle se tourna de nouveau vers son miroir, le repoussant de nouveau et rouvrant la trappe d'un geste de l'index. Sur le devant, elle trouva au toucher deux dagues, l'une ornée, au manche travaillé, gravé de vévés vaudous et de quelques pierres précieuses et une autre, plus brute, avec un manche en os mais qui était également gravé d'un vévé et d'un L travaillé. Elle prit celle au manche d'os, deux grandes fioles de verre et les tendit à Roy.

- Ramène-moi donc du sang. Coupé avec la dague. La paume, la gorge, ce que tu veux, mais il faut qu'il soit de bonne qualité. Tu coupes, tu attends une seconde, tu récoltes. Ça pique un peu mais on s'en remet.

Elle le faisait elle-même régulièrement mais avait un onguent pour éviter de se balader la peau tranchée au travail.

- Et c'est ma dague. Tu me la perds ou me l'abîme, je te l'enfonce dans le cœur à distance. Compris ?  

Les dagues vaudous ne se trouvaient qu'à la Nouvelle-Orléans et devaient subir tout un rituel magique compliqué, maîtrisé uniquement par les prêtresses et impossible à reproduire. La dague la plus travaillée était la dague de ses seize ans, qu'elle utilisait pour les sortilèges finaux et l'autre était sa dague d'exercice, moins puissante, quand elle avait commencé à apprendre la magie.

- Cela ne sera pas un souci, répondit-elle. Le plus difficile sera de faire tenir le sort au long terme...

Elle ferait des recherches sur le sujet. Refermant le mur une bonne fois pour toute, elle se tourna vers Roy, un air sérieux sur le visage.

- Mais ce genre d'objets n'est pas anodin, Roy, je t'en avais déjà parlé mais je te le répète. La magie vaudou a un prix, qui s'appelle le karma ou plus précisément la loi du triple retour. Ce que tu fais, on te le fera en triple, peu importe l'apparence sous laquelle tu te trouves, les personnes qui porteront ce collier ne devront pas l'oublier - parce qu'elle se doutait bien que cet artefact ne serait pas pour une soirée déguisée - et surtout, elles devront accepter de subir les conséquences de porter une telle magie sur elles. C'est puissant le vaudou, surtout convoqué par des sorcières puissantes et honnêtement, j'en suis. Cauchemars, visions, spasmes, crises de colères, attaques d'esprits... Les effets secondaires peuvent être multiples et je ne peux rien faire contre. C'est un risque à prendre et le jeu doit en valoir la chandelle.

Elle même payait le triple retour... Mais encore une fois, ne voulait pas s'appesantir sur le sujet.

- Je ne sais pas ce que tu feras avec ça mais écoute-moi bien : je suis ton amie, je suis là pour t'aider. Mais t'aider toi. Si ces choses me compromettent trop à un moment, je m'en dédouanerai, je les ferai disparaître, désolée pour tes amis. Assure-toi donc que les risques que tu prends sont maîtrisés et surtout, garde à l'esprit que... Je ne serai peut-être pas toujours là pour rattraper tes bavures. On est d'accord ? ajouta-t-elle d'une voix plus douce, pour contrer la brusquerie de ses mots.

Et elle pourrait bien disparaître plus vite que prévu...


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At wit's end [Isobel & Roy] Icon_minitimeVen 13 Mai 2016 - 18:13
Prenant note mentalement de ce que lui commandait Isobel, Roy ne put s’empêcher de se faire la réflexion que décidément, le vaudou aimait le sang… Il avait du en récolter auprès de Bill Griggs, blessé à sa jambe, l’année passée, ce qui s’était résumé à voler l'un de ses bandages : une grande partie de plaisir. Enfin, cette fois-ci, les deux victimes étaient prévenues et consentantes, Roy allait juste devoir les tenir au courant de cette modalité. Il s’imagina qu’il suffirait qu’ils lui fournissent de leur sang dans un tube, mais c’était sans compter sur l’imagination florissante des sorcières de la Nouvelle-Orléans… Une dague sacrificielle, rien que ça. Les yeux rivés sur les détails fort engageants de l’objet, type manche en os et symboles mystérieux, Roy ne put s’empêcher de faire un peu d’humour, c’était toujours mieux que de déglutir face à la morbidité de la chose :

« Je dois réciter une incantation en les égorgeant dans leur salle de bains, du coup, ou comment ça se passe ? »

Mais elle ne lui laissa guère l’occasion de faire davantage le malin, et proféra l’une de ses menaces dont elle avait le secret. Levant les mains en signe d’innocence, Roy se dédouana :

« Promis, je la revends pas au marché noir, elle va te revenir neuve ! » Saisissant avec précaution les objets, il les rangea dans le revers de sa veste. « Je te ramènerai ce qu’il te faut demain ou après-demain au plus tard, alors, comme ça tu pourras faire tes essais. »

Plus vite cette affaire serait conclue, plus vite Juliana et Joel pourraient se saisir de leur nouvelle identité et mettre en marche leurs nouveaux plans. Chaque jour qui passait était un jour de plus laissé à la Milice pour les retrouver, c’est pourquoi ils devaient faire en sorte de se créer rapidement une situation plus confortable. D’ailleurs, c’était bien parce qu’ils étaient déterminés et prêts à tout que Roy avait songé à leur proposer cette solution de recourir à la magie vaudou, qu’il savait porteuse de risques, comme Isobel se chargea de le lui rappeler. Son regard ancré dans celui de la sorcière, il répondit d’une voix grave :

« Oui, je sais… Je me souviens, corrigea t-il. Lui-même avait expérimenté les répercussions de la malédiction mortelle qu’il avait lancée sur Griggs. Ses nuits s’étaient retrouvées agitées de cauchemars, il s’était souvent senti en proie à la colère, au ressentiment, à l'orgueil, il s’était senti sombrer, littéralement… Sans rien faire pour aller à l’encontre, bien au contraire. Cette noirceur, ce sentiment de puissance, voire de malfaisance, c’était ce qui lui avait permis de gravir les échelons en très peu de temps. Il avait accepté les règles de jeu, en connaissance de cause, tout comme il savait que les deux résistants seraient prêts à le faire pour atteindre leurs objectifs. Je les ai déjà prévenus, et… Disons qu’ils n’ont pas grand-chose à perdre. »

Cela dit, s’il ne doutait pas de leur détermination, lui-même n’était pas certain d’en accepter les conséquences pour Juliana, particulièrement. L’idée que ce sortilège pourrait éveiller ce qu’elle avait enfoui de pire, qu’elle pourrait se retrouver en proie avec ses démons, ses cauchemars, ses craintes, n’enchantait guère Roy, qui aurait préféré pouvoir lui offrir une solution plus douce. Qu’Isobel rappelle tous ces effets secondaires le faisait vaciller et lui donnait envie de faire un pas de côté… Mais ce n’était pas à lui de prendre cette décision. Il devait faire confiance à Juliana pour réussir à surmonter ces effets. Elle était forte, il le savait. Mais il ne pouvait s’empêcher d’avoir l’impression de lui faire un cadeau empoisonné, avec cette bague magique qui lui permettrait de changer d’identité… Prenant une brève inspiration pour effacer ses inquiétudes, il se rappela qu’il avait réussi à encaisser une magie qui avait fait pire en tuant un homme, Juliana saurait en faire autant. Au pire, il serait toujours là pour veiller sur elle et surveiller qu’elle ne se laisse pas emporter.

Les paroles suivantes d’Isobel, pas moins alarmistes, le tirèrent de ses réflexions. Cette fois-ci, Roy fronça les sourcils, non pas à cause de ce qu’elle lui disait, mais plutôt à cause du timing et de l’attitude de la jeune femme. C’était la première fois qu’Isobel lui parlait de telles choses. Ce n’était pas tant le contenu qui surprenait Roy, ils savaient l’un comme l’autre que les services qu’ils se rendaient comportaient des risques, et avaient leurs limites. Mais ils ne l’avaient jamais formalisé verbalement, de cette façon. Ils avaient une façon de fonctionner et une compréhension mutuelle de leurs personnalités, qui ne rendait pas forcément utile ce genre d’avertissement. Et pourtant Isobel avait senti que c’était le moment de le mentionner. Comme si elle était peut-être déjà en difficulté, ne put s’empêcher de songer Roy, qui la sondait silencieusement du regard. « Je ne serai peut être pas toujours là pour rattraper tes bavures »… Et si elle n’était déjà plus là ? Perplexe, Roy répondit lentement, surveillant les réactions de son amie :

« Je sais… C’est pour ça que je ne te donne pas les détails, si tu n’en sais pas trop, tu cours moins de risques. Et si jamais ça te met en porte-à-faux un jour, je pourrai récupérer toutes les conséquences à mon compte. De toute façon, je te préviendrai si y a un souci. Je ne te laisserai pas rattraper mes bavures si ça te met en danger, tu le sais, hein ? »

Il cherchait à savoir ce qui rendait Isobel si précautionneuse et alarmiste tout à coup. Lorsqu’elle avait lancé ce sortilège de mort à Griggs, elle ne lui avait pas servi tout ce discours, elle ne l’avait pas tant prévenu des risques, comme si elle estimait qu’elle pouvait les gérer. Elle était de toute évidence bien plus confiante à l’époque. Il y avait quelque chose qui clochait. Et si ces avertissements traduisaient en réalité une peur qui était la sienne ? Avait t-elle moins confiance en sa propre magie ? En découvrait t-elle de nouveaux aspects ? Il ne pouvait s’empêcher de relier ses paroles à l’attitude trouble qu’il avait senti chez elle, et qui lui paraissait un peu plus clair à la lumière de ce qu’elle laissait échapper, maintenant. Il avait noté tout à l’heure son hésitation, quand il lui demandait de combien de temps elle aurait besoin pour réaliser les artefacts. Il avait la sensation qu’Isobel n’était pas bien certaine de son avenir : maintenant qu’elle lui disait qu’elle ne serait « peut-être pas toujours là », c’était de plus en plus évident.

Une certaine inquiétude se lisait désormais dans les prunelles de Roy, qui se décida à poser la question, une certaine précaution dans le ton :

« Tu as des problèmes en ce moment, Isy ? Est-ce que ça a un rapport avec tout ce que tu me dis, comme… Les effets secondaires de ta magie ? »


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At wit's end [Isobel & Roy] Icon_minitimeMar 31 Mai 2016 - 20:51
Isobel comprit très vite qu'elle avait intrigué Roy avec ses paroles et, dans un réflexe, se referma un peu plus, croisant ses bras sur sa poitrine. Elle le voyait bien surveiller ses réactions comme pour en distinguer les aboutissants et cela lui donnait la désagréable sensation d'être analysée. Elle était particulièrement à fleur de peau et toutes ses réactions étaient exacerbées, comme la magie savait si bien le faire. Elle n'avait aucune raison de se méfier de Roy et pourtant, instinctivement, Isy le faisait. Elle n'avait jamais été très prompte à donner sa confiance mais il était son meilleur ami, il l'avait entièrement, elle n'aurait pas dû hésiter. Mais ces derniers temps, elle retombait dans ses vieux travers et taisait tout ce qui pouvait lui passer par la tête ou ses actions à venir. Elle aurait dû le prévenir de son départ, elle en avait bien conscience, ne serait-ce que pour une question pratique. Mais comme il y a seize ans, elle le gardait pour elle, parce qu'elle n'avait pas envie qu'il le sache, qu'il fasse quelque chose ou même qu'il lui en parle. C'était également plus facile ainsi.

Lorsqu'il l'assura qu'il ne laisserait pas les choses lui retomber dessus, elle hocha la tête. Elle le savait déjà mais le réentendre lui faisait du bien : elle n'avait pas envie de gérer en plus des soucis avec la Justice. Et encore, la Justice... Si on venait à se rendre compte qu'elle faisait de la magie noire, ce n'était pas le Mangenmagot qu'elle devrait craindre. Elle était assez bien placée dans les cercles de connaissances des actions du pouvoir pour savoir que Skye n'était pas une balade de santé et qu'une sorcière vaudou – espèce rare en Europe – était sûrement un très bon objet d'étude pour découvrir de nouvelles choses sur la magie. Ce n'était pas vraiment son plan de carrière, aussi préférait-elle qu'on ne découvre jamais ce qu'elle faisait de son temps libre : il suffisait de voir la grimace de Roy devant sa dague pour comprendre que les gens d'ici n'étaient pas faits pour cette magie.

- Je sais, répondit-elle à voix basse lorsqu'il lui assura qu'il ne la laisserait pas rattraper ses bavures.

En temps normal, elle aurait pu ajouter une plaisanterie pour détendre cette atmosphère pesante, quelque chose du genre « Tu aurais trop peur de ce que je te ferai si je te rattrapai de toute manière » mais elle se tut, détournant les yeux quelques secondes. Elle sentit l'aura de Roy changer peu à peu et de suspicion – elle était particulièrement sensible aux énergies ces dernières semaines – passer à de l'inquiétude. Lorsqu'elle redressa la tête vers lui, elle lut dans son regard ce qu'elle avait senti auparavant : il n'allait pas se contenter de partir après cela. Sa question fut précautionneuse et pourtant, Isobel se braqua légèrement, fronçant les sourcils. Ce n'était que de l'inquiétude, de l'inquiétude amicale, comme elle aurait pu en avoir pour lui mais de manière irrationnelle, elle se sentait agressée par cette question. Elle lutta de toutes ses forces pour ne pas répondre de manière agressive, gardant le silence quelques instants avant de sortir de la pièce étroite. Elle n'avait aucune raison d'être ainsi sur la défensive mais c'était plus fort qu'elle, elle avait l'impression qu'elle devait se méfier du monde entier. C'était sûrement la magie qui jouait dans cette brusque paranoïa, alors que Roy connaissait plus d'elle que le reste du monde, mais c'était difficile à contrôler. Elle regagna son salon d'un pas rapide, ne s'arrêtant que lorsque son chat se glissa entre ses chevilles, miaulant pour attirer son attention. Soupirant, elle se pencha pour l'attraper, le calant dans ses bras et se retournant vers Roy qui l'avait suivie. Elle garda le silence quelques instants supplémentaires, sa main grattant le ventre de Sorbier, avant de hausser les épaules.

- Ça va, répondit-elle sur un ton étonnamment calme quand on connaissait son réflexe premier qui avait été l’agressivité. J'ai juste beaucoup de boulot. J'ai besoin de vacances, voilà tout. Et d'égorger quelqu'un dans ma salle de bains en proférant des incantations.

Elle n'avait pas envie de s'étendre sur tout ce qui la tracassait vraiment. Sa magie qui partait en vrille, ses cauchemars, la mort de Michelle, son éventuel retour à la Nouvelle-Orléans, sa peur de sa famille, sa peur de ses pouvoirs, l'angoisse constante qui l'étreignait et tout ce qui enserrait son cœur, lui donnant l'impression permanente d'étouffer ou de devenir folle. Tous ses mauvais souvenirs remontaient à la surface, toutes ces choses qu'elle pensait avoir réglé depuis longtemps et qui étaient en réalité restées là, en suspens. C'était de plus en plus difficile de faire bonne figure et elle avait juste l'impression qu'elle finirait par exploser. La dernière fois qu'elle avait été dans cet état, elle avait quinze ans, était malheureuse au possible à la Nouvelle-Orléans et avait fini par fuir sans un mot. Cette fois-ci, même cette solution ne lui paraissait pas tentante. A quinze ans, Isobel pensait que quitter sa ville natale lui offrirait une nouvelle vie et elle avait raison. A trente-deux, elle comprenait que peu importe où elle fuirait, elle serait rattrapée : tous ses démons étaient revenus avec l'arrivée d'Abel, il est vrai, mais il n'avait été que le déclencheur. Ils n'étaient pas présents dans ce qui lui évoquait la Nouvelle-Orléans, non. Ils étaient en elle et c'était la seule chose qu'elle ne pouvait pas fuir.

- Pas la peine de me couver, ajouta-t-elle comme pour conclure la conversation. J'ai jamais eu besoin de père.


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Roy Calder
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At wit's end [Isobel & Roy] Icon_minitimeSam 25 Juin 2016 - 17:56
Fronçant les sourcils, Roy suivit Isobel jusque son salon, sans pouvoir s’empêcher de la trouver bizarre. Elle ne réagissait pas comme d’habitude, il était prêt à mettre sa main à couper que quelque chose la perturbait, quelque chose de différent que le simple surmenage que pouvait lui causer la construction de Leopoldgrad. D’ailleurs, ce fut la première excuse qu’elle lui sortit, son travail. Roy avait presque envie de dire « prend-moi pour un con » mais il n’était pas sûre que la blague soit bien accueillie. Une boule de nerfs, voilà à quoi elle ressemblait, et il n’avait pas spécialement envie de la voir sortir de ses gonds.

C’était un peu trop tard cela dit, elle était déjà agacée, comme le lui montra la petite pique d’Isobel. Loin de vouloir lâcher l’affaire -au contraire, maintenant qu’il voyait qu’elle était contrariée, il savait où il fallait appuyer- Roy s’approcha d’elle comme pour lui signifier qu’il n’allait pas s’en aller tout de suite.

« Oh mais je ne cherche pas à être ton père, rassure-toi, déclara t-il tranquillement. Je cherche même pas à te couver, d’ailleurs, juste à comprendre pour pouvoir t’aider. Un petit temps de silence avant de préciser : « Je m’inquiète pour toi, c’est tout. »

Il s’inquiétait en tant que meilleur ami, et par conséquent, il ne chercherait pas à lui faire la leçon. Isobel était assez grande et indépendante pour faire ses propres choix et les assumer, puis Roy comprenait assez bien cette attitude de ne pas vouloir laisser les autres interférer dans ses affaires, particulièrement quand elles lui causaient du souci, après tout il était pareil. Mais cela ne l’empêchait pas de s’inquiéter pour elle et de vouloir faire quelque chose, et c’était bien normal. Il ne souhaitait pas brusquer son amie, mais il ne souhaitait pas non plus la laisser filer à si bon compte. Sans chercher à la piéger, il voulait lui rappeler qu’elle pouvait lui faire confiance, et ce, sans conditions.

« Je te forcerai pas à me parler si t’en as pas envie, reprit t-il calmement. Mais… Parfois ça fait du bien de se livrer un peu. Je te poserai pas de question, si tu veux pas y répondre. Un petit sourire s’introduisit sur ses lèvres. Mais je crois bien que je suis le seul au courant de toutes tes emmerdes et de tes mystères, alors saisis ta chance, c’est pas à tout le monde que tu peux parler de tout. Sans vouloir me vanter, évidemment. »

Et pour une fois c’était presque sincère, il ne cherchait pas à s’en vanter, mais simplement à lui rappeler qu’il pouvait recueillir ses confidences et la comprendre, comme il l’avait fait pour elle cette année. Isobel aimait tout contrôler, et elle y parvenait assez bien, bien plus que lui. Mais tout le monde avait ses limites. Elle semblait les expérimenter en ce moment, justement, Roy le voyait juste à son état. Il serait un bien mauvais ami s’il ne tentait pas de l’accompagner dans ses épreuves. Posant une main réconfortante sur son épaule, il poursuivit, à la fois sérieux et doux :

« C’est pas seulement ton boulot, je me trompe ? »
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At wit's end [Isobel & Roy] Icon_minitimeLun 4 Juil 2016 - 4:37
Isobel fixait Roy d'un regard un peu farouche, hésitant à le laisser approcher. Elle se refermait entièrement sur elle-même ces derniers temps, encore plus que d'habitude. Elle n'avait jamais été très prompte à donner sa confiance et à tisser des liens sincères, se contentant de superficialité dans ses relations, mais depuis qu'Abel était revenu et encore plus ces dernières semaines, c'était presque impossible d'obtenir quoi que ce soit de personnel de sa part. Elle maintenait l'illusion au Ministère parce qu'elle tenait plus que tout à sa carrière mais s'était entièrement refermée sur le plan social. Ses amis américains peinaient à la joindre, elle évitait ses amis anglais, elle s'était disputée avec Roy puis avec Sofya... Et pour qu'elle en arrive à se disputer avec Roy, c'était que les choses étaient graves. Même là, alors qu'il était face à elle, qu'elle avait accepter de l'aider, alors qu'il avait toute sa confiance, elle le jaugeait, analysant sa marge de manœuvre. Elle sentait très bien qu'il s'inquiétait pour elle et craignait qu'il ne lâche pas le morceau : il pouvait être aussi buté qu'elle.

Elle aurait pensé qu'il se montrerait plus offensif que cela pour qu'elle lui parle, puisque la manière forte était toujours efficace, mais en réalité, il semblait plutôt précautionneux, presque comme si elle avait peur qu'elle éclate : il n'avait d'ailleurs sûrement pas tort tant elle avait les nerfs en pelote. Quand il affirma qu'il ne la forcerait pas à parler ou ne lui poserait pas de questions si elle ne voulait pas, elle se détendit imperceptiblement et son regard se fit un peu plus doux tandis que ses muscles se relâchaient. Elle s'était inconsciemment préparée à se batailler pour qu'il la laisse tranquille. Depuis des mois, chaque instant de son quotidien était devenu quelque chose qui la rendait agressive, comme si le monde entier était contre elle. Elle devenait un peu paranoïaque et surtout retrouvait de vieux instincts un peu sauvages qu'elle pensait avoir dompté. Son ami marqua un point supplémentaire en affirmant qu'il était le seul au courant de tous ses problèmes, ce qui manqua presque de lui tirer un rire jaune. Il en connaissait beaucoup, il est vrai, mais sûrement pas la moitié de tout ce qui pouvait trotter dans la tête d'Isobel... Parfois, elle doutait d'en avoir la pleine mesure elle-même. Mais Roy la connaissait bien et savait comment l'approcher, aussi baissa-t-elle légèrement les yeux quand il posa une main sur son épaule, sentant ses défenses s'affaisser un peu elles-aussi.

- C'est pas seulement ça, confirma-t-elle.

Elle ne savait même pas par où commencer, à quel point elle voulait en parler, de quoi elle voulait parler. Sa magie, la mort de Michelle, son retour prochain à la Nouvelle-Orléans, tous ses doutes, ses regrets et ses erreurs qui remontaient à la surface, toutes ces angoisses qu'elle pensait réglées depuis longtemps... Isobel n'était pas du genre à laisser paraître ses faiblesses, bien au contraire. Elle les montrait beaucoup trop ces derniers temps, elle avait l'impression d'être entièrement vulnérable et elle détestait ce sentiment. Elle fixa Roy quelques secondes pendant qu'elle réfléchissait, sentant encore le contact de sa main sur son épaule. Elle ne pouvait pas lui parler de la magie, décida-t-elle, pas alors qu'elle venait d'accepter de mener des enchantements puissants pour lui. Il lui demanderait sûrement de laisser tomber s'il savait les risques qu'elle prenait et elle n'en n'avait pas envie. Elle n'en n'avait pas envie parce qu'elle ne voulait pas qu'il voit cette faiblesse en elle, qu'il la pense fragile, que son regard sur elle change. Elle ne voulait pas non plus parce qu'il sentait qu'il en avait besoin. Isobel ne savait pas dans quoi son ami trempait, il ne lui disait rien et elle respectait ce silence et ses secrets. S'il estimait devoir les taire alors elle n'irait pas interférer. Mais elle ne pouvait pas ignorer son aura, les changements en lui qu'elle percevait. Elle avait des soupçons évidemment mais les taisait, parce que ce n'était pas son rôle de lui en parler tant qu'il n'avait pas décidé du contraire. Mais elle sentait qu'il se lançait dans des entreprises périlleuses et elle ne voulait pas lui faire faux-bond. Alors elle tairait la magie, ses cauchemars, ses dérapages, le feu qui lui rongeait les veines un peu plus à chaque sort.

- Abel est venu me parler le mois dernier, commença-t-elle. Tu te rappelles l'ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans il y a quatre ans ? Je ne t'en ai pas parlé parce que tu ne savais pas d'où je venais à l'époque... Mais les médias l'avaient beaucoup évoqué. Un drame d'une telle ampleur faisait forcément les choux gras de la presse, sorcière comme moldue. Il m'a appris que l'une de mes cousines dont j'étais très proche à l'époque était morte à cause de cela. Je ne le savais pas.

Sa voix avait un peu baissé sur les derniers mots et elle croisa ses bras sur sa poitrine pour se donner une contenance bien qu'elle ressente un violent pincement dans sa poitrine. Elle avait encore beaucoup de mal avec l'idée de la disparition de Michelle, elle qui la figurait heureuse à la Nouvelle-Orléans depuis plus de seize ans.

- Ça m'a fait un choc. Et puis...

Elle ne pouvait pas non plus lui parler de son retour en Louisiane. D'abord parce que malgré sa promesse à Abel, elle doutait encore du bienfondé de la chose et de sa détermination et de sa force à le faire mais aussi parce qu'elle savait ce qu'il en penserait. C'était suffisamment difficile comme décision sans avoir quelqu'un qui lui disait qu'elle était inconsciente de faire cela : même si c'était vrai. Elle se tut alors, secouant légèrement la tête.

- C'est juste... Une période difficile. Des choses que je pensais réglées qui remontent... Je ressasse pas mal, je suppose que c'est le prix à payer pour avoir fait l'autruche pendant des années. C'est peut-être une crise de la trentaine, tenta-t-elle avec un vague sourire un peu forcé. C'est carrément pathétique, je sais.

Elle avait honte d'elle-même. Elle avait l'impression de ressembler à sa mère, amère et paumée. Haussant les épaules, elle s'assit sur l'accoudoir de son canapé, juste à coté de Roy.

- La vie était quand même vachement plus facile quand on avait vingt-cinq ans. Si on me filait un Retourneur de temps...

Elle changerait énormément de choses.

- T'étais mignon à l'époque, ajouta-t-elle avec un léger sourire pour détendre l'atmosphère, à vendre ta Mandragore toi-même. Et j'étais même pas encore au Ministère.

Abel n'était pas revenu dans sa vie, elle avait été diplômée quelques années auparavant, avait la tête encore remplie de ses voyages, prenait ses marques en Angleterre, elle ne pensait plus du tout à la Nouvelle-Orléans... Une période qui lui semblait à des années-lumières désormais.


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Roy Calder
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At wit's end [Isobel & Roy] Icon_minitimeDim 17 Juil 2016 - 16:39
Roy garda le silence dans un premier temps, dans l’attente qu’Isobel poursuive ce qu’elle commençait à révéler. Il la connaissait assez pour savoir que la brusquer n’était pas du tout la façon d’obtenir quoique ce soit d’elle. Soit elle se décidait d’elle-même à s’ouvrir, soit… eh bien, elle ne le faisait pas et tant pis. Il lut cependant dans son regard qu’elle était sans doute suffisamment atteinte et tourmentée pour se laisser aller, même juste un peu, à lui, alors il se contenta d’attendre qu’elle reprenne la parole. Il eut un petit tic au coin de la lèvre, quand elle commença son discours en évoquant Abel Laveau. Encore cet Abel. Décidément, que fallait t-il faire pour qu’il reste à sa place, cet imbécile ? Et Isobel qui s’obstinait à le laisser tranquille… Roy ne comprenait pas tout ce qui se passait entre eux, et il se doutait que son amie lui cachait beaucoup de choses à son sujet et sur leur histoire passée. Il respectait ce silence, tout comme il respectait le fait qu’elle ait cessé de vouloir lui nuire, mais si cela ne tenait qu’à lui, il avait bien envie de rendre une seconde visite à l’archimage starlette du pays.

Cependant, cette fois, ce qu’elle lui rapporta ne le concernait pas directement, pour une fois. Avec une certaine surprise, il l’écouta lui confesser qu’elle venait d’apprendre la mort d’une de ses cousines et tout ce qu’il put dire sur le coup fut un « Oh » sincèrement peiné. Roy ne s’attendait pas vraiment à cela, il s’imaginait plutôt qu’elle allait lui révéler qu’elle avait des ennuis, pas qu’elle était en train de surmonter un deuil, alors il ne sut pas bien comment réagir sur le coup. Il n’osait pas se mettre à la place d’Isobel : qu’aurait t-il fait en apprenant la mort d’un cousin ou d’une cousine proche dans une catastrophe ? Diego ? Carla ? Il aurait pu perdre Eden lors de la guerre des gangs, un an auparavant, et cela lui avait bien suffi, par Merlin.

« Qu’est-ce que tu racontes, c’est pas pathétique, dit-il aussitôt, retrouvant l’usage de la parole et de ses gestes. Debout, il s’approcha pour ramener contre lui Isobel qui s’était assise sur l’accoudoir du canapé, dans une étreinte réconfortante. Je suis vraiment désolé pour ta cousine, Isy. »

Il n’avait pas grand-chose à dire de plus, cela avait du être terrible pour elle d’apprendre la mort de sa cousine, des années après la survenue d’une catastrophe, alors qu’elle pensait visiblement qu’elle y avait échappé. Quant à ce qu’elle lui esquissait à propos de sa crise de la trentaine, Roy comprenait à peu près, à vrai dire, il s’identifiait même à ce qu’elle lui racontait. Que n’avait t-il ressassé cette dernière année ? Elle lui avait paru si rapide et interminable à la fois. Des milliers de choses s’étaient passées, et il se souvenait combien les premiers temps de cette période de bouleversement avaient été difficiles. Il ressassait tout : ses choix, ses actes, ses doutes, ses questionnements, jusqu’à son propre reflet dans le miroir. L’impression de devenir quelqu’un d’autre le saisissait brusquement, et il l’écartait d’un geste violent, pour ne pas avoir à se l’avouer, pour ne pas se laisser freiner par ça. Ce ressassement continuel l’avait laissé en paix lorsque les choses avaient commencé à marcher pour lui, jusqu’à revenir aux alentours de mai, lorsqu’il avait failli se faire assassiner par ses confrères mafieux. Et là : où était son erreur ? Que n’avait t-il pas prévu ? Avait t-il bien fait, même, de se laisser tenter par l’appel du pouvoir, quand il avait un prix si amer ? Il cessa ses réflexions pour s’écarter et croiser le regard d’Isobel, puis il poursuivit, d’un ton relativement sérieux :

« T’es pas la seule à ressasser, tu sais. Je fais peut-être une crise de la trentaine aussi, si c’est ça. C’est parce que nos vies changent, d’un coup, et on ne peut pas en contrôler tous les paramètres. En un an, je me retrouve propulsé à la tête d’un gang, je dois assumer des cadavres, des hommes, des choix. Toi, ton passé te rattrape brusquement, sans prévenir. Ta mère, Laveau, leurs révélations… Tout ce que tu avais laissé derrière toi te rattrape et boum, ton quotidien vole en éclat. C’est ce qu’on appelle avoir des cadavres dans le placard, et crois-moi, je sais ce que c’est, au sens propre du terme, et je sais que c'est pas facile de les tuer une deuxième fois, déclara t-il dans un trait d’humour cynique. Mais faire l’autruche, c’est aussi ce qu’on appelle avoir l’instinct de conservation, tu vois. Parce que se laisser aller à des questionnements sans fin, c’est se laisser crever. Qu’est-ce que j’aurais accompli, si je m’étais laissé enfoncer dans mes doutes ? Que dalle, déclara Roy, haussant les épaules, avant de vriller son regard dans celui d'Isobel et sourire. Tu n’es pas une femme qui se laisse crever toi. C’est toi qui crève les autres, non ? Je dis pas de foncer dans le tas sans réfléchir, mais… Parfois, réfléchir, c’est ça qui finit par te tuer. »

Au sens large du terme, l’entendait Roy, il y avait bien des façons de briser quelqu’un, et la plus efficace était encore de saper son estime et sa combativité, surtout pour une personne qui en possédait beaucoup : c’était le cas d’Isobel. C’était plus facile à dire qu’à faire de lui conseiller en gros d’essayer de ne pas trop ressasser, ne pas trop penser à ce qui la tourmentait en ce moment, et faire en sorte d’avancer, Roy le savait. Mais il fallait quelqu’un pour le lui dire malgré tout, et pour lui rappeler qu’elle était largement capable de passer au-dessus de n’importe quel obstacle : il y avait des personnes plus faciles à briser que d’autres et Isobel Lavespère n’en faisait pas partie, ce qu’il venait de lui dire, à sa manière.

Roy contourna son amie pour s’asseoir sur le canapé, au moment même où elle lui évoqua leurs vingt-cinq ans, ce qui lui tira un rire.

« Je suis toujours mignon, madame, se défendit t-il, avant de se laisser aller à quelques souvenirs. Moi qui vend ma came, toi sans tes tailleurs du Ministère… Ca a existé, sérieusement ? Ca parait vieux ce temps, aaah, tu nous rajeunis pas là ! »

Et pourtant, cela ne l’était pas tant que cela, si l’on comptait en nombre d’années, mais il lui semblait que c’était une éternité. Avec un sourire malicieux et curieux, il se tourna vers Isobel pour lui demander :

« Allez, balance, tu ferais quoi si tu avais un Retourneur de temps ? »


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At wit's end [Isobel & Roy] Icon_minitimeDim 17 Juil 2016 - 23:54
Isobel ne se confiait pas beaucoup, elle était d'un tempérament profondément secret, elle l'avait toujours été. Même lorsqu'elle était plus jeune et que Abel et elle partageaient presque tout, elle avait gardé souvent pour elle ses agitations les plus cachées, comme ses pensées au sujet de son départ. Pendant des années après son départ, elle n'avait été assez proche de personne pour s'ouvrir, même de ses amis d'université, qu'elle adorait. Il y avait tant de choses qu'ils ne savaient pas sur elle... Ce n'est qu'auprès de Roy qu'elle avait retrouvé une oreille auprès de laquelle elle se sentait en confiance. Sûrement parce qu'elle savait qu'il ne la jugerait pas, ils étaient faits du même moule, il ne ferait qu'écouter et conseiller, peu importe les casseroles qu'elle lui confiait. Cela restait pourtant difficile de s'exposer ainsi, de révéler des faiblesses, elle qui prétendait n'en n'avoir aucune, dans un mensonge bien rôdé. Elle avait été très attachée à Michelle, plus qu'à toutes ses cousines.

Elles avaient moins d'un an de différence, leurs mères étaient sœurs, elles avaient grandi ensemble dans la maison de leurs grands-parents, même si Michelle avait sa mère et son père, elle. Elles avaient même vécu ensemble plusieurs années, entre les mois que Isy avait passé chez sa tante Isadora à la mort d'Anne et leur temps à Bâton-Rouge. Si elle n'avait pas eu Abel, Isy aurait sans doute considéré Michelle comme sa meilleure amie. En quittant la Nouvelle-Orléans, elle était persuadée que sa cousine irait bien, qu'elle ferait sa vie, qu'elle s'épanouirait au sein du coven. Et maintenant, elle était morte et elle n'avait pas été là pour essayer d'y faire quelque chose. Elle n'avait de cesse de se demander si elle aurait pu changer les choses. Si elle était restée, est-ce que Michelle serait morte ce jour-là ? Si elle était restée, elle aurait fait sa vie au coven, parmi sa famille. Elle aurait trouvé un boulot alimentaire là-bas, aurait continué d'être une sorcière vaudou à plein temps. Elle serait restée amie avec Abel. Peut-être auraient-ils vécu quelque chose tous les deux... Et le jour de l'ouragan, elle aurait été là. Elle n'avait pas la prétention de penser qu'elle aurait pu faire quelque chose contre Katrina en elle-même, mais peut-être que Michelle et elle auraient ensemble, ce jour-là, dans le quartier français qui avait tenu face au vent, contrairement à Trémé, le quartier où vivait sa cousine... La survie se jouait parfois à peu de choses.

Elle sortit de ses pensées quand Roy s'approcha d'elle pour la serrer dans ses bras. Ses mots lui firent plus du bien qu'elle ne pouvait l'admettre et elle sentit ses yeux s'humidifier malgré elle alors qu'il affirmait qu'il était désolé pour Michelle. Elle ferma très fort les paupières, ses doigts se refermant sur la chemise de Roy malgré elle. Elle n'avait pas envie de pleurer devant lui, elle n'avait jamais pleuré devant lui. Devant personne, presque. La dernière personne qui l'avait vue pleurer était Jessica, il y a des années, lorsqu'elles étaient encore à l'Université. Inspirant profondément, elle s'efforça de se calmer et de ne pas laisser les larmes couler sur ses joues. Elle serra son ami dans ses bras encore quelques secondes supplémentaires avant qu'ils ne se séparent. Elle essuya ses yeux discrètement en espérant qu'il ne le voit pas avant de croiser ses bras sur sa poitrine, pour se donner une contenance. Elle l'écouta attentivement réagir sur ses propos, les prenant au sérieux alors qu'elle aurait presque pensé qu'il en aurait souri. Elle-même avait l'impression d'être ridicule. Elle n'était pas du genre à s'apitoyer en éternels regrets mais ces derniers temps, c'était difficile. Elle ressassait sans cesse. Le seul moment où elle arrivait à cesser de penser, c'était au travail, dans lequel elle se jetait à corps perdu. Elle faisait des journées de douze heures, s'épuisait au bureau pour essayer de dormir le soir, parfois sans succès. Elle avait toujours été un bourreau de travail mais elle se demandait comment elle tenait le rythme. Elle finirait sûrement par s'écrouler dès qu'elle serait en vacances. Enfin, vacances...? Elle préférait ne pas y penser.

- C'est ça, soupira-t-elle quand Roy fit une très bonne synthèse de la situation. En vaudou, c'est pas compliqué de tuer les zombies... répliqua-t-elle du même ton cynique. Mais les nôtres ont l'air plutôt résistants, que veux-tu.

Les mots de son ami la touchèrent plus qu'elle ne voulait l'admettre. Elle n'aurait jamais pensé qu'on puisse l'encourager à ignorer les questionnements qui lui agitaient la tête. Au contraire, on disait souvent qu'il valait mieux les affronter directement plutôt que de les ignorer. Elle-même ne parvenait pas vraiment à faire cela, c'était trop entêtant. Elle était obsédée par toutes les questions qui lui tournaient dans la tête. Elle soutint son regard quand il affirma qu'il avait dû laisser tout ça de côté pour avancer, songeant en son for intérieur que ce n'était pas si facile que cela. Elle était presque tentée par des moyens illicites pour oublier tout cela... Mais la simple pensée de sa mère, ivre morte sur le tapis du salon, régurgitant tout l'alcool et la drogue qu'elle avait dans l'estomac, suffisait à faire taire ces envies. Elle ne répondit pas à son sourire mais l'écouta attentivement alors qu'il déclarait qu'elle n'était pas du genre à se laisser démonter... C'était vrai. Elle le pensait. Avant. Elle avait désormais du mal à en être certaine. Cette histoire la mettait dans un tel état de nerfs... Et elle avait accepté de retourner à la Nouvelle-Orléans, en ne savant pas comment elle en ressortirait. Elle avait l'impression qu'ils avaient gagné, qu'Abel avait gagné sur elle. Que le jeu était terminé. Mais elle ne pouvait pas le dire à Roy, elle n'y arriverait pas. Elle ne pouvait pas reconnaître sa défaite devant lui alors qu'il l'encourageait à ne pas se laisser faire, elle ne pouvait pas parler de la Nouvelle-Orléans en sachant très bien qu'il désapprouverait, et aurait bien raison. Alors elle le fixa quelques secondes, avant de mentir.

- T'as raison. Ils ne m'auront pas si facilement... Et je vais arrêter d'y penser. Je ne dois pas pouvoir vider ma tête aussi facilement que toi, mais... le taquina-t-elle pour oublier qu'elle venait de mentir ouvertement à son meilleur ami.

Elle le suivit du regard quand il la contourna pour s'assoir sur le canapé et elle-même se laissa glisser doucement de l'accoudoir pour rejoindre l'assise. Elle sourit quand elle l'entendit rire, songeant malgré elle qu'elle avait intérêt à profiter de ces moments avant son départ, peut-être définitif... Un nœud d'angoisse au ventre, elle se tourna vers Roy, essayant d'arrêter de penser.

- Bien moins maintenant qu'à vingt-quatre ans, le taquina-t-elle. C'était faux mais elle n'allait pas lui dire la vérité. Elle soupira lorsqu'il affirma que ce temps paraissait lointain, portée par un peu de nostalgie. Il est vrai qu'elle avait l'impression que cela remontait à une autre époque.

Ils s'étaient rencontrés quelques mois après son arrivée en Angleterre, quand elle avait cherché à se procurer des ingrédients pour reprendre la pratique de la magie dans ce pays. Une conquête d'un soir, choisie en raison de son aura trouble, lui avait donné l'une des entrées de la Voie des Miracles et recommandé de s'adresser à Roy Calder. Évidemment, elle avait obtenu ces informations avec un sort, afin qu'il oublie qu'il l'avait croisée. Elle l'avait cherché quelques jours après et... sept ans plus tard, ils étaient là. Elle répondit sincèrement à son sourire quand il lui demanda ce qu'elle pouvait faire avec un Retourneur de Temps, prenant le temps de la réflexion.

- Plein de choses, je crois. D'abord, je fermerai la porte le jour où Magpie s'est incrustée alors que nous étions occupés. Elle me soûle depuis ce jour, ricana-t-elle. Je n'irais pas à Los Angeles. Mauvais souvenirs. J'éviterai certaines rencontres... Notamment quand elle était jeune. Et, ajouta-t-elle après un silence, je partirai sûrement autrement de la Nouvelle-Orléans.

Son esprit dériva un instant vers ce fameux soir, eut une pensée pour Abel et Michelle, mais elle finit par se redresser légèrement, chassant cette idée de son esprit.

- Et toi ? Aboule les regrets.


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At wit's end [Isobel & Roy] Icon_minitimeLun 18 Juil 2016 - 2:41
Roy ne sentit rien d’anormal dans la posture et la réponse d’Isobel. S’il avait perçu ces pleurs qu’elle avait ravalés pendant qu’il l’étreignait, il aurait davantage insisté pour connaître les détails de ses problèmes. S’il avait senti le mensonge dans son ton tandis qu’elle lui assurait qu’elle n’y penserait plus, il aurait continué à la rassurer. Mais Isobel était bonne comédienne et dupa même ce meilleur ami qui la connaissait pourtant bien. Il eut l’impression d’avoir réussi à la remettre un peu sur pieds et s’assit sur son canapé, avec cette satisfaction d’avoir pu faire quelque chose pour elle, et la volonté maintenant de lui changer les idées.

« Si tu insinues que ma tête est moins pleine, va te faire foutre, Lavespère. » rétorqua t-il de son sourire en coin. Et elle ne s’arrêta pas là pour l’embêter, insinuant même qu’il n’avait pas si bien vieilli que ça. « Whooo tu me cherches ? Et c’est quoi cette petite ridule, là ? pointa t-il sur un pli inexistant de ses yeux. On en parle de tes ridules ? Tu peux porter un sweat-shirt pour te donner des airs d’adolescentes, Isy, mais… Tu ne me tromperas pas. » conclut t-il d’un ton d’outretombe.

Maintenant qu’elle était d’un peu meilleure humeur, il pouvait la taquiner sur sa tenue approximative non Isobelienne. Ce n’était pas la première fois qu’il la voyait plus au naturel que dans ses tenues chics qu’elle arborait à l’extérieur, mais à chaque fois, il trouvait un moyen de la vanner. Oh Isy en short, tu vas où comme ça, fais gaffe, c’est dangereux les randonnées en talons aiguilles. C’est moi ou t’es même pas maquillée, alors comme ça il n’y a pas de petit esprit mystérieux la nuit qui veille à la tenue parfaite de ton mascara ? Et il en passait des meilleures.

Lorsque le petit jeu de confidences commença, Roy prêta toute son attention à la liste que lui faisait Isobel et le premier point lui tira déjà un éclat de rire. Il n’y pensait plus, mais effectivement, voilà un passage de leur passé commun qui méritait une petite révision.

« Ne m’en parle pas, comment ça a pourri nos rapports après. Et pourtant, ça aurait pu être tellement pire, ricana t-il à ce souvenir, après tout, l’instant aurait pu être bien plus compromettant, mais il avait suffi à Mildred pour piquer une crise de jalousie et de colère mémorable. Je crois qu’elle aurait pu te bouffer les cheveux ou les yeux, je sais pas. » La suite de la liste le fit hocher la tête d’un air entendu. « Mauvaises rencontres hein ? Mais quelle mauvaise fille. J’espère que tu me comptes pas dedans, moi je suis genre le meilleur truc qui t’est arrivé dans ta vie. »

En toute objectivité calderienne, évidemment. Il ne renchérit pas à sa déclaration sur la Nouvelle-Orléans, qu’il devinait être l’aveu le plus sérieux. Se levant momentanément pour aller chercher un rafraîchissement -c’est qu’il faisait chaud dans ce salon en août- Roy revient avec deux gobières et décapsula la sienne. Il avait eu le temps de réfléchir à sa réponse entre temps mais prit le temps de se rasseoir et d’avaler une bonne gorgée de boisson avant de répondre :

« Hummm… J’aurais tué ce gros lard de Griggs dans son sommeil, avant qu’il fasse son bordel à Bristol. Bordel qui avait provoqué tant de destins, le sien, et celui des krakinets… Eventré Byrd quand elle picorait encore dans ma main, énonça t-il brièvement, car Isobel était l’une de ces quelques personnes qui connaissait cette histoire. Grosso modo, fait un croche-patte à mes ennemis avant qu’ils aient l’occasion de le faire. Et sinon… Peut-être que j’aurais pas fait casquer Jason à ma place pour cette histoire d’horloge brisée, quand on avait sept ans. J’ai l’impression que c’est ce truc qui a définitivement signé le divorce, traumatisme d’enfance, tu vois ! » affirma t-il avec un large sourire.

Il avait des aveux plus personnels, qu’il ne pouvait pas vraiment confier à Isobel, parmi les choses qu’il aurait aimé changer : sa récente histoire avec Klemens par exemple. Voire certains détails de son histoire avec Juliana, mais d’un côté, elle avait tourné d’une façon que Roy ne voulait changer pour rien au monde. Cette pensée le fit sourire d’une façon plus douce, et lui fit voir combien il avait eu de la chance, au final.

« Mais bon. Si on avait changé tout ça, on ne serait pas les mêmes, je crois. Moi j’aurais peut être pas eu l’opportunité de créer les Veilleurs. Et toi… Si tu étais partie différemment de là-bas, est-ce que tu aurais atterri ici, à ce poste au Ministère ? »

Laissant la question en suspens, Roy haussa les épaules. Voilà une question à laquelle ils ne pouvaient pas avoir de réponse et voilà ce qui les interdisait de trop jouer avec le temps en tant que sorciers : les conséquences étaient impossibles à maîtriser. Après une nouvelle gorgée de gobière, Roy se tourna vers Isobel de nouveau :

« Hé, j’ai une vraie question sérieuse pour toi. Il ménagea son effet en vrillant son regard dans celui de son amie. Qu’est-ce qu’il s’est putain de passé à Los Angeles, j’en sais presque plus maintenant sur ta famille que sur ton périple américain, maintenant, y a un souci non ? Allez, balance les conneries que t’as faites. »


Roy Calder

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At wit's end [Isobel & Roy] Icon_minitimeLun 18 Juil 2016 - 4:02
- Je l'ai pas insinué, rétorqua Isobel. Je le dis. Elle avait besoin de se changer les idées et la présence de Roy était une bonne chose pour cela. Elle s'était isolée ces derniers temps car elle peinait à faire bonne figure en dehors du travail mais la présence de son meilleur ami l'apaisait. Même si son sourire en coin dissimulait bien les tempêtes qui se jouaient dans sa tête, elle se sentait mieux qu'avant son arrivée. Tu ne m'auras pas comme ça, je ne suis pas Mildred Magpie ! Et elle s'était vue dans le miroir ce matin, surtout. L'emphase qu'il mit dans son ton lui tira un rire et un sourire sincère, se sentant plus légère l'espace d'un instant. Il était stupide. Elle l'adorait. Des airs d'adolescente ! Ça, monsieur, c'est un pull de promo. Parce que j'ai fais des études, tu vois. Et on en revient à la tête pleine !

Certes, ce n'était pas le plus élégant de ses vêtements mais elle le portait toujours avec une certaine nostalgie. C'était son pull de fac, elle en gardait de bons souvenirs, elle avait passé des années merveilleuses avec ses amis, avec l'impression d'être enfin à sa place dans le monde. Elle le portait en cas de coup de mou, il était doux et confortable et cela l'apaisait un peu. Certes, elle avait un peu chaud avec en Août mais elle avait été gelée toute la matinée, en raison d'une nuit difficile. Ce n'est que là qu'elle commençait à se réchauffer un peu. Son chat grimpa sur ses genou pour s'y installer en boule et elle lui caressa le ventre, déclenchant ses ronronnements alors qu'il étirait ses pattes en sortant puis rétractant ses griffes. Lorsqu'ils se lancèrent dans un jeu de confidences - sûrement l'un de leurs préférés - elle s'enfonça dans le canapé, toute à l'écoute.

- Elle m'aurait poignardée avec ses faux ongles, oui, et jeté mon corps dans le port ! Avec un tantinet de chance, ma famille l'aurait appris et lui serait tombée dessus. On est super en froid mais y'a des règles dans le vaudou et on déconne pas avec.

Cette phrase, prononcée sur le ton de la plaisanterie, lui rappela brusquement qu'elle avait enfreint les règles elle-aussi et ce fut comme une douche froide. Elle essaya de masquer son soudain malaise en baissant les yeux sur Sorbier, laissant ses cheveux longs lui camoufler le visage. Ils changèrent heureusement de sujet et elle prit sur elle pour avoir une expression normale en relevant la tête, basculant ses cheveux sur une seule épaule.

- J'te comptais dedans bien sûr, Monsieur-qui-me-demande-des-meurtres, lança-t-elle. Grâce à toi, je vais devoir aller en Enfer avec toi. Je sais que tu ne peux pas te passer de moi, mais quand même... Évidemment, elle ne le comptait pas dedans et pensait plutôt à des personnes peu recommandables rencontrées alors qu'elle était encore jeune et errait dans les États du Sud. Elle y avait perdu quelques plumes, rien d'étonnant quand on voyait à quel point elle s'était mise en danger, une adolescente seule et vulnérable... Mais elle ne voulait plus penser à ce soir-là.

Lorsque Roy se leva pour aller chercher quelque chose dans le frigo, elle se leva aussi, autant pour chasser ses souvenirs que pour retirer son pull qui lui donnait chaud. Elle le déposa sur un fauteuil dans un coin de sa chambre et enfila un haut en dentelle, bien plus léger. Elle se rassit un peu avant lui, reprenant Sorbier sur ses genoux. Elle décapsula sa Gobière, en prit une gorgée fraiche - elle n'avait rien bu de la journée, même pas de l'eau - avant d'écouter les réponses de Roy avec attention. Elle hocha la tête à chacune de ses propositions, peu surprise.

- Dommage que le Ministre ne te laisse rien faire pour Byrd, j'avais des sorts vraiment vraiment cool que je voulais tester.

Actuellement, elle ne pouvait pas, c'était déjà compliqué de se lancer dans l'entreprise demandée par son ami mais elle ne lui disait pas. Elle le pensait pourtant, le vaudou faisait des choses délirantes et plutôt sympa quand on appréciait les magies de ce style. Elle secoua la tête, souriant légèrement quand il mentionna une histoire d'enfance avec son frère.

- On fait tous des trucs comme ça. Quand j'avais douze ans, j'ai mis le feu aux cheveux de ma cousine Denise. Tu vois, c'est pas grand-chose ton horloge.

Elle sentit soudain l'aura de Roy s'apaiser et s'illuminer. Elle ne savait pas à quoi il pensait, mais visiblement, ce n'était pas un regret. Respectant un peu la vie privée de son ami - à peu près - elle ne s'attarda pas sur cette sensation qu'elle avait déjà repéré chez lui. Elle avait bien compris qu'il lui cachait un truc mais elle connaissait l'importance des secrets, aussi, elle n'insistait pas. Il avait une copine - son aura lui donnait parfois envie de lever les yeux au ciel - mais respectait son silence. Il le lui dirait quand il le voulait, s'il le voulait. Elle avait assez confiance en lui pour savoir qu'il devait avoir ses raisons de se taire.

- Non, sûrement pas, confirma-t-elle quand Roy lança qu'ils n'en seraient sûrement pas là sans leur chemin. C'est ce que je pense aussi. Si j'étais partie autrement... Je ne serai pas partie. C'est ce qu'elle se tuait à faire comprendre à cette tête dure d'Abel Gaëtan Laveau. Et tu ne m'aurais pas rencontrée. Mais qui serait ta meilleure amie ? lança-t-elle narquoisement.

Elle, des amis hommes, elle en avait eu et en avait. Abel, le premier, Alexandre Laveau, ses cousins, Logan, Jack... Roy, lui, avait plus de mal. Elle se sentit un peu sur la défensive quand il lança qu'il avait une vraie question pour elle... Avant de se détendre quand elle l'entendit. Elle eut un regard mystérieux, savourant son effet et prit le temps de prendre une longue gorgée de Gobière. Elle ne l'avait jamais raconté, pas parce qu'elle le cachait, mais parce qu'elle était secrète et parce qu'il n'avait jamais posé la question avant. Déposant sa Gobière sur un magasine sur la table basse, elle se réinstalla dans le canapé.

- Alors, j'avais dix-huit ans, j'avais tourné depuis deux ans dans les États-Unis, j'avais fais plein de petits boulots mais j'étais fauchée et je n'avais absolument rien à faire de ma vie, parce que tu vois, mes seules connaissances niveau magie étaient du vaudou et c'est pas bien utile pour bosser dans le reste du monde. Je me suis dis que la Californie, ça devait être sympa, donc pourquoi pas y faire un tour ? Je suis donc allée à Los Angeles, pour voir. Comme j'étais fauchée, donc, j'ai dû me loger dans les quartiers du sud de la ville et c'est marrant, mais comme dans pas mal d'endroits, le sud, ça craignait plutôt.

Elle ne s'en formalisait pas, elle avait l'habitude de ce genre de quartiers : elle venait de la Nouvelle-Orléans, une ville plutôt pauvre si on exceptait quelques minorités blanches.

- J'ai été embauchée pour le service dans une boite de nuit, pas parce que j'y connaissais quelque chose mais parce que j'étais jolie. Je ne t'apprends rien, Monsieur le chef de la mafia, Los Angeles regorge de gangs moldus comme sorciers. Dans cette boite, j'ai rencontré un type un soir, qui ne faisait que des grosses commandes et était généreux en pourboires. Il revenait souvent, toujours quand je bossais. Je te la fais rapide, c'était un type bien placé dans un petit gang moldu, ce que je ne savais pas au début. Un soir, il m'a invitée à sortir. J'ai dis non, parce que tu me connais, j'aime bien les mecs qui s'investissent, fit-elle avec un sourire en coin. J'ai attendu qu'il galère un peu, puis j'ai fini par dire oui, parce qu'il me plaisait bien. Bref, au début, rien de bien méchant, on se voit, ça m'occupe, puis j'ai pas mal découvert Los Angeles avec lui parce qu'il en avait les moyens. J'ai vite compris ce qu'il trafiquait mais bon, c'est pas comme si ça me dérangeait, cingla-t-elle en lui donnant un léger coup d'épaule.

Il était certain qu'Isy n'était pas rongée par l'éthique de ce côté-là. Elle baignait dedans, cela datait d'avant son arrivée en Angleterre : les sorcières vaudous n'étaient pas toujours en règle avec la loi, utilisaient souvent des ingrédients interdits ou qui passaient sous le manteau, et de nombreux garçons de sa famille avait versé dans ces milieux. Elle ne débarquait pas des banlieues chics non plus.

- Ça se passait plutôt bien, je l'aimais bien. Nous n'étions pas ensemble, je précise, du moins, pas de mon côté. Du sien... Il a fini par devenir jaloux, possessif, bref, lourd. Au début, j'étais juste soûlée mais ça ne m'empêchait pas de continuer de vivre ma vie. Un jour, il a appris que j'avais vu quelqu'un d'autre que lui - ce que je faisais depuis des mois mais il n'avait jamais eu de preuve - et il a piqué une colère monstre. J'étais à deux doigts de lui envoyer un sort mais le Secret Magique... Bref, j'ai voulu tout arrêter mais ce n'était pas au goût de monsieur. Il est devenu plutôt agressif, violent verbalement. Il me faisait suivre par des types de son gang, j'étais coincée. Pour être tout à fait honnête, il a fini par me faire peur. Je n'avais même pas vingt ans et il dormait avec une arme sous son oreiller.

Elle édulcorait beaucoup son récit et paraissait détachée mais à l'époque, elle était absolument terrifiée et il était plus violent qu'elle ne le laissait paraître. Il avait levé la main sur elle, une seule fois. La dernière. Elle ne le dit pas. Elle n'avait pas envie de le dire. Cela avait été une période horrible, qu'elle prenait volontairement avec détachement, mais elle en gardait de très mauvais souvenirs.

- Je cherchais comment partir, je voulais lui lancer un sort pour qu'il m'oublie parce que je craignais qu'il me suive. Sauf que je manquais d'ingrédients et que je peinais à les trouver. A cette époque, deux policiers sont venus me chercher à la sortie du boulot. Ils cherchaient des informateurs, des gens prêts à parler, contre protection. J'ai pas pesé la chose longtemps : je savais des choses, j'ai tout balancé. Trois jours après, il était arrêté. Une semaine après, son gang était démantelé. Et moi, j'avais un passeport et de l'argent en récompense, donc mon moyen de partir. Je suis montée dans un avion et j'ai traversé entièrement le pays jusqu'à la côte Ouest.

Reprenant une gorgée de Gobière, elle eut un sourire.

- Donc voilà ce qui s'est passé à Los Angeles. J'ai fais tomber un gang. Ton code de mafieux t'empêche de me parler encore ? le taquina-t-elle. Mais autant dire que je n'y retournerai pas. Heureusement que j'ai été assez maligne pour qu'il ne connaisse pas mon vrai nom... Quand j'ai quitté la Nouvelle-Orléans, Isobel Lavespère, c'était bien trop reconnaissable. J'ai utilisé Louise, j'y réponds presque autant qu'Isobel, et Bennet, le nom de mon grand-père, même s'il utilisait celui de ma grand-mère. Entre ça, et le fait qu'il soit moldu, je me sens tranquille.


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At wit's end [Isobel & Roy] Icon_minitimeJeu 21 Juil 2016 - 23:16
« Nianiania. Pourquoi faire des études quand tu peux monter à la tête d’un gang ? Et ça vaut pour toi aussi ! »

Il n’aurait de cesse de le dire, Isobel aurait fait une très bonne mafieuse. Elle se serait attiré crainte et respect avec sa magie vaudou et elle avait tout juste ce qu’il fallait de sens de la négociation pour faire de bonnes affaires. Mais bon, mademoiselle avait préféré filer droit… Ou en tout cas, faire semblant de filer droit. Il eut un sourire moqueur en l’entendant évoquer sa famille, qui aurait pu jeter une malédiction à distance à Mildred si elle avait porté atteinte à leur protégée.

« C’est quand même super pratique d’être copain avec des sorciers vaudou. A peu près autant que c’est dangereux de se les mettre à dos, on dirait. » Lui ça allait, il avait Isobel de son côté, et effectivement c’était pratique. Non seulement elle avait le bras long qui lui avait permis entre autres d’acheter sa villa, mais elle était capable de lui rendre des services qu’il ne pouvait demander à personne d’autre. Un sourire étira ses lèvres à ce propos et il sortit une de leurs blagues récurrentes : « Oh s’il te plaît, tu étais déjà enchaînée à l’Enfer bien avant ça, rappelle-toi, c’est le diable ton papa. »

Avait t-il vraiment besoin d’expliquer pourquoi sa théorie était plausible ? Il avait tout vu de la personnalité démoniaque de cette femme, même s’il était vrai qu’elle avait quelques instants de bonté et de douceur : pour mieux tromper les humains, évidemment. L’humeur taquine et légère de Roy se ternit juste le temps d’évoquer l’une de ses pires ennemies, celle qu’il n’avait pas encore mise à terre et ce n’était pas faute d’avoir imaginé mille stratagèmes différents pour le faire, mais il était baguette et poings liés.

« J’aurais adoré voir ça, tu peux me croire… »

Il faisait tourner sa canette de gobière entre ses doigts, sentant le liquide onduler à l’intérieur, une lueur de dégoût survenue dans le regard. Car c’était le visage de June qui venait de s’imprimer sur cette canette, avant qu’il ne la chasse d’un clignement des yeux. C’était fou, encore aujourd’hui, la simple mention de son nom lui donnait envie de casser quelque chose. Il n’y avait pas tant de personnes à qui Roy vouait une haine si féroce : la dernière en date avait fini par mourir dans des circonstances lamentables, aidé de la mystérieuse magie d’Isobel. Pensif, il reporta son regard sur celle qui l’avait toujours épaulé sans poser aucune question, même et surtout dans les pires moments de son existence. Qui serait sa meilleure amie s’ils ne s’étaient pas rencontrés ? Bonne question. Il lui semblait qu’il n’y avait qu’Isobel et ses valeurs si proches des siennes, Isobel et son tempérament affirmé, Isobel et sa loyauté indéfectible pour remplir le rôle. Ils avaient noué une complicité telle que la pérennité de son amitié avec elle faisait partie de ses rares certitudes dans sa vie. Il était convaincu qu’ils pourraient compter l’un sur l’autre, même dans dix ans, même s’ils prenaient des chemins qui devaient les éloigner.

« Et qui serait le tien ? Madame-les-hommes-ne-valent-rien, renvoya t-il. Mais je veux bien reconnaître que tu m’as fait changer d’avis sur l’amitié hommes-femmes. Même si tu n’es pas ma seule amie. Il y a Sofya, et… Euh… C’est déjà bien. » esquiva t-il d’un ton innocent.

Il ne fallait pas trop lui en demander non plus. A une époque pas si lointaine, la gent féminine ne comportait que trois catégories très claires à ses yeux : la famille, les femmes désirables, et les autres dont il se fichait éperdument. La dernière catégorie s’était un peu enrichie et nuancée à la lumière des rencontres que Roy avait pu faire et des quelques milligrammes de maturité qu’il avait pris -pas trop non plus…

Son attention fut toute renouvelée dès qu’Isobel commença son récit, il eut presque du mal à croire qu’elle lui livrait enfin cette histoire sans qu’il n’ait à lui tirer les vers du nez. Alors il resta parfaitement silencieux en la laissant parler, comme pour capter un maximum d’informations avant d’interrompre son histoire. Il s’imagina une jeune Isobel à peine majeure en vadrouille, hocha la tête lorsqu’elle lui présenta la ville comme un nid à mafieux : il n’y était pas personnellement allé faire un tour, mais c’était un fait connu. Il eut un petit sourire lorsqu’elle lui fit un commentaire qui le visait directement : ah ça, pour s’attirer l’intérêt d’une Lavespère, il fallait faire plus que s’investir, il en avait personnellement fait l’expérience bien des années plus tôt. Elle était le genre à taper dans l’oeil de beaucoup d’hommes, puis faire son marché tranquillement parmi eux : c’était à qui la courtiserait le mieux.

Mais ce n’était pas une histoire de fleurs et de papillons qu’Isobel était en train de lui conter, Roy le pressentit dès qu’elle lui révéla qu’il était possessif. Un membre de gang californien, possessif avec une fille d’à peine dix-neuf ans qui était seule en ville, livrée à elle-même ? Il sentit arriver les ennuis qu’Isobel lui décrivit, et posa un regard silencieux sur elle quand elle avoua avoir eu peur. Il ne connaissait pas l’adolescente qu’elle avait été mais pour qu’elle se soit sentie acculée alors qu’elle possédait tout de même quelques moyens et une certaine ténacité, cet homme avait du réellement l’effrayer. Isobel lui raconta alors comment elle s’était sortie de ce mauvais pas : en somme, par un sacré coup de chance et une bonne décision. Il finit sa canette de bière en même temps qu’Isobel finissait son récit, et ne tarda pas à réagir à son tour, d’un ton tout aussi taquin :

« Ne plus te parler parce que t’as été une balance ? T’as juste fait ce qu’il fallait pour sauver ta peau. C’est ce mec qui a été con de te laisser infiltrer suffisamment de secrets dans son gang pour le faire tomber, fit-il remarquer, haussant les épaules. Et on va pas s’en plaindre, t’as pu te tirer de là. Mon code de mafieux me dit plutôt que si tu retournes là-bas et qu’on t’emmerde, je vais personnellement m’en charger. » sourit t-il férocement.

Son pouvoir d’action à Los Angeles était limité, d’accord, mais il y avait toujours moyen de faire quelque chose. Il se rejoua un instant le récit dans sa tête et ne put s’empêcher de commenter :

« N’empêche, t’as eu du bol, il aurait pu t’arriver des sales trucs. Je comprends mieux pourquoi c’est de l’acier là-dedans, dit t-il en posant momentanément ses deux doigts sur le front de son amie, avec un sourire presque attendri, avant de devenir moqueur. Evidemment, tirant leçon de cette histoire, tu ne t’es plus jamais approché de type louche par la suite, encore moins de trafiquants de drogue, et surtout pas pour te laisser courtiser. »

Son ton n’était pas équivoque du tout. Attendant la réplique assassine, Roy enchaîna encore :

« Louise Bennet, hein. Pas mal. C’est plus prononçable que Isobeul Lavéspaaaire » singea t-il de son merveilleux accent français très travaillé.


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At wit's end [Isobel & Roy] Icon_minitimeSam 10 Sep 2016 - 22:50
- Parce que je suis plus classe que toi, répliqua Isobel quand Roy l'attaqua de nouveau sur ses études.

Son obstination pour l'Université pouvait effectivement sembler un peu étrange parfois. Effectivement, puisqu'elle baignait dans des milieux pas très nets depuis des années, pourquoi ne pas en profiter ? Elle aurait pu vendre sa magie dès le début, comme le faisaient certains sorciers vaudous. Elle aurait pu gagner beaucoup d'argent avec cela. Mais elle avait été élevée dans le plus pur respect de la magie et cela incluait de ne pas monétiser leur savoir, il devait être réservé à leur usage personnel ou à celui du coven ou des personnes qu'elles souhaitaient aider. Ce n'était néanmoins pas cette règle qui avait poussé Isy vers des études légales, c'était ce à quoi elle aspirait depuis longtemps : elle avait toujours vu en l'école, l'école américaine, le moyen de se sortir de sa famille trop étouffante. Elle voyait bien que les garçons qui allaient étudier ailleurs étaient plus heureux, plus indépendants, plus ouverts sur le monde. Depuis aussi longtemps qu'elle s'en souvenait, elle avait toujours voulu un métier important. Elle se rêvait médecin, avocate, pompier, infirmière, architecte, femme d'affaires... Des métiers qui nécessitaient des études, cette chose qui lui était refusée. Elle n'aimait pas beaucoup l'école de sa famille, parce qu'elle progressait plus vite que les autres. Mais lorsque l'occasion d'entrer à l'université s'était présentée, elle avait préparé ses examens avec toute la force de sa détermination. Elle avait un emploi pour vivre et à côté, elle passait tout son temps à réviser : Isy s'était échinée comme jamais pour entrer à Salem. Une fois à l'intérieur, elle avait continué à se battre pour être dans les meilleurs, pour exploiter chaque connaissance qu'elle acquérait.

C'était parfois difficile pour les autres de comprendre cet attachement qu'elle avait pour le système éducatif, la plupart des gens qu'elle connaissait voyaient l'école comme un passage obligatoire, une corvée parfois, une évidence. Elle, elle l'avait toujours vue comme un moyen de s'en sortir, de gagner la vie que sa famille - que sa mère - ne pouvait lui offrir. Elle avait pris l'université comme un tremplin social et elle s'était battue pour cela, toute seule. Elle s'était démenée pour obtenir des bourses au mérite, sans avoir mis un pied au lycée, elle avait mis chaque sous qu'elle avait gagné pour pouvoir continuer à étudier, elle avait travaillé durant des heures, des nuits entières, pour cumuler un emploi et des études prenantes. Le jour de son diplôme avait été un véritable accomplissement, le résultat d'une épreuve difficile, qu'elle n'aurait jamais pensé réussir alors qu'elle était enfant. C'était sa plus grande fierté dans la vie, la chose qu'elle avait accompli de mieux, sans tricher, sans mentir, sans se décourager, seule, sans personne derrière pour l'aider. Si elle avait dû avoir des enfants dans la vie, cela aurait été sûrement la chose qu'elle aurait le plus tenu à leur transmettre : l'importance de l'école, des études, de l'université, d'un diplôme. Elle aurait sûrement mis un point d'honneur à leur éducation, peu importe le domaine qu'ils choisiraient, tant qu'ils faisaient de leur mieux pour en faire sortir le meilleur.

- J'ai pas de père, moi, répliqua-t-elle. Sois pas jaloux.

Elle en avait souffert longtemps de cet état de faits. Elle avait cherché son père dans tous les visages de la Nouvelle-Orléans, lorsqu'elle était petite, décrétant de temps en temps un géniteur parmi les hommes qu'elle connaissait. Une fois, cela avait été un boulanger de Trémé parce qu'il lui donnait toujours un pain au chocolat en plus quand elle venait acheter le pain pour ses grands-parents, une autre fois, cela avait été un lointain Lavespère de Bâton-Rouge en visite à la Nouvelle-Orléans qui lui avait raconté son voyage en Australie et lui avait donné une jolie photographie de paysage de Sydney qu'elle avait épinglé sur son mur en arrachant un peu son papier-peint délavé. Longtemps, elle avait rêvé que c'était le père d'Abel, qui était toujours si gentil avec elle, qui la ramenait toujours chez son grand-père lorsqu'il la trouvait en train de traîner dans les rues tard le soir, parce que sa mère n'était pas rentrée depuis quelques jours. Et puis un jour, Isobel avait tout simplement arrêté de chercher, décrétant qu'elle se débrouillait très bien sans père - voire sans mère - et avait arrêté d'y penser. Elle ne le trouverait jamais et même si c'était le cas, qui serait ravi de voir débarquer dans sa vie une fille abandonnée avant même qu'elle ne voie le jour ? Elle avait grandi sans père, un peu laissée à elle-même mais pas seule, même si elle le pensait adolescente. Elle avait eu des grands-parents aimants, des oncles, des tantes, des cousins. Elle avait eu Abel. Penser à tout cela ne fit que la ramener à la Nouvelle-Orléans et elle se sentit de nouveau un peu mal alors que la présence de Roy lui faisait du bien. Elle enfouit un peu plus ses mains dans le pelage épais de son chat, sentant le ronronnement qui émanait doucement de lui, son apaisant.

- J'ai de très proches amis américains, retoqua-t-elle. Logan Vargas et Jack Haynes, tu devrais les rencontrer un jour, on se connaît depuis plus de dix ans.

Elle était tout de même plus proche de Roy qui connaissait une partie de sa vie que le reste du monde ignorait. Malgré cela, elle ne disait pas tout à ce dernier, comme ce projet de retour à la Nouvelle-Orléans, qu'elle lui taisait sciemment depuis tout à l'heure... C'était quelque chose qu'elle ne pouvait pas confier, comme l'étendue de sa détresse. Elle n'y arrivait tout simplement pas, c'était plus fort qu'elle. Elle ne pouvait jamais s'ouvrir complètement, accorder sa confiance sans la moindre faille, même aux gens qu'elle aimait le plus. La nature première d'Isobel était farouche et elle revenait à la première difficulté. Pour autant, ce soir, elle lui avait de nouveau parlé de choses qu'elle avait gardé pour elle durant des années, comme ce qui s'était vraiment passé à Los Angeles. Ce n'était pas anodin qu'elle le lui raconte, alors qu'elle ne l'avait jamais fait. Elle ressentait presque un sentiment d'urgence, comme si le temps lui manquait pour ce genre de choses. Elle n'était pas certaine de revenir de la Nouvelle-Orléans, pour des raisons variées - et qui la terrifiaient - et elle saisissait l'occasion. Elle n'aimait pas faire dans le pathos ou le dramatique, mais gardait à l'esprit cette idée. Alors, elle en profitait, un peu. De la présence de Roy, de son appartement ici, de sa vie encore en Angleterre, de son chat sur ses genoux et de son ami qui la faisait rire, et qui restait auprès d'elle, et qui tenait à elle.

- J'ai peut-être fouillé un peu aussi...

Son air féroce la fit rire et elle regarda quelques secondes avant de détourner la tête, retirant la patte de Sorbier qui déployait ses griffes sur son jean, jusque contre la peau de sa cuisse. Ce fut le geste de Roy, posant ses doigts sur son front, qui lui relever la tête.

- Si tu savais, répondit-elle quand il affirma que c'était de l'acier, dans son esprit.

S'il savait à quel point ce n'était plus le cas, ces derniers temps... A quel point elle était découragée, fatiguée, vidée. Effrayée. A quel point elle maintenait les apparences alors qu'elle avait l'impression que tout s'écroulait. A quel point l'idée de retourner à la Nouvelle-Orléans lui retournait le cœur, à quel point elle avait l'impression qu'il ne restait plus rien d'elle, qu'elle était redevenue cette gamine effrayée au bord de la fuite, au bord de la chute. Mais Isy ne dit rien, lui sourit et rebondit, comme si de rien n'était. Comme si c'était de l'acier.

- Je ne vois pas de quoi tu parles, tu n'es pas grossiste en potions ?

Évidemment, Isobel Lavespère tirait toujours leçon de ses erreurs, c'est pourquoi elle était dans un tel pétrin actuellement.

- Fais gaffe avec mon nom, tu auras intérêt à le prononcer correctement à mon enterrement, mon esprit viendra te hanter sinon, lança-t-elle cyniquement.

Et peut-être qu'il avait intérêt à s'entraîner plutôt rapidement, savait-on jamais. Culpabilisant légèrement, Isobel se redressa et décala Sorbier de ses genoux, qui s'empressa d'aller se vautrer sur ceux de Roy, y laissant quelques poils au passage. Elle eut un léger soupir en fixant son chat, s'en voulant de ne pas l'emmener avec elle à la Nouvelle-Orléans si elle partait. Il serait mieux ici, elle lui laisserait de quoi manger, elle enchanterait sa gamelle pour qu'il se remplisse, et de quoi boire. Et si jamais elle ne revenait pas, on saurait le trouver... Elle laisserait ses clés à Roy, décida-t-elle. Sans qu'il ne le remarque, mais assez pour qu'il puisse s'en servir au cas où. Elle se doutait bien que si les choses devenaient compliquées et qu'elle ne remettait pas un pied au Ministère après la fin officielle de ses congés, on la chercherait. Elle faisait assez confiance à son ami pour retirer de son appartement ce qui pourrait la compromettre : elle ne lui avait pas montré sa cachette pour rien.

- Tu veux que je te dise un truc ? Quand j'étais petite, on m'appelait Isy Louise. Isy Lou, même. Allez, ris, je sais que t'en as envie !

Pourquoi elle le disait ? Pour la même chose que le reste. Parce qu'elle avait peur.


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Roy Calder
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At wit's end [Isobel & Roy] Icon_minitimeVen 27 Jan 2017 - 16:55
« Mais quand tu veux ! Je suis curieux de rencontrer d’autres étranges spécimens américains comme toi, qui vont commencer à râler sur le fait que les anglais font le meilleur thé du monde, lança Roy lorsqu’elle évoqua un certain Logan et un Jack. Même si j’espère pour toi que tu me fais pas d’infidélités amicales sous prétexte qu’il y a un océan entre eux et moi ! » ajouta t-il en feignant de se draper dans son indignation.

Il lui semblait qu’il était pour Isobel son ami le plus proche et cela lui convenait bien, mais au fond, il ne pouvait supposer ça que pour ses connaissances en Angleterre. Il ne savait que peu de choses de sa vie passée ou présente en Amérique, même s’il apprenait de plus en plus d’éléments ces derniers mois. L’arrivée impromptue de ce Laveau avait eu le mérite de leur faire passer une étape dans leur confiance mutuelle, Isobel se confiait davantage à lui, sur des choses encore plus personnelles qu’avant, et Roy appréciait être son premier confident.

Aussi, lorsqu’elle lui révéla ce qu’elle avait vécu à Los Angeles, il sut qu’il était probablement le seul à qui elle avait confié ses inquiétudes, même si elle en plaisantait plus qu’autre chose. Roy ne se faisait pas trop de souci, si elle était retournée plusieurs fois aux Etats-Unis sans qu’il ne lui arrive rien, soit l’homme qu’elle avait dupé ne parvenait pas à retrouver sa trace, soit il était passé à autre chose. Autre option, il était mort ou déchu de son gang et de ses moyens. Dans tous les cas, si vengeance il avait pu obtenir, ce serait déjà fait. Alors, Roy en plaisanta avec elle aussi, et il secoua la tête lorsqu’elle évoqua son enterrement :

« Ok, alors laisse-moi au moins cinquante ans avant d’envisager ton enterrement, parce qu’il va me falloir plein d’exercice ! »

Et parce qu’il n’était pas prêt de la laisser partir si tôt, surtout pas assassinée dans une ruelle sombre par un membre de son aimable famille. Il lui faisait confiance pour ne jamais en arriver là, après tout, Isobel avait toujours su se sortir de mauvais pas, dans maintes situations délicates, plus nombreuses que Roy ne le soupçonnait jusqu’à maintenant. Il fut tiré de ses réflexions par Sorbier qui bondit sur ses genoux, adoptant une posture qui exigeait de toute évidence de l’attention de sa part. Roy le caressa exactement là où il savait que le chat appréciait -il le connaissait bien, à force- qui ronronna de bien-être. Si Isobel en était encore à se poser des questions existentielles, il ne le perçut pas, il crut même qu’elle se sentait réellement mieux lorsqu’elle enchaîna en lui confiant un autre détail, plus amusant à son propos. Cette dernière révélation le ravit, et le fit même rire aux éclats.

« Mais c’est le surnom le plus mignon du monde ! Isy Lou, haha, je vais t’appeler comme ça, maintenant, Isy Lou. On dirait un nom de bébé Boursouf. »

Il continua à la charrier encore, car il n’en avait jamais assez, et leur discussion dériva d’un sujet à l’autre, Roy essayant autant qu’il le pouvait de changer les idées de son amie.

FIN DU RP


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