Le deal à ne pas rater :
Funko POP! Jumbo One Piece Kaido Dragon Form : où l’acheter ?
Voir le deal

Et ce que tu devrais faire, c'est parler à ton frère [Adrian & Roy]

Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
Messages : 2891
Profil Académie Waverly
Et ce que tu devrais faire, c'est parler à ton frère [Adrian & Roy] Icon_minitimeMer 24 Sep 2014 - 18:12
26 septembre 2008


Ce n’était pas la première fois que Roy se retrouvait impliqué dans des échauffourées. Qu’elles soient si exceptionnellement violentes, et fassent l’objet d’une telle répercussion médiatique, en revanche… Cela avait presque été plus simple de se sortir de là que de faire face à la vague de panique que leur combat de rue avait suscité, dès le lendemain. La presse en avait fait un tel étalage, pas même mensonger ou exagérateur pour une fois, les faits avaient réellement été horribles. Dans ces cas-là, le problème, entre autres, était d’en parler à ceux qui n’avait pas vécu la catastrophe. De rassurer ses proches, surtout. C’était une chose que Roy détestait faire, lui qui s’était toujours arrangé pour que sa famille ait le moins de précisions possible sur ce qu’il faisait de ses journées. C’était plus simple ainsi. Il n’avait aucune envie que sa mère, son père, ou n’importe quel autre membre de sa famille ne sache qu’il s’était battu avec telle ou telle raclure. C’était le genre d’information qu’il passait volontairement sous silence, surtout s’il en ressortait blessé. Il ne souhaitait pas les inquiéter.

Malheureusement, il était difficile de nier ce dont la presse faisait ses unes, ces derniers jours. Dès le lendemain, il était parti rendre visite à Eden, pour vérifier qu’il ne lui était rien arrivé. Là-bas, il y avait croisé Elena et Victor Calder, non accompagnés de leurs enfants, heureusement. Inquiéter Irina ? Supporter les reproches de Jason ? Pire encore, tourmenter Adrian ? Non, merci. Ce fut déjà bien assez compliqué de s’expliquer, bien assez difficile de faire face à l’affolement mêlé de colère ô combien compréhensible de ses parents. Roy avait conclu l’entretien sur des mots volontairement froids, pour qu’on le laisse tranquille. Il allait bien, non ? Il n’était ni mort ni amputé, par Merlin. Que croyaient-ils ? Que c’était la première fois pour lui ? C’était le monde dans lequel il vivait depuis huit ans. Il ne s’en portait pas si mal, il gérait, comme il aimait le dire, comme la conclusion à toute conversation trop insistante. Il se garda bien évidemment de révéler les sévices qu’il avait subis ou la cicatrice qui lui striait le bras comme marque d’un duel. Nul besoin de s’y attarder, tout ceci partirait, avec le temps.

Roy était bien plus marqué qu’il ne voulait bien l’admettre, et cela commençait par son attitude, plus taciturne. Il avait tué, cette nuit-là. Roy trempait dans l’illégalité, mais contrairement à ce que certains pouvaient s’imaginer, Roy n’avait jamais tué. Il se le répétait souvent, il l’avait même dit, il était un commerçant, pas un tueur. Il n’était pas un adepte de la violence gratuite et sanguinaire. Tant qu’on ne lui cherchait pas de noises, il n’en cherchait pas non plus. Au pire des cas, quand c'était nécessaire, il amochait son adversaire plus ou moins sévèrement. Mais il n’allait pas jusque prononcer lui-même les deux mots interdits, pour mettre froidement fin à la vie d’un homme… Il pouvait clamer à la légitime défense, à raison, cela ne changeait rien. De dealer un peu douteux, il était passé à meurtrier, ce qui était un tout autre stade de la criminalité, qu’il n’aurait jamais pensé atteindre. Ce geste, cette « première fois » ne pouvait pas rester sans traces. C’était une tâche de plus dans le coeur déjà peu blanc de Roy, une tâche qu’il craignait de voir l’entraîner dans un tout autre gouffre que celui dans lequel il était déjà plongé… Parce qu’il sentait qu’il changeait, et cela l’effrayait, au plus profond de lui. Il sentait que cette colère qu’il ressentait à l’égard de ceux qui lui avaient fait du tort ne relevait en rien de sa colère habituelle.

Comment donc pouvait-il affronter le regard des siens, quand il ne se reconnaissait déjà plus ?

Roy enfouissait tout cela au plus profond de lui, bien sûr. C’était seulement dans ses cauchemars, ou quand il restait inoccupé que ses tourments lui revenaient. Il n’avait pas le temps de s’y attarder. Il avait tellement plus urgent à régler. La Voie des Miracles était plus qu’à cran. Jamais elle n’avait été si désertée, et pourtant, aucun malfrat de la ville ne restait inactif. Pour le moment, c’était surtout à sa propre sécurité et à ses vengeances que chacun pensait, Roy n’y faisait pas exception. Travis l’informait juste la veille que les sharacks avaient mis sa tête à prix, forcément, c’était lui qui avait détourné leur plan, lui que l’on accusait à tort du meurtre de la femme d’un certain Andy McStay. Foutaises ! Heureusement, Roy n’était pas le seul à vouloir les voir disparaître. C’était à se chercher des associés qu’il travaillait en silence, autant pour sauver sa peau que pour obtenir celle de ce maudit gang. Les sharacks s’étaient fait trop d’ennemis ce soir-là. Ils n’étaient déjà pas très appréciés dans la Voie des Miracles, pour leur propension à la violence inutile, mais avec ce sale coup qui avait eu d’énormes répercussions sur leur marché, ils avaient signé leur arrêt de mort. L’attention toute entière des Aurors et du Ministère était braquée sur eux tous, à présent, aucun gang de Bristol ne comptait oublier que les Sharacks avaient été les premiers à allumer le feu. S’il fallait faire payer à quelqu’un la situation très inconfortable dans laquelle ils étaient tous, c’était bien aux sharacks.

La nuit commençait à tomber quand la sonnette de son appartement retentit. Roy n’attendait aucune visite, il venait de quitter Jayce, et il avait dit à Klemens d’éviter de venir le voir, pour le moment. Il saisit donc sa baguette, par précaution avant d’ouvrir la porte, mais heureusement, ce n’était que… Adrian. Hébété, il ne referma pas la porte, mais ne s’écarta pas non plus pour laisser entrer son petit frère. Il resta juste debout, à le fixer du regard, comme s’il cherchait à deviner à quoi il pensait. C’était si évident. Et pourtant, Roy posa tout de même la question.

« Bordel… soupira t-il, se pinçant l’arête du nez. Pourquoi t’es venu, Ad’ ? »

Il posa la question davantage pour lui exprimer un reproche qu’autre chose. Il savait très bien que si Adrian était là, c’était parce qu’il s’inquiétait, comme tous les autres et qu’il allait très certainement lui en faire aussi, des reproches. Mais Roy s’inquiétait également. Il s’inquiétait même énormément. Eden avait déjà été mêlée à ses histoires, il était hors de question que le prochain sur la liste soit l’un de ses frères. C’était sans doute un brin paranoïaque, mais ils le devenaient tous, à Bristol. Il n’aimait pas l’idée qu’Adrian soit venu jusque chez lui, il ne pouvait s’empêcher de penser qu’il avait pu être vu par des personnes qui voulaient sa peau.

Cette pensée réveilla Roy de sa position immobile. Il tira Adrian vers l’intérieur par le bras, et prit soin de refermer la porte derrière lui. Lorsqu’il se tourna vers son frère, son visage n’arborait aucun sourire ou expression malicieuse qu’il avait toujours envers lui.

« T’aurais pas dû venir ici. Si tu voulais me parler, tu pouvais m’envoyer un hibou, je serais venu chez toi. »


Roy Calder

Walking on the sunny side

KoalaVolant
Adrian Calder
Adrian CalderSa Majesté de l'humour
Messages : 132
Profil Académie Waverly
Et ce que tu devrais faire, c'est parler à ton frère [Adrian & Roy] Icon_minitimeLun 10 Nov 2014 - 19:09
Beaucoup de choses énervaient Adrian, les chats par exemple, ou les abeilles, quand son supermarché était à court de réglisse, quand il finissait tard et qu’il faisait froid quand il sortait de la boutique ou même quand il ne se passait rien de la journée et les gens, oh ça, beaucoup de gens l’énervaient, les touristes qui le prenaient pour un guide touristique, les gens qui venaient acheter des livres de cuisine, les gens malades qui passaient leur temps à se plaindre et son frère quand il se comportait en parfait abruti. Autant dire qu’il passait une bonne partie de son temps à être énervé. Aujourd’hui par exemple, la journée avait commencée avec un collègue malade, qui était quand même venu travailler, parce qu’évidement la magie est plus forte que le rhume, les porteurs sains sont un mythe et on ne vit vraiment en communauté qu’à partir du moment où l’on se transmet tout un tas de maladie pour s’assurer de l’évolution commune des systèmes immunitaires de la tribu, par la suite une vieille dame était venue, avec ses trois chats acheter un livre sur les plantes de jardin, Adrian lui aurait volontiers conseillé un livre sur les poisons naturels, mais son travail s’arrêtait à la surveillance, le conseil était hors juridiction. Il aurait pu supporter cette visite s’il n’y avait pas eu la bombe qu’elle avait lachée avant de partir « au fait, vous avez entendu ce qu’il se passe à Bristol ? J’imagine que c’est ce qu’il se passe quand on laisse les bandits se promener au milieu des honnêtes gens. » Toute la journée les informations étaient arrivées au goutte à goutte et même si certaines personnes s’étaient manifestement laissées abusées par un bouche à oreille ridicule, les parallèles avec le Bloody Sunday étaient trop nombreux pour être ignorés. Toute la journée il avait travaillé avec la même crampe à l’estomac qu’il avait eu en juin, cette étrange sensation d’être loin de tout et de ne réussir à vivre qu’à travers les dires des autres, son frère était à Bristol et il était tout à fait le genre d’individus à s’attirer des ennuis. Roy était probablement en danger et tout ce qu’il pouvait faire c’était de s’assurer qu’aucun livre ne sorte si aucun galion ne restait, il n’était pas certain d’avoir déjà détesté son travail, mais cette journée ça avait été le cas. À chaque nouveau client un frisson lui parcourait l’échine, à chaque fois que quelqu’un parlait de morts il ne pouvait s’empêcher d’imaginer le pire, Roy étendu quelque part, si même Harriss avait pu mourir dans ce genre de conditions, il ne donnait pas longtemps à son ainé.

Quand il finit enfin son service il avait les mains qui tremblaient sous l’effet du stress, lors du Bloody Sunday il avait passé la journée à se convaincre que personne de sa famille n’était dans les parages si bien qu’au soir, quand le bilan était tombé, il avait réussi à s’en persuader. Ce jour-là, il savait que Roy était au cœur de tout ça. Au moment de transplaner pour rentrer chez lui son œil capta son reflet dans le miroir de la salle de repos et la pâleur de son visage le fit reconsidérer cette idée et il se résigna à dormir au chaudron baveur. Il était tard lorsqu’il finit par émerger, pourtant la nuit avait été courte, il se pouvait s’empêcher de se retourner dans ses draps –qui n’étaient même pas les siens- en se posant les milles questions auxquelles il avait déjà été incapable de répondre plus tôt dans la journée, quand le sommeil avait finalement pris le dessus l’aube n’était plus loin. Ce qui le réveilla fut le bruit d’un hibou à la fenêtre, il venait de ses parents, Eden et Roy allaient bien, un moment il se senti coupable d’avoir complètement oublié la jeune femme la vieille, puis son regard se posa tristement sur la signature de sa mère à la fin de la lettre. Sa mère… il n’était pas certain de ce qui était le plus triste dans cette histoire, que cela ait été à elle de le rassurer sur la santé de Roy, ou le fait qu’elle ait su que cette tache lui incomberait. Après avoir rendu sa chambre il hésita longuement sur l’endroit où il devait se rendre, il avait envie d’aller voir son frère, il en avait besoin surtout, pourtant une part de lui n’arrivait pas à lui pardonner l’absence de mot et c’est finalement chez lui qu’il passa le reste de sa journée de repos.

Il lui fallut cinq jours pour pardonner Roy, cinq jours durant lesquels le silence de son ainé pesait sur le jeune garçon, était-il idiot au point de penser que personne ne s’inquièterait ? Ou trop fier pour admettre qu’il avait été en danger à un moment ou à un autre ? Dans les deux cas il méritait sa taille en baffes, pour une fois que sa taille était un atout. Ce n’est donc que le 26 qu’il vint frapper à la porte du taudis dans lequel il vivait. Adrian n’aimait pas les villes sorcières, c’était trop… magique, il vivait avec son temps et appréciait mille fois plus le style de vie des moldus. Le visage qui lui ouvrit la porte rappela à Adrian toutes les raisons qu’il avait de haïr son frère à l’heure actuelle, il ouvrit la bouche pour –poliment- expliquer la raison de sa présence, mais on ne lui en laissa pas le temps et le regard noir qu’il adressa au bras qui venait de l’agripper en disait long sur la conversation à venir.

« Envoyer un hiboux ? Putain, mais t’es con ou quoi ? » Signe de sa frustration son poing vint heurter le visage de Roy, c’était la première fois qu’il le frappait, peut-être pas la première fois qu’il le méritait, mais il s’était toujours interdit de passer à l’acte. Jusqu’à présent, la désinvolture avait ses limites, il voulait rejeter toute sa famille ? Qu’il le fasse, mais qu’il respecte également le fait que celle-ci continuait à tenir à lu. « J’aurais dû prendre rendez-vous aussi j’imagine ? Voir ta secrétaire ? C’est elle qui a oublié d’envoyer de tes nouvelles ? » Il marqua une légère pause et dépassa Roy, inspectant rapidement la pièce sans trop savoir ce qu’il cherchait, des traces de sang ? Elles auraient disparues depuis le temps. « Tu crois pas que t’aurais pu faire un effort ? Ok, t’en as rien à faire de nous, mais à ce point-là casse toi tout simplement. C’est ce que tu devrais faire, tu te casses loin, en Russie, va te mettre minable là-bas, coupe les ponts, ne nous dit plus rien sur où tu es, comme ça on arrêtera simplement de penser à toi. Ce sera BIEN MIEUX comme ça. » Sa voix tremblait légèrement, à vouloir plaire à tout le monde Adrian gardait souvent une bonne partie de ce qu’il pensait pour lui-même et c’était des années de ressentiment qui sortaient maintenant. « J’en ai ras le bol de m’inquiéter pour toi tu comprends ça ? À chaque fois que quelque chose arrive je me demande si tu vas finir crevé sur le trottoir et toi… toi tu fais ton abruti à deux galions, monsieur je suis trop bien pour tout le monde, j’ai plus de famille, je suis au-dessus de tout ça. T’es au-dessus de RIEN débile ! La seule chose que tu dépasses c’est la stupidité d’un Botruc ok ? Arrête d’être un connard ou alors… ou alors… » Sa voix se noua et ses bras s’enroulèrent autour du torse de Roy alors que quelques larmes perlaient au coin de ses yeux. « Putain, je t’aime tu comprends pas ça ou quoi ? »


red.gif blue.gif jaune.gif green.gif
That's what you do, innit? You protect your family.
Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
Messages : 2891
Profil Académie Waverly
Et ce que tu devrais faire, c'est parler à ton frère [Adrian & Roy] Icon_minitimeMar 11 Nov 2014 - 2:26
En dix sept années de sa vie, Roy en avait fait subir des choses, à son petit frère. Oh, pas autant qu’à Jason. Adrian avait même été plutôt gâté. Il tenait à peine sur ses petites jambes quand Roy était jeune étudiant à Poudlard, c’était l’âge où il pouvait lui faire des petits cadeaux pour se sentir un meilleur grand frère. Il n’avait jamais vraiment arrêté, d’ailleurs. Roy avait cette tendance à croire qu’il pouvait tout le temps éviter les sujets difficiles d’une pirouette habile, d’un sourire bien placé ou d’un cadeau tout prêt. Quand Adrian avait fait sa rentrée à Poudlard, Roy venait de faire la sienne dans la pègre de Bristol. Son petit frère avait vécu dans la bulle du château sans jamais tout savoir de ce qui se passait dehors, entre Roy et le reste de sa famille. Lorsqu’il rentrait, c’était les faux-semblants, Roy qui passait dans la maison familiale pour lui faire croire que tout allait bien. Adrian n’avait jamais été dupe, il avait fini par apprendre, comme tous les autres.

En vérité, Roy ne savait pas d’où son petit frère tirait la patience de continuer à le soutenir. A sa place, il se serait fait envoyer balader depuis longtemps. Il le laissait tellement souvent dans l’ignorance, parce qu’il ne voulait pas l’inquiéter, mais surtout, parce qu’il avait peur qu’Adrian change d’attitude avec lui en sachant trop de choses à son sujet. Que savait-il ? Rien, au fond. Seulement qu’il vendait des produits illégaux. Il ne savait pas pour quelle ordure il bossait, il ne savait pas les magouilles tordues qu’il devait imaginer pour s’en sortir tous les jours, la crasse humaine qu’il côtoyait dans la Voie, les cadavres qu’il voyait s’entasser sans ciller. Il ne savait pas qu’il avait tué, cinq jours plus tôt.

Oui, Roy avait bien élimé la patience de son frère, en dix-sept ans, mais jamais… Jamais Adrian ne l’avait frappé. Même quand il dépassait les bornes, cette limite-là n’avait jamais été franchie. Avec Jason, c’était différent. Combien de fois s’était-il roulé dans la boue avec lui, pour se battre comme des chiffonniers ? Ce n’était pas pareil, ils avaient presque le même âge, ils avaient grandi ensemble, connu les mêmes personnes, les mêmes histoires. Roy n’avait jamais levé la main sur Adrian, et vice versa. Ils avaient onze années d’écart, cela instaurait forcément une distance, un autre genre de rapport fraternel, celui qui serait débarrassé de toute forme de rivalité, qui existait entre Jason et lui.

Il accusa le coup, sans chercher à riposter, pas parce qu’il était surpris, mais parce qu’il n’avait pas la moindre envie de le faire. Il le méritait. Adrian aurait pu le rouer de coups, il l’aurait mérité. Il y avait des choses dont Roy n’était pas très fier, et son frère était précisément en train de les lui envoyer à la figure. Il savait qu’il était une source de souci constante pour sa famille, c’était précisément pour cesser de les inquiéter qu’il s’éloignait d’eux. Roy ne disait jamais rien de ce qu’il faisait, d’où il allait, d’avec qui il traînait, parce que non, ils n’avaient pas envie de savoir. Vraiment pas. Non, Roy n’était pas trop bien pour tout le monde, c’était bien le contraire. Ces derniers jours, il ne se reconnaissait même plus. Il était en train de devenir un homme au coeur noir que même sa mère ne reconnaîtrait pas. Il planifiait en ce moment-même des opérations qui allaient bien au-delà de filer trois pauvres sachets de mandragore au pauvre paumé du coin. Il avait tué un homme, et il ne comptait pas s’arrêter à un seul… Par Merlin, il était plongé jusqu’au cou dans cette guerre de gangs, parce qu’il y voyait des intérêts qu’il ne voulait pas laisser tomber, mais il ne pouvait décemment pas expliquer tout cela à son petit frère.

Quelle image allait-il renvoyer de lui ? Ne passait-il déjà pas assez pour le salaud de service ? N’avait-il pas déjà assez diminué dans l’estime de ses parents ? Adrian ne comprenait pas. Ce n’était pas sa fierté qui le retenait, pour une fois. Roy avait honte, trop honte. Cet incident du vingt-et-un septembre répercuté dans toute la presse, c’était comme si le monde entier l’avait pris la main dans le sac. Oui, il appartenait à un monde où l’on était prêt à tuer des innocents et piller des commerces honnêtes pour arriver à ses fins. Et il n’en était pas la victime, il en était l’acteur. Il n’avait pas envie que ses parents lui posent des questions sur son implication, cette nuit-là. Il s’était contenté de rester évasif, de les rassurer sur sa santé, et d’espérer vaguement qu’ils transmettraient l’information à ses frères et soeurs, parce que Roy ne voulait pas avoir de discussion sérieuse là-dessus. Il les fuyait, clairement.

Et il restait silencieux. Il sentait qu’il n’avait pas le droit de parole. Que pouvait-il dire à Adrian ? Il n’avait rien pour sa défense.

La dernière réaction de son frère acheva de l’ébranler. Adrian ne l’avait jamais frappé. Il ne lui avait jamais dit qu’il l’aimait non plus. Ce n’était pas des mots que l’on disait facilement, chez eux. Roy ne se souvenait pas l’avoir dit un jour d’ailleurs, à aucun de ses frères, ni même à ses parents. L’affection, c’était une affaire sensible, chez les Calder, elle transparaissait tout juste derrière les boutades, les engueulades, les étreintes un peu maladroites une fois par an, et c’était tout. Elle existait, pourtant, elle était forte, même. C’était bien parce que quelque chose d’indéfectible unissait leur famille que Roy n’avait toujours pas coupé les ponts, quand la plupart de ses confrères dans la Voie ne voyaient plus personne des leurs. C’était bien parce qu’il l’aimait, au fond, qu’il continuait de voir Jason, malgré tout ce qui les opposait. Et Irina ? C’était sa petite princesse ! Roy veillait toujours, même de loin, il était profondément fier de tout ce qu’elle faisait, de la médicomage talentueuse qu’elle devenait. Sa mère, c’était la même chose, il culpabilisait de l’inquiéter à chaque fois, il aurait voulu la serrer dans ses bras plus souvent qu’une fois, à Noël, simplement. Même son père, avec qui il n’avait jamais su nouer le moindre dialogue, Roy lui vouait un respect et une affection véritables. Adrian ? C’était son petit frère adoré, celui qu’il avait tellement peur de perdre ou de voir changer, qu’il instaurait volontairement une distance, pour le protéger.

Pour le dire, il y avait tout un monde à franchir. Roy était un beau parleur, un manipulateur et un tricheur. Il ne savait pas mettre ses véritables sentiments à nu. Il avait déjà essayé, pas plus tard que la veille, d’ailleurs, face à Juliana. Qu’en avait-il résulté ? Un cuisant échec, une déception énorme, qui creusait encore un gouffre de mal-être en lui. Adrian ne l’avait pas fait exprès, mais il était vraiment venu au mauvais moment. S’entendre dire ça, après avoir fait capoter tant d’autres choses… Allait-il perdre son petit frère, à une période où il perdait déjà tous ses repères, et où il avait même failli perdre la vie ? C’était trop. Roy sentit sa gorge se nouer, alors qu’il refermait ses bras autour des épaules d’Adrian, pour le serrer fort.

« Je… J’suis désolé, Ad’ »

Et il était sincère, tellement sincère, cette fois. Il était doublement désolé, parce que même avec tout ce qu’Adrian venait de lui dire, Roy ne pouvait pas lui donner ce qu’il voulait. Il ne pouvait pas lui parler de ses affaires, il ne pouvait pas lui dire qu’il était embarqué dans un conflit où il risquait sa peau, qu’il allait être amené dans les prochains jours à faire des trucs pas très propres et potentiellement dangereux. Il l’inquiéterait encore plus. Roy décida d’être plus honnête que d’habitude, néanmoins, parce qu’il avait compris qu’Adrian avait atteint sa limite de patience et qu’il avait besoin qu’il rompe le silence.

« T’as raison, je me suis comporté comme un crétin. Je n’en ai pas rien à faire de vous, c’est juste que… »

Il tenait à Adrian, il l’aimait aussi, plus fort que ce qu’il ne pourrait jamais dire. Roy leva les yeux, pour tenter d’endiguer ce qui menaçait de couler. Bizarrement, à ce moment-là, la personne à qui il pensa fut Jason. On pouvait lui reprocher plein de choses -son austérité et sa froideur, entre autres- mais il avait toujours été le sage de leur famille, celui qui distribuait des conseils raisonnables, parmi les têtes brûlées que pouvaient être les autres. Qu’aurait-il dit s’il avait été là ? Roy le connaissait tellement par coeur à force de s’être fritté avec lui… Il était certain que tout d’abord, il l’aurait regardé d’un air menaçant qui voulait dire « Fais souffrir Adrian et je te casse la gueule ». Bien. Ce n’était pas son intention, de toute manière. Il lui aurait sûrement reproché son incapacité à écraser sa fierté et dire ce qu’il ressentait vraiment. « Agis en grand frère responsable, pour une fois ! ». Une phrase qu’il aimait répéter sur un ton acide, car Jason avait l’impression -pas vraiment à tort- d’être le véritable aîné de la famille.

Pris d’un élan, Roy défit son étreinte sur son petit frère et s’écarta légèrement de lui. A cause de la façon dont il se voûtait et des larmes qui perlaient dans ses yeux, un instant, Roy eut l’impression de retourner des années en arrière, quand il dépassait encore Adrian de plusieurs têtes, qu’il pouvait le prendre par les épaules et se pencher vers lui pour lui dire des choses plus sérieuses que d’habitude.

« Ne crois pas que je me fiche de vous, enlève cette idée de ta tête, parce que c’est faux. Je vous aime tous et je ne veux pas qu’il vous arrive quelque chose. C’est compliqué ici, en ce moment, ok ? J’ai pas envie de vous entraîner dans mes problèmes. J’ai pas envie de vous inquiéter inutilement non plus. J’ai vu les parents dès le lendemain, je savais qu’ils allaient vous en parler, donc j’ai pas jugé utile d’en rajouter, j’allais bien. Si un jour ça va vraiment mal, je vous laisserai pas dans l’ignorance, je te le promets. Il lui donna une légère tape à l’épaule, avant que son expression rassurante ne se transforme en mine désolée. Je sais que ça te suffit pas que je te dise tout ça maintenant et que tu dois me détester de pas être venu te voir, mais… Pardonne-moi, Ad. S’il te plaît. T’es mon seul appui dans cette famille de fous. »

Il avait conclu sur un léger sourire un peu crispé, une fausse note d’humour pour ne pas rendre l’instant complètement dramatique, parce que c’était bien son genre ça, de refuser de prendre les choses trop au sérieux. Roy attira Adrian à lui dans une dernière brève étreinte, lui donna une dernière tape dans le dos, avant d’ajouter sur un ton plus léger :

« Et puis, t’inquiète pas, va. Tu sais, tu pourrais demander mon nom à n’importe qui dans la Voie, on te dirait que je suis le petit con qui s’en sort toujours. »


Roy Calder

Walking on the sunny side

KoalaVolant
Adrian Calder
Adrian CalderSa Majesté de l'humour
Messages : 132
Profil Académie Waverly
Et ce que tu devrais faire, c'est parler à ton frère [Adrian & Roy] Icon_minitimeLun 24 Nov 2014 - 21:11
Adrian ne put que lever les yeux au ciel en entendant son frère parler, il pensait beaucoup de choses à propos de ce qu’il venait d’entendre, principalement des trucs du genre «n’importe quoi », mais sa seule réaction visible fut celle-ci. Pourtant Roy méritait bien de se faire frapper une nouvelle fois, ce n’était peut-être pas sa volonté, mais encore une fois il se posait en victime de tout ce qui lui arrivait, de tout ce qu’il avait choisi qu’il lui arrive et s’en servait pour justifier un égoïsme à faire pâlir d’envie les plus libéraux des gobelins. Une fois l’étreinte coupée il alla se laisser tomber sur le canapé, les bras sur les jambes, la tête dans les mains et son ressentiment quelque part dans le coin. Il ne savait pas pourquoi il avait eu la soudaine envie de s’asseoir, il était bien plus simple d’avoir l’air énervé quand on marchait de long en large, s’arrêtant de temps en temps pour crier quelque chose. C’était peut-être parce qu’il était plus désespéré qu’énervé, désespéré qu’il ne comprenne pas ce qu’il se passait autour de lui, désespéré que son frère pense à ce point qu’il était seul, désespéré enfin parce qu’il savait que cette conversation allait être longue, très longue. D’autant plus qu’il ne semblait pas pressé de reprendre la parole, il profitait de ce répit pour trouver le meilleur angle d’approche, avec Roy on n’avait généralement le droit qu’à une seule chance, en l’état il avait réussi à ébrécher légèrement la coquille qu’il l’entourait et un mauvais départ lui serait peut-être pardonné, c’était tout. S’il voulait réussir à se faire comprendre un jour par son ainé, c’était bien aujourd’hui.

« Tu comprends pas, si ? » Il secoua la tête avec une mine dépitée. « C’est pas ton choix. » Sa voix était faible, comme si chaque mot lui coûtait, ce qui était le cas, s’il y avait une chose qu’il détestait c’était les disputes, il en avait trop vues pour vouloir les revivre, en venant ici ce soir il savait que cela allait arriver, mais il avait gardé, au fond de lui et de son pessimisme, le fébrile espoir que tout irait bien. « On est là et peu importe ce que tu peux penser, ce que tu fais c’est nos affaires, t’as pas l’choix. C’est comme… » Il marqua une pause, pas certain de ce qu’il voulait dire par la suite « c’est comme penser ce que fait un poursuiveur n’est pas l’histoire des batteurs. Ben quoi qu’il en soit s’il rate ses passes ça fait chier tout le monde. On est une équipe frérot, p’tet pas la meilleure, mais on est là pour ça, on est là pour veiller sur les autres. Tu peux dire tout ce que tu veux, mais tu peux pas nous, me mettre sur la touche parce que t’as pas envie que je me prenne un cognard, j’ai un balais aussi. » Il avait légèrement l’impression de s’être perdu dans sa métaphore et préféra retourner à des choses plus terre à terre. « Ne nous repousse pas parce que t’as peur pour nous, ou pour toute autre raison que tu caches là-dessous, t’es pas le seul à pouvoir t’occuper de toi… dois-je te rappeler que tu parles à un maitre des enchantements ? » Il avait ponctué sa dernière phrase en levant la tête vers Roy –lever façon de parler- avec un sourire qui voulait dire "Je te suis infiniment supérieur Royounet" mais qui ressemblait plus à un "Frappez-moi. Fort."


red.gif blue.gif jaune.gif green.gif
That's what you do, innit? You protect your family.
Contenu sponsorisé
Profil Académie Waverly
Et ce que tu devrais faire, c'est parler à ton frère [Adrian & Roy] Icon_minitime