Pupille noire entourée de blanc [Chloé & Irving]

Trois coups portés sur la porte et son cœur s'emballa. La police ? La Milice ? songea-t-il avant de se morigéner. Les forces de l'ordre n'étaient pas du genre à frapper docilement à la porte de votre appartement pour vous amener à Azkaban. Ce devait plutôt être une de ses sœurs ou alors Klemens ou Juliet qui le croyaient malade. Mieux valait répondre pour éviter qu'ils ne s'inquiètent trop.

Irving rangea son livre de compte - il était passé à Gringotts dans la matinée pour faire un état des lieux de ses finances et retirer un peu de liquidité - puis il fit léviter un plaid sur ses épaules. Avant d'ouvrir, il jeta un bref coup d’œil dans le miroir . Pas besoin de se déguiser davantage pour avoir l'air exténué, constata-t-il en frottant ses yeux rougis. Le visiteur serait surement bref de peur de ramener un hypothétique virus chez lui, songa-t-il en tirant le loquet.

"Chloé ?" s'étonna-t-il en découvrant son ancienne directrice de maison.

Pendant une fraction de seconde il s'imagina que la Milice avait une piste qui remontait jusqu'à lui et qu'Heaven lui envoyait un agent de transit pour fuir immédiatement mais il n'en fut rien. Chloé passait dans le coin, par hasard. C'était bien sa vaine. Il n'avait aucune envie de lui parler et surtout pas des missions de la Salamandre...

"Oh, Et bien...ça tombe mal, j'me traine une sacré crève depuis quelques jours, commença-t-il en s'appuyant contre le montant de la porte, Apparemment c'est viral, expliqua-t-il avant de tousser longuement pour donner corps à ses propos, j'allais r'tourner m'coucher à vrai dire."

Il lui adressa un léger sourire contrit et s'efforça de ne pas ciller du regard en l'observant. Il ne devait rien laisser paraitre de son trouble. Il était malade et il voulait éviter que Lou ou Maeva soient contaminées... Tout simplement.

Irving appuya sa tête contre le montant de la porte quand Chloé s'engouffra dans son appartement sans demander son reste. Il poussa un profond soupir et ferma les yeux quelques instants. Il n'avait pas envie de s'énerver....ou il n'en avait pas la force, il ne savait pas trop.

"Vous pensez vraiment qu'j'me trainerai une tête pareille si c'était du chiqué ? grogna-t-il en désignant sa mine blafarde.

Il n'attendait même pas une réponse de sa part. Il commençait à connaitre Chloé et elle était du genre têtue: Si elle avait décidé de passer ici pour prendre des nouvelles, elle ne partirait pas avant d'avoir obtenue ce qu'elle voulait...

"Si vous ramenez des microbes à Lou faudra pas v'nir vous plaindre ! grommela-t-il en trainant les pieds jusqu'à son petit espace cuisine où il ouvrit une série de placard, J'ai plus qu'du café."

Il n'était pas beaucoup sorti depuis la nuit du meurtre hormis pour  retrouver Nora à Pré-Au-Lard et honorer le rendez-vous fixé par Heaven. A peine ses journées de travail terminées, il rentrait chez lui et passait la nuit à réfléchir. Son appartement n'avait pas vu un sort de nettoyage depuis près de deux semaines et la vaisselle s'entassait dans l'évier mais il ne comptait s'y mettre ce soir. Si Chloé voulait rester tailler la bavette, elle devrait se faire au désordre ambiant !

Alors qu'il se retournait vers son ancienne directrice,  une pensée fugace lui traversa l'esprit et il se demanda quelques instants si elle était au courant. Était-elle assez proche d'Heaven pour être dans la confidence ? Il la jaugea quelques instants du regard et essaya de deviner ce qui pouvait se cacher derrière ses prunelles claires.
Si elle avait su, songea-t-il, elle l'aurait surement déjà étranglé.
Étranglé de rage pour avoir commis l’irréparable et entrainé la Salamandre avec lui, ou étranglé sous une étreinte, comme seule pourrait le faire une mère inquiète pour son enfant.

Les deux restaient envisageables et il y avait aussi le troisième scénario: Celui où, faisant mine de passer à l'improviste elle vienne en vérité lui tirer les vers du nez... Une technique de Serpentard, certes, mais Chloé en était tout à fait capable.Toutefois Irving ne voyait pas pourquoi elle se conduirait de la sorte. Son ancienne directrice ne s'était jamais cachée pour lui dire le fond de sa pensée et il n'y avait pas de raison pour, qu'aujourd'hui, elle prêche le faux pour savoir le vrai...

Écartant cette hypothèse de son esprit, Irving se laissa choir sur un pouf et posa les deux tasses sur la table basse avant d'étudier Chloé du regard.

Même s'il ne prétendait pas rivaliser avec Maeva et Lou dans son cœur, il avait bien compris depuis quelques temps qu'elle ne le considérait pas uniquement comme un ancien élève parmi d'autres...  La réciproque était vraie également, il était bien forcé de l'admettre, et c'est pourquoi il allait mettre tant d'ardeur à lui cacher la vérité.

" Écoutez, c'est pas qu'j'veux pas rester à papoter mais j'uis vraiment vanné en c'moment. J'comprends qu'vous voulez juste prendre des nouvelles mais j'vous en ai déjà donné: J'uis malade. J'vois pas c'que j'peux vous dire d'plus !"

Irving s'apprêtait à s'occuper du thé lorsqu'il fut congédié de sa cuisine par Chloé. En quelques savants coups de baguette elle aéra la pièce, rassembla ses vêtements éparpillés sur le lit et lança un sort de nettoyage pour la vaisselle. L'ancien Gryffondor resta quelques secondes estomaqué par un tel culot. Il ne se serait jamais permis de faire ça à qui que ce soit ! Chloé ne pouvait pas ignorer le fait qu'elle dérangeait -il avait tout fait pour qu'elle le comprenne- et cette insistance était plus que déplacée.  Sous couvert de faire une bonne action pour lui, elle se montrait particulièrement intrusive et perdait tout sens des convenances. Même dans un état normal, Irving n'aurait pas apprécié.

"Pourquoi est-ce que vous me poussez toujours à m'énerver ?" s'emporta-t-il donc,  jetant un sort en direction de l'évier pour annuler le sortilège de récurage.

La vaisselle retomba avec fracas au milieu de la mousse et un verre se brisa au sol.
"Arrêtez" reprit-il," Arrêtez d'imposer vos décisions !" répéta-t-il en s'approchant d'elle." Vous avez peut-être l'impression que vous êtes là pour moi en faisant ça mais vous m'étouffez, vous comprenez , vous m'étouffez !  Laissez-moi respirer un peu ! J'pense pas trop en d'mander, Putain !" cria-t-il avant de secouer la tête d'un air incrédule "...Pourquoi est-ce que vous faites ça ?"

Mais au moment où il posait cette question, il se rendit compte qu'il avait déjà la réponse. Chloé était inquiète: Inquiète au point de s'imposer chez lui coûte que coûte pour avoir des nouvelles, perturbée à l'idée de le laisser seul. Angoissée. Frappé par ce constat, Irving se raidit, le sang quitta son visage et ses prunelles bleus cherchèrent celle de Chloé pour y lire ce qu'il redoutait le plus .

Heaven avait parlé, il en était quasiment sûr à présent. Celui qui leur rabattait les oreilles à longueur de réunions avec la nécessité de rester anonyme avait tout balancé. C'était clair. Limpide. Il n'y avait pas d'autre explication pour justifier le comportement envahissant de Chloé. Elle savait quelque chose et ce qui était revenu à ses oreilles l'avait assez alarmée pour qu'elle compromette sa place stratégique au sein de la Salamandre en venant le voir chez lui.

"Qu'est ce qu'il vous a dit ?" souffla alors Irving sans prendre la peine de préciser qu'il parlait du chef de la Résistance, "Chloé" poursuivit-il sur un ton radouci en l'attrapant par les épaules, Pourquoi êtes-vous venue ?"

Il devait l'entendre de sa bouche car il avait engagé sa parole auprès d'Heaven et surtout de Nora. Il avait promis: Il ne révélerait rien.

Chloé ne voulait rien lâcher pourtant elle semblait tout à fait au courant de ce qui s'était passé, Irving le percevait.  Ce comportement étrange et intrusif, cette inquiétude. Elle en savait plus que ce qu'elle voulait bien laisser croire. Elle ne l'aurait pas accusé de mentir si elle n'avait eu que de simples soupçons. Chloé l'acculait pour qu'il parle mais que cherchait-elle à faire avec son interrogatoire ? Le pousser à la faute ? Faire en sorte qu'il révèle ce qu'il avait juré de taire ?

Heaven était dans la confidence et s'était déjà une personne de trop, Irving ne pouvait pas se permettre de s'épancher auprès de son ancienne directrice de maison. Il la scruta d'ailleurs quelques secondes tandis qu'elle revoyait sa stratégie pour le contraindre à la confidence et le ton doucereux qu'elle employa lui donna envie de vomir.  Après son sous-entendu à peine voilé, voila qu'elle changeait sa baguette d'épaule en jouant la carte de la complicité...

Irving ferma les paupières et secoua la tête lentement.
Il ne parlerait pas, quand le comprendrait-elle ?

C'était contraire à tous ses principes: Les engagements pris auprès de la Salamandre mais surtout la promesse qu'il avait faite à Nora. Puisque Chloé voulait savoir ce qui s'était passé, elle n'avait qu'à quémander des informations auprès d'Heaven.
Ou de Scarlett, songea-t-il subitement.
A bien y réfléchir s'était peut-être elle qui avait vendu la mèche: Elle était censée remettre au chef de la Salamandre le parchemin trouvé sur Dalhiatus. Irving lui avait bien précisé qu'il s'agissait d'un document confidentiel mais sa vieille collègue était de nature curieuse.

Le regard d'Irving se perdit dans la contemplation de son appartement tandis que les pièces du puzzle s'assemblaient dans son esprit: Scarlett était le maillon faible de l'équation et elle n'en était pas à son premier coup d'essai. Sa binôme avait déjà grillé sa couverture quelques mois plus tôt en l'appelant par son véritable prénom lors d'une mission. Elle ne respectait pas les règles de sécurité et  connaissait très bien la famille Hellsoft... C'était évident: La vieille sang-pur avait lu le parchemin puis informée Chloé.
L'ancien Gryffondor se pinça l'arrête du nez et  jugea qu'il était important d'informer Heaven de cette potentielle fuite.  Et vite. Sa propre sécurité était en jeu. Il devait solliciter un rendez-vous dès ce soir mais avant cela, il devait s'occuper de Chloé.

"Écoutez, ce n'est quand même pas moi qui vous vous apprendre les règles de sécurité, lâcha-t-il alors, on ne parle pas des missions avec des membres qui ne sont pas directement concernés ." lui rappela-t-il en fomentant son mensonge:
"Je parlais juste de Jason Calder. Je pensais qu'il vous avait dit qu'j'étais responsable du bug de cheminée que vous avez eu au département des Mystères en début de semaine."
Il planta son regard bleu dans celui de Chloé. Lui aussi il pouvait mentir et se montrer aussi peu convainquant qu'elle.

"Quoiqu'il en soit vous n'pouvez pas venir, comme ça, chez moi, parce que vous avez soit disant un mauvais pressentiment, expliqua-t-il, comme vous ne pouvez pas me faire transplaner à l'autre bout de l'Angleterre parce que la réaction que j'ai ne vous plait pas, ajouta-t-il en faisant référence à la fois où ils s'étaient croisés dans une planque de la Salamandre.

Irving poussa un bref soupir et ajouta:
"Je ne sais pas comment vous l' dire, gentiment, mais je supporte plus ce genre d'réaction. Si vous n'arrivez pas à vous maitriser j' vais être obligé de prendre mes distances avec  vous...  Parce que c'est plus possible pour moi... J'comprends qu'vous puissiez être inquiète mais...là c'est trop."
Il ne lui révélait pas cet état de fait uniquement pour la faire fuir, il le pensait réellement. C'était surement cela le plus triste dans cette histoire.

Il ne servait plus à rien de nier l'évidence. Chloé était au courant pour Dalhiatus. L'ancien Gryffondor secoua la tête quand elle le traita de "brave guerrier solitaire" avec un mépris qu'il ne lui connaissait pas:

"Quand allez vous comprendre que je ne suis pas seul, Chloé ! répondit-il, Je suis allé voir la bonne personne pour gérer la situation dans laquelle je me suis fourrée, d'accord ?!  J'ai fait ce qu'il faut !"

Il avait alerté Heaven immédiatement  sans en parler à qui que ce soit d'autre. Il avait suivi ses conseils et il était resté en contact avec lui régulièrement depuis.  C'était le chef de la Salamandre qui avait insisté pour que Scarlett serve de messager dans cette histoire... Irving n'aurait jamais dut accepter. C'était elle qui avait tout balancé à Chloé. Il n'y avait pas d'autre scénario possible et voila qu'il se retrouvait à devoir se justifier devant elle.

"Sauf que la bonne personne, ce n'était -et ce n'est- pas vous, lâcha-t-il finalement en s'asseyant sur le bord du lit, c'est ce qui vous ennuie en fond."
Il ne voyait pas d'autres explications à la réaction illogique de Chloé. Elle aurait dû être satisfaite qu'il ne vienne pas la trouver en plein milieu de la nuit, la mêlant de ce fait au meurtre du numéro deux du gouvernement. Il avait géré ça au mieux, il en était persuadé.
Il poussa un long soupir, lassé par cette conversation qui ne rimait à rien et quand Chloé affirma qu'il n'aurait jamais du connaitre ses implications dans la Salamandre il lui répondit d'un ton amer:
"Allez vous plaindre à votre copine Scarlett."

Tout était de sa faute à elle, estimait-il. Irving était toujours prompt à assumer sa part de responsabilité. Il était l'unique coupable dans le meurtre de Dalhiatus et il ne cherchait pas à ce dédouaner. Par contre il n'était pas responsable des erreurs de Scarlett qui l' avaient amenés à avoir cette discussion avec Chloé ce soir.
Agacé, le Gryffondor se massa les paupières quelques secondes mais lorsqu'il rouvrit les yeux, il vit que  la situation avait prit un tour inattendu: Chloé pointait sa baguette droit sur lui. Il se figea instantanément, la main toujours à quelques centimètres de son visage avant de froncer les sourcils:
"Mais qu'est ce que vous faites putain ?" s'enquit-il, complètement sidéré, Vous avez perdu la tête ?"
Il soutint quelques secondes son regard, essayant de deviner ce qui pouvait bien se passer dans la tête de Chloé à cet instant précis mais rien ne filtrait derrière son regard bleu.

"Personne ne m'a rien fait voyons, lâcha-t-il, incrédule, Vous débarquez chez moi pour me braquer et c'est à moi de rendre des comptes ?"
Irving n'y comprenait plus rien mais il se força à réfléchir pour appréhender au mieux cette urgence. D'abord Chloé venait chez lui pour soit disant prendre des nouvelles et cela se terminait par une baguette pointée droit sur lui. Il pouvait comprendre la crainte de Chloé, elle était parfaitement légitime,  c'était surement ça d'ailleurs qui l'avait poussé jusqu'à chez lui ce soir, cachant sa motivation première derrière de fausses bonnes intentions. Au fond c'était logique mais cela déstabilisait encore un peu plus l'ancien Gryffondor: S'il lui avait suggéré de prendre ses distances c'était justement pour éviter ce genre de situation. Il ne cherchait qu'à les protéger l'un de l'autre et voila que la situation s'envenimait à un point qu'il n'aurait jamais pensé:

"Vous croyez qu'j'vous ai balancé, c'est ça ? finit-il par demander,  Ou que j'le fasse ? Il secoua la tête, Qu'est ce que vous voulez que j'vous dise ? Vous m'tenez en joue, alors comment pouvez-vous accorder l'moindre crédits à mes propos, quel qu'ils soient. "
Il se tut et finit par écarter les bras en croix:
"Faites c'que vous avez à faire, jetez-le cet oubliette à moins que vous préfériez quelque chose d'un peu plus radical..."lâcha-t-il sans vraiment croire à ce qu'il disait. Pour lui, c'était inconcevable que Chloé aille au bout de cette démarche...Du moins l'espérait-il.

"Vous êtes donc prête à m'condamner à mort pour assurer votre sécurité ? Whaou." lâcha-t-il, proprement abasourdi.

Un serment inviolable ce n'était pas rien. C'était le genre d'engagement que l'on ne prenait pas à la légère. Généralement les deux concernés discutaient des termes d'un tel contrat et s'y engageaient volontairement mais Chloé, elle, préférait le lui imposer. Egoïstement. Comme si sa survie à elle était plus importante que la sienne...
Il avait toujours prit sa défense face à ses détracteurs. Il se souvenait encore des conversations qu'il avait eu avec Cassandre, persuadé qu'il était celui des deux qui avait la vision la plus juste de leur ancienne directrice de maison. Quand les autres l'imaginaient froide et insensible, il était de ceux qui répondaient que ce n'était qu'une façade mais aujourd'hui, il n'en était plus si sur .

"Vous pensez qu'il faut me menacer pour que j'accepte, c'est ça ? "Meurs pour moi ou j' te dénonce" , résuma-t-il, en gros, y a qu'ça comme possibilité ... "
Il secoua la tête, dépité.

"Ça vous vient même pas à l'esprit qu'vous auriez pu m'le d'mander plutôt qu'de m' l'imposer ?" s'enquit-il alors en reportant son attention sur elle.

S'il avait voulu prendre ses distances avec Chloé c'était uniquement pour éviter de la mêler à cette sombre histoire dans laquelle il s'était embourbé. Il comprenait sa situation, surement mieux que personne: Elle avait une famille, deux filles, dont une en bas âge. Son souhait de rester anonyme était parfaitement légitime et compréhensible. Irving était le parrain de Lou  et il savait que si Chloé se faisait prendre à œuvrer contre le régime, ses hautes fonctions au Ministère l'accableraient plus qu'elles ne la sauveraient. Elle était inquiète, surement terrorisée à l'idée d'être confondu. Irving ressentait cette pression lui aussi, nuit et jour, mais cette angoisse ne l'autorisait pas à tout. Et surement pas à contraindre ses proches au silence. Jamais.

"C'est bon, j'y s'rais, lâcha-t-il toutefois en relevant le menton, "Mais vous méprenez pas, après ça j'veux plus avoir à faire à vous, ni à Scarlett." Cracha-t-il en vrillant ses pupilles bleues dans celles de Chloé, C'est terminé."

Ill'observa un moment avant de la contourner pour aller ouvrir la porte:

"Maintenant, sortez de chez moi."

Il voulait qu'elle s'en aille, tout de suite. Il ne pouvait plus supporter de la voir ici.
Après avoir refermé la porte derrière elle, il appuya son front contre le chambranle, tentant de dompter les émotions contradictoires qui l' assaillaient. Les jours passaient et son monde s'écroulait inexorablement. Rien ni personne ne pourrait empêcher sa chute si même ses proches participaient à l'enfoncer encore davantage, constata-t-il, la gorge serrée.

Dans un excès de désespoir, il enfonça brutalement son poing dans la porte qui craqua sous l'impact. La douleur le fit gémir et reculer de plusieurs pas et il resta immobile quelques instants à observer le battant. Ce bruit et cette sensation irradiante dans les phalanges l'avaient ramené durant une fraction de seconde dans l'obscurité de la foret interdite...

Ce fut à ce moment là, seulement,  que les premières larmes dévalèrent ses joues. Des larmes de colère, de tristesse et de peur mêlés qu'il ne chercha même pas à endiguer, car, au fond,  il le savait: Plus rien de bon ne pourrait advenir désormais.