Blow Me One Last Kiss [James, Marlene, Kessy]

Les yeux fixés sur la page 37 des Hauts de Hurlelune, Kessy était plongée dans d'obscures réflexions qui n'avaient pas grand chose à voir avec la destinée de Feodor. Son attention était toute entière portée sur la révélation fracassante que lui avait fait sa mère pendant les vacances de Noël, suite à un harcèlement constant et intense de sa fille sur une durée de six mois. Comment pouvait-elle penser à autre chose ? Comment pouvait-elle se concentrer sur ses cours ou, plus important, son apparence et sa vie sentimentale alors qu'une telle bombe venait de lui tomber dessus ? Un nom. Sa mère n'avait lâché qu'un nom, sans même savoir à quel point il allait bouleverser sa vie à jamais...

Elle avait un père. Elle avait un papounet. Et pas n'importe lequel, ça non ! Son père n'était autre que Leopold Marchebank, leader charismatique du FREE, Ministre de la Magie... et dictateur. Dictateur était le nom qui revenait le plus souvent dans les couloirs de la Tour de Gryffondor, lorsque les membres des Jeunesses n'étaient pas dans les parages, il va sans dire. Dictateur. Elle était fille de dictateur. Elle avait le sang d'un tel homme dans ses veines, elle partageait ses gênes, elle était... Merlin ! Elle était la fille d'un homme politique de Serpentard, ambitieux, audacieux, autoritaire, un homme qui avait placé des villes entières sous couvre-feu, qui avait fait passer les lois les plus progressistes du pays depuis des années, un homme d'affaire rompu et probablement millionnaire, et... MERLIN ! Elle était héritière d'une partie de la fortune Marchebank ! Aaah !!! Elle, la fille d'une petite serveuse moldue qui était tombée enceinte quand elle était - trop - jeune et avait décidé de la garder quand même, ignorant totalement qu'elle était dotée de pouvoirs magiques... Elle, la jolie Kessy sans cervelle, Gryffondor jusqu'au bout des ongles et  totalement dénuée d'ambition, comment pouvait-elle être la fille d'un homme pareil ?

Il fallait qu'elle en parle à quelqu'un, avant qu'elle ne devienne complètement tarée, comme cette fille de Serdaigle qui avait tellement travaillé pour ses ASPICs qu'ele avait fini par faire un burn-out et par lancer des sortilèges à tous les livres de la bibliothèque. Mais à qui ? Certainement pas à ses amies, elle les a-do-rait littéralement, surtout sa besty, Kalamity, mais... Comment réagiraient-elles ? Elle n'osait pas. Kessy voulait en parler à quelqu'un de confiance, quelqu'un qui la connaissait suffisamment et avec qui elle se sentait assez intime pour lui en parler tout en sachant qu'elle ne serait pas jugée et, surtout, que son secret ne serait pas divulgué. Mais qui ?

L'entourage de Kessy se divisait en cinq catégories. Les Keupines, les Garces, les Ex, les Futurs-Ex, et les Invisibles. Personne de très réjouissant, donc... Elle en était à ce stade de ses réflexions lorsque l'univers vint lui prouver tort. La porte de la Salle des Quatre Maisons s'ouvrit pour laisser passer Marley l'Invisible et... Mais oui ! Un hors-catégorie !! Contrairement à ce que l'on pouvait penser, Kessy ne rangeait pas James Carter dans la catégorie des Ex. Oh, officiellement, si : elle se fichait de ce cafard insignifiant qui ne savait pas ce qu'il perdait en la quittant - et en la remplaçant avec une Invisible, quelle idée ! C'était bien un Poufsouffle ! Mais en réalité, Kessy avait été bien plus touchée par cette rupture qu'elle ne voulait l'admettre et elle était loin d'afficher autour de James le même dédain que lorsqu'elle parlait de lui à ses amies. Ils étaient d'ailleurs restés en bons termes et elle réalisa à cet instant que la seule personne à qui elle avait envie de parler de son père, c'était lui.

Seulement voilà, il y avait Marley. Bah ! Quelle importance ! Elle n'avait qu'à faire comme si elle n'était pas là. James serait probablement ravi qu'elle le débarrasse de cette pauvre tâche qui le collait constamment depuis quelques temps. Peut-être même que James serait attendri par son récit familial et accepterait de se remettre avec elle ! Sautant sur l'occasion, Kessy bondit sur ses jambes et fit claquer ses talons jusqu'à James, étirant ses lèvres pulpeuses en un large sourire.

"Jaaames ! Quel plaisir de te voir ! Comment ça va ?", s'exclama-t-elle en arrivant à sa hauteur. Glissant ses mains sur ses épaules, elle déposa deux bises sur ses joues, se félicitant d'avoir mis son nouveau parfum, Vaudoo, le matin même. 

"Ecoute, il faut a-bso-lu-ment que j'te parle ! Ca fait longtemps qu'on n'a pas passé un moment tous les deux..."

Son index se promena sur le torse du jeune homme et elle esquissa un sourire en coin, tout en plantant son regard ténébreux - Ombre à paupières Dark Magic - dans celui de James. Ignorant totalement Marlene, dont elle avait de toute façon oublié la présence, elle sussura :

"Ca me manque, nos discussions, pas toi ?"

"Ah non, on ne reparle pas de cette feuille disparue, on sait très bien comment ça va se finir !" lança James avec un sourire en coin, avant de passer un bras par dessus les épaules de sa petite-amie et de l'embrasser sur la tempe.

Marlene et lui étaient en couple depuis plusieurs semaines maintenant, et passaient la moitié de leur temps à se chamailler. Souvent, on demandait à James s'il n'était pas lasser de se disputer sans cesse avec sa petite-amie. Étrangement, la réponse était non. Déjà, parce qu'ils ne se disputaient pas réellement - ils se chamaillaient, et c'était complètement différent. Et ensuite, parce que leurs petites joutes verbales l'amusaient la plupart du temps. Leurs moments de tendresse n'en étaient que plus forts, et plus particuliers, et c'était ce que James appréciait particulièrement dans leur relation. Et puis, le jeune homme le savait bien, lui, qu'il ne l'avait pas perdue, cette fichue feuille.

Le jeune couple passa les porte de la salle des quatre maisons, observant la pièce à la recherche d'un canapé sur lequel s'installer. S'il n'avait pas été préfet-en-chef, James n'aurait sûrement jamais passé autant de temps dans cette salle, probablement parce qu'elle abritait souvent les réunions des Jeunesses, et que ce n'était pas exactement l'organisation qu'il appréciait le plus au monde. Mais en tant que préfet-en-chef, il était obligé de veiller à ce que tout se passe correctement, et sans écart de conduite quelconque. Et puis, cette salle avait du bon, puisqu'elle lui permettait de retrouver ses amis dans un autre lieu que la Grande Salle...

De ses amis, justement, il y en avait une qu'il aurait préféré ne pas croiser lorsqu'il était en compagnie de Marlene, et elle s'appelait Kessy Brooks. Son statut d'ex rendait forcément toutes les situations un peu gênantes, et la Gryffondor n'était pas connue pour être la personne la plus subtile de Poudlard. Elle arrivait justement vers eux, et plaqua deux bises sur les joues de James, occultant complètement Marlene, qu'il tenait maintenant par la main.

"Ça va, ça va." répondit-il en se raclant la gorge, un peu gêné.

Mais Kessy - fidèle à elle-même - enchaîna directement, visiblement impatiente de lui dire quelque chose. James allait approuver puisqu'il ne voyait, en soi, aucune raison de refuser de lui parler, lorsqu'elle se mit à promener doucement son index sur son torse, lui susurrant dans un même temps que leurs discussions lui manquaient. Le jeune homme haussa les sourcils, perturbé par la situation. Il y avait Kessy, son ex, face à lui, et Marlene, sa petite-amie, à côté de lui. Cette dernière avait d'ailleurs retiré sa main de la sienne, et James n'avait pas grand mal à imaginer la tête qu'elle devait faire à ce moment précis.

Le Poufsouffle n'avait pas envie de vexer Kessy, qu'il s'était efforcé de garder comme amie après leur rupture. Mais, même s'il ne comprenait pas toujours ces créatures étranges qu'étaient les filles, il savait bien que Marlene avait toutes les raisons d'être vexée s'il ne réagissait pas. Et puis, même, cela le gênait, que Kessy agisse comme ça devant Marlene, et qu'elle agisse comme ça avec lui tout court. Il recula d'un pas, et se passa une main dans la nuque.

"Eh bien, euh, oui, on pourra discuter, un de ces jours." lâcha James en reprenant la main de Marlene dans la sienne. "Sinon, hum, comment vas-tu ? Qu'est-ce que tu fais de beau dans la salle des Quatre Maisons ?" demanda-t-il avec un sourire un peu incertain, faisant attention à mettre un peu de distance entre Kessy et lui, et se rapprochant légèrement de sa petite-amie.

- Elle n'a pas disparu, répliqua Marlene, tu l'as perdue !

Non mais. Elle ne perdait jamais rien. Son système de classement aurait pu faire pâlir de jalousie les Services Secrets de Sa Majesté et elle était de toute manière persuadée de l'avoir glissée dans le sac de James un soir. Ce n'était tout de même pas de sa faute s'il ne faisait pas attention à ses affaires ! Et comme son petit-ami campait autant sur ses positions qu'elle... Abandonnant la bataille pour cette fois - mais rien que pour cette fois - Marlene laissa James passer un bras autour de ses épaules et elle lui adressa un sourire tandis qu'ils se dirigeaient vers la Salle des Quatre Maisons. Cela faisaient quelques semaines qu'ils étaient ensemble et ils commençaient à trouver leurs marques, s'installant dans une relation qui la rendait réellement heureuse. Elle n'aurait pas pensé pourtant, au vu de la conflictualité qui pouvait les animer parfois mais ils étaient bien. Être avec quelqu'un était différent - sur tous les plans - des bouquins qu'elle dévorait assidument mais c'était étonnamment mieux. La vie avait certains charmes que les mots ne pouvaient retranscrire.

Ils venaient de pousser la porte de la Salle des Quatre Maisons - qui avait eu beaucoup de succès pour le grand plaisir de Marlene - et cherchaient un canapé pour s'installer quand une vision qu'elle aurait préféré éviter se planta devant ses yeux. Elles avaient beau être dans la même classe depuis sept ans, Kessy Brooks et elle ne se connaissaient pas. Elle doutait même que sa camarade connaisse son prénom alors bon... Ce qu'elle savait néanmoins, ce que toute l'école savait, c'est que Kessy et James étaient sortis ensemble assez longtemps l'année dernière. Kessy Brooks était le genre de filles que Marlene méprisait, admirait et jalousait à la fois. Elle était si sûre d'elle, si confiante et populaire, appréciée de tous... Mais elle était aussi un peu superficielle et pas forcément très futée, du moins, estimait la jeune préfète-en-chef. Elle l'observa déposer deux bises sur les joues de James avec un grand sourire, un peu mal-à-l'aise.

Pour être tout à fait honnête, Marlene ne savait pas vraiment comment son petit-ami avait pu passer de Kessy - qui était si jolie et appréciée - à elle, qui ne se trouvait ni jolie ni appréciée. James aurait pu sortir avec plein de filles à Poudlard, plein de filles bien mieux qu'elles et Kessy en était le piquant rappel. Et elle était là, à minauder devant lui, papillonnant des paupières. Le summum fut l'index qu'elle promena sur le torse de James en lui rappelant leurs conversations communes, d'un air plein de sous-entendus. Comme brûlée, Marlene retira brusquement sa main de celle de son petit-ami, reculant d'un pas. Kessy faisait plus que de ne pas connaître son nom, elle ignorait complètement sa présence, comme si elle était invisible. Pourtant, elle ne pouvait pas l'ignorer, les rumeurs sur leur relation étaient allées bon train à partir du moment où les gens avaient commencé à comprendre qu'ils étaient ensemble. Alors pourquoi faisait-elle comme si elle pouvait encore flirter avec James comme si de rien n'était ?

Le fait que James se rapproche d'elle en reprenant sa main dans la sienne l'apaisa quelque peu et elle leva les yeux vers lui l'espace d'un instant, un peu ragaillardie. A bien écouter son petit-ami, il ne semblait pas non plus très à l'aise et c'était plutôt réconfortant de voir qu'il n'avait peut-être pas très envie de flirter avec son ex petite-amie. Elle avait confiance en James, évidemment, mais... C'était Kessy Brooks. Tous les garçons de Poudlard voulaient sortir avec Kessy Brooks. Enfin... Tous les garçons ne s'étaient pas séparés de Kessy Brooks. James, si. Et il sortait avec elle, désormais. Cette pensée lui redonna un peu d'aplomb et elle reporta son attention vers Kessy, bien décidée à rappeler sa présence.

- Tu cherchais quelqu'un avec qui parler ? J'ai cru voir Kalamity Chambers tout à l'heure, du coté de la bibliothèque. C'est au quatrième étage, précisa-t-elle. Deux grandes portes en bois, une atmosphère studieuse.

Car oui, Kessy était jolie. Mais on ne pouvait pas tout avoir.